Le droit à la guerre préventive: essai de réflexion sur la légalité et la légitimité du concept( Télécharger le fichier original )par Tohouindji G. Christian HESSOU Université d'ABOMEY CALAVI - Cycle I de l'ENAM 2005 |
REPUBLIQUE DU BENIN MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITE D'ABOMEY CALAVI (UAC) ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE MAGISTRATURE (ENAM) OPTION : Administration Générale FILIERE: Diplomatie et Relations Internationales LE DROIT A LA GUERRE PREVENTIVE : ESSAI DE REFLEXION SUR LA LEGALITE ET LA LEGITIMITE DU CONCEPT Présenté et soutenu par : Sous la direction de : HESSOU T. G. Christian Monsieur ABDOU Mohamed Professeur de Droit International Public à l'ENAM Promotion : 2002 - 2005 L'ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE MAGISTRATURE N'ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE MEMOIRE. CES OPINIONS DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A LEUR AUTEUR IDENTIFICATION DU JURY Président: Mr TOUDONOU J. Athanase Vice-Président : Mr AGBANGLA Eusèbe Membre: Mr ATTENOUKOUN SERGE ii Je dédie ce mémoire à : Mes parents Joséphine et André HESSOU, Tous mes frères et soeurs sans exception, Mlle Albine Carmen MORGEAN, Romuald HESSOU tout particulièrement. iii Plus qu'à quiconque, c'est à Monsieur ABDOU Mohamed que ce mémoire doit d'avoir vu le jour. Voilà plusieurs mois qu'il m'apporte son soutien intellectuel sans faille et ses commentaires perspicaces sur sa confection. Il a accompli tout au long de la rédaction, un travail de correction soigneux, allant du fond jusqu'aux moindres ponctuations. Ses conseils éclairés me redonnaient à chaque fois, l'inspiration nécessaire pour achever cette oeuvre. Je lui exprime toute ma gratitude pour toutes ses contributions. J'ai eu d'un autre coté, l'immense chance d'avoir pu consulter certains professeurs qui m'ont fait pleinement profité de leurs compétences. Ils m'ont prodigué des conseils et m'ont fait des observations de tout genre. Je ne saurai jamais les remercier assez de tout ce qu'ils ont fait pour moi au fil de tout ces mois de travail qui ont conduit à la réalisation du mémoire. Je veux nommer : Mr TOPANOU Victor, Mr TOUDONOU Athanase, Mr LOKO Théodore et Mr ADELOUI Arsène-Joël. A ces professeurs, je dois une fière chandelle. C'est aussi le moment pour moi de faire hommage à tous les autres professeurs de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature qui ont contribué sans relâche à ma formation universitaire (ENAM). Si je puis un jour dire que j'ai été formé à l'ENAM, c'est grâce à eux. Nul n'a jamais eu la chance d'avoir été entouré d'amis aussi dévoués que ceux que j'ai eu la chance de réunir autour de moi. DASSIGLI Fiacre et BEHINGAN David ont travaillé avec moi d'arrache pied, souvent jusqu'à une heure tardive. Ils ont lu et relu mon travail tant qu'ils le pouvaient. Mr GANMADOUALO Jean Luc (employé à la médiathèque du Centre Culturel Français), sans me connaître au départ, avait mis à ma disposition tous les CDs-ROM concernant mon thème. Sans le connaître, il est devenu mon ami et a considérablement oeuvré pour mon travail. Je remercie enfin, tous ceux dont j'ai dû malheureusement taire les noms, mais qui m'ont été d'une grande utilité pour la confection de ce mémoire. Je suis conscient que ces simples lignes de papier ne suffiront jamais pour le faire. Mais, si vous lisez ce travail, sachez qu'il est aussi votre oeuvre. Sans vous, je n'aurais sincèrement abouti à rien. Je suis fier de vous remercier. iv LISTE DES SIGLES ET ABBRÉVIATIONS ADM : Armes de destruction massive AG : Assemblée Générale des Nations Unies AIEA : Agence Internationale de l'Energie Atomique CIA : Central Intelligence Agency (service de renseignement américain) CS : Conseil de Sécurité des Nations Unies DI : Droit international Di : Droit interne E-U : Etats-Unis GP : Guerre préventive LD : Légitime défense LDP : Légitime défense préventive NSS : National Security Strategy (document sur la stratégie nationale de sécurité adopté par les Etats-Unis en 2002) NU : Nations Unies ONU : Organisation des Nations Unies OPI : Opinion publique internationale SDN : Société des Nations TNP : Traité