I) 1ere partie
A. Chapitre 1
Le Delta se situe à l'extrême Nord-Ouest du
Sénégal (cf.fig 1). Il couvre une superficie de 5 000
km2 de Richard-Toll à l'ancienne embouchure naturelle du
fleuve Sénégal. L'originalité du milieu naturel a fait que
cette zone ait fait l'objet de grands programmes d'aménagements en vue
de sa mise en valeur agricole. Ces derniers ont fortement bouleversé les
systèmes de production traditionnels à tel enseigne qu'ils aient
fortement artificialisé le Delta.
Pour une bonne compréhension de la situation qui
prévaut actuellement dans le Delta, nous consacrons cette partie
à l'analyse des différentes évolutions qui se sont
opérées au niveau écologique, économique,
démographique, politique voire institutionnel.
1) A- Le milieu naturel
1) 1-Unités géomorphologiques, sols et
végétation
1) 1-1) Les unités géomorphologiques
Dans le Delta s'opposent deux grandes catégories
d'unité paysagères : une zone régulièrement
inondée par les crues du fleuve appelée walo et une
autre non inondable à cause de sa topographie un peu plus haute qu'on
appelle diéri.
Dans cet ensemble se distinguent trois ensembles
morpho-pédologiques qui sont spatialement imbriqués. Il s'agit
des cuvettes de décantation, des levées- fluvio deltaïques
et des dunes du diéri.
a) Les cuvettes de décantation (appelées
walo)
Les cuvettes de décantation forment des
dépressions topographiques où l'alluvionnement était
moindre et assurent la transition entre les versants et les levées (J.
Tricart, 1961). Ce sont des unités postnouakchottiennes
c'est-à-dire qu'elles ont été édifiées
après le retrait de la mer. Les sols sont localement appelés
hollaldé, avec une grande proportion d'argile (environ 55%).
Ces sols ont une très bonne capacité de rétention et sont
très indiqués pour la riziculture irriguée. Les
périmètres qui ont été les premiers à
être réalisés ont été dans leur plus grande
majorité installés sur ces cuvettes. Nous avons le cas par
exemple du casier rizicole de Richard-Toll dans le haut delta, le
périmètre de Boudoum dans le moyen delta, etc.
b) Les levées
fluviodeltaïques
Les levées sont des bourrelets de berge construits par
le fleuve lui-même à partir de piégeage de
sédiments. Fluviodeltaïque vient de la combinaison de deux
mots : fluvio qui veut dire la charge solide du cours d'eau et de
deltaïque qui renvoie à une nappe d'eau. Cette unité a
été mise en place pour l'essentiel durant la période golfe
(transgression marine) qui a duré de 12 000 jusqu'à
2 000 ans Bp. Du point de vue granulométrique, les
dépôts fluvio deltaïques sont constitués de sables
fins, de limons et d'argiles. Localement, les sols de cette unité sont
désignés sous le nom de fondé. Ces
dépôts sont aujourd'hui le support des aménagements hydro
agricoles de type PIP, le long de l'axe Gorom-Lampsar plus
précisément dans le moyen delta (SY.B, 1995).
c) Les dunes du diéri
Les dunes du diéri se présentent sous
la forme de grands alignements longitudinaux de direction est/sud-ouest
à la bordure méridionale du Delta. D'autres alignements
s'étendent depuis Gorom-aval jusqu'à l'île de Ntieng. Elles
se sont mises en place durant une période d'aridité très
marquée (22 000-1 2000 ans Bp) que l'on appelle ogolien. Les sols
qu'on trouve sur ces dunes sont de type bruns subarides grâce aux phases
de stabilité (pluvial tchadien et pluvial néolithique) qu'a
connues le système ogolien. Ces dunes supportaient des cultures
pluviales et constituaient des champs de parcours pour le bétail.
Aujourd'hui les alignements sont très discontinus
à cause des sapements et recoupements par les différents bras.
Une perte progressive du profil pédologique par dénudation et/ou
remaniement caractérise la dynamique actuelle de ce système
dunaire.
Sur l'ensemble des unités présentées se
sont développés des sols déterminés en grande
partie par l'hydromorphie ou la salure.
1-2) les sols
Dans le delta du fleuve Sénégal, les sols
peuvent être regroupés en deux grandes familles. Une
première formée par les sols déterminés par la
présence de l'eau et une seconde regroupant les sols salés.
a) Les sols hydromorphes
Les sols hydromorphes sont principalement ceux des cuvettes de
décantation. Ils résultent d'une submersion plus ou moins durable
par les eaux de la crue du fleuve. Ce sont les sols de
« walo » constitués essentiellement
de « hollaldé » très argileux,
pauvres en matière organique et d'une structure massive. Difficiles
à travailler, ils conviennent à la riziculture.
b) Les sols salés
Les sols salés sont également appelés
sols halomorphes. Ils sont localisés au niveau de certaines cuvettes de
décantation et levées fluviodeltaiques. On peut aussi les
rencontrer dans les dépressions vouées à recueillir les
eaux de drainage. Les facteurs explicatifs de la présence du sel dans
ces sols sont la proximité de l'océan et la transgression marine
(Houma.Y 1993).
Aujourd'hui, le processus de salinisation des terres du delta
du fleuve Sénégal est si accrue que l'on note beaucoup d'abandons
en pleine campagne agricole. Et face à cette situation alarmante, des
mesures draconiennes sont à prendre car la présence du sel dans
les sols compromet toute activité agricole (Lerricolais.A et al.
1976).
Hormis ces deux grandes familles de sols, il faut y ajouter
les sols du système dunaire plus connus sous le nom de sols du
diéri. Ce sont des sols bruns subarides dont la teneur en
argile est faible.
1-3) la végétation
Les écosystèmes du Delta sont des formations
sahéliennes. Le couvert végétal naturel est souvent bien
adapté aux conditions difficiles du milieu. Dans l'ensemble, la
végétation est discontinue et composée à
majorité d'herbes xérophiles. Selon Konaté.M. (1999), une
corrélation positive existe entre formation végétale et
type de sol dans ce paysage sahélien. Ainsi, sur chaque grand ensemble
morpho-pédologique que compte le Delta vont pousser des espèces
spécifiques.
