I. INTRODUCTION
1. Introduction au mémoire de DEA
Le mémoire de diplôme d'études
approfondies que nous présentons se compose de plusieurs pièces.
L'introduction à la thèse en constitue la première
partie. A la suite, nous donnerons le plan détaillé. La
troisième partie concernera les résumés des deux
séminaires. Les exposés aux différents séminaires
seront présentés dans la partie suivante. La bibliographie
commentée, résumés des articles et des oeuvres lues, fera
l'objet du cinquième point. L'avant dernière partie
présentera un extrait du corpus collecté, transcrit et traduit.
En dernier point, nous donnerons la bibliographie générale, les
documents lus et/ou consultés et à consulter pour la
thèse.
2. Introduction à la thèse
Depuis plusieurs décennies, les recherches,
études et travaux consacrés à la littérature
africaine orale ne cesse de s'élargir. Cet intérêt pour
l'oralité, à l'heure de l'explosion des technologies de
l'information et de la communication, semble à première vue
contradictoire.
Mais, si l'on sait la prégnance que l'oralité
exerce sur notre quotidien, on ne peut s'étonner aujourd'hui qu'elle
soit l'un des domaines les plus investis.
Cependant, l'ampleur des travaux ne doit pas cacher la vaste
production orale africaine peu exploitée et les domaines qui restent
encore inexplorés. Parmi ces domaines de l'oralité qui ne sont
pas assez explorés, nous avons le chant en tant que poésie
traditionnelle. C'est là la première motivation qui nous a
conduit à nous pencher sur la production du Cercle de la jeunesse de
Louga enraciné dans une longue tradition orale du groupe wolof.
S'inspirant de la culture folklorique héritée des brassages, la
troupe de Louga a su garder une tradition faite d'oralité se
déployant à travers le chant, la danse, la musique, le
théâtre, etc. Bref plusieurs "sous genres" se côtoient dans
son riche répertoire.
Par ailleurs, l'actualité des textes du Cercle est
également un élément qui a favorisé notre option.
En effet, les thèmes développés rappellent fortement le
quotidien du groupe wolof de sorte que les auditeurs des contrées les
plus éloignées continuent à manifestaient leur
adhésion à la création du Cercle.
En dernier lieu, la renommée internationale du
Cercle, son palmarès et le caractère "pérenne" de sa
création ont fini de conforter notre choix. Il faut noter que le
Cercle a acquis une audience très populaire au niveau national, son
action va beaucoup peser sur le théâtre sénégalais.
De 1958 à 1967, elle est victorieuse de toutes les compétitions
de théâtre amateur organisées au Sénégal. Le
Cercle finit par être admis dans ces compétitions comme
invité d'honneur pour en rehausser l'éclat.
En 1962, le Cercle de la jeunesse ira représenter le
Sénégal au Festival de la jeunesse et des étudiants
organisé à Helsinki, en Finlande. La Troupe est choisie pour
représenter l'Afrique au « ballet des cinq
continents » organisé à la clôture de cette
manifestation.
En 1966 à Narbonne, en France, elle représente
le Sénégal au festival des Maisons de jeunes et de la culture.
En 1973, la troupe avait été choisie pour
représenter une fois encore l'Afrique aux premiers jeux Afro-Latino-
Américains organisés à Guadalajara au Mexique. A cette
occasion, la troupe fut invitée par le Président mexicain de
l'époque à séjourner dans le pays pendant un mois.
En 1974, elle va défendre les couleurs du
Sénégal au Festival des Pyrénées organisé
à Oloron Sainte-Marie en France. Le Cercle s'est ainsi forgé une
expérience sur la scène internationale et continue de
séduire son public. Sa dernière grande tournée date de
1981. Elle l'a menée en France, en Angleterre, en Italie, en Allemagne
et en Suisse. En Pologne, ils ont remporté la coupe de l'Arche de
Solidarité organisée par le syndicat
« Solidarnos ». Avec cette renommée, le festival
international de folkrore de Louga a vu le jour. Après deux
éditions qui rassemblèrent le monde artistique dans la capitale
du Ndiambour, le financement de cette manifestation commençait à
faire défaut. La rencontre s'est très vite mise en veilleuse.
Dans la même foulée, le Cercle va se jumeler
à la troupe Nationale Drama de Banjul (Gambie), à la
bourrée Gannatoise, près de Clermont - Ferrant et Vichy, au
groupe Diamoney Tay de Dakar.
Malgré le caractère moderne qu'a pris le
théâtre africain, le Cercle a pu faire de ses spectacles le reflet
du vécu wolof. Le mode de ses représentations épouse
parfaitement le quotidien des populations paysannes rythmé de chants et
de danses. Ces représentations conduisent ainsi le spectateur en plein
Cayor pour vivre et pour goûter aux délices des chants et danses
qui accompagnent la vie de tous les jours, dans un rythme endiablé et
ensorcelant soutenu par un orchestre de tam- tam.
Aujourd'hui, plusieurs troupes sont sorties des flancs du
Cercle. Le festival populaire de folflore et de percussions de Louga (FESPOP)
qui se tient au mois de décembre de chaque année continue cette
tradition.
Pour notre part, c'est l'occasion d'essayer de
réparer l'ostracisme dont les ténors du Ndiambour sont victimes.
Malgré le rayonnement qu'ils ont donné à la culture locale
et nationale, leurs efforts restent inconnus et risquent de tomber dans
l'oubli. Ces différents paramètres justifient le choix que nous
portons sur les chants du Cercle.
PROBLÉMATIQUE
Au coeur de notre préoccupation figure le lien entre
la parole proférée et son impact sur la vie de l'individu dans
une société d'oralité et particulièrement du chant.
Chanter, fredonner un air ne va pas sans un texte créé ou repris.
Ces chants jalonnent le quotidien du wolof et l'accompagnent dans toutes ces
activités. De là, le message qui s'y dégage ne saurait
passer sous silence les préoccupations, explicites ou implicites, du
groupe en question. L'analyse de notre corpus tentera de se focaliser sur les
chants ponctuant les événements les plus marquants dans la vie du
groupe wolof et particulièrement du Ndiambour adossé à une
civilisation paysanne. De manière concomitante, nous soulèverons
tous les procédés qui valorisent et en même temps
favorisent les fonctions du discours oral en tant que véhicule des lois
tacites, un code de conduite diffus régissant aussi bien la vie publique
et privée des sociétés traditionnelles voire modernes.
CORPUS AVEC TOUTES LES INFORMATIONS
Notre corpus est essentiellement constitué de textes du
Cercle de la jeunesse et d'une dizaine composée par Mademba Diop dit
Masse, membre fondateur du Cercle de la jeunesse de Louga. Ils s'inspirent de
la tradition et relatent les activités qui jalonnent la journée
des ruraux.
Les recherches entamées avaient fini de montrer qu'il
existait un mince espoir de tomber sur un répertoire du Cercle
transcrit. A Louga, les responsables de la troupe rencontrés travaillent
de manière informelle. Finalement, c'est aux Archives de la RTS que
nous avions eu notre premier recueil, sous forme de cassettes audio. Un
travail d'écoute et de transcription s'est effectué afin de
disposer de corpus, passage obligé pour ce type de travail. Les textes
recueillis ont été améliorés avec la
collaboration quelques membres fondateurs du Cercle, surtout en ce qui concerne
leur mise en forme.
Cette étape achevée, les textes transcrits en
wolof ont été soumis à l'expertise de deux consultants,
l'un à la fédération des organisations non
gouvernementales (FONGS) et l'autre chargé d'alphabétisation
à la Chambre de Métiers de Louga.
Disposant ainsi de répertoire fiable, nous nous sommes
attelé à la traduction, tout en essayant de garder un niveau de
langue familier. L'exploitation des données a suivi la démarche
classique d'étude de texte. Tous les indices relevés ont
été sériés et ensuite interprétés.
Adopter le chant sur scène, en guise de spectacle,
nécessite une certaine théâtralisation pour en rehausser la
performance. Pour ce faire, les chants populaires sont adoptés et
réajustés parfois. Nous rencontrons ici des chants pour lesquels
tout le texte a été écrit par un contemporain.
On ne perdra pas de vue que les chants n'obéissent pas
tous à une même représentation scénique. Nous avons,
soit des ballets, soit des choeurs soit les deux à la fois ou encore une
scène folklorique.
Pour le ballet, il s'agit principalement de danses
chorégraphiques, avec des mouvements d'ensemble, accompagnées de
chant.
Dans les choeurs, il s'agit d'un groupe de personnes qui
chantent ensemble. Il déclame sur un même rythme et un même
air tout le chant. Parfois il y a un coryphée qui chante seul et le
choeur répond. Il peut aussi prendre une troisième forme.
Là il s'agit de deux groupes. L'un est composé de femmes et
l'autre d'hommes. Les uns chantent et les autres répondent. Les voix
sont croisées.
La scène folklorique, quant à elle, correspond
à une scène authentique où il n'y a pas de mouvement
d'ensemble. Le naturel est plus présent. C'est d'ailleurs ce qui est
recherché.
La mise en scène varie suivant la forme de la
représentation. Pour les choeurs, avant l'ouverture des rideaux, les
chanteurs sont en place (filles et garçons), sur deux rangs, en forme de
demi-cercle. Pour donner du rythme, ils balancent le corps de gauche à
droite.
La forme peut changer et le nombre agrandi selon la
signification à donner au chant. Par exemple, dans
« Ngembuleen » (« retroussez vos
manches »), le choeur est disposé sur trois rangs en escalier
et habillé de la même couleur par rangée (vert jaune et
rouge). La batterie est souvent derrière, elle n'apparaît pas
souvent lors des choeurs.
Pour les ballets la représentation peut se faire de
deux sortes :
-la batterie est sur scène avec les chanteurs. Ils
débutent le chant. Les acteurs sortent des coulisses en rang en dansant
avec des mouvements d'ensemble. La rangée des filles et celle des
garçons se croisent exécutant des danses deux à deux. Ils
dansent tout en chantant ;
-toujours dans le ballet, la batterie et les chanteurs sont
sur scène. Les exécutants sortent de l'assistance en petits
groupes ou un à un. Cette forme participe de la
théâtralisation du spectacle.
Dans la scène folklorique, tout le monde est sur
scène avant l'ouverture des rideaux. On danse et on chante ensemble.
Tout se passe comme si l'improvisation y dominait mais en fait, il s'agit d'une
«improvisation organisée ». S'il arrivait que quelqu'un
oublie de prendre la parole, un chanteur plus attentif peut le suppléer
sans qu'on s'en rende compte.
Mais la nouvelle version adoptée est ballet plus
choeur. Pendant que le choeur est au fond en chantant, les danseurs entrent par
les côtés, toujours en rang. Le nombre d'acteurs ne
dépassent pas 12 en général : 6 garçons et 6
filles pour les danseurs. Le reste de la troupe est derrière les griots.
Le décor reste simple. En général, on a une case avec un
grand arbre qui représente le tableau de fond. On essaie d'être
plus près de la réalité.
Les costumes sont coupés suivant le modèle
traditionnel. Ce déguisement varie selon le chant déclamé.
Dans les ballets, les instruments sont authentiques. La danse
chorégraphique se fait avec des instruments à la main. Les
danseurs miment des actions qui traduisent le sens des chants. Les outils sont
des herminettes, des hilaires, des soufflets...
METHOLOGIE
Dans notre démarche, nous comptons partir du contexte
sociohistorique du groupe wolof où les chants ont vu le jour. Les
mutations qui se sont opérées au sein de cette
collectivité replaceront la performance dans un contexte plus apte
à rendre compte de l'utilité des chants. L'apport des
théories sur la performance servira à cerner le genre dans son
contexte.
La stylistique, participant au « bien
dire », explorera les ressources langagières qui servent de
support pour la pérennisation des messages entendus. Cette étude
utilisera la plupart du temps les outils classiques d'analyse de textes. Mais
toutefois, on fera recours aux méthodes rencontrées dans quelques
textes consultés. Le fil conducteur a privilégié les
multiples événements relatés dans le corpus. Ils
renvoient, en grande partie, au quotidien de la vie paysanne et au cycle
saisonnier et calendaire de la vie de groupe. D'ailleurs, la thématique
tourne autour de ces aspects. L'étude des textes s'est surtout
focalisée sur « l'esthétique de
l'oralité ».
ETATS DES LIEUX
Plusieurs travaux ont été consacrés
à la production orale wolof dans le domaine universitaire. Le plus
souvent les thèses et travaux investissent cette tradition sous sa forme
musicale moderne. La collecte concerne rarement le chant car les récits
(contes, épopées, légendes, etc.) occupent l'essentiel des
études réalisées dans ce domaine. En linguistique, la
thèse de Momar CISSE, « Parole chantée ou
psalmodiée wolof, collecte, typologie et analyse des
procédés argumentatifs de connivence associés aux
fonctions discursives de satire et d'éloge », soutenue en
janvier 20061(*), a pour
objectif d'analyse les procédés de connivences linguistiques et
de montrer la richesse du patrimoine culturel wolof. Ce travail est plus proche
de notre hypothèse mais il reste confiner dans la vision linguiste. Le
second, PERRIN Loïc-Michel dans Des représentations du temps en
wolof2(*), dresse un
catalogue l'ensemble des termes et expressions impliquant la temporalité
en Wolof. Ensuite, il étudie les principaux procédés
linguistiques mis en place par la langue wolof pour permettre de
représenter une occurrence d'événement.
C'est là les plus grands travaux consacrés au
wolof que nous avons découvert. L'article de C.
BECKER et M. MBODJ, « Chants Wolof et La sagesse de Ncothie
Barma », Dakar, CNRS, 2000,
(première version, Kaolack, 1978) reprend les schèmes de
plusieurs études liées au conte. L'orientation de ces travaux a
pu baliser la voie même s'ils restent insuffisants pour notre approche.
On ne peut terminer sans citer la thèse d'Ibrahima WANE,
« Chanson moderne et communication orale ». Elle est la
plus récente dans ce domaine et couvre une vaste période. A
défaut de s'y avoir penché, nous l'avons en ligne de mire pour le
projet de thèse.
Ainsi, le déficit d'exploitation des textes wolofs,
demeure l'une des difficultés auxquelles on est confronté. En
plus, l'inexistence de documentation sur le Cercle a constitué un autre
blocage. Mais, à partir des cassettes fournies par les archives de la
Radio et Télévision du Sénégal, nous avons
reconstitué l'essentiel du répertoire. Il s'agira pour nous de
l'étoffer avec des chants de la même veine usitée par les
Wolof de cette contrée.
Ainsi dans la première partie intitulée contexte
socio-historique, il sera question des mutations qui se sont
opérées dans l'espace du Ndiambour. Le cadre géographique
sera dessiné en tant qu'aire culturelle. Ce cadrage nous permettra
d'évoquer les caractéristiques du groupe wolof à savoir
les fondements de leur culture, l'organisation en société et les
valeurs qu'ils véhiculent.
La deuxième partie sera totalement consacrée au
corpus. Nous y relaterons les difficultés liés à la
collecte de corpus en littérature orale et spécifiquement pour
notre thème de recherche. La complexité de la traduction et de la
transcription sera aussi posée. Le dernier point se penchera sur la
problématique des « textes oraux »,
c'est-à-dire textes fixés à partir de l'oral. Ensuite, Il
s'agira de préciser la mise en situation des chants car au-delà
du contexte de déclamation, les chants sont
réinterprétés pour les besoins de la
représentation. Nous déclinerons les caractéristiques qui
accompagnent un tel aspect.
La troisième et dernière étape sera
consacrée à l'interprétation ethno- littéraire. Les
thèmes seront examinés avant l'étude de la fonction des
chants dans la tradition orale wolof. Egalement les ressources
langagières, la stylistique et les autres raccourcis langagiers seront
analysés : les proverbes, les images mythiques et
légendaires, les figures de rhétorique mises en évidence
par les différents théoriciens, etc.
II. PLAN DE LA THÈSE
Intitulé : « La force du
verbe dans la tradition orale wolof : l'exemple des chants du Cercle
de la Jeunesse de Louga »
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Ière PARTIE :
Contexte socio-historique
Dans cette partie, nous dresserons le cadre socio-historique
où baignent les populations du Ndiambour et par ricochet les membres du
Cercle de la Jeunesse. Il s'agira aussi de faire l'historique des mutations
intervenues
Chapitre I : Les mutations
socio-historiques
I.1 : Cadre historique et
géographique
Ce sous chapitre fera le point sur l'histoire de la province
du Ndiambour et sa situation géographique.
I.2 : Le Ndiambour fief des marabouts
Dans sa genèse, le Ndiambour est constitué de
villages fondés par des marabouts. Nous donnerons le nom de ses hommes
et les villages satellites constitutifs du Ndiambour
I.3 : De la politique coloniale à
la naissance d'une troupe
A l'époque coloniale, différentes politiques ont
été menées pour orienter l'activité des
autochtones. Nous évoquerons les politiques qui ont
présidées à la naissance des cercles de jeunes comme celui
de Louga.
Chapitre II : Le Ndiambour : Aire
culturelle
Nous montrerons que le Ndiambour est une aire culturelle qui
a ses spécificités. Il s'agira de recenser tout ce qui
détermine les éléments qui composent cette culture.
II.1 : Fondements de la culture wolof
Nous analyserons les fondements de la société
wolof, c'est-à-dire les mécanismes et son fonctionnement.
II.2 : La stratification de la
société wolof
La hiérarchisation de la société wolof
fera l'objet de ce chapitre. Les différents paliers seront
identifiés et leurs composantes livrées
II.3 : La place du verbe dans la
société wolof (typologie)
Un essai de la topologie du verbe wolof sera dressé. Ce
travail concerne surtout les types de déclamation du verbe dans la vie
du groupe wolof.
IIème PARTIE : Le
corpus
Chapitre I : Présentation des
textes
Dans la présentation du corpus, nous apporterons toutes
les précisions nécessaires pour cerner leur mode de
fonctionnement.
I.1 : Le problème de la
collecte
En oralité, la production obéit à des
exigences d'ordre factuel. C'est pourquoi, nous ferons cas de cette situation
dans ce sous-chapitre.
I.2 : De la transcription à la
traduction
« Traduire, c'est trahir » a-t-on
l'habitude de dire. Ainsi, nous relèverons tous les obstacles qui vont
avec ce travail, de la transcription à la traduction.
I.3 : « Des textes
oraux »
On éclairera ici la notion de texte oral en nous
appuyant sur les études déjà menées.
Chapitre 2 : la mise en situation
Elle reviendra sur les moments de la performance pour une
tentative de reconstruction du contexte de déclamation.
II.1 : Instance énonciative
L'instance énonciative analysera la place et le
rôle de l'émetteur mais aussi de ou des auditeurs en situation
d'oralité. Ici, on montrera que le discours oral intègre le
protagoniste qu'est l'auditeur
II.2 : « La dramatisation de
l'idée »
Nous étalerons les moyens mis en oeuvre pour dramatiser
le message qui accompagne les chants. Dans une certaine mesure on pourrait
même parler de théâtralisation du poème.
II.3 : L'histoire chantée et
mimée
Dans le prolongement du sous-chapitre précédent,
nous révélerons l'histoire qui sous-tend certains chants. La
gestuelle matérialise et complète ce que le chant ne peut pas
rendre totalement.
IIIème PARTIE :
Analyse ethno-littéraire
Cette dernière sera consacrée à l'analyse
des textes à partir d'instruments empruntés à la critique.
Chapitre 1 : La thématique
Dans les thèmes, on s'arrêtera sur les plus
représentatifs.
I.1 : L'histoire
Tout ce qui renvoie à un événement
historique fera l'objet d'une analyse afin de voir comment la création
chemine avec l'événementiel.
I.2 : « Mots
d'ordre » contextuels et injonctions
Le Cercle a servi par moment de relais aux leaders,
politiques. Il sera question de faire découvrir le rôle de la
troupe pendant cette époque charnière.
I.3 : La figure de la femme et celle de
l'enfant
La femme et l'enfant sont omniprésents dans les chants
du Cercle. L'intérêt porté à eux servira de ressort
pour décrypter à quelle fin ils sont au coeur cette
thématique.
I.4 : La mystique du travail
Le travail chanté et sacralisé constitue un rite
au point que chaque corporation détient des chants qui lui sont
spécifiques. La fonction et le rôle de ces chants seront
étudiés
Chapitre 2 : Le chant : un art
utilitaire
En Afrique « l'art pour l'art » n'existe
presque pas. C'est pourquoi nous relèverons quelques fonctions du chant
dans ce sous-point.
II.1 : Le divertissement
On dévoilera les genres ou les types de chant
consacrés au divertissement et leurs impacts socio-affectifs, surtout
auprès des enfants.
II.2 : L'éducation
Par le biais des chants toute une éducation est
donnée aux adolescents. En même temps on forge leur esprit
à la réflexion et aux subtilités du langage.
II.3 : L'archivage
La conservation des coutumes, des événements et
peut-être du cadre géographique se retrouvent dans les textes
oraux. L'objet de l'analyse ira dans ce sens.
II.4 : Autres fonctions
De façon moins fouillée, nous traiterons des
autres fonctions du chant.
Chapitre 3 : Les ressources
langagières
L'expression orale convoque diverses formules nichées
dans les types de récits. Ces types véhiculent en leur sein des
symboles, des images et des allusions. On les étudiera dans les points
suivants
III.1 : Les proverbes
Nous recenserons les proverbes qui sont employés dans
les chants. Leur analyse se fera avec la prise en compte de la performance.
III.2 : Mythes et légendes
Les mythes et légendes auxquelles les textes font
allusion seront aussi explorer. A chaque fois qu'il est nécessaire de
rappeler la source première, nous nous y attellerons.
III.3 : Quelques raccourcis langagiers
Dans les figures de style, nous étudierons les moyens
langagiers mobilisés pour le bien dire et la facilité de
rétention. En effet, ils sont souvent au service du discours oral
caractérisé par son évanescence.
a) : Figures
mnémotechniques : mots valises ; mots pivot ; etc.
b) : Figures de rhétorique :
ellipse ; métaphore ; anaphore ; métonymie ;
synecdoque ; l'apostrophe...
