Sommaire p1/2
Introduction p3/7
I. Qu'est ce qu'un Mineur Isolé ?
A. Historique de l'immigration en France
1) Aperçu chronologique p8/11
2) Les mineurs isolés ne sont pas isolés d'un
contexte p11/14
B. Les problématiques du Mineur Isolé
1) Les mineurs étrangers isolés : entre
survie et raison d'état p14
2) Pourquoi viennent-ils ? p15/16
3) Contexte de l'accueil en France p17/23
4) La situation juridico- administrative
a) Le droit national p24/26
a1) L'ordonnance du 02 novembre 1945
a2) Le code civil
a3) Le code de l'action sociale
b) Le droit international p26/29
b1) Les mineurs isolés et la demande d'asile
b2) L'Office français de protection des
réfugiés et apatrides (OFPRA)
5) L'administration montre ses limites
p29/32
6) La question de la culture p32
a) Identité du mineur isolé
p34/36
b) Intégration des mineurs pour une
prise en charge p36/37
c) L'approche interculturelle
p37/39
7) Positionnement de l'éducateur dans sa relation
p39/43
II. Le service d'accueil, de mise à l'abri, puis
d'accompagnement des mineurs étrangers
A. Agrément et partenariat
p43/44
1) Agrément
2) Missions
3) Fonctionnement.
B. Les missions du «Service Mineurs»
p45/50
1) Méthodes de travail
a) les maraudes.
b) l'accueil.
c) Le référent éducatif.
d) L'accompagnement socio-éducatif.
III. Le travail éducatif au
quotidien
A. Comment s'y prendre ? p50
1) La relation d'aide p51
2) la vie quotidienne p51/52
a) La vie quotidienne
b) Les activités
3) Les partenaires p52/53
4) La famille p54
5) L'accompagnement administratif
a) Les démarches administratives
p55/58
b) L'administration et la situation de P.
p58/64
B. La relation de confiance
1) Comment en tant qu'adulte je peux être
crédible ?
p64
2) Le jeu p65
3) Les contraintes culturelles tels que la barrière de
la langue p66
4) Les contraintes liées aux traumatismes
p66/68
C. Mes propositions pour améliorer la prise en
charge p68/70
Conclusion p71/73
Bibliographie p74/75
Introduction
Cinq ans après l'obtention de mon certificat d'aptitude
à la fonction d'aide médico-psychologique, et autant voire plus
d'années sur le terrain de la pratique au quotidien auprès de
publics différents rencontrant des difficultés, je suis en
formation en vue de l'obtention du diplôme d'état
d'éducateur spécialisé.
Au cours de la première année de formation,
pendant que je suis en stage de découverte dans un centre d'observation
et de rééducation, une rencontre sera déterminante pour la
suite de ma formation.
Alors que nous travaillons en groupe sur une étude de
secteur professionnel, nous menons une étude sur des personnes victimes
d'exclusion sociale. Je suis à la recherche de professionnels oeuvrant
dans ce champ d'action.
Mes recherches me mèneront à la rencontre avec
une éducatrice de l'aide sociale à l'enfance (ASE)
Ma question sera de celle de savoir s'il existe un nouveau
profil de personnes victimes d'exclusion sociale ou qui risque de
l'être.
Je fais donc connaissance avec une nouvelle terminologie
à l'issue de mon entrevue avec l'éducatrice : Les mineurs
isolés étrangers.
Je choisis d'approfondir mes recherches en tentant de savoir
s'il existe des organismes ou des associations qui prennent en charge cette
population.
C'est un article dans un hebdomadaire de l'actualité du
social qui attirera mon attention.
Cet article parle d'enfants qui errent, seuls sans
référents parentaux et familiaux connus sur le territoire
français. Beaucoup de ces enfants selon l'article, sont issus de trafics
d'enfants1(*).
Certains se livrent à la prostitution sur le territoire
parisien et sa périphérie, d'autres commettent des actes de
délinquance, et vivent dans des « squats » et
d'autres lieux désaffectés.
J'apprends ainsi que ce phénomène n'est pas
nouveau et que cela dure depuis une décennie.
Dans le cadre de mon étude d'action collective, nous
devons faire un état des lieux des nombreuses situations d'exclusion
que rencontrent diverses personnes.
Il s'agit de non seulement de rendre compte de ces situations,
mais aussi de réfléchir en groupe et de faire des propositions
pour améliorer la situations de ces personnes.
La rencontre avec la directrice de l'association,
chargée d'aller à la rencontre de ces enfants sur leurs lieux de
« travail » ou de vie, et d'accueillir ces mineurs
pour une mise à l'abri sera déterminante.
L'éducateur avec qui je discute m'informe de certaines
difficultés que posent leurs statuts et leur présence sur le
territoire. Les motifs de départs de leurs pays, les
difficultés qu'ils ont rencontrés et les moyens de les aider.
La directrice me propose pour compléter la liste de mes
questions, d'effectuer un stage afin d'apprendre à connaître cette
population,de mieux manier et articuler les concepts liés à ce
phénomène, et de réfléchir avec l'équipe sur
les moyens d'accompagner efficacement ces enfants.
Ayant pris connaissance du phénomène, je
m'interroge sur la question de la prise en charge de ces mineurs sur le
territoire français.
En situation de stagiaire, j'ai été amené
à accueillir ces adolescents dans le cadre d'une mise à l'abri,
d'une prise en charge et d'une évaluation en vue d'une orientation vers
des structures de droit commun. Face à des tentatives de passage
à l'acte dont des tentatives de suicide, ma révolte est
née d'une interrogation qui m'obsédait : je me suis
demandé si ces enfants et adolescents avaient bravé les
océans, échappé à la mort dans leurs pays et durant
leurs voyages, fuit des sévices et l'errance pour venir mourir chez
nous ? Cette révolte, lucide, devait me servir à mieux les
aider ; pour cela je devais faire la part des choses entre les souhaits du
jeune, les discours des adultes du pays d'origine et la réalité
des conditions de leur intégration en France. Comment on accompagne une
personne quand on est révolté ?
C'est ainsi que j'ai été confronté
à la situation des mineurs étrangers isolés sur deux
aspects du dispositif de prise en charge des mineurs isolés :
-La prise de contact dans la rue lors des tournées de
maraudes.
-L'accueil des mineurs dans le service.
Les jeunes que j'ai rencontrés sont des jeunes en
situation d'errance, de rupture familiale et en situation d'isolement dans un
pays qui leur est étranger.
Comment font ils pour s'adapter à une nouvelle
culture ?
Outre la question culturelle, il se pose la question de leurs
statuts.
Sont ils en danger ? Sont t-ils des sans papiers
rentrés sur le territoire Français illégalement ?
Ces accompagnements administratifs ont souvent des incidences
directes sur la poursuite ou non de la prise en charge éducative.
-Les démarches
administratives
Les démarches administratives sont indissociables du
statut des mineurs étrangers. Tout concourt à ce qu'ils
n'échappent pas à ces procédures auxquelles nous tous
sommes assujettis, et qui font partie de notre univers. Non seulement ils n'ont
pas l'habitude de toutes les démarches pourtant nécessaires que
je mettrai en place pour eux, sauf ce que je vais leur en dire. Ils voient
l'intérêt de certaines, comme les démarches chez le juge
pour les soins, la scolarité, les loisirs, alors que d'autres arrivent
comme un couperet qui scelle leurs sorts. Pour la plupart, ces démarches
sont obligatoires et pour les mener à bien, sans que s'ajoute une
déception aux problèmes du jeune je dois être à
l'écoute du jeune.
L'accompagnement du jeune pour des papiers est un temps
où au fil des démarches, l'éducateur va permettre aux
jeunes de se familiariser avec les différentes institutions.
Ce qui m'emmène à poser les hypothèses
suivantes :
Pour comprendre la situation de ces mineurs, on peut faire
appel à l'histoire, la géopolitique, à plusieurs sources,
au droit, à la sociologie, la psychologie et, à réaliser
un travail de recherche sur l'inter culturalité.
Mais cette compréhension ne peut pas faire l'impasse
sur le dilemme dans lequel l'éducateur se trouve confronté.
1- L'éducateur dans l'accueil du mineur étranger
en situation d'isolement doit parvenir à concilier les droits des
usagers,en tenant compte des besoins,mais aussi des stratégies du jeune,
et celles des pouvoirs publics partagés entre maîtrise des flux
migratoires et protection de l'enfance
2- L'éducateur doit proposer au jeune un accueil, une
prise en charge, un accompagnement, des démarches administratives qui
vont s'inscrire dans le cadre de la relation éducative.
Cette relation instaurée doit tenir compte du
chevauchement entre ces deux statuts : celui d'enfants seuls, sans
référents parentaux, avec un défaut de surveillance et de
soins, et celui de sans papier entré illégalement sur le
territoire.
Comment évaluer les effets de la souffrance
vécue par le jeune du fait d'éventuels traumatismes et ceux des
violences perpétrées ou subies dans son pays d'origine,quels
sont les effets de la situation d'isolement, les souhaits du jeune, les
conditions de son intégration dans la société
française ?
L'éducateur peut-il faire la part entre l'histoire du
jeune et le discours que le jeune tient à l'égard du travailleur
social et qui peut être similaire à celui de son compatriote, et
souvent fabriqué par les adultes au pays d'origine ?
Dans l'accueil et la prise en charge du mineur isolé,
le travail administratif occupe une place importante : les pré
signalements, les signalements, les lettres au juge, le contact avec la cellule
d'accueil des mineurs isolés étrangers, l'audience chez le juge,
les démarches les visites médicales, les inscriptions scolaires,
la recherche de la famille, des papiers. Voyons à quel point mon
interrogation sur la question administrative est d'actualité puisqu'il
s'agit de comprendre en quoi la réponse administrative peut être
problématique dans le travail avec les mineurs étrangers
isolés.
Le phénomène est récent en France et
justifierait les tergiversations entre les différents acteurs
chargés de recueillir et de venir en aide à ces enfants.
En quoi la réponse administrative peut s'avérer
problématique dans l'accompagnement du mineur étranger
isolé ?
Comment l'éducateur en prise avec la
nécessité d'un accompagnement et les contraintes administratives
peut envisager l'action éducative auprès de jeunes en situation
d'errance ?
Il apparaît que la situation des mineurs isolés
pose une double problématique ; soit la contradiction entre
l'éthique et le juridique, puis celle entre les principes
éthiques de l'éducateur,et la relation éducative.
Tout d'abord en première partie, je définirai ce
qu'est un mineur étranger isolé, en tentant de démontrer
d'un point de vue historique que les mineurs isolés ne sont pas
isolés d'un contexte. Je me pencherai sur la situation inextricable des
mineurs étrangers isolés, partagés entre survie et raison
d'état, ainsi, J'expliquerai la situation juridico administrative dans
laquelle ils se retrouvent sur le territoire français. En fin je
parlerai du contexte de prise en charge du mineur isolé, les
stratégies et les actions éducatives mises en place sur le plan
socio-éducatif afin de formuler des propositions pour
l'amélioration de leur prise en charge.
I. Qu'est ce qu'un Mineur Isolé ?
A- Historique de l'immigration
La France est construite au fil des ans avec les
différents peuples qui se sont installés. Les étrangers
ont toujours existés sur le sol français. La révolution
industrielle marque un tournant.
On ne peut pas comparer les invasions des siècles
précédents avec les gens qui viennent dans notre pays à la
recherche d'une vie meilleure, digne et libre.
Le XIXè siècle est le début de
l'immigration de l'ère contemporaine. (2(*))
Les premières manufactures françaises ayant
besoin de main d'oeuvre recrutent dans les campagnes, des bretons, des
auvergnats (etc.)...
C'est le début de l'immigration interne et de l'exode
rural. C'est un phénomène auquel on assiste encore aujourd'hui
dans une moindre mesure.
C'est le début de l'immigration.
Depuis, le nombre de migrants n'a cessé d'augmenter en
même temps que leurs pays d'origine deviennent de plus en plus
lointains.
De façon continue depuis plus de deux siècles,
des hommes et des femmes sont venues en France. Et ils ont participé au
combat pour la démocratisation, au mouvement artistique et scientifique,
à l'expansion économique. On peut même dire que
l'immigration a contribué à créer la France d'aujourd'hui.
Un cinquième de la population a un ancêtre d'origine
étrangère. On peut donc dire que la France est une terre
d'immigration. Les enfants d'immigrés arabes, africains ou asiatiques
sont tout aussi français que ceux des anciens italiens, portugais,
polonais.
1) Aperçu Chronologique
Au XVIIIè siècle, avec l'internationalisation
des échanges, les migrations de masse se voient alimentées sur le
plan international.
Entre 1914 et 1918, les Français découvrent les
sujets de leur empire colonial.
Les étrangers coloniaux luttent aux côtés
des français contre la barbarie des nazis, avec l'enrôlement des
soldats de l'Empire. Entre 1919 et 1939, les différentes tyrannies
triomphent en Europe avec Mussolini en 1922, Hitler en 1933 et Franco en 1939.
C'est au nom de l'Armistice de 1940, signée par le
Maréchal Pétain qu'on livre aux nazis des
« anti-nazis » dont beaucoup d'étrangers.
Le régime de Vichy mettra en place un système
très poussé de stigmatisation et de répression des
étrangers. En 1942, des étrangers s'engagent à nouveau
dans la résistance pour combattre les nazis aux côtés de
certains français.
Entre 1945 et 1974, c'est l'apparition des « trente
glorieuses » Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'heure est
à la reconstruction. En novembre 1945, se crée l'Office National
de l'Immigration afin d'organiser la venue de 3 millions d'étrangers.
La participation des étrangers à la guerre a
facilité leur acceptation par la population française, ce qui
leur a permis de s'identifier à leur nouvelle patrie.
L'expansion économique facilite l'intégration
des immigrés, mais cela reste un processus long, qui demande parfois
deux à trois générations pour arriver à son
terme.
Tandis que la vague d'avant guerre trouve peu à peu sa
place, les nouveaux migrants algériens, espagnols portugais les
remplacent dans les tâches les plus pénibles et les moins bien
rémunérées. Les modes de vie et d'habitat des nouveaux
venus ne sont pas plus enviables que ceux de leurs prédécesseurs.
Alors que le niveau de vie des français s'améliore, les
immigrés sont les laissés pour compte de la croissance
économique.
Avec les années 1950, le processus de
décolonisation s'accélère partout dans les anciennes
colonies. Le début de la guerre d'Algérie en 1959 voit
l'affluence d'algériens en France. Ils seront les plus nombreux parmi
les « travailleurs non qualifiés »
A partir des années 1960, les immigrés du
Maghreb et d'Afrique de l'ouest arrivent nombreux en France3(*). Ils sont parfois
recrutés dans leurs pays d'origine par des employeurs français.
C'est le cas des marocains embauchés dans les mines du nord de la
France. Au départ on vient pour ne pas rester en France, puis il faut
des papiers.
Entre 1974 et 1981 les enfants de l'immigration commencent
à se faire une place dans la société française. Et
pourtant c'est la fin des « Trente glorieuses » et la France
connaît une grave crise.
Le gouvernement français suspend l'entrée des
travailleurs permanents mais instaure en 1976, la politique du regroupement
familial. La fermeture des frontières et la lutte contre l'immigration
clandestine se justifient désormais par une volonté de mieux
intégrer les étrangers réguliers.
Toutefois la politique de regroupement familial montre ses
limites, en mettant en évidence la crise du logement, l'exclusion
social, le délabrement de l'habitat et le chômage massif qui
touche les parents migrants ainsi que leurs enfants nés en France.
Les réfugiés et demandeurs d'asile politique,
fuient leurs pays respectifs qui sont des dictatures d'Europe de l'Est et
d'Amérique latine...
Leur nombre est inférieur à ceux des
« Boat people » qui fuient l'Asie du sud-est,
entassés sur des bateaux de fortune. Les centres d'accueils provisoires
sont créés pour les accueillir.
Au tournant des années 1980-90, les pouvoirs publics
initient une politique d'aide au retour des immigrés sans succès.
Les immigrés s'installent définitivement en France, même
s'ils rêvent de retour.
La société française prend conscience que
les immigrés ne retourneront pas chez eux.
Depuis 1981, les migrants, avec la mondialisation, veulent
rejoindre « l'Eldorado » européen et viennent de
toute la planète.
En 1981 et 1982, 130000 personnes sont
régularisées et les étrangers sont autorisés
à diriger les associations.
En 1984, le titre unique de séjour remplace la
précédente carte de séjour et de travail.
Les enfants des immigrés des décennies
précédentes font partie intégrante de la
« France arc-en-ciel ». Au même moment, on assiste
à la montée des idées xénophobes. Néanmoins,
on parle d'une France « Black-blanc-beur ».
La mode « Black », le mouvement
« beur », la mode « hip-hop » et toutes
les cultures urbaines se développent, inspirés d'une part par la
culture américaine, et de la culture leurs parents d'autre part,mais
aussi du registre local.
La France devient-elle une terre de métissage ?
Depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre
froide, les ressortissants de l'Europe de l'Est se déplacent à
nouveau.
Dans les années 2000, l'origine des migrations se
diversifie. Des populations, à l'origine peu nombreuses en France, comme
les Chinois, font leur apparition.
Il y a par ailleurs la question des filières mafieuses
migratoires et clandestines.
Les migrations des tziganes roumains et polonais s'inscrivent
dans un mouvement pendulaire, car ceux-ci font des va et vient entre leurs pays
d'origine et leurs pays d'accueil.
Avec l'élargissement de l'Europe et de l'ouverture de
l'espace Schengen, les frontières se sont déplacées vers
l'Est.
A l'heure de la mondialisation, les questions migratoires
échappent aux « Etats nations ». L'immigration est
au coeur des grands débats de société.
La France est-elle une terre d'immigration qui s'ignore ?
Sûrement pas. De nombreux débats actuels sur la question, et les
passions que cela suscite de part et d'autre le prouvent.
Si elle n'a pas de peine à « fabriquer des
français venus d'ailleurs et d'origines diverses », elle peine
à intégrer dans sa mémoire la part d'elle- même
venue d'ailleurs.
2) Les jeunes étrangers ne sont pas isolés
d'un contexte.
Les jeunes « mineurs isolés »
viennent dans un pays marqué par toute cette histoire de
l'immigration.
La France a un certain rapport, un point de vue face à
l'arrivée sur son territoire des étrangers.
Leur venue n'est pas liée au hasard et elle est souvent
le fruit de relations complexes, historiques et puisent leurs racines dans
toute l'histoire mondiale, internes à leurs pays d'origine comme
à celle de la France.
Cette absence de perspective d'avenir est -elle le motif
principal de départ ?
On ne peut pas ignorer le statut d'ancienne colonie et le
mythe d'un occident ou tout serait possible, un lieu où tous les
désirs de réussite, de richesse seraient exaucés.
Des filières de toutes sortes (mafieuses, religieuses,
familiales) interviennent pour le franchissement des frontières
Pour ceux qui sont en possession de papier d'identité
on pourrait penser que les choses sont plus aisées, alors que d'autres
difficultés sont en perspectives, sachant qu'il y a un certain nombre de
papiers qui sont faux.
J'ai pu constater qu'il est aisé de croire que ces
enfants, qui sont instrumentalisés par des adultes, cherchent à
leur tour à instrumentaliser les dispositifs d'aide et de protection de
l'enfance.
Ce fait ne remet pas en cause les dangers encourus par
ces enfants sur le territoire.
Même si beaucoup quittent leurs pays en étant
informés sur le discours à tenir face aux travailleurs sociaux,
une relation de confiance doit pouvoir s'établir entre le jeune et son
éducateur, dans le cadre d'un travail d'accompagnement
socio-éducatif. Ce qui constitue parfois un travail de longue
haleine.
Tous ces enfants et adolescents disent souvent qu'ils
sollicitent l'aide et la protection en France. Ils ont des projets, faire des
études une formation, apprendre un métier, maîtriser la
langue française.
Historiquement, la France a toujours accordé la
protection à des enfants étrangers,
C'est le cas des enfants cambodgiens persécutés
et menacés de mort sous le régime Khmers rouges de Pol Pot, ou
des enfants juifs persécutés sous le régime de Vichy et
accueillis puis protégés en France.
Il a souvent été dit que les dispositifs de
protection de l'enfance ne sont pas souvent adaptés à leur
l'accueil et à leur prise en charge.
Les arguments utilisés par ceux qui tiennent de telles
allégations sont que les services de protection de l'enfance ont
été créés dans le cadre du travail d'accompagnement
en lien avec les familles.
Le danger encouru par ces enfants sur le territoire a souvent
tendance à se noyer dans la question de l'immigration et leur parole
est souvent mise en doute.
Or, on ne peut parler de « travail avec les
familles » dans le cadre de l'accompagnement du mineur isolé.
La famille étant souvent en dehors du territoire, ou parfois inconnue,
décédée ou disparus. Quand cette famille existe, des
contacts sont établis pour informer celles-ci de la situation de leurs
enfants.
Indéniablement l'accueil du mineur se fait dans le
cadre d'une absence parentale sur le territoire français.
Quel sens peut prendre le travail avec les familles ?
Quand nous savons aussi que certains mineurs cachent l'existence de leurs
proches qu'ils disent morts ou disparus et retrouvés à la suite
d'une enquête approfondie. Il n'est pas anodin de tuer ses parents,
même sur un plan symbolique ou même de cacher leur existence. Cela
peut être le témoignage de souffrances, de malaises ou de
non-dits. Si la souffrance de ces enfants n'est pas acceptable, il n'est pas
acceptable que des mineurs qui veulent rester en France s'intègrent par
le mensonge.
