VI. DISCUSSIONS
La présente discussion portera essentiellement sur
l'atteinte des objectifs, la qualité et la validité des
résultats, les aspects abordés au cours de l'étude
que sont :
- Sélection ;
- Quantification ;
- Acquisition-transport ;
- Stockage ;
- Distribution ;
- Utilisation ;
- Tenue des outils de gestion ;
- Disponibilité des principaux MEG ;
- Qualité des données ;
- Taux de satisfaction des commandes ;
- Système logistique.
VI.1. De l'atteinte des objectifs
Au cours de cette étude les objectifs fixés ont
été atteints :
- le fonctionnement du système logistique de
gestion des MEG de
Kpomassè a été décrit ;
- la performance du système logistique de gestion de MEG
de Kpomassè a été appréciée ;
- les insuffisances du système logistique de
Kpomassè ont été identifiées ;
- des suggestions ont été formulées.
L'étude a concerné l'ensemble des centres de
santé publics et semi-publics de la commune de Kpomassè.
VI.2. De la qualité et de la validité des
résultats
Pour cette étude, nous avons inclus de façon
exhaustive aussi bien les
centres de santé publics et semi-publics de la commune que
les responsables de
la gestion des MEG des centres de santé, ce qui garantit
la représentativité.
Les commis à la vente des MEG des centres de
santé ont été inclus par commodité, ce qui
pourrait être source de biais.
La méthode d'échantillonnage, les techniques
et outils de collecte des données étant en
adéquation avec les objectifs fixés, nous pensons que les
résultats obtenus sont le reflet de la capacité du
système logistique à rendre disponible les médicaments.
La méthode et les indicateurs peuvent être utilisés pour
l'évaluation du système logistique de gestion des
médicaments des communes et zones sanitaires. Cependant leur
utilisation doit tenir compte des spécificités de chaque
niveau.
VI.3. De la sélection
En se référant aux critères fixés, la
variable a obtenu un score de 1 ; donc
la sélection est passable dans la commune. Ainsi, on
note des insuffisances que sont la non disponibilité de la LNME
et sa non utilisation dans toutes les formations sanitaires. En effet,
sur certaines commandes figuraient des spécialités.
Ceci est comparable aux résultats de l'étude de
NKOGHO P. et al au Gabon qui
ont montré que la tendance élevée de la
prescription des spécialités au détriment des
génériques était en partie due à la non diffusion
de la LNME [16].
La conséquence directe de cette pratique serait le
coût élevé des soins en particulier celui des
médicaments rendant ceux-ci financièrement inaccessibles
à
la population.
En effet, selon MOUALA C. et al la prescription
élevée des antibiotiques
et des produits injectables a exclu environ 27% de la population
de la capacité à
payer les soins dans le district de Mambere-Kadei en
République Centrafricaine
[12]. Cette éventualité est évidente en
ce qui concerne la prescription des spécialités au
détriment des MEG.
VI.4. De la quantification
D'après les critères d'évaluation, la
variable a obtenu un score de 6 donc
la quantification est passable dans la commune. En effet,
à l'exception d'un seul centre qui applique une formule pour
la détermination de la quantité à commander,
l'ensemble des centres n'applique pas de formule. Ceci amène le
Département de la Distribution et des Relations avec la Clientèle
de la CAME à faire un examen et arbitrage des commandes avant de
céder les MEG.
Ceci est en accord avec les conclusions de l'OMS selon lesquelles
il est encore difficile pour certaines populations d'assurer un
approvisionnement régulier tant
les besoins sont mal estimés entraînant de
nombreuses ruptures et péremptions
[10].
NKUNZIMANA en 1996 avait noté dans son étude sur
la disponibilité des MEG dans l'Atlantique cette non maîtrise
des procédures par les gestionnaires des stocks [8].
VI.5. De l'acquisition-transport
La variable a obtenu un score de 7 donc l'acquisition-transport
est passable dans la commune. En effet, on note des insuffisances dont les
principales sont :
- périodicité des commandes non
déterminée ;
- délai de livraison atteignant parfois un mois ;
- fréquence élevée des commandes
d'urgence.
Ceci s'explique en partie par le temps de traitement trop long
des commandes
qui doivent recueillir les visas de trois responsables,
attendre l'arrivée des
commandes des autres centres, les valoriser à la
CAME avant de connaître le début effectif d'acquisition.
Certaines de ces insuffisances sont comparables aux
résultats de BOUSSENGAR L. qui a noté dans son
étude sur l'analyse de la gestion des médicaments et
dispositifs médicaux un temps de traitement trop long des
besoins, élément contributif de l'indisponibilité des
produits [19].
Au Burkina, le non respect des délais d'approvisionnement
a été aussi observé lors d'une évaluation
menée par le Ministère de la Santé [20].
V.6. De la distribution
En se référant aux critères
fixés, la variable a obtenu un score de 6 donc inférieur
à 7 ; la distribution est insuffisante dans la commune. En
effet, plusieurs insuffisances ont été relevées :
- nombre insuffisant de véhicules ;
- absence de magasin ou d'un local destiné
au stockage en cas de difficultés ;
- délai d'achat des MEG supérieur à une
semaine ;
- dépôt répartiteur des MEG de zone non
fonctionnel.
Comme nous l'avons dit plus haut certaines de ces insuffisances
ont été relevées
par BOSSENGAR L. dans son étude sur l'analyse de la
gestion des médicaments et dispositifs médicaux [19]. Au
Burkina, l'inexistence de plan documenté de distribution et
l'insuffisance du nombre de véhicules pour la distribution ont
été retrouvées [20].