III.4 : Le style oral
Ici, il sera question des spécificités de
l'oralité et plus particulièrement de celles du wolof.
CONCLUSION GÉNÉRALE
III. RÉSUMÉ DES
SÉMINAIRES
1. Résumé du séminaire principal
animé par le Professeur Bassirou DIENG
Thèmes du séminaire : la
littérature et le lieu - oralité et écriture - les notions
d'intertexte et d'intertextualité
Le séminaire s'est développé autour de
trois axes. Dans un premier temps, il s'est agit d'éclairage sur une
nouvelle dynamique littéraire : la littérature et le lieu.
Se fondant sur les créations locales et les aires linguistiques, le
Professeur DIENG fait voir qu'il n y pas de correspondance entre les deux car
en Afrique la porosité des frontières favorise le brassage. Cette
approche tente de mettre en perspective les productions locales de la
littérature africaine compte tenu des espaces. Les types de textes
s'imbriquent dans le littéraire sous plusieurs formes. Trois
phénomènes se dégagent d'un tel état de
fait :
- l'oralité et l'écriture sont mises en relation
et les formes nouvelles d'oralité jouent une forte
médiation ;
- l'interférence linguistique est aussi une
caractéristique de ces littératures africaines ;
- l'articulation entre la véritable littérature
et les autres types de production scripturale.
Le deuxième thème étudié revient
sur les fondamentaux de la communication orale. Celle-ci s'adosse à la
mémoire institutionnalisée et sur la transmission par la parole.
Le Professeur DIENG analyse la mémoire institutionnalisée comme
une instance incarnée par un groupe particulier qu'on peut
désigner du nom de dépositaire-transmetteur. Ils sont griots,
sages ou initiés et se regroupent en professionnels ou en non
professionnels. Se penchant sur les professionnels, il montre que le griot est
déterminé par plusieurs facteurs : son statut social et son
répertoire. Le premier oriente le second. En effet, les
« officiels », gardiens de la tradition, conservent et
assurent la transmission de la tradition du groupe. A l'inverse, les autres
fonctionnent avec moins de contraintes. Cette classe de griots, dans ses
rapports avec la société, a un rôle d'archivages des
réalités. Elle conserve les traces des institutions du
passé. En même temps, le système des valeurs y est
gravé. Egalement, par moment, cette littérature joue le
rôle de satire sociale. Elle permet d'élaguer les tensions. Ainsi,
cette littérature prend plusieurs formes et se subdivise en genres et
sous-genres.
Comme illustration du modèle de communication de
l'oralité, M. DIENG propose les systèmes pulaar et wolof. Dans sa
taxinomie de la littérature pulaar, on retient les formes corporatives,
les formes communes, les formes islamiques. En ce qui concerne la typologie des
genres wolof, nous avons : le narratif, le formulaire et le
poétique.
Dans les espaces urbains, ces productions subissent une
transformation et empruntent de nouvelles pistes. Les manifestations festives
ou religieuses, les compétitions sportives, les événements
politiques, le circuit commercial se nourrit de ces créations populaires
tout en les renouvelant. Les nouveaux canaux de diffusion changent le mode de
circulation de ces productions et changent du coup les rapports entre
émetteur et récepteur.
Le dernier thème abordé au cours du
séminaire principal a consisté à une clarification
conceptuelle des notions d'intertexte et d'intertextualité. Si le
premier est mémoriel, un entrecroisement de plusieurs textes, le second
se fonde sur des traces. S'appuyant sur les travaux de Michel RIFFATERRE, M.
DIENG nous apprend que « l'intertexte » renvoie à
l'ensemble des textes que l'on retrouve dans la mémoire à la
lecture d'un passage donné. Quant à l'intertextualité,
elle fonctionne comme une reprise d'un texte précis, antérieur ou
contemporain, par un travail d'intégration et de transformation. Elle se
manifeste par la citation, la référence, l'allusion, le plagiat,
la parodie ou la pastiche.
2. Résumé du séminaire
secondaire animé par le Pr Amadou Ly
Thème du séminaire : Les
relations Nord-Sud : Traitement littéraire des
incompréhensions
Le séminaire du Pr Ly s'est déroulé en
deux grandes phases. Dans une première phase M. Ly a introduit le
thème : « Les relations Nord-Sud : Traitement
littéraire des incompréhensions » avec comme axe la
vision de quelques écrivains choisis représentant la
littérature des deux continents. Ensuite, les séminaristes se
sont succédé pour présenter leur projet de thèse
sous forme d'exposé.
Dans son intervention le Pr Ly a tenté de
répondre aux questions suivantes : Quelles sont les sources
d'incompréhension entre le Nord et le Sud ? Comment s'est
installé entre le Nord et Sud un certain nombre
d'incompréhensions ?
M. Ly fait constater que de Montaigne3(*) à la mondialisation, on a
toujours assisté à ces relations conflictuelles, tendues entre
l'Occident et l'Afrique. De ce fait, le thème s'est presque inscrit dans
l'histoire littéraire entre les deux continents de manière
mythique. Il a souvent subi un renouvellement littéraire selon les
époques, les auteurs et les orientations idéologiques du
moment.
Le premier groupe d'écrivains occidentaux à
traiter de ce thème laisse entrevoir deux tendances : ceux qui
s'enferment dans des préjugés et ceux qui vont dans le sens de
découvrir le fonctionnement des sociétés africaines.
Les premiers parmi lesquels Levy Bruhl4(*), voient le Sud et leur
civilisation comme une mentalité figée, primitive. Pour eux, elle
reste inférieure parce qu'enracinée dans l'idolâtrie et le
fétichisme.
L'approche d'un Léon FANOUH-SEIFER, dans Le mythe
du nègre et de l'Afrique noire dans la littérature
française de 1800 à la deuxième guerre mondiale5(*) conforte ces
préjugés et clichés. Pierre LOTI6(*) et Maurice GENEVOIX7(*) successivement dans Le Roman
d'un Spahi et Fatou Cissé cristallisent cette vision des
africains embourbés dans une léthargie grégaire.
La seconde génération d'occidentaux qui se
penchent sur les cultures africaines a une vision moins caricaturale. Le groupe
de Léo FROBENUIS8(*)
fait voir une Afrique adossée sur des pratiques civilisationnelles
millénaires. Maurice de la FOSSE9(*) dans Les Nègres va dans le même
sens. Même si la volonté de cette nouvelle tendance est loin des
stéréotypes, M Ly souligne que dans leur transmission, on
relève une somme d'incompréhensions.
Si pour le premier groupe on note une exagération sur
les images, faits et gestes transmis, pour le second c'est surtout une vision
teintée de parti pris. Ce sentimentaliste donne une vision sympathique
et romantique de l'Afrique. Beaucoup de récits transmis tombent sous le
coup d'une idéologie orientée.
A partir du Sud, une vision s'est développée
pour rendre compte du contact entre l'Afrique et l'Occident. La tendance
générale qui se dégage de cette littérature du Sud
montre une Afrique étalant souvent son désespoir. Les promesses
de départ ont accouché de douleur et de souffrance
D'une part la réaction se résume à un
procès acerbe contre l'Occident dans lequel celui-ci affiche un visage
peu glorieux.
D'Amadou Hampaté BA10(*) à CESAIRE11(*), on découvre un Occident coupable, face
à une Afrique trompée, exploitée et aliénée
à la fin par un esclavage culturel.
D'autre part, cette réaction se veut une justification
des maux que l'Occident reproche à l'Afrique. Le type de
littérature développé par Ousmane SOCE12(*) essaie de se justifier aux
yeux du Nord pour les convaincre de l'existence d'une culture, d'une
civilisation en l'Afrique.
Dans la même foulée, on relève une
littérature moins partisane venant des deux pôles. Ces regards
croisés comportent leur part d'espoir et d'inquiétude face
à l'avenir. L'espoir suscité dans les publications qui croient
à une possible réconciliation, une coexistence est
symbolisé par des mariages mixtes et autres types de rapports harmonieux
entre personnages.
L'espoir laisse parfois la place à l'inquiétude
dans les textes qui analysent la part de responsabilité du Noir et du
Blanc dans ce clash de l'histoire. Cette vision plus lucide n'est pas
figée mais fait le bilan des relations Nord /Sud. La tendance
mercantiliste du monde moderne dominé par l'économie de
marché qui va crescendo apparaît comme une brèche où
s'engouffrent les soubresauts de la mondialisation.
Les réactions d'Aminata TRAORE13(*) et de Cécile
ANNE-ROBERT14(*)
respectivement dans le Viol de l'imaginaire et L'Afrique au
secours de l'occident montrent qu'une autre voie est possible. Mais
l'Afrique aura besoin de se réajuster sur des attitudes annihilantes,
venant de ses leaders et dirigeants.
Au cours du séminaire, différents exposés
ont été présentés. Ils se déclinent comme
suit :
1. « Réalités congolaises et
créations littéraires chez Emmanuel DONGALA » par Rony
YALLA.
2. « CESAIRE, un homme entre trois cultures :
Africanité, Antillanité et Occidentalité » par
El hadji SONKO.
3. « L'épopée d'Alfa Abdoul Rahmane du
Fouta-Djalon » par Amadou Woury DIALLO.
4. « La déchéance du héros dans
Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand CELINE (1932), Les
soleils des indépendances d'Ahmadou KOUROUMA (1968),
L'étrange destin de Wangrin d'Amadou Hampaté BA (1973)
par Fatou Kardo BA.
5. « La perception de l'administration coloniale
dans la littérature subsaharienne : le cas dans
L'étrange destin de Wangrin et Oui ! mon
commandant d'Amadou Hampaté BA, Une vie de boy et Le
vieux nègre et la médaille de Ferdinand OYONO »
par Babacar MAR.
6. « L'ambiguïté romanesque ou aventure
d'une écriture : problématique d'écriture et
oralité chez Boubacar Boris DIOP dans Les tambours de la
mémoire et Le cavalier et son ombre » par Aliou
SENE.
7. « Boubacar Boris DIOP, un écrivain au
carrefour des littératures » par Aly Mana Bathily KANE.
8. « L'image et l'action du héros romanesque
chez Emmanuel DONGALA » par Modou Fall.
9. « La poésie orale dans une
société agro-pastorale seereer, le jigemb : analyse
socio-historique, culturelle et littéraire » par Guédji
FAYE.
10. « La narratologie et l'étude
thématique dans l'oeuvre romanesque de KEN BUGUL : le baobab
fou (1983), Riwan ou le chemin de sable (1999), La folie et
la mort (2000) » par Ndèye Ami NDIAYE.
11. « La ville dans le roman contemporain à
l'exemple de Karim d'Ousmane Socé DIOP, Ville cruelle
d'Eza BOTO, Ce sont les jours qui meurent de Dono Ly SANGARE et La
grève des battù d'Aminata Sow FALL » par Larissa
MIKOMBA TSENGUI.
12. « Le thème du voyage dans la
littérature africaine d'expression française, l'exemple de
L'Enfant noir de CAMARA Laye, L'aventure ambiguë de
Cheikh Hamidou KANE, Douceurs du bercail de Aminata Sow FALL et Le
ventre de l'atlantique de Fatou DIOME » par Mbaye DIOP.
13. « Le roman africain contemporain d'expression
française au miroir du « Tout monde » par Mor Anta
KANDJI.
14. « La force du verbe dans la tradition orale
wolof : l'exemple des chants du Cercle de la jeunesse de Louga »
par Ousseynou WADE.
IV. EXPOSÉS AUX SÉMINAIRES
EXPOSE N° 1 : Résumé d'un
ouvrage théorique
Critique de la raison orale, les pratiques
discursives en Afrique Noire, DIAGNE Mamoussé, Paris, Karthala, 2005,
602pages
INTRODUCTION
Dans son approche de départ, le Professeur
Mamoussé Diagne pose un postulat en se demandant si « au coeur
de l'oralité il n'y a pas une chose comme
l'écriture ? »
L'écriture est définie ici comme une
inscription et comme une production. Une inscription, car elle est fixation,
mémoire et transmission. Elle est production parce qu'elle est mise en
musique, en mots. Cette parole vive, par des lois spécifiques et des
processus intellectuels, perpétue le passé, dynamique de
l'identité, vision du futur.
Les travaux du Professeur Diagne que nous tentons de
résumer se répartissent sur trois tomes dont ce présent
ouvrage qui pose les Assises théoriques et se subdivise en trois grandes
parties distinctes par les thèmes et les méthodes.
Dans la première partie dénommée
« La dialectique de verbe dans l'oralité », il
évoque les pratiques de l'oral et leurs procédés
discursifs dans la société africaine.
Dans le second mouvement intitulé « Les
mémorables », dédié à l'histoire, il est
question de l'épistémologie de l'histoire en régime
d'oralité. Son interrogation tourne autour de la question du temps.
La dernière partie, intitulée «
Immémorial : le hors-temps de l'initiation », est une
méditation sur l'oubli, la mort et l'envers des signes. Il
dévoile l'hermétisme de la condition historique des humains.
A l'entame de son propos, le Professeur Mamoussé Diagne
se veut clair. Il avance les difficultés qui l'attendent car se mouvant
dans une civilisation d'oralité, ne disposant pas d'un support objectif
et indépendant de la présence physique du locuteur, comme
l'écriture. Nous avons là des conditions et
procédés spécifiques, de production, d'expression et
d'archivage. Ainsi, il faut avoir une claire conscience de ces
spécificités pour opérer un choix
méthodologique.
Dans cette approche, le philosophe sénégalais
refuse toute restriction du débat philosophique lorsqu'on connaît
le caractère non homogène de l'ethnographie. Quant à la
littérature orale, elle couvre un champ très vaste et chaque
discipline investit un champ étriqué. Pour parler
d'oralité, Ferdinand N'Sougan Agblemagnon1 la définit
comme une société orale tandis que Honorat Aguessy2
parle de civilisation de l'oralité. De là, on perçoit la
réticence et la négativité qui apparaît quand il
s'agit de définir l'oralité. C'est comme un indice de manque.
Dans cet éclairage, il montre que tous ceux qui
utilisent le terme d' « oralité » ne lui
donnent pas de sens précis. Ils ne lui attribuent qu'une vocation
classificatoire et descriptive. Il cite l'exemple de Maurice Houis3,
de Louis-Vincent Thomas4 et de Honorat Aguessy. Le Docteur ès
philosophie considère que l'oralité détermine et structure
une vision du monde (comportement inexistant dans une civilisation
fondée sur l'écriture). Elle implique :
- une gestion gérontocratique des
connaissances ;
- une existence de catégorie
sociale ;
et elle établit des passerelles entre la vie
intellectuelle, morale, religieuse et les structures sociales. Aussi, elle
engendre un mode particulier d'agencement de la pensée avec des
procédures découlant des contraintes.
Ces précautions prises, M. Diagne tente de
répondre à ces questions :
-Quelles sont les caractéristiques majeures d'une
civilisation de l'oralité ? C'est-à-dire les
mécanismes et procédés pour se maintenir, se reproduire,
se transmettre.
-Comment identifier ces mécanismes et
procédés ?
-Quels critères pour évaluer l'efficacité
de tels procédés ?
PREMIÈRE PARTIE
La dialectique du verbe dans
l'oralité
Dans la partie introductive, l'auteur de Critique de la
raison orale, convoque successivement Michel Serres5, Pierre
Boiteau6 et Geneviève Calame-Griaule7 pour
consolider l'idée d'une diversité des modes d'approche du
réel selon les époques et les civilisations. Pour lui,
« la fonction de dramatisation », un des quatre concepts
fondamentaux du « style oral », se manifeste dans la mise
en scène et l'animation. Elle procède à une mise en
scène, une théâtralisation qui est l'expression par sa
« représentation », c'est-à-dire par
l'entremise d'une histoire dramatisée, usant des différentes
ressources de la mise en scène. Ces procédés sont des
pratiques discursives des différents genres.
Chapitre I : Civilisation de l'oralité et
dramatisation de l'idée
I. Introduction du problème
Pour introduire cette problématique le Professeur
Mamoussé Diagne s'appuie sur les travaux du Baron Roger8 et
de Pierre Boiteau pour constater avec eux le foisonnement des images dans
l'oralité.
Son interrogation porte sur le procédé
utilisé pour codifier, organiser, élaborer, gérer et
transmettre le savoir. Ensuite, il se demande pour quelle raison
procède-t-on ainsi ?
Monsieur Diagne évacue les idées reçues
sur la question entre écriture et oralité. Guy
SPIELMAN9, Simon BATTESTINI10 le confortent dans sa
position d'autant plus qu'il suppose qu'il n'est aucune culture africaine qui
n'ait un système de conservation et de communication de certains
messages. Il rejette les thèses de dévalorisation de
l'oralité et les thèses apologétiques pour effacer la
dualité « société
orale »/ « société
écrite ». Le Professeur Diagne se penche sur les
procédés de pérennisation disponible dans le legs
culturel, choisi en fonction de leur efficacité par rapport au contexte
de déploiement.
Il découvre une révélation de traits
pertinents, pas accidentels mais liés au contexte oral (image/
dramatisation) le logos oral est proféré de vive
voix, en situation de performance, dans une trame temporelle instituant un
défi à sa rétention durable. C'est pourquoi, il
déploie un ensemble de procédures qu'il rend par la notion de
logique d'oralité. Le but consiste à répertorier et
d'écrire les procédures auxquelles font appel les civilisations
de l'oralité : réévaluation, réorientation de
la réflexion sur le legs des civilisations africaines traditionnelles.
Il écarte dans les instruments d'analyse la poésie orale car
l'usage de l'image y est un fait normal, c'est la règle.
A mi-chemin, le philosophe sénégalais retient
que « la dramatisation du savoir (...) traduit fondamentalement une
sorte de réflexe de suivi pour une civilisation de
l'oralité ». Il la baptise avec raison « la ruse de
la raison orale ».
II- L'idée et sa mise en forme
Ce titre peut paraître en apparence énigmatique,
volontairement ambigu. Il signifie tout simplement que le concepteur d'une
idée peut prendre l'initiative de la mettre en scène par une
histoire dramatisée. La finalité est de communiquer un savoir.
Pour valider une telle idée, M. Diagne passe par
l'étude d'actes de discours élémentaires comme les
proverbes et les maximes. En même temps, il vérifie si l'on a
affaire à un trait essentiellement de l'oralité.
D'abord, il rappelle l'étude qu'en avaient faite Hubert
LE BOURDELLES11 et Anna Maria IERACI BIO, Claude
BURIDANT12. Ces « prêt à penser »
ou « moralité en boîte » condensent dans une
réduction généralisante l'autorité morale ou
l'expérience référée à la norme. Au passage,
il cite BURIDANT pour qui le proverbe se présente globalement comme un
énoncé autonome ou micro-récit ayant une organisation
logique - régi fondamentalement par le principe d'implication - de
structures formulaires caractérisées par des traits prosodiques
et sémantiques en rupture avec le discours continu. (1984, p. 114)
C'est un va-et-vient entre système de signes et
réalité sociale. Des images et des lois de fonctionnement s'y
révèlent. Dans les sociétés traditionnelles, le
proverbe est un viatique avec une fonction non ponctuelle, un savoir
comprimé plus une illustration et des réponses sur les
« routes de l'existence ». Ainsi, c'est un message
gravé dans la mémoire des hommes. Il est une parole
d'autorité, un acte langagier par procuration.
Les positions de Jean CAUVIN13, de Firmin
RODEGEM14 et d'André JOLLES15 confirment cette
position et révèle son caractère conclusif. Le proverbe
fonctionne comme «un couvercle sur un puits » car il
prévient et rappelle un danger.
Dans cette perspective, le Professeur Diagne montre que le
proverbe est porté par la dramatisation. A partir du proverbe, on
décèle des expériences réelles ou fictives, une
narration miniaturisée d'expériences, le raccourci d'une
histoire, une économie linguistique, par un détour
rhétorique. Le proverbe part des faits réels et en parle de
façon détournée, mais il est toujours en situation. Il
émane d'une autorité arbitrale (wolof Ndiaye,) déploie un
contexte et/ou une expérience réelle ou fictive (dramatisation,
adjoint à la brièveté la symétrie (des artifices
langagiers de l'oralité) ; fait exister l'espace et le temps dans
la mesure où ils sont matérialisés ; et fait
participer l'ouïe et la vue.
En conclusion, on retient que le proverbe apparaît comme
un condensé d'une histoire réelle ou fictive. Il est au carrefour
de deux séries d'expériences (passées et
présentes). La dramatisation est son instrument d'illustration et de
validation.
Avec la devinette ; on découvre qu'elle est
à l'inverse du proverbe. Il n'y a pas de mise en scène. Sa
situation d'emploi est dérobée. C'est comme un proverbe à
l'interrogatif. La devinette invite à exhiber un savoir
consacré.
Chapitre II : La dramatisation comme
« ruse de la raison orale»
L'idée appelle à la mise en scène. Elle
ne s'exprime efficacement que par la médiation d'une
théâtralisation organisée à cette fin.
I. Il était une fois...le conte
Dans le champ de l'orature, le conte tient lieu de
dramatisation le plus ample et le plus systématique. Le conte est le
développement ou l'explication d'une histoire que les récits
fragmentaires ne font que suggérer
C'est une duplication de la pièce qui se joue dans
l'histoire concrète des hommes (lieu scénique = l'imaginaire
social). La théâtralisation du conte apparaît dans les
formules d'ouverture et de fermeture ; les périodes ; les
moments.
La finalité est une vérité qui concerne
le récit, la vérité du récit. Cette finalité
est première, ce n'est pas conclure. Le savoir de la fin se
dévoile dès le commencement. Sa ruse consiste à
réussir à présenter comme découverte et
nouveauté ce qui au fond, est un savoir déjà disponible.
Son fonctionnement à rebours lui donne un caractère retors.
L'essentiel se situe dans la dramatisation entre l'occultation
inaugurale et le dévoilement terminal.
Pourquoi la narration si la fin est déjà
connue ? On narre pour se rappeler. On met en branle la fonction
mnémotechnique et d'archivages.
C'est ainsi que l'imaginaire peut capter la
réalité et la tenir en otage, par la simple magie du verbe.