* Sur les dunes du diéri
Du point de vue floristique, les dunes du
diéri supportaient des espèces ligneuses comme
Acacia albida, Acacia radiana, Acacia seyal, Balanites
aegyptiaca, etc. ; les strates arbustives et herbacées sont
constituées d'euphorbiacées (Euphorbia balsamifera), de
combrétacées (Guiera senegalensis), et de
graminées saisonnières (Cenchrus biflorus, etc.) Wade
(2003). Ces espèces végétales sont celle de la savane.
* Sur les cuvettes
Dans les cuvettes argileuses de décantation, autour des
défluents du Sénégal, prospéraient des forêts
d'Acacia nilotica. A cela s'ajoutaient les graminées
pérennes telles que Oryza longistaminata, Echinochola stagnina et
Vossia cuspidata qui constituaient une ressource alimentaire d'une
importance non moins considérable pour le bétail.
Dans les cuvettes très salées (Sebkhas) se
développaient des plantes halophiles comme Salsola baryosma,
Tamarix senegalensis, etc.
* Sur les levées fluvio deltaïques
Les levées fluvio deltaïques constituent le plus
souvent le support des aménagements hydro agricoles.
Sous l'effet combinatoire de facteurs physiques
(sécheresses) et humains (création d'aménagements hydro
agricoles), de nombreuses espèces ont disparu ou ne subsistent
qu'à l'état résiduel (Kane. A in mélanges) d'une
part ; de nouvelles espèces ont vu le jour (Typha australis,
Salvinia molesta, etc.) d'autre part.
2- Climatologie
Le climat peut être défini comme la
synthèse des temps qu'il fait. Selon Maxe Sorre cité par Brunet.R
et al. (2005), « le climat d'un lieu est la série des
états de l'atmosphère au-dessus de ce lieu dans leur succession
habituelle ».
Le climat du delta du fleuve Sénégal est
caractérisé par la double influence de l'océan et du
continent. Il est conditionné par trois principaux centres d'action ou
anticyclones. Ces anticyclones sont celui des Açores, de
Sainte-Hélène et du Sahara communément appelé
anticyclone libyen. Chacun d'eux est responsable de l'installation d'un type de
vent spécifique et qui domine la circulation atmosphérique
générale du Delta pendant un moment bien
déterminé.
2-1) Les masses d'air
* L'alizé maritime : c'est un vent issu de
l'anticyclone des Açores, de direction Nord à Nord Ouest. De
novembre à février (saison sèche froide) ce vent domine la
circulation atmosphérique générale de la zone. Il est
chargé d'humidité en raison de son parcours océanique mais
n'est pas porteur de pluies. Il provoque un abaissement de la
température, du brouillard, de la rosée cependant il
s'assèche rapidement vers l'intérieur.
* L'alizé continental ou Harmattan : de Mars
à juin (saison sèche chaude) domine l'harmattan. C'est un air
saharien issu de l'anticyclone libyen. Il est caractérisé par une
grande sécheresse (la population l'appelle
« mboyo ») avec des amplitudes thermiques
fortes : frais ou froid la nuit, il est chaud le jour. Souvent il
s'accompagne de poussière, de sable.
* La mousson : ce vent ne s'installe qu'en juin-octobre
et issu de l'anticyclone de Sainte-Hélène. Son long trajet
maritime le rend très humide. Il est responsable de la
quasi-totalité des précipitations enregistrées au niveau
du Delta.
En dehors de ces types de vent, il est possible de rencontrer
dans la zone des vents locaux qui se manifestent généralement en
fin de saison sèche : ce sont les vents tourbillonnaires que la
population locale désigne sous le nom de
« ngëlewër ».
2-2) Les températures
L'étude de la température présente une
importance capitale pour l'agriculture irriguée. Dans le delta du fleuve
Sénégal, les températures sont élevées et
sont liées à la latitude tropicale de la région. Les
moyennes annuelles vont de 20 à 40°c avec des extrêmes
variant entre 12°c (novembre-février) et 45°c (mai-juin). Les
températures sont également caractérisées par des
variations dans le temps avec les saisons notamment avec les
précipitations qui les abaissent et dans l'espace avec la
proximité ou l'éloignement de la mer.
Il convient de signaler que lorsqu'elle est
élevée, la température favorise le développement de
la plante de riz tandis que si elle est basse, elle est source d'avortement du
riz conduisant sans doute à de mauvais rendements. C'est pour cette
raison qu'il n'est pas indiqué de cultiver du riz en saison
sèche froide.
2-3) Les précipitations
Les précipitations revêtent une grande importance
en ce sens que l'essentiel des activités du Delta leur sont tributaires
(Diagne P.S, 1974). La pluviométrie y est globalement faible et est
caractérisée par une irrégularité interannuelle
très marquée (voir tab.1). L'existence d'une seule et courte
saison pluvieuse (3 mois d'hivernage sur 12) fait que la quasi-totalité
des précipitations tombent durant cette période. Cependant, en
saison sèche, la zone peut enregistrer des pluies
éphémères dues aux perturbations du front polaire
appelées «Eug» par la population locale.
Tableau (1): Evolution de la pluviométrie
de 2000 à 2004
Postes Pmm
|
2000/2001
|
2001/2002
|
2002/2003
|
2003/2004
|
2004/2005
|
H
|
NJ
|
H
|
NJ
|
H
|
NJ
|
H
|
NJ
|
H
|
NJ
|
Dagana
|
Dm
|
Dm
|
307
|
17
|
170
|
13
|
275
|
18
|
118
|
9
|
Richard-Toll
|
359
|
19
|
318
|
19
|
163
|
16
|
261
|
17
|
221
|
12
|
Mbane
|
387
|
19
|
350
|
15
|
237
|
13
|
308
|
20
|
207
|
12
|
Ross-Béthio
|
Dm
|
Dm
|
366
|
24
|
226
|
14
|
263
|
15
|
185
|
11
|
Rao
|
419
|
22
|
Dm
|
Dm
|
191
|
17
|
216
|
23
|
159
|
14
|
Saint-Louis
|
446
|
23
|
282
|
31
|
228
|
20
|
353
|
28
|
131
|
16
|
H = hauteur - NJ= nombre de jour de pluie - Dm= données
manquantes
Source : DRDR/Saint-Louis
D'après le tableau ci-dessus, la zone a reçu,
dans la période de 2000 à 2004, une moyenne pluviométrique
de l'ordre de 217mm, et la station de Richard-Toll située dans le haut
Delta, une moyenne de 264,4mm ( voir fig.1). Pour ce qui est du nombre de jours
de pluie, on note aussi une faible moyenne (soit 14 jours de pluie).