Au delà de la situation de ces jeunes, dont la plupart
sont aux prises avec des adultes qui les manipulent et dont il convient de les
en extirper au plus vite, tous sont confrontés à une situation
contradictoire : d'une part ils sont mineurs isolés issus d'une
autre culture, d'autre part ils demandent à s'intégrer en
France.
Et le fait qu'ils arrivent en France dans un contexte de
maîtrise des flux migratoires peut avoir une incidence sur leur
éventuelle prise en charge éducative.
Ne courent-ils pas le risque de voir perpétuer cette
instabilité en France ?
Ce statut qu'on leur prête ne va pas sans avoir des
incidences à chaque palier de leur évolution.
De fait ces jeunes, dont certains vivaient déjà
dans une situation instable vont perpétuer cette instabilité en
France avant de rencontrer quelqu'un qui va les orienter vers les services de
protection de l'enfance, ou des associations.
Ces mineurs doivent aussi mobiliser d'autres ressources pour
s'adapter à un nouvel environnement, des stratégies pour se faire
aider.
Le tout entraîne une fragilité tant au regard de
leur place dans la société, qu'à la situation de danger
dont ils font l'objet.
Il se pose aussi la question de leur accueil et aussi celle
de leur intégration.
Le mineur qui arrive en France doit apprendre les usages et
les codes de toutes sortes qui vont lui permettre de se faire accepter par les
autres. Cela passe par les différentes démarches administratives
qui servent à officialiser sa présence, les démarches
d'inscription à l'école, la participation de chacun au
fonctionnement des diverses activités du centre permet à chaque
jeune de s'inscrire comme membre du groupe social.
La socialisation est un processus cumulatif par lequel un
individu en relation avec d'autres, acquiert des comportements, des normes, des
valeurs et des codes d'un environnement socioculturel.
Sur le plan psychologique, les jeunes vivent mal leur
isolement, dû à l'absence des parents des familles et des amis.
Certains ont un discours, des histoires, et des documents qui paraissent
invraisemblables.
Par ailleurs ces mineurs arrivent à un moment de leur
vie où ils sont en pleine période d'adolescence,avec toutes les
mutations que cela comporte tant sur le plan de la maturité
physiologique, intellectuel, mental affectif, sexuel, que sur le plan des
relations avec les autres. À une fragilité psychologique,
s'ajoute une instabilité sociale.
Ce qui dans beaucoup de cas devrait obliger les travailleurs
sociaux, les autorités compétentes à prendre des
décisions qui respectent l'intérêt du mineur.
B. Les problématiques du mineur isolé
1) Les mineurs étrangers : entre survie et
raison d'état.
Je pars d'une réalité constatée, faisant
apparaître le chevauchement entre deux statuts : celui d'enfant seul
sur le territoire français, donc nécessitant une protection
obligatoire mais entré illégalement.
En tant qu'éducateur spécialisé,
j'interviens pour protéger le mineur et pour l'aider à construire
son avenir. Comme s'il avait à s'insérer en France alors qu'il
n'est pas sur d'être autorisé à rester en France. Parfois
une personne se présente comme mineur mais ne l'est pas. Par
conséquent nous nous demandons quel accompagnement pourrait convenir
à un jeune dans une telle situation. J'ai donc pu distinguer deux
figures types de mineurs isolés :
-les mineurs qui arrivent sans document d'identité
- les mineurs munis de documents d'identité.
Je parle de la question des documents d'identité car il
existe des disparités dans la prise en charge selon que le jeune est
muni de documents d'identité ou non.,
Ces mineurs, sont en danger en France, en l'absence de leurs
parents.
Devrai-je me contenter d'organiser l'accueil, la mise à
l'abri puis la prise en charge de ces mineurs, sans m'interroger sur :
2. Pourquoi viennent-ils ?
Pour savoir ce qui motive les mineurs isolés à
quitter leurs pays, il faudrait les mettre en confiance dans un cadre
sécurisant. En les écoutant il apparaît qu'ils quittent
leurs pays par des moyens terrestres, aérien et maritimes. Ils voyagent
parfois pendant des jours, des mois, voire des années pour arriver
jusqu'à nous. Certains arrivent à passer les frontières et
à rentrer dans les pays européens, d'autres sont
arrêtés et refoulés,d'autres encore sont maintenus dans des
zones d'attente portuaires et aéroportuaire.
Certains viennent rejoindre la famille, les compatriotes, les
contacts pour une éventuelle carrière de footballeur. D'autres
fuient les guerres, la misère et une vie sans perspective d'avenir. Ils
arrivent soit accompagnés, mal accompagnés ou seuls en France.
Dans une étude quantitative sur la population des
mineurs isolés, la sociologue A. Etiemble a pu établir une
typologie4(*) des mineurs
étrangers isolés.
Les exilés
Les mineurs exilés viennent des régions du
monde où sévissent des conflits ethniques et des guerres.
Beaucoup de ces mineurs quittent ces pays de peur des représailles
liés à leurs origines sociales, ethniques ou religieuses. Ils
seraient aidés par des organisations humanitaires, ou religieuses qui
les aidera à échapper à des enrôlements
forcés dans des armées.
Les mandatés.
Les mineurs sont encouragés dans leur départ par
la famille. Ceux-ci veulent échapper à la misère en
envoyant leurs enfants tenter leur chance en France.
La famille, souvent a dépensé toutes ses
économies pour financer le voyage de leur enfant. Le mandat du mineur
consiste à faire des études, avoir des diplômes et
élever le niveau de la famille ; ou bien travailler le plus vite
possible afin d'envoyer de l'argent à la famille.
Les exploités
Ils sont aux mains des trafiquants de drogue et des
filières de prostitutions, de trafics humains, souvent avec l'accord ou
la complicité de la famille. Le jeune à qui l'on a promis une vie
meilleure en France, se retrouve comme prostitué, domestique,
travailleur clandestin, menant des activités de mendicité, et de
délinquance.
Les fugueurs
Les mineurs fugueurs fuient leur domicile familial suite
à un conflit ou des maltraitances. Leurs fugues les conduit à
franchir les frontières de leurs pays.
Les errants
Parmi les mineurs errants, on distingue les
« enfants dans la rue » qui vivent déjà en
situation d'errance dans leurs pays avant de se décider à quitter
leurs pays. Les enfants de la rue vivent dans la rue depuis très jeunes
et ne quittent que rarement leurs pays.
Au cours de mon travail auprès des mineurs
isolés étrangers, j'ai constaté que ces catégories
étaient perméables entre elles. Aussi, les exilés se
retrouvent implicitement porteurs d'un mandat, les mandatés peuvent
devenir des exploités ou des fugueurs. Tous connaissent l'errance, la
vie dans la rue, la galère, avant d'être repérés ou
de rentrer en contact avec une association.
Leurs projets sont divers et variés : certains
veulent passer en transit vers d'autres pays d'Europe. D'autres fuient leurs
pays et choisissent la France pour des raisons historiques. Ceux qui restent en
France veulent une formation, un travail, ils veulent gagner de l'argent.
Pourtant ils ont besoin d'une prise en charge éducative liée
à la vulnérabilité de leur situation ; ils ont aussi
besoin d'une protection administrative pour les éloigner du danger dont
ils sont sujets en France, et d'une représentation juridique qui
leur permettrait d'être accompagnés dans toutes les
démarches judiciairo-administratives. La politique migratoire consiste
à choisir désormais les personnes qui souhaitent immigrer en
France. La question des mineurs isolés étrangers est
désormais l'objet d'enjeux financiers entre l'état et les
départements.
Ce qui place le mineur isolé dans un statut duel et
ambigu et d'autant plus fragilisant. M'interroger ainsi peut aider à
donner un sens à l'action éducative, et à mieux l'adapter
aux problématiques du jeune. Dans l'accueil du mineur isolé, il
faudra pourtant que je parvienne à concilier la prise en compte de ses
besoins, de ses éventuels projets, avec une législation qui vise
la maîtrise des flux migratoires.
3) Contexte de l'accueil en France : hypothèses
de compréhension.
En répondant à toutes les questions que je me
pose et que pose aussi la situation des mineurs étrangers isolés
en France, on comprend que les mineurs étrangers sont en situation
d'isolement territorial et familial, ils sont loin de leurs familles, de leurs
amis et de leur patrie. Ils sont seuls en France.
-Ils arrivent en France dans un contexte où la
politique migratoire est restrictive, et les pouvoirs publics veulent tout
contrôler.
Aux problèmes qui les motivent à quitter leurs
pays, à savoir des guerres, les conflits sociaux, ethniques, religieux,
la misère, s'ajoute l'absence ou la perte des liens familiaux suite aux
décès et disparition des parents. Arrivés en France pour
prendre un nouveau départ, pour espérer un avenir meilleur et
tenter de faire un pied de nez à la fatalité, Ils se retrouvent
dans un pays où la première question qui se pose à eux est
celle de leur statut. Ce statut étant lié à leurs
situations administratives, dit qu'étant entrés
illégalement en France, ils ne seront pas des mineurs comme tous les
autres ne bénéficieront pas d'un schéma de protection
classique de l'enfant en danger. Les acteurs sociaux tergiversant entre le
statut d'enfants seuls et celui de sans papier entrés
illégalement.
Comment vont-ils se projeter malgré qu'ils soient dans
une situation inextricable ?
Comment impulser de la vie même quand cela
s'avère difficile ?
Dans mon travail quotidien auprès du mineur
isolé, je me fie au principe de réalité. Ce principe
permet au jeune de ne pas lui faire miroiter un avenir qu'il n'aura pas en
France. Il s'agit pour moi d'une part de lui expliquer l'ambiguïté
de sa situation au regard de plusieurs réalités ;
Il ne pourra peut être pas obtenir des papiers
français ou un titre de séjour de 10 ans. Je lui dis que
même si cela reste important, ce qui l'est encore plus c'est de prendre
soin de sa personne en priorité. J'ai pu remarquer que selon la
manière dont l'on présente les choses au mineurs sa
réaction n'est pas la même selon que l'on le considère
comme un enfant en danger qu'il faut protéger, ou comme un sans papier
potentiel. Dans ce dernier cas, celui-ci peut avoir une maladie importante, qui
nécessite des soins immédiats, mais ne dira rien et continuera de
souffrir en silence, pour ne pas apparaître comme un poids ou une charge
pour les autres. A contrario si l'on le considère comme une personne
vulnérable à qui il faut répondre par des protections, on
gagne la confiance du mineur qui se sentira respecté. La protection du
mineur commence à partir du moment où l'adulte qui accueille
répond aux besoins vitaux du mineur. Protéger le mineur de la
faim et du froid est vital pour la suite de la prise en charge.
Je dois informer aussi le mineur qu'il ne pourra certainement
pas faire des études d'ingénieur comme il le souhaite, mais que
comme pour l'histoire des papiers, il y a d'autres priorités, qui sont
d'une part les démarches administratives liées à sa
situation,et d'autre part, les différentes activités du
centre,tels que les ateliers vidéos,l'atelier cuisine,le sport,l'art
plastique,les sorties culturelles,qui sont autant de support que nous utilisons
pour redynamiser la vie même quand elle s'avère difficile pour le
jeune.
Par les activités que je mets en place je veux
signifier aux jeunes que la question de leurs statuts ne les déshumanise
pas. En les accompagnant dans ces activités, je veux continuer à
impulser de la vie, même dans des situations mortifères. Etre avec
eux au quotidien c'est faire avec ce dont nous disposons, se contenter du peu
de moyen dévolus pour venir en aide à ces mineurs. Il s'agit dans
une relation dont L'atout est la confiance et le respect mutuel, d'agir dans
« l'ici et maintenant »
Prise en compte des besoins
élémentaires du mineur.
Les mineurs qui arrivent dans le service sont dans un
état de fatigue physique et psychologique tels, que la réponse
à ces besoins me semble être un préalable. Cet accueil
doit se faire dans un lieu rassurant. J'évite d'emblée de leurs
poser des questions, qui risqueraient de leur donner l'impression d'un
interrogatoire. Il faut leur laisser le temps de se reposer, tout en
étant disponible pour les écouter quand ce sera opportun. Cela
peut donner l'impression que j'ai peur d'aborder le jeune, et que par
conséquent je me fais une idée préconçue sur son
histoire. Mais l'expérience a montré qu'en interrogeant le jeune
d'emblée on le brusque, et cela peut être une violence de plus qui
va miner sa confiance envers l'adulte. En tant qu'adulte, mon souci est de
faire en sorte que ce jeune dont j'ignore le parcours, mais qui me semble
très fatigué et affamé, puisse trouver une première
réponse à cette souffrance qui transparaît. On verra le
reste après. Il s'agira dans un premiers temps de répondre
à ses besoins vitaux, comme manger, se laver, se changer, et se
reposer.
L'orientation des jeunes déclarés
majeurs.
Ovidiu déclare avoir 16 ans, il est originaire d'Europe
de l'est. Il a vécu avec ses parents. Ceux-ci n'avaient pas les moyens
de s'occuper de lui. Pour s'occuper, l'adolescent erre dans la rue avec ses
copains, vivant de mendicité et de larcins. Il réussit à
rassembler l'argent nécessaire pour payer le passeur pour la France.
Son rêve c'est de gagner suffisamment d'argent pour rentrer dans son
pays. La rencontre avec le jeune s'est faite dans la rue, sur le lieu où
il se prostituait. Après un travail d'approche et des mois
« d'apprivoisement »nous sommes parvenus à faire
entendre au jeune que la place d'un adolescent de son âge est ailleurs.
Après plusieurs tergiversations, le jeune a fini, de manière
progressive par quitter la rue pour intégrer le centre. Je l'ai
accompagné dans des démarches pour obtenir l'aide médicale
d'état. Les visites médicales ont
révélé une grave affection nécessitant des soins.
Par ailleurs le fait qu'il se déclare mineur, mais sans document
d'identité, déclenche une requête du parquet en vue d'une
expertise de détermination d'âge. Le jeune est
déclaré majeur. Il n'a pas compris, comme beaucoup, que ce
soit « une machine qui donne leur âge » .En
discutant avec le jeune, celui-ci me dit qu'il ne comprend pas pourquoi on ne
le croit pas. Il me dit que de toute façon il va retourner à
la rue. Le fait qu'il soit déclaré majeur engendre son
départ du centre et une orientation vers les dispositifs d'urgence tels
que le 115. Ce qui serait un retour à la case départ pour le
jeune, qui livré à lui-même, retournerait à ses
activités d'antan. Il faut que j'évite que cette jeune retourne
dans la rue se prostituer. Il faut qu'il soit soigné, or depuis qu'il a
été déclaré majeur, il refuse de prendre son
traitement, et de se rendre à ses visites médicales. J'ai
l'impression que le jeune a perdu le peu de confiance qu'il avait
commencé à gagner à notre contact. J'ai
réfléchi avec le jeune sur ses possibilités d'orientation,
et nous avons exploré plusieurs pistes dont 3 possibilités :
la première était qu'il reprenne son traitement médical
qui devenait urgent. Je propose à l'équipe de le garder le temps
qu'il se rétablisse, pendant ce temps, je saisirai le juge de sa
situation. L'équipe a donné son accord, car je lui ai
expliqué qu'on ne peut laisser une personne dans son état au 115.
Je suis d'autant plus convaincu que le jeune est mineur. Le juge a
été saisi, et le jeune a été placé dans un
foyer où après avoir terminé l'apprentissage du
français, il va commencer une formation professionnelle. Dans d'autres
cas, il est arrivé que le jeune n'ait plus d'autres alternatives que la
clandestinité, ou le retour au pays. Dans ce dernier cas, le retour est
efficace si un travail de préparation au retour est mis en place. Un
programme de formation ou de scolarisation, de prise en charge doit être
mis en place dans son pays. Le retour d'un jeune ne doit se mettre en place que
dans son intérêt, et non comme un moyen de se débarrasser
de lui. La France a signé une convention de retour des mineurs dans
leurs pays, notamment avec l'accord dit franco-roumain, prévoyant un
suivi en France et un accompagnement au retour. Le mineur est confié aux
services sociaux ou à sa famille lorsque celle-ci est en mesure de s'en
occuper. L'accord signé entre la France et la Roumanie est intervenu
dans un contexte où les mineurs roumains étaient accusés
de commettre des actes de délinquance ou de se prostituer, parfois sous
l'emprise d'adultes qui les manipulent. Tous les mineurs isolés
étranger ne bénéficient pas de ce programme de retour, car
la France n'a pas signé d'accord avec leurs pays respectifs pour le
retour. Après un travail d'évaluation, et d'orientation, lorsque
l'établissement de la minorité du mineur présumé
n'est pas possible, ou si sa majorité est confirmée par le juge
pour enfant, il ne lui reste plus que la clandestinité et le retour dans
les réseaux des trafics, ou un retour dans le pays sans aucune garantie
de suivi. Ce qui peut s'avérer dangereux dans les cas de mineurs ayant
fui le pays pour des persécutions ou des sévices. Dans certains
cas, ceux qui craignent les persécutions sont orientés vers des
demandes d'asile.
La situation des mineurs et leurs orientation
et /ou accompagnement éducatif.
Pour les mineurs qui possèdent leurs documents
d'identité, et qui vont bénéficier d'une prise en charge,
mon travail va consister à évaluer sa situation personnelle et
familiale. Je vais éclairer les autorités et les jeunes de
l'orientation socio-éducative à mettre en place pour le jeune, en
accord avec ses projets. Les différentes activités du centre
visent à mieux observer le jeune et de mieux cerner non seulement ses
besoins, mais aussi ses capacités. Le but est de trouver avec le jeune
la meilleure orientation en vue de son insertion.
Le terme d'insertion serait apparu au début des
années 70, au moment où l'accès à l'emploi est
devenu difficile ;
C'est un processus qui permet à une personne de trouver
sa place au sein d'un système. Pour être accepté dans une
société donnée, un individu doit partager ses valeurs et
ses normes. La personne en situation d'exil doit s'adapter et acquérir
de nouvelles valeurs tout en préservant et réaffirmant les
siennes. Inséré dans un groupe d'autres jeunes, le processus
d'insertion peut noyer le jeune mineur dans le groupe, la
société qui l'accueille, et occulter ses valeurs propres.
La jeune Mariama est âgée de 16 et demi. Elle est
originaire d'Afrique de l'ouest. Son pays est en proie à une crise
socio-économique. La jeune serait arrivée en France avec l'aide
de sa tante. Cette dernière a convaincu la mère de l'adolescente
par des promesses de scolarisation et d'un avenir meilleur en France.
Arrivée en France, la jeune va commencer à se révolter
lorsque inscrite à l'école, elle doit effectuer toutes les
tâches domestiques et s'occuper de ses neveux avant et après
l'école. Elle s'enfuit lorsque la tante lui présente des hommes,
et lui demande de coucher avec eux pour de l'argent. Le service social qui nous
la confie nous envoie des documents concernant la jeune. Il s'agit des
photocopies des extraits d'acte de naissance et du passeport de la jeune. .Un
premier exemplaire des documents fait état de sa minorité, et un
autre mentionne sa majorité. Je suis confronté à une
situation où la jeune possède deux documents contradictoires
à son nom. A première vue, tous ces documents paraissent
authentiques. L'Aide Sociale à l'Enfance nous demande de les
éclairer sur la situation de la jeune, et de proposer une orientation.
En charge de la référence de cette adolescente, les premiers
entretiens vont permettre de comprendre l'histoire familiale, et la place de
l'adolescente dans cette dynamique. En discutant avec la jeune, je comprends
que la jeune n'est pas mandatée par sa famille. C'est la tante qui s'est
proposée de lui « rendre service » en
l'amenant en France, en réalité pour l'exploiter. Je contacte
l'école pour savoir si il y a des difficultés avec la jeune.
L'assistante sociale du lycée me dit être au courant des
problèmes de la jeune, et me confie que la jeune a été
inscrite à la rentrée avec des documents qui la reconnaissent
comme mineure. Je contacte la tante avec qui je discute au
téléphone. Cette dernière me dit que sa nièce est
majeure. Je lui demande si c'est bien elle qui l'a inscrite à
l'école comme mineure ? Celle-ci bafouille des explications peu
convaincantes. En examinant les documents de la jeune, je m'aperçois que
l'un des documents a été établi dans son pays et l'autre
au consulat de Marseille. Je contacte le consulat de Marseille pour faire
authentifier les documents, avec une lettre au consul où j'explique la
situation administrative de sa ressortissante. Je lui demande d'apporter des
éclaircissements dans cette histoire. Au quotidien Mariama doit
effectuer 2 heures de trajet pour aller en cours. Elle rentre très
fatiguée le soir, et après ses devoirs, elle vient en aide
à ceux qui ne maîtrisent pas le français. Elle explique
l'attitude sa tante par le fait que celle-ci ait refusé de céder
à tous ses désirs. « Elle a juré qu'elle va
me faire expulser si je ne fais pas ce qu'elle veut, et depuis j'ai
peur » me confie-elle. Celle-ci s'inquiète pour sa
mère restée seule au pays. La jeune dit que sa mère n'est
pas au courant de sa situation actuelle. Nous convenons ensemble d'un jour
où elle serait moins fatiguée pour téléphoner.
Ainsi la jeune a pu discuter avec sa mère, qui a aussi promis d'envoyer
les duplicata des documents d'identité de sa fille. La mère nous
a confirmé aussi que celle-ci était mineure. Elle nous dit
qu'elle est malade et n'a pas les moyens de s'occuper de sa fille. J'ai
proposé à l'éducateur de l'ase de saisir le juge pour
enfants afin qu'il prenne des mesures pour la protéger, celle-ci
étant mineure. A l'audience, le juge a posé les questions sur
l'attitude de la tante qui était convoquée mais qui n'est pas
venue. L'adolescente a été placée dans un foyer de
l'enfance.
