L'art de la bifurcation : dichotomie, mythomanie et uchronie dans l'oeuvre d'Emmanuel Carrère( Télécharger le fichier original )par Mario Touzin Université du Québec à Montréal - Maîtrise en Etudes Littéraires 2007 |
1.3.2 Mythomanie et psychiatrieEn psychiatrie, la mythomanie est une tendance au mensonge pouvant aller jusqu'à altérer durablement la vie sociale. Le mythomane ment souvent parce qu'il craint la réaction (de dévalorisation, par exemple) qu'entraînerait l'aveu de la réalité. Guy Durandin écrit que la mythomanie traduit une organisation névrotique de la personnalité, qualifiée d'hystérique. Mais elle peut également être présente lors des troubles psychotiques. L'hystérie est un type de névrose entraînant des symptômes divers et causée le plus souvent par le refoulement consécutif au conflit oedipien.29(*) La mythomanie est d'essence névrotique ou psychotique. Dans le champ des névroses, elle se retrouve dans l'hystérie. Les patients peuvent vivre partiellement ces histoires, mais conservent toujours un ancrage dans la réalité. Le délire mythomaniaque est un délire construit, avec une logique interne qui n'obéit qu'à elle-même. Il se retrouve dans les psychoses paranoïaques. Le sujet oriente ses gestes et projets dans une seule direction, celle du thème de son délire. Pour le psychiatre Serge Bornstein, « la mythomanie est une défense de l'organisme contre un sentiment d'infériorité et de régression30(*) ». C'est sans doute pour cela qu'elle est si difficile à guérir : la fin du mensonge signifie le retour à un monde réel. Avec le mythomane, « on a affaire à des grands mystificateurs, des grands accusateurs, qui peuvent trouver des oreilles complaisantes et donner ainsi un grand rayonnement à leur mensonge si le contexte est porteur31(*) ». Cette pathologie entraîne un handicap social dans le cas où le malade procède à des altérations mineures et crédibles de la réalité. L'aveu étant souvent accompagné de réactions négatives de l'entourage, la mythomanie tend à s'auto-entretenir. La mythomanie est-elle innée ? Bien sûr que non. Les enfants mentent pour éviter une punition ou obtenir une chose refusée. C'est ainsi que naît le mensonge, celui, banal dont nous ferons tous plus ou moins usage durant notre vie. Mais le mythomane, par une sorte de décision de l'inconscient et pour éviter les frustrations, s'enfermera dans un univers factice. En fait, pour lui, le réel et la fiction sont équivalents. Il y a une « jouissance » particulière dans la mythomanie : se faire croire à soi-même que tous ses désirs sont possibles. En fait, c'est un phénomène caractéristique d'une certaine phase du développement de la pensée du jeune enfant, qui raconte comme étant vraies des histoires imaginaires. Si à l'adolescence, le besoin de mentir se poursuit, il risque de se transformer en pulsion et de se développer en une pathologie, c'est la mythomanie. * 29 Durandin, op.cit., p. 261. * 30 Sandrine Blanchard et Virginie Malingre, « La mythomanie, «cache-misère» et défense contre un sentiment d'infériorité », Le Monde (Paris), 15 juillet 2004, p. 6. * 31 Ibid. |
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