L'attention de l'assistance maintenue en éveil et polarisée de
cette façon. Le conte use de procédé de dramatisation,
d'expérimentation autant d'exportation.
II. Au commencement était le
mythe
Le conte serait « comme l'avatar populaire - et
pédagogique - des mythes » (Christiane Seydou, Kaïdara -
récit - conte) 16
Le mythe est protégé par la règle du
secret. Les événements rapportés transcendent toute
expérience historique. Les récits mythiques fournissent des
principes explicatifs plausibles de certaines réalités. Sa
dramatisation amène progressivement l'esprit vers une
vérité.
La narration est une commémoration. Elle livre un
modèle non seulement remémoré, mais encore
commémoré, c'est - à - dire rejoué selon une
périodicité et des modalités plus ou moins
codifiées. C'est un récit sacré, soustrait à la
contestation.
Parti d'un constat empirique sur le caractère
imaginé ou « concret » des pratiques discursives en
Afrique noire, le Pr. Diagne a tenté de rendre compte de ce fait massif.
Le recours à l'image et à la dramatisation dans un contexte
d'oralité constitue une caractéristique fondamentale,
liée à des impératifs de stratégies et
d'efficacité dans la transmission des acquis culturels.
Chapitre III. Archéologie de la raison orale
(Michel Foucault)
La dramatisation apparaît dans les analyses
précédentes comme étant au service d'un certain nombre
d'objectifs : la mise en forme ; la transmission et l'archivage du
savoir social.
Parler, suppose l'existence d'un destinataire du message. La
notion de champ performanciel est incontournable. On a un « discours
avec » (discours en présence, voire avec le concours
d'autrui).
L'examen du socle archéologique d'une
société orale donne la clé d'intelligibilité du
contenu des messages et celle de leur archivage dans la mémoire des
individus et de la collectivité.
I. Mise en scène et paidéia
(pédagogie)
Dans une civilisation orale, la production et la conservation
du savoir se traduisent en un jeu, au sens où le savoir doit être
joué, c'est - à - dire incarné par des personnages qui
interprètent des rôles dans l'économie de l'histoire.
Ce que le Professeur Diagne appelle une pédagogie en
acte ou le mimodrame du savoir est fortifié par les travaux de Johan.
Huizinga17. Ce sera dans cette logique qu'il cite
Mangoné NIANG18 dans son étude du jeu de Kocc
Barma et ses adversaires. Ainsi, lorsqu'il déplace un pion, il
déplace une parole, de là on déplace un homme ou on
crée un événement historique. L'image est
dramatisée dans le jeu pour la rétention et l'assimilation d'un
contenu. Le texte dramatisé sera plus facile à retenir.
Pour soutenir cette thèse, M. Diagne convoque Dominique
Zahan19 qui pense que toute leçon est mimée,
dansée, organisée à la manière d'une pièce
de théâtre ».p. 121
Basile-Juléat FOUDA20 dans ses travaux
dépose dans le même sens. FOUDA précise que « le
message est capté aisément et déposé
pédagogiquement dans les caves vivantes de la mémoire affective
(...). Effets pédagogiques, effets durables ».
Parallèlement, Jean CAUVIN partage ce même point de vue. Ensemble,
ils retiendront que la dramatisation reste un fait majeur dans les
sociétés à tradition orale. L'enjeu est l'appropriation
individuelle et collective d'un savoir social. L'un des procédés
les plus récurrents est la canonisation. Certains récits ou
segments de récits sont canonisés pour des raisons qui tiennent
à la survie d'une civilisation d'oralité. Le conte fonctionne
donc comme un archétype et lorsqu'il voyage à travers des aires
culturelles différentes, il garde la même charpente. Le
récit consolide sa structure et jusqu'au contenu qu'il charrie dans
certains cas. Dans ces productions imaginaires, il ya des limites à la
fantaisie. Il s'agit de la gestion d'un capital symbolique dans sa
variété (la variance/ les variantes) en fonction des
intérêts supérieurs de la société. L'exemple
de Suzanne PLATIEL21 est illustratif dans son étude sur les
Mossi, les Bambaras ou les San.
II. De l'interprétation
Les récits des sociétés à
tradition orale fonctionnent comme un théâtre à
thèses. Un travail d'encodage accompagne le message émis et un
autre travail de décodage sur le même message est attendu à
l'arrivée. Le message émis est un défi lancé
à l'autre. Le « vouloir-dire » conduit à une
« exégèse préalable », une
maîtrise de cette image et du jeu des images. Le même cheminement
est attendu à la réception. L'émetteur et le
récepteur déploient le même effort. Le savoir est
élaboré, testé, mis en forme selon les procédures
qui seront révélées à l'expérience comme les
plus efficaces, pour être engrangé dans les silos de la
mémoire individuelle et sociale.
Deuxième partie
Les mémorables : pour que le temps
suspende son vol
Le Pr Diagne avance que pour échapper aux atteintes du
temps, les sociétés à tradition orale produisent ou
construisent du mémorable.
Chapitre I. Oralité et temporalité
I. Position du problème
La tradition orale, parce qu'elle est orale et qu'elle est
tradition, a pour gardiens des récitants. L'évocation du terme
« tradition » laisse aussi sous-entendre la notion de
durée, de temps. L'oralité nous met en présence de quelque
chose inséparable du temps vécu. C'est pourquoi M. Diagne conclut
que la conséquence d'une parole perdue, c'est la disparition pour
toujours. La volonté de triompher du temps, de la mort de toute parole
proférée amène le récitant à mettre en place
une ruse, un code.
L'éclairage de Mircéa ELIADE22
conforte la position du philosophe. La différenciation qu'elle fait du
temps sacré et du temps profane est essentielle pour voir comment
l'homme dit le temps et dit son aventure à travers le temps dans une
société d'oralité. Mamoussé Diagne
privilégie la mémoire orale du point de vue de son acte de
constitution en tant que mémoire fonctionnant selon des
modalités précises.
Dans ces considérations générales, le
chercheur rappelle les caractéristiques des concepts
d' « oralité » et de
« tradition » sous la lorgnette de Joseph
KI-ZERBO23 et de Paul ZUMTHOR24. Le premier attribue
à l'oralité un statut théorique précis lui
conférant un caractère global structurant, et perçoit le
concept « tradition orale» comme une vocation
essentiellement descriptive, classificatoire. La tradition orale se
résume alors à un ensemble de faits de discours qui ne suffit pas
à caractériser une culture. S'agissant de l'oralité, le
philosophe essaie d'en fonder la pertinence théorique sur des faits de
civilisation dépassant et englobant les seuls faits de discours.
Avec Paul ZUMTHOR, il amène les trois types
d'oralité :
- L'oralité primaire, immédiate : aucun
contact avec l'écrit
- L'oralité mixte : influence externe de
l'écrit partielle
- L'oralité seconde : elle se recompose à
partir de l'écrit
II. De l'histoire et des historiens
Dans cette sous partie, nous percevons l'intérêt
qu'ont les peuples à se remémorer. Cette création
historique est perceptible à travers Louis-Vincent Thomas et Cheikh Anta
DIOP25 dont les travaux sont cités par le Pr
Mamoussé. Le refus de vivre avec la mémoire d'autrui conduit
à la création d'une mémoire pour le peuple. Cf position
des premiers historiens africains à l'aube des indépendances.
Quant à la tradition orale, elle use de
procédés narratifs pour dire l'histoire. Ce sont des techniques
mises en oeuvre dans le discours oral pour agencer les faits, les
événements et les personnages dans des récits plus ou
moins stables afin de construire du mémorable.
III. Les pêcheurs d'étoiles
La civilisation d'oralité use donc de
procédés spécifiques pour emprisonner ce qu'elle tient
à sauver de l'oubli. Le filet de la mémoire dans la mer du temps
ramène dans leurs mailles des étoiles.
La chronologie, dans ces procédures, donne la
profondeur et la perspective historique nécessaire. L'élagage sur
une tranche historique importante est par moment noté. La durée
est parfois écrasée ; on a des télescopages de
périodes historiques ; une superposition des personnages
historiques. Dans une société d'oralité ces écarts
ne sont pas étonnants.
Devant un tel constat, la tentation est grande pour le
récitant de combler par des déplacements, des recréations
les « trous » existants.
A l'inverse, la surcharge de la mémoire cause des
effondrements suivis de réaménagements. L'oubli devient normal
car il est comme limites mnémoniques. Le récitant n'a pas le luxe
de trainer avec une mémoire morte.
Chapitre II : L'édification du
mémorable
Dans une société d'oralité, un dispositif
est mis pour éviter les atteintes et les érosions du temps. Elle
évite de s'abimer dans l'oubli. La temporalité historique est
« marquée », domestiquée pour inscrire un
sens que la mémoire peut se réapproprier
définitivement.
I. Les « sacs à
paroles »
Cette édification s'appuie sur les griots,
« les sacs à paroles ». Ils arrachent à la
mémoire, à l'oubli des actes et des événements
promus au rang du mémorable. Ils gèrent et transmettent la
mémoire. Ils sont des gardiens qui révèlent ce qu'ils
veulent bien révéler. (cf à l'épopée
mandingue : Livrer les clés des douze portes du mandingue.
« L'ex-tase du quotidien » est un autre
mode d'édification du mémorable. Le récit de la tradition
orale donne l'impression d'immenses fresques, une mise en scène
gigantesque. Le cadre, l'espace avec les personnages et faits sont
hors-normes.
Ainsi, on donne à retenir un sens par la magie du
verbe, une cristallisation en un certain nombre de paradigmes. La mise en
scène permet de rejouer indéfiniment la pièce.
L'épopée illustre bien ce cas de figure car elle est le lieu de
prédilection du discours historique. L'extraordinaire s'érige en
norme pour des hommes ordinaires. La frontière n'est plus perceptible
entre réel/imaginaire/merveilleux. Le quotidien banalisé est
évanescent, insignifiant, mortel. C'est pourquoi il y a
procédé de grossissement, un changement de plan et
d'échelle.
L'incursion du fantastique et du merveilleux dans le quotidien
est une façon d'arracher celui-ci de la banalité. La tradition
est donc une machine à débanaliser pour fabriquer du
mémorable.
II. L'épique : pour rendre l'histoire
« plus épique »
« Un plus historique » est produit, dans
une civilisation d'oralité pour que « l'histoire »
puisse se constituer. L'exemple de Cheik Aliou Ndao26 est
cité dans la préface de sa pièce de théâtre
L'Exil d'Albouri.
L'existence de l'épique pose des préalables. Il
faut des « guerriers », « des clercs et
prêtes » (autorité
médiatique), « un milieu populaire où règne
l'oralité », « des classes
spécialisées pour dire les hauts faits ».
L'influence de l'écrit génère un mode
d'organisation de la mémoire qui devient seul crédible. Le
rapport Ecrit/Oral s'y pose en système d'exclusion. Le Pr Diagne invite
à éviter les pièges et errements qui guettent le chercheur
africain « formé à la normativité »
car ii y a « perte de la situation de performance »,
l'oralité primitive ; la production « soumise un
à travail de transcription et de traduction » ; le
« danger si le griot lui narre une épopée dont ses
ascendants sont les protagonistes.
Dans une autre perspective, il montre comment les
maîtres de vérités traitent l'histoire en amorçant
un divorce avec celle-ci et en changeant de perspective. L'histoire est
amplifiée par la démesure du souffle épique.
III. L'encre du scribe est sans
mémoire
S'appuyant sur Phèdre27, le Pr Diagne
évoque le caractère évanescent que l'écriture
induit dans la mémoire de ceux qui auront acquis la connaissance. La
confiance à l'écriture les empêche d'exercer leur
mémoire. C'est dire que dans une civilisation d'oralité l'absence
d'image visuelle est compensée par les ressources du verbe.
L'épopée « ré-invente » l'histoire par
le biais d'un « art », d'une
« mythologisation ».
Dans sa démarche, l'épopée dilate
l'espace et le temps, les personnages et les actions pour créer des
noeuds ou des replis pour l'« enfler » et le
« marquer ». « C'est une machine à
fabriquer l'exceptionnel pour instaurer du mémorable ». De ce
fait, l'action héroïque conditionne le mémorable qui en est
l'instance d'archivage. Lorsque le mémorable est imprimer, la perte
esthétique et dramatique est considérable.
IV. Le théâtre et son double
Le projet de l'épopée est d'assumer la
promotion, la gestion et la transmission du mémorable historique.
L'histoire est maintenue à une dimension « à hauteur
d'homme » mais les faits et personnages sont hissés à
un niveau surhumain pour mieux impressionner et alors prendre la
crédibilité.
Une réécriture de l'histoire est visible avec
une puissance mystique comme adjuvant de taille pour triompher. Le dialogue des
hiboux dans l'épopée mandingue est cité par le Professeur
de philosophie.
Le résultat auquel aboutit l'épique se
révèle dans sa capacité à soustraire les hommes aux
menaces de l'oubli et de donner sens et direction à leur existence
actuelle
Chapitre III : Les usages
du passé
Le passé est la préfiguration de l'avenir. On se
rappelle le passé pour deux causes principales. C'est d'abord une
filiation aux ancêtres dont on se réclame. Du coup, ce rappel,
rôle des généalogies, dit l'origine et légitime le
rang occupé. Ensuite, cette anamnèse du passé a la
prétention de construire une renommée égale à celle
des ancêtres. C'est comme un nouveau départ pour les
ancêtres.
I. De l'intérêt que l'on prend à
l'histoire
Empruntant l'expression « usage du
passé » à Moses FINLEY28, Mamoussé
Diagne, affirme qu'on se sert du savoir de son passé pour édifier
un présent ou projeter un avenir. La fonction d'archivage le rend
disponible intellectuellement.
Les individus et les sociétés qui se souviennent
ne retiennent ni ne restituent tout ce qui advient. Avec Jean
BAZIN29, on découvre que seuls les faits
« marquants » sont mémorisés. Ce qui se met
en place déborde la pure connaissance des faits historiques pour
concerner leurs significations fondamentales. Le récitant offre un
miroir où on « se reconnaît, se complaît et
se glorifie » pour reprendre le mot de L. KESTELOOT et Bassirou
DIENG30. Elle
renchérit : « l'épopée propose des
modèles, des héros, des valeurs et des
anti-valeurs ».
Dans ce sens, l'évocation du passé permet
d'abolir une distance temporelle, de résorber l'écart entre morts
et vivants. En même temps, on prend à témoin les
ancêtres en refusant de ne point trahir la descendance.
La généalogie fonde l'origine d'un droit :
ce qu'on doit faire en fonction de ce qu'on est. C'est une revendication et une
demande de reconnaissance d'une légitimité. La
généalogie est ainsi l'équivalent moderne d'un fichier
d'identité avec une mention particulière.
Aussi, la devise, considérée comme la
« petite histoire dans la grande » garde une fonction
signalétique. Elle présente un personnage et peut être vue
comme une carte de visite verbale, un curriculum vitae oral individualisant.
Christiane SEYDOU et Jacques DERRIDA corrobore cette idée. Le dernier
cité, par un jeu de mots avance que la devise
« tient-lieu » de ce que la personne a le plus essentiel,
c'est un « lieu-tenant » de la personne.
La devise représente un programme incarné dans
une conduite. C'est d'ailleurs ce qui se révèle dans le
face-à-face nocturne des rois sorciers, par hiboux interposés. Le
futur maître du Manding est d'abord un maître de langue, un expert
dans la confection des devises. Son royaume est d'abord verbal. La puissance
mystique transite lui-même par le verbe.
II. Le panthéon verbal
La renommée, le « nom » permet de
conférer ou de refuser la valeur d'une existence. Le « grand
nom », détaché de celui qui le porte poursuit une sorte
de vie autonome. C'est ce qui le rend apte à continuer de retentir comme
un roulement de tambour intemporel.
De là, le philosophe constate que le groupe social ou
la collectivité est convoqué par le griot qui évoque les
généalogies à titre de témoin comme validation ou
reconnaissance de la place revendiquée. Evoquer ses ancêtres,
c'est par leur entremise, se voir reconnue une dignité qu'en principe on
doit tout faire pour mériter. La grandeur qui naît d'un tel
comportement rehausse l'individu en lui attribuant un « grand
nom » qui renvoie à un acte sans précédent. Le
grand nom est privé comme le chant qui le célèbre.
Ainsi naît la renommée et l'homme de renom est
un homme prévisible par définition : ses actes ne peuvent
s'écarter d'un code, sous peine de disqualification. Le Professeur
rappelle l'offre généreuse de Cheikh Amadou Bamba à Lat
Dior consistant à rester à ses côtés. A cause de la
réputation que tout le Cayor et le Baol ont attachée à son
nom, il décline l'offre. L'homme au grand nom est quelqu'un qui ne
s'appartient plus. Le nom est quelque chose qui est conféré, on
doit rendre des comptes à ceux qui le décernent.
Les gardiens de la tradition travaillent par leur art la
matière épique pour qu'elle soit institutionnalisée et
devînt pourvoyeuse de références. Il s'agit alors de faire
émerger de « grandes figures »permettant de lier
faits et valeurs
Le « gommage » du contexte de
certains événements, le flou instauré par la distance
autour des faits et des personnages, l'arasement des différences
aboutissent à l'émergence de « types ». En
assurant les conséquences qu'entraine sa volonté de rendre
« l'histoire plus historique », le mémorable oral
déleste celle-ci de beaucoup de faits empiriques relevant de
l'historicité concrète.
Le récit épique ne se contente pas de promouvoir
des valeurs. Elle les codifie et procède à leur
hiérarchisation.
Beaucoup de récits expliquent le comportement de la
femme dans la sphère conjugale. Ce comportement est convoqué
comme explication et fondement ultime de la fortune d'un fils. Le serment
maternel constitue un ressort important de la dramatisation surtout pendant les
moments précédents les guerres et les entreprises
périlleuses : bataille de Guillé ; bataille de Gouy
ndiouli ; le Cid.
Le courage ne réside pas dans le simple mépris
de la mort-qui pourrait être assimilé à l'insouciance ou
à la témérité-mais dans ce qui fonde une telle
attitude : l'exaltation des valeurs sans lesquelles la vie perdrait tout
sens. Tout comportement découle d'un pacte signé avec le
système structuré des valeurs autour duquel se bâtit le
profil héroïque.
Le code des valeurs peut, de ce fait, se concevoir comme une
galerie de portraits types dont chacun assure un aspect essentiel du
système global que la société globale met en avant. La
position de Mbaye GUEYE31 conforte le Professeur Diagne lorsqu'il
déclare : « la tradition orale est la première
institutrice de la collectivité, son intention primordiale n'est pas de
reconstituer le passé dans ses rythmes et ses ruptures, mais d'exalter
plutôt ce qui est chargé de grande valeur humaine. »
III. L'anamnèse reconstruite
L'édification, la gestion et la transmission du
mémorable social sont liées à des stratégies de
pouvoir plus ou moins visibles. La question décisive est donc celle des
modes d'être du mémorable oral, en rapport avec les
différents enjeux.
La gestion de la mémoire dans certaines
sociétés peut relever d'individus ou de groupes
spécialisés. L'éclairage de S. B. DIAGNE32 et
de Régis DEBRAY33, Ivan BARGNA34.
Les techniques de gestion et de transmission du symbolique
sont les moyens par lesquels se fait la dramatisation de la vie politique d'une
société.
Les groupes, communautés ou classes aristocratiques ont
seuls intérêts à se remémorer des
événements qui avaient de l'importance à leurs yeux. C'est
de cette façon que l'on convertit un souvenir en tradition publique
qu'il fut vrai ou faux. L'objectif est de rehausser le prestige, garantir un
pouvoir ou justifier une institution. L'histoire devient comme
« palimpseste, écrit et réécrit aussi souvent
qu'il était nécessaire. » Big Brother d'ORWELL
Pour le Pr. Diagne ce qui résulte de ces
réécritures, c'est justement la capacité à
identifier celle d'être les traditions qui est sortie victorieuse de ses
confrontations avec les autres.
Quand l'implication du récitant dans le jeu social se
traduit en oubli, c'est une sanction pour le tribunal de la mémoire
orale car on a affaire à des anti-modèles et de l'indicible. Le
Professeur conclut que toutes les variables sont
« vraies », dans la mesure où chacune d'elle traduit
un point de vue et une « posture » qui engagent le sens
d'une existence. Le parallélisme dressé entre le conte et
l'épopée par Bassirou DIENG et KESTELOOT35 donne
raison au philosophe. Elle soutient qu'au fond « si
l'épopée est l'histoire des rois, le conte serait l'histoire du
peuple gouverné par ces rois ». Le conte privilégie
l'axe horizontal (il est plus démocratique) alors que
l'épopée privilégie l'axe vertical (elle est plus
aristocratique). L'épopée met en branle une stratégie
sociale qui lui permet d'être « mobilisatrice »,
surtout les moments de doute et de besoin de valeurs. Le conte renvoie à
une stabilité, un luxe, un divertissement, une détente.
L'épopée devient un réservoir de modèles
destiné à la formation des leaders d'une société.
Leur fonction politique est nette : ils ont pour but
« d'instruire, d'exalter le nationalisme, de réactualiser
l'idéologie ».
La mémoire épique retient ce qui est
mémorable. Ce dernier ne coïncide pas forcément avec la
victoire. La mort glorieuse plus mémorable que la victoire, est la seule
façon de vaincre son vainqueur, ou tout au moins, de partager avec lui
les lauriers de la gloire et les tambours de la renommée. Avec
Charlemagne et ces deux échecs de l'expédition sur Saragosse, la
conscience populaire évacue le traumatisme d'une bataille perdue au
moyen d'une « chanson »par la magie de laquelle
« l'échec se transforme en victoire ».
Les blessures de l'esprit ne laissent pas de cicatrices pour
parler comme Hegel ou elles cicatrisent admirablement dans une civilisation
d'oralité.
On retiendra de ce parcours que l'édification du
mémorable est un processus de sédimentation et d'ajustements au
terme duquel se met en place ce qu'un groupe reconnait et commémore. Ce
souvenir a pour fonction de fonder et de refonder : le consensus
social.