Les jeunes déclarés majeurs
Le mineur déclaré majeur risque de se
retrouver dans la clandestinité est le même. Seul les moyens pour
y parvenir sont différents. Celui qui est déclaré majeur
court un risque immédiat de se retrouver dans la clandestinité,
alors que le mineur qui obtient une prise en charge peut voir celle-ci
s'arrêter à sa majorité. Car les jeunes sont
protégés pendant leur minorité, mais courent un risque
réel de se retrouver sans papier à leur majorité. Ce qui
d'emblée décourage certaines équipes éducatives qui
ne peuvent pas se projeter dans une perspective d'avenir avec le jeune. Le
jeune lui-même revient à la situation qui l'a poussé
à quitter son pays, à savoir la difficulté voire
l'impossibilité de se projeter. Comment, de part et d'autre, s'investir
dans un projet quand la suite s'avère aléatoire ? Leur
avenir étant lié a leurs situations administratives, ceux-ci ne
peuvent pas faire des stages de formation professionnelle. Ils doivent
arrêter leurs projets en cours car ils ne sont plus en règle. En
tant qu'éducateur je constate que l'insertion des jeunes répond
à ce que j'appelle des injonctions contradictoires de la part des
décideurs. D'un côté il y a la nécessité de
protéger les mineurs, et de l'autre on nous demande d'insérer
à minima.
Le travail en amont du droit commun consiste à
évaluer la situation du jeune, en évitant de le bercer
d'illusion, ou de se bercer soi même d'illusions. Les jeunes doivent
savoir que à leur majorité ils sont expulsables, sauf si les lois
changent entre temps. S'il est difficile pour tout individu de vivre sans
perspectives, imaginons ce que vivent des adolescents, dont de multiples
raisons les conduisent à imaginer d'autres cieux où ils
pourraient construire leur avenir. Quand ils trouvent « leur terre
promise » et y parviennent non sans mal, ils se rendent compte qu'ils
n'y ont pas leur place, par tout ce que l'on s'emploi à disposer pour
les décourager. Difficile de penser qu'ils peuvent réussir la vie
qu'ils ont imaginé ici. La tendance du moment est de renvoyer un maximum
de « clandestins », dont des mineurs dans leurs pays
d'origine. D'où un risque important que des vagues de mineurs devenus
majeurs, et par conséquent sans papiers, sans prise en charge, et qui ne
veulent ou ne peuvent pas retourner au pays deviennent des clandestins.
Face à cette difficulté à concilier
l'éducatif et l'administratif dans la prise en compte des besoins du
mineur étranger ou du jeune majeur, le travail éducatif avec le
jeune peut être basé sur un contrat. Le jeune s'engagerait
à respecter son projet de scolarité ou de formation, en apportant
des bons résultats scolaires qui motiveront les autorités
à lui délivrer un titre de séjour.
Les mineurs isolés qui arrivent en France doivent
s'adapter à de nouvelles habitudes que nous leur inculquons, comme les
valeurs de la France. La manière dont ces jeunes ont imaginé leur
vie en France est aux antipodes de la réalité de leurs
aspirations et de leurs besoins. Comme je l'ai dit plus haut, ces jeunes se
projetaient dans un avenir en décidant de quitter leur patrie. Ils
pensaient que leurs souffrances seraient entendues et pris en compte. Ils ne
sont pas conscients des enjeux sociaux et politiques liés à leur
présence en France. Tous doivent renoncer à une partie de leurs
projets, parfois à tous les projets qu'ils ont commencés à
construire avec des équipes éducatives.
Larbi est un jeune de 17ans originaire d'Afrique du nord. Il
vivait en errance dans son pays et travaillait pour financer son passage avec
des canots de fortune en Europe. Il a réussi à voyager jusqu'en
Espagne, où des compatriotes l'on aidé à arriver en
France. Il est repéré par notre équipe des maraudes aux
abords d'une gare parisienne. Il ne veut pas que nous l'approchions. Nous lui
remettons notre carte de visite, sur laquelle figure un numéro vert. Le
jeune nous a appelés à l'aide un soir, alors qu'il s'est
blessé lors d'une bagarre. Le jeune sera conduit à
l'hôpital, puis il accepte notre proposition de prise en charge. N'ayant
pas de document d'identité, celui-ci a dû passer une expertise
osseuse. Les résultats déterminent qu'il a moins de 17 ans. Il va
bénéficier d'une prise en charge et va suivre une formation en
restauration. Larbi a dû arrêter sa formation à sa
majorité, quelques mois avant la fin de sa formation. La
préfecture a refusé de lui délivrer un titre de
séjour, au motif que son entrée en France s'est faite de
manière irrégulière. Le jeune voit sa prise en charge
s'arrêter car devenu majeur l'Ase n'est pas tenue de l'aider. Et la
situation d'irrégularité du jeune renforce l'Ase dans ses
positions.
L'équipe est désemparée. Après
tout le travail de confiance effectué auprès du jeune, nous nous
retrouvons face à un gâchis, mais aussi à une situation
inextricable. Le jeune a accepté un projet de retour mis en place sans
préparation, avec pour seule idée d'éviter une reconduite
forcée à la frontière. Le jeune m'a confié qu'il
partirait en Belgique ou aux Pays Bas. J'étais persuadé que ce
jeune qui a longtemps erré durant son adolescence mais qui a
réussi à se reconstruire sans succès risquait de
retourner à la rue, et reprendre une vie d'errance.
C'est une situation où en tant qu'éducateur, je
suis impuissant à agir. Je me retrouve dans une situation où je
ne peux pas aller à l'encontre de la loi, et où je ne peux rester
indifférent aux souffrances d'une personne. L'empathie et le soutien
moral que je propose peuvent aider les jeunes à ne pas sombrer.
4) La situation juridico - administrative
Pour comprendre la situation juridico administrative des
mineurs isolés, on peut faire appel à deux sources du
droit : il faudra ensuite distinguer ceux qui relèvent du droit
commun et ceux qui relèvent de la demande d'asile.
a) Le droit national
a1) L'ordonnance du 02 novembre 1945
Sur le plan national nous avons l'ordonnance du 02
Février 1945 relative à l'entrée et au séjour des
étrangers qui dans son article 35 quater stipule que les mineurs
pourront être amenés à séjourner pendant 4 jours
renouvelables en zone d'attente. Ceux-ci se retrouvent en compagnie des
majeurs, en attendant que leur situation soit examinée. la plupart des
aéroports et port internationaux tels que Roissy et Marseille qui sont
des lieux d'arrivée des mineur isolés étrangers
isolés ont leurs zone de rétention dite zone d'attente. Beaucoup
de ces mineurs sont souvent refoulés vers leurs pays d'origine, ou vers
des pays d'arrivée, en marge de l'état de droit.
Il faudrait bannir la pratique de délivrance des
sauf-conduits. Ce sont des documents remis lors de sa libération au
mineur, par la police de l'air et des frontières, d'une durée de
8 jours. Il apparaît que celui-ci se retrouve très vite seul et
sans aucun document, puis il est récupéré par des
filières de trafiquants de drogue et de prostitution. Un projet de loi
permettant aux administrateurs ad hoc a été soumis à la
commission nationale consultative des droits de l'homme, alors que la
protection des mineurs est déjà règlementée sur le
territoire.
Le droit des étrangers, dans une approche
rétrospective nous montre que celui-ci est lié l'histoire des
flux migratoires, à l'évolution de la demande d'asile et à
la situation des étrangers en France ; la loi Chevènement du
11 mai 1998 est la 25è modification de l'ordonnance du 02 novembre
1945. Ce texte a été modifié plusieurs fois, notamment
lors de la décolonisation, à l'arrêt de l'immigration et la
construction de l'Europe.
D'une part la législation française, dans une
vision d'égalité pour tous interdit toute discrimination entre
étrangers et nationaux, d'autre part applique un principe protection de
l'état qui réserve bon nombre d'avantages et prérogatives
aux seuls citoyens français.
Pourtant le droit français a tendance à
transformer les étrangers en nationaux et tend ainsi vers une
égalité des droits dans la plupart des domaines, même si
l'évolution du droit actuel montre que ce n'est pas toujours le cas dans
les domaines droit du travail, des prestation sociales et du droit de vote.
Les restrictions apportées aux droits des
étrangers sont néfastes et ne se justifient plus aussi
aisément. Nous comprenons qu'en matière de droit des
étrangers, la même règle ne s'applique pas pour tous.
Certains sont soumis à des règles particulières en
fonction de leurs nationalités d'origine(ressortissants de l'union
européenne, algériens) d'autres sont soumis à des
règles particulières en raison de leurs statuts (comme les
réfugiés ou encore les mineurs).
a2) Le code civil
Lorsque le parquet est saisi à l'arrivée des
mineurs étrangers sur le territoire français, il doit à
son tour saisir le juge des enfants et le juge des tutelles.
Le juge des enfants va intervenir pour prononcer une
ordonnance de placement provisoire, qui est une mesure d'assistance
éducative au titre de l'article 375 du code civil. Il statue sur le
droit d'hébergement et du mineur en danger. Le juge des tutelles, pour
sa part au titre de l'article 433 du code civil peut ouvrir une tutelle. Il
nomme un tuteur quand celle-ci est vacante. Le tuteur permet au mineur
d'exercer ses droits, notamment pour faire une demande d'asile politique.
Cette pratique n'est pas courante au sein des tribunaux
français. A Paris, les juges de tutelle ne sont pratiquement jamais
saisis dans le cas des mineurs étrangers isolés, ni le parquet,
ni l'Aide Sociale à l'Enfance, ni même par le juge des enfants
alors que ce sont les voies normales d'ouverture d'une tutelle.
Une note de l'Aide Sociale à l'Enfance du 7 mars 2000
indique que sur 209 mineurs accueillis en 1999, seules 8 tutelles ont
été prononcées. La plupart du temps, le parquet se
déclare incompétent pour protéger ces mineurs ou prononce
un non-lieu à assistance éducative.
Ces exemples mettent en évidence les conflits de
compétences entre professionnels, une crainte que la protection des uns
attire de plus en plus de mineurs isolés. Le non respect de la loi met
des mineurs, qui demandent l'aide et la protection de l'Etat, en situation de
précarité et d'insécurité.
En ce qui concerne le département de Paris qui
centralise une part importante des arrivées de mineurs, l'Aide Sociale
à l'Enfance rencontre de graves problèmes techniques liés
à l'afflux, sans cesse croissant, mais aussi éthiques. Beaucoup
de travailleurs sociaux s'avouent débordés et manquent de savoir-
faire face à des jeunes qui ne correspondent pas aux profils de jeunes
accueillis habituellement.
Certains départements estiment que les jeunes ne
peuvent dépendre que de la solidarité nationale. Ils
évoquent le droit d'asile et la compétence de l'Etat pour poser
la question de la pertinence de la protection de ces mineurs au titre de
l'enfance en danger.
La loi SARKOZY du 18 mars 2003 sur la sécurité
intérieure dit que la personne prostituée (même mineure),
qui dénonce un réseau, peut prétendre à un titre de
séjour.
a3) Le code de l'action sociale et des
familles
Le mineur isolé sur le territoire français doit
pouvoir parler de ses souffrances, de ses craintes ou des persécutions
qu'il a subies. Une prise en charge légale s'avère
nécessaire dans ce sens. Mais tous n'ont pas la chance d'en
bénéficier. Pourtant les articles L112-alinéa 2 du code
de l'action sociale et de la famille stipulent que « les
personnes de nationalité étrangères
bénéficient des prestation sociales de l'aide sociale à
l'enfance, et de l'aide médicale d'état »,
L115 alinéa 2, dit que « la lutte contre
les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de
l'égale dignité de tous les être humains et une
priorité de l'ensemble des politiques publiques de la
nation »
Et L223 alinéa 2 prévoit
qu' « en cas d'urgence et lorsque le représentant
légal est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant
est recueilli provisoirement par le service qui avise immédiatement le
procureur de la république. Si à l'issue du délai de 5
jours, l'enfant n'a pu être remis à sa famille ou si le
représentant légal n'a pas donné son accord a l'admission
de l'enfant dans le service, ce dernier saisit l'autorité
judiciaire »
Le mineur qui se présente dans le service peut avoir
des documents d'identité qui paraissent faux ou contestables. Je tiens
à préciser qu'il n'appartient pas à l'éducateur, au
travailleur de contester la validité d'un document. Seuls les
autorités consulaires du pays d'origine peuvent authentifier les
documents. De part la loi, toute personne se déclarant mineure n'est pas
expulsable, à condition de pouvoir justifier de sa minorité.
b) Le droit international
Il y a aussi des textes internationaux que la France a
ratifiés et qui s'appliquent aux mineurs isolés étrangers
sur le territoire.
Selon la convention internationale des droits de l'enfant du
26 janvier 1990, l'intérêt supérieur doit être une
considération primordiale.
Pourtant je me suis rendu compte lors de mon stage, de
certaines rencontres et d'échanges avec des professionnels d'autres
départements que tous ne bénéficient pas du même
traitement devant la loi. Le ministère de l'intérieur estime que
la minorité légale ne dispense pas à une personne de
produire les documents de voyage que la loi exige.
b1) Les mineurs isolés et la demande
d'asile.
Les textes qui règlementent le droit d'asile sont
rassemblés dans la loi relative au droit d'asile du 25 juillet 1952,
modifié par la loi Chevènement du 11 mai 1958. On distingue deux
formes de protection accordées sur deux bases juridiques s'appuyant
à la fois sur des textes nationaux et les conventions internationales
ratifiés par la France.
La convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les
réfugiés qui stipule que « toute personne qui,
craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race,
de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un
certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays
dont elle a la nationalité, et qui ne peut, ou du fait de cette
crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce
pays »5(*)
Le préambule de la constitution française du 27
octobre 1946 prévoit que « toute personne
persécutée en raison de son action en faveur de la
liberté a droit d'asile sur les territoires de la
république »
L'asile territorial est régi par l'article 13 de la loi
relative à l'asile : « dans les conditions
compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut
être accordé par le ministre de l'intérieur après
consultation du ministre des affaires étrangères si celui-ci
établit que sa vie ou sa liberté menacée dans son pays,
ou qu'il est exposé à des traitements contraires à
l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas
à être motivées »
Le statut de réfugié relève de l'Office
Français de Protection des Réfugiés et Apatrides,
(L'OFPRA), sous le contrôle de la Commission des Recours des
Réfugiés (CRR).
En 2000 il y a eu 38747 demandes de statuts de
réfugiés, et 30278 décisions prises .sur ces
décisions, 17,1 pour cent des demandeurs d'asile ont obtenu le statut.
À titre indicatif 82 pour cent de demandes avaient reçu une
demande favorable en 1982.
L'obtention du statut de réfugié permet la
reconnaissance des persécutions et des traumatismes subis, et ouvre
droit à des protections contre le risque de retour forcé qui
menace toute personne déboutée du droit d'asile. Il permet le
droit au séjour et au travail en pays accueil avec la carte de
résident de 10 ans. Il permet aussi la protection sociale par les
dispositifs de prise en charge et d'accompagnement des réfugiés
reconnus.
La convention de Genève du 28 juillet ne fait aucune
distinction de l'âge des personnes contraintes à l'exil. Les
personnes qui demandent l'asile peuvent s'appuyer sur des persécutions
directes ou du fait de la situation sociale, de l'appartenance ethnique ou
religieuse, ou l'engagement politique de leurs parents.
La difficulté dans l'accompagnement des mineurs dans
cette procédure peut résider dans l'expression des craintes des
persécutions, et nécessitent la prise en compte de la
maturité du jeune et de son état psychologique.
Cependant l'acte final de la convention recommande aux
états « de prendre les mesures nécessaires pour la
protection de la famille du réfugié, notamment les enfants
isolés et les jeunes filles, en ce qui concerne la tutelle et
l'adoption »
La convention de la Haye du 05 octobre 1961 traite de la
compétence des autorités et de la loi applicable en
matière de protection des mineurs, qui est ratifiée en 1972 par
la France, et prévoit dans son article 8 que «les
autorités de l'état de la résidence habituelle d'un mineur
peuvent prendre des mesures de protection pour autant que le mineur est
menacé dans sa personne ou ses biens. »
D'autre part, la convention relative aux droits de l'enfant,
adoptée par l'assemblée générale des nations unies
le 20 novembre 1989, et notamment l'article 3 pose le principe de
« l'intérêt supérieur de
l'enfant » comme une considération primordiale.
Les enfants réfugiés
« bénéficient de la protection et de l'assistance
humanitaire voulues pour lui permettre de jouir de ses droits »,
et « l'enfant isolé se voit accordé la même
protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement
privé de son milieu familial pour quelque raison que se
soit. »
b2) L'Office français de protection des
réfugiés et apatrides (OFPRA)
En France, c'est l'organisme chargé d'appliquer la
réglementation et de statuer sur le sort des réfugiés.
Le statut du réfugié est défini par la
convention de Genève de 1951, ratifiée par la France en 1954 et
s'est dotée dès 1952 de l'Office civil Français des
Réfugiés et Apatrides. C'est un organisme autonome
financièrement et administrativement, qui relève du
Ministère des Affaires Etrangères. Il recueille et
détermine la qualité du réfugié politique au
demandeur d'asile, conformément à l'article 1er de la convention
de Genève. La Commission de recours des réfugiés
contrôle les déterminations de l'OFPRA. Le réfugié
l'est à partir de 4 éléments : la crainte, la
persécution, les raisons de race ou d'opinion politique, le fait de se
trouver hors du pays d'origine ; critères précisés
par les différentes jurisprudences.
5) L'administration montre ses limites
Je vais expliquer ce qui engendre la réponse
administrative ou judiciaire lors d'une prise en charge éducative. Soit
en amont du droit commun par une association, soit par l'institution.
Comme je le mentionnais avant, les mineurs qui sont
rencontrés dans la rue et ceux qui se présentent au sein des
associations qui travaillent en amont du droit commun, sont pris en charge,
puis selon certains cas, accompagnés, sans aucun mandat administratif,
ni judiciaire. Les professionnels chargés de venir en aide à ce
public sont amenés à être confrontés à des
situations où se pose la question de la vérité sur
l'âge du mineur. La question se pose aussi lorsque le dit mineur
présente des papiers contestables ou lorsqu'il n'a pas de papiers.
Il se pose donc les questions de la détermination de
l'âge et de l'authentification des documents d'identité, ou la
recherche des documents d'identité au pays pour déterminer
l'âge du mineur.
Les jeunes se présentent avec ou sans papiers
L'authentification des documents est une étape
incontournable et se fait lorsque les documents que le mineur présente
sont « contestables » soit parce qu'ils ne sont pas
probants (absence de photo ou qu'ils ne sont pas écrits dans les formes
usitées en France.
Le mineur sera accompagné au consulat de son pays. Ce
consulat va faire des recherches dans le pays afin de prouver ou non
l'authentification du document.
Les éducateurs vont aussi permettre au jeune de
téléphoner au pays afin de se faire envoyer certains documents
justifiant de sa minorité lorsque celui-ci n'a pas ses papiers. Cela
n'est efficace que si le jeune se sent suffisamment en confiance pour donner le
numéro d'une personne à contacter.
De part la loi, toute personne se déclarant mineure
n'est pas expulsable, à condition que le jeune soit en mesure de
justifier de sa minorité pour rendre plus lisible la situation.
Soit les mineurs qui ont leurs papiers, de fait, sont pris en
charge par l'Aide Sociale à l'Enfance, par un mandat de prise en charge
administrative, soit par une saisie du procureur ou du juge qui délivre
une ordonnance de placement provisoire (OPP).
Le mineur sera donc placé dans un foyer
éducatif, dans un établissement internat de formation
professionnelle. On se base sur le code civil pour répondre aux
différentes questions auxquelles les mineurs sont confrontés
Lorsque le mineur étranger est reconnu comme isolé, se posent les
questions des structures adaptées pour héberger et assurer un
suivi éducatif. Il faut aussi les scolariser. Certains, au vu de leur
histoire, de la situation dans leur pays, relèvent de la demande d'asile
et seront orientés vers les structures de demande d'asile. Les
majeurs ou déclarés comme tels lors de l'Examen de maturation
osseuse dépendront du Haut Commissariat aux Réfugiés et de
l'OFPRA à leur majorité.
Tandis que ceux qui venus en France pour des raisons
économiques pourront à leur majorité,
bénéficier du suivi éducatif, d'un contrat jeune majeur
jusqu'à l'age de 21 ans.
À sa majorité ou à la fin de sa prise en
charge, le jeune aura acquis une formation. Mais, avec des papiers et sans
aucune formation, ou sans papier et sans formation, se posent les questions de
la prise en charge du jeune et/ou l'accompagnement éducatif du jeune, ou
de son retour en famille lorsque les conditions de cette prise en charge ne
sont pas réunies. Je me pose la question de savoir quel suivi
éducatif et quelles démarches entreprendre?
La décision de prise en charge ou non peut
s'avérer arbitraire et répond à plusieurs
critères.
Il arrive que le travailleur social décide de
l'authenticité des papiers que lui présente le mineur, comme
j'ai pu le constater et scelle ainsi le sort du mineur part une réponse
rapide et négative. Tout dépend donc de la représentation
que le travailleur social peut avoir du mineur, de sa taille, de souffrance ou
non, de son aspect.