Au cours de cette période, les maxima et minima
enregistrés à Saint-Louis sont de 446mm et 131mm, alors
qu'à Richard-Toll nous avons 359mm et 221mm. Le nombre de jours de pluie
n'est pas constant d'une année à une autre. A Saint-louis les
extrêmes sont 31 et 16 (soit une moyenne de 23,5) et à
Richard-Toll ils sont 19 et 12 (soit une moyenne de 15,5).
Figure 1 : Courbe d'évolution de la
pluviométrie à Richard-Toll de 2000 à 2004
En culture d'hivernage, lorsque la pluie est importante, elle
peut influer négativement sur l'activité agricole. En effet, la
pluie provoque la prolifération des adventices, rend impraticable les
pistes d'accès occasionnant le report de certaines tâches
déterminantes (par exemple les épandages).
3) Le réseau hydrographique
Le réseau hydrographique du Delta est tributaire
à la fois de la configuration géologique et
géomorphologique et du régime pluviométrique de la sous
région. Au niveau de cette région, le fleuve
Sénégal semble être le plus important concernant les eaux
de surface.
· Le fleuve Sénégal
Le fleuve Sénégal, d'une longueur de 1700 km,
traverse les zones sahélo soudaniennes et sahéliennes où
il constitue le seul cours d'eau permanent (Lavigne Delvigne Ph., 1991). Cela,
J. Rodier cité par S.M. Seck (1981), l'a si bien souligné
lorsqu'il parlait de «fleuve tropical débouchant en zone
sahélienne». Donc c'est un fleuve allochtone formé par la
jonction du Bafing (appelé Sénégal blanc par Muriel Devey)
et du Bakoye à Bafoulabé.
Dans le delta du fleuve Sénégal, le
régime naturel du fleuve est caractérisé par une
période de hautes eaux de juillet à octobre et de basses eaux de
décembre à juin (Thior P. 1998). L'eau de la mer remontait le
fleuve jusqu'à la hauteur de Dagana en saison sèche. Ce
phénomène de remontée de la langue salée est aboli
suite à la construction, sur le fleuve, du barrage anti-sel de Diama en
1986.
A coté de ce dernier, nous avons un réseau de
cours d'eau anastomosés dont certains jouent le rôle d'adducteur
et d'autres, le rôle d'émissaire de drainage (Voir carte
2) :
- Le Gorom, long de 60km, part du village de
Ronkh plus précisément sur le site de Bépar. Il est
intrinsèquement lié au fleuve d'où proviennent presque
toutes ses eaux. Avant les barrages, le Gorom servait de réserve d'eau
douce pour la population, en période de décrue. Il permettait
également la pratique de cultures de décrue qui occasionnaient le
déplacement de nombreuses de familles. Aujourd'hui avec les mutations
que le réseau hydrographique a connues (artificialisation hydrologique),
le Gorom ne contribue qu'à l'approvisionnement en eau des
périmètres irrigués en plus de l'activité de
pêche qui s'y développe. Il rejoint le fleuve en amont de
l'île de Tieng en alimentant sur sa rive gauche les marigots du
Kassack et du Lampsar.
- Le Lampsar relié au Gorom amont
à hauteur du village de Boundoum-barrage où il prend son origine,
entre en confluence, successivement, avec les marigots du Kassack, du Djeuss et
du marigot de Khant avant de se jeter dans le fleuve Sénégal en
amont de la ville de Saint-Louis. Il décrit des méandres
engainés par de petites levées alluviales. Il en résulte
un isolement de cuvettes plus ou moins grandes à Thiléne,
Pont-Gendarme, etc. Fall.M (1999).
Le Gorom et le Lampsar constituent un axe qui retient, avec
six autres ensembles, l'attention d'un fonds de maintenance
dénommé FOMAED. C'est pour cette raison qu'on parle de
système adducteur Gorom-Lampsar.
- Le Djeuss, long d'une cinquantaine de km,
prend son origine au sud-est du parc de Djoudj et s'écoule presque
parallèlement au Lampsar avec qui il entre en confluence au nord de la
ville de Saint-Louis.
- Le Kassack a son origine entre le Gorom et
le Lampsar. Sa jonction avec ces derniers est aujourd'hui faite par
l'intermédiaire des ouvrages de Diambar et de Demba (près de
Diawar) ; il s'écoule parallèlement au Gorom sur 30 km avant de
se joindre au Lampsar.
- Le Diawel et le
Natché situés au Nord Est du Delta servent
aujourd'hui de collecteurs d'eaux de drainage des casiers rizicoles de Thiagar
et sucriers de la CSS ; son écoulement s'arrête dans une plaine
à l'ouest de Richard-Toll ;
- Le Ngalam situé au sud-est de l'axe
Gorom-Lampsar, dans le dièri, reçoit les eaux de lessivage de la
réserve attenante à l'ouvrage vanné de Ndiawdoune.
- Le lac de Guiers
Principale réserve d'eau douce du
Sénégal, le lac de Guiers occupe une dépression
allongée dans l'axe Nord-Sud d'environ 50 km de large entre 15°55
et 16°16 de longitude ouest. L'alimentation du lac dépend du fleuve
Sénégal par l'intermédiaire de la rivière Taouey.
C'est à partir de ce lac que se fait l'alimentation en eau de la ville
de Dakar.
