3 L'installation de la Chambre de métiers
du Rhône (1934-1939)
3.1 Vue d'ensemble de l'institution
3.1.1 L'organisation de la Chambre de métiers du
Rhône
Les membres de la Chambre de métiers sont élus
par les artisans du département du Rhône. Les maîtres
artisans sont définis comme les travailleurs exerçant un
métier manuel, à condition d'une part qu'ils accomplissent le
travail par eux-mêmes, seuls ou avec le concours de leur conjoint, des
membres de leur famille ou de compagnons ou d'apprentis, sans limitation du
nombre d'employés, d'autre part qu'ils l'exercent sans se trouver sous
la direction d'un patron1. En 1934 une loi impose une limitation du
nombre d'employés2. La fixation de cette limite doit
être négociée régionalement, mais elle ne peut
dépasser dix unités. Entre 1934 et 1938 la Chambre des
métiers du Rhône réussit à empêcher la mise en
place d'une telle limitation en retardant la prise d'un arrêté du
ministère du travail nécessaire à l'application de cette
loi. A partir de 1938 le nombre d'employé est limité à
cinq3.
Les états matriciels recensant les ressortissants de la
Chambre de métiers sont établis par la Chambre des métiers
du Rhône elle-même jusqu'à l'institution du Registre des
métiers en 19364. Le registre des métiers est tenu par
le greffier du tribunal de commerce.
Les ressortissants de la Chambre de métiers sont
répartis en six catégories, les mêmes que celles du
recensement de 1932: la première regroupe les métiers de
l'alimentation, la seconde les métiers du bâtiment, la
troisième les métiers du bois et de l'ameublement, la
quatrième les métiers de la métallurgie, la
cinquième les métiers du textile, et la sixième tous les
autres métiers.
Les artisans maîtres et les compagnons de chaque
catégorie élisent respectivement quatre artisans maîtres et
deux compagnons. La Chambre des métiers du Rhône est ainsi
composée de 36 membres: 24 artisans maîtres et 12 compagnons. Le
renouvellement de la Chambre se fait par moitié tous les trois ans. Les
premières élections ont lieu le 26 novembre 1933. Le premier
renouvellement se fait le 17 décembre 1936.
Les membres de la Chambre de métiers sont réunis
dans leur totalité lors des quatre assemblées
plénières annuelles de la Chambre. Le reste du temps les affaires
sont menées par les membres
1. Loi du 27 juillet 1925.
2. Loi du 27 mars 1934.
3. Décret-loi du 2 mars 1938.
4. Loi du 27 mars 1934.
du Bureau et des commissions qu'elle a
désigné.
La composition des commissions est prévue de
manière précise par le règlement intérieur. Chaque
commission doit être composée de 4 artisans maîtres et 2
compagnons. La pratique est beaucoup plus souple. Le projet initial de
règlement intérieur ne permettait pas la participation à
plusieurs commissions. Le règlement définitif accorde aux membres
la possibilité de faire partie de plusieurs commissions. Cela va
permettre de multiplier les commissions et les spécialisations, sans la
limite fixée par le nombre total des membres. Cela va aussi permettre
à certains membres particulièrement actifs de cumuler les
fonctions. Le projet donnait comme explication à cette interdiction du
cumul la nécessité du bon fonctionnement des commissions, qui
serait handicapée par leur faculté à se réunir en
même temps. Le souci majeur semble bien de construire une institution
dont le fonctionnement soit optimal, comme l'indique l'importance des
dispositions visant à maintenir l'ordre.
Toutes les commissions n'ont pas la même importance.
Trois commissions jouent un rôle central. Elles s'occupent du budget, des
voeux à émettre, et de l'apprentissage. Elles sont les seules
créées dès 1934, et on les retrouve en 1937. La commission
des voeux se scinde alors en deux: l'étude des propositions de loi
occupe une nouvelle commission. Les autres commissions sont chargées de
programmes ponctuels. Leurs attributions sont beaucoup plus réduites, et
leur création comme leur durée de vie dépend des
circonstances. Une commission du travail artisanal est créée en
1935 pour servir de bureau de placement: elle est chargée de
repérer les chantiers susceptibles d'employer des artisans du
bâtiment. La même année, une commission est chargée
de s'informer sur les applications de l'électricité (comment
l'employer comme force motrice, comment installer un éclairage
électrique, quel type d'abonnement choisir). Après 1937 le
système se généralise: 4 commissions sont chargées
de programmes très précis (délivrance de la carte
d'artisan et réflexion pour l'organisation d'une caisse d'allocation
familiale entre autres).