Le temps constitue la menace principale pour une civilisation
orale, pour y parer elle développe un ensemble de stratégies
discursives originales.
L'édification du mémorable privilégie
l'épique. Le grossissement et l'intervention du merveilleux à
forte dose dans la mise en scène permettent d'arracher les faits et les
personnages à la quotidienneté dans la quelle ils risquent de se
dissoudre.
La gestion de cette histoire constituée est
confiée aux gardiens de la mémoire. Par l'emploi de techniques
appropriées, ils placent en perspective le mémorable et
règlent le jeu des acteurs qui sont les grands noms du passé. Ces
derniers constituent des modèles de référence. La
tradition élève les grands hommes et leurs hauts faits au rang de
paradigmes offerts à l'admiration et à l'imitation de la
postérité.
Les décalages opérés donnent à
lire l'histoire en termes de signification plus qu'en termes de faits. Le
résultat est la production d'un espace de représentation
où se récapitule l'idéologie de la société.
La dramatisation intervient par l'entremise du « maître de
la parole » pour une mise en scène. Il mobilise la magie du
verbe, pour faire « rejouer » l'histoire.
L'épopée n'est une machine efficace à
capturer le temps que parce que, à des événements et
à des acteurs hors pair, elle assure une prise en charge qui mobilise
toutes les ressources en langage.
TROISIEME PARTIE : IMMEMORIAL : LE HORS-TEMPS
DE L'INITIATION
Dans cette partie consacrée au mythe, le Pr. M. Diagne
convoque la définition qu'en donne M. ELIADE36 pour montrer
comment elle épouse les contours de la dramatisation et de la mise en
scène.
Lorsque ELIADE voit que : « le mythe raconte
une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu
lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des
« commencements ». Autrement dit, le mythe raconte comment,
grâce aux exploits des Etres Surnaturels, une réalité est
venue à l'existence ». M. Diagne y perçoit des
ingrédients de la mise en scène : lieux, temps,
circonstances et acteurs cessent en particulier d'appartenir au monde ordinaire
parce que situé sur un univers plus élevé.
A la suite, il tente d'opérer une distinction entre
mythe et légende. Avec le regard de MEILLASSOUX37, le
Professeur Diagne considère que : « le mythe a
généralement la prétention de rendre compte
d'événements réputés originels, de la genèse
d'institution intéressant une humanité toute entière ou
encore de catégories sociales générales et
abstraites ; tandis que la légende évoque des faits
historiques mémorables intéressant des groupes sociaux
circonscrits, identifiables, ayant une existence historique, tels des peuples,
des classes sociales » Claude MEILLASSOUX.
Il y a différence entre les deux dans leurs rapports
à la temporalité. « Le temps du mythe procède de
l'anthologie ; celui de la légende s'installe dans le
concret » Louis-V THOMAS38.
Des faits historiques tombent dans la légende quand ils
s'éloignent et que son origine finit par s'estomper dans la
mémoire des individus et des groupes.
Dans les récits royaux, à l'entame nous avons
des « mythes d'origine ». La confusion entre histoire,
mythe et légende doit être évitée. La légende
entretient des supports extrinsèques avec le domaine du sacré et
du rituel. Quant au mythe ses « personnages » ne sont pas
des personnes. Ils sont des acteurs du drame sacré. La distinction est
nette entre « le temps du raconté » et
« le temps raconté ».
L'histoire cherche des points d'appui dans le mythe. Pierre
ANSART39 pense que « le récit mythique apporte le
réseau de signification par lequel s'exprime et se pense l'ordre du
monde. C'est un instrument de régulation sociale, le code à la
fois fonctionnel et coercitif qui impose maintien des stratifications.
Il se limite au temps originel. L'homme ne se proclame pas
maître du signifiant qu'il manipulerait à sa guise mais son
serviteur et, dans des cas précis, le fruit de son action efficace.
Ainsi, le philosophe met en garde contre la possible confusion
entre mythe et mythologie, forme privilégiée que prend
l'entreprise de démythisation. Le mythe devient l'objet d »une
réflexion intellectuelle qui s'est émancipée de son ordre
propre.
Le mythe n'épuise pas son sens sans l'univers des
énoncés symboliques qui le constituent. Son enseignement se
prolonge dans le rituel. C'est sous cet angle que l'apport de Kostas
AXELOS40 est fondamental. Il dit : « le mythe
énonce une histoire, le rite le produit, la liturgie la
célèbre à savoir la joue [...] le jeu devient sacré
et le sacré se trouve jeu... »
La schématisation de l'initiation est avant tout, un
apprentissage de la grammaire des symboles.
Chapitre I : Temps de l'origine et des origines
La bipartition temps sacré et temps profane renvoie en
même temps aux contenus, à l'espace et aux modalités de
production. Le Professeur Diagne essaie « d'arracher le temps
raconté à l'indifférence » pour reprendre le mot
de Paul RICOEUR41.
Dans le champ de la connaissance ésotérique,
l'image est la seule manière de « mimer
l'inaccessible » qui sera d'ailleurs dramatisé pour rendre
possible l'appropriation sélective de son contenu. Michel
SERRES42 confirme cette idée avancée en ces
termes : « tout récit mythique n'est que la dramatisation
d'un contenu donné. »
Le philosophe sénégalais tente de
défendre l'hypothèse selon laquelle la nécessité de
la dramatisation dans le sacré se justifie par le fait que ce qui
constitue un noyau est essentiellement un drame. Autrement dit, la dramaturgie
est consubstantielle à l'expression même du sacré. Elle est
omniprésente.
I. L'oubli et la mort comme drame
linguistiques
La survie de la civilisation de l'oralité dépend
des procédés discursifs qu'elle déploie contre les
atteintes de l'oubli. La parole qui narre l'origine semble ne pouvoir le faire
qu'en mettant en scène la Parole originelle. Dans la mise en
scène et la dramatisation, dans une civilisation d'oralité, la
parole et la mémoire y jouent un rôle éminent. Une
civilisation orale exige de la mémoire. Le Professeur Diagne cite
l'exemple de la poésie orale dans l'Iliade43 et
l'Odyssée. Par ailleurs Homère dès les premiers
vers de l'Iliade invoque Mnémosyne déesse
Mémoire, mère des Muses.
La capacité de restitution de quelqu'un qui ne
dispose pas de support écrit s'adosse à une puissance
supérieure qui transcende le temps. Le support avec l'immortalité
surgit quand on est doté d'une mémoire inaltérable. Dans
cette partie il donne des exemples de la Grèce antique. La
représentation de la parole et de la mémoire est un fait de
l'oralité. Elle n'est pas exclusive à l'Afrique.
La parole est souffle, qu'elle soit magique, profane ou
sacré. La parole et la mémoire conjuguent leurs efforts dans le
champ de l'initiation pour dire l'origine et donner les moyens d'en
récapituler et d'en rejouer le drame.
Lorsque Luc de HEUSCH44 est cité dans ce
passage : « l'histoire est prise au piège de la
pensée mythique, qui impose aux rois sa propre
souveraineté », c'est pour signifier que le récit
mythique n'est pas susceptible d'être manipulé. Le récit
mythique met en scène des personnages qui, dès l'origine, sont
censées avoir joué la pièce initiale. Le mythe narre la
geste primitive pendant que les rites d'initiation qu'il inspire ont une
fonction de réédition de cette même pièce par l'acte
de commémoration.
A partir d'un même tronc mythique, la possibilité
est donnée de filer des rameaux figurant des destins
différenciés de groupes se réclamant d'un même
ancêtre. C'est ce qui engendre une multiplicité de variantes. Dans
les mythes de fondation, la fonction politique de légitimation et de
régulation sociale est perceptible.
Par le biais commémoratif du rituel de temps
historique, des hommes s'alimentent du hors temps du mythe.
Dans une civilisation d'oralité l'oubli a partie
liée avec la mort. L'oubli revêt un double sens dans les travaux
de LEVI-STRAUSS45. Il est défaut de communication
(malentendu) et indiscrétion (excès de communication avec autrui)
(défaut de communication avec soi).
II. L'ordre et le désordre
Le début du récit (situation initiale)
correspond à un ordre des choses. Bousculé par une rupture
d'interdit il s'en suit une césure introduite par un véritable
désordre. Un phénomène inconnu apparait : la mort
Le Pr. Diagne illustre son propos à l'aide d'exemple
sous forme de tableau. Une transgression d'ordre linguistique et de l'ordre
linguistique sont visibles dans le récit. Le mythe nous installe dans la
problématique d'une communication défectueuse frappée
d'interdits. Le rituel de commémoration désamorce l'angoisse de
la mort par la promesse de la résurrection. La mémoire est la
seule faculté qui triomphe de l'oubli, de la mort.
« Les rites sont dans le temps ce que la demeure
est dans l'espace ». Cette boutade de Saint-Exupéry permet de
faire ressortir l'idée d'un ancrage et d'une volonté de
sédimentation se prolongeant en une entremise d'organisation de
l'espace. Un système de normes est introduit afin de restaurer un ordre
perturbé. On se donne les moyens de récapituler
périodiquement certains paradigmes de l'origine. C'est trouver une
parade à l'oubli en « marquant » le temps
lui-même.
Deux impératifs se posent : la connaissance et le
respect de ce que nous appelons les sens interdits et les sens des obligations
de la parole ; l'extrême vigilance de la mémoire sur la
topographie du permis et du défendu. La mise en scène, en
même temps qu'elle rend pensable la mort comme sanction d'une faute, fait
intervenir ce qui en figure l'antidote ou le dépassement.
Le philosophe sénégalais en arrive à
découvrir que le rituel de la commémoration à
périodicité empêche l'oubli d'affecter la mémoire
des hommes. Préserver les sociétés humaines de l'oubli,
c'est toujours « humidifier », c'est-à-dire
rendre féconde leur mémoire. Ainsi, s'initier, c'est mourir
symboliquement, afin de restaurer le pacte originel. Mourir, dans le but de
vivre, telle est la finalité poursuivie.
Chapitre II : Dramaturgie et Initiation
L'auteur rappelle que la dramatisation est ici synonyme de
superlatif. L'initié est invité à rejouer la
Vérité première. Des rapports d'interaction dialectique
s'instaurent entre la dramatisation et l'initiation.
I. L'invitation au voyage
Le procédé de dramatisation joue sur deux
plans : celui du contenu du savoir initiatique et celui de la quête
même de ce savoir. Le candidat à l'initiation est invité
à effectuer un voyage dans cet Ailleurs qu'est le territoire de
l'initiation, en compagnie des personnages qui s'y trouvent projetés.
« Notre faim de connaître est un feu toujours
ardent » déclare Hammmadi à un moment crucial du
déroulement de Kaïdara46. C'est l'expression
d'une curiosité insatisfaite ou d'un désir de connaître
sans laquelle il n'y a pas d'initiation.
Le processus initiatique est une é-ducation,
c'est-à-dire une action effectuée sur quelqu'un pour le tirer
d'une situation initiale vers une autre et, par là, lui faire effectuer
un déplacement du non-savoir vers le savoir.
Le mythe ou récit initiatique appelle l'opacité
et l'énigmatique. Nous sommes dans le territoire du symbolique.
Dès lors, le problème est celui du maître-signifiant
capable de nommer l'indicible. Il n'y a de mythe véritable que dans et
par le pari de porter au langage ce qui outrepasse les limites du langage.
Aussi, il serait inconcevable de ne pas faire de l'usage poétique. Donc,
l'initiation réussie est celle qui va jusqu'à son terme :
« la faim assouvie »
II. Le « lointain - proche » du
symbole
Le Pr affirme que s'il a illustré ses propos avec
Kaïdara, c'est sa capacité à illustrer les
thèses les plus importantes qui sont défendues. Il y a
également la richesse de son contenu symbolique, la qualité de sa
composition, l'usage multiforme qu'il fait du procédé de
dramatisation, la profondeur de la thématique.
Le récit est un carnet de voyage consignant les
péripéties d'une aventure fantastique, celle de la quête
initiatique. L'auteur de Critique de la raison orale dresse un
parallélisme entre Koumen47 et
Kaîdara et retrace les deux itinéraires. Il dégage
trois activités humaines que sont : le pouvoir (Dembourou) ;
l'avoir (Hamtoudo); le savoir (Hammadi). M. Diagne explique le parcours
initiatique de KaÏdara et des personnages.
Dans l'empire des signes, l'auteur donne la symbolique de
l'or. Il dit que l'or, ce « tout » est en même temps
« rien ». L'interprétation consiste à
décrypter l'ambivalence et de fonder un bon choix. C'est la
capacité à percer l'obscurité des symboles et à
s'orienter dans le clair-obscur où ils se produisent. Elle constitue la
faculté initiatique par excellence. Le trait dominant consiste à
rendre impossible la compréhension immédiate.
Chapitre III : Initiation et
métamorphoses
La mise en contact du candidat avec un univers de
réalités et de signes dont la satisfaction n'est pas
immédiatement décelable et demeure dérobé au
profane, tel est le sens de l'initiation. L'accès au savoir correspond
à un changement de statut.
I. L'envers des signes
La polysémie et l'ambivalence caractérisent la
présentation des symboles. Tous font jouer la dialectique de
l'être et du paraître (exotérique/ésotérique).
Il existe une relation entre initiation et vision. La connaissance authentique
est rendue en termes de vision exacte, non déformée. Il y a
dissonance entre l'apparence et la réalité. Le symbole
révèle ses caractéristiques polysémiques. Le monde
de figuration du symbole en fait une énigme à
déchiffrer.
Cf. Tableau de code herméneutique
II. L'enclos du sens
Avec son statut d'équivalent abstrait, l'or brouille la
non-équivalence réelle de l'avoir, du pouvoir et du savoir. De ce
point de vue, il est un faux équivalent réel qui fonctionne comme
un vrai équivalent fictif, par sa capacité apparente d'exprimer
le différent sans la figure piégée du même.
Le « tout » de l'or pourrait signifier
qu'il s'échange contre tout. L'or se donne comme une valeur
réelle pouvant s'échanger contre une non-valeur apparente,
laquelle se révèle, en fin de compte être une valeur
réelle, au moment même où l'or devient une non-valeur
réelle. Le principe d'équivalence, par la non-équivalence
qu'il contient et dissimule tout à la fois, exprime la capacité
de métamorphose de l'or. Kaïdara est l'ambivalence
personnifiée. Il ne convient qu'à Kaïdara de parler
de lui-même.
Les moments de codage et de décodage sont à
intégrer au processus global de l'initiation. Le symbole est bien le
seul à instaurer explicitement, comme cadre scénique, un espace
social ordonné selon la règle fondamentale de l'institution
initiatique.
Dans une civilisation d'oralité, les silences
suggèrent plus qu'ils ne disent. Ce qui échappe à toute
profération revendique pour demeure l'implicite. La dialectique de la
parole proférée et du silence fait apparaître l'un et
l'autre comme deux modalités du dire. Elle gouverne le programme de
l'éducation des « héritiers » dans leur
processus de socialisation. Mamoussé Diagne de conclure en convoquant
Pierre ERNY48 : « la parole ne prend sa pleine valeur
que maîtrisée, dominée ; comme le secret valorise la
connaissance, le silence valorise le verbe (...) »
Une civilisation de l'oralité parce qu'elle est une
civilisation de la parole vive est, en même temps une civilisation du
secret, c'est-à-dire du silence. Le Pr de philosophie rappelle une
démarche de Aguessy pour dire que la parole pleine se recueille dans le
silence profond ». Enfouir la « parole profonde »
sans la cacophonie des propos superficiels est peut-être le meilleur
camouflage dans une civilisation ne disposant pas de l'écriture. Le
langage se constitue en labyrinthe où seul49 l'initié
trouve le moyen de s'orienter. Il devient le lieu de l'égarement et de
la perte de soi. C'est dans la mise en scène au service de ce dessein
que les récits initiatiques excellent.
La gestion de la parole ne constitue rien d'autre qu'un
ensemble de mécanismes de contrôle et de sa publicité et de
sa non-publicité. C'est comme le dicton bambara recueilli par D. Zahan
est rapporté par le Professeur
Mamoussé : « si la parole construit le village, le
silence bâtit le monde » car « la parole a
éparpillé le monde, le silence le rassemble ».
Le temps est le principal adversaire de la civilisation de
l'oralité. Pour échapper à l'oubli qui a figure de mort,
elle utilise les procédés comme la dramatisation, le rituel,
l'initiation, les récits épiques ou légendaires.
conclusion
Dans sa conclusion le Professeur Mamoussé Diagne
rappelle les points de départs de ses hypothèses. Il fallait
montrer que les civilisations africaines sont des civilisations de
l'oralité. Ainsi, il s'est attelé à évacuer les
thèses qui tentent de dévaloriser l'oralité en le
référant négativement à l'écriture. Il
projette en substance de donner à l'oralité la dignité
théorique d'un concept opératoire.
Mais la thèse principale est de montrer que les
civilisations de l'oralité font appel à des procédures de
production, de gestion et de transmission de leur savoir, irréductibles
à celles que l'on trouve dans les civilisations d'écriture. Le
choix des genres fait au cours de ce travail est en fonction de leur
capacité à illustrer la thèse principale.
Pour le Professeur de philosophie, la dramatisation, forme
véhiculaire du savoir est le moyen incontournable de sa rétention
durable. Il considère l'épique orale comme un immense spectacle.
Les « maîtres de la parole » comme metteur en
scène rendent le spectacle grandiose. Ils offrent un socle
référentiel à l'aventure du groupe. Ces
spécialistes sont les protestations vivantes des hommes contre l'oubli
et la mort.
Dans le récit initiatique, la dramatisation
réapparaît et donne aux civilisations de l'oralité une
conception initiatique du savoir. Le procédé de dramatisation
intervient à la fin pour configurer l'étagement du savoir
initiatique et pour rendre son accès sélectif.
Sa conviction est qu'aucune civilisation ne se résigne
à l'acceptation passive de cette loi commune qu'est la mort. Chaque
civilisation déploie tout un arsenal de « ruses »
pour tromper la mort en tentant de piéger sa figure le plus visible qui
est le temps.
Il ne termine pas sans mentionner les difficultés.
C'est d'abord l'incapacité à généraliser ses
résultats. Il laisse la validation aux recherches ultérieures.
Ensuite l'étroitesse de la problématique a créé un
défaut de prise en charge des caractères multidimensionnels de
certains phénomènes.
Tout de même son objectif était de montrer que
l'absence d'écriture oblige à faire recours à des
techniques parmi lesquelles la dramatisation est la plus
caractéristique.
Cette étude qui s'est limitée aux
sociétés traditionnelles d'Afrique noire mériterait
d'être revisitée par endroit avec la révolution
informatique qui est venue bousculée toutes les thèses
élaborées avant sa prégnance sur notre quotidien.
Ce travail colossal a le mérite de baliser le vaste
champ de la littérature orale. Les éclairages conceptuels et
l'étude fouillée de cas précis sont un d'un d'apport
inestimable.
L'esprit du philosophe a par moment semblé revenir sur
des aspects déjà traité. Cela a parfois
égaré. La dernière partie consacrée au mythe est
plus proche de faits relatés qu'une analyse à l'image des autres
parties de l'étude.
Notes bibliographiques des auteurs cités dans ce
résumé
--------------------
1. Sociologie des sociétés orales d'Afrique
Noire, Les Ewe du Sud-Togo, Paris-La Haye, Mouton 1969
2. « Religions africaines comme effet et source
de la civilisation d'orale, Actes du colloque de Cotonou 16-22 Août,
1970
3. « Qu'est-ce que
l'oralité ? », Recherche, Pédagogie et culture
n°4.pp3-6
4. « Et le lièvre vint, récits
populaires diola », NEA, 1982.
5. « Ce que Thalès a vu au pied des
pyramides », in hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF,
1971.p7
6. « De la pluralité des modes de
connaissance », La Pensée, n° 220,p. 7
7. « Pour une étude des gestes
narratifs », in Langage et cultures africaines, Paris, Maspero,
1977.
8. Recherches philosophiques sur la langue ouolof, Paris,
Dondey-Dupré, p.126
9. Préface à Simon BATTESTINI, 1997,
p.11
10. Ecriture et texte. Contribution africaine, Les Presses
universitaires de Laval/ Présence africaine.
11. « Les proverbes et leurs désignations
dans les langues antiques » in François SUARD et Claude
BURIDANT
12. Recherche : « prêt à
penser » ou « moralité en
boîte »
13. l'image, la langue, la pensée, t I :
L'exemple des proverbes, Paris, Anthropos, 1977, p. 17
14. « La parole proverbiale » in
Richesse du proverbe. Vol 2 : typologie et fonctions pp.121-130 P.U Lille
III
15. Formes simples, Paris, Seuil, 1972.
16. Silâmaka et Poullôri, récit
épique peul raconté par Tinguidji, Paris, A. Colin, 1972.
17. Homo Ludens, Essai sur la fonction des
jeux,1988.
18. Le jeu est la parole, Niamey, CELHTO, 1981.
19. La dialectique du verbe chez les Bambaras, Paris-La
Haye, Mouton, 1963.
20. « De la littérature
négro-africaine », Colloque de Dakar su L'Art nègre,
1966.
21. « Les contes de l'enfant terrible dans la
littérature orale San » in Histoires d'enfants terribles,
Paris, Maisonneuve, et Larose, 1980.
22. Le sacré et le profane, Paris,
Gallimard,
23. « La tradition orale en tant que source
pour l'histoire africaine, Niamey, CRDTO
24. La poésie et la voix dans la civilisation
médiévale, Paris, PUF, 1984.
25. Civilisation ou barbarie : anthropologie sans
complaisance, Paris, Présence Africaine, 1981.
26. L'Exil d'Albouri, Présence Africaine,
réédition, 1975.
27. Le Phèdre de PLATON, 275a-b, trad. Robin et
Moreau, OEuvres complètes, Paris, Gallimard.
28. Le monde d'Ulysse, 1986 Traduit par Claude
Vernant.
29. « La production d'un récit
historique » in Gens et paroles d'Afriques. Ecrits pour Denise
Paulme, Cahiers d'études africaines, n° 73-76, 1979
30. Les épopées d'Afrique noire, Paris,
Karthala, 1997
31. La transformation des sociétés wolof et
séreer de l'ère de la conquête à la mise en place de
l'administration coloniale, doctorat d'Etat.