Un exemple illustratif
J'ai été amené à accompagner un
jeune qui allait faire une demande de prise en charge à l'aide sociale
à l'enfance.
Ce jeune originaire d'Afrique Centrale avait quitté son
pays après l'assassinat de sa famille.
L'éducateur qui nous reçoit demande au jeune de
raconter son histoire une fois de plus, puis l'interroge sur certains aspects
de son histoire apparaissant comme des failles à exploiter pour motiver
tout refus de prise en charge. Lorsque le jeune montre des papiers, à la
demande du travailleur social, celui-ci décrètera que c'est un
faux, sans toute autre forme de discussion. Ce qui scellera l'accord de prise
en charge du jeune à une réponse médicale : L'examen
de maturation osseuse.
Le travailleur social m'a expliqué qu'au vu de
l'histoire du jeune, de sa corpulence physique et des papiers qu'il
présente, cela n'était pas cohérent et qu'il s'en
remettait à l'examen de maturation osseuse.
Ce jeune a d'ailleurs été déclaré
mineur.
Cet exemple illustre les deux courants législatifs qui
se confrontent actuellement au sujet des mineurs étrangers
isolés, tout en mettant en évidence les limites de certaines
décisions administratives, et la subjectivité dont sont sujets
les travailleurs sociaux qui prennent ces décisions.
Nous avons d'une partie ceux qui disent que les mineurs
isolés relèvent de l'article L223-2 du Code de l'action sociale.
Les mineurs seraient isolés certes, mais pas en danger, car ils sont
suivis par des dispositifs en amont du droit commun.
Et d'autre part ceux qui affirment que le fait que les
représentants légaux soient absents ou incapables de se
manifester, leur milieu de vie actuel les met en situation de
vulnérabilité, et devrait inciter l'état à
organiser leur protection conformément aux articles 375 et suivants du
Code Civil.
Dans tous les cas si l'aspect administratif ou judiciaire,
dans le travail de l'éducateur apporte des réponses
inadaptées ou inappropriées aux besoins des mineurs, nous avons
tous besoin de travailler en conformité avec la loi, les
décisions judiciaires et administratives.
L'éducateur qui est un référent du mineur
est aussi confronté à deux dilemmes :
Tenir compte du danger que court le mineur, prendre soin de
lui et l'accompagner dans son parcours
D'autre part l'éducateur doit être vigilant
à ce que celui qui se présente comme mineur ne soit en fait un
adulte qui veut usurper la place d'un « vrai mineur » et
pour cela je dois parfois accepter ou légitimer des décisions qui
vont aller à l'encontre des intérêts ou de la demande de
celui qui m'est confié. L'enjeu de part et d'autre, est de taille.
Pour l'usager il s'agit d'être reconnu comme mineur,
puis à sa majorité, d'avoir un titre de séjour ou de
résidence, voire la nationalité française. Ces documents
sont des sésames pour une amorce d'intégration. (Par exemple pour
l'accès à des formations professionnelles).
Pour l'administration, il s'agit d'une volonté de
filtrer ou de limiter l'accès aux dispositifs de protection de
l'enfance, face aux soupçons d'instrumentalisation du système par
certains « vrais faux » mineurs, ou par des trafiquants.
Le jeune doit avoir des documents d'identité pour
rester en France. Les démarches à la préfecture incombent
au jeune majeur. Et la décision d'accorder ou non un titre de
séjour dépend du préfet.
Est-ce que l'éducateur accompagne le jeune en
espérant son intégration en France, ou le forme t-il à
devenir un clandestin ? Intégrer le jeune c'est lui permettre de
rester et d'y construire de nouveaux repères, et l'insérer c'est
l'aider à trouver sa place.
Comment réussir l'insertion du mineur étranger
isolé au sein de la société française ? Le
projet éducatif peut-il être envisagé ?
L'éducateur est- il responsable de l'avenir du jeune en
France alors que l'obtention d'un titre de séjour dépend du
préfet ?
L'expérience fait qu'en tant qu'éducateur, je
dois utiliser le temps de la minorité, le temps passer en France pour
élaborer le projet de vie du jeune.
Face à la problématique de société
que représente la question des mineurs étrangers, la
réponse 'administrative va permettre de poursuivre ou non le suivi
éducatif. Ce suivi prend la forme d'un travail de recentrage sur le
jeune et les difficultés « internes » qu'il
rencontre.
En l'absence de papiers les jeunes ne peuvent ni
prétendre à un stage, ni à un travail.
Certains jeunes reçoivent un titre de séjour ne
les autorisant pas à travailler. Or nous savons qu'il faut une
autorisation de travail pour effectuer une formation professionnelle.
6) La question de la culture
Ces mineurs et majeurs reviennent nous voir au centre. Ils
sont en pertes de repères. Le centre devient comme un lieu de
repères où ils rencontrent des personnes familières comme
leur éducateur, ou un jeune de la même promotion. Beaucoup de ces
jeunes reviennent au centre parce que c'est le lieu où ils ont connu la
sécurité,les soins,un suivi socio-éducatif et le respect
de leur personne, de leurs histoires et de leur histoire,mais aussi le lieu qui
a marqué un nouveau départ pour beaucoup de jeunes. Ces jeunes
reviennent au centre parce qu'ils ne connaissent personne. La plupart n'ont pas
de liens avec leur communauté d'origine. Le fait que ces jeunes
reviennent peut donner au centre une connotation identitaire à plusieurs
points de vues, dont notamment le fait qu'ils aient tous un
référent qui parlent leurs langues et connaissent leurs pays
entre autre. Le fait que leurs cultures respectives soient prises en compte
dans le fonctionnement du service ; Le fait d'articuler leur culture avec
la culture de la France leur permet de garder leur culture, comme la marque de
leurs identités multiples. Il faut les mineurs qui souhaitent rester en
France ne perdent pas leurs acquis. Je dois les aider à aménager
des espaces où ils vont pouvoir intégrer les deux cultures. Je ne
souhaite pas qu'ils s'assimilent. C'est l'abandon par une
personne de ses particularités, tout en adoptant le système, et
les habitudes du pays qui l'accueille.
J.Costa-lascoux (6(*))
dit que « l'assimilation représente le processus par
lequel un être vivant en transforme un autre en sa propre substance,
synonyme de l'absorption d'un corps étranger jusqu'à le faire
disparaître ».
Assimiler, c'est imposer les normes de la culture dominante,
or je dois les aider à vivre en symbiose avec leur nouvel
environnement, sans nier, rejeter ou abandonner leurs acquis d'avant.
Avant de venir en France, les mineurs étrangers avaient
une place, un rôle, un statut dans leurs sociétés
respectives. Ils ne peuvent reproduire leurs statuts en France, et doivent
s'adapter aux moeurs françaises. C'est une perte que les jeunes pensent
pouvoir compenser en gagnant un statut valorisant, comme celui
d'étudiant ou de salarié.
Il est demandé à l'adolescent en construction,
se retrouvant confronté à une autre culture, de s'adapter
à cette dernière. Beaucoup ont perdu contact avec leur familles,
et ont développer la « culture de la rue » qui
désigne par la même occasion leur non appartenance à des
structures sociales. Les plus chanceux finissent par créer un mixage
entre la culture française, celle d'origine et la culture «
de la rue ».
Ces mineurs étrangers devenus majeurs en France, ne
sont plus reconnus dans leurs pays d'origine dans le statut d'avant. Ils sont
en manque de reconnaissance en France. Beaucoup de ces jeunes
considèrent qu'ils n'ont leur place nulle part. En France on les
considère comme des étrangers, et ils n'ont plus leur place dans
leurs pays d'origines, sauf sans doute au regard de la mission qui leurs est
assignée.
Les démarches administratives qui jalonnent le parcours
du mineur isolé en France sont des démarches auxquelles nous
sommes tous assujettis mais néanmoins habitués. Avec le mineur
étranger qui ne connaît pas nos us, cela peut être
traumatisant s'il n'est pas informé des tenants et des aboutissants
avant toute démarche. À travers toutes les multiples facettes que
prend le rôle de l'éducateur, les démarches administratives
sont un support à la création de la relation éducative.
La culture que ces jeunes élaborent se situe entre les
traits empruntés à la culture d'accueil et la culture d'origine.
Il crée ainsi un troisième espace où s'exprime ce mixage.
Cette construction est ambiguë, dans la mesure où ces jeunes
seraient tentés de reconstituer en France le modèle culturel du
pays d'origine. Mais il est très difficile de garder intacte sa culture.
Ils recréent un mode identitaire adapté à leurs
systèmes de valeurs, cohabitant avec leurs cultures. Le mineur
isolé en France, dépourvu de liens familiaux, affectifs, vit sans
ses repères quotidiens, et sans ses amis. Il subit par
conséquence une situation de non existence, mais aussi de
« double non identification »il est à la fois
immigré et émigré.7(*) Il a un statut provisoire mais
« continuant à jouir des attributs et des
compétences politiques de son pays », tout en
étant exclu de fait par sa résidence à hors de son pays.
Le mineur étranger a du mal à être reconnu dans le pays
d'accueil, et il n'a plus sa place dans son pays d'origine. Comme le dit Alain
Moreau sur la faculté d'adaptation des étrangers, il est d'abord
un adolescent d'une « culture donnée ...vient -il
à le quitter ; pour se retrouver dans une culture
différente, et le voilà dépourvu de
référents qui assuraient le noyau dur de son
identité »8(*).
a) L'identité du mineur
isolé.
Comme toute personne en situation de migration en France, le
sort des mineurs étrangers est l'enjeu de débats politiques
nationaux entre ceux qui ont le pouvoir de décision sur leur avenir et
ces adolescents. Ils ne maîtrisent pas forcément l'identité
qui leur est attribuée par le fait de leur extranéité, et
qui ne tient pas compte de leurs histoires, de leur parcours, de leurs
besoins et de leur situation réelle.
Charles Taylor dans une approche sur le multiculturalisme
pense que « l'identité est partiellement formée de
la reconnaissance ou par son absence, ou encore de la mauvaise idée
qu'en ont les autres »9(*)
Didier Lapeyronie s'interroge sur la place l'identité
comme facteur d'intégration. L'auteur pense que la façon dont
est accueilli et intégré un immigré ou non
détermine son identité. Il pense que les identités sont
construites dans les rapports sociaux inégalitaires du fait de la
frontière qui existe entre ces mineurs qui arrivent et ceux qui sont
déjà là. Il y a d'emblée des
barrières sociales, géographiques, linguistiques,
psychologiques et psychosociologique qui les distinguent de
nous. « Il y a eux et nous »10(*)
L'opposition entre eux et nous est une dimension fondamentale
de leur identité. Le mineur isolé pris dans cette dynamique
d'opposition doit mobiliser des ressources pour intégrer les
éléments constitutifs de la culture identitaire d'accueil et se
faire accepter. La culture d'accueil étant la culture dominante, il
tentera de ne pas perdre son identité propre, cherchera plus à
intégrer plus qu'à assimiler. Le mineur arrive en France dans un
contexte où la revendication de l'identité retrouve celle des
migrants des générations précédentes, qui sont
devenus des français à part entière, venus d'origines
diverses. Pour aider le mineur étranger isolé, en équipe,
nous avons aménagé un espace de rencontres
institutionnalisé où se côtoient et s'exprime la
diversité culturelle à travers les ateliers d'expression
artistiques, la cuisine, le sport, la rencontre avec l'autre. L'idée est
d'aider les mineurs à vivre entre deux ou plusieurs cultures.
L'acculturation
La mode des adolescents en France tend actuellement vers la
culture hip-hop, qui à l'origine est la culture des pauvres de ceux qui
sont dans la galère. Ces jeunes pour la plupart s'identifient le plus
souvent à cette culture. Ce qui fait que le jeune indien, le jeune
albanais et le jeune de Côte d'Ivoire vont trouver un terrain d'entente
à travers cette culture hip-hop. Chacun peut ainsi s'autoriser des va et
vient entre sa culture d'origine et cet art considéré comme
spécifique à la jeunesse.
C'est l'ensemble des phénomènes résultant
du contact direct et combiné entre des groupes et individus de cultures
différentes avec des changements subséquents dans les
modèles originaux de l'un ou des deux groupes. De ce contact
prolongé et direct, un des aspects culturels va être
modifié en essayant de réinterpréter, ou en modifiant les
conceptions des rapports à l'autre, à la nature et à ses
représentations. Les individus adoptent d'autres comportements que ceux
des pays d'origine. C'est souvent la source de conflits ambivalents que
l'éducateur ne doit pas ignorer.
b) l'Intégration des mineurs pour une prise en
charge
- Qu'est ce que
L'intégration ?
C'est un processus qui concerne, les moyens d'interaction
qu'emploie la personne pour être et se positionner dans une
société. L'enjeu se situe dans la reconnaissance d'une place ou
d'un statut. Le processus d'intégration est soumis à un
contrôle interne par l'individu et à un contrôle externe par
la société. Il s'agit pour l'individu de mélanger ses
valeurs et ses représentations d'origine avec celle de la
société d'accueil. Il va tenter de gommer tout malentendu avec la
société qui l'accueille, tout en tentant de conserver ses valeurs
d'origines.
Pour le mineur isolé il s'agit de négocier un
compromis entre des systèmes de fonctionnements et des règles
différents. Il va donc inventer des stratégies pour
résoudre les multiples problèmes qui le renvoient à sa
condition d'exilé. J'ai pu constater que certains jeunes, pour se sentir
acceptés, peuvent faire ou accepter des choses qui vont à
l'encontre de leurs convictions. C'est ainsi que certains jeunes de confession
musulmane mangeaient du porc pour, semble t-il, être mieux
acceptés. Ils croyaient que « pour être
intégré en France, il faut faire comme les
français ». Je lui ai expliqué qu'il pouvait
s'intégrer en France tout en choisissant de vivre selon ses convictions,
mais en respectant aussi celles qui sont différentes de la sienne.
En France le modèle républicain
d'intégration est basé sur l'égalité.
Mais Faiza Guelamine11(*) estime que le modèle d'intégration
à la française ne correspond pas à la
réalité des personnes accueillies. L'intégration concerne
la participation de tous à la vie de la cité, tout en
dépassant la question de l'origine culturelle
De part la convention des droits de l'enfant, un mineur
bénéficie d'une protection sur le territoire français.
À la vue de ce fait pourquoi ce dispositif peine
à intégrer les mineurs étrangers en danger sur le
territoire français ?
Au cours de mon stage, une analyse approfondie de la prise en
charge des mineurs isolés étrangers par l'Aide Sociale à
l'Enfance, a fait apparaître une double argumentation de la notion
d'enfant en danger.
Nous avons vu précédemment que certains
affirment que le dispositif de protection à l'enfance a
été conçu pour un travail de retour du jeune en famille.
Ce qui fait que le dispositif peine à intégrer
des mineurs sans parents et sans famille en France, est que ces jeunes sont
seuls et par définition autonomes. La seconde raison est liée au
fait que les prises en charges, quand elles ont lieu, s'arrêtent à
18 ans. Le jeune devient sans papiers.
Ce qui est décourageant pour les équipes
éducatives qui ont l'impression de sauver quelqu'un de la noyade, de les
sécher puis de les noyer à nouveau.
A partir de ces exemples, la prise en charge, puis
l'accompagnement du mineur se présenteront sous trois aspects :
-La prise en charge, l'accompagnement éducatif de
l'adolescent.
-La réponse administrative, à laquelle est
suspendue la décision ou non de poursuivre cet accompagnement
éducatif.
-les conséquences positives ou négatives de
cette réponse sur le travail accompli par l'éducateur, sur la
relation éducative ; et sur l'avenir du jeune.
Il apparaît que la situation des mineurs isolés
pose une double problématique ;
-soit la contradiction entre l'éthique et le juridique,
puis celle entre les principes éthiques de l'éducateur, et la
relation éducative.
c) L'approche interculturelle
Le travail interculturel permet à l'éducateur de
faire des allers et retours d'une culture à l'autre en tenant compte des
interactions entre la culture du jeune et la nôtre. Il s'agit
malgré tout d'aider le jeune à voir le verre à
moitié plein et non à moitié vide. C'est à dire
qu'il peut vivre sa présence en France comme sources de rencontre, de
production de l'altérité, et donc comme une source de richesses,
d'apprentissage, de tolérance, d'apprentissage et de respect des
différences. La prise en compte de la culture, constitutive de
l'identité des mineurs étrangers isolés leur permet de
s'intégrer en France. Ils doivent accepter la culture française,
en acceptant notamment le mode de vie, tout en gardant et en préservant
leur identité propre. Quelque chose qui les lie à leurs racines,
pour atténuer les effets de la rupture, en lui permettant de remodeler
son propre modèle identificatoire.
Le jeune doit non seulement s'adapter à la culture
française, mais aussi à celles des autres jeunes tout en
préservant la sienne.
Ce qui n'est pas évident car dans un contexte de
déculturation, ils peuvent perdre les valeurs qui identifient leur
culture pour se conformer à des valeurs qu'ils nomment « la
culture de la rue ».
C'est le cas des enfants errants qui ont connu une vie sans
repères stables et qui se retrouvent dans un cadre éducatif
inconnu de leur schéma de vies habituelles avec la demande de se
conformer à des règles qu'ils ne connaîssent pas. C'est
à l'éducateur d'aménager le cadre et les règles de
manière parfois à ce que ceux-ci soient le moins violents et
permettent la vie ensemble dans le respect mutuel et le partage des
tâches quotidiennes. Pour le jeune, les règles de fonctionnement
ne sont pas les mêmes que celles qu'il connaît habituellement.
C'est pour cela que certaines peuvent être violentes pour certains
jeunes. Je me souviens de ces jeunes Afghans qui ne supportaient pas
d'être assis à une même table que les filles, ou qui
refusaient de faire la vaisselle parce que selon leurs dires, c'est aux filles
de la faire. Il faut sans cesse ré expliquer les règles, car
beaucoup de ces jeunes, marqués certainement par les moeurs de chez eux,
refusent les consignes qui viennent des collègues de sexe
féminin. Ils tentent de cantonner la femme dans le rôle qui lui
est attribué chez eux.
Selon Alain Moreau « toute migration met jeu un
pays d'origine et un pays d'installation, une culture d'origine et une culture
d'adoption »12(*)
Les mineurs isolés arrivent en France avec un
vécu constitutif de leur identité à prendre en compte,
dans leur accueil au sein de la communauté française.
Au début des années 90, face à
l'émergence du phénomène des mineurs étrangers
seuls sur le territoire, dont beaucoup en errance. Le secrétariat
d'état à la lutte contre les exclusions et la
précarité a contribué à la création du
« service mineurs isolés étrangers ».
La rencontre avec beaucoup de ces mineurs se fait dans les
périphéries de Paris, les bois, les lieux à forte
fréquentation de populations immigrées, les squats.
Certains sont orientés par la brigade des mineurs, le
commissariat de quartier.
La problématique des mineurs étrangers trouve
une amorce de réflexion, de réponse pour une prise en charge,
puis un accompagnement, au sein d'une association.
Cette association a été créée dans
le but de sortir les enfants de la rue, des trafics humains.
La mise en place d'un dispositif de plusieurs associations
partenaires, toutes travaillant sur la problématique des mineurs
étrangers permet d'apporter un début de réponse à
la question des mineurs errants.
7) Positionnement de l'éducateur dans sa
relation
Dans le cadre du travail auprès du mineur
étranger, l'éducateur endosse plusieurs rôles : celui
de travailleur social, de médiateur et quelquefois celui
d'interprète.
La position de neutralité, d'empathie, le rôle
de médiateur souvent portés par l'éducateur à
certains moments de sa fonction, risque de voir celui-ci envahi par une
certaine subjectivité de son regard et de son positionnement. Les
pouvoirs publics se fient au regard de l'éducateur chargé
d'évaluer la situation du mineur.
Pour la plupart de ces mineurs, le danger est
avéré. Ils sont en rupture, souvent victimes et
traumatisés.
L'éducateur doit estimer la parole de l'enfant, en se
basant sur ses déclarations. La vérité de l'enfant peut
quelquefois dépendre de la possession ou non de ses papiers.
Si un jeune se présente à l'Aide Sociale
à l'Enfance et se déclare mineur étranger isolé, et
qu'il n'a pas ses papiers, toute aide lui sera refusée. Sauf s'il
accepte d'être soumis à un test osseux pour la
détermination de l'âge.
Qu'est ce qui motive un tel refus ?
La décision d'aider un mineur en danger dépend
de l'authenticité de ses papiers ou de son histoire, du point de vue du
travailleur social.
Quand un jeune se présente avec ses papiers en
règle, son histoire peut être fausse; de même qu'un autre
jeune peut se présenter sans papiers ou avec des papiers contestable,
avec une authentique histoire de violences, de rupture,de traumatismes.
L'éducateur est tenté de se fier qu'à
l'aspect administratif. En effet, nous sommes soumis à devoir
prouver l'âge du jeune en plus de devoir évaluer la situation de
danger que connaît le jeune afin qu'il puisse bénéficier
d'une prise en charge administrative ou judiciaire. Cette
spécificité ne concerne que les MIE qui doivent prouver leur
identité,
L'éducateur face à cette réalité
ne serait-il pas plus enclin à aider les MIE pouvant apporter la preuve
de leu âge, leur origine voir de leur histoire ? Alors que nous
savons que les parcours les plus traumatiques, les plus difficiles ont souvent
entraînés la perte de pièce d'identité, de membres
de famille....Comme c'est le cas pour les jeunes issus de la catégorie
des exploitées.
