2.2 La création de la Chambre de métiers
du Rhône
2.2.1 La démarche à suivre
Le décret d'application précise
l'identité des « organisations intéressées »
dont l'avis doit être demandé pour la fixation de la forme de
chaque Chambre de métiers créée. En plus des
catégories et du nombre de membres, elles devront définir
l'étendue de la circonscription de la Chambre de métiers
projetée. La liste de ces organisations est fort longue: «Les
Chambres de métiers sont instituées après avis des
chambres de commerce, des chambres consultatives des arts et manufactures et du
conseil général du département, du conseil municipal de la
commune désignée pour être le siège de la chambre,
ainsi que du comité départemental de l'enseignement technique, du
comité régional des arts appliqués et des organisations
professionnelles intéressées » (art. 1 er).
Il est donc à prévoir que l'installation d'une Chambre de
métiers sera un travail de longue haleine.
Le décret précise la manière dont toutes
ces organisations devront procéder pour donner leur avis. Elles devront
tenir compte « du nombre des électeurs, de l'importance
économique et sociale des métiers dans la région et de
leur caractère artistique » (art. 2). Ces critères ne
donnent pas de précisions sur ce qu'il faut entendre, sinon par artisan,
du moins par métier artisanal. L'existence d'une distinction entre
métiers artisanaux et métiers non artisanaux reste cependant
toujours sous-entendue, de manière floue. Ce que le décret
cherche visiblement à éviter, c'est que la construction de la
Chambre de métiers repose uniquement sur la vigueur des structures
syndicales et la résultante de leurs rapports de concurrence.
L'utilisation des critères qu'il propose nécessiterait un
recensement des artisans. Celui-ci est-il pourtant réalisable avant la
définition des catégories et de la circonscription de la chambre?
Les renseignements que pourront fournir les syndicats vont rester dans la
pratique les seuls utilisables.
Dès la parution du décret, l'installation de la
Chambre de métiers est prévue par la Fédération des
artisans du sud-est: en juin 1928, dans son journal L'Artisan du sud- est,
déjà sous-titré organe officiel des Chambres de
métiers5, elle donne une image de sa composition,
présentée comme un fait acquis. Elle prévoit
déjà 36 membres patrons et 12 membres compagnons, avec autant de
suppléants que de membres, tous élus, auxquels viendrait se raj
outer 6 membres experts désignés par cooptation. L'existence de
tels membres experts n'est pas prévue par la loi. Leur création
est-elle le moyen trouvé par la Fédération des artisans du
sud-est pour faire une place aux représentants des syndicats? Elle donne
aussi une liste des métiers et leur répartition en 6
catégories: ameublement et bois; bâtiment; livres et arts
graphiques; mode, vêtements, cuirs et peaux; métallurgie; textile
et tissage. Les métiers de l'alimentation sont exclus. La
Fédération des artisans du sud-est se réserve un
rôle clé dans toutes les procédures d'inscription sur les
listes électorales, et de postulation à la candidature. Elle
prévoit d'être le moteur de la future Chambre de métiers,
et prévoit surtout une installation très prochaine.
Ce projet reste un voeu pieu: la Chambre de métiers ne
peut être créée aussi rapidement. Il n'est d'ailleurs plus
question du projet pendant un an. Puis un long article de L'Artisan du sud-est
récapitule en août 1929 les caractéristiques des Chambres
de métiers prévues par la loi: buts de l'organisation,
définition de l'artisan, modalités de fonctionnement et moyens
d'action6.
5. L'Artisan du sud-est, numéro dejuin 1928
[BMLPDR F383].
L'action pour la création d'une Chambre de
métiers semble être relancée à ce moment.
Les conditions ont un peu changé: les métiers de
l'alimentation, plus puissants, mieux organisés, viennent d'être
officiellement intégrés à l'artisanat. Le ministre du
travail a reconnu les métiers de l'alimentation comme des métiers
artisanaux en juin 19297. Ils se joignent à la
Fédération des artisans du sud-est pour réclamer
l'institution d'une Chambre de métiers. Si aucun syndicat de la
Fédération des artisans du sud-est n'est apparenté aux
métiers de l'alimentation, et si l'intégration des métiers
de l'alimentation n'avait pas été prévue en juin 1928,
leur intégration est saluée comme une victoire par la
Fédération des artisans du sud-est8.
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