4.Le cadre humain
Le Delta correspond un peu à l'ancien royaume du Waalo
qui s'est périclité en 1859. La population de ce royaume
était essentiellement composée de wolofs qui s'y sont
installés depuis fort longtemps (Barry.B 1985). Il y avait aussi des
peuls et des maures. Cependant, contrairement à la moyenne
vallée, la zone du delta du fleuve Sénégal et ses bordures
apparaissaient comme des déserts humains avant les aménagements.
En fait, les conditions du milieu naturel n'autorisaient aucune installation
humaine durable.
L'avènement de la riziculture irriguée et de
l'agro-industrie a vu la création de nouveaux établissements
humains et la venue de populations nouvelles. Il en est résulté
un enrichissement de la composition ethnique.
1- La composition ethnique
Les ethnies que l'on rencontre dans le Delta sont
principalement :
- Les wolofs qui constituent la population autochtone. Ils
représentent plus de 63,6 % de la population d'après le
recensement de 1988. Ils sont des sédentaires et se concentrent le plus
souvent dans les villages anciens.
- Les peuls qui sont des nomades par excellence en raison de
l'activité pastorale qui le leur exigeait. On note aujourd'hui une
sédentarisation de certain parmi eux qui se sont convertis en de
véritables agro pasteurs. Il y a également le rôle non
moins considérable de l'Etat. En effet, dans beaucoup de hameaux peuls
des salles de classe ont été construites.
- Les maures : leur présence dans cette zone peut
s'expliquer par les rapports qu'entretenaient le royaume du Waalo et les maures
du Trarza. Leur nombre n'est devenu important qu'au lendemain du
célèbre conflit frontalier Sénégalo-Mauritanien.
Les politiques de peuplement du Delta,
développées par la SAED ont été à l'origine
de l'apparition d'ethnies étrangères. Il s'agit des toucouleurs
venus du Fouta et des sérères provenant de l'intérieur du
pays.
En outre, dans des endroits où l'agro-industrie s'est
développée, il est possible d'y trouver la majeure partie des
ethnies existant au Sénégal. C'est le cas par exemple de
Richard-Toll avec la CSS, de Dagana avec la SNTI, etc.
2) Peuplement et colonisation du Delta
L'une des ambitions que nourrissait la SAED était
d'inciter les gens à venir pratiquer l'agriculture à travers une
politique dite de peuplement. Pour l'accueil de ces populations, de nouveaux
villages ont été construits. Faisons d'abord une étude sur
les villages traditionnels avant de parler de ces villages de colons.
2.1) Les villages traditionnels
Sont qualifiés de villages traditionnels les villages
qui existaient dans le Delta avant la création de la SAED. Ces villages
se situaient presque tous au bord du fleuve. Cette proximité du fleuve
présentait un double avantage selon Diagne P.S : les populations
pouvaient aisément s'adonner à la pêche en plus de cela,
elles avaient la possibilité, en période de décrue, de
faire de l'agriculture de décrue.
Aujourd'hui, beaucoup de ces villages (dans le Moyen delta et
un peu dans le Haut delta) ont connu un déguerpissement suite à
la demande de l'OMVS. Par exemple, les villages de Wassoul, Ronkh, Khor,
Ndiaténe sont actuellement derrière la grande digue de protection
créée en 1964.
2.2) Les villages neufs
Avec la SAED, de nouveaux villages sont crées.
C'était dans le but non seulement de peupler la zone qui offrait un peu
l'aspect d'un «no men's land » (désert humain) mais aussi
et surtout d'encourager le développement de l'agriculture
irriguée. Ainsi pour l'installation des gens en provenance du
Diéri, le village de Boundoum Barrage fut crée en 1965.
En 1966, deux autres villages virent le jour et
étaient peuplés de paysans déplacés à cause
de la crue : Boundoum Est pour les paysans venus du village de Ronkh et
Boundoum Nord pour ceux qui sont venus de Kheune et Wassoul. Mais la plupart de
ces populations déplacées retourneront plus tard dans leurs fiefs
d'origine. Ce qui fait que Boundoum Est et Boundoum Nord sont plus connus
respectivement sous les noms de Ronkh Delta et de Diawar.
Les villages neufs ne se limitaient pas à ces trois
car dans la même année, la SAED créa deux autres qui ont
servi de zone d'accueil aux toucouleurs venus du Fouta (Kassack Nord) et aux
sérères (Kassack Sud).
Il convient de noter que ces villages étaient
construits suivant les mêmes règles architecturales et il y'a des
maisons qui perdurent jusqu'à nos jours.
2.3) Population et évolution
démographique
Le Delta, qui correspond à peu prés au
département de Dagana, a une population relativement faible. Selon les
résultats provisoires du recensement général de la
population et de l'habitat (RGPH) de 2005, la population du delta du fleuve
Sénégal est passée de 204 371 à
192 207hbts entre 1976 et 1988. En 2002 elle se chiffrait à
192 987hbts et les estimations donnent le chiffre de 215 395hbts pour
l'année 2005 (voir tableau 2).
Tableau 2 : La répartition de la
population du département de Dagana selon la collectivité locale
et les différents recensements en 2005.
Collectivités locales
|
Population issue des recensements
|
Population estimée
|
RGPH 1976
|
RGPH 1988
|
RGPH 2002
|
2004
|
2005
|
Gaé
|
|
13 015
|
18 713
|
19 968
|
20 793
|
Mbane
|
|
20 028
|
30 536
|
33 535
|
34 921
|
Ross-Béthio
|
|
33 220
|
53 393
|
57 541
|
59 615
|
Ronkh
|
|
|
20 191
|
22 521
|
23 451
|
Population rurale
|
66 263
|
122 833
|
133 565
|
138 780
|
Rosso Sénégal
|
|
17 523
|
9 328
|
9 783
|
10 187
|
Dagana
|
|
15 742
|
18 205
|
19 092
|
19 882
|
Richard-Toll
|
|
29 679
|
42 621
|
44 699
|
46 546
|
Population urbaine
|
62 944
|
70 154
|
73 574
|
76 615
|
Total Département
|
204 371
|
129 207
|
192 987
|
207 139
|
215 395
|
Source : Service Régional de la Statistique de
Saint-Louis.