Cette obligation de devoir prouver l'âge du jeune est
due au fait que notre système social et juridique n'accorde pas les
mêmes droits si l'on est majeur ou mineur. Cette suspicion que le
demandeur cherche à instrumentaliser le système (en mentant sur
son âge) a un impact direct sur la qualité de l'accueil de ces
MIE. Car avant même de prendre en compte leur état de souffrance,
la priorité sera qu'il réponde au critère français
qui désigne un mineur en dessous de 18 ans.
L''enjeux sera donc de prouver l'âge du jeune avant de
mettre en place un soutien socio-éducatif.
Cas pratique
Je me suis présenté avec une jeune fille qui
venait d'un pays en guerre et suite à la mort de ses parents, a du
quitter son pays. Cette visiblement traumatisée, dans un état
déplorable, après avoir dormi pendant deux jours sur un pont. Un
particulier l'a trouvé sous un pont et l'orient vers une l'association
à qui l'ase a refusé son admission. Cette jeune fille est
restée au centre pendant 4 jours le temps de chercher ses papier
d'identité. Cette avait besoin d'un suivi psychologique et de soins
spécifiques, mais elle a du attendre soit réglée pour
pouvoir bénéficier de soins adéquats.
Il s'avère que le mineur étranger isolé
et en danger ne l'est que par preuve ou par compassion, alors l'administratif
apparaît comme une béquille pour l'éducateur. La
décision d'admettre ou non un jeune dans les dispositifs de protection
de l'enfance ne devrait pas être confié uniquement au seul regard
de l'éducateur. En principe lorsque le mineur est pris en charge par
l'aide sociale à l'enfance, le procureur doit être saisi dans les
trois jours, et celui-ci saisit le juge pour enfants, s'il le danger est
avéré. Mais tous ne bénéficient pas de telles
dispositions, cela dépend du regard, de la manière dont le
travailleur social se représente l'histoire du jeune. La question est de
savoir pourquoi un système aussi bien fait présente autant de
failles et de dysfonctionnement ?
Comme nous l'avons vu précédemment, les outils
de travail à notre disposition servent et parfois desservent, notre
pratique.
Cela implique l'accueil d'un jeune, le choix et la
priorité dans les démarches à effectuer.
Qu'est ce qui est prioritaire dans la prise en charge,
quel accompagnement et quelle démarche éducative ?
Un mineur de moins de 16 ans a le droit d'aller à
l'école. Par contre, une administration permet l'inscription du mineur
sans que celui-ci n'ait à prouver la véracité de son
histoire, ou la forme dans laquelle sont usitées se papiers
d'identité, ou son isolement L'école publique et laïque est
gratuite et ouverte à tous.
Les primo arrivants peuvent être pris en charge,
à condition de donner leur identité. Il est même
arrivé que des mineurs passent des test d'aptitudes scolaires et soient
inscrit à l'école sans documents d'identité, juste en
tenant compte de la parole du jeune comme faisant foi.
Pourquoi l'Education Nationale semble prendre conscience du
phénomène et de la nécessité de respecter la loi,
alors que dans les champs de l'éducation spécialisée, il
semblerait que la loi ne soit appliquée comme il conviendrait ?
Il parait que c'est une question de coût. Un enfant pris
en charge par l'Education Nationale n'a pas le même coût que celui
pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance.
Nécessité de déclarer la situation
administrative du mineur.
Je vais signaler sa situation au parquet, en lui fournissant
les premiers éléments concernant l'identité du jeune et sa
situation générale. Le travail de mise en confiance en tant que
référent du jeune permettra, à travers les entretiens et
les activités qui sont organisées dans le centre,
d'évaluer sa situation de manière plus approfondie. Il s'agira de
l'orienter vers une structure de droit commun adaptée à sa
problématique. En accord avec l'éducateur référent
de l'Aide Sociale à l'Enfance, je mettrai en place les premiers jalons
d'une amorce d'insertion du jeune. Pour cela je mets en place une
évaluation médicale de la santé du jeune afin de traiter
toute affection ou des maladies infectieuses qu'il aurait contractées
dans son pays ou durant son parcours.
Je contacte aussi les services de l'Education Nationale pour
qu'ils mettent en place une évaluation du niveau scolaire du mineur.
C'est à partir de ce que je sais du jeune, de son
vécu et de son passé, que je vais pouvoir proposer des
orientations, des actions, ou un suivi thérapeutique qui peut être
un préalable à la reconstruction et la restauration de soi. Il
m'appartiendra de convaincre les pouvoirs publics de la nécessité
d'aider les mineurs étrangers, afin d'aider à stabiliser leurs
situations. Il est donc nécessaire d'éclairer la situation
administrative des mineurs isolés étrangers. Je prendrai deux cas
de figures pour décrire la situation du mineur isolé.
-Le mineur· reconnu :
Le mineur reconnu comme tel, parce qu'il possède des
papiers d'identité officiels qui prouvent sa minorité va
bénéficier des protections à plusieurs niveaux
administratifs et juridiques.
Il est confié par l'Aide Sociale à l'Enfance
qui va mettre en place une protection administrative au titre de l'article
L223.2 du code de l'action sociale et de la famille. Le jeune nous est
confié pour une évaluation de sa situation administrative, en vue
de lui proposer une orientation qui répond à la
réalité de ses besoins.
-Le mineur non reconnu :
Le jeune se dit mineur, mais certaines autorités
contestent cette minorité et lui proposent un examen d'âge osseux
qu'il accepte. Après avoir fait une évaluation de sa situation,
lorsque nous sommes convaincus de sa minorité, je l'informe de la
possibilité pour lui d'écrire au juge pour enfants pour lui
demander de se saisir de sa situation. Le juge va apprécier par les
éléments fournis par le jeune de la minorité et du danger,
et ordonner une mesure de placement provisoire. J'ai pu remarquer que le juge
pour enfants est saisi lorsque que le jeune conteste les résultats de
l'expertise d'âge osseux. Alors qu'il pourrait être saisi
dès que le danger est avéré.
Si le jeune est arrivé sans aucun document
d'identité ou bien si les documents qu'il présente sont
contestés, s'il a accepté de passer un examen d'age osseux, et
qu'il est déclaré majeur, plusieurs
possibilité s'offrent au jeune ; le jeune doit quitter le centre,
et je l'oriente vers les dispositifs d'urgence sociale tels que le 115. S'il
conteste les résultats de l'examen osseux, j'en informe le parquet et
une contre-expertise aura lieu. Parallèlement, je l'aiderai dans ses
démarches auprès du juge pour enfants.
Mon rôle est d'assister le jeune dans toutes ses
démarches. Il arrive que les jeunes, sur la base de la relation de
confiance qu'ils ont mis en place avec l'éducateur, me sollicitent pour
des renseignements administratifs. Le service où il est placé
peut aussi solliciter l'éducateur pour une médiation.
C'est ainsi que j'ai été appelé pour une
médiation concernant un jeune dont j'ai assuré le suivi. Le
centre où il était placé devait déterminer une
orientation définitive pour celui-ci. Un incident a failli provoquer
comme orientation le retour dans son pays, or ce retour aurait mis en danger la
vie de ce jeune. Un quiproquo lié à la barrière de la
langue avait généré cette décision au sein de cette
équipe éducative. Mon rôle consistait à être
un intermédiaire entre la culture du jeune, que je connais, et notre
culture. J'ai contribué, le temps de cette médiation à
abolir les frontières, expliquant les malentendus. J'étais comme
la courroie de transmission par qui passait à la fois la parole du jeune
et celle de l'équipe. Je la reformulais et la restituais à
chacun. Même lorsqu'il est placé, le jeune peut garder un lien
avec le centre, car au fil du temps de sa présence au centre, une
relation de confiance mutuelle se construit entre le jeune et les
éducateurs. Cette relation peut durer au-delà du temps de
l'accompagnement. Certains jeunes viennent au centre et participent à
des activités, soit pour rencontrer « leur
éducateur ». En tant qu'éducateur, il m'appartient de
savoir passer le relais à d'autres professionnels ou être
présent pour le jeune quand ils ont besoin de me rencontrer pour une
évaluation, d'un médiateur, voire d'un interprète.
Le recueil de l'histoire du
jeune.
C'est en accédant à l'histoire du jeune que l'on
peut réfléchir aux possibilités pour lui venir en aide.
Recueillir l'histoire du jeune suppose plusieurs préalables
importants : ne pas travailler dans l'urgence, répondre aux besoins
les plus urgent (soins, alimentaires, sommeil), ne pas avoir d'idée
préconçue, et postuler que cette histoire appartient toujours au
jeune. Parfois c'est le jeune qui veut me raconter son histoire. Même si
mon souci c'est de ne pas juger le jeune, la frontière est souvent mince
entre l'objectivité que m'impose ma fonction et la subjectivité
à laquelle je peux être sujet.
Au regard de certaines histoires qui paraissent
invraisemblables, on a vite fait de considérer les mineurs
étrangers comme des menteurs, au pire comme de enfants qui par le biais
de certains adultes du pays, cherchent à instrumentaliser le dispositif
de protection de l'enfance. Ce qui fait que certains enfants, issus d'une zone
géographique bien déterminé raconte tous une histoire
« standard ».j'avais remarqué ces enfants arrivaient
par dizaine par mois, d'un même continent, et racontait le même
parcours, avec des histoire similaires. Dans ce cas, un travail qui s'inscrit
dans la durée va permettre de démanteler le discours des adultes.
Je vais tenter de regagner la confiance du mineur afin de l'aider à
reconstruire sa propre histoire personnelle.
II. Le service d'accueil, de mise à l'abri, puis
d'accompagnement des mineurs étrangers.
Dans cette partie, je prendrai l'exemple du service
d'accompagnement où j'ai fait mon stage, non pour faire un rapport, mais
bien pour expliquer dans quel contexte j'ai pu réfléchir à
ma problématique. Comment dans un service particulier peut-on
accompagner ces jeunes.
Les objectifs du « service mineurs » sont
d'aller à la rencontre des mineurs dans la rue et de les accueillir en
amont du droit commun dans un lieu anonyme, sécurisé et
sécurisant. Puis d'évaluer la situation du mineur et de
l'orienter vers les dispositifs de droit commun dans un délai de 15
jours.
Le financement est assuré par une dotation globale de
la Direction des Affaires
Sanitaires et Sociales (DASS), puis par des entreprises et
soutenus par des organisations internationales de défense des droits de
l'enfant.
Depuis 1986, l'association est une O.N.G. qui lutte pour la
reconnaissance de l'enfant en tant que personne ayant des Droits. L'association
s'appuie sur la Convention Internationale des Droits de l'Homme (C.I.D.E.)
ratifiée par la France.
Elle travaille à sensibiliser l'opinion publique
à cette convention et exige son application en France, mais
également dans le Monde où beaucoup d'enfants vivent des
situations de détresse.
A. Agrément et partenariat.
1) Agrément
L'association est agréée par le ministère
de la Jeunesse et des Sports. Membre du Conseil français pour les droits
de l'Enfant, et de la «Plate forme géographique des O.N.G.»
L'association met en place des programmes en faveur des enfants en
difficultés dans les pays souvent en guerre et en proie à des
crises sociales et politico-économiques.
2) Missions
Comme je l'ai dit précédemment, l'association
met en place des programmes d'aide aux enfants dans divers pays du Monde.
L'association défend tous les enfants sur la base des valeurs qu'elle
considère comme fondamentale : le droit à la vie, à une
identité, à l'éducation ou plus simplement aux droits aux
loisirs. Elle s'est également engagée à lutter contre les
embargos, les enfants étant souvent les premières victimes. Son
action lui a valu un statut consultatif auprès du Conseil
économique et Social des Nations Unies.
3) Fonctionnement.
L'association fonctionne à la fois sur le plan
international et national.
Sur le plan international, vingt personnes volontaires
travaillent dans différents pays avec 250 personnes recrutées
localement.
Sur le plan national, l'association a créé avec
l'aide d'un pédiatre et d'un juriste en droit international public, un
service spécialisé dans la prise de contact, l'accueil et la mise
à l'abri des Mineurs Etrangers Isolés.
La création du service des Mineurs répond
à une demande, face à l'émergence, au début des
années 90, d'enfants seuls, sans référents parentaux ou
familiaux, connus sur le sol français ou européen. E.M.D.H. a
ouvert le premier centre de jour, à Paris, en juin 2002.
Une émergence, sans cesse croissante, des mineurs
quittant leur pays d'origine et se retrouvant seuls en France a impulsé
l'ouverture d'un centre plus grand et plus fonctionnel en proche banlieue
parisienne. Le centre accueillant jour et nuit des mineurs isolés, ouvre
en novembre 2002. Au départ, il est ouvert six jours sur sept et cinq
nuits sur sept, dans l'attente de nouveaux crédits pour son extension.
Depuis novembre 2002, il fait partie du dispositif d'accueil des mineurs
isolés sur Paris, mis en place par le secrétariat à la
lutte contre la précarité et les exclusions. Il est
financé par ce même secrétariat et par le
mécénat d'entreprise.
B. Les missions du «Service Mineurs»
Une convention cadre a été signée d'une
part entre l'Etat, représenté par la Direction des Affaires
Sanitaires et Sociales, et d'autre part le service mineurs et d'autres
associations partenaires. Le travail s'articule à partir de la
problématique des Mineurs Etrangers Isolés, victimes de trafics
de toutes sortes, se prostituant ou tout simplement abandonnés par les
adultes, les ayant laissé à leurs sorts, une fois arrivés
en France. Le service mineur se veut être un sas entre la rue et une vie
sociale.
1) Méthodes de travail.
Je vais montrer ce qui fait spécificité du
«service mineur.» dans l'approche et la problématique des
mineurs étrangers isolés.
Les jeunes sont reçus dans le service sans aucun mandat
administratif ou judiciaire. Le service mineur a cette
spécificité dans son approche de la problématique des
mineurs étrangers isolés que d'une part, il part à la
rencontre des mineurs dans la rue et sur les «lieux de travail» et
que d'autre part, il reçoit ceux-ci dans le service pour un accueil et
une mise à l'abri.
a) les maraudes.
Nous avons mis en place des tournées de rue, dans
l'après midi et en soirée. Il s'agit de se rendre dans des squats
et foyers de migrants, les boulevards périphériques, le
«Bois de Boulogne» et de «Vincennes». « Le
service mineurs » travaille aussi avec d'autres associations,
partenaires ou non avec le dispositif. Certaines associations mènent des
actions qui diffèrent des nôtres et nous contactent souvent
lorsqu'il s'agit de mineurs. Ils nous sollicitent donc pour une
évaluation avec ledit mineur, de sa situation. D'autres jeunes qui s'en
sont sortis peuvent aussi communiquer notre numéro de portable de rue
pour leurs compagnons en difficulté dans la rue. Parfois motivés
par les premiers, ils peuvent mettre du temps avant de se décider
à quitter la rue.
O. est roumain. Arrivé en France par un passeur
à qui sa famille aurait payé le voyage, il dit devoir travailler
pour rembourser l'emprunt fait par sa famille. Quand nous allons à sa
rencontre le soir, il n'est pas très bavard à la première
rencontre. Il veut juste quelque chose à manger. C'est à la
troisième rencontre qu'il nous expliquera «qu'il a 16 ans et qu'il
veut «travailler» jusqu'à ses 17 ans et arrêter la
rue». M. a dix-sept ans. Elle est nigériane. Elle serait
arrivée en France avec une tante qui aurait promis à ses parents
de «l'aider à réussir dans la vie». La famille aurait
emprunté de l'argent pour financer le voyage. Arrivée en France,
elle s'est retrouvée dans un réseau de prostitution. Elle nous
explique : «J'ai envie d'arrêter ce que je fais pour aller
à l'école. Mais si je ne paye pas les dettes de mes parents, ils
seront tués.» Tels sont les quelques dilemmes auxquels sont
souvent confrontés ces mineurs. Quand ils nous demandent comment nous
pouvons les aider, nous leurs proposons un accueil dans le service pour les
mettre à l'abri dans un premier temps.
b) l'accueil.
Au cours des premiers temps de l'accueil du mineur dans le
service, il faut satisfaire à ses besoins les plus
élémentaires : manger, prendre une douche, se changer, dormir ou
se reposer.
Nous avons constaté que beaucoup de jeunes arrivent
dans un état de grande fatigue, de faim et de dénuement. Le
travail éducatif visera la satisfaction de ces premiers besoins. Deux
référents sont attribués aux jeunes dont un issu de sa
culture ou parlant sa langue. La prise en charge de l'aspect culturel parait
importante dans l'accompagnement du mineur. Les premiers temps de l'accueil
servent aussi au recueil des premiers renseignements. Dans la mesure du
possible, nous tentons d'obtenir son nom, son prénom, son âge et
sa nationalité. Ces renseignements servent à lui créer un
dossier référencé, interne au service. Il sert aussi au
«pré signalement» auprès du parquet et de la cellule
d'accueil des mineurs isolés étrangers (C.A.M.IE.). Le parquet,
à son tour, enverra une réponse au «pré
signalement», en communiquant un «dossier parquet».
Les référents éducatifs sont
chargés d'accomplir ces formalités. Le jeune peut avoir envie de
parler ou de se raconter tout de suite ou le lendemain. Il s'agit d'être
disponible à son écoute sans qu'il se sente sous pression. Je
vais le rassurer en lui parlant de mon travail. Lui faire visiter la structure
et lui présenter le personnel et les autres jeunes participent au
travail de mise en confiance que nous privilégions lors de l'accueil.
c) Le référent éducatif.
Il va suivre le quotidien du jeune dont il a la charge, mettre
en place des entretiens pour la reconstitution de son histoire, aider le jeune
dans la recherche de son identité. Il accompagne aussi le jeune dans les
démarches administratives, sanitaires et juridiques. La
référence se fait en binôme avec un des deux connaissant la
culture ou parlant la langue. L'autre éducateur non issu de la culture
sert à avoir, entre autre, un «regard extérieur».
Le but de la référence est de rendre plus
efficace l'accompagnement à la problématique du jeune.
d) L'accompagnement
socio-éducatif.
Comme je l'ai mentionné précédemment,
l'accompagnement éducatif est basé sur l'évaluation des
besoins et des problématiques que rencontre le jeune. L'éducateur
doit tenter d'adapter ses réponses et rendre le jeune «acteur de
son projet».
Pour mener à bien les projets du jeune, l'outil de
travail le plus utilisé est l'entretien.
- L'entretien.
Il vise deux objectifs principaux, celui de permettre au jeune
de se soulager par la parole, puis de formaliser ses projets. Avant de
démarrer l'entretien, le jeune doit être informé du but et
de la durée de l'entretien. Comme je l'ai déjà dit, Il
faut éviter de se mettre en tête l'idée que l'enfant ment
ou tendre à la culpabilité. Il se peut aussi, qu'à l'issue
de l'entretien l'équipe mette en place une évaluation scolaire
interne ou externe. Je parlerai plus loin des objectifs de l'entretien.
- L'accompagnement
Le jeune qui arrive avec un document d'identité
(passeport ou carte d'identité) après son évaluation,
sera présenté à la CAMIE (Cellule d'Accueil des Mineurs
Isolés Etrangers) qui est un service de l'Aide Sociale à
l'Enfance, pour une prise en charge socio-éducative.
Si le jeune n'a en sa possession aucun document
d'identité il sera désormais mis en contact avec les
autorités consulaires de son pays.
Le jeune se présentant dans le service sans documents
d'identité est aidé dans la recherche de ces documents s'il
dispose d'un contact dans son origine, sinon il sera présenté aux
autorités de son pays. Certains jeunes se les font confisquer par les
passeurs à leur arrivée
D'autres encore en proie à des réseaux de
trafiquants (qui ont pris les papiers), les ont obligés à se
prostituer.
Quand nous ne pouvons pas obtenir les papiers, le jeune est
orienté vers la CAMIE (Cellule d'Accueil des Mineurs Isolés) qui
demande « un examen de maturation osseuse » auprès
du parquet. Ce qui est avantageux en cas de déclaration de
minorité, mais de grosses difficultés en perspective en cas de
déclaration de majorité du jeune.
Désormais quand les jeunes se présentent sans
ses documents, suivant les motifs justifiant de l'absence de ces documents, une
déclaration de perte ou de vol est faite auprès des
autorités de police.
L'éducateur les accompagne par la suite à
l'ambassade de son pays.
La démarche auprès de l'ambassade a pour but de
présenter le jeune aux autorités de son pays d'origine, afin
qu'il soit reconnu en tant que un ressortissant de ce pays.
Ces autorités consulaires vont reconnaître
l'identité du jeune et produire des preuves qui seront
présentés aux autorités françaises.
Dans ce cas comment l'éducateur va définir les
priorités entre les différentes urgences qui se présentent
et auxquelles est confronté le jeune ?
Si nous partons du postulat que l'éducateur appuie son
intervention essentiellement sur l'établissement d'une relation avec les
personnes qui viennent à lui ou qui lui sont confiées, il s'agit
pour l'éducateur de mettre en place des moments de partages,
d'échanges. C'est cette présence auprès du jeune, de
son vécu émotif que l'on appelle relation. L'intervention
de l'éducateur se doit d'être axée sur trois
pôles : « le sujet, objet de
l'intervention »13(*), l'intervenant et le « contexte
dans lequel se déroule l'intervention ». J'ai constaté
durant mon stage au sein de ce service que toute relation éducative est
basée sur la confiance. A l'arrivée de la plupart des mineurs,
beaucoup sont dans un état de faiblesse, de fatigue, de fragilité
et de vulnérabilité. Comment mettre en place une relation
basée sur la confiance quand j'ai en face de moi un jeune qui a
été trahi par les adultes ? J'ai compris que la meilleure
façon de le mettre en confiance afin d'aborder sa problématique
est de prendre conscience de multiples concepts liés à sa
problématique qui l'assaillent d'où le développement
d'outils spécifiques adaptés aux jeunes, aux normes de
l'institution utilisés par toute l'équipe.
