CHAPITRE 6
Conclusions & Perspectives
L'objectif du travail présenté dans la seconde
partie de ce manuscrit était d'améliorer
la connaissance des fonctions, des partenaires biologiques, et
des mécanismes d'action de la protéine KIN17 humaine en
s'intéressant plus particulièrement à la région
51-160. Pour cela, nous avons abordé une approche structurale qui
consiste à émettre des hypothèses sur les fonctions
potentielles adoptées par cette région à partir de
la connaissance de sa structure. Nous avons montré par
Résonance Magnétique Nucléaire et Modélisation
Moléculaire que la région 51-160 de la protéine KIN17
humaine adopte un repliement de type Winged Helix de topologie quasi
canonique. La détermination de la structure de ce domaine
réfute donc la prédiction des logiciels bio-informatiques de
détections de domaines qui suggèrent l'existence d'un domaine
FF de liaison à des peptides phosphorylés dans la
région 50-150 de KIN17 humaine. Les domaines à motif
Winged Helix sont principalement connus pour leur capacité
à lier l'ADN et de ce fait, ils sont souvent retrouvés
chez des facteurs de transcription eucaryotes ou procaryotes. Ce simple
constat constitue un premier argument structural qui
supporte l'implication de KIN17 dans la régulation et la
maintenance de l'ADN.
? Interaction avec l'ADN ?
Nous avons comparé la structure du domaine K2 avec celle
de motifs Winged Helix
structuralement proches afin d'évaluer les
potentialités de K2 à lier l'ADN. A ce jour, il existe
2 modes de reconnaissance de l'ADN par les domaines à
motif Winged Helix dont les bases moléculaires sont
parfaitement connues. La comparaison structurale du domaine K2 avec ces motifs
fait apparaître des divergences significatives qui mettent en cause la
capacité de K2 à lier l'ADN selon ces modes de reconnaissance
:
- Les motifs Winged Helix qui adoptent le mode
de reconnaissance classique utilisent principalement leur hélice H3
pour pénétrer le sillon majeur et interagir avec le squelette
et les bases de l'ADN. En superposant K2 avec plusieurs de ces
motifs, nous avons mis
en évidence des différences structurales au
niveau de l'hélice H3 qui apparaît plus courte chez K2 et dont
l'orientation, plus ouverte par rapport au reste du domaine, n'est
pas favorable à une interaction avec le grand sillon de
l'ADN selon le mode de reconnaissance classique. La présence
et la position d'une large boucle rigide et très
conservée, et d'une hélice 310 atypique, entre H2 et H3
sont responsables de cette différence structurale et
différencient le motif Winged Helix de K2 des
Winged Helix
classiques de liaison à l'ADN.
- L'analyse du potentiel électrostatique de surface
a également mis en évidence des
différences structurales notables : tous les motifs
Winged Helix qui lient l'ADN de type B
ou Z selon le mode de reconnaissance classique
présentent un potentiel de surface H3-W1 largement positif alors que
cette surface apparaît peu polaire et faiblement chargée
positivement chez K2.
- Cette surface fonctionnelle de liaison à l'ADN H3-W1
est fortement conservée chez les motifs Winged Helix de liaison
à l'ADN, ce qui n'est pas le cas chez K2 où nous avons
montré que l'hélice H3 est peu conservée au vu de
l'état de conservation générale du domaine K2.
- Le seul motif Winged Helix connu à ce
jour qui adopte un mode de reconnaissance atypique utilise sa boucle W1
qui contient plusieurs résidus basiques pour interagir avec
le grand sillon de l'ADN. Chez K2, cette boucle ne contient
que 2 résidus qui forment un coude â de type I et les surfaces
formées par les résidus de W1 et des brins â S2 et S3 sont
peu polaires et plutôt hydrophobes.
L'ensemble de ces observations suggère que le motif
Winged Helix de la région 51-160 de KIN17 humaine n'est pas
capable de lier l'ADN selon les modes de reconnaissance connus des Winged
Helix. Les premiers tests d'interaction in vitro que nous
avons menés par Southwestern corroborent nos conclusions
structurales et montrent que cette région de KIN17 n'est pas suffisante
pour lier l'ADN de manière autonome.