de non prolifération nucléaire v SOMMAIRE INTRODUCTION.....................................................................................................................1 PREMIERE PARTIE : DE LA LEGALITE DU CONCEPT DE LA GUERRE PREVENTIVE..................................................................................6 Chapitre 1er : La légalité de la guerre préventive au regard de la doctrine.........................7 Section 1 : La doctrine de la guerre juste....................................................................................8 Section 2 : La doctrine de l'état de nature...............................................................................15 Chapitre 2ème : La légalité de la guerre préventive au regard de la norme........................21 Section 1 : La Charte de l'ONU et la notion de légitime défense préventive...........................22 Section 2 : Les dispositions constitutionnelles des Etats..........................................................29 DEUXIEME PARTIE : DE LA LEGITIMITE DU CONCEPT DE LA GUERRE PREVENTIVE................................................................................34 Chapitre 1er : La deuxième guerre d'Irak : les faits et les mobiles présumés du conflit...35 Section 1 : Historique de la guerre d'Irak.................................................................................36 Section 2 : Les mobiles présumés de l'intervention..................................................................42 Chapitre 2ème: Quelle légitimité pour le concept de la guerre préventive au regard de la croisade irakienne ?..............................................................................50 Section 1 : Les facteurs favorables à la légitimité du concept..................................................51 Section 2 : Les facteurs d'illégitimité du concept.....................................................................58 CONCLUSION.......................................................................................................................66 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................69 vi INTRODUCTION GENERALE INTRODUCTION GENERALEEn 1750, se référant à la guerre de succession d'Espagne de 17001, De Vattel écrivait : «Dès qu'un Etat a donné des marques d'injustice, d'avidité, d'orgueil, d'ambition, d'un désir impérieux de faire la loi, c'est un voisin suspect dont on doit se garder : on peut le prendre au moment où il est sur le point de recevoir un accroissement formidable de puissance, lui demander des sûretés et s'il hésite à les donner, prévenir ses desseins par la force des armes »2. Cette assertion trouve toute sa pertinence en ce que la guerre n'était pas encore une chose tout à fait prohibée entre les Etats au XVIIIe siècle. Pour prévenir la puissance d'une autre nation, un Etat se réservait le droit d'agresser cette nation. Mais depuis lors, le droit international s'est beaucoup plus affermi et la portée du droit à la guerre a considérablement diminué. Le recours à la force est désormais strictement régi par la Charte des Nations Unies. Seule une autorisation du Conseil de Sécurité (CS) des Nations Unies (NU) ou une légitime défense, peut en principe permettre sa mise en oeuvre.3 Cependant, toujours à la recherche d'une marge de manoeuvre plus grande, les Etats ont procédé à une interprétation très large de la légitime défense, afin de donner un fondement juridique à certaines de leurs actions armées controversées. Sans ce fondement juridique, lesdites actions se verraient qualifiées d'agression et les conséquences pourraient en suivre. La notion de la légitime défense a pour ce fait connu des interprétations diverses tendant à l'élargir. C'est entre autres, le problème de la légitime défense préventive qui s'est dessinée d'abord par la crise des fusées de 19624 pendant la guerre froide. Mais, c'est en 1967 qu'elle fut concrétisée par l'Etat d'Israël qui l'invoqua contre l'Egypte, lors de la guerre des six jours. A l'origine de cette guerre, l'Egypte avait en effet opéré un déploiement massif de ces troupes aux frontières israéliennes et proférait ouvertement son intention de détruire l'Etat