V.7. Du stockage
La variable a obtenu un score de 36 donc
inférieur à 39 ; le stockage est insuffisant dans la
commune. En effet, les points à améliorer sont de plusieurs
ordres :
- absence de fiches de position ;
- insuffisance de l'aération des locaux ;
- locaux exigus ;
- insuffisance du nettoyage des locaux ;
- absence de rayonnage des produits ;
- insuffisance d'étagères.
Au Burkina certaines de ces insuffisances, telles l'insuffisance
dans l'organisation, la propreté et la capacité de stockage ont
été notées [20].
Au Mali, MOORE G. a noté les mêmes
insuffisances dans les conditions de stockage [14].
Par contre, au Maroc, BOUSSENGAR L. dans ses
résultats, a noté des conditions de stockage acceptables
où les produits sont bien classés, une absence
de détérioration et une rotation des
produits en fonction de la date de péremption. Les
produits thermosensibles sont stockés dans un
réfrigérateur
[19].
Cette controverse démontre que les conditions de
stockage sont propres à chaque structure.
V.8. De l'utilisation
D'après les critères d'évaluation, la
variable a obtenu un score de 7 ; donc l'utilisation des MEG dans la commune
est passable. En effet, nous avons noté l'existence d'ordinogramme dans
la quasi-totalité des centres de santé.
Cependant, leur utilisation et la promotion de l'usage
rationnel des MEG constituent des points à améliorer.
L'ensemble des commis a admis délivrer certains médicaments
sans ordonnance médicale ; mais l'absence d'une liste de cette
catégorie de médicaments nous fait dire qu'en
réalité tous les produits pouvaient être
délivrés sans ordonnance suivant le jugement des commis.
Ceci pourrait s'expliquer en partie par le fait que 08 commis
sur 10 n'ont pas reçu une formation complète sur la gestion
des MEG. Cette tendance a été observée aux Comores
où l'évaluation du secteur pharmaceutique en 2003 a
montré que 89% des vendeurs de médicaments ne sont pas
qualifiés [13].
V.9. De la tenue des outils de gestion
En se référant aux critères
fixés, la variable a obtenu un score de 2 pour l'ensemble de la
commune ; la tenue des outils est donc passable. Toutefois on note des
insuffisances :
- insuffisance dans le remplissage des fiches de stock, des
procès-verbaux
de réception ;
- inexistence des bons de commandes passées car
remplis en exemplaire unique ;
- insuffisance dans l'archivage.
Ces insuffisances ont été retrouvées
aussi au Burkina [20]. Au Zimbabwe, selon TRAP B. et al, ces lacunes
observées ont été réduites par la supervision
en matière de gestion de stock et d'adhérence aux traitements
standard [21].
V.10. De la disponibilité des MEG
Pour l'ensemble de la commune la disponibilité des MEG est
de 86%. En
se référant aux critères, elle est comprise
entre 90 et 75%. La disponibilité est passable. Les ruptures
constatées ne sont pas imputables à la CAME car le taux
de satisfaction pour les mêmes MEG est de 99%.
Ces résultats sont proches de ceux de NIANGALY A. et
al sur la qualité des soins dans les centres de santé
communautaire dans la région de Kolikoro (Mali)
où la disponibilité des MEG est suffisante dans 86%
des centres et le recueil de l'opinion a montré que 89% trouvent les MEG
suffisants [22].
Un avis similaire est émis par TRAP B. et al qui ont
estimé cette disponibilité à
73% et à 80% après la mise en oeuvre de la
supervision en matière de gestion de stock et d'adhérence aux
protocoles de traitement.
Pour NKUNZIMANA C., la disponibilité des MEG est de 70%
en 1996. Cette différentielle avec notre étude (86%) peut
s'expliquer par l'amélioration de la disponibilité ou par la
différence des deux méthodes.
Selon RIDDLE V. et al, celle des dix principaux MEG était
de 89% au Burkina
en 2003 [23]. Un taux du même ordre (92%) a
été enregistré en Iran en 2001
[24].
V.11. De la qualité des données
Selon nos critères d'évaluation, la variable a
obtenu un score de 42% donc inférieur à 75%. La
qualité des données est insatisfaisante. Ceci est
du essentiellement au mauvais remplissage du bon de commande. En
effet, les responsables de la gestion des médicaments ne
remplissent pas tous les items mêmes importants. Ce résultat
est proche de celui obtenu par TRAP B. et al au Zimbabwe avant la mise en
oeuvre de la supervision en gestion de stock [21].
De même au Burkina des insuffisances sur la qualité
des données ont été observées ; le suivi des
données n'étant pas effectué à tous les niveaux
[20].
V.12. Du taux de satisfaction des commandes
La variable a obtenu un score de 99% ; en se
référant aux critères, le taux
de satisfaction des commandes est satisfaisant dans la commune.
Le différentiel
est du à un ajustement de quantité commandée
effectué par la CAME sur la base des livraisons
précédentes.
Par contre, une évaluation faite au Burkina, sans avoir pu
chiffrer ce taux,
a montré que les quantités commandées ne
sont pas toujours entièrement livrées
à cause des ruptures de stock ou d'insuffisance de stock
[20].
Cette divergence peut s'expliquer par le fait que le taux de
satisfaction des commandes des MEG est dynamique et propre à chaque
système.
V.13. Du système logistique
La variable a obtenu un score de 8 ; donc le
système logistique de Kpomassè est de faible performance.
Il est faible à cause des insuffisances observées au niveau
des conditions de stockage, de la distribution et surtout de
la qualité des données.
Ces résultats sont comparables à ceux de
l'évaluation réalisée au Burkina même si la
méthode utilisée est différente de la nôtre [20]. En
l'absence d'autres résultats à notre disposition, nous estimons
qu'une intervention sur l'ensemble
du système, surtout sur ces trois niveaux, va
l'améliorer considérablement.
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