32. « L'avenir de la tradition », in
Sénégal trajectoire d'un Etat de Momar C. Diop, Dakar, Codesria,
1992
33. L'Etat séducteur, Paris, Folio essais, 1993,
p.12
34. Arts et sagesses d'Afrique noire,
Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 1998
35. Da Mazon de Ségou, épopée
bambara, Paris, Nathan 1972
36. Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963
37. « Le mâle en gésine, ou
l'historicité des mythes », in Gens et paroles d'Afriques.
Ecrits pour Denise Paulme, Cahiers d'études africaines, n° 73-76,
1979
38. « Temps, mythe et histoire en Afrique de
l'Ouest », Paris, Présence Afrique ,n° XXXIX, pp.12-58,
1961
39. Idéologie, conflit et pouvoir, Paris, PUF,
1977.
40. Le jeu du monde, Minuit, 1969
41. Temps et récit, T.II : La configuration du
temps dans les récits de fiction ? paris, Seuil, 1984
42. « Ce que Thalès a vu au pied des
pyramides », in hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF,
1971.p7
43. Homère, chant II, v. 482-492, Paris, Garnier
Flammarion, 1965
44. Le roi ivre ou l'origine de l'Etat (mythes et rites
bantous), Paris, Gallimard,1972
45. « Mythe et oubli », in Julia
Kristeva, Jean Claude Milner et Nicolas Ruwet (ed.), Langue, discours,
société-Pour E. Benvéniste, Paris, Seuil, 1975
46. BA Amadou Hampâté et Lilyan KESTELOOT,
Récit initiatique peul, Paris, A. Colin
47. BA Amadou Hampâté et DIETERLEN Germaine,
texte initiatique peul
48. « Approches du conte
merveilleux », Recherche, pédagogie, culture
49. Essai sur le mythe Lêgba, Thèse doctorat
d'Etat, Paris, Sorbinne,1973
Exposé n° 2 : Présentation du
projet de thèse
Le choix du thème de recherche : « La
force du verbe dans la tradition orale wolof l'exemple des chants du Cercle de
la Jeunesse de Louga », résulte de plusieurs raisons
essentielles :
- La première est liée à
l'intérêt que l'on porte au discours oral. En effet,
l'oralité resurgit avec force sur plusieurs formes malgré
l'attrait grandissant pour les TIC : sms, mail, etc,
- En second lieu, le phénomène du Cercle de la
Jeunesse de Louga a attiré notre curiosité car depuis des
décennies ses chants accrochent et intéressent les auditeurs. Le
public continue d'adopter cette production même si le répertoire
ne se renouvelle pas. En un mot, les chants du Cercle restent encore actuels.
- En outre, la dimension que la Troupe de Louga a prise ne
laisse pas indifférent un spectateur attentif. Nonobstant son aura
internationale, aucune étude ne s'était encore
intéressée à ce monumental patrimoine culturel qui, avant
les indépendances jusqu'à nos jours, véhicule une forte
tradition du groupe wolof.
Ces raisons ont fait naître en nous la volonté de
travailler autour des chants du Cercle de la Jeunesse de Louga tout en essayant
de déceler la force du verbe déclamé dans ce qui
constitue le quotidien du groupe Wolof.
Le verbe est vu ici comme la dimension supérieure de la
parole. C'est la parole qui influe sur les hommes et les amène à
adopter telle ou telle autre conduite. Cet acte de langage en vue
d'infléchir sur le comportement de l'autre dépend surtout de la
situation de parole, la performance.
L'impact du verbe dans la tradition se révèle
à travers les textes de la Troupe de Louga. En effet, ce corpus
connaît des moments d'énonciation spécifique. De la
naissance à la mort, en passant par les différentes
cérémonies qui jalonnent sa vie, l'individu subi les pouvoirs de
cette parole proférée.
L'analyse de l'impact du verbe dans cette
société d'oralité, à partir des chants du Cercle, a
donc nécessité un cadrage socioculturel afin de dégager
l'interaction entre le milieu, la langue et le comportement du groupe.
Pour ce faire, le passage au corpus était la voie
obligée. Ainsi, dans notre démarche, il fallait un recueil et
contrairement au conte qui nécessite un traditionniste, nous nous sommes
rabattu sur les enregistrements de la Troupe que la radio diffusion du
Sénégal a pu conserver dans ces Archives. Notre choix pour les
cassettes audio a été conforté par l'inexistence de
répertoire fixé à partir de l'écrit.
Cette étape franchie, nous nous sommes attelé
à transcrire les textes, un par un avec des auditions
répétées. De manière systématique,
l'écoute et la transcription se sont faites simultanément, par
à coup. Des retours en arrière sont aussi opérés
à chaque fois que cela était nécessaire.
Les premiers textes obtenus ont subi des rectificatifs avant
d'être soumis à l'approbation de spécialistes pour une
correction de la transcription wolof.
Ce travail achevé, nous avons débuté la
traduction des textes wolof vers le français. Pour éviter toute
influence sur l'orientation adoptée, nous avons d'abord fait sortir un
fil conducteur entre les textes et classer ces derniers avant de
procéder aux interviews et recoupements avec les membres du Cercle
ciblés.
C'est au cours de ces rencontres que des rectificatifs ont
été apportés sur la mise en forme des textes et sur les
indications scéniques pour leur éventuelle mise en scène.
A propos du Cercle, les interviews accordées par
Mademba Diop15(*) dit
Masse, Saliou Ndiaye16(*)
et Birahim Dieng17(*) se
sont faites séparément et successivement à Dieuppeul, aux
Parcelles Assainies à Louga. Avec les autres membres rencontrés,
c'est plutôt des débats ouverts sur plusieurs questions. Mais pour
l'essentiel les informations recueillies se recoupent fortement.
Pour l'exploitation de toutes ces données, nous avons
adopté un plan en trois parties.
La première partie composée de deux chapitres
constitue un ancrage du verbe dans le contexte socioculturel du Ndiambour. Ce
cadrage montre en même temps les mutations intervenues sur les plans
politico-religieux et culturels. A la suite, l'organisation de la
société wolof fera l'objet du second chapitre. De même, la
typologie du verbe wolof servira à fixer les repères à
partir desquels l'analyse s'est basée.
La deuxième étape est totalement
consacrée au corpus. Sa présence se justifie par les nombreuses
précisions apportées aux textes pour leur
compréhension : occasion de déclamation mais aussi des
précisions pour la mise en scène des chants lors des
spectacles.
Dans la même foulée, les problèmes
liés à la collecte, à la transcription et à la
traduction seront évoqués.
La troisième étape consacrée aux
procédés stylistiques, répertorie les raccourcis
langagiers et à tout autre moyen facilitant la rétention car
participant de ce que Austin appelle les actes perlocutoires de la parole dans
Quand dire c'est faire.
Cet avant dernière étape s'est aussi
intéressée aux figures de rhétorique.
Enfin, la dernière étape dégagera les
thèmes majeurs du répertoire du groupe qui reflètent en
même temps les préoccupations de la collectivité.
L'étude débouchera sur les fonctions des chants.
A partir de cette étude, nous envisageons
démontrer que le verbe régit le quotidien et le destin de l'homme
des sociétés d'oralité, en particulier le groupe wolof.
Après avoir délimité l'aire dans laquelle s'exerce le
répertoire du Cercle nous constatons que la force du verbe
apparaît à plusieurs niveaux d'analyse. A tous les moments de la
vie du groupe (baptême, mariage, travaux champêtres....) le chant
est présent et constitue un motif de déclamation.
Ainsi proféré, le verbe trace un destin pour
l'individu, construit une réputation. En un mot, il oriente, exalte,
rappelle les valeurs mais aussi il fixe les événements marquants
la vie du groupe. A travers le verbe niche dès cet instant toutes les
règles de conduite de la communauté.
Avec un examen transversal de ces chants nous ferons ressortir
les procédés d'expression inhérents à cette
production. Ces techniques donnent à cette production toute sa valeur
littéraire
C'est dire que la poétique des textes oraux africains
peut révéler une richesse insoupçonnée.
En dernier lieu, nous dégagerons des perspectives
quand on sait qu'il reste beaucoup à faire dans le champ de la
littérature orale africaine.
Le travail de fixation d'un corpus de références
intégrant chants, contes, légendes, épopées.... est
impérieux. A la suite de ce corpus, il faudrait une étude
fouillée pour construire une véritable poétique des
textes oraux africains.
Le plus handicap auquel nous nous sommes confronté
réside d'ailleurs dans cet état de fait.
V. BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE
1. Les articles
1.1 « La poésie orale dans
l'ouest africain », Lilyan KESTELOOT in
« Ethiopiques » n° 56, 2ème semestre
1992, pp 65-84
Dans cet article, Lilyan KESTELOOT se penche sur quelques
manquements dans la recherche poétique orale dans l'ouest africain.
La poésie orale, dénommée
poésie-chant est partout associée au chant ou à un support
musical. C'est d'ailleurs ce qui confère à cette poésie un
caractère populaire. Elle est l'apanage de tout individu qui en exprime
le désir. C'est pour lever l'équivoque entre celle-ci est la
poésie historique ou épique qui est du ressort des griots que Mme
KESTELOOT apporte ces précisions. Elle propose cette
méthodologie d'analyse des chants (poèmes-chants). Pour elle,
l'accompagnement musical doit nous obliger à nous attarder sur certains
aspects. Il s'agit d'identifier la distribution du texte sur la chaîne
mélodique, et de mesurer l'écart entre le rythme naturel de ces
langues et celui qui introduit la musique. Ce travail doit être fait dans
chaque genre dans une même langue et ensuite le reprendre pour chaque
langue avec des locuteurs différents. À partir de là, ou
pourra donc répertorier les figures et structures dans les corpus en
tenant compte des six règles stylistiques.
Pour la chercheuse, tant que ce travail n'est pas fait, il
serait illusoire de détenir une synthèse qui soit digne de ce
nom. C'est pour dire que beaucoup reste à faire dans le domaine de la
recherche en ce qui concerne la poésie orale africaine. Lilyan
Kesteloot, forte de ce constat va plus loin est propose des pistes
d'études. Son approche est fondée sur la prosodie (le rythme) qui
est le sceau de la poésie. Cette étude du chant ne va pas sans la
musique qui lui impose une mesure.
Mais la difficulté réside dans l'exploitation
des textes fixés à partir de l'écrit (chant transcrit)
dont la musique est systématiquement absente. La solution qu'elle
propose consiste à se rabattre sur les vers (retour d'une même
unité de mesure donnée et encadrée par la mélodie)
répétés. Pour Madame KESTELOOT, ces vers
répétés fondent le rythme même s'ils sont
inégaux.
Pour une autre entrée, le noyau fixe dans les chants
poèmes marque un temps fort du rythme. Egalement ces litanies, refrains
ou échos régularisés peuvent servir de support pour
ressortir le rythme. Les chants sans refrains, ni répétitions
échappent à cette loi. Dans ces chants les strophes classiques
(dizaine de vers ou formule selon l'expression d'OKPAWHO) constituent la
dominante et l'étude s'intéressera à cet aspect.
Dans la traque de la prosodie, le chercheur doit aussi
s'arrêter sur les phonèmes (allitérations, thèmes
sonores), les jeux de mots, la danse des sons et la danse des mots.
En définitive, Madame KESTELOOT conclut qu'il n'est
pas facile de séparer l'étude des phonèmes, des rythmes et
de la syntaxe en poésie orale. Tous interviennent dans le tissu sonore
du chant. Dans l'étude des métaphores-figure, s'appuyant sur
MESCHONNIC, elle écarte tout formalisme. En Afrique, ces formules
pullulent dans les chants-poèmes et ne fonctionnent pas sur le
même registre que la poésie écrite même si elles
« frappent » l'oreille étrangère.
Lilyan Kesteloot revient pour affirmer la rareté, le
caractère rare, partiel ou inexistant d'études monographiques sur
la poésie orale africaine surtout en poésie orale wolof.
Pour une véritable étude de la typologie, Mme
KESTELOOT suggère de sortir des généralités et de
repérer les genres dans chaque langue avec leur dénomination
locale. De même, elle constate que les typologies avancées
renvoient souvent à celle de Ruth FINNEGAN
L'analyse des insuffisances de la poésie orale dans
l'ouest africain est intéressante à plus d'un titre. Elle a le
mérite d'informer sur l'état des recherches et les zones à
prospecter. Ainsi, la clarification de certains concepts est d'un apport
inestimable. D'ailleurs, elle participe à la stabilisation du lexique de
la critique en poésie orale africaine
En plus, cet article conforte notre position sur la
nécessité et l'urgence de la constitution d'outils d'analyse de
cette poésie d'autant plus que l'idée est partie d'une
spécialiste, experte sur la question.
Cependant, vu les études menées ces
dernières années, quelques idées émises
méritent d'être relativisées. Dans sa méthodologie
d'analyse, Mme KESTELOOT conseille que l'on associe musicalité et texte.
A ce stade d'analyse les chercheures non spécialistes de la question
musicale se confrontent à des limites objectives. Le non initié
en musique traitera de mesure, de temps et d'autres aspects liés
à la musicalité qu'avec approximation. En recherche la rigueur
scientifique écarte toute approximation
1.2 « Problèmes posés par la lecture
des textes transcrits de l'oralité », Othniel DOSSEVI in
« Annales de la faculté des lettres et sciences humaines de
Dakar », n° 9, pp 131-169, 1979, PUF
S'inscrivant dans une dynamique de renaissance des lettres
africaines, Dossevi se propose de revisiter la tradition orale pour en
découvrir la richesse littéraire. De son point de vue, c'est une
source d'inspiration profonde comme jadis avec les poètes de la
Pléiade se sont mirés à la source Antique.
Mais, le passage de l'oralité aux textes transcrits
laisse perplexe. Les circonstances de performance et le talent de
l'exécutant semblent s'estomper. Les transcriptions sont vues comme des
textes conformes à la tradition des ancêtres. Les séquences
fixes, figés donnent au texte une sorte de crédibilité.
Ainsi, c'est lors de l'interprétation que les
initiateurs apportent un éclairage sur le texte. Aujourd'hui, ceux sont
les spécialistes qui assument ce rôle. Cependant, le texte est
l'objet de remise en cause à chaque interprétation. C'est une
pensée vivante sans cesse renouvelée.
Le premier constat qui se dégage est l'effacement des
inconvénients de l'oralité par la transcription. Le texte devient
polyphone, son appréciation multiple. Alors que s'établit un
rapport de confiance entre le lecteur et « l'écrivain de
l'oralité », le texte transcrit affiche un silence
mystérieux à l'image des oeuvres plastiques. Ainsi, se pose la
question de l'anonymat.
Dossevi revient sur la richesse de l'art africain lié
au caractère hermétique de ses oeuvres. C'est aussi un
caractère spécifique de l'art africain traditionnel. De
même, dans l'Europe moderne, baignée dans une tradition
d'écriture, certaines oeuvres ne portent pas la marque de leur
créateur. C'est dire que l'anonymat total n'existe guère.
L'oeuvre porte le fruit du talent d'un artiste quand bien même les
circonstances de création le font passer au second plan. Le texte
n'informe pas sur le créateur. Il porte moins la marque du
créateur que celle du commanditaire, du goût des clients ou des
nécessités de son utilisation.
Dans l'analyse de Dossevi, cette modestie du créateur
est loin d'être liée à un manque de considération
qu'on lui devait. Il se réclame des modèles des Anciens transmis
par la tradition et l'apprentissage. Il se soumet aux formes ancestrales.
Même si la part de son travail et de sa technique est
évidente, pour la bonne marche de la société, il reste
dans les rangs. Sa discrétion est sagesse et nécessité car
toute distinction d'individualité est poursuivie par la jalousie des
hommes et des dieux. La distinction de l'individu n'a pas besoin d'être
chantée.
D'ailleurs, lors de la performance, le créateur
proclame souvent sa maladresse devant ses inspirateurs ou ses initiateurs.
C'est là l'aveu d'une nouvelle création et non une fidèle
reproduction
Dossevi compare la démarche du créateur africain
au classicisme occidental adossé à un modèle ancien. Il
précise que l'artiste africain est plus préoccupé
d'illustrer les idées autour desquelles doivent se regrouper les membres
de la société. Il assure la destination de l'oeuvre sans nuire
aux commanditaires.
Du côté de l'audimat, Dossevi considère
que les auditeurs viennent chercher une confirmation des règles du
bonheur enseignées par les chefs et la confirmation de son appartenance
au groupe. Chaque auditeur est capable de déceler dans le récit
tout ce qui est contraire à l'intérêt du groupe.
Dossevi relève une rupture entre la littérature
écrite avec la tradition. L'individualité et la
responsabilité de l'auteur émergent de plus en plus même si
les conditions de création et les fonctions des oeuvres ne mettent pas
en lumière le créateur. Mais ses auteurs prônent le retour
aux valeurs traditionnelles classiques.
Pour autant, le conte offre un terrain habile de contestation,
de rajeunissement des institutions et un renouvellement des thèmes
littéraires. Le conteur exprime sa personnalité.
Tous ces constats amènent à dire que les textes
recueillis doivent être suspects. Considérés comme des
récits ancestraux, ces textes ressemblent à des versions
individuelles, propres à chaque narrateur.
Dossevi tire en conclusion que les textes oraux ne sauraient
avoir une lecture unique. Il s'agit de se démarquer de la vision des
anciens pour porter le besoin actuel.
L'article de Dossevi participe à l'éclairage
conceptuel nécessaire pour l'analyse des textes recueillis de l'oral. En
outre, l'anonymat des ces textes trouve une interprétation permettant
d'ouvrir un vaste champ d'étude.
Mais ce qu'on peut reprocher à Dossevi dans son
article, c'est de se limiter exclusivement à des constacts sans proposer
des débuts de solution. Il est important d'attirer l'attention des
chercheurs sur la collecte et la traduction mais il serait beaucoup plus
intéessant d'esquisser des palliatifs.
1.3 « De la valeur éducative du genre
narratif dans les sociétés africaines
traditionnelles », Jean NTAKIRUTIMA in
« Ethiopiques » n° 77, 2ème semestre
2006, pp 173-192.
Dans son propos préliminaire, NTAKIRUTIMA part du
postulat que l'oralité joue un rôle de support à certains
groupes sociaux et à certaines sociétés où les
échanges se font de bouche à oreille. Elle est une composante
importante dans la formation de l'identité communautaire et
l'identité individuelle.
Dans cette étude, il explore la fonction didactique des
contes, légendes, fables et autres genres narratifs similaires dans les
sociétés africaines traditionnelles. Même si la principale
cible reste les jeunes, cet enseignement est aussi destiné aux adultes.
Il circonscrit cet enseignement en sept points :
- Genre narratif et l'enseignement de l'histoire ancestrale
Le genre narratif est le médium favori de conservation
et de transmission de l'histoire. Par elle, des valeurs sociales sont
véhiculées de génération en
génération.
Les faits racontés sont enjolivés de prouesses
surnaturelles. C'est par le talent des conteurs, par la maîtrise du verbe
que les jeunes sont initiés au passé des aïeux :
passé glorieux, pratiques valeureuses, origines légendaires sont
connus par l'entremise des épopées. Ainsi, certains historiens ne
s'y trompent plus car ils érigent en nécessité la
connaissance de la source orale pour comprendre le passé des peuples.
- Genre narratif et enseignement des structures de
l'univers
L'auteur montre que l'homme est un être qui
éprouve le besoin de connaître son univers. De ce fait les
productions africaines narratives ont tentés d'expliquer les
mystères de la nature. La démarche est fondée sur une
logique surnaturelle. Les narrations faites transmettent le sens de
l'identité, de la multiplicité, de l'individualité et de
la communauté.
- Genre narratif et enseignement de l'écologie
Le désir de connaître les interactions entre les
espèces a amené l'initiation aux significations des
espèces. L'astuce a consisté à humaniser animaux et
végétaux dans las récits. Le mélange entre le
naturel et le surnaturel rend l'histoire plus captivante.
- Genre narratif et enseignement de la morale sociale
Les rencontres vespérales étaient l'occasion de
faire le bilan de la journée. Celui-ci détermine le conte de la
veillée en relation avec les faits marquants du jour.
L'oralité (les textes oraux) apparaît donc comme
une véritable école du soir : transmission des
modèles, des normes sociales... La norme est toujours sanctionnée
positivement tandis que les conduites répréhensibles
entraînent nu sort négatif du héros.
Les animaux servent de personnages dans ces types de
récits. La symbolique du règne animal partagée par
plusieurs cultures permet à ces productions narratives de voyager dans
l'espace et le temps.
- Genre narratif et enseignement de la langue aux plus
jeunes
L'écoute attentive de la parole dès le jeune
âge offre une utilisation efficace et précise de la langue. En
effet, les structures des récits intègrent dans la plupart du
temps les structures de la langue. L'acquisition de la langue poétique,
policée est faite au détriment de la langue ordinaire.
L'importance que revêt la parole en Afrique exige un verbe raffiné
selon le message à délivrer.
A leur tour, les plus jeunes reprennent les récits et
perfectionnent progressivement leur structure langagière.
- Genre narratif et enseignement de l'art oratoire
La situation d'écoute ne se réduisant pas
à une simple consommation, les jeunes qui reçoivent les
récits requièrent en même temps le statut de juge. La
profération n'a de sens et de valeur qu'après le jugement de
l'auditoire. Les jeunes sont impliqués dans la narration et peuvent
reprendre, répéter ces textes oraux. Ils sont du coup
initiés à l'art oratoire.
- Genre narratif et formation publique continue
En plus de l'art oratoire, les contes participent à la
formation avec les types énigmatiques. C'est une formation aux
débats, au discernement.
L'éducation est ouverte et se déroule au moment
où tout le monde est disponible : le soir, après les
travaux. C'est ce qui fait son caractère public et continue.
Le processus de formation est acquisition pour les jeunes et
renforcement pour les moins jeunes. Les niveaux d'interprétation et de
compréhension sont variables selon les degrés de
maturité.