d'Israël. Le Président égyptien Nasser ferma le détroit de Tiran afin d'empêcher Israël d'avoir 1 Cette guerre déclenchée par l'Angleterre pour « prévenir les desseins » de Louis XIV sur l'Europe, trouve ses origines dans le décès du Roi d'Espagne qui mourut sans descendance et dont le testament offrait le trône d'Espagne au petit fils du roi de France (Louis XIV). Or, en 1700 la France et l'Angleterre étaient les seules puissances dominantes de l'Europe. Dans le but d'accroître sa suprématie sur l'Europe en surpassant l'Angleterre, Louis XIV refusa d'exclure son petit fils, le Duc d'Anjou de la succession au trône de France, envisageant ainsi une union franco-espagnole très redoutée. C'est alors qu'à la tête d'une coalition, l'Angleterre attaque le royaume de France avant même que ce dernier n'accroisse sa puissance au risque de menacer la domination anglaise. 2Michaël Walzer. Guerres justes et injustes : Argumentations morales avec exemples historiques. 2ème édition. Paris : Bélin, 1999, p. 126 3 Confer chapitre VII de la Charte des Nations Unies. 4Au cours de la guerre froide, pour intimider les Etats-Unis (E-U), la Russie décida d'installer des missiles nucléaires dans l'île de Cuba. Les ogives nucléaires installées sur l'île, avec le soutien du Président cubain, auraient pu atteindre en quelques heures, le territoire américain. Après avoir détecté grâce aux avions d'espionnage américains, l'existence de la menace, le Président John Kennedy réagit fermement en exigeant le démantèlement des fusées. Il menaça d'envahir Cuba si cela n'était pas fait dans les plus brefs délais. accès à la Mer Rouge. Nasser mobilisa par des accords, des soldats d'autres pays arabes à sa disposition et renvoya même la force d'interposition onusienne dans la zone depuis 1957. L'Etat hébreu se retrouva face à des armées arabes hostiles sur tous les fronts (au Nord par la Syrie, à l'Est par la Jordanie et au Sud-ouest par l'Egypte). En Israël, le bruit courait que l'Egypte était en position de frapper, ou du moins, qu'elle en avait l'intention. Sans attendre la concrétisation de l'attaque égyptienne, les forces armées israéliennes ont débuté les offensives le 5 juin 1967 contre l'Egypte et contre certains autres pays arabes ayant pactisé avec l'Egypte.1 L'Etat hébreu s'était-il défendu, ou bien avait-il commis une agression ? Ce qui est sûr, cette opération préventive a déclenché des polémiques de toutes parts, au sein de la communauté internationale. Relancé par la récente guerre d'Irak (2003), le concept de la guerre préventive se veut une guerre par laquelle, un Etat menacé d'agression peut anticiper sur son ennemi en frappant le premier. A mi-chemin entre une guerre défensive et une guerre offensive, il pose un problème d'interprétation évident. Il y a d'un côté, ceux qui soutiennent qu'il s'agit d'une agression, et de l'autre, ceux qui pensent que c'est une légitime défense. Tout le problème juridique posé par cette guerre offensive dite défensive, est celui de sa conformité au droit international. Le droit international autorise-t-il la légitime défense préventive comme prolongement de la légitime défense normale ? Nonobstant la réponse qui peut être donnée à ce questionnement, le droit ne peut pas faire abstraction de la sociologie des Etats. Ainsi, le concept de la guerre préventive mérite d'être aussi analysé sous un angle autre que celui du droit pur ; c'est-à-dire sous un angle plus réaliste. Grâce à la science aujourd'hui, sans déplacer son armée, un Etat peut atteindre plus facilement en un temps record, un autre Etat sans que celui-ci n'ait eu le temps nécessaire pour préparer sa défense. Cela aura des conséquences d'autant plus graves, si cette attaque était bactériologique ou nucléaire et combinée avec un groupe terroriste. Le cas le plus illustratif des dangers du terrorisme international qui puisse être donné, est celui d'Al Qaeda2 et de son attaque du 11 septembre 2001. Le terrorisme international, soutenu par certains Etats, semble devenir une nouvelle forme d'agression encore plus redoutable que les armées 1Michael Walzer. Guerres justes et injustes. Argumentations morales avec exemples historiques. Paris : Bélin, 1999, pp.130- 135. Cf. aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Six_Jours (page consultée le 21 novembre 2005) 2 Groupe terroriste auteur d'attentats divers contre les Etats-Unis. officielles. Le 11 septembre nous a révélé combien les Etats sont vulnérables à ce genre d'agression. Lorsqu'une telle agression est en phase d'élaboration sous la coupole d'un Etat dangereux et que ses preuves sont disponibles, serait-il indiqué que l'Etat menacé y réponde par anticipation, afin de se prévenir des dommages ? Est-il juste d'attendre d'avoir subi l'éventuelle agression avant d'y répondre ? Ou bien convient-il simplement de mettre hors d'état de nuire un adversaire menaçant avant même qu'il ait formellement accompli et revendiqué son acte ? Voila l'ensemble des questions auxquelles nous sommes soucieux de répondre dans notre mémoire intitulé : « Le droit à la guerre préventive : essai de réflexion sur la légalité et la légitimité du concept ». A travers ce mémoire, nous comptons dire si la notion de la guerre préventive est conforme au droit ; si elle est conforme à la morale, et enfin, si elle recouvre au minimum une certaine légitimité. A cet effet, notre méthodologie de recherche a essentiellement consisté en la collecte de textes juridiques internationaux et constitutionnels, de documents afférents à la doctrine de la guerre et enfin des documents concernant la guerre d'Irak. Cette recherche s'est opérée, entre autres, au Centre Culturel Américain et au Centre Culturel Français. En outre, nous avons eu des entretiens importants, parfois téléphoniques, avec certains professeurs spécialistes du droit international public et des relations internationales. Enfin, une part très large a été réservée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment à l'Internet, dont l'utilisation nous a procuré les informations que nous n'avons pas pu trouver dans les bibliothèques béninoises parcourues. La difficulté majeure à laquelle nous avons été confrontés, a été de trouver des ouvrages consacrés exclusivement à la question de la guerre préventive. C'est d'ailleurs pourquoi, l'usage de l'Internet nous a été très bénéfique. Notre méthodologie de rédaction se veut scientifique et analytique. Ainsi, ce mémoire sera subdivisé en deux parties conformément à l'intitulé du thème. Dans la première partie (De la légalité de la guerre préventive), nous exposerons certaines positions doctrinales et des dispositions légales afin d'en déduire la licéité ou non du concept de la guerre préventive. Rappelons à ce niveau que notre objectif primordial ne sera pas d'apprécier la légalité de la guerre d'Irak. Pour déterminer la légalité de cette guerre, il nous faudra forcément faire un détour dans la notion du droit d'ingérence et dans d'autres concepts du droit international tels que l'applicabilité dans le temps des résolutions des Nations Unies1 etc. Or cela n'est pas notre objectif dans le cadre de ce travail. Si légale ou illégale, est la guerre d'Irak lorsqu'on tient compte du seul concept de la guerre préventive, nous ne manquerons pas de le dire. Mais cela ne nous autorisera point à nous détourner de notre travail pour analyser la légalité de la guerre d'Irak dans tous ses contours conceptuels. C'est dans la deuxième partie du mémoire que nous traiterons plus amplement de cette guerre, mais pas de sa légalité. La deuxième partie sera consacrée à la légitimité de la guerre préventive (De la légitimité de la guerre préventive). Mais comme la légitimité ne peut s'analyser seule, tel qu'on se basera sur la doctrine et la norme pour analyser la légalité, nous nous fonderons aussi sur un exemple illustratif de la guerre préventive, afin de la déterminer. Et l'exemple le plus indiqué en ce moment est celui de la récente guerre d'Irak. De cette guerre nous dégagerons les proportions de légitimité qu'on peut accorder à toute idée de légitime défense préventive. 1 Nous verrons dans le développement que la guerre d'Irak ne s'est pas basée que sur le concept de la GP. En dehors de ce dernier, il y en a aussi d'autres. Or seule la GP fait l'objet de notre étude. |
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