La mission du représentant Albitte dans l'Ain( Télécharger le fichier original )par Jérôme Croyet Université Lumière Lyon II - Maîtrise d'histoire 1996 |
l'action d'AlbitteA son arrivée à Bourg le 28 nivôse an II (17 janvier 1794), Albitte est accueilli par "le respect et l'amour des citoyens de cette commune qui se manifeste pour lui comme pour tous ceux qui l'ont précédé"601(*). Au soir de son arrivée, Thévenin fils, pour montrer la détermination des patriotes bressans, fait un discours à la société populaire de Bourg. Bien que le registre de la société des Sans-Culottes, du mois de septembre 1793 jusqu'à l'épuration ordonnée par Méaulle ait disparu, nous pouvons supposer qu'Albitte se rend au sein de celle-ci le soir de son arrivée, pour jauger la chaleur patriotique. C'est donc sans aucun doute qu'il entend le discours de Thévenin fils. Ce discours, "Profession de foi de la société des Sans-Culottes de Bourg-Régénéré", montre la volonté des Sans-Culottes de collaborer sans limite au gouvernement révolutionnaire que vient établir Albitte. Dans son allocution Thévénin démontre bien que, désormais avec la présence d'Albitte, les patriotes ne seront plus opprimés, qu'ils deviendront le moteur et les gardiens de la Révolution. Il explique aussi l'attitude des patriotes de Bourg face à la crise fédéraliste qui a ébranlé la cité; faisant sous-entendre à Albitte qu'il est l'homme attendu pour aider les patriotes : "Jusqu'à quand serons-nous opprimés ? les patriotes seront-ils toujours sous le couteau des fédéralistes, des vils aristocrates ? Non, le moment est venu où le peuple persécuté, outragé, va prendre une vengeance éclatante de tant de forfaits. Le salut de la République a sonné, nos victoires retentissent aux deux pôles et de lâches modérés viennent encore semer la division parmi nous. . .! Qu'ils tremblent, les monstres ! L'oeil vigilant du sans-culotte les suit partout, ils seront découverts, partout leurs complots avorteront; enfin le glaive de la loi tombera sur les têtes conspiratrices et purgera de tous les crimes le sol de la liberté. Oui ! la liberté a reçu des secousses violentes, la république à été ébranlée jusque dans ses fondements , mais elle a résisté aux coups parricides de ses ennemis; les sans-culottes lui ont fait un rempart de leurs corps et la patrie a été sauvée par les sans-culottes. Qu'ils sont lâches ces assassins ! Ne pouvant nous rompre en masse, ils cherchent à nous diviser pour nous assassiner en détail ; oui, tandis que dans cette enceinte nous agitons le salut du peuple, des scélérats viennent nous outrager et conspirer contre nous. . . Qui ne sait si, tandis que je vous parle, ils ne méditent pas quelques complots, ils n'aiguisent leurs poignards. . . Eh bien ! qu'ils sachent que les sans-culottes, en rentrant dans la carrière de la Révolution, ont déjà fait le sacrifice de leur vie, qu'ils sachent qu'ils ne craignent point la mort, que semblables aux sénateurs romains, à ce glorieux martyr de la liberté française, ils resteront à leur poste et présenteront leurs seins aux lâches qui voudraient leur percer le coeur. Non ! encore une fois, nous sommes dans l'arène; que le combat soit à mort ; plus de grâce pour les scélérats, ils expireront sous les coups du vainqueur ; notre cause est sacrée, nous combattons pour la République et eux, ces vils partisans des rois, trament notre chute à la servitude. De toutes parts les conspirations éclatent ; partout les aristocrates la figure allongée, le teint pâle, semblent douter des miracles de la Révolution et des sains effets de la guillotine, ils veulent encore fatiguer la vigilance des sans-culottes; qu'ils viennent donc à nous sans détours, comme nous sommes sans craintes. Oui ! nous leurs dirons que nous ambitionnons tous une mort glorieuse et utile à la patrie; nous leur dirons que des hommes libres savent se dégager de toute affection sensible pour être révolutionnaires et que si, victimes de leurs perfidies atroces, notre mort est certaine, nous mourrons comme nous avons vécu, c'est-à-dire en républicain. Oui ! nous irons à la guillotine en chantant l'hymne des Marseillais ; notre sang coulera pour multiplier les défenseurs de la patrie, écraser les tyrans et sceller la cause auguste de la liberté." 