La participation des diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne à la vie politique nationale: émergence et consolidation de la citoyenneté à distance( Télécharger le fichier original )par Ruth Mireille Manga Edimo Université Yaoundé II - DEA en science politique 2008 |
Paragraphe 2 : Les Camerounais de la diaspora, acteurs à part entière et entièrement à part de la vie politique nationaleA. Les Camerounais de la diaspora comme acteurs à part entière
L'hypothèse que nous avançons dans cette partie est celle de l'incorporation idéologique et virtuelle des diasporiques camerounais de France et de Grande-Bretagne dans le champ politique national. 1. Les modalités d'incorporation idéologique et de marquage de la vie politique nationale par les diasporas camerounaises Les diasporas camerounaises militantes de France et de Grande-Bretagne peuvent être considérées comme des acteurs à part entière de la vie politique nationale car, les groupes et mouvements politiques étudiés plus haut, sont chacun, porteurs d'idéologies politiques claires. Ces idéologies fondent l'identité politique de chaque groupe. Les mouvements et groupes politiques des Camerounais de la diaspora sont manifestes dans des sections de partis politiques camerounais représentés à l'étranger. On note une participation partisane intense en accordéon avec les militants de l'intérieur. Celle-ci se caractérise par de constantes relations avec le parti en question (RDPC, SDF), des élus du parti, l'implication même à distance dans les campagnes électorales, et des activités militantes. Il faut également ajouter que les critères d'adhésion sont respectés par les membres et acteurs politiques des diasporas. Les cotisations sont régulièrement payées. En effet, la plupart des critères appliqués au plan national sont également appliqués au plan externe. Tout comme pour ceux représentés à l'intérieur, la propagande est la principale arme des partis et mouvements politiques camerounais représentés à l'étranger154(*), la mise en place et l'exécution des programmes des partis par leurs membres. En effet, les militants des partis politiques de la diaspora camerounaise sont généralement des relais de la section « affaires étrangères » des partis concernés. Ceci leur donne une grosse part de responsabilité dans la vente de l'image du parti, qu'il soit de l'opposition ou de la majorité présidentielle. Par ailleurs, la vulgarisation de l'image du parti passe par la défense même de son idéologie qui peut, selon le dictionnaire Larousse, être considérée comme un «ensemble plus ou moins systématisé de croyances, d'idées, de doctrines influant sur le comportement individuel ou collectif ». Chaque mouvement politique des Camerounais de la diaspora sait où il va et ce qu'il recherche. Les objectifs, comme pour tout acteur politique, sont déterminés à l'avance et les actions menées dans le sens du but à atteindre. Cependant, la manière dont les différences sont mobilisées dans un processus qui conduit à aboutir à l'identité d'un groupe est particulière. L'identité n'est pas figée, elle fait flèche de tout bois, usant parfois d'éléments relevant d'autres cultures155(*). 2. Les modalités d'incorporation virtuelle des diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne dans la vie politique nationale C'est l'idée même de la participation politique virtuelle des Camerounais de l'étranger. Celle-ci participe du processus de « démarginalisation »156(*) des diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne en tant qu'acteurs politiques. Elle montre leur implication ou inféodation dans la scène politique virtuelle. En effet, la mobilité virtuelle a ouvert de nouvelles voies de rencontres politiques : ce qui confirme l'idée de A. Appadurai selon laquelle : « la mondialisation a un impact considérable et direct sur les structures politiques et la vie culturelle des groupes humains »157(*). L'extraordinaire développement de la communication de masse, avec les images qui peuvent transiter d'un bout à l'autre a donné un rôle inédit aux diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne, qui ont réussi à s'imposer dans le « combat des idées »158(*). C'est ainsi que pendant la période électorale en 