Malgré la présence de trois communes :
Dagana, Richard-Toll et Rosso Sénégal, la population du Delta est
à majorité rurale avec 138 780hbts contre 76 615hbts
qui vivent en milieu urbain en 2005 soit un taux d'urbanisation faible de
l'ordre de 35%.
L'augmentation de cette population est grande partie due au
développement de l'irrigation et d'une agro industrie relativement
conséquente qui ont eu à drainer d'importantes populations.
Toutefois, il est important de souligner que la zone n'est
pas à l'abri de l'émigration. En effet, la majeure partie de la
population dépend directement de l'agriculture. Or cette activité
connaît de sérieuses contraintes durant ces dernières
années. C'est ce qui explique le départ de bon nombre de
« bras » de cette économie fortement rurale. Les
villes comme Nouakchott et Rosso en Mauritanie constituent les destinations
les plus fréquentes de ces départs.
3- Les activités
traditionnelles
Les conditions climatiques et hydrologiques avaient rendu
possibles des modes d'exploitation des ressources du milieu variables dans le
temps et dans l'espace : la culture de décrue sur les terres du
walo et la culture pluviale sur les contreforts du
diéri. Ce terroir dont les principales ressources
étaient l'eau, la terre et les pâturages, a été
pendant des siècles, le théâtre d'activités comme
l'agriculture, l'élevage et la pêche. En outre, d'autres
activités traditionnelles, mais d'envergure moindre, se pratiquaient
dans ce secteur.
3-1) L'agriculture
L'agriculture a pu se développer dans cette
région sahélienne en grande partie grâce à la
présence du fleuve Sénégal. Elle reposait essentiellement
sur les cultures de décrue ou cultures du walo et celles dites de
diéri ou cultures pluviales.
Les cultures de décrue se faisaient durant la saison
sèche ou contre-saison sur les sols inondables du walo. Leur
étendue dépendait de l'importance ou non des crues du fleuve et
de ses défluents. Sur les berges du fleuve on cultivait du sorgho (gros
mil), du niébé, du maïs, etc. Le long du Gorom
(défluent du fleuve), sur les bourrelets de berges, la patate douce, le
manioc, etc. se cultivaient. Cependant le problème majeur de ces
cultures de décrue était le sel qui l'a toujours rendue
faible.
La production était généralement
destinée à l'autoconsommation familiale. Selon Tourrand F. et
Jamin F.Y (1986), cette activité était le propre des wolofs
installés sur le fleuve dans le moyen et le haut delta entre Débi
et Richard-Toll, qui étaient les vrais les waalo waalo.
Sur le diéri, formé de bas plateaux et
dépendant des précipitations, se pratiquaient des cultures sous
pluie. Les principales cultures étaient le mil, le sorgho, le maïs,
le niébé ainsi que l'arachide lorsque la pluviométrie
était suffisante.
Cette agriculture engendrait peu de revenus monétaires
du fait de sa vocation vivrière. Elle était le plus souvent
associée à l'élevage qui fut l'activité la plus
importante dans la zone du Delta.
3-2 L'élevage
L'élevage était à coté de
l'agriculture l'un des piliers de cette économie essentiellement rurale.
Son développement s'expliquait par plusieurs raisons. D'abord des
facteurs physiques propices : présence de l'eau, pâturages.
Ensuite, les facteurs humains : présence d'ethnies pour lesquelles
l'élevage n'a pas de secret (Peulhs, Maures). C'était un
élevage transhumant extensif qui gravitait autour des points d'eau.
Cependant quelques différences méritent
d'être soulignées entre le système des Maures et celui des
Peulhs : en hivernage, les Maures partaient en Mauritanie avec leurs
troupeaux pour ne revenir dans le Delta qu'en saison sèche où le
bétail pouvait se contenter des reliques de cultures de
décrue ; tandis que les Peulhs partaient vers le sud du Delta (le
diéri) durant la saison pluvieuse où ils associaient
l'élevage aux cultures pluviales. Lorsque la valeur fourragère du
diéri diminuait et surtout dès l'assèchement des
marres (en saison sèche), le retour vers le Delta s'imposait comme une
condition sine qua none.
De nos jours, avec le recul des cultures traditionnelles
auxquelles il était lié, le développement de la culture
irriguée et de l'agro-industrie qui offre des emplois
rémunérés, l'élevage bat de l'aile et est
condamné à être relégué au second plan. En
somme, l'exploitation du cheptel, faute d'une bonne organisation des
éleveurs, demeure faible et mal assurée. Il s'y ajoute que les
conditions sanitaires sont relativement affectées par les effets
écologiques des barrages (pollutions de drainage et prolifération
de mauvaises herbes telles que le typha).
Les conditions du milieu plaidaient également en
faveur d'une autre activité mais d'une importance moindre : la
pêche.
3-3) La pêche
La pratique de la pêche dans le delta du fleuve
Sénégal était rendue possible par les eaux du fleuve et
l'existence d'une gamme importante de cours d'eau (Gorom, Lampsar, etc.). Pour
Barry B. si l'élevage attirait l'attention des peuples nomades, la
pêche était le monopole des Waalo Waalo. Une partie des prises
était réservée à la commercialisation et le reste
à l'autoconsommation.
3-4) Les autres activités
traditionnelles
A côte de l'agriculture, l'élevage et la
pêche, les habitants du Delta connaissaient d'autres activités
mais d'importance relativement moindre. Il s'agit de la chasse et la
cueillette, de l'artisanat et du commerce.
Avec l'introduction de l'irrigation dans ce secteur et
l'artificialisation de plus en plus soutenue du milieu naturel, ces
systèmes de production traditionnels connaîtront de profonds
bouleversements.
A- L'introduction de l'irrigation
1- Du plan de colonisation agricole du baron Roger
à la création de la SAED
L'introduction de l'irrigation au Sénégal
remonte vers le XIX ième siècle. Elle résulte
de la volonté des puissances coloniales de substituer le commerce des
comptoirs à une colonisation agricole. Le projet de colonisation
agricole a été encouragé en partie par l'abolition de
l'esclavage. En effet, face aux difficultés d'amener la main-d'oeuvre
là où se trouvait les plantations, la meilleure solution fut de
faire l'inverse c'est-à-dire de transporter le travail là
où il y'avait la main d'oeuvre corvéable (Barry B. 1985 citant
Scheffer). Donc c'était le coup d'envoi de la colonisation agricole qui
venait d'être donné avec le Sénégal, le Madagascar
et la Guyane qui furent retenus comme lieux d'expérimentation.