Les outils les plus couramment utilisés par
l'équipe sont : l'écoute, l'observation, l'entretien et la
relation d'aide.
L'écoute.
C'est un dispositif, une façon d'être, un
positionnement qu'en tant qu'éducateur je dois mettre à la
disposition de l'autre afin de comprendre ce qui l'a amené
jusqu'à moi. Il s'agit comme le mentionne le dictionnaire Petit
Larousse, d'être «attentif et réceptif» à la
parole de l'autre. C'est en l'écoutant que je vais comprendre et
identifier son problème. Je vais ensuite le rassurer et lui expliquer
mon rôle. Le dispositif d'écoute est un outil à part
entière utilisé par l'équipe éducative à
divers moments de la prise en charge ; que ce soit lors de la rencontre dans la
rue, l'accueil dans le service, les entretiens.
L'écoute du jeune donne un sens à sa
présence dans le service, et détermine la suite de la prise en
charge. Michel Lemay et Maurice Capul distinguent deux niveaux d'écoute.
« Le premier niveau d'écoute permet au jeune de se sentir
compris et le deuxième va consister à «décoder les
contenus latents »» Cela permet de déceler ce qui se
cache derrière les expressions dites et non dites. Cela va
déboucher sur une relation basée sur la confiance et le respect
mutuel et pour l'éducateur à l'acceptation de la personne dans
ses richesses et ses limites.
L'observation.
Le dispositif d'écoute intègre aussi celui de
l'observation. L'éducateur observe la parole du jeune, puis sont
comportement général en lien avec son évolution dans le
service. C'est ainsi que les différentes démarches et
activités mises en place visent à une meilleure
compréhension de toute la problématique du jeune. Le but est pour
l'équipe d'être au plus près de la réalité de
la demande du jeune et à avoir une orientation qui réponde
à ses capacités réelles.
L'entretien.
L'entretien est le lieu où se pratique l'écoute
et l'observation. Au cours d'un entretien de prise en charge et/ou d'admission
et d'un entretien éducatif, c'est par la parole, le désir de
verbaliser les actes et les actions avec et pour le jeune que se déroule
l'entretien. Il sert à recueillir les informations sur le jeune, sa vie,
son histoire. C'est naturellement par l'écoute de ce que l'autre
transmet que nous lui démontrons «respect et estime»
affirme Michel Lemay et Maurice Capul. Dans le cadre de ma fonction, j'ai
conduit des entretiens formels et informels.
Entretiens formels : Ce sont des entretiens obligatoires qui
font partie du contrat d'accueil du mineur.
On distingue l'entretien d'accueil, les entretiens au cours
des suivis éducatifs et les entretiens d'orientation.
Les entretiens informels : se déroulent sans
rendez-vous, sans contrat, presque dans la spontanéité. Si le
jeune rencontre des problèmes, se pose des questions à son sujet,
sur nous, sur les autres, s'il a juste besoin d'être
écouté, les entretiens informels servent à cela. C'est un
entretien centré sur la personne et ses craintes. C. est accueilli
depuis deux mois au centre. Elle trouve le temps long. Elle se demande pourquoi
«rien n'avance depuis que nous avons envoyé le courrier chez le
juge». Le travail d'observation va tenter de comprendre quel sentiment ou
ressentiment la jeune cache derrière sa question. Dans «pourquoi
rien n'avance ?», nous entendons une angoisse développé
par le temps (qu'elle trouve long) de sa prise en charge qui ne devrait pas
excéder 15 jours selon le contrat. «L'entretien sur le champs»
(encore faut-il réunir tous les éléments
nécessaires : collègues, temps ...) va permettre
d'écouter, d'entendre et de répondre aux angoisses de celle-ci.
III. Le travail éducatif au quotidien
A. Comment s'y prendre ?
Beaucoup, voire tous les mineurs (ou présumés
tels) qui arrivent et sont accueillis dans le service, sont dans un état
de souffrance. Selon leurs histoires, comment ils se l'approprient et ce qu'ils
en disent (ou même le silence qu'ils gardent) témoigne de
souffrances, vécues, subies ou perpétrées. Au cours des
entretiens que j'ai menés, j'ai recueilli des histoires de vies
émaillées de violences, de ruptures, d'abandon, de mort. Afin de
rester efficace dans l'accompagnement de ces mineurs, l'ensemble de
l'équipe a demandé une supervision de nos pratiques. Nous avons
commencé à réfléchir sur la manière
d'accompagner l'autre dans sa souffrance sur notre place et sur celle du jeune
accueilli. Nous avons compris au fil des séances que nous ne faisions
pas qu'accueillir, mettre à l'abri et orienter les « mineurs
isolés ».
1) La relation d'aide.
Nous sommes interrogés sur leurs souffrances.
« Si jeunes et déjà autant de souffrances, de
drames ». Disaient certains,
« misérabilistes » répondaient d'autres. Nous
étions tous d'accord pour ne pas hésiter à parler de
traumatismes concernant beaucoup (tous ?) de jeunes accueillis pour
accentuer la notion de danger au moment de l'orientation.
C'est ainsi qu'au fil des histoires que nous relatent ceux qui
se sentent suffisamment en sécurité pour parler, nous entendons
des jeunes qui ont fuit des guerres, subit des viols, des rapts, des massacres
et trafics humains en tout genre.
Parfois, certains sont suffisamment lucides pour nous parler
de leurs positionnements et de leurs rôles dans certains de ces
événements.
Pour ma part, il est clair que lorsque j'entends un mineur de
15 ans raconter comment il a été enrôlé à 10
ans comme « enfant soldat » et qu'il a participé
à des massacres.
Celui-ci a autant besoin d'être aidé que cette
jeune fille, violée par des soldats.
Ainsi, apparaît-il des situations où coupables
et bourreaux sont des victimes.
Comment organiser cette aide en direction des personnes
victimes qui verbalisent ou non cette souffrance ?
Le travail de réflexion en équipe permet parfois
aux éducateurs de réfléchir ensemble afin de prendre des
décisions et orientations qui correspondent aux besoins du mineur.
C'est ainsi, que, soucieux de prendre en compte lesdites
souffrances de ces jeunes comme faisant partie de notre travail, nous avons mis
en place un partenariat avec une association spécialisée dans le
traitement des traumatismes des populations en exil et victimes des guerres.
La relation d'aide va aider à entendre et identifier la
souffrance du mineur lors des entretiens, des activités et tous les
moments du quotidien. Observer, s'interroger, réfléchir en
équipe lorsque un comportement nous parait
« anormal » peut aider à ne pas se tromper ou de
précipiter l'orientation du jeune.
2) la vie quotidienne
a) La vie quotidienne
Le lever se fait à 8 heures et le petit déjeuner
jusqu'à 10h. Les jeunes qui n'ont pas de rendez-vous à
l'extérieur participent au cours de FLE pour commencer l'apprentissage
du Français.
Ainsi il est important de rythmer la journée de ces
mineurs afin de leur fixer des repères.
Les moments du repas, de cours, et dans divers ateliers
participent aussi à des objectifs à la fois éducatifs et
conviviaux. Ce sont des moments de rencontres entre plusieurs cultures,
plusieurs religions, plusieurs langues.
Le génie du travail consiste à faire que la
cohabitation se fasse sans heurts et dans la bonne ambiance et le respect de
l'autre.
A ce même titre, chacun participe aux tâches
quotidiennes, et nous leurs disons souvent que chacun à sa part de
responsabilité dans ce qui se crée ou dans ce qui se
dégrade.
b) Les activités
Comme je l'ai mentionné avant, les activités
sont des outils pour les éducateurs servant à observer le
comportement des jeunes. Les activités ont aussi des objectifs
ludiques.
N'oublions pas que comme tous les adolescents ils ont besoin
de sortir, de s'amuser, de se défouler et d'avoir une vie privée.
L'accompagnement pour l'activité est assuré pendant les premiers
moments de leur arrivée.
Un après-midi je suis allé accompagner un groupe
de jeunes au terrain de foot. La plupart de ces jeunes ne se connaissaient
pas.
Le travail d'accompagnement ici va consister à
être avec eux pendant plusieurs séances de foot à jouer
avec eux, à permettre que tous se familiarisent les uns avec les autres.
Je crée un facteur de lien. Je me suis rendu compte que comme avec les
petits enfants, le jeu en lui-même est un moyen de communication.
Il peut être un tremplin qui va permettre à des
personnes de développer d'autres moyens de communiquer quand le jeu
cesse.
Après avoir accompagné plusieurs fois ce groupe
de jeunes, j'ai compris qu'il fallait les laisser s'organiser entre eux.
Les activités contribuent dans notre travail à
enrichir l'expérience par un regard porté sur le ou les jeunes en
dehors de l'institution.
Maintenir le cadre est essentiel pour que les jeunes puissent
s'en rappeler quand ils sont seuls.
3) Les partenaires
Nous avons vu tout au long des passages
précédents que l'éducateur ne travaille pas et ne doit pas
travailler seul.
Les personnes extra institutionnelles telles que l'Aide
Sociale à l'Enfance, les associations, la justice, les hôpitaux,
l'Education Nationale sont constitués de personnes sensibles à la
problématique des mineurs étrangers isolés.
Dans le traitement de cette problématique chacun tente
d'apporter des outils qui vont compléter celui de l'autre, afin
d'être au plus près des besoins du mineur.
Les partenaires sont ceux avec qui nous
réfléchissons pour bannir les méthodes inhumaines,
dégradantes.
Lorsque le service mineur s'est rendu compte qu'il y'avait une
trop forte recrudescence de demande d'examens de maturation osseuse avec un
nombre important de déclarés majeurs issus d'une zone
géographique bien précise, le service s'est concertée avec
les associations partenaires du dispositif afin de prendre une décision
commune respectant l'intérêt et l'intégrité physique
des jeunes. C'est d'un commun accord que tous ces partenaires ont
dénoncé certaines pratiques discriminatoires, dégradantes
et inhumaines.
Le partenaire peut être celui avec qui nous
élaborons de méthodes de travail, et échangeons sur des
pratiques professionnelles qui peuvent être distinctes mais
complémentaires. Le partenaire c'est aussi celui qui apporte son
concours financier et celui que nous informons régulièrement du
danger de la situation des jeunes en errance, de l'évolution des lois,
et des souffrances et des sévices subis par les jeunes.
Le partenaire est aussi un mécène qui finance
un programme ou une activité et fait des dons. Le travail en partenariat
se fait aussi avec des médecins, des hôpitaux, des
thérapeutes spécialisés, l'Education Nationale.
Tous ces organismes peuvent nous adresser des mineurs
lorsqu'ils les estiment en danger pour une évaluation de sa
situation.
Ces travaux en partenariat sont d'autant plus importants que
les mineurs sont sans référents parentaux. Quels sens peut
prendre, et comment se situer, dans le travail avec la famille ou les
familles ? Kabongo est un jeune de 16 ans arrivé du sud Kivu en
république démocratique du Congo, une zone de l'Afrique où
règne une instabilité politique. Arrivé en France sans
documents de voyage, il a été retenu en zone d'attente. Nous
avons été informés par une association partenaire qui est
autorisée à accéder en zone d'attente. Après 8
jours de détention, des démarches ont été
entreprises auprès des autorités judiciaires afin d'obtenir sa
libération ; Grâce aux information fournis par cette
association partenaires, d'autres associations se sont mobilisées, et ce
jeune déjà en souffrance, traumatisé par son accueil en
France a été sauvé in extremis des mains des
filières qui ont organisé son entrée en France.
4) La famille
L'accueil et la prise en charge des mineurs étrangers
isolés se fait en l'absence de tout référent parental ou
familial connu en France.
Néanmoins certains jeunes ont gardé le contact
avec leurs parents, une adresse, celle du voisin, d'un ami de la famille, le
numéro de téléphone de la cabine du quartier peut servir
à entrer en contact avec la famille.
Mais certains jeunes par peur d'être renvoyés
dans leur pays hésitent à communiquer ces adresses ou
numéros de téléphone. Ils ont peur aussi que l'on se
serve de ces indices pour retrouver ceux qui les ont fait rentrer en France.
Les premiers temps de l'arrivée du jeune dans notre
service sont les moments de tous les secrets. Les jeunes ne veulent rien dire.
Or la première question que nous leurs posons est de savoir si le mineur
connaît quelqu'un de sa famille que nous pouvons prévenir.
Si la réponse est « non », nous
considérons que les parents sont absents ou incapables de se manifester.
Comment régler la question de l'autorité parentale tant la
plupart des démarches à effectuer requièrent la signature
d'un représentant légal.
L'article 375 et suivants du code civil dit que quand les
parents sont absents ou ne peuvent pas se manifester, cela peut compromettre
les conditions d'éducation et un juge pour enfant doit être saisi
pour ordonner la protection de l'enfant.
Cela peut-il suffire à résoudre tous les
problèmes qui assaillent un enfant étranger seul dans un pays qui
n'est pas le sien ?
Outre cette absence parentale ou familiale dont il faudra
prendre en compte dans le processus d'aide et d'accompagnement il faudra aussi
tenir compte du travail sous d'autres aspects tels que :
- La configuration de l'aide sociale
« axée » plutôt vers le retour du jeune dans
sa famille.
- Les conditions d'adaptation d'un enfant étranger
à son nouvel environnement avec toutes les barrières sociales,
culturelles, linguistiques.
- L'absence de la famille et la rupture physique avec sa
culture. Le fait que pour la plupart leur projet d'accompagnement doit
être axé sur un projet de vie en France.
Dés lors, on constate qu'après avoir fait
entendre leur désir et projet de rester en France, ces jeunes restent
stigmatisés par leurs statuts.
Ces statuts dépendent des différentes
démarches administratives à accomplir.
5) L'accompagnement administratif
a) Les démarches administratives.
Le concept « d'administration » prend son
sens, à partir du moment ou l'adolescent accepte et signe le contrat
d'accueil.
A son arrivée un dossier est ouvert et un numéro
est attribué au jeune. Après avoir procédé à
mettre un jeune en confiance et en sécurité, étape
nécessaire avant toute démarche, il est important que celui-ci
puisse s'approprier les lieux, nouer des affinités ou non, créer
des liens avec les autres.
En principe l'accompagnement administratif s'inscrit dans les
démarches qui vont aider le jeune à partir.
A l'arrivée de ce jeune la première
démarche à faire est le pré signalement à envoyer
au parquet. Il comporte les premières informations recueillies
auprès du jeune : nom, prénom, âge,
nationalité, type de papiers.
Ceci permet au parquet de vérifier que le jeune n'est
pas déjà inscrit dans ses fichiers. La suite des démarches
concerne les visites médicales obligatoires afin de vérifier que
le jeune n'a contracté aucune maladie contagieuse.
Dans la plupart des cas l'absence de couverture maladie et
l'absence des parents posent des difficultés aux professionnels qui ne
veulent pas soigner les jeunes dans ces conditions.
J'ai accompagné un jour à la
Pitié-Salpétriére (qui a un service de soin dentaire
réputé), trois afghans dont les dents étaient
complètement abîmées. Ils se plaignaient en permanence
d'avoir mal.
Arrivés dans cet hôpital, ces jeunes se sont vus
refuser les soins d'abord parce qu'ils n'ont pas de couverture maladie et
ensuite parce qu'ils étaient mineurs.
J'ai rappelé à l'agent, chargé de
l'inscrire aux soins, qu'il y avait un panneau juste au-dessus de sa tête
qui affichait « En cas d'urgence les mineurs peuvent être
soignés en priorité ».
Nous sommes arrivés à 9 heures du matin et nous
sommes repartis à 22 heures.
J'ai insisté pour que ces jeunes soient
soignés.
Ces questions et d'autres encore comme celle de la
détermination de l'âge, ou de l'authenticité des papiers
qu'ils présentent, font partie du lourd quotidien des mineurs
isolés.
La question se pose en matière de compétences
tant sur le plan territorial que départemental, de la prise en charge
financière d'enfants qui n'appartiennent à aucune circonscription
territoriale ou départementale française.
Est-ce cela qui fait diluer leurs statuts d'enfants en danger
en sans papiers ?
Ce qui suppose que le jeune se trouve en situation de danger
ou de vulnérabilité. En écoutant ces jeunes, je me suis
rendu compte que ceux-ci ignorent le long chemin des démarches
administratives car après le pré signalement au parquet, celui-ci
nous renvoie une réponse consistant en un numéro de dossier.
Il estime que le jeune n'est pas en danger immédiat,
étant accueilli par nos services.
Le parquet dans ce cas peut rendre une ordonnance de placement
provisoire.
Le cas échéant, le jeune est
présenté à la cellule d'accueil des mineurs
étrangers isolés, un service de l'ASE, qui selon deux
procédures accordera la protection du mineur.
Le cas contraire, celui-ci passera un EMO (Examen de
Maturation Osseuse) demandé par l'ASE.
Il apparaît que le sort de ces mineurs, le droit pour
eux de rester et de construire leur projet en France, et même parfois le
droit d'accomplir certains actes élémentaires comme se soigner,
est toujours suspendu à leurs statuts d'hypothétique de sans
papiers.
Rappelons que les mineurs isolés sont des enfants qui
fuient des drames de toutes sortes dans leurs pays, que d'autres sont victimes
de drames dans notre pays. Tous ont en commun d'être isolés, sans
famille, sans personne.
Tous demandent de l'aide à la France. Souvent dans leur
fuite beaucoup n'ont pas eu le temps de rassembler les documents
nécessaires. Beaucoup n'avaient pas prévu de changer de pays.
Etant donné le contexte difficile, il a fallu
réfléchir sur le sens que peut prendre le projet
individualisé pour le mineur.
En règle générale, à leur
arrivée dans le centre, la plupart de ces mineurs ont leur projet. Ces
projets viennent des rêves qu'ils ont entretenus.
Mon rôle a souvent été avec les jeunes
d'articuler ce projet avec la réalité. Le sentiment d'être
considéré comme un membre de la machine à broyer les
rêves m'a souvent parcouru.
Après que des jeunes aient essuyé des refus de
prises en charge par L'ASE, alors, la relation de confiance en prend un
sérieux coup.
Cet épisode m'a appris que lorsque la situation est
bloquée, le rappel à la loi et la patience à toute
épreuve permettent d'obtenir une réponse.
L'enjeu était de faire disparaître cette douleur
qui tenaillait les jeunes. A tel point que l'empathie n'était suffisante
pour compatir à la douleur de ces mineurs. Les médecins
étaient conscients de la souffrance des jeunes mais toutes leurs dents
étaient cariées et demandaient une prise en charge qui aurait
paralysée tout le service, m'a- t - on expliqué par la suite.
Les médecins ont procédé au nettoyage des
dents, administré un traitement puis donné un rendez- vous pour
le lendemain.
J'ai contacté, par la suite, l'assistante sociale de
l'hôpital, afin qu'ils leur soient établis une aide
médicale d'état (AME).
Deux jours après, les caries des 3 jeunes avaient
été soignées et ils pouvaient enfin sourire de toutes
leurs dents.
Même si je pouvais comprendre le raisonnement des
médecins, j'interrogeais sans cesse leur éthique. Pour ma part,
rien ne peut justifier ce que je considère comme une indifférence
aux souffrances de ces jeunes.
Je ne comprenais pas qu'un hôpital public
français puisse faire une entorse à la règle. Encore une
fois, la souffrance du jeune venait se mettre en concurrence avec son statut.
La douleur devait - elle attendre les papiers ?
Je pense qu'il fallait agir, insister pour que ces jeunes
soient soignés.
Ces épisodes résument la situation des mineurs
sans référents parentaux en France partagés entre le
danger qu'ils encourent et la maîtrise du flux migratoire.
La vie de ces mineurs est comme suspendue par l'absence de
papiers.
Cas de pratique
Je vais commencer par illustrer l'impact que peut avoir
certaines décisions administratives sur le bien-être d'un
jeune.
P. est un jeune de 16 ans accueilli dans le service pour une
mise à l'abri. A son arrivée, c'était un jeune
fragilisé. Nous avons pensé à l'orienter, une fois qu'il
serait reposé et qu'il aurait repris des forces.
A l'approche de son départ, il a essayé de se
suicider. Mais avant de se jeter par-dessus la rambarde à 10
mètres de hauteur, il a prévenu suffisamment à temps pour
qu'on le retienne. Ce sont les jeunes qui étaient près de lui qui
l'on retenu. Une fois maîtrisé l'adolescent a commencé
à se battre de toutes ses forces et devenait très violent.
Nous avons appelé les pompiers. Ceux-ci l'ont
maîtrisé puis l'ont emmené au service de psychiatrie
infanto- juvénile. Le psychiatre en charge du mineur, connaissant notre
association, a proposé de nous rencontrer afin de
réfléchir avec P. sur l'aide et les soins à lui
apporter.
Au fil des entretiens il s'est avéré que
l'ampleur du traumatisme était très importante du fait de son
histoire personnelle et familiale.
Est-ce le fait d'avoir voulu respecter le délai de 15
jours imparti pour l'accueil, l'élaboration de son orientation, qui nous
a poussé à ne travailler que sur l'aspect administratif de la
problématique de ce jeune ?