2004, l'on a pu voir pas mal de sites investis par une prépondérance de commentaires (entre critique et soutien) de la part des Camerounais de France et de Grande-Bretagne. Internet permet d'accélérer la constitution de réseaux à une vitesse exponentielle. On peut se rendre compte de l'existence de véritables « communautés virtuelles »159(*). On ne compte plus les sites sur lesquels les diasporas s'expriment. Dans cet espace virtuel, les membres dispersés se rassemblent. Ce sont des réunions qui ont souvent une base nationale, voire étatique- quand les pays d'origine maintiennent les relations avec leurs ressortissants lointains. Ils valorisent la culture d'origine, discutent des sujets d'actualité nationale, échangent les points de vue sur les questions les plus poignantes concernant l'avenir du pays. Grâce à la mondialisation des échanges, il existe aujourd'hui « un double réseau de relations ''latérales'' dont le premier se développe comme dans le passé à l'intérieur de la diaspora, mais le second s'étend à l'ensemble des pays du monde »160(*). La diaspora s'inscrit désormais dans ce que Tambiah propose d'appeler un réseau transnational global161(*). Des Camerounais de l'étranger réussissent à s'intégrer dans des débats nationaux à partir des sites Web, soit en réaction des articles publiés, soit en réaction des comportements des acteurs politiques. A titre d'illustration, nous avons pu recenser un certain nombre de sites Internet qui sont des espaces de forum de discussion de la diaspora camerounaise. Il s'agit de : -http://www.camerounimage.org Ce site est dédié à l'information et à la culture camerounaise en vidéo, et axé sur les activités de la diaspora camerounaise à Paris. -http://www.cambs.de Ce site est un portail des étudiants camerounais en Allemagne : vivre et étudier en Allemagne -http://www.camer.be Le site est une revue de presses nationales et internationales concernant le Cameroun. Les informations sont diffusées en français. -http://www. cameroonnews.com C'est un portail camerounais d'informations diffusées en anglais. -http://www.icicemac.com De source canadienne, cet espace Web apparaît comme un lieu privilégié des forums de discussion des diasporas camerounaises. -http://www.djangui.com C'est un site camerounais d'information qui a pour slogan ''informer les Camerounais par les Camerounais et pour les Camerounais à travers le monde''. -http://www.sofibabe.net Ce site Web est celui de l'association des ressortissants `babimbi' résidant en France. C'est dire que la constitution des réseaux cosmopolites camerounais ne se fait pas seulement en référence à l'état d'origine mais également à la tribu. La liste de sites Web énumérés ci-dessus appartient à un ensemble plus vaste qui contribue sans doute à la construction d'un ''réseau transnational global'' et au cosmopolitisme des Camerounais de l'étranger. Et ceci contribue à la particularité de ces acteurs de la vie politique nationale camerounaise, considérés comme à ''part''. B. Les diasporas camerounaises comme acteurs entièrement à part
Les membres de la diaspora camerounaise militent dans des partis et mouvements politiques, mais ne votent pas. Ils ne sont pas non plus, candidats aux élections. Pourtant, la mobilisation extérieure est forte, et parfois même, bien plus forte que celle interne. Leur mobilisation politique est moins bien occasionnelle que celle des Camerounais de l'intérieur162(*). Constamment à l'écoute des nouvelles en provenance du pays, ils n'hésitent pas à réagir et à soutenir les compatriotes de l'intérieur dès qu'une occasion se présente. C'est généralement des déclarations collectives sur les sites web, des mobilisations spéciales à l'occasion de la célébration d'une journée internationale, de l'arrivée sur place des autorités politiques ou administratives camerounaises. Contrairement aux acteurs politiques ordinaires résidant sur le territoire national, d'abord des électeurs et dont la participation politique se limite généralement à des comportements électoraux, ils sont conquis d'abord pour leurs voix, tandis que les autres, (les Camerounais de l'extérieur) sont conquis pour une adhésion à une certaine idéologie. A l'extérieur, il s'agit beaucoup plus d'un combat des idées dans un espace virtuel. La spécificité politique des mouvements de la diaspora camerounaise de l'Occident en général, de la France et la Grande-Bretagne en particulier, est également due au fait que leur influence est limitée. Leur participation politique sur le plan institutionnelle est essentiellement passive. Il y a en réalité, un problème de faisabilité matérielle. 