602(*). Le représentant, dès le 28 nivôse an II (17 janvier), ordonne la réimpression du décret du 14 frimaire an II (4 décembre), accompagné d'une proclamation dont il est l'auteur. Il explique clairement que ses ambitions : "arracher les derniers lambeaux du voile épais que l'ignorance et la tyrannie avaient jeté sur les yeux du peuple et . . .dissiper les dernières ténèbres qui obscurcissent encore l'atmosphère de la liberté" 603(*). Il joint à ce document le rapport de Robespierre à la Convention au nom du Comité de Salut Public du 15 frimaire an II (5 décembre) et la réponse de la Convention aux manifestes des rois ligués contre la République. Albitte, afin de montrer quelles sont ses intentions, se rend à la société populaire des Sans-Culottes le 4 pluviôse an II (23 janvier). Dans une des nombreuses lettres qu'il écrit au Comité de Salut Public, Albitte défini la mission qui lui est confé dans l'Ain et montre l'esprit qui l'anime durant son séjour : "J'appelle gouvernement Révolutionnaire un gouvernement qui détruit jusqu'au dernier germe du fanfatisme, qui anéantit les restes détestables de la royauté et de la féodalité, qui ôte aux ci-devant tous moyens de nuire, qui écrase les contre-révolutionnaires, les fédéralistes et les coquins, qui ranime les patriotes, honore les sans-culottes et fait disparaitre l'indigeance qui ne doit pas avoir ni existence ni nom dans une République; j'agis en conséquence dans les départements où vous m'avez envoyé."604(*) Albitte dans l'Ain va essayé de mettre en pratique une politique de réorganisation politique mais aussi sociale. Pour la première fois depuis qu'il parcours la France en tant que représentant du peuple en mission, Albitte avec l'aide des Sans-Culottes locaux et des commissaires civils, va pouvoir appliquer sur le terrain une action de régénération sociale. Mais la mission d'Albitte se fait sur un fond national paticulier. Le Comité de Salut Public dans ses correspondances avec les représentants en mission se fait meneur et entraineur : "La loi du 14 Frimaire, citoyens collègues, n'accorda qu'un mois pour l'établissement du gouvernement révolutionnaire. . . le gouvernement révolutionnire ne peut s'allier par sa nature avec une lenteur qui le tuerait à son berceau. Il brûle et féconde à la fois; il est donc de la plus haute importance d'accélérer vos travaux"605(*). Le Comité de salut Public dans cette lettre du 28 Pluviôse an II place les représentatns en mission dans l'empressement, dans la rapidité d'exécution et dans l'union. Albitte est donc dans l'Ain pour établir une frome de gouvernement qui doit amener à la régénération sociale mais il est surout préssé par le temps. Chronologiquement la mission d'Albitte dans le département de l'Ain se découpe en deux parties. La première partie conduit Albitte de Bourg (du 28 nivôse an II au 24 pluviôse an II) puis à Nantua (le 26 pluviôse) et à Belley (du 27 pluviôse au 3 ventôse). Cette période est marquée par une volonté de répression, dans laquelle l'entourage d'Albitte n'est pas innocent. La dernière partie est celle qui va de l'arrêt d'Albitte à Trévoux (le 5 ventôse an II) à son passage à Bourg (du 6 ventôse au 9 ventôse) puis à Belley (9 ventôse an II au 13 ventôse) afin de se rendre dans le Mont Blanc (jusqu'au 12 germinal an II) jusqu' à l'arrivée de Méaulle à Bourg et l'envoi d'Albitte à l'Armée des Alpes le 18 floréal an II. Cette période est marquée par l'éloignement du représentant de l'Ain ce qui entraine une certaine temporisation de son travail, mais, cette période marque aussi le dérapage politique des Sans-Culottes de Bourg. Parallèlement à l'itinéraire d'Albitte dans le Mont Blanc, les commissaires civils nommés par lui dans le département de l'Ain sont à l'oeuvre dans les districts. Afin de mieux comprendre l'étendue de l'action d'Albitte dans l'Ain, nous allons d'abord étudier les mesures de Salut Public que le représentant applique et dans un second temps nous verrons les mesures prisent pour établir le Gouvernement Révolutionnaire. * 601Tableau analytique. . ., Op.cit, page 19. * 602Imprimé de 6 pages de l'imprimerie de Philipon et compagnie, foramt in 8°. Bibliothèque de la Société d'Emulation, A.D.A * 603Imprimé chez P.F.Bottier à Bourg. Format in 8° de 48 pages. Bibliothèque de la Société d'Emulation A.D.A * 604A.Aulard : receuil des actes du Comité de Salut Public avec la correspndance officielle des représentants en mission. Tome 11 page 30. * 605A.Aulard, Ibid, page183. |
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