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La participation des diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne à la vie politique nationale: émergence et consolidation de la citoyenneté à distance

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par Ruth Mireille Manga Edimo
Université Yaoundé II - DEA en science politique 2008
  

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A. Diaspora camerounaise et mouvement nationaliste au Cameroun

1. La constitution de la diaspora camerounaise d'Occident

Il n'est possible de faire une typologie politique des Camerounais résidant en France au cours des années 1950-1960 que sous forme d'esquisse. Les premiers étudiants boursiers envoyés par le Cameroun en ``métropole'' (1946-1947) ne furent pas beaucoup marqués par la montée de la lutte nationaliste car, l'UPC avait été créée le 10 avril 1948, après leur départ du Cameroun. Ce furent généralement des étudiants brillants parmi lesquels on compte l'un des tous premiers professeurs agrégés camerounais, Jean-Félix Loung, le premier centralien, Marcel Théodore Loung et l'un des premiers experts-comptables de notre pays, Simon Ernest Nguiamba N.68(*) Bien que secrètement patriotes et tous trois influencés par le passage du Dr Félix Moumié à Lolodorf, ces trois Camerounais n'eurent pas d'activité politique en France. Hilaire Mindja Ndjolè, autre cadre de cette même promotion, avait quant à lui une activité militante ouverte. Ingénieur géologue de formation, il a terminé ses études en Tchécoslovaquie et a encadré, dans la clandestinité, plusieurs cadres de l'UPC comme collaborateur de la direction du parti. Entre 1950-1955, l'envoi des boursiers camerounais en France pour poursuivre leurs études supérieures devint plus fréquent. Par ailleurs, des parents fortunés envoyaient aussi leurs progénitures faire des études secondaires.

A partir des années 1950, il y eut aussi un certain nombre de fonctionnaires-étudiants et de stagiaires, pour la plupart des ``clients politiques'' du Dr Aujoulat. Ce ne fut cependant pas le cas du Dr Bebey Eyidi qui n'en était pas un ; il peut être classé parmi ces fonctionnaires étudiants car, en 1950, il avait obtenu une bourse d'études au titre d'anciens combattant, engagé dans les Forces Françaises Libres. C'est dans ce cadre qu'il avait obtenu son doctorat en médecine. Après lui, les fonctionnaires-étudiants se caractérisèrent principalement par une certaine servilité vis-à-vis du colonisateur. Dès 1955-1956, le Cameroun envoya surtout des bacheliers comme boursiers en France. L'UPC obtint plus facilement l'adhésion de nombre d'entre eux, du fait que leur militantisme était déjà amorcé au Cameroun. Aux approches de l'indépendance, des éléments manipulés par le pouvoir colonial devinrent de plus en plus nombreux parmi les étudiants boursiers camerounais. Il en était de même pour les fonctionnaires-étudiants, ``clients politiques'' des colons français au Cameroun. Quelques Camerounais arrivaient en France par leurs propres moyens, à l'aventure. Ils s'efforçaient ensuite à trouver du travail et à faire des études69(*). C'est dire une fois de plus que la diaspora était majoritairement constituée d'étudiants.

2. L'Union Nationale des étudiants du Kamerun (UNEK) et le National Union of Kamerun Students (NUKS)

Au terme d'une décision de l'Assemblée Représentative du Cameroun (ARCAM) datée du 1er semestre 1947, des jeunes camerounais allaient désormais être envoyés en France comme boursiers, pour poursuivre leurs études. Ils étaient répartis en deux catégories : d'une part, les très jeunes qui sortaient du cours moyen deuxième année d'une école primaire. Ils étaient admis en classe de sixième d'un établissement secondaire en France ; d'autre part, les autres déjà majeurs qui allaient en métropole pour subir un perfectionnement de six mois maximum et devaient être intégrés dans l'administration coloniale française au Cameroun.69(*)

L'idée de se regrouper est née du besoin ressenti de réfléchir ensemble aux problèmes de leur séjour à l'étranger et de ``revivre'' certaines de leurs coutumes du pays. Cette volonté commune s'est d'abord concrétisée par une réunion tenue dans un hôtel parisien ayant pour but de « mieux se connaître et fonder une communauté fraternelle ». C'est donc au terme des échanges de vues qu'a été mise sur pied une association dénommée Association des étudiants camerounais de France, (AECF), dont le tout premier président fut le Dr Bebey Eyidi. Cette association allait jouer un rôle important dans la lutte du peuple camerounais pour l'Indépendance et la Réunification70(*).

L'AECF mena des activités diverses dont les plus importantes consistèrent à défendre les dossiers de demandes de bourses ou d'allocations d'études adressées par les étudiants et élèves camerounais au ministère des Colonies ou de la France d'Outre-Mer. L'AECF poursuivit ses activités dans ce sens sans se laisser influencer par le réveil politique qui secouait les colonies françaises sous l'influence du Rassemblement Démocratique Africain.