1. Originalité des moyens déployés L'emprunt des sites Internet ( www.rdpc.fr, www.sdf.party, www.cameroon-info.net, www.cameroon21.com), et des voies non conventionnelles (mobilisations, marches, manifestations, articles d'opinion etc.) par les Camerounais de France et de Grande-Bretagne pour s'intégrer dans le débat politique national rend inédite leur participation politique. En effet, celle-ci se pose en termes tout à fait singuliers. Il s'agit d'une population a priori exclue qui réussit à investir l'espace politique national. Leur « participation politique qui emprunte rarement les trajectoires légales ou celle des structures ou cadres conventionnels, opère par contournement des cadres agrées »163(*). Ces pratiques des Camerounais de la diaspora dans leur rapport à l'Etat et à la vie politique nationale et la récurrence de leurs activités transnationales sont une mise en exergue du rapport entre l'Etat et ses nationaux de l'étranger. C'est innovant dans la mesure où les sites Web investis par les diasporas camerounaises laissent observer la naissance de véritables communautés politiques virtuelles. Celles-ci, en transnationalisant la vie politique interne camerounaise, remettent considérablement en cause les formes classiques de localisme ancrées sur le territoire dans le cadre de l'Etat-Nation. 2. Affrontements virtuels directs Les migrations d'une part, les flux médiatiques d'autre part, ont bouleversé l'ordre régnant jusqu'alors. Cette situation, comme le note A.Appadurai, « tend à donner un rôle inédit à l'imagination. Non que les sociétés n'aient abondamment, dans leurs productions mythologiques, littéraires ou artistiques, fait appel à cette faculté. Mais désormais l'imagination n'est plus cantonnée à certains domaines d'expression spécifiques. Elle investit les pratiques quotidiennes, notamment dans les situations migratoires où les sujets sont obligés de s'inventer dans l'exil un monde à eux, en usant de toute sorte d'image que les médias mettent à leur disposition »164(*). En effet les migrants camerounais transforment les sites Web en forum de discussion, à titre individuel ou collectif. C'est ainsi que face à la déclaration final du CODE découlant du colloque organisé les 14 et 15 mai 2005 à Paris165(*), des Camerounais d'ici et d'ailleurs (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne, etc.) n'ont pas manqué de réagir. Voici en dessous quelques réactions individuelles de Camerounais d'ici et de l'étranger par rapport à la publication d'un article*.
Le document a été publié tel que tiré du site Web www.cameroon-info.net, le 22 mai 2006. * 154 Voir le Président de la République distribuer des euros lorsqu'il arrive à Paris, ou Mme F. Fogning distribuer des pagnes RDPC ne peut qu'apparaître comme un signal fort. * 155 Arjun Appadurai, op.cit., P.13 * 156 Blaise Nkene (2001), « Les étrangers, acteurs de la vie politique camerounaise : l'expérience des immigrés nigérians dans la ville de Douala » in Polis/R.C.S.P./C.P.S.R., Vol.8, numéro spécial, P.4 * 157 Arjun Appadurai (1996), op.cit., P.7 * 158 Ibid. * 159 Voir le numéro que la revue Hommes et migrations a consacré à ce sujet, n°1240, novembre-décembre 2002 * 160 Chantal Borne-Benayoun et Dominique Schnapper (2006), Diasporas et Nations, Paris, Odile Jacob, P.128 * 161 Stanley J. Tambiah (2000), «Transnational movements, Diaspora and Multiple Modernities. International Movements of people and their Implications» Daedalus, P.170 * 162 Les Camerounais de l'intérieur se mobilisent le plus souvent pendant les périodes électorales; tandis que pour ceux de l'extérieur, la mobilisation est visible en temps d'actualité forte ou très sensible. * 163 Blaise Nkene, op.cit., P.20 * 164 A. Appadurai, op.cit., P.9 * *Ces réactions ont été publiées telle que tirées du site Web : http://www.cameroon-info.net |
|