Le Bureau est composé d'un président, de trois
vice-présidents, d'un trésorier, et d'un secrétaire
général. Deux des vice-présidents doivent être des
artisans maîtres, le troisième doit être un
compagnon5. Une telle composition n'était pas prévue
par la loi de 1925 qui prévoyait un seul vice-président. Le
projet de statut de la Chambre des métiers du Rhône ne
prévoyait que deux vice-présidents, sans préciser leur
appartenance au statut d'artisan maître ou de compagnon. Ce n'est que
lors du vote des statuts qu'un vice-président supplémentaire
apparaît, et qu'il est précisé leur répartition
entre maîtres et compagnons. On peut supposer que cette conception de la
tête de l'organisation comme un résumé exact de la
composition de la chambre était cependant déjà à
l'oeuvre dans le projet, la nomination d'un président et deux vice
présidents pouvant faire l'écho à la répartition de
la chambre entre deux tiers de maîtres et un tiers de compagnons. Le
règlement retenu met donc le président à part: il
n'apparaît plus comme le plus influent des vice-présidents, mais
comme un supérieur hiérarchique à tous points de vue.
La composition du Bureau correspond en fin de compte à
la manière dont les Chambres de métiers sont organisées au
plan national. Les Chambres de métiers sont
fédérées par l'Assemblée des présidents de
Chambres de métiers de France, qui ne réunit que les
présidents des Chambres de métiers.
La Chambre des métiers du Rhône est
hébergée par la Fédération des artisans du sud-est
lors
5. Assemblée plénière 2 du 15 avril 1934
[ADR 9M32].
de sa création en 1934. Cela n'a rien d'étonnant
puisque la Chambre des métiers du Rhône est formée dans sa
grande majorité de membres de la Fédération des artisans
du sud-est (seuls les commerçants et les compagnons n'en font pas
partie), et qu'elle n'a encore aucun financement. Cet hébergement est au
départ conçu comme provisoire. La Chambre des métiers du
Rhône cherche dès sa création à se doter d'un local
propre. La Chambre de commerce entame des pourparlers avec la Chambre de
métiers au printemps 1934 pour l'attribution d'un local. La Chambre de
métiers s'est installée dans la « maison des syndicats
» mais a été invitée par la préfecture
à avoir un local indépendant de toute organisation syndicale. La
Chambre de commerce propose de l'accueillir dans ses nouveaux locaux, mais
souhaite attendre quelques mois pour examiner la question6. Le
projet semble avorter. La Chambre des métiers du Rhône essuie par
ailleurs en juin 1934 un premier refus de la mairie de Lyon7 et
prévoit déjà de nouvelles démarches.
La Chambre des métiers du Rhône met fin assez
rapidement à l'hébergement par la Fédération des
artisans du sud-est. Elle inaugure ses nouveaux locaux, 12 rue Émile
Zola le 16 juin 1935 8 . Ces locaux sont loués. Cette
installation est comprise comme une simple situation de transition. La Chambre
des métiers du Rhône cherche à faire bâtir un
immeuble. Les démarches commencent en février 19399 :
le préfet, ainsi que les présidents des Chambre de métiers
du Nord et de Seine-Inférieure sont consultées par la
chambre10. Elle cherche à connaître avec exactitude les
démarches et formalités administratives réglementaires
à remplir pour acquérir un immeuble et y loger ses services. Elle
cherche surtout à connaître les moyens d'obtenir la
déclaration d'utilité publique qui lui permettrait de faire des
économies. La guerre ne laisse pas à celle-ci le temps
d'accomplir ce déménagement.
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