? Interaction avec l'ARN ?
Les données récentes de la littérature
ont mis en évidence la capacité de 3 motifs
Winged Helix à fixer l'ARN. Toutefois, les bases
moléculaires de cette reconnaissance n'ont
été identifiées à ce jour
qu'à une seule reprise chez le facteur d'élongation SelB.
Celles-ci reposent principalement sur une interaction avec l'ARN via
une surface formée par des résidus des hélices H2 et
H3 particulièrement basiques. Le motif Winged Helix de la
région
51-160 de KIN17 ne présente pas cette
caractéristique structurale et par conséquent, ne
possède certainement pas la capacité à lier l'ARN
selon ce mode de reconnaissance. Ces données structurales sont
toutefois insuffisantes pour conclure quant à la
potentialité du
Winged Helix de KIN17 à interagir avec l'ARN.
D'un point de vue fonctionnel, nous avons
montré par hybridation Northwestern que ce
motif n'est pas suffisant pour lier une sonde
d'ARN de 1200 nucléotides reconnue par KIN17 humaine.
? Interaction de type protéine-protéine
?
L'utilisation du programme CONSURF nous a
permis de mettre en évidence la présence d'une surface
ultra conservée formée par les chaînes
latérales de 8 résidus qui appartiennent à
l'hélice H2, à la boucle entre H2 et H3, et à
l'hélice 310 H2.5. Cette surface plutôt neutre et relativement
hydrophobe est située sur la face adjacente à la surface H3-W1.
Nous avons trouvé dans la littérature quelques motifs Winged
Helix qui possèdent une telle surface hydrophobe et
conservée située sur une face différente de H3-W1. Dans la
plupart des cas, ce type de surface constitue une interface autonome
de dimérisation qui permet une liaison à l'ADN sous forme
dimérique. Nos résultats ont montré d'une part, que le
domaine
K2 se trouve sous forme monomérique en solution et d'autre
part, qu'il n'est pas capable de lier l'ADN selon les modes de reconnaissance
connus. Par conséquent, il est peu probable que
la surface ultra conservée de K2 soit impliquée
dans un mécanisme de dimérisation autonome.
La récente résolution de structure des domaines
RPA32 et RAP74 à motif Winged Helix a mis
en évidence l'implication de ce type de motif dans des
interactions de type protéine-protéine avec un partenaire
protéique de nature différente. Ces 2 domaines ne sont pas des
homologues structuraux de K2 mais ils présentent des
caractéristiques structurales communes : ils ne lient pas l'ADN, leur
surface H3-W1 est peu conservée, et ils possèdent une surface
hydrophobe très conservée qui interagit avec leur partenaire
respectif. Sur la base de ces similitudes, il est apparu possible que la
surface ultra conservée du motif Winged Helix de la
région 51-160 de KIN17 soit impliquée dans des interactions de
type protéine-protéine.
Dans l'optique d'améliorer la connaissance des
fonctions du motif Winged Helix de KIN17, l'étude
structurale en solution de la région 1-160 (domaine K3) de la
protéine humaine a été initiée par RMN. Les
prédictions bio-informatiques préliminaires que nous avons
réalisées suggèrent la présence d'un motif de
liaison aux acides nucléiques de type
« doigt de zinc » en amont du module Winged Helix
au niveau de la région 28-50 de KIN17
humaine. Les premiers tests d'interaction in vitro
menés par Nortwestern et Southwestern sur
le domaine K3 mettent en évidence le rôle majeur
de la région 1-50 dans la liaison de KIN17 humaine à l'ADN
et l'ARN. Nous avons montré par cartographie des
déplacements chimiques sur HSQC 1H-15N
l'existence de relations structurales entre le module Winged
Helix et la région N-terminale 1-50 contenant le
motif « doigt de zinc ». Cette étude révèle
ainsi que le motif « doigt de zinc » adopte
une position préférentielle autour du module Winged
Helix au niveau de sa surface hydrophobe ultra conservée.