Le travail de Jean NTAKIRUTIMA a l'intérêt de
révéler quelques-unes des facettes de l'éducation
traditionnelle en Afrique. A travers les genres narratifs. Les domaines
sériés permettent de voir directement l'impact de cette
éducation. Les renvois vers les textes comme illustration rendent
l'étude plus intéressante et renforce les théories
développées.
Cependant, l'auteur limite son étude au genre narratif.
Il pourrait explorer les genres qui intègrent des séquences de
chants et/ou de gestuelles. L'analyse d'éléments rythmés,
internes aux chants, occuperait une large part dans l'éducation
traditionnelle.
2. Les ouvrages
2.1 Introduction à la poésie orale,
Paul ZUMTHOR, Paris, Seuil, 1983, 308 pages
Dans cette vaste étude, Paul ZUMTHOR passe en revue
différents aspects de la poésie traditionnelle orale.
L'ouvrage s'organise en quatre grandes parties : l'oralité
poétique, les formes, la performance, rôles et fonctions
Il passe par une clarification conceptuelle et essaie de
traquer une éventuelle spécificité de la poésie
orale. Dans un second mouvement P. ZUMTHOR jette un regard sur la voix et
souligne la nécessité à la cerner pour une base
théorique de la poésie orale. En outre, il lève l'amalgame
qui consiste à considérer toute littérature non
européenne comme folklore. ZUMTHOR part de la notion de performance pour
clarifier le concept d'oralité. Ainsi, des influences sont
relevées selon le rapport à l'écrit.
Le premier point est consacré à
l'universalité de la poésie orale. ZUMTHOR situe dans le temps
ces productions et les décalages possibles lors de la performance. Cela
implique des difficultés d'interprétation ou de reconstitution.
Mais quelques indices permettent de rétablir l'oralité
conservée par l'écrit.
ZUMTHOR termine cette première partie en insistant sur
la résurgence des cultures marginalisées. Les brèches
ouvertes permettent à ces cultures de reprendre racine par des
survivances ou des reliques. II note aussi l'évolution des
créations selon le mode de naissance :
-La création individuelle -fonction originelle
-La création intertribale - show business
-La création cérémonial-
fixité
Dans la deuxième partie consacrée aux formes et
genres, l'auteur pose la difficulté à cerner la poésie
orale. Paul ZUMTHOR revient sur la différenciation entre oeuvre,
poème et texte. De prime abord une spécificité ne se
dégage pas. Cependant, la performance détermine la forme. De ces
constatations ZUMTHOR en dégage ce qu'il appelle la forme d'une
macro-forme qui s'organise autour de trois axes : Le premier axe est
déterminé par des situations de discours ; Le
deuxième axe voit la devise au coeur du chant dans certaines
circonstances ; Le dernier axe fait ressortir les poèmes nés
d'une émotion causée par un beau paysage, la mort ou l'amour.
Concernant l'épopée, ZUMTHOR considère
que c'est le genre le plus et le mieux étudié. Il fait le
panorama des études sur le genre et l'intérêt que cela a
suscité. Pour une harmonisation des perceptions, il revient sur les
concepts de "poème épique", héritée d'Aristote
pour la dissocier de la notion " d'épopée". ZUMTHOR dégage
deux types d'épopée. L'épopée historique et
l'épopée mythique.
Les spécialistes de l'oralité ont mal
cerné leur objet car ils travaillent sur une poésie fluctuante.
Cette spontanéité alliée à une règle
inéluctable s'illustre dans la poésie orale africaine. C'est
pourquoi analyser la poésie orale requiert beaucoup de prudence car le
dessein initial et les effets produits ne sont valables et gardent sa
plénitude que lors de la performance. Les frontières textuelles
mouvantes sont tributaire de la nature bariolée, cumulatif du texte oral
même si d'aucuns y décèlent parfois des parties fixes.
L'enchaînement fonctionnel fait ressortir une
différence entre la poésie orale et la poésie
écrite. Mot image et idée s'enchaînent et font
énigme.
Par ailleurs, tout parasite venant de l'extérieur
bouleverse le système d'information. Mais l'art de l'exécutant
consiste à récupérer ces « bruits » et
à les transformer en information une situation d'écoute. La
performance est une instance de réalisation plénière avec
des règles qui englobent occasion, public, émetteur et un but
à long terme.
Paul ZUMTHOR étudie les circonstances de production et
les moyens (voix-geste-médiat). Il fait voir la relation
émotionnelle qui existe entre exécutant et public. Il distingue
quatre situations performancielles : La convention ; Le
naturel ; L'historique ; Le libre :
A la suite, dans les moyens, il avance que la parole
poétique n'a une existence que par la voix, état second du
langage. Le rythme est un prélude vocal. Il affirme que la poésie
orale n'a que des règles prosodiques. Le seul langage efficace d'analyse
serait les mathématiques et la musique.
La structuration poétique renseigne beaucoup sur la
mélodie. Ainsi les sons intègrent l'allitération et la
rime. Si la première est répandue, la seconde apparaît dans
la poésie orale qui coexiste avec une culture de l'écriture ou se
réduit à la voyelle ou à l'assonance
Ensuite, ZUMTHOR aborde le mode de la performance en opposant
le dit et le chanté. Dans le chanté le locuteur marque plus son
espace que quand il s'agit du dit. Trois modalités s'y
dégagent : le dit (voix parlée), le récitatif et le
chant mélodique.
Dans « la présence du corps »,
l'auteur y analyse le geste dans la poésie orale. En fait, pour lui,
tout ce qui s'adresse à l'autre est constituante de l'oralité.
Les mouvements du corps sont donc intégrés à une
poétique. Le geste est érigé en rite. Il a son code en
fonction des cultures.
La dernière partie de l'étude s'arrête sur
le statut de l'interprète. Il se différencie souvent du
poète, du compositeur et du chanteur. Parfois, le texte appartient
à l'anonymat. Mais en oralité, la place de l'exécutant est
plus essentielle. L'interprète se réduit à celui que l'on
voit lors de la performance. Il est un professionnel. Son rôle
s'apparente à celui du griot de l'Afrique occidentale
L'interprète n'obéit pas à une
institution, il est libre. Son rôle, solidaire ou partagé, se
manifeste différemment : soliste, duo, alterné ou en choeur.
Quant à l'auditeur, il fait partie de la performance.
Un groupe d'auditeurs ne reçoivent pas de la même manière
le message. Il se crée un dédoublement car l'auditeur n'est pas
forcément le destinataire. On a donc deux situations
d'écoute : une écoute reprise et une écoute muette.
Le mécanisme d'impersonnalisation de la parole assure son appropriation
par l'autre.
L'immixtion des médiats change fondamentalement les
rapports.
Dans la durée, le processus de
mémorisation n'est plus le même avec le temps. Il y a
impossibilité de répéter la première performance.
L'archivage se fait par des moyens technologiques ou par la mémoire.
Malgré les pertes notées, il y a possibilité d'autres
performances. Les pertes et les déplacements thématiques sont en
translation. Aussi le caractère mouvant de l'oeuvre orale crée
des variantes liées à la dérobade aux lois de la
société d'écriture. Cependant une stabilité est
notée avec les chants de danse et de travail et chez les peuples en
contact avec l'écriture. Les variantes sont la conséquence de
l'intervention e différentes personnes et des circonstances de
performance.
Dans cette perspective, ZUMTHOR montre que la performance est
fête, convergence des volontés. De la poésie orale
naquît donc des rites. Ils sécurisent et confirment les tabous
protecteurs. C'est dire qu'en Afrique, la parole rythmée et
chantée revêt une puissance de vie et de mort. La performance est,
de ce fait, action dans les formes ouvertes, collectives. Le chant rameute les
combattants lors des guerres. Elle est une arme.
L'oeuvre de Paul ZUMTHOR, par son ampleur explore presque tous
les domaines de l'oralité. La délimitation des parties laisse
entrevoir les points soulevés. En ce qui concerne la poésie
orale, il traite des questions récurrentes qui se posent pour leur
analyse. Il nous est d'un grand apport si l'on constate le caractère
rare de documents sur la critique des « textes oraux » en
littérature africaine orale.
Le reproche du document est lié à son ampleur.
En effet, les questions pointus qu'il aborde égare parfois et se
déteint sur les aspects saillants introduits dans les parties ou sous
parties. Avec le caractère universel qu'il voulait donner à son
étude, amène ZUMTHOR a évoqué la
réalité de presque toutes les grandes civilisations, voire celles
qui se sont évanouies en ce début du troisième
millénaire. De ce fait, le travail pourrait être actualisait sur
plusieurs aspects.
2.2 La place de la littérature orale en
Afrique, Elolongué EPANYA YONDO, Paris, La pensée
Universelle, 1976, 123 pages.
Dans son propos introductif, EPANYA YONDO évacue la
polémique autour de la littérature orale et s'appuie sur SEBILLOT
Paul qui a employé pour la première fois le terme repris par M.
NILSON en 1933 dans son ouvrage Homer and Mycenae. A la suite, il
appelle à s'investir pour mieux comprendre le fonctionnement des
cultures africaines pour mieux les défendre. C'est pourquoi il essaie
dans ce travail de donner les différents genres de la littérature
orale africaine, ses caractéristiques, sa fonction sociale et ses
rythmes.
EPANYA YONDO nous apprend que le genre permet à l'homme
d'orienter son comportement selon la situation ou l'événement.
Les genres relatent tout ce qui conditionne la vie de l'homme de la naissance
à la mort.
Mais OYONDO avoue qu'il n'est pas aisé d'établir
une classification en dehors des cycles établis. Le schéma
suivant ressort de son étude :
Les mythes
Ils permettent à l'homme de réguler son
comportement à son environnement. L'apprentissage se fait grâce
à un processus initiatique au bout duquel l'homme africain saisit les
institutions et les interdits qui s'y attachent.
Les contes et les fables
Le conte, mamelle nourricière, présente avec la
fable un double aspect. Ils fonctionnent comme une satire sociale. Le
détournement par les animaux permet de se dérober à la
répression. Ils constituent l'instrument essentiel de la critique
populaire.
La légende
Elle est au coeur de l'activité ludique et appartient
au profane contrairement au mythe qui est du domaine du sacré. Elle
prépare à recevoir le mythe. La légende retrace les
sources des aventures du groupe et les mouvements migratoires. Elle oblige
l'homme à se fonder sur l'homme.
L'épopée
En tant que fille de la légende, elle est
déclamée par une catégorie particulière de
professionnels. Elle porte en elle l'héritage du patrimoine culturel.
Elle est souvent entrecoupée de chants lyriques. Le récitant doit
être doté d'un talent de communication avéré et
d'une imagination très fertile. La mise en scène lui donne une
portée plus grande que les autres genres.
La comptine
Genre rarement signalé, il participe au
développement psychique de l'enfant et fonctionne comme une
récréation. Sous forme de chanson ou de formulettes, la comptine
donne l'occasion aux enfants d'exercer leurs aptitudes mentales et devient un
support aux jeux.
La berceuse
Proche de la comptine, elle est dédiée aux
bébés. Par sa douceur, elle joue le rôle de calmant lorsque
l'enfant pleure ou quand on veut l'endormir. Le contenu prend une orientation
d'éveil et d'éducation.
Enigmes et devinettes
Nous avons là deux genres qui
s'interpénètrent car la devinette pose une énigme. Elles
inaugurent les veillées. Malgré leur forme énigmatique et
elliptique, elles ont un emploi profane. Elles font appel au sens de
l'observation et à la dextérité mentale.
La chantefable
Peu connue, elle met en interférence
fable et musique. Ils ne sont pas autonomes mais ils constituent deux
mouvements d'un même verbe et se recoupent harmonieusement. Le chant
intensifie la puissance émotive de la narration.
Proverbes et maximes
Ils traversent tous les genres oraux de la littérature
orale africaine et servent de repère, d'illustration à une
idée.
Le proverbe véhicule la sagesse traditionnelle et fait
la synthèse d'un récit alors que la maxime fonctionne en formule
plus succinctes et exprime les observations de la vie quotidienne. Proverbes et
maximes sont le fruit de bon sens et le résultat d'une réflexion
profonde.
Autres genres
La devise, sous forme de formule ou de longue
tirade, est employée aussi bien par des individus, des familles, des
clans etc. Elle renferme de manière condensée le passé
glorieux du groupe. Elle entretient le sentiment de dignité et du sens
de l'honneur.
La poésie religieuse loge dans les
chants initiatiques et sacrés. Elle détermine la qualité
des rapports d'une communauté. Les relations sont établies pour
assurer l'équilibre social.
Les généalogies constituent un
genre beaucoup plus répandu en Afrique de l'ouest. Elles sont
consacrées à la lignée des chefs et à leurs
exploits. Elles structurent l'histoire des familles, des groupes ou du clan et
parfois celle du peuple.
La poésie-chant accompagne l'action
mais aussi les autres genres comme le conte, la légende ou
l'épopée (tout récit). Toutes les activités
quotidiennes sont rythmées de chants qui maintiennent le rythme et
l'entrain.
Après ce panorama des genres, Yondo précise que
le professionnalisme est de mise. Malgré le caractère collectif
de son produit, la culture négro-africaine génère des
groupes qui se distinguent dans l'art de la transmission. Qu'il soit
professionnel ou amateur, l'émetteur de tels discours a toujours une
facilité d'élocution et un pouvoir de mémorisation. Cet
homme orchestre est doté d'un verbe étincelant. Dans beaucoup de
société, ceux sont les griots qui jouent ce rôle.
Traditionnalistes attitrés, ils ont un compagnonnage séculaire
avec la couronne ou avec une catégorie sociale particulière.
Même si leur statut diffère selon les sociétés, ils
partagent le pouvoir de l'expression.
Caractéristiques de la littérature orale
négro-africaine
1. La parole
Elle au centre de cette littérature qui fonctionne de
bouche à oreille et constitue son support principal. C'est aussi un
héritage à enrichir avant d'être léguer aux
générations à venir.
2. Les participants
Le public lors de la déclamation est constitué
essentiellement d'enfants car c'est le moment privilégié pour
leur formation. Durant l'initiation, ils se familiarisent de plus en plus avec
cette parole.
Le regroupement rappelle la nécessité pour des
individus vivants en société de se retrouver pour consolider le
sentiment d'appartenance à un groupe. C'est une littérature
anonyme que chacun peut reprendre à son compte
3. Rythme et sens du beau
A la base du récit, comme d'ailleurs des chants, il y a
le rythme. C'est surtout celui des instruments à percussion et non celui
de la voix humaine. Les images, figures de vocabulaire et autres
procédés forment le rythme secondaire.
Quant à la notion de beau en Afrique, elle est
liée à une psychologie collective. Elle est ainsi une conception
très relative.
Fonction sociale de la littérature orale
négro-africaine
La littérature orale négro-africaine est le
miroir de la vie. Chaque genre à un but précis et participe
à la formation de l'africain de la naissance à l'âge
adulte. De la berceuse au genre ésotérique, il s'habitue à
un milieu naturel, à la morale sociale et à l'histoire du groupe.
Après mémorisation, la transmission est assurée dans les
rapports de tous les jours entre membres de la communauté.
L'expérience de l'ancêtre est mise à la portée de
tous.
L'oeuvre d'YONDO présente un grand
intérêt pour notre thème de recherche car il participe au
déblayage de la typologie des genres oraux. L'étude met en
évidence des genres considérés souvent comme mineurs. En
plus, la situation performancielle est prise en charge dans la plupart des cas.
L'ultime partie qui traite de la fonction complète les
caractéristiques essentielles de la littérature orale
africaine.
L'analyse d'YONDO gagnerait en intérêt avec un
peu plus de profondeur dans l'analyse. Malgré la pertinence et la valeur
du texte, il reste l'abécédaire des étudiants en situation
d'initiation dans la recherche. Il ne rentre pas dans les
considérations pointues, complexes et variés qui foisonnent dans
le système de l'oralité. Cette simplicité fait peut
être la valeur et l'intérêt de l'oeuvre pour nous autres qui
investissons le champ de la recherche.
2.3 Approches littéraires de l'oralité
africaine, sous la direction d'Ursula BAUMGARDT et Françoise
UGOCHUKWU, Paris, Editions Karthala, coll. Tradition orale, 2005, 334 pages.
En hommage à Jean DERIVE, un collectif de chercheurs de
six nationalités différentes, ses disciples, apporte une
contribution sur quelques aspects de l'oralité. L'ouvrage se compose de
cinq parties.
Ursula BAUMGARDT, auteur de l'article intitulé
« La parole comme engagement : l'exemple d'un répertoire
de contes peuls du Cameroun », part d'un éclairage des termes
qui désignent la parole dans les parlers orientaux du peul.
Il dégage les formes suivantes de parole :
- Les paroles qui engagent
- La représentation de la parole et le contexte
narratif
- Le statut de la parole cérémoniale
- La parole comme motif narratif véhiculant la calomnie
et la rumeur
Françoise UGOCHUKWU pour sa part, dans
« Parole et régulation de la communication en pays igbo
(Nigéria) », tente de montrer comment la parole est un outil
de régulation sociale. Il fait ressortir quatre idées
fondamentales. Du point de vue social, il souligne que le baptême est
l'occasion de donner une identification et une reconnaissance des siens par le
nom. Ainsi, la parole permet l'insertion dans le groupe en lui imprimant la
marque de l'humain. Le nom facilite les situations de présentation, de
salutation et de louange.
Dans sa profération, il révèle la
puissance de la parole. Elle fonctionne comme gris-gris : elle est arme et
contrepoison. Le troisième niveau qu'il dégage concerne les
interdits qui encadrent la civilisation de la parole. Elle est
contrôlée. Le dernier point met l'accent sur les médiateurs
ou intermédiaires c'est-à-dire les personnes qui s'interposent
lors de la déclamation de la parole réglementée.
Quant à Ansoumane CAMARA, il jette un regard sur la
littérature produite dans la zone malinké, dans son article
intitulé : « Le conte et l'épopée dans la
littérature des Malinké de la haute Guinée ».
Après avoir campé l'aire géographique où
résident les Maninka ou Malinké, Camara décline les
composantes de leur littérature. Dans son étude, il se focalise
sur le conte (tali) et l'épopée (fasa). Il distingue trois
catégories de conte : le conte à djinns, le conte à
animal, le conte à être humain. Il souligne le caractère
moralisateur de ces contes. En ce qui concerne l'épopée, il
dégage les trois types recensés dans la société
Malinké : l'épopée historique, l'épopée
des chasseurs et l'épopée agricole.
Il termine en exhortant les chercheurs à la
transcription de ces chefs-d'oeuvre pendant qu'il est encore temps.
L'article de Laetitia LEONELLI, « De la
variabilité en littérature orale : l'exemple de trois
récits wolof », aborde trois variantes de conte dans la
société wolof. L'intérêt de son étude porte
surtout sur les différences entre les versions la première est
une version féminine, la deuxième, une version féminine et
la troisième une version unilingue, un texte en français sans la
version wolof. L'originalité qu'il relève est le personnage en
jeu : une tête, un fait rare dans la culture wolof pour un conte
initiatique.
En même temps, il pose le problème de la
transcription et de la traduction des textes collectés.
« Qui est le monitor ? Sur les traces de
maître initiateur dans quelques contes wolof » de Ndiabou
Séga TOURE analyse le personnage du maître initiateur dans des
contes wolof. Le maître y prend des figures différentes. Il est
agresseur ou auxiliaire. Mais parfois, il combine les deux rôles.
« Les devinettes burkinabé : jeux de
langage à propos des yeux », KAM SIE ALAIN.
Alain KAM SIE fait ressortir « les jeux du
langage » qui se cachent dans ces devinettes et les champs
sémantiques qu'elles couvrent. Il les met en relation avec la
société qui les utilise. A la suite, il précise le sens du
genre choisi et ses quelques-unes de ses caractéristiques :
ludique ; réflexionnel et mémorielle
Denis DOUYON, dans « La représentation de la
femme dans un récit dogon », rappelle le rôle de la
femme qui apparaît comme écartées de la gestion de la
cité. Dans les contes dogons, elles jouent un rôle clé dans
la société. L'exemple qu'il du récit sur la
création du monde qu'il donne conforte le rôle de la femme dans
cette société. Elle est un personnage central des relations
humaines.
Julia Ogier-Guindo « Parole magique en Nouvelle-
Calédonie : les vivaa, textes oraux traditionnels an
a'jié » nous mène dans l'univers de la
Nouvelle-Calédonie.
Les vivaa, parole magique, sont analysés dans l'aire
culturelle a'jié. Il précise les différentes acceptions
du terme. Il englobe aussi bien le succès, l'objet rituel et rituel
lui-même. Les vivaa informent sur les noms des clans et des lieux mais
aussi sur les végétaux, les animaux. Par les vivaa, on est en
contact avec l'invisible. Le contexte d'énonciation détermine le
registre sacré.
La troisième partie qui porte sur «
littérature et pratique sociale » traite de certains aspects
de l'oralité chez les Kpélé et les malinké.
D'abord, André CAMARA dans « Parole, figures
et signes : autour de l'art graphique Kpélé
contemporain » montre les liens entre l'art graphique et l'art
oratoire dans ce qu'il désigne les cordes à proverbes. Ces
proverbes se déploient dans les activités artisanales et les
scarifications, les tatouages et autres enduits corporels. Ce peuple qu'il est
à cheval sur la Guinée et le Libéria accorde une grande
importance à la parole. Celle-ci est redoutée et elle s'exprime
dans les genres ludique ou sérieux. Les cordes à proverbes sont
représentées par des images et signes graphiques sur des morceaux
de calebasse. Les activités de tatouage, de teinture, de poterie, de la
forge constituent son lieu d'expression.
Ensuite Agnieszka KEDZIERSKA, dans son article «
l'envol du vautour » : parole, action et objet dans les rituels
funéraires des chasseurs malinké analyse les rituels du cycle des
cérémonies funéraires dédiés aux chasseurs
malinké. Il révèle une tradition méconnue en
s'appuyant sur un corpus constitué d'un chant hermétique. Pour
les initiés, ces rituels se font sur plusieurs séquences. Il nous
fait découvrir le sens social, symbolique et ésotérique de
ces rituels. Ils sont vus comme une absorption symbolique du chasseur
décédé. C'est aussi une façon de rendre accessible
et compréhensible la mort.