P. n'avait pas terminé son travail de deuil de sa
famille. D'ailleurs avait- il pu le commencer ? Les rencontres entre le
psychiatre, le chef de service, l'adolescent et moi lui ont permis d'amorcer
son travail de deuil. Les séances successives nous ont permis de
réfléchir sur la possibilité d'une orientation du jeune
vers un service psychiatrique spécialisé dans le traitement des
traumatismes des enfants en exil.
J'ai souhaité relater cette histoire car elle
reflète la problématique que je vais traiter.
Même si la relation d'aide dans cet accompagnement
s'avère utile, son utilité réside dans la
pluridisciplinarité des compétences mise en place pour aider le
jeune.
Comment ce fait il qu'un mineur arrivé en errance et en
souffrance dans nos services demande de l'aide, et la seule réponse que
nous avons à lui proposer c'est de ne l'aider que s'il a ses
papiers ?
b) L'administration et la situation de P.
La situation de P dont j'ai commencé à parler, a
profondément bouleversé le service par la violence des faits
constitués. P. est un adolescent venu de côte d'Ivoire un pays
actuellement en guerre. L'adolescent vit dans la capitale avec ses parents, son
frère et sa soeur. Il n'avait pas l'intention de quitter son pays.
A son retour, il retrouve ses parents assassinés.
Recherché lui aussi, ce sont les voisins qui l'aident à s'enfuir.
Un ami de son père l'aidera à quitter le pays, muni de faux
papiers.
Je reçois cet adolescent qui est accompagné par
un éducateur de rue, d'une association partenaire. Deux autres jeunes
sont avec lui, des jumeaux, tous des compatriotes. Ils se sont
rencontrés dans le squat où ils vivaient tous à Paris et
tous demandent de l'aide.
J'ai été désigné pour être
le référent éducatif et culturel de P.
A son arrivée dans notre service en plein mois de
décembre, le jeune m'a paru prostré et très
fatigué.
Le squat où ils vivaient n'ayant aucun confort, ils
dormaient tous dans le froid.
Il m'a semblé plus urgent de m'occuper de son
état physique, de veiller à ce qu'il se lave, mange et se repose
le temps qu'il faut.
Pendant son temps de repos, je signale sa présence au
parquet des mineurs, puis je prends rendez-vous au comité médical
des exilés pour la visite médicale obligatoire.
Cette visite sert à s'assurer que le jeune n'a
contracté aucune maladie contagieuse.
Au moment de l'entretien, P. commence par me raconter son
histoire. Je remarque en l'écoutant qu'il me parle de lui mais s'en
faire allusion à ses parents à sa famille.
Quand je lui demande comment et avec qui il est arrivé
en France, il éclate en sanglots. Je le laisse aller au bout de ses
sanglots, une fois qu'il est calmé je lui demande ce qui le chagrine.
Il me dit que c'est un ami de ses parents qui lui a fait
quitter son pays.
Je lui demande s'il peut parler de ses parents, de son
frère et de sa soeur. Son père était un militant politique
et pour divergence d'intérêts, liée à la situation
du pays, il s'est fait des ennemis opposés au parti qu'il
représentait.
Son fils a pu échapper à la mort parce qu'il
était parti jouer au foot.
L'adolescent, qui me confie son histoire, demande pourquoi il
a survécu, et me parle de vengeance.
La crainte pour nous était que l'adolescent s'enfonce
dans un sentiment de devoir, et qu'il finisse par commettre
l'irréparable, comme retourner dans son pays et s'enrôler
dans l'armée pour « venger sa famille ».
Le jeune même si c'était difficile
souhaité raconter son histoire.
Il a commencé à pleurer, puis, au fil des
séances, il semblait prendre de la distance avec son histoire mais
j'avais toujours l'impression que le jeune portait un fardeau dont il fallait
le décharger.
Participer à des groupes de parole l'a aidé
à se déculpabiliser. Le groupe de parole pouvait l'aider à
verbaliser, à parler de sa violence et à la confronter à
celle des autres. C'est ainsi que les activités comme le sport, que j'ai
mis en place avec les jeunes, participaient à autant de moments de
loisirs, d'observations, d'apprentissage mutuel.
Il n'est pas anodin pour un adolescent de 15 ans de perdre sa
famille et de se retrouver en plus confronté à la
dépouille de ceux-ci.
Que dire si de plus il est en danger de mort et obliger de
fuir son pays, sa culture, ses amis, ses racines, menacé par les
assassins de sa famille. Arrivé en France, c'est une autre page de son
histoire qui s'écrit. Il va devoir faire chemin seul.
Dans sa recherche de compatriotes il se retrouve dans un squat
avec ceux-ci. Sait-il qu'il est mineur et que les lois les
protégent ?
La rencontre avec un compatriote bénévole d'une
association partenaire a réussi à le mettre suffisamment en
confiance pour qu'il accepte de venir nous rencontrer.
Même si cet adulte a gagné sa confiance nous
nous apercevons qu'il faut aider l'adolescent à regagner sa confiance en
l'adulte, mais par ailleurs qu'il faut aussi l'aider à se reconstruire.
Mais que doit-on reconstruire exactement ?
Peut- on reconstruire quelque chose pour cet adolescent qui
dit avoir tout perdu ?
Ces questions que j'ai soulevées avec mon binôme
ont fait l'objet d'une discussion avec le chef de service. Et lors des
instances d'analyse de mise en pratique, il en ressort qu'il faut aider le
jeune à restaurer plusieurs représentations d'images (celles
qu'il se fait sur les adultes), de symboles (ce que représente ce pays
qu'il a du fuir), de valeurs (l'importance de le vie malgré tout),
qu'ils avait acquis. Et donc la disparition de sa famille l'a mis dans une
situation de rupture, de négation de ces images valeurs et symboles.
Le jeune se retrouve dans une situation de vide (par l'absence
de repères) et de trop plein (ses difficultés à accepter
les nombreuses règles qui régissent le centre) où loin de
ses valeurs, de sa culture il peine à intégrer de nouvelles
règles pour avancer.
Percevant cela nous voulons l'orienter au plus vite, mais le
jeune n'a pas de papiers et son hospitalisation en service infanto-
juvénile a nécessité un signalement auprès du
procureur de la république.
Ce signalement mentionne l'état d'un mineur sans
papiers, sans couverture maladie et aussi sans référents
parentaux. Il est demandé au procureur d'organiser sa protection. Le
parquet a ordonné un examen d'âge osseux qui l'a
déclaré majeur à plus de 18 ans.
Le parquet dit qu'en l'absence de papiers d'identité
probants prouvant sa minorité, le jeune sera soumis à cet examen.
Avant de poursuivre je vais définir ce qu'est un examen d'age osseux.
-L'examen de maturation osseuse
C'est un ensemble d'examens dont la méthode la plus
courante consiste à faire des radiographies de la main et du poignet
gauche.
Les clichés pris sont ensuite comparés à
des tables de référence dit de Greulich & Pylle qui ont
créé cet atlas en 1935 pour déceler des maladies,entre
autres des cas de retards de croissance ou de précocité de
croissance chez des enfants dont l'âge était connu.( 14(*))
Leurs recherches vont concerner des enfants des milieux
favorisés aux Etats-Unis.
On peut donc considérer que l'examen osseux a
été détourné de ses objectifs d'origines.
Selon A. Etiemble, « le processus de
détermination illustre cette approche ambiguë de la question des
mineurs isolés étrangers. Ils ne sont pas
considérés comme des enfants en danger et certains doutent de
leur état d'enfants ».
En ce qui concerne le jeune P. nous lui avons montré la
lettre du procureur et nous lui avons expliqué les tenants et les
aboutissants de l'examen d'âge osseux.
Même si ne nous sommes pas d'accord avec la
décision du parquet nous devons respecter la loi.
Le jeune était confiant, sûr de sa
minorité. Il nous disait : « C'est quand pas une
machine qui va dire mon âge ? Moi je vous ai dit la
vérité. »
Nous étions tous dans l'expectative sachant que c'est
un examen nous paraissait aléatoire et surtout depuis qu'un autre jeune
qui nous disait avoir 13 ans a été déclaré majeur
une première fois puis mineur lors d'une contre expertise. J'ai
accompagné P. ce matin là, à l'hôpital Trousseau
où il a été très ému de voir d'autres jeunes
qui se présentaient, menottés par les policiers, pour
l'examen.
Ce qui pose la question de la condition de travail pour les
médecins et d'examen pour le jeune.
Au résultat, P. est déclaré majeur
à plus de 18 ans il n'a aucune réaction, il reste impassible, le
trajet de retour au centre se déroule contrairement à l'aller, en
silence.
On dirait qu'il est sonné mais tente de rester digne.
Je vais le voir pour discuter avec lui. Je lui demande ce qu'il pense du
résultat de l'expertise. P ne dit pas un mot du reste de la
journée.
Il me répond :
« De toute façon je vous l'avais dit,
c'est pas une machine qui vous donné mon âge, c'est moi et je vous
ai dit la vérité. » Il me semblait important pour
lui que nous le croyons.
Puis le soir, il a refusé de manger et de participer
à sa part de tâches.
Les jours suivants, il a refusé de participer au
footing matinal que j'ai mis en place avec lui. P. était informé
que les conséquences de son examen impliquaient son départ, c'est
ce qui le révoltait. Il fallait lui trouver un hébergement
d'urgence dès le lendemain.
Ne supportant pas l'idée de ce départ
vécu comme un échec, il a tenté de mettre fin à ses
jours en se jetant par-dessus la rambarde de 10 mètres et heureusement,
comme je l'ai dit au départ, l'adolescent a prévenu d'autres
jeunes qui l'ont retenu avant qu'il ne passe à l'acte.
C'est dans un état de crise qu'il a fallu appeler les
pompiers qui l'ont hospitalisé. Le travail avec la psychiatre s'est
articulé autour d'une amorce de travail sur les problématiques
du jeune.
Le psychiatre ayant pris conscience des ressources du jeune,
noyé dans ses difficultés nous a proposé de faire une
demande conjointe à la nôtre au juge pour enfants.
De notre côté nous avons invoqué les
articles 375 et suivants du code civil pour conseiller au jeune d'écrire
au juge pour enfants ; et lui demander de se saisir de sa situation car il
se trouve en danger. Nous recevrons par la suite une lettre du parquet qui
ordonnait à nouveau une contre expertise, suite à notre
précédent appel.
Nous avons par la suite reçu une lettre du tribunal
pour enfants avec une date d'audience. C'est dans le courant de cette semaine
que nous avons été informés par le compatriote
bénévole qui nous l'a présenté, de l'arrivée
d'un passeport.
Nous avons été très surpris. Il nous dit
avoir été informé de l'impasse administrative dans
laquelle était enfermée le jeune sans ses papiers.
Il y a un contact dans le pays qui s'est rendu à la
mairie du lieu de naissance de P. et il a pu obtenir un acte de naissance, ce
qui lui a permis de faire un passeport. Les documents avaient le mérite
d'être vrais et appartenaient au jeune. Une question demeurait, le jeune
savait-il que des démarches pour son passeport avaient été
établies ?
L'arrivée de ce document lui évitait la contre
expertise à l'examen d'âge osseux. A l'audience P. a
été reconnu mineur, les papiers l'attestant faisant foi. Le juge
n'a pas tenu compte de l'examen osseux, et ne s'est basé que sur la
situation de danger et sur le fait qu'il avait des papiers prouvant sa
minorité.
Le juge a aussi interpellé le mineur sur son parcours
jusqu'en France en tentant de connaître l'identité de celui qui
l'avait fait rentré en France mais sans succès.
Nous préconisons un suivi ethno- psychiatrique,
conformément à la conclusion du travail avec la psychiatre, en
plus du placement d'office. Nous avons aussi insisté auprès du
juge sur la nécessité de soins pour le mineur. Celui-ci n'ayant
pas achevé le travail de deuil de ses proches, il doit être
aidé dans cette démarche.
Le juge est d'accord. Au vue de son histoire le magistrat lui
conseille de réfléchir à une éventuelle demande
d'asile. Il a refusé, il ne souhaite pas demander l'asile.
Il pense que demander l'asile, c'est se mêler de
politique. Après l'audience nous nous entretenons seul avec le juge en
lui expliquant que si l'enfant refuse la demande d'asile, cela peut signifier
qu'il ne s'inscrit plus dans une négation de ses liens avec son pays,
qu'il a une démarche de réconciliation, de reconstruction et de
restauration. La situation de P. a mobilisé beaucoup
d'énergie.
La question des papiers a été
omniprésente tout au long de son évolution dans la prise en
charge. Cette question a occulté ses difficultés et les
traumatismes liés à son histoire personnelle et familial,
à son parcours.
Comme je le disais précédemment, les mineurs
étrangers dont j'ai la charge sont accueillis pour un accompagnement
éducatif dans le cadre d'une absence parentale.
Ces mineurs ont vécu et ont quitté leur pays
dans des conditions qui ont pu se révéler traumatiques :
Ce qui veut dire que je reçois des mineurs qui sont
fatigués, fragilisés, traumatisés.
Le temps de l'accueil, les premiers temps servent à
satisfaire aux besoins primaires du mineur puis de faire connaissance avec les
autres jeunes, l'équipe, et se familiariser avec les lieux.
D'origine Africaine, je maîtrise 4 langues, le jeune se
sent en confiance d'avoir en face de lui un éducateur Français
qui parle sa langue, connaît l'histoire et la géopolitique,
l'économie et les réalités de son pays. Il peut
être encore plus surpris de savoir que je connais son quartier.
Le jeune Moundi, Camerounais anglophone de 16 ans et demi est
accueilli au centre depuis une semaine. Au moment de son accueil, je suis
absent. A mon retour du centre, je découvre que je suis l'un de ses
référents, comme il est d'usage dans le service, d'attribuer un
éducateur référent issu ou connaissant la langue et la
culture du jeune. Le jeune parle et comprend le pidgin, une langue argotique
parlée au Cameroun, au Nigeria, au Ghana, en Sierra Leone et au
Libéria.
L'entretien d'accueil a déjà eu lieu avec mon
collègue qui me remet le compte-rendu de l'entretien. En le lisant, je
m'aperçois que le jeune raconte qu'il a pris le bateau pour la France,
au nord du Cameroun, une province située à l'entrée du
désert. Il est surpris que je lui explique, avec une carte du pays
à l'appui. Il est impossible qu'il ait pris le bateau à cet
endroit, ni même à 500 km à la ronde car il n'y a qu'une
mer de sable à l'endroit qu'il indique. Le jeune a profité du
fait qu'il n'y ait pas d'éducateur connaissant son pays au moment de
l'entretien pour raconter une histoire assez fantaisiste. Mon collègue a
cru qu'il ne parlait que le pidgin, alors que toute personne parlant cette
langue parle aussi anglais. Celui-ci confirme que l'entretien a
été pénible, car il a dû faire beaucoup de signes et
de dessins pour tenter de comprendre le jeune. Je propose à Moundi de
reprendre l'entretien et de le faire valider à nouveau par le
responsable du service. S'il est important de connaître l'histoire du
jeune afin de transmettre aux autorités une histoire qui reflète
la réalité de vie du jeune, il est aussi important pour le jeune
de ne pas commencer une nouvelle histoire dans un pays où il veut vivre,
par le mensonge. Pour cela la connaissance de tous les éléments
constitutifs de la culture du jeune sont importants. A ce stade de la prise en
charge, le mineur s'approprie l'espace et les lieux.
L'issue de l'entretien détermine la priorité
à donner aux démarches, suivant l'urgence de la situation, et la
prise en charge à mettre en place pour le mineur en fonction de ses
difficultés, de son histoire, des soins à apporter ou des
démarches à entreprendre.
Le mineur qui a subi des violences n'aura pas la même
prise en charge que le mineur qui est mandaté pour des besoins
économiques.
Le quotidien dans le service s'articule, pour le jeune, autour
des démarches, des soins, des questions matérielles et
juridiques.
Les premiers temps vont permettre au mineur de
découvrir le fonctionnement du service, la culture du pays accueillant,
le partage, le quotidien et ses contraintes.
A savoir que celui- ci doit partager les tâches
quotidiennes avec les autres jeunes et apporter sa contribution au bon
fonctionnement du service.
B. La relation de confiance
Faut-il rappeler que ce sont des mineurs pour qui beaucoup
d'adultes sont des menteurs, des exploiteurs, des bourreaux.
Comment faire tenir dans un cadre à la fois exigeant et
contenant des mineurs qui ont perdu la confiance envers les adultes ?
1) Comment en tant qu'adulte je peux être
crédible ?
Le travail de mise en confiance se fait par la réponse
aux besoins urgents et primaires comme manger, se laver, dormir, s'habiller
proprement.
L'urgence du jeune c'est la sécurité, le
gîte et le couvert. Chez l'enfant, nous savons que la mère, pour
répondre à ses besoins primaires, va lui donner à manger
et prendre soin de lui. Le lien affectif unit l'enfant à sa mère
et alimente la relation de confiance.
L'éducateur, en tant que substitut parental, ne peut
pas faire l'impasse sur cette réponse urgente à donner.
2) Le jeu
Dans un deuxième temps, la relation de confiance se
crée autour du jeu. Le jeu permet à l'enfant de se construire en
apprenant les règles communes à chacun.
Les moments de jeu sont des instants qui
révèlent le caractère de chacun et je fais attention aux
particularités de chacun afin de mieux les interpeller par la suite.
En étant dans le jeu avec eux, je me mets au même
niveau de compréhension, d'écoute et de participation tout en
restant celui qui encadre.
Cela permet à l'enfant de se destresser et quelquefois
à évoquer des choses personnelles dont je peux discuter avec lui
par la suite.
La cohésion du groupe et les affinités passent
aussi par ce mode d'expression. Comme la lecture ou la peinture, le jeu peut
permettre de s'évader et d'oublier quelques instants sa situation et ses
difficultés.
Certains jeunes prennent l'initiative de faire
découvrir des jeux typiques de leur pays d'origine et cela favorise un
climat convivial et amical au sein du service. Ainsi ils peuvent s'apercevoir
que l'ouverture d'esprit peut et doit se faire sur un mode interactif et
transversal.
D'autres jeux font partie d'un univers en commun. Le baby-
foot a cet avantage de réunir des individus de pays et cultures
différentes autour de cette activité universelle car le football
se pratiquent dans le monde entier.
Je me sers souvent de c'est « outil » afin
de créer un lien entre les jeunes et moi puis entre jeunes.
Ce travail de confiance, qui commence par le jeu, va servir
par la suite à inscrire le jeune dans des activités plus
contraignantes. Je demande aux jeunes de participer au bon fonctionnement de la
vie du groupe dont l'entretien et le ménage des locaux en commun et de
leurs chambres.
Ils participent aussi à la préparation des
repas, à la mise de table et à la vaisselle. Ces actes les
responsabilisent et les inscrivent comme acteurs de leur vie et du bien-
être de chacun.
Tous ne participent pas activement à la vie quotidienne
du service car certains sont dans un état de crise, de carences et de
traumatismes telles qu'il faudra que l'on adapte nos propositions à
leurs capacités. Le jeune se sent respecté dans son
intégrité physique et morale par les actions que je mets en place
avec lui dans le service. Il se sentira d'autant plus respecté. Le jeune
doit me faire confiance, et j'ai intérêt à cela. De part ma
présence auprès de lui au quotidien, de mon intérêt
et des actions que je mets en place pour lui, je serai son éducateur
référent. Celui qui va être auprès de ces jeunes
à leur écoute lorsqu ils sont en souffrance, celui qui ne peut
pas leur mentir, qui osera franchir le seuil des questions sur leurs
intimités. En tant que référent, je suis celui à
qui le jeune se confie plus souvent, avec qui il évoque son plaisir de
vivre en France, et les difficultés de son vécu, le bonheur qu'il
a connu dans sa famille et ses perspectives d'avenir. Le travail de mise en
confiance peut parfois se heurter à plusieurs contraintes.
3) Les contraintes culturelles tels que la
barrière de la langue.
Le jeune qui ne parle pas le Français a non seulement
du mal à se faire comprendre, mais aussi à comprendre les
consignes. Il ne participera que difficilement à la vie du groupe.
C'est pourquoi j'ai toujours travaillé en binôme avec un
éducateur qui parle la langue du jeune dont j'ai la charge. Celui-ci
n'est pas toujours présent, et pour éviter que cela renforce le
sentiment d'insécurité, je communique avec le jeune de
manière non verbale et gestuelle. Entre autre, cette barrière
fait que beaucoup de jeunes accueillis, notamment les jeunes afghans et
pakistanais, ne restent pas au centre. Ils choisissent de partir en Angleterre
où ils pensent avoir plus de chances de réussite.
Le mode d'alimentation peut s'avérer incompatible avec
celui du jeune, et c'est pourquoi nous avons mis en place une atelier cuisine
qui a lieu une fois par semaine et chacun est invité à faire
découvrir sa culture par le mode d'alimentation.
4) Les contraintes liées aux
traumatismes
Wong a 16 ans et vient de Chine. Il aurait pris le bateau,
voyagé en car, en train et il aurait effectué une bonne partie du
voyage à pieds. Arrivé en France, il est accueilli par un couple
de compatriote qui serait en lien avec les passeurs. L'adolescent affirme qu'il
a travaillé nuit et jour pendant un mois et demi, sans salaire et sans
repos.
Nous recevons ce jeune à la demande de la brigade des
mineurs. Arrivé dans le service, outre la barrière de la langue,
le jeune est apeuré et recroquevillé sur lui-même, il est
sur la défensive. Je fais appel au médiateur chinois qui va
traduire et expliquer ma démarche vis à vis du jeune. Ceci va le
rassurer et lui permettre de commencer à parler de son histoire, de ses
souffrances. La présence d'un éducateur qui parle la langue, ou
issu du même pays permet au jeune de se sentir plus en confiance.
