II- MICHEL STROGOFF : UN DISCOURS SUR LE
DEVOIR
A travers l'analyse stylistique des
procédés de modalisation effectuée jusqu'ici, l'on se rend
compte que notre support d'étude se présente comme un roman dans
lequel les personnages usent de tous les moyens pour ne pas faillir à
leur devoir, leur objectif. C'est ainsi que l'on observe une certaine
maîtrise de soi et le triomphe de la morale.
II.1- La maîtrise de soi
Michel Strogoff met en exergue des
personnages courageux, dotés d'une grande volonté. Verne met en
scène des personnages qui ont une grande maîtrise de soi, qui
dominent les tentations. A cet égard, Michel Strogoff feint de ne pas
connaître sa mère pour mener à bien sa mission, Nadia est
prête à tout pour retrouver son père, Marfa
préfère se laisser tuer afin de ne pas trahir son fils. Cette
maîtrise de soi est bien rendue par les procédés de
modalisation. C'est d'ailleurs le cas dans les énoncés
suivants :
(191) Sa vie même, il devait la risquer pour
donner à tous la preuve de sa cécité, et on sait comment
il la risqua. (p.340)
(192) Cette lettre, il me la faut donc à tout
prix ! (p.219)
Ces exemples montrent un énonciateur (en
191) et un locuteur (en 192) déterminés à arriver au bout
de leur objectif. En (191), le semi-auxiliaire modal devait traduit la
nécessité pour Michel Strogoff d'accomplir son devoir. C'est donc
à juste titre que Dekiss (1999 :366) souligne que
Strogoff pousse le devoir envers les autres jusqu'à l'ultime
abandon de soi. Michel Strogoff est donc un héros du devoir
qui domine ses propres intérêts pour se mettre au service des
autres. En (192), Ivan Ogareff emploie la forme verbale faut pour
montrer la nécessité impérieuse qu'il y a pour lui
d'obtenir la lettre qui lui permettrait de réussir son complot. Michel
Strogoff et Ivan Ogareff sont donc deux hommes qui désirent atteindre
leur but. Toutefois, seul héros militaire, Michel est aussi le seul qui
accepte d'accomplir un devoir imposé. D'après Tadié
(1996 :79), il est fait pour obéir aux ordres du czar
(« un exécuteur d'ordre »), pour le voyage, et le
voyage est fait pour lui.
Michel Strogoff se sacrifie pour servir sa patrie.
Ivan Ogareff, par contre, n'accomplit pas un devoir imposé. Au
contraire, c'est un traître qui s'est lui-même fixé un
objectif : envahir la ville d'Irkoutsk et il compte y arriver par tous les
moyens. Ainsi, les deux hommes ont tous deux une mission, mais les intentions
et le sens qu'ils attribuent à cette mission sont différents.
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