L'avant dernière partie ayant pour titre
« Néo-oralité » englobe deux articles. Le
premier, « la néo-oralité au Gabon : analyse
de la figure du serpent dans les légendes urbaines » est de
Léa Zame AVEZO'O. Il rend compte des légendes urbaines
contemporaines, de petites histoires transmises de bouche à oreille et
parfois relayées par la presse à sensation. Elles sont
brèves et anonymes. Sur les six textes recueillis, l'image du serpent
pourvoyeur de richesse est constante. En contrepartie, il faut respecter les
interdits sous peine de déchéance. Ces légendes offrent
une lecture du monde moderne avec une reprise des motifs des contes
traditionnels. Cette forme libre et accessible est un mise en garde contre une
certaine forme d'enrichissement.
Le second article, « Naissance et
développement d'une littérature orale urbaine : le
répertoire de jåkulu de Bobo-Dioulasso » de Alain SANO
étudie un phénomène nouveau dans la ville de
Bobo-Dioulasso notamment la création d'ensemble musical appelé
jåkulu. Il investisse tous les espaces publics et devient une marque
d'identité pour les jeunes d'u même quartier. Il relais les griots
traditionnels dans les cérémonies de grande envergure. Son
répertoire est une création collective, une expression d'une
vision du monde. Elle fonctionne comme la mémoire du quartier, de sa
quotidienneté.
La dernière partie sous-titrée
« littérature d'expression française et
littérature orale » regroupe trois articles. Marlène
HOENSCH dans « Le roman contemporain africain, avatar du
conte ? » fait la comparaison entre les rituels d'initiation et
leur apparition en littérature sous une forme de contes et de romans.
Les constantes qu'il dégage tournent autour de la structure initiatique,
la dualité et les acteurs de l'initiation. L'espace labyrinthique clos
et piégé caractérise son cadre.
Le deuxième article,
« Poéticité et quête identitaire dans Fer de
lance de Bernard Zadi ZAOUROU, l'ivoirien Gabriel SORO s'arrête sur
un passage du poète qu'il analyse comme un texte clos puis un texte
ouvert pour mettre en évidence la déstructuration de
l'extrait ; le rapport entre l'écriture et la
poéticité et enfin la signification. Il en résulte une
caractéristique commune aux poètes : leur souffrance ;
le sentiment tragique et leur éternelle insatisfaction.
Le troisième et dernier article,
« Poétique du n'zassa dans D'éclairs et de
foudres de Jean-Marie ADIAFFI » de Kouadio Kobeman N'GUETTIA
souligne l'authenticité du poème de ADIAFFI. Ce dernier
s'enracine dans la culture agni et se confond au n'zassa (tissu
bariolé). Le poète réfute les formes figées,
fixées par la réglementation. Il puise dans la source de la
littérature orale agni mêlée de proverbes, de
théâtralité et de contes. Même si certains voient en
ADIAFFI un pro-césairien dans la forme, sa poésie ne saurait
être interprétée sans la référence à
la culture agni.
Cet ouvrage collectif donne des repères et une
visibilité importante à notre approche. La diversité des
analyses permet de marquer la différence des approches. Les quatre
premières parties qui retraitent des aspects de la parole est d'un
apport essentiel pour l'étude de notre corpus. Les auteurs des textes
recueillis confortent notre conviction sur la contextualisation pour l'analyse
des chants.
Malgré leur intérêt, les articles ont
toujours la limite liée à leur concision. Les articles
soulèvent des interrogations inédites. Par contre, le
caractère condensé de l'article ne permet pas un large
développement pur trouver une réponse aux questions
agitées.
VI. EXTRAIT DU CORPUS
NJÀNGAAN (Ballet)
Chant populaire
Enfin la pluie est venue. Depuis une semaine, tout le
monde est aux champs pour enfouir le grain. Reste à niveler le terrain
pour favoriser la naissance des jeunes pousses de mil ou d'arachide. Les
cultivateurs sont éparpillés dans les champs. Les femmes venues
apporter leur contribution se regroupent et font une exhibition.
5
10
15
Njàngaanoo, njàngaanoo,
njàngaanoo,
Dangay dem ca tool ya mu dogaale la
Siggil ndaama ngeeroo siggee mat a dige
Toj na àll ba ray na gaynde ya
Tuur nafa beñwaaru xaalis
Ñax jaañ baal ma tàkko jaañ baal
ma maalig jaañ baal ma
Sele mandumbaan mbòoyoo dama koo yendoo daan
Biraanoo mbañ jòobo bël sàmba
yaay ndaw
Simboorè majaañ njaay mati jileen manjaga
dina la woy
Saam sàmba mbay mbay, majigéen bòoyoo
ak bël jòoboo
Bël sàmba yaay ndaw
Sàmm sàmmileen rëbb rëbbi leen
Ndongo jàngi leen maa ngi jàngi mbay
Yaasin gay maaroo ak baay madigèen ndaw
Jigèen su de daan gòor ca toolu baayam
Baay baa ko mën a wax
Jàppal ma saas kumba baayòo bama ngemboo
ngeer
Golo jaañ buca mënul yèeg booba
gàllina
5
10
15
L'APPRRENTI
Apprenti, apprenti, oh apprenti !
Tu vas au champ et on te donne un lopin de terre
Redresse-toi jusqu'au-dessus du nguer
Il faut compter avec le buste droit
Il a désherbé la forêt, il a
tué les lions
Il y a versé une bassine d'argent
Excuse-moi herbe le terrible, Tacko Diagne excuse moi,
Malick Diagne excuse moi
Céllé Mandoubane Mbayo ! j'ai passé
la journée à le terrasser
Birame Mbagne Diop, Beul Samba Yaye Ndaw
Simboré Madiagne Ndiaye, Maty Djilène, Mandiaga
je te chanterai
Sam Samba Mbaye, Mbaye Madjiguène Mboyo et
Beul Diop Samba Yaye Ndaw
Bergers, allez aux patûrages ; chasseurs ;
allez à la chasse
Elèves, allez étudier ; je vais apprendre
à cultiver
Yacine Gaye Mar, Baye Madjiguène Ndaw
Si une femme cherche à égaler un homme dans les
champs de son père
C'est son père qui peut en témoigner
Je me défais de mon pagne pour porter le pantalon.
Si le singe ne peut plus grimper c'est qu'il a
dérogé.
NJI (Ballet)
(chant populaire)
Ce ballet est une variante de Njàngaan.
Après les premières pluies, tout le monde est au champ pour les
premiers travaux. Ce travail se fait dans une ambiance de fête pour
tromper la fatigue
5
10
Jòglèen ñu dem tool bët
sèbbeetina
Noflaayu baykat de jeex na gòor
yëngulèen
Gòor ak jiggèen kuy mag mba gune
Jòglèen liggèey suuf si
jariñòo gòor yëngu lèen
Ku ciy jiggèen war na jòg fas sas kumba
Ku ciy gòor na gëmm ñu bay book
jariñóo
Gòor yëngulèen midi ke?-ke?ina
Doom yaay takkulèen fagulèen teñu
dem
Baax teey bary jàmm midi ke?-ke?ina
Mbayaano mbay sàmba mbay ca bamuy teel
Màttu melentaan duma ko fowe
Suma màttee ma màtt ko ndigg la damm
LA SEMENCE
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Levez-vous et allons aux champs, la saison des pluies a
débuté
Le repos du paysan est terminé, oh hommes !
Remuez-vous
Hommes et femmes, grands et petits
Levez-vous, cultivez la terre pour vous en servir. Hommes,
remuez-vous
Les femmes doivent se lever et ceindre leurs reins
Les hommes doivent fermer les yeux
Et foncer pour qu'on cultive et s'en servir
Hommes, remuez-vous il est midi pile
Frères, ceignez-vous, préparez-vous et allons
Oh toi le généreux, tout en restant, serein,
pacifique. Il est midi pile
Oh sarclage, le plaisir de sarcler 18(*). Sarcler au bon moment
La piqûre de la fourmi je ne la tolère pas
Si elle me pique, je la lui rends et elle se casse les
reins
BAAWNAAN (Ballet)
Chant populaire
Après les premiers semis la pluie ne vient plus. Il
est de tradition qu'en pareilles circonstances on implore la Clémence du
Tout Puissant. Cela se passe dans une ambiance inaccoutumée. Les hommes
sont en tenue de femmes et les femmes s'habillent inversement. Ils dansent et
chantent telles des grenouilles après la pluie.
Jalilèè dañuy baawnaan taala jali
Jalilèè dañuy baawnaan taala jali
5
Jalilèè dañuy baawnaan taala
jali
Dañuy baawnaan taala jali
Maam Yàlla dañuy walangaan
Ngooxi, ngoox
APPEL A LA PLUIE
Dialy yée nous procédons à l'appel de la
pluie, Talla Dialy
5
Dialy yée nous procédons à l'appel de la
pluie, Talla Dialy
Dialy yée nous procédons à l'appel de la
pluie, appel à la pluie
Nous procédons à l'appel de la pluie, Talla
Dialy
Seigneur, nous appelons la pluie
Ngokhi Ngokh
NGÒOB (Ballet)
Chant populaire
C'est la moisson Faucilles à la main, les
cultivateurs arrachent les épis de mil qui seront ensuite
ramassés par les femmes. Tout se passe dans une atmosphère de
gaieté.
Jàñjòlèe Biram
Paate !
5
10
15
20
Jàñjòlèe rab yi xam
nañ la
Jàñjòlèe war na
jàñjòlèe
Maam Kumba war na ndòoboo (Ndooxoo)
Àali war na sariyaan
Baay Jàngalòo ma baay
jàngalòo ma
Da ma màgg daan
Bama àttannee saa goop
Daaldi aw ca yoonu tool booba damay ndaw
Sàmba gilaa jèegillèe
Su Su ndab xatee gune jooy
Samba gilaa jëegilèe
Xulóol du màtt saamaan
Sàmba gilaa jeégilèe
Ku am nag du yàppu mus
Sàmba gilaa jeégillée
Nag du màtt mbaam du daan
Bëy du day ne gillèem saar
Xam naa ku ma fayul njoow
Dinaa la lawti lawtee
Xam naa ku ma lebum njoow
Xam naa fa may jaar ba siiw
LA RECOLTE
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10
15
20
Djandjoli ! Birame Pathé !
Djanjoli ! Les génies te connaissent
Djandjoli a enfourché Djandjoli
Mame Coumba est sur son lit 19(*)
Ali a enfourché Sarriane
Père, tu ne m'a rien appris
J'ai grandi et j'ai vaincu
Quand j'ai pu transporter mon daba
J'ai pris le chemin des champs, j'étais encore
enfant
Oh Samba Guéla-Diégui
Lorsqu'il y a peu de places autour du bol, les enfants
pleurent
Oh Samba Guéla-Diégui
Une couleuvre ne mord jamais un crotale
Samba Guéla-Diéguilé
Qui détient un boeuf n'a pas besoin de viande
de chat
Samba Guéla-Diégulé
Le boeuf ne mord pas, l'âne ne cogne pas
La chèvre n'égalera jamais par la taille
le chameau
Qui ne me paiera pas le service rendu
Je le vilipenderai
Si quelqu'un m'emprunte mes services
Je sais quoi faire pour triompher.
CEMB (Ballet)
Chant populaire
Les épis de mil sont arrachés, mis en fagots
et suffisamment séchés au soleil. Il faut les
amenuiser pour faciliter le travail des femmes. Avec des
instruments rudimentaires, nos cultivateurs se mettent au travail. Et au rythme
du « Yembeul » (danse populaire) la fatigue ne se fait pas
sentir.
5
10
15
Naa Nangoo Kujumlèen ko nango mbèri
Baay gòor gi baay sëriñ daara
jàmm nga yendu
Baay gòor gi indil gurò gi baa duñu
mokkal
Baay gòor gi sa laaxum ngoon bi jox ko say gone
Booy dem sa ngoro yòbbu ma ma lay woyal
Yaa ràbbi sindini xaay raati
Xaay raati lañuy demee kariyeer xaay raati
Baay gòor gi sa njamalaan bi paftan la
Paftan la masàmba njamalaan bi paftan la
Jamm naa la jal jiitoodiir naa la
Xoymet bu tas Baol lakk Barga
Buruxlu njaar ndeem tasaaree guy jama
Lakk barga buruxlu njaar ndeem
Ginaar ya naan kéeg
Ku ma ci doxaanò nga bañ
So ñibbee sa yaay ni la
Boppu lal ku ci toog
bu yëngëtoo booba yaa ko tay
LE BATTAGE
5
10
15
Qu'il accepte, tranchez le Nango Mbéri 20(*)
Père, père, maître du daara comment
vas-tu ?
Père, apporte la récompense sinon on ne
va pas travailler
Père, ton bouillon du soir, donne - le à
tes enfants
Si tu vas à tes fiançailles
amène-moi, je chanterai pour toi
Seigneur, par votre grâce, accordez la
prospérité
C'est avec gaieté que nous allons à la
carrière
Père, ton tambour est fait d'une vessie d'animal
Le tambour de Massamba est fait d'une vessie d'anima
Je l'atteins, je me mets devant, je te vise.
Tel une foudre qui disperse le Baol, brûle le Barga
Traverse Ndiar Ndème, ravage Gouye Diama
Brûle le Barga, traverse Ndiar Ndème
Les poulets s'égosillent (caquettent)
Qui refusera que je la courtise
A son retour chez elle
Sa mère l'accusera à la moindre occasion.
JARANAA (Ballet)
Chant populaire
Les moissons sont terminées. Les cultivateurs
ont déjà vendu leurs récoltes. La culture a
été florissante. On s'adonne aux cérémonies et
fêtes. C'est aussi l'occasion de se glorifier.
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10
Kolkolee man kollaatu naa
Yaay bòoy man
kollatu naa
Jaranaa mbay jaraatin naa
Yaay bòoy man
jaraatu naa
Jàllu xaay been rèeru maa
Ami Gëy dem na jàllu xaay
Duggal saxaar wàcc nginginèew
Siyaare bameelu aadama
Sàmba aysaa nga la? caa xaay
Limaale Njaay ng ca riirum gèej
Limaale njaay limako yèene woon
Fukki bukki njuur fukki gayndè ak juròom
SOIS GLORIFIE
Pour être aux anges, moi je suis aux anges
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Maman chérie, je suis aux anges
Je suis convoité Mbaye ! je suis
convoité
Maman chérie, je suis convoité
Aucune contrée ne m'est étrangère
Ami Guèye est allée à
l'aventure
Prends le train et descends à
Guinguinéo
Fais le pélerinage sur la tombe de Adama21(*)
Samba Aïssa est restée à Diakhaye
Limalé Ndiaye est sur les bords de l'océan
Ce que je souhaite à Limalé Ndiaye
Une dizaine d'hyènes et une dizaine de lions
Maïmouna Kane, la préférée de
Ndiougou Sène
Elle cuisine avec des habits de valeur.
WO?? (Scène folklorique) Chant
populaire
A la veille de la circoncision, les candidats manifestent
leur courage par des chants et danses. C'est un triple ballet (Ndiam - Mbande -
Won?) qui fait revivre deux cérémonies initiatiques : le
tatouage chez la jeune fille, la circoncision chez le garçon et les
troubadours sont là pour les encourager.
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20
Wo??alee Saala Ndeer mettinaa
Njaw boy na lèeg nga dalootee Wo??alee
Wo??alee Saala Ndeer tànganaa
Bu sa deret tuuroo lèeg ñu kawoo la
tànganaa
Saala dafa metti Saala jurul doom Wo??alee
Wo??alee Saala Ndeer mettinaa
Njaw boy na lèeg nga dalootee Wo??alee
May leen matuuti
Ci suba ba lèegi yèen la ngi woy ak tagg
Sunuy maam kon nag xam ngèen sunu
Oto raay doom dër sax duñu taxa daw
Kon nag mane : « Xëy doga noppale
doo»
laax doo fàttee xorom xëy
doganoppale »
Mbëñig ma ca ndimb baraag ya ca gede
Mbañ paate merina jòob dille kumba jombas
Dille fatim caam baay yàdd maxureja
Aale anta kase ak manjaay
Masàmba dameel manjaay caam
Bilaay duma daw saala ndeer :
« Gile pàng mbay saal ndeer deret xasaw na
ma »
May May lèen ma tutti ma
ñew : « negam sama rakk yi nga
xamne ño topp sama gannaaw ñoo xas fi ne
duñu
Daw sakkaa man miy ndey mbill gi
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LA CIRCONCISION
Résiste, Sala Nder22(*), c'est dur
L'épreuve a débuté, tu vas porter un
nouveau boubou, résiste
Résiste, Sala Nder, c'est chaud
Quand ton sang se versera, on va te disputer, c'est chaud
Sala, c'est dur, Sala n'a pas d'enfant, Résiste
Tiens bon, Sala Nder, c'est dur
L'épreuve a débuté, tu vas porter un
nouvel habit, tiens bon
Permettez-moi un peu :
« Depuis ce matin vous êtes en train de
chanter les éloges de nos
Ancêtres. Donc, on ne reculera pas, même si le
train
Nous passait dessus. »
C'est pourquoi je dis : «il y'a moins de peine
à se préparer tôt. On n'oublie pas les
détails. »
Mbagnick de Ndime, les barak de Guédé
Mbagne Phaté Mérina Diop, Dillé Koumba
Diombasse
Dillé Fatim Thiam, Baye Yade Makourédja
Allé Anta Kassé et Mandiaye
Massamba Damel Mandiaye Thiam
Au nom d'Allah je ne fus pas Sala Nder
« Quelle désinvolture, Sala Nder, je sens
l'odeur du sang »
Permettez-moi un peu que je prenne la parole :
« Mes frères cadets ont juré
Ici de ne pas fuir, donc moi le principal concerné je
ne serai pas en reste ».
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Ca suba ba léegi yeen a ngi woy ak maye
Seen alal kon waar ngeen na zam man
Suma balu fetal doon dal sax duma daw moo tax
Mane : «Xaara laay feelu magum rambaaj lumu
Fekkee cala xaara laa feelu »
- Saala ndeeroo
- Bësël
- Buma ko jappee
- Bësël
- Damatt ko ne matt
- Bësël
- Rukku ko ne laalo
- Bësël
- Wal ko ne njànje
- Bësël
- Saala maa ko ñeme
- Bësël
- Kenn du ma xëy dog
- Bësël
- Fommu ko wèy na
- Bësël
- Saal maako ñeme
- Kenn du la xëy dog saala yaako ñeme
Magum kër ñëw na. Ma ne ca suba ba
lèegi
Yéen a ngi tëgg di woy lèegi nak njong
mee
Ñufi indi jant bi dem na nañ ci jublu
Ndaw Kumba ndaw Mbay fiide sèngi Màkka
leèg nga tooy
Ndaw Kumba ndaw Mbay fiide sèngi Maam la leèg
nga tooy
Ndaw Kumba ndaw Mbay fiide sèngi Màkka
leèg nga tooy
Depuis ce matin, vous êtes en train de chanter et
d'offrir de votre fortune.
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Donc vous devez savoir que même un coup de fusil ne me
fera pas fuir. C'est pourquoi Je dis : « Je donne main-forte
à Khara,
un aguerri a toujours son mot à dire, je donne main
forte à Khara ».
- Sala Nder
- Encore
- Ne m'en eut pas
- Encore
- Je le casse comme du bois sec
- Encore
- Je le pétris comme du lubrifiant
- Encore
- Je le mouds comme du mil
- Encore
- J'ai pas peur de Sala Nder
- Encore
- On ne me circoncit pas de bon matin
- Encore
- On ne peut plus y renoncer
- Encore
- J'ai pas peur de Sala Nder
- On ne te circoncit pas de bon matin. Tu n'as pas peur de
Sala Nder
L'aîné de la famille est là,il dit :
« depuis ce matin
Vous êtes en train de jouer le tam-tam et de chanter.
Maintenant
C'est la circoncision qui nous amène ici. Il fait nuit,
allons-y »
Ndaw Coumba Ndaw Mbaye là-bas c'est les arbres de Maka,
tu vas te mouiller
Ndaw Coumba Ndaw Mbaye là-bas c'est les arbres de nos
ancêtres,
tu vas te mouiller
Ndaw Coumba Ndaw Mbaye là-bas c'est les arbres de Maka,
tu vas te
mouiller
MAADEMBA JÒOB
Maademba Jòob gaynaako sele Mbòoj
Kooku njaxat sama waajaa ngi jàppal kooku
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Man bismilaay ma dalee fi sama waar wi
Ndax buur yàlla gi barkeel waar wi
Mbay doole laa ak coono ak ñeme coono
Mane liggèey leen ñeme tool yi
Man maa ngi jèem liggèey filee ak ñeme
coono
Buur Yàlla gee fay ma coono
Maademba jòob gaynaako sele Mbòoj
Kooku njaxat sama waajaa ngi jàppal kooku
MADEMBA DIOP
Celui-là, Ndiakhate ! Voici mon pote, compte sur
lui
Par le nom de Dieu, je débute par mon lopin de terre
Pour que Dieu rende prospère ce lopin
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Cultiver c'est la force, de la peine et du courage
Travaillez et ne craignez pas les champs
Moi, je tente de travailler ici et de ne pas craindre le
labeur
Pour que Dieu récompense mes efforts
Mademba Diop, oh le vieux Cellé Mbodji
Celui-là, Voici mon pote, compte sur lui .
TËGG CAAM (Choeur)
Chant populaire
Il appartient aux chants de corporation. C'est le forgeron
qui est dans son atelier et exalte son action. Il encourage en même temps
tous les gens qui font parti de ce corps de métier.