Au Sénégal, c'est le royaume du Waalo qui fut
retenu par ces tentatives avec la signature d'un traité de concession
des terres entre le gouverneur Schmaltz et Amar Fatim Mborso, brack du Waalo
d'alors. Schmaltz, dans le souci d'alimenter l'industrie naissante en
matière première, avait pensé à la canne à
sucre, le coton et l'indigotier.
Dans l'ensemble, ces tentatives se sont soldées par
des échecs qui ont entraîné le remplacement du gouverneur
Schmaltz par le baron Roger en 1821. Ce dernier créera plus tard un
jardin d'expérimentation à Richard-Toll.
Pour promouvoir la recherche agronomique dans le royaume du
Waalo, Roger mit en place un jardin d'essai à Richard-Toll en 1822. Ce
jardin était placé sous la férule d'un
pépiniériste du nom de Richard. Concernant l'exploitation, des
primes et mesures incitatives telles que bestiaux, machines à
égrener, étaient mises à la disposition des plus
méritants (Maiga M. 1995).
Du point de vue de la conception technique, nous avions de
petites parcelles délimitées par des digues. Le système
d'approvisionnement en eau était calqué sur le modèle qui
prévalait en Algérie : la Noria.
Une gamme très diversifiée de
variétés était cultivée à Richard-toll.
Néanmoins, on peut les regrouper en trois grandes familles :
d'abord les fruits et légumes (manguier, goyavier, papayer, etc. pour
les fruits et chou, carotte, etc. pour les légumes) ; ensuite les
céréales avec le riz comme espèce dominante et enfin les
cultures de rente (coton, mûrier, plantes tinctoriales, etc.).
Le bilan des travaux de Roger a été plus ou
moins décevant avec une exception faite pour les légumes qui ont
connu un franc succès. En plus de cet échec, le royaume du Waalo
était sous la domination des Maures. Cette annexion suscitait de
sérieuses inquiétudes chez les français et il faudra
attendre jusqu'au XX iéme siècle pour voir les vrais
programmes d'aménagements se développer dans le Delta. Vers 1900,
l'aménagement de la vallée et du delta était mis en
veilleuse au profit de la monoculture arachidière qui n'avait pas
manqué à exacerber le déficit vivrier du pays (Sarr B.,
1995).
Ce n'est que vers les années 1920 que de nouvelles
possibilités d'aménagement furent étudiées dans la
vallée du fleuve Sénégal avec le plan Augier.
C'était un plan multisectoriel qui comprenait entre autres objectifs la
régularisation du fleuve, une navigabilité permanente de Kayes
à Saint-louis, etc. Ce projet qui était coûteux va pousser
l'administration coloniale à reculer et à adopter des projets
beaucoup plus modestes. En 1935 la MEFS (Mission d'Etude du Fleuve
Sénégal) est créée. Cette structure était
chargée de la conduite et de l'exécution de tous les travaux
expérimentaux à réaliser dans tout le bassin du fleuve
Sénégal. Elle sera remplacée par la MAS (Mission
d'Aménagement du Sénégal) en 1938 qui n'était rien
d'autre que son prolongement.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, face au
déficit céréalier consécutif à la rupture
des importations de riz en provenance d'Indochine, on ordonna à la MAS
de mettre en valeur l'ensemble du Delta (P.S Diagne, cité par Seck.S.M
1981). L'objectif poursuivi dans tout cela était l'aménagement en
l'espace d'une décennie de 50.000 ha et la production de 80.000 tonnes
de paddy afin de couvrir les besoins nationaux. Ainsi, en 1946, le casier
pilote de Richard-toll fut réalisé et nécessita la mise en
place d'un pont-barrage entre la Taouey et le fleuve Sénégal.
Tous ces travaux pouvaient se traduire par une forte artificialisation de la
zone en donnant un autre cachet à Richard-Toll poussant certains
chercheurs comme (S.M Seck, 1981) à parler de l'émergence d'un
«second Richard-Toll». La gestion de ce casier était
assurée par la SDRS (Société de Développement
Rizicole du Sénégal) et du fait du sous-peuplement du Delta
à ce moment le recours à la mécanisation était
imparable.
Dés l'aube des indépendances (1960), la MAS
céda la place à l'OAD ( Organisation Autonome du Delta) dans le
delta du fleuve Sénégal et à l'OAV (Organisation Autonome
de la Vallée), soeur jumelle de l'OAD intervenant au niveau de la
vallée (G. Diemer et E.Van der Laan, 1987). Cependant aucun de ces deux
organismes ne disposait ni d'une personnalité juridique ni d'une
autonomie financière ; ce qui faisait qu'ils atteignaient
très tôt la limite de leurs prérogatives. En 1965, l'OAD
céda la place à une structure beaucoup plus solide avec le statut
de société publique à caractère industriel et
commercial : la SAED (Société d'Aménagement des
terres du Delta).
En 1972, la zone d'intervention de la SAED fut étendue
à la zone de l'OAV (Basse Vallée) puis en 1974 sur l'ensemble de
la rive gauche.
2) Le processus d'artificialisation du
milieu
Le processus d'artificialisation dans le delta du fleuve
Sénégal peut se résumer sur trois principales
phases : la reconversion des cuvettes de décrue en cuvettes
rizicoles, la création de la digue de protection et l'artificialisation
du régime hydrologique interne.
2-1) Des cuvettes de décrue aux cuvettes
rizicoles
Beaucoup de casiers rizicoles du Delta faisaient l'objet de
cultures de décrue avant d'être destinés à la
riziculture. Ces casiers étaient tributaires des marigots tels que le
Gorom, le Kassack, le Lampsar, le Djeuss, etc. En raison de la forte
quantité de sel induite par les transgressions marines du 1er
quaternaire, une partie importante de ces cuvettes n'étaient pas
favorables à la riziculture (Maïga M., 1995).
L'artificialisation a consisté à transformer
ces cuvettes en casiers rizicoles. Pour ce faire, on a réalisé un
ensemble de digues et de canaux dont le but était de rendre les hauteurs
de plans d'eau dans le fleuve, les chenaux et les cuvettes indépendants
les uns des autres sous réserve d'une hiérarchisation correcte de
ces niveaux.
Ainsi, on cultivait du riz en pratiquant la submersion
contrôlée qui consistait à faire pousser la plante par la
pluie et à la faire développer par la crue du fleuve dont
l'entrée dans les cuvettes était assurée par un
système de digues et de vannes.
2-2) L'endiguement du Delta
Le deuxième événement phare de
l'artificialisation progressive du Delta est la création de la digue de
protection. En effet, en 1964, sous l'initiative de la MAS, une digue longue de
82 km a été édifiée sur la rive gauche du fleuve
Sénégal. Elle était équipée d'ouvrages pour
le contrôle de la submersion dès les premières heures de la
crue. Donc l'aménagement consistait à dresser des endiguements
de protection contre la crue et surtout à la mise en place d'ouvrages
vannés pour la régulation de l'eau à l'entrée et
également en empêchant la pénétration de la langue
salée qui émanait de la mer en période de
décrue.
Cette digue représentait alors l'un des
éléments importants d'un dispositif évolutif qui a
été parachevé en 1986 par la fermeture du barrage de
Diama.
2-3) L'artificialisation du régime
hydrologique interne
Le régime hydrologique interne renvoie à
l'ensemble des marigots présents dans le Delta et qui constituent des
défluents pour le fleuve Sénégal. Certains ont fait
l'objet d'aménagements et ont acquis un régime artificiel. Il
s'agit du Gorom, Djeuss, Ngalam, Djoudj, Kassack, etc. Avec l'artificialisation
de leur régime leurs eaux sont destinées principalement à
l'irrigation au niveau des aménagements hydro agricoles. Selon le
rôle qui leur est dévolu, nous pouvons en distinguer des
adducteurs et des émissaires :
Un adducteur est un aménagement structurant dont
l'objet est l'adduction d'eau à des aménagements terminaux. Parmi
ces adducteurs on peut citer le Gorom Amont, Gorom Aval, Lampsar, Kassack,
Diovol, Ngalam et trois marigots au sud de la RN2 (voir carte2).
Un émissaire de drainage se définit comme un
aménagement structurant dont l'objet est l'évacuation des eaux de
drainage des aménagements terminaux. Les émissaires que l'on
rencontre dans le Delta sont : le Noar, le Natché, le Krankaye, le
Mbeurbeuf, le Ndiael et l'émissaire du Delta (voir carte 2).
3- De la reconversion des aménagements vers la
maîtrise de l'eau
3-1) les aménagements en submersion
contrôlée
La submersion contrôlée est un principe
d'aménagement hydro agricole d'origine asiatique plus
précisément dans le delta du Mékong et la plaine du
Tonkin. Elle sera introduite en Afrique et expérimentée dans
l'office du Niger. Ce n'est que sous la MAS qu'elle est introduite dans le
delta du fleuve Sénégal vers les années 1960. C'est pour
cette raison que tous les aménagements réalisés pendant
cette époque étaient qualifiés
d'aménagements primaires.
Ces aménagements connaîtront un peu plus tard,
en 1968, des modifications ; mieux des améliorations à cause
des problèmes que connaissait la submersion contrôlée
(irrégularité des précipitations, problèmes
topographiques, cycle cultural qui dépendait trop des conditions
climatiques etc....). Ces améliorations avaient pour noms :
construction de canaux et de diguettes et édification de stations de
pompage au niveau des départs (Seck.S.M, 1991). Avec cette
évolution, on leur qualifia d'aménagements
secondaires. Ainsi le problème de l'eau à
l'amenée venait d'être réglé mais un autre restait
encore sans solution : celui de la distribution de l'eau à
l'intérieur des parcelles.
3-2) Les aménagements en maîtrise
complète de l'eau
En 1972, la SAED va réaliser des aménagements
permettant une maîtrise complète de l'eau par pompage de relais
à partir du retrait de la langue salée du fleuve
Sénégal qui avait le plus souvent lieu du 8 au 15 Septembre(
Reynard A. et Monnier J, 1971). Si la station de pompage permettait de
maîtriser l'eau à l'amenée, le réseau
hiérarchisé de canaux d'irrigation et de drainage assurait quant
à lui la maîtrise de l'eau à la distribution.
Ces progrès d'ordre technologiques marquèrent
l'avènement des aménagements tertiaires. Et
l'heure venait de sonner pour que l'on abandonnât l'irrigation par
submersion contrôlée. Par ailleurs les aménagements
secondaires seront progressivement convertis en aménagements tertiaires
et tous les nouveaux aménagements seront réalisés sur ce
modèle.
B- Les différents types de
périmètres et leur organisation
Dans le delta du fleuve Sénégal, on note la
présence de divers types de périmètres. Ils sont souvent
l'oeuvre de sociétés d'Etat (la SAED par exemple) d'où
leur qualification d'aménagements publics ou privées (CSS,
SOCAS).
1- Les périmètres irrigués de la
SAED
Dans la réalisation des périmètres
irrigués, la SAED intervient à plusieurs niveaux. Nous avons les
grands aménagements, les petits périmètres et les
aménagements intermédiaires.
1-1) Les grands
aménagements
Un grand aménagement est un périmètre
dont la taille varie entre plusieurs centaines et quelques milliers d'hectares.
Il est le plus souvent localisé dans une cuvette aménagée
d'un seul tenant. Il est également caractérisé par la
hiérarchisation de son réseau de canaux (canaux primaires,
secondaires et tertiaires) avec surtout une station de pompage. On peut retenir
aussi que le grand aménagement est divisé en mailles hydrauliques
subdivisées en parcelles. C'est un aménagement relativement
coûteux avec un prix à l'hectare variant entre 5 et 6,5 millions
de Fcfa /ha (SAED : Banque de données, 1997).