Au cours d'une de ses assemblées générales tenue en juillet-août 1951, au camp de vacances de Saint-Germain en Laye dans la banlieue parisienne, les étudiants camerounais en France se sont rapprochés de leurs compatriotes qui étudiaient dans les établissements du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord et engagèrent un débat sur ``le maintien ou la suppression de la lettre F'' dans le sigle de l'Association. Ceci a permis au comité directeur de prendre contact avec les étudiants camerounais du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord en vue de la création d'une organisation commune d'étudiants camerounais. La longue marche vers l'unité des étudiants aboutira en 1958, sous la présidence de Vroumsia Tchinaye71(*).

L'UNEK ou NUKS ont connu des fortunes diverses, suivant qu'elles étaient trop « anti » ou trop « pro » gouvernementale. Du temps du colonialisme pur jusqu'à la loi-cadre, l'AEC avait connu une certaine unité, sinon une unité certaine, malgré quelques avatars. En effet, l'AEC fut secouée par deux tendances : celle de ceux qui affirmaient que l'association étant syndicale, ne devait pas faire la politique et les autres, tout en reconnaissant la priorité syndicale de l'Association, défendaient le point de vue selon lequel les refus ou les suppressions de bourses étaient des mesures politiques. Ils soutenaient par ailleurs que les étudiants dont les écoles et les collèges étaient au Cameroun et les bourses en dehors du Cameroun ne « sauraient se placer à l'écart de la lutte du peuple camerounais pour l'indépendance et l'unification »72(*).

A partir de 1955-1956, l'on vit de plus en plus entrer sur la scène politique les Camerounais eux-mêmes. Ce fut un coup fatal pour la vie de l'AEC qui dût subir les contre-coups de la politique de Yaoundé73(*). Bien plus, lors de la confrontation électorale des deux grands leaders de l'heure sur la scène politique camerounaise, Paul Soppo Priso et André-Marie Mbida, l'on a pu voir se remuer les jeunes Camerounais de l'Occident tout en créant des scissions. En 1956, la vie de l'AEC allait connaître d'importantes luttes d'influence et des tendances qui déchiraient les hommes politiques du Cameroun. Les deux seuls grands leaders lors de l'installation des nouvelles institutions issues de la loi-cadre étaient Mbida et Soppo Priso. Ce dernier, président sortant de l'ARCAM qui était alors une assemblée purement administrative et qu'il avait dissoute, afin de procéder à l'élection d'une assemblée politique, venait de participer, en collaboration avec le haut-commissaire, aux mesures nécessaires pour la mise en place des nouvelles institutions. Quant à Mbida, il était encore couvert du prestige résultant de sa victoire sur le Dr Aujoulat aux élections législatives du 2 janvier 195674(*).

André-Marie Mbida était devenu Premier ministre, Soppo-Priso se cantonna dans l' « opposition légale » : il fallait l'un ou l'autre. Or cette alternative fut une fois de plus fatale à l'unité de l'AEC. A Paris, au cours d'une séance tumultueuse, deux camps se formèrent au sein de l'AEC : les partisans de Soppo Priso opposés aux partisans de Mbida. Lors de la campagne électorale de décembre 1956, Soppo Priso, dans son mouvement d'Union nationale, avait prêché la réconciliation avec l'UPC, alors que Mbida, devenu chef du gouvernement, avait plutôt tendance à suivre vis-à-vis de l'UPC, la même ligne politique que la puissance administrante. D'où l'éclatement de l'AEC : une faction devint le Regroupement des étudiants camerounais (REC) et l'autre fraction l'UNEK75(*).

Aussi, à partir de 1955, des contacts plus sérieux ont pu s'établir entre les Camerounais de France et ceux de Grande-Bretagne. Cette même année, une délégation de l'AEC composée de Balla Benoît, alors président de l'AEC, et d'Eyinga Mvelé Abel, membre actif de la même association, s'est rendue à Londres pour établir le premier contact avec les Camerounais de Londres. Et, c'est au cours de l'Assemblée générale des étudiants camerounais de France, de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord que fut institué le sigle UNEK ou NUKS pour symboliser la réunification du pays « comme le colonisateur allemand avait imaginé »76(*). Cette assemblée de Londres fut marquée par un évènement capital : le problème de l'unité du pays. C'est donc l'UNEK qui allait ardemment soutenir l'action nationaliste au Cameroun tout au long des années 1950, et 1960.

* 68 Daniel Abwa (2005), Woungly-Massaga alias Commandant Kissamba, » Cameroun : ma part de vérité'' Eds Minsi, PP. 42-44

70 Ibid.

* 69 P. Nkwengué (2005), L'UNEK ou La Contribution d'Africains à l'Emancipation du Continent, Paris, L'Harmattan, P. 41

* 70 D'après un témoin de l'histoire, Pierre Nkwengué, enseignant retraité à Douala.

* 71 Pierre Nkwengué, op.cit., P. 42

* 72 Pierre Nkwengué, op.cit., P.43

* 73 Lire J-M. Zang-Atangana (1989), Les forces politiques au Cameroun (tome3), Paris, L'Harmattan, P.178

* 74 Ibid.

* 75 Il faut noter que l'UNEK était dirigée par les syndicalistes tandis que le REC était dirigé par les corporatistes.

* 76 P. Nkwengué, op.cit.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo