Introduction
Lorsque les Grecs demandèrent à Solon de leur
donner une constitution, celui-ci répondit à la forme
interrogative : « pour quel peuple et quelle
époque ? En effet, une constitution se présenterait
comme réponse à une attente. Mais elle répondrait à
quelle dynamique sociale dans quelle dynamique historique, à quelle
ordonnance du temps pour reprendre les termes d'Anaximandre ?
Cette demande légitime d'une constitution faite par
les Grecs pour régir leur société peut être
également formulée aujourd'hui en Afrique sous une autre forme
par la couche minoritaire laquelle, se considérant longtemps
marginalisée, revendiquerait un organe pouvant faire entendre ses
préoccupations et ses aspirations. Et pour réponse, on pourrait
se demander : quel peut être cet organe ou cette structure, capable
de prendre la défense de la cause de la couche muette incapable de faire
prévaloir ses droits et d'obtenir le minimum social commun dont elle a
besoin ? Dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud, l'organe
habilité à accomplir une telle mission est celui que nous
appelons sous le vocable de société civile. Cette
structure qui, bien que tard, a connu son émergence en Afrique et en
particulier en Afrique subsaharienne dans des conditions qu'on ne peut dire,
mérite d'être examinée avec beaucoup d'attention.
Réfléchir sur l'agir de la société civile en
Afrique n'est pas seulement l'apanage des politiciens et des organismes qu'ils
soient locaux ou régionaux, nationaux ou internationaux , mais aussi
implique tous les esprits épris de réflexion, de connaissance,
mieux de sagesse au sens philosophique du terme.
Le présent exposé intitulé regard
sur l'agir ou les actions de la société civile en Afrique
traitera tour à tour du concept de société civile, de son
émergence en Afrique et de ses diverses actions accomplies.
I - Qu'est-ce que la société
civile ?
La société civile est un concept qui a beaucoup
préoccupé les chercheurs depuis les temps anciens. On peut lui
donner des explications philosophiques, sociologiques ou pratiques.
Référence faite au dictionnaire des synonymes et des antonymes
d'Hector Dupius et de Romain Legare, (édition Fides-l'Ecole, 1975), il
est aisé de constater qu'au mot civil se rapportent trois
synonymes :
· civique opposé à militaire
· langue opposée à religieux
· affable, courtois, civilisé, sociable, en
opposition à brutal, discourtois, incivil, malhonnête etc.
En outre, la quête étymologique du mot civil
fait découvrir qu'il provient du terme latin civilis,
tiré de cives signifiant citoyen, terme juridique en usage
dès le 13è siècle. De même, un autre
dérivé de cives «civicus » traduit
« civique » et en vogue au 18è siècle,
éclaire davantage le sens moderne de patriotique,
dévoué, loyal.
Quant au terme société, du latin
societas, on peut en lire les synonymes ci-après :
· civilisation, culture, Etat, Humanité
· académie, association, confrérie,
église
· affaire, compagnie, entreprise, établissement
· relation, fréquentation, entourage, aristocratie
etc.
Cette intrusion dans l'univers sémantique des termes
permet de préciser le sens de l'expression société
civile.
La société civile est loin d'être une
corporation militaire, une bande armée ou une horde de mercenaires. Elle
ne désigne pas non plus une coterie associative, une confrérie
religieuse ou un clan politique de partisans chauvins et bornés.
Il convient de dire que ce n'est qu'après la
révolution française et la conception unitaire de l'Etat-nation,
imposée par elle, que la notion de société civile a
été opposée à l'Etat pour signifier ce qui
relève du domaine privé, de la société sans l'Etat.
Pourtant, les droits civiques concernent celui qui s'associe au pouvoir de
l'Etat et participe à la communauté politique alors que les
droits civils définissent les obligations qui régissent les
rapports entre individus dans leur vie privée. Le concept de
société civile trouve sa formulation systématique en 1821
dans Les principes de la philosophie du droit de
Hegel. En introduisant ce concept, Hegel prenait acte du changement le plus
significatif de la modernité politique. Ce changement significatif de la
modernité politique a trait à la séparation de la vie
civile et de la vie politique, de la société et de l'Etat.
En science politique, la société civile se
définit comme l'ensemble des rapports interindividuels, des structures
familiales, sociales, économiques, culturelles, religieuses qui se
déploient dans une société donnée, en dehors du
cadre et de l'intervention de l'Etat. La société civile, c'est ce
qui reste d'une société quand l'Etat se désengage
complètement ou n'est pas du tout engagé. Autrement dit, la
société civile est l'ensemble des citoyens d'un Etat qui,
pétris de patriotisme, conscients de leur identité propre,
s'unissent, s'organisent sur la base de lois définies, et s'emploient
à édifier une nation développée, libre et
prospère où chacun s'épanouit et se réalise sans
barbarie militaire, sans chauvinisme partisan ni dogmatisme religieux. En ce
sens, la société civile inclut généralement les
individus, les familles, les associations, les organisations
bénévoles, bref tout ce qu'on appelle les corps
intermédiaires - intermédiaires entre l'Etat et l'individu -
dans la mesure où ils n'émanent pas de l'Etat, comme de
l'Eglise.
Ainsi définie la société civile, il
importe de savoir comment cette société civile a
émergé sur le continent surtout en Afrique au Sud du Sahara.
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