Cette surface est donc impliquée dans des interactions de type
protéine-protéine intra-moléculaires.
En conclusion, notre approche structurale n'a pas abouti
à la caractérisation de la fonction du domaine Winged
Helix de KIN17 humaine, mais, dans un cadre plus général,
elle
a permis de contribuer à l'amélioration de
la connaissance des fonctions et des partenaires biologiques de la
protéine KIN17. Ainsi, nous avons montré d'une part, que
ce domaine Winged Helix n'est pas capable de lier l'ADN ou l'ARN de
manière autonome, et d'autre part, qu'il entretient des relations
structurales avec le module « doigt de zinc » de liaison à
l'ADN
et l'ARN de la région N-terminale de KIN17.
Sur la base de ces conclusions, il serait à présent
intéressant de déterminer le rôle exact
du motif Winged Helix dans la liaison à l'ADN et
l'ARN du domaine K3. La caractérisation structurale et dynamique du
domaine K3 par RMN nous permettrait de savoir si ce domaine
est composé d'une ou de deux unités de repliement.
En effet, il est possible que le module
« doigt de zinc » ne soit pas capable de se replier de
manière autonome. La fonction du motif
« Winged Helix » pourrait donc être
essentiellement structurale et consisterait à favoriser et stabiliser
le repliement biologiquement actif du module « doigt de zinc
». Le rôle exact du motif Winged Helix dans la
liaison à l'ADN et l'ARN pourrait être rapidement mis en
évidence par RMN en réalisant une titration du domaine K3 par des
acides nucléiques après avoir attribué les raies de
résonance de la chaîne principale de K3. Cependant, une
étude par RMN de ce domaine nécessiterait dans un premier
temps une optimisation des conditions d'analyse afin de pallier la
dégénérescence du signal observée dans la
région N-terminale contenant le « doigt de zinc »,
probablement due à de l'échange conformationnel. Dans le cas
où cette optimisation ne serait pas suffisante,
la mutation d'une ou plusieurs cystéines non
caractéristique(s) du motif C2H2 pourrait être une
solution afin de limiter cet échange conformationnel. A l'issue de
cette étude structurale, la mise en évidence d'une interaction
conjointe du module « doigt de zinc » et du motif Winged Helix
avec l'ADN ou l'ARN serait considérable d'un point de vue
structural. Cela signifierait que ces 2 modules constituent un
nouveau repliement de domaine de liaison aux acides
nucléiques. A notre connaissance, il
n'existe en effet aucune structure tridimensionnelle de
protéine qui présente un tel domaine
formé par un motif Winged Helix et un module
« doigt de zinc ».
D'une manière plus globale, l'étude structurale de
KIN17 pourrait être poursuivie en recherchant les interactions du domaine
K3 avec les autres domaines de la protéine. La région
C-terminale 268-393 de KIN17 humaine vient d'être
résolue au LSP par cristallographie des rayons X. Ce domaine contient un
double motif SH3 de liaison à l'ARN. La reconstitution de
la structure entière de KIN17 à partir de la
structure de ses domaines structuraux pourrait être
réalisée à partir d'une analyse SAXS (Small
Angle X-ray Scaterring) qui permet de reconstituer l'enveloppe
globale de la protéine.
Enfin, au-delà de l'approche structurale, les
chercheurs du LSP poursuivent actuellement la recherche des partenaires
protéiques des domaines de KIN17 par des études biochimiques de
type « double hybride » ou pull down réalisées
sur des extraits nucléaires. En
cas de résultat favorable pour les domaines K2
et K3, la RMN sera sans aucun doute la méthode de choix pour
caractériser les bases moléculaires de l'interaction de ces
domaines avec leur(s) partenaire(s), et ainsi améliorer la
connaissance des fonctions précises et des
modes d'action de la protéine KIN17 dans le noyau de la
cellule.
Annexe : Criblage des conditions d'expression des
protéines PROentier, PROcatal, PROter, et PROinser
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