3. Luxe et grand public
Rappelons en premier lieu la problématique qui a
été le fil conducteur de ce travail : quels sont les risques et
conséquences pour une marque, qui muliplie les occasions d'être
posséder par le plus grand nombre ?
Cette problématique nous amènera, dans cette
partie à nous interroger sur le luxe et le grand public.
Comme nous nous sommes efforcés de le démontrer
tout au long de ce travail, le luxe n'est pas un secteur comme les autres,
longtemps il a été le territoire des "happy few" (population
cible du luxe ayant les revenus les plus élevé)1.
Au cours des vingt dernières années, le luxe
s'est considérablement démocratisé. Les produits et
services de luxe, sont progressivement descendus dans la rue et
désormais, par ex : le parfum de marque de luxe, certains produits
(comme les accessoires)sont occasionnellement consommés par le plus
grand nombre.
Faire rejaillir le prestige du haut de gamme, sur des produits
plus accessibles afin de mieux les vendre... certaines maisons de luxe n'ont
pas hésité à démocratiser leur offre afin
d'élargir leur clientèle, espérant ainsi faire du volume.
Ainsi le plus grand nombre pourra se parfumer avec Must de Cartier,
s'habiller avec un tee-shirt DKNY (Donna
Karan), mettre ses clefs dans un petit trousseau au monogramme
LV (Louis Vuitton)...
La prospérité des entreprises de luxe repose sur un
paradoxe2 : mettre en scène des produits glamour
réservés à l'élite, pour mieux vendre des produits
banalisés au plus grand nombre. "L'élargissement de la
clientèle depuis vingt ans, est la grande réussite du secteur
".
Pour parvenir à cet élargissement, les maisons de
luxe ont suivi deux directions : - La diversification
Cette méthode consiste pour une marque à devenir
multisegment en accordant des licences, parfois à tout va.
Ex : Gucci, maroquinier au départ. Depuis
1995, la marque avait multiplié les licences. On trouvait des briquets
Gucci ainsi que des produits bas de gamme, distribués
partout.
- La déclinaison
Cela consiste à créer des produits ou des enseignes
d'entrée de gamme.
Ex : Christian Lacroix, propose une ligne Bazar
avec des articles à moins de 150 euros.
Ex : Louis Vuitton, propose des cartouches
d'encre, très cheap.
Certains suivent même les deux pistes.
Ex : Giorgio Armani : sa griffe haut de gamme a
donné naissance à des sous-marques moins chères
(d'Emporio Armani à Armani Jeans).
Mais la diversification et la déclinaison des griffes de
luxe, ne sont pas sans risque. Une vraie interrogation stratégique se
pose : combien de produits une marque peut-elle porter sans se galvauder ?
Les marques doivent veiller à garder leur positionnement
luxe. Les produits de luxe, censés être inaccessibles, sont
qualifiés de produits fantasmes. S'ils sont banalisés, rendus
communs, à la portée du plus grand nombre, les produits de luxe
risquent de perdre leur aura.
Un ensemble de risques guette les marques qui s'engouffrent dans
les méthodes de diversification et de déclinaison :
- perte du caractère imaginaire des marques - perte de la
valeur mentale des produits - banalisation de la marque
- dévalorisation de la marque
- dilution de la marque face à la concurrence -
altération de l'image de marque
La déception d'un client sur un article d'entrée
de gamme a vite fait de déteindre sur l'image de l'ensemble. Il semble
de donc risqué de multiplier les occasions d'entrée de gamme pour
contenter l'engouement du grand public pour le luxe.
Finalement le plus gros risque pour une marque serait de ne
plus être considéré comme marque de luxe.
Ex : Gucci. La société avait
tellement multiplié les licences, qu'en 1995 on ne la considérait
plus comme une marque de luxe. Il faudra, pour retrouver un statut fort de
marque de luxe, abandonner la stratégie de diversification et compter
sur le génie du créateur Tom Ford et sur
l'ingéniosité du PDG Domenico de Sole.
Mais c'est donc pour répondre à l'engouement du
grand public que les marques se sont lancés dans ces stratégies
ainsi que pour acquérir une stature planétaire. Mais aujourd'hui
face aux risques de banalisation, les marques préfèrent
contrôler leur production et leur distribution. C'est d'ailleurs en
utilisant une distribution en réseau sélectif que les marques de
luxe pourront toucher le public qui leur convient.
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