III- La publicité :
Au début de la période, jusque vers 1791, les
imprimeurs indiquent souvent leur nom en première page de
l'imprimé, tandis qu'ils le font plus rarement ensuite. Il s'agit pour
eux du meilleur moyen de se faire connaître par les acheteurs potentiels
de livres, puisque la personne qui lit ce nom dans la présentation d'un
ouvrage est souvent susceptible d'en acheter dans la même ville. En
revanche, il est relativement rare qu'ils n'indiquent pas leur nom en bas de la
dernière page, quel que soit le type de document. