Conclusion
Au terme de cette analyse portant sur la révision de
la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, il aurait
été intéressant de pouvoir formuler une conclusion
conventionnelle et de clore ainsi cette étude sur le
phénomène constitutionnel. Mais ce dernier est si inhérent
à l'existence même de l'Etat, en l'occurrence le
Sénégal, qu'une tentative de conclusion définitive serait
inopportune. Ainsi convient-il d'inscrire cette conclusion dans une mouvance
rétrospective.
Une étude comparative des textes constitutionnels de
1963 et de 2001 a permis de faire ressortir, quant au fond, la portée
matérielle de la révision constitutionnelle intervenue au
Sénégal, au lendemain de l'alternance politique.
Parallèlement, l'analyse du contexte politique -- du reste,
dominé par un besoin de réformer pour plaire ou pour se donner
une marge de manoeuvre davantage grande -- et une plus grande
considération des procédures -- qui ont sous-tendu la
révision de 2001-- ont permis de répondre à la question
visant à déterminer le pourquoi de cette opération
constitutionnelle. Ainsi, à la question principale de savoir si la
rupture recherchée par le Constituant de 2001 a, oui ou non,
été réalisée par le biais de cette révision
constitutionnelle, la réponse appelle à plus de circonspection
dans sa formulation.
Du point de vue formel, l'ordre constitutionnel de 1963 a
tacitement été abrogé par la nouvelle Constitution
adoptée par référendum du 7 janvier 2001 et publiée
deux semaines plus tard. Cette rupture formelle a permis de réaliser de
nombreuses innovations constitutionnelles. D'autre part, une profonde
étude comparative des règles, dont la moindre modification influe
automatiquement sur le régime constitutionnel, laisse perplexe sur
l'existence véritable d'une rupture constitutionnelle. Peut-on
valablement admettre l'idée d'une rupture entre deux ordres
constitutionnels alors même que le nouveau n'élève ses
briques que sur les fondations de son prédécesseur ? Il est
de ce point de vue clair que la réponse à une telle question ne
peut être que non. Car une telle situation témoigne du lien
« indestructible » qui unit les deux Constitutions et
justifie la continuité de l'ancienne qu'assure la nouvelle.
Un autre élément qui consacre plus l'idée
de continuité constitutionnelle que celle d'une rupture véritable
réside dans la promesse faite par les autorités au peuple
sénégalais, d'instaurer un régime
« parlementaire rationalisé ». La
primauté présidentielle, et l'attitude soumissionnaire des
parlementaires vis-à-vis de l'Exécutif, ne sont très
certainement pas des rapports notables entre Exécutif et
Législatif dans un régime qui se veut parlementariste.
En définitive, il conviendrait de retenir que la
Constitution issue de la révision de 2001 réalise bien
d'importantes innovations qui consacrent, du point de vue formel -- et
uniquement sur ce plan -- une rupture qui, sur le fond, reste une
illusion ; ces innovations se sont avérées très
insuffisantes pour permettre à la nouvelle Constitution de 2001 de
rompre avec sa devancière, ce qui implique ainsi une continuité
constitutionnelle.
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