P vient d'un pays en guerre. Il dit qu'il a 17 ans. Il aurait
été enrôlé très tôt par des adultes qui
ont assassiné par sa famille. Il raconte de manière assez
distanciée la manière dont il a participé aux crimes et
exactions sur des civils et sur d'autres soldats ennemis, en compagnie
d'autres soldats. C'est un jeune qui reconnaît la gravité des
faits commis dans son pays.
Il ressasse sans cesse sa responsabilité sur la
situation dans son pays et culpabilise d'être vivant, d'être en
France,vivant alors que d'autres parents sont morts et que d'autres sont morts
par sa faute. Avant toute chose, il fut considéré comme victime.
Il y a des situations où les bourreaux se révèlent comme
des victimes et vice-versa. La prise en charge de ceux ci doit d'abord
s'orienter vers de objectifs de soins.
Dans ces différents cas de figure, il s'agit pour moi
d'adapter mes exigences et de ne pas hésiter à faire marche
arrière quand il y a un refus ou un blocage de la part d'un jeune.
Le travail auprès de ces jeunes demande une
interrogation constante sur le bien fondé des actions que je mets en
place, des règles que j'édicte, à savoir de m'interroger
sur la faculté des jeunes à intégrer et à s'adapter
à ces règles.
Ce fonctionnement que je considère comme un
fonctionnement normal pour un éducateur en situation d'aide ne
correspond pas toujours au schéma d'organisation des structures et des
administrations chargées d'assurer le lien, la continuité ou le
partenariat à effectuer pour répondre aux besoins du mineur dans
sa globalité.
C'est ainsi que la mise en place du travail de confiance avec
le mineur se retrouve souvent en paradoxe avec la mise en place des
démarches administratives.
En effet de l'accueil à la prise en charge
jusqu'à son départ du service, le quotidien du mineur est
organisé en considération de sa situation administrative.
Nous avons selon que le mineur soit en possession de documents
d'identité ou non, les conditions de son admission dans le droit commun
ne sont pas les mêmes d'un mineur à l'autre. J'ai connu des jeunes
qui avaient vécu les pires tragédies, des drames, avaient perdu
confiance en eux et dans les adultes. J'ai mené avec eux des actions
pour restaurer leur image et celle de l'adulte.
Ces actions, au delà de la confiance jeune à
gagner, devaient amorcer un processus d'insertion dans la société
française.
Ce travail peut-il être remis en question du fait de
l'absence de documents d'identité ? Que dire des moyens
utilisés en cas d'absence de documents d'identité
probants pour déterminer l'âge du mineur ? Dans le cadre
du travail auprès des mineurs étrangers, j'ai constaté que
la notion de protection de l'enfance en danger ne s'appliquait pas de
manière égalitaire pour tous dans le cadre de la procédure
d'assistance éducative.
Ce défaut d'égalité dans les traitements
me paraît contraires aux articles 375 et suivants du code civil qui
stipulent qu'en cas de danger avéré, si la santé, la
moralité et les conditions de vie du mineurs sont compromises pour son
éducation, le juge pour enfants doit être saisi dans le cadre
d'une assistance éducative à des fin de protection du mineur.
Ce défaut d'égalité dans le traitement de
la question des mineurs étrangers en danger sur le sol français
m'a amené à proposer une réflexion à
l'équipe en vue d'allonger le délai de prise en charge des
mineurs dans le but de tenir compte d'abord de leurs besoins éducatifs,
de soins. Le tribunal de Paris étant territorialement compétent
ainsi que l `Aide Sociale à l'Enfance de Paris qui a
créé en son sein une cellule d'accueil des mineurs
étrangers (CAMIE), ces structures étant saturés et ne
donnant plus des réponses au cas par cas, j'ai proposé que le
mineur soit adressé au structures judiciaires et de protection de
l'enfance du lieu ou celui-ci a été trouvé. Et ceci dans
le but de toujours rechercher des réponses administratives qui
correspondent aux besoins effectifs du mineur en danger.
Si je retranscris ces propositions et textes de lois en
l'adaptant à mon travail, et à celui de n'importe quel
éducateur, cela voudrait dire que tout mineur étranger
présent sur le territoire français sans référents
parentaux est un mineur en danger.
C. Mes propositions pour améliorer la prise en
charge
Le travail de confiance mis en place se voit
écorché à chaque réponse négative par tous
ces refus de soins, de prise en charge, d'aide vis-à-vis du mineur
isolé étranger.
Ces décisions qui paraissent souvent injustes et
inadaptées contribuent à fragiliser encore plus les adolescents
qui vivent une situation instable.
Ce refus les rend plus vulnérables et ils ne croient
plus en rien.
Ces jeunes, qui avaient rêvé d'une vie meilleure
en France déchantent rapidement face à la lourdeur des
démarches administratives. Le manque de considération et le rejet
dont ils ont le sentiment peuvent s'ajouter à leur mal être, et
dans certains cas amener le jeune à disparaître dans la nature.
D'autres jeunes, du fait certainement de la frontière
culturelle, ne saisissent souvent l'ampleur des enjeux que lorsqu'ils doivent
quitter le centre pour aller au SAMU social (115), où les conditions de
prise en charge ne sont pas spécifiques aux mineurs mais à toutes
les personnes en difficultés.
Pour d'autres mineurs, la situation en guerre de leur pays
aidant, sont orientés vers les structures pour les demandeurs
d'asile ; certains jeunes, déçus par la réponse
administrative et judiciaire, ont tenté le passage à l'acte.
C. originaire, d'un pays en guerre, s'est enfui après
l'assassinat de toute sa famille. Arrivé en France sans documents, celui
-ci devra subir un examen d'âge osseux pour prouver sa minorité.
Il me demande si c'est parce que ses parents ne peuvent plus répondre
que l'on demande à une machine de dire son âge. Il me jure qu'il
est mineur et que si je le crois une machine ne peut pas dire le contraire.
C. sera déclaré majeur à plus de 18 ans
et il me dit avoir 16 ans.
Le soir même, le jeune a tenté de se suicider.
Une succession de passages à l'acte par des jeunes m'a
poussé à réfléchir avec l'équipe sur des
propositions en vue de l'amélioration de la prise en charge des mineurs
isolés étrangers.
Travailler sur un accueil véritable et un
accompagnement avec un début et un avenir et non un début et une
fin de prise en charge. On n'envisage pas l'avenir du jeune. La
problématique est connue, il existe une cellule de l'ASE de Paris qui
s'occupe des mineurs étrangers. Le mineur pris en charge par l'ASE
devrait bénéficier d'une évaluation tous les 6 mois, au
lieu de disparaître lors de la prise en charge et apparaître
à 18ans. On devrait réfléchir à la
possibilité pour le mineur d'avoir un avenir en France ou de renter chez
lui dans de bonnes conditions. L'administratif doit l'aider à
bénéficier de mesures indispensables à son
intégration en France et à se projeter, de même pour les
éducateurs qui ont besoin d'avoir une visibilité dans le temps
pour inscrire le jeune dans un projet de vie. L'action éducative qui est
mis en place n'est efficace que si le jeune est rassuré par sa
situation
La décision judiciaire ne devrait pas se focaliser sur
le danger et uniquement sur le travail éducatif. Il doit tenir compte de
l'environnement à l'origine de ce danger. On sait que le danger qui
pèse sur le mineur isolé est diffus dans la mesure où il
est lié à sa présence sur le territoire et aux motifs de
son départ du pays d'origine. Si on part du principe que les mineurs
isolés sont une spécificité en France, par la
création de la CAMIE (cellule d'accueil des mineurs isolés), au
sein de l'ASE de Paris, cela démontre une prise de conscience de la
spécificité de ces jeunes vis-à-vis des jeunes
réguliers en France. J'ai pu constater que la CAMIE ne dispose pas de
moyens spécifiques, et donne l'impression d'être un lieu de
stockage et de statistique sur les flux. Dès que la décision de
justice est prononcée en faveur du jeune, celle-ci doit être
accompagnée de moyens permettant l'intégration dans le projet de
son choix. Un mineur isolé n'a pas de papier, pourtant il lui faut des
papiers qui lui permettent de poursuivre une formation en alternance. Un titre
de séjour même provisoire lui permettrait de poursuivre sa
formation.
Pour le retour du jeune dans son pays, la formation lui
permettrait d'être actif dans son pays. Ce retour devrait se faire
à la demande du jeune et non de manière forcée comme c'est
le cas actuellement.
Conclusion
Dès 1997, les associations s'inquiétaient de la
difficulté des mineurs isolés d'obtenir des mesures de
protection. La situation n'a guère beaucoup évolué depuis.
A l'heure actuelle, les associations et les institutions tentent de mieux
s'organiser pour une meilleure coordination. Elles se mobilisent pour tenter
d'obtenir les moyens pour leurs accompagnements, et aussi pour pallier aux
disfonctionnements institutionnels inhérents à ces adolescents,
qui consistent à les transférer d'un service à l'autre.
Dans l'ensemble les travailleurs sociaux commencent à se former à
la problématique des mineurs isolés. Les insuffisances se
manifestent lorsqu'il faut les accompagner dans certaines démarches
administratives et au moment des orientations. Les décisions issues de
ces démarchent provoquent souvent l'arrêt des prises en charge ou
empêchent certaines orientations.
Ce qui veut dire que nous devons élaborer une
véritable politique d'accueil et de prise en charge et c'est urgent.
Le mineur isolé est d'abord un enfant avant
d'être un immigré. En situation de danger en France, il devrait
être protégé avant toute chose. Je rappelle que si ces
mineurs fuient la misère, les guerres, les persécutions et
choisissent la France ou l'Europe c'est parce qu'il recherche un idéal
de liberté. Cette liberté qu'ils n'ont pas chez eux. L'eldorado
Européen ne serait pour beaucoup que la « cerise sur le
gâteau » sur le chemin de cette liberté qu'ils
recherchent. Le mineur isolé n'est pas un profiteur. Une fois que le
mineur ou le jeune majeur se retrouve dans la clandestinité se sont les
trafiquants qui en « profitent ». Le travail en
réseau et en partenariat doit être renforcé entre les
différents acteurs : le juge pour enfants, l'aide sociale à
l'enfance les associations et certains services éducatifs. La nomination
d'un tuteur permettrait de veiller à ce que le droit et
l'intérêt de l'enfant soient respectés. Cet
intérêt doit être la considération primordiale en cas
de prise en charge éducative ou lors d'un retour en famille. En tant
qu'éducateur je dois veiller à ce que le mineur soit
protégé contre toute sorte de d'exploitation. Je dois
vérifier que le retour en famille dans le pays d'origine soit conforme
aux opportunités et à la volonté de la famille pour
prendre en charge leurs enfants et apporter les soins dont il a besoin. Le
mineur devrait pouvoir intégrer les structures de l'aide sociale
à l'enfance si le retour au pays n'est pas possible.
Sur un plan plus global, les pouvoirs publics devraient
instaurer une politique de coopération entre les différents pays
d'origines, les organismes internationaux, les organisations non
gouvernementales, pour juguler le phénomène de la traite des
mineurs. Pour cela le travail doit se faire en amont sur les causes qui
engendrent dans les pays d'origines le départ de ces mineurs, par le
développement social, la scolarisation des enfants, la sensibilisation
de l'opinion publique sur les phénomènes de la traite des enfants
et sur la situation des mineurs isolés en France.
La réponse donnée à la complexité
du phénomène interpelle la valeur accordée à la
notion de protection de l'enfance en France et en Europe et devrait constituer
un enjeu en travail social sur les questions de la rencontre et de la relation
à l'autre.
En tant qu'éducateur spécialisé, je dois
être un médiateur entre les personnes qui ont besoin d'aide et les
institutions qui fournissent cette aide. Ce travail de médiateur est mis
en exemple dans la pratique au quotidien auprès des mineurs
isolés étrangers. Mes recherches théoriques en droit, en
psychologie, en sociologie et en psycho- sociologie, m'ont permis de me
questionner sur le rôle de l'éducateur dans le cadre de la
rencontre pour l'accompagnement éducatif, la médiation et pour
prendre soin d'une personne. Au-delà des apports théoriques, je
ne peux pas être indifférent à la souffrance de l'autre.
Que les mineurs isolés qui souhaitent rester en France
puissent trouver un écho à leurs demandes, et ceux qui souhaitent
partir soient accompagnés dignement dans cette démarche.
L'aspect administratif et juridique sur lequel j'insiste a
tendance à prendre le pas sur les souffrances de ces adolescents. C'est
une réalité qui perdure encore. La question des mineurs
étrangers isolés doit être prise au sérieux tant sur
le plan national qu'international. Il faudrait lancer un débat sur la
question des mineurs étrangers isolés, et, au-delà, sur
l'accueil de l'autre en France. Cela implique un changement de regard, de
mentalités et de représentations sur cette population et sur les
étrangers en général. C'est un premier pas à
effectuer pour ne pas généraliser l'indifférence face aux
souffrances, et aux traumatismes que ces jeunes ont connu. Souvent,
l'ignorance, les manipulations médiatiques et politiques face aux enjeux
que pose la question de la présence de ces enfants sont sources de ces
indifférences.
Ma rencontre avec ces jeunes privés de leurs familles
et de leur environnement familiers déracinés de leurs terres
natales et en proie à des adultes manipulateurs, ayant fui des conflits
divers et des problèmes économiques m'a permis de
réfléchir sur ma propre condition d'individu.
Les échanges que nous avons eus, la relation que nous
avons tissé ensemble au fil des jours, m'ont enrichi tant sur le plan
personnel que professionnel. La relation éducative qui s'est mis en
place par la rencontre de nos parcours de vie s'est progressivement
transformée en relation de confiance mutuelle et respectueuse de la
singularité et de la particularité de chacun.
Les mineurs étrangers sont bien présents en
France, et continuent d'arriver. Je constate que, par les moyens
d'entrée qu'ils utilisent que beaucoup échappent à toute
logique de contrôle migratoire. Même si leurs nombre est
sensiblement en baisse, le phénomène n'est pas prêt de
s'arrêter, et les récents drames que subissent les familles qui
perdent leurs proches ne découragerons pas d'autres mineurs à
quitter le pays pour aller chercher une vie meilleurs sous d'autres cieux. Par
leur volonté de rester et de s'intégrer en France, ils s'adaptent
rapidement et la plupart progressent aussi vite dans leur apprentissage du
français. En équipe, nous avons été
confrontés à des jeunes qui racontent souvent des histoires
incohérentes dictées par les adultes qui les
manipulent. Cependant nous avons aussi été confrontés
à des adolescents en détresse par rapport à leurs
vécus traumatiques, et aussi par le manque de projection face à
l'incertitude de l'avenir.
Tous ces enfants sont en danger tant que la
société ne s'organise pas pour leur venir en aide à des
fins de protection. C'est en cela que la réponse administrative peut
être pertinente.15(*)
La décision administrative doit intervenir comme un
support à la relation éducative et non comme une contradiction
à cette relation et à l'intérêt du mineur ou du
jeune majeur.
La réalité est tout autre.
Les services éducatifs en charge de ceux-ci sont
confrontés à des injonctions contradictoires. D'une part ils sont
chargés d'accompagner ces mineurs dans toutes leurs démarches
d'intégration et d'insertion, d'autre part, ils sont obligés
d'intégrer et d'insérer à minima.
Je suis bien conscient que les choses sont complexes. Les
intérêts de part et d'autres, sont parfois contradictoires. Il
n'empêche : les droits humains doivent invariablement être
prioritaires sur toute autre considération.
Bibliographie
- A. SAYAD, la double absence, des illusions de
l'émigré aux souffrances de l'immigré, PARIS, SEUIL,
1999.
- A.ETIEMBLE, la revue hommes et migrations, numéro
1251, enfants sans frontières , 2004, à
consulter sur
www.adri.fr.
- A.MOREAU, Culture de l'entre-deux et adaptation
psychique des migrants dans immigration et
intégration, l'état des savoirs .sous la direction de
P.DEWITTE, PARIS, 1999, LA DECOUVERTE.
- ASH (actualités sociales hebdomadaire) numéro
2346 du 13 février 2004,
« CLAIRE BRISSET présente devant les
nations unies, le bilan des droits de l'homme en France ».
- A.VAZQUEZ, les mécanismes et
stratégies identitaires, une perspective diachronique, PARIS, PUF,
1990.
- CHARLES TAYLOR, Multiculturalisme,
Editions de l'université de princetown, 1996.
- CITE NATIONALE DE L'IMMIGRATION,
« L'immigration : le film », consulter sur le
site www. Histoire de l'immigration.fr
- DIDIER LAPEYRONIE : De l'altérité
à la différence, l'identité facteur d'intégration
ou de repli? PARIS, septentrion.
- FRANCE TERRE D'ASILE, les instruments juridiques
du droit d'asile.
- F. GUELAMINE : Intervenir auprès des
populations immigrées, PARIS, DUNOD, 2000
- JACQUELINE COSTA-LASCOUX De l'immigré au
citoyen, la documentation française, 1989, Notes et études
documentaires, n° 4886.
- JEAN LUC RICHARD et MARYSE TRIPIER, Les travailleurs
immigrés en France, des trente glorieuses à la crise, PARIS, LA
DECOUVERTE 1999.
_ LEMAY Michel et Maurice CAPUL, De
l'éducation spécialisée, Paris, ERES, 2000.
* 1 ASH (actualités
sociales hebdomadaire) numéro 2346 du 13 février 2004
« CLAIRE BRISSET présente devant les nations unies, le
bilan des droits de l'homme en France ».
* 2 Inspiré du
film : « L'immigration : le film » www. Histoire
de l'immigration.fr, CITE NATIONALE DE L'IMMIGRATION.
* 3 JEAN LUC RICHARD et
MARYSE TRIPIER, « les travailleurs immigrés en France,
des trente glorieuses à la crise », PARIS, Edition DECOUVERTE,
1999, pp 5,6.
* 4 ANGELINA ETIEMBLE,
sociologue et chercheur au centre d'études et de recherches sur les
transformations collectives (CERTAC), université de Rennes II, article
paru dans la revue HOMMES ET MIGRATIONS, numéro 1251,
« enfants sans frontières », 2004, www.adri.fr.
* 5 FRANCE TERRE
D'ASILE, « les instruments juridiques du droit
d'asile », JOURNAL OFFICIEL DE L'UNION EUROPEENNE DU 3O SEPTEMBRE
2004.
* 6JACQUELINE COSTA-LASCOUX
« De l'immigré au citoyen » la documentation
française. 1989, Notes et études documentaires, n° 4886.
* 7ABDELMALEK SAYAD,
« la double absence, des illusions de l'émigré aux
souffrances de l'immigré », PARIS, SEUIL, 1999, P 114
* 8 ALAIN. MOREAU,
« Culture de l'entre-deux et adaptation psychique des
migrants » dans « immigration et intégration,
l'état des savoirs ».sous la direction de PHILIPPE.DEWITTE.
PARIS, 1999, LA DECOUVERTE.
P 248.
* 9 CHARLES TAYLOR,
« Multiculturalisme » UNIVERSITE DE PRINCETOWN, traduction
française par AUBIER, PARIS, 1996, P 41.
* 10 DIDIER LAPEYRONIE :
« de l'altérité à la différence
.l'identité facteur d'intégration ou de repli? »
CADISS-EHESS, PARIS, UNIVERSITE SEGALEN BORDEAUX, P 252
* 11 FAIZA
GUELAMINE : « intervenir auprès des populations
immigrées » PARIS, DUNOD, 2000
* 12 Ibid p 17
* 13 MICHEL LEMAY et MAURICE
CAPUL: « de l'éducation spécialisée »,
MONTREAL, ERES, 2000, P116.
* 14 Au départ il
était destiné au domaine médical, aujourd'hui on s'en sert
pour légitimer le refus d'aider et protéger ces mineurs, et pour
une réponse rapide à des questions sociales qui
mériteraient un plus large débat.
Ceux qui sont soumis à cet examen sont des jeunes
étrangers en situation de vulnérabilité et même si
l'examen osseux donne un age hypothétique, cela enlève t'il
quelque chose au danger dont ils se disent victime ?
En sachant aussi que cet examen d'age osseux donne un
résultat avec une incertitude à déterminer l'age à
plus ou moins 18 mois.
Il n'a pas été conçu à l'origine
pour les populations défavorisées des ghettos Américains
ni pour des Asiatiques ou des Africains. Pourtant en France l'aide sociale
à l'enfance demande, le parquet ordonne et on recourt à cet
examen pour sceller le sort de jeunes étrangers dont le tort est d'avoir
pensé que chez nous il serait libre de se projeter.
* 15 Je prendrai pour exemple
le cas de l'Italie, où un comité interministériel de
coordination nationale a été créé.
Tout mineur étranger isolé présent sur le
territoire doit être signalé à ce comité qui est
chargé d'identifier le mineur, de rechercher sa famille et d'activer les
mesures de protection. Ce comité doit vérifier les
modalités de séjour et veiller à ce que le mineur ne soit
pas victime d'abus ou d'exploitation. La Belgique insiste sur les notions de
danger et de protection, et vient aide à ces mineurs en se basant sur le
danger qu'ils subissent. C'est ainsi que les Pays-Bas délivrent des
titres de séjour pour des raisons humanitaires aux mineurs
étrangers isolés. Ce qui leur permet d'entamer des projets de
formations professionnelles
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