Jàmbaar nga momar caam ca mbaar ma
Waaw gòor momar caam ca mbaar ma
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Jambaar nga momar caam ca mbaar ma
Waaw gòor momar caam jambar nga
Uppël ko uppël taal bi naaj na
Caam baylo buuru mbaar naaj na
Cayal ma cayal ma daggal ma
Ngòone caam gëddël taal bi naaj na
Uppël nabi isaa caam uppël
Ma uppu fíi mbay caam mu may ma bëy
Uppël naa la ren ak daaw musòo ma fay
Uppël naa la momar caam ci mbaar mi
Mani mbir mi dama neex ne diine
Jambaar nga momar caam ca mbaar ma
Waaw gòor momar caam ca mbaar ma
Kuy jàng da ngay muñ te farlu
Te nga jèem a jubal toog ca mbaar ma
Kon Caam uppël te nga gòor gòorlu
THIAM, LE FORGERON
Momar Thiam, tu es vaillant dans la forge
Bravo Momar Thiam dans la forge
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Momar Thiam, tu es vaillant dans la forge
Bravo Momar Thiam, tu es vaillant
Attise pour lui, attise le feu, il est déjà
tard
Thiam baylo, maître de la forge, il est
déjà tard
Sertis pour moi, sertis pour moi, cisèle pour moi
Ngoné Thiam attise le feu, il est déjà
tard
Attise, Nabi Issa Thiam, attise
Mbaye Thiam, j'attise là et il me récompense
J'ai attisé pour toi cette année et
l'année dernière, tu ne m'as jamais payé
J'ai attisé pour toi, Momar Thiam, dans la forge
La chose me plaît comme une religion
Momar Thiam, tu es vaillant dans la forge
Bravo Momar Thiam dans la forge
Un apprenti doit être endurant et alerte
Et adopter une bonne conduite tout en restant à
l'atelier
Donc, Thiam, attise et persévère
Tu auras une forge à toi.
NGORKÀAN (Ballet)
Comme le précédent chant, Celui là il
appartient aussi au corps de métiers : les bûcherons.
toujours l'auto éloge et l'exaltation au travail les "Laobés" ne
sont pas essentiellement des destructeurs de forêt. Nous leur devons
d'avoir des pirogues, des outils de travail etc. Ce sont d'honnêtes
artisans et aussi des artistes
Sama sèmmiñ doom baay ka ma go
dàggil naxu ma
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Baay laatiir jòob jàmbar
jaa nga des ca xare
Baay laatiir jòob moom ku mu dàggil naxu la
Bàce sàmba coro njaay
Càmmiñal maada njaay
Doole ngi ci yax joma nga ci sëbbëriit
Bàcc sàmba coro njaay
Jam ko ci jam njaay
Jam penda waada njaay
Càmmiñal maada njaay
Mburtum kor Borso
Camp ci meew mi naane ko ci mbaanig mi
Dëmm ray la jaale la maabo xañ la jiin la
Sam xel dem gèej
Naar yaa nga naan maadum atta faal
Tubaab yaa nga naan mersi, mersi faal
Sèerèer saa nga naan waasa, waasa faal
Tàkkusannu Ndòoyéen yoor-yooru
Ndòoyèen
Diggu bëccëgi mbaar mee gaynaako faal
Ndoongo su gennée xiif
Dem lèen ci njòoba
jóob njòoba jòob kay baax na lool
Boroom jaal su màttee jikkò jaa ko xiir waye du
maninam
Gaana Sàmba gaana Sàmba gaana Sàmba
Gaana Sàmba neena kuko dàqa jukki mu dàq
la yoor
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LE BUCHERON
Frère ! Celui qui a aiguisé ma hache ne
m'a pas trompé
Baye Latir Diop22(*), le vaillant est resté aux
champs de bataille
Baye Latir Diop ne trompe pas ses clients
Bathie Samba Thioro Ndiaye
Le frère de Mada Ndiaye
La force est dans les reins, le courage dans les tribes
Bathie Thioro Samba Ndiaye
Tu l'auras par jam Ndiaye
Jam Penda Wada Ndiaye
Le frère de Mada Ndiaye
Mbourtoum23(*), le fiancé de Bourso
Traite du lait frais et boire du lait caillé
écrémé
Le démon te tue et pleure avec toi ;
Le griot confisque tes biens et te chante
Tu penses à la mort
Aux maures d'apprécier : "c'est bien fait !
Fall"
Aux blancs d'apprécier : "merci, merci Fall"
Aux sérères d'apprécier :
« faaxa faax faal24(*) »
Un crépuscule à Ndoyène, la
matinée à Ndoyène
La mi-journée dans l'atelier, bravo ! Fall
Lorsque le disciple a faim :
« Allez voir Ndioba Diop, à vrai dire elle
est très généreuse »
Si l'édenté mord, ce n'est pas dans ses
possiblités mais c'est sa nature
Samba le lépreux, Samba le lépreux, Samba le
lépreux
Samba le lépreux a dit que si tu tires la corde mieux
que lui,
Tu ne L'égaleras pas pour le mettre dans le puits
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20
PÒOTAAN (Ballet)
La propreté est une notion clé, comme
elles vont aux champs pour aider les hommes, nos femmes vont aussi aux
marigots, aux mares et aux forages pour laver le linge. Elles chantent leur
joie. (l'air populaire les paroles sont de Masse DIOP)
Aylèen ñu
fòot jot gi dafa yombul doom yaay ay ñu fòot
Ngir bu jant rasoo ku nekk daal man dem taali reeree
Ñu jòg ca teel dem ca walandoo wa doom yaay teg
ci fòót
Daal di bale teg ca balaa guddee ngay dem taali reeree
Na pòot mi set sër yi mën a sell doom yaay ay
waleen
Loolu waru gar la
jiggèen a ka war a fètewòo ci rèewee
Li ko dalee Siin ba Jàmminaar
Ku ci biir ñune yaw Baaba Saar
Baaba Saar Coono warna la
S aabu jar na
njëgam
Guppale ma guppale ma yòbbu
Saabu ñaari jaam
Kuy fòot dangay fete kuy fòot dangay fete
Dangay fete, dangay fete
Sikkël ba ca kokki jagal ba ca njaañ
Rèex dèjj ba ca kolobaan
Yaroo baax, yaroo baax, yaroo baax
Soo yaroo macc tàngal yëy sa guney ngaay
Sàmmalè ma sàmmale ma
Bu sa baay dikkee sàmmale ma
Bul dem bàyy ma
yòbbaale ma may walal sa yaay
LA LESSIVE
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Allons à la lessive c'est le temps qui manque
le plus, ma soeur lessivons
Pour qu'au crépuscule, chacune puisse partir
préparer le dîner
Levons-nous tôt et allons au pilage ma soeur et
après lessivons
Puis balayons avant qu'il ne
fasse nuit on va préparer le dîner
Que la lessive soit propre pour que le linge puisse
être pur,
ma soeur, allons
Ceci est un devoir, c'est le lot de la femme dans un pays
De Sine à Diambinar
Si quelqu'un tombe enceinte on désigne Baba Sarr
Baba Sarr tu dois être fatigué
Le savon vaut vraiment son prix
Linge-moi mes habits
Le savon vaut deux esclaves
Celui qui lessive il frotte, celui qui lessive il frotte
Il frotte, il frotte
La critique à Koki les louanges à Ndiagne
La posture impassible que l'on trouve à Colobane
Seule la discipline est essentielle
Si tu es discipliné, tu suceras tes bonbons
tranquillement
Pense à moi, pense à moi
Si ton père revient, pense à moi
Ne me quitte pas, amène
moi avec toi c'est moi qui mouds pour ta mère
WALÀAN (Ballet)
La composition est de Ciré GUEYE et de Masse
DIOP Les hommes ayant terminé avec le mil, c'est au tour des femmes de
le transformer et de le préparer pour la consommation, tout se passe
dans une atmosphère de joie.
Bismilaay wal jot na doom yaay ñeme leen ko
Kuci tàyyel des jekki baa nga walandoo
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Fab leen seen kuur yi na ngeen farlu ci
ngëlyi
Su maasee xel yépp dellu ci reer
Buleen tàyyi buleen bàyyi àddunaa
coono neen la
Su goor sonne jiggèen itam dafa wara sonn
Ku may dëbblr war na teela ñew yaay
Ku may dëbble war na teela ñëw bala
may teesale yaay
Ku ma njëkkni laay nëw dinna la may loo
xottee bolog yaay
Toolu baay dembaa neexa foree ndèef
For wurus for xaalis foraale fa doom
Yaay booy jàppal ma sab sëta ngook
Man mënuma jàpp sët bu amul baay
Yay jàppal su yàggee njariñ
feeñ
Ni rekk lañ koy deffee nimu yombee
Xiita bann, xiita bann, xiita bann
Arawal njaay arawal njaay
Yaaw mën nga mooño gërëm nga
yalla
Saa sëtbee sëtub Ndumbee
Mbañ koddu yaasin jaal
Bibaasi masse sukoo basee sa sere neexna
Arawal njaay arawal njaay
Yaw mën nga mooñee gërëm nga
yalla
Bismilay nañ dello domm yaay jant dem na
Yàlla na leen yàlla
fèexël te may leen jàmm
LA PILEUSE
Par le nom de Dieu, c'est l'heure du pilage, mes
soeurs, allez-y
Les paresseuses doivent trouver une solution ou y
aller avec le groupe
Prenez vos pilons et veillez sur la dépense
quotidienne
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Au crépuscule tout le monde va penser au
dîner
Ne soyez pas paresseuse, ne désistez pas,
vivre c'est peiner
Celle qui m'aide à piler doit venir
tôt
Celle qui m'aide à piler doit venir tôt
avant que je termine
Celle qui s'interroge la première et viens
à mon aide, je lui donnerai un esclave
Celle qui s'interroge la première et viens
à mon aide, je le donne de quoi acheter un habit
Il est agréable de chercher du bois de chauffe
au champ de Baye Demba
On ramasse de l'or, de l'argent et un nourrisson
Mère, élève-le voilà ton
petit-fils
Je ne peux pas élever un enfant sans
père
Mère, élève, à la longue
ça va payer
Voilà comment on s'y prend c'est très
simple
Pan ! pan ! pan !
Fais des grains, fais des grains
Toi, tu sais préparer le couscous remercies en
Dieu
Mon petit-fils est celui de Ndoumbé
Mbagne codou yacine Dial
Ce couscous nul autre peut l'égaler, ton
couscous est délicieux
Fais des grains, fais des grains
Toi tu sais préparer le couscous remercies en
Dieu
Par le nom de Dieu, retournons c'est le
crépuscule
Que Dieu vous libère et vous
offre la paix
LAAY SUMA LAAY (choeur) chant Populaire
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Les deux chants sont d'inspiration populaire. C'est la
fiancée qui chante son amour (Laye) parti pour la saison des pluies et
n'est pas revenu.
Laay suma Laayee cam gore
Ndaysaan
Suma nelee laay Laay neema illalaa
Aram Ndeela Waree Mbaay
Neel Majoojo Dègèn Fall
Aram ndeela woree mbaay
Tukkël sèenëtinay naar lèegi
jàmmi boroom jeex
Aram Ndeela Waree Mbaay
Xel ma dellu na gànnaar
Aram ndeela woree mbaay
Tette suma teete mbaay tette leen ma damay raam
Aram ndeela woree mbaay
Tette ndaw ca bamoy door
Aram ndeela woree mbaay
Neel majoojo dègèn fall
Aram Ndeela Waree Mbaay
Alaay sama laay laay sama laayoo
Suma nela laay nema illaalaa
Taaw daf maa digi ree ma dig ko saay ree taaw
Suma jëkkee ree àjjana day riir
Laayal sama laayoo laay sam
Suma nela laayoo neema illaala
Laayal suma laay laay suma laayoo
Suma nela laay nee ma illaalaa
Taaw daf maa digi ree ma dig ko saay ree taaw
Suma jëkkee ree àjjana day
riir
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LAYE MON AMOUR
Laye mon amour
Hélas ! 25(*)
Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"
Arame Ndella Waré Mbaye
Dis "Madiodio Déguène Fall"
Arame Ndella Waré Mbaye
La chameau a encore vu un maure, son maître, il va
bientôt perdre sa paix, sa sérénité
Arame Ndella Waré Mbaye
Il se souvient de la Mauritanie
Arame Ndella Waré Mbaye
Guide, Mbaye mon guide soutenez-moi, je suis en âge
d'apprentissage
Arame Ndella Waré Mbaye
Il faut aider le jeune à ses débuts
Arame Ndella Waré Mbaye
Dis "Madiodio Déguène Fall"
Arame Ndella Waré Mbaye
Laye mon amour, Laye mon amour
Si je te dis : "Allah" dis-moi "Illah Allah"
L'aîné m'a promis le bonheur, je le lui ai promis
aussi
Si ma promesse se réalise, je serai folle de joie
Laye mon amour, oh Laye mon amour
Si je te dis : "Allah" dis-moi "Illah Allah"
L'aîné m'a promis le bonheur, je le lui ai promis
aussi
Si ma promesse se réalise, je serai folle de joie
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Laay Laay Laay Laay
Ndeysaan !
Suma nelaa laay laay neema illaalaa
Ne laay laay laay laay laay sama laay
Ndeysaan !
Nit du benn xol du ñaar Yàlla yaatu na
Laay laay laay laay
Ndeysaan !
Suma nelaa laay laay neema illaalaa
Jaaji boroom ndandu saar danki boroom leer
Yaa ma jaral yèeg ba ca kaw ma xalab mbaay
Fekk paaka sa? wiit mu boroos ma ci faar
Man mu dund ak man dee jebbal ma doktoor
Laay laay laay laay
Ndeysaan !
Suma nelaa laay laay neema illaalaa
Dogoo nga ca mbèey saaxewar nga ca laambaay
Dogo faali mawa joor làmbam ya des mbeey
Giite nga ca mbeey yàlla na nga maam
Laay Laay Laay Laay
Ndeysaan !
Suma nelaa laay laay neema illaalaa
30
35
40
45
Laye, Laye, Laye, Laye
Hélas !
Si je te dis « Allah Illaja » dis
moi « Illah Allah »
Laye, Laye, Laye, Laye, Laye mon amour
Hélàs !
30 Chacun a un élu mais on n'aime qu'une fois
Dieu est grand
Laye, Laye, Laye, Laye
Hélàs !
Si je te dis « Allah Illaja »
dis-moi « Illah Allah »
Diadji de Ndandu Sarr, Danki le galant
35 Ton amour vaut de monter très haut et de me
jeter
Contre un couteau tranchant qui me transperce les
côtes
Vivante ou morte, livre-moi au docteur
Laye, Laye, Laye, Laye
Hélàs !
40 Si je te dis « Allah Illaja »
dis moi « Illah Allah »
Dogo est resté Mbèye, Saxéwar
à Lambaye
Dogo Fal Mawa Dior, ses tambours sont restés
à Mbèye
Guité est à Mbèye, que Dieu te
donne longue vie
45 Laye, Laye, Laye, Laye
Hélàs !
Si je te dis « Allah Illaja » dis
moi « Illah Allah »
LAAY SUMA LAAY
LAAY SUMA LAAY KAAREMA
Après la diffusion du premier chant, les gens
ont crié au blasphème croyant que le "Laye" faisait allusion
à "Allah" les artistes ont composé le second chant pour leur
signifié leur intention. C'est pourquoi ils insistent et y ajoutent
"Kaaremaa" (carrément) pour de bon
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Laay suma Laay laayoo ne laay suma
Kaaremaa
Suma nalee laay laay neema illaala
Jaaji boroom ndandu saar Danki boroom
Kaaremaa
Kooku gòoru ayda mbeen riijal ma say ndeer
Laay suma laay laayoo laay suma
Kaaremaa
Suma ne laay laay nee ma illaala
Fa anta jaarunaa wa niix ma jaaru
Kaaremaa
Yaa barru yaa kariimu yaa jàbbaru laay laay
Ñi fiy teree laay laay dañoo xamul
Kaaremaa
Laay la Bàmba deme gèej moom la
gènnée gèej
Laayal sama laayoo laay sama
Suma nela laayoo neema illaala
LAYE MON AMOUR CARREMENT
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15
Laye mon amour
Carrément
Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"
Diadji de Ndandu Sarr, Danki le galant
Carrément
C'est le frère de Aïda Mbène. Fais
résonner les tambours
Laye mon amour
Carrément
Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"
Vous êtes mon voisin et vous êtes le plus
sûr des voisins
Carrément
Le Charitable, le Généreux,
l'Irrésistible 26(*)
Ceux qui m'interdisent "Laye mon amour" ignorent
Carrément
Que c'est avec Allah que Bamba est parti en exil et il est
revenu avec lui
Donc chante, Laye mon amour
Si je te dis : "Allah Illaha" dis-moi "Illah Allah"
VII. BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
1. Ouvrages
BOILAT, D, Grammaire de la langue woloffe, Paris,
Imp.impériale, 1858.
BONNAFE, A, BRASSENS, Chanson et poésie, PARIS,
Seghers, 1928
CALVET, Jean Louis, Chanson et société,
Paris, Payot, 1981.
CALVET, Jean Louis, La Tradition orale, Paris, Payot,
1981.
CIPARISSE, G, le chant traditionnel : une
source documentataire orale, chant de Bampangu (Zaïre) Bruxelles,
centre d'etude et de documentation Afrique, 1972.
COQUET Jean-Claude, Le discours et son sujet, Paris,
Méridien Klincksieck, 1989.
DERIVE, Jean, Collecte et traduction des
littératures orale, Paris, 1975
DIOP, Abdoulaye Bara, La société Wolof,
Paris, Karthala, 1985.
DIOP, Abdoulaye Bara, La famille wolof, Paris,
Karthala, 1961.
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* 1 CISSE Momar, Parole
chantée ou psalmodiée wolof : collecte, analyse des
procédés argumentatifs de connivence associés aux
fonctions discursives de satire et d'éloge, Thèse de doctorat
d'Etat,Faculté des lettres et Sciences Humaines, UCAD, 2006
* 2 PERRIN Loïc-Michel, Des
représentations du temps en wolof, Thèse de Doctorat de
l'Université en Sciences du Langage, UNIVERSITE PARIS 7 - DENIS
DIDEROT, UFR Linguistique, Soutenue le 17 mai 2005
* 3 Michel Eyquem de Montaigne
(1559-1598) auteur français du XVIème
siècle
* 4 Lucien Lévy-Bruhl
(1857-1932, sociologue t anthropologue français), La mentalité
primitive, Paris, PUF, 1922.
* 5 Le mythe du nègre
et de l'Afrique noire dans la littérature française de 1800
à la deuxième guerre mondiale, Paris, Klincksieck ,1968.
* 6 Pierre Loti, Le roman
d'un spahi, Paris, Calmann-Lévy, 1949.
* 7 Maurice Genevoix, Fatou
Cissé, Paris, Flammarion, 1954.
* 8 Léo Frobenius
(1873-1938), ethnologue et archéologue.
* 9 Maurice de la Fosse
(1870-1926), Les Nègres, Paris, Rieder, 1927, 80pp.
* 10 Hampaté Bâ
(1900- 1991), ethnologue et écrivain malien.
* 11 Aimé Césaire
(1913- 2008), poète et homme politique, fondateur du mouvement de la
Négritude.
* 12 Ousmane Socé Diop
(1911-1973), écrivain et homme politique sénégalais.
* 13 Aminata Traoré, (Dr
en économie et en psychologie sociale, ancienne ministre de la culture),
Le viol de l'imaginaire, Actes du Sud, Fayard, 2003.
* 14 Cécile
Anne-Robert,( journaliste, spécialiste des affaires politiques, membre
du comité de rédaction du Monde diplomatique), L'Afrique au
secours de L'Occident, Paris, Editions de l'atelier, 2006, préface de
Boubacar Boris Diop.
* 15 Inspecteur de la jeunesse,
ancien Directeur de cabinet au ministère de la jeunesse.
* 16 Administrateur civil, il
était à la retraite lors notre rencontre.
* 17 Agent des postes à
la retraite.
* 18 le plaisir de sacler : mbay samba :
mbay : cultiver labourer
Le mot samba qui l'accompagne est ici un terme effectif et
pas un nom de personne comme souvent. Cela montre tout le plaisir qu'on a dans
les champs
* 19 Djandjoli est le
maître des génies. Ndoobo = Ndooxo : pour dire l'eau du
fleuve
Ali, le genre du prophète et un des compagnons les
plus fidèles du Prophète Mouhamed (SAW). Evocation des
divinités avant toute action.
* 20 Nango
Mbéri : on retrouve dans le texte wolof le même terme. Il n'a
pas de signification particulière. Il est là pour harmoniser
et donner du rythme à ce vers.
* 21 Adama : Adam
de la Bible ici du Coran, le 1er ancêtre.On l'assimile
à un prétendant parti en laissant sa fiancée. On remonte
dans le temps pour montrer que de tout temps la fiancée
délaissée a toujours existé.
* 1 Sala
Nder : c'est le nom de celui qui circoncit, par glissement il signifie
aussi « entrer avec ses frères de case dans
l'épreuve de circoncision. On retrouve les deux sens dans le
texte.
NB : Ce texte est plus mobile que les autres. Les
7 premiers vers et les 3 derniers sont fixes. Mais toutes les séquences
intermédiaires peuvent changer selon l'humeur du public qu'on en face et
celle des acteurs. Il s'agit ici des interventions de griots de la famille et
des garçons qui doivent subir les épreuves. Les griots chantent
et rappellentaux garçons leurs origines pour aiguiser leur courage. Eux
aussi ils interviennent pour faire un serment (le xas) qui les engagera
même au-delà de l'événement
* 22 V.8 jam : un vieux
bûcheron imbu de connaissances occultes et des secrets du
métier
* 23 V.11 Mburtum :
l'apprenti bûcheron
* 24 V.17 Waasa
Waasa : Faaxa-faaxa : M erci
* 25 V2
Ndeysaan :hélas traduit une exclamation de pitié avec le
point d'exclamation une affectivité à l'endroit de clui à
qui on rend une réplique
* 26Des attributs de
Dieu :
Yaa Baru : le charitable, la source de la
bonté. Il est tolérant et bon envers
ses serviteurs et toutes ses créatures
Yaa Kariimu : Le généreux, Il est
généreux
Yaa Jabaru : l'Irrésistible, le Contraignant celui
qui répare ce qui est gâté, qui complète ce qui est
incomplet, qui a l'habilité et la force de faire aux gens ce qu'il
veut.
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