Les populations bénéficiaires ne sont, pour la
plupart du temps, pas associées à la réalisation de
l'aménagement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les grands
périmètres étaient difficiles à gérer
à ce stade de l'évolution du monde paysan et techniquement lourd
à manier.
Au niveau du Delta, selon l'organisation de la gestion nous
avons deux types (voir tableau) : ceux qui sont placés sous la
gestion d'une union hydraulique (aménagements transférés)
et ceux qui ne le sont pas avec un comité d'usagers qui est
l'équivalent de l'union hydraulique pour ces derniers.
Tableau 3: Les GA du Delta et leur
mode de gestion
Périmètre
|
Gérant
|
Boundoum
|
Union hydraulique
|
Débit-Tiguet
|
Union hydraulique
|
Grande Digue-Tellel
|
SAED
|
Kassack
|
Union hydraulique
|
Thiagar
|
Union hydraulique
|
Source : compilé par l'auteur
1-2) Les petits
périmètres
Les aménagements que la SAED a réalisés
en guise de petits périmètres ont une faible superficie qui
tourne autour de 20 à 50 ha et répondent parfois sous le nom de
PIV (périmètre irrigué villageois). Contrairement au grand
aménagement, le petit périmètre se localise
généralement sur un bourrelet de berge. Mais cela peut
s'expliquer par le fait qu'il est irrigué à partir d'une moto
pompe. Le coût à l'hectare est compris entre 600 mille et 1,5
million de Fcfa/ha (SAED : Banque de données, 1997).
Concernant la conception technique des petits
périmètres, la SAED avait surtout bénéficié
de la participation manuelle des populations.
1-3) Les aménagements
intermédiaires
Vers les années 1980, dans le but d'éviter les
méfaits des grands aménagements et de récupérer les
bienfaits des petits périmètres, la SAED avait
décidé de changer de stratégie. C'est dans cette optique
que le périmètre de Ndombo-Thiago fut créé vers la
fin des années 1970. Ce genre de périmètre est
appelé périmètre intermédiaire. Sa superficie varie
de 50 à 1500 ha et l'hectare peut coûter au minimum 4 millions de
Fcfa et au maximum 4,5 millions de Fcfa (SAED : Banque de données,
1997).
2- Les périmètres
privés
Dans le Delta, la présence des aménagements
hydro agricoles privés est due à la combinaison de plusieurs
facteurs que sont entre autres le désengagement de l'Etat, le
reversement des zones pionnières en zones de terroir, un accès
facile au crédit de la Caisse Nationale de Crédit Agricole du
Sénégal (CNCAS) et une ressource en eau rendue disponible avec la
mise en service des barrages (Diama et Manatali, notamment).
En moins d'une décennie, les superficies
aménagées se sont développes de manière fulgurante
passant de 1300 ha en 1987 à plus de 40 000 ha en 1994.
Du point de la conception technique, l'aménagement
peut se résumer sur l'installation d'un groupe moto pompe au bord de la
voie d'eau (voir photo1), le percement d'un canal d'amenée et la
réalisation de diguettes. Dans l'ensemble, ce sont des
aménagements sommaires, réalisés sans respect des normes
techniques requises avec un coût d'investissement à l'hectare se
situant entre 100 000 et 250 000 Fcfa.
Photo 1 : un groupe moto pompe installé
sur les berges du Gorom-Amont
Tableau 4: Les différents types
d'aménagement en fonction du coût d'investissement à
l'hectare.
Type d'aménagement
|
Coût d'investissement à
l'hectare
|
GA
|
Entre 5 et 6,5 millions Fcfa
|
PIV
|
Entre 600 mille et 1,5 million Fcfa
|
PIP
|
Entre 100 mille et 250 mille Fcfa
|
AI
|
Entre 4 et 5 millions Fcfa
|
Source : SAED, d'après Banque de données de
1997
3- Les périmètres
agro-industriels
Ce sont des types d'aménagement hydro agricoles
gérés par des compagnies spécialisées dans la
production d'une spéculation particulière (la Compagnie
Sucrière Sénégalaise pour le sucre, la
Société de Conserves Alimentaires du Sénégal pour
la tomate).
3-1) les aménagements de la
CSS
Créée en 1970 par le groupe Mimran, la
Compagnie Sucrière du Sénégal (CSS) produit de la canne
à sucre dans les anciens casiers rizicoles de Richard-toll. En
convertissant ces casiers rizicoles, on souhaitait que la CSS soit en mesure
d'assurer la couverture des besoins du pays en sucre. Cette entreprise
agro-industrielle a aménagé 7 300 ha (FAO, 2006). Elle
dispose d'une usine et d'un centre de recherche pour améliorer les
variétés de canne à sucre. L'eau d'irrigation est fournie
par le lac de guiers et le canal de la Taouey à partir duquel des canaux
secondaires irriguent et drainent des zones de culture. Le mode d'irrigation
est l'irrigation à la rigole, siphonage ou à la raie.
3-2) Les aménagements de la
SOCAS
La Société de Conserves Alimentaires du
Sénégal a été créée en 1969 par les
Moulins SENTENAC. Entreprise privée possédant sa propre fabrique,
la SOCAS est l'un des plus gros complexes agro-industriel du
Sénégal, sis dans la région du Fleuve (CIFA, 2006). Sur
une surface totale d'à peu près 260 ha, 14 000 paysans
contribuent à la production de 70 000 tonnes de tomates
achetées par la SOCAS qui leur garantit l'achat à un prix
rémunérateur (FAO, 2006).
Aujourd'hui, on note l'apparition d'une autre
société agroalimentaire : les Grands Domaines du
Sénégal (GDS). Cette entreprise à capitaux
français, s'est implantée dans le bas Delta un peu en amont du
village de Ndiawdoune. Elle utilise une technique d'irrigation moderne qui
demande beaucoup de moyens : c'est l'irrigation au goutte-à-goutte.
La production se fait sous serre et est vouée directement à
l'exportation.
A- Organisation de la production et de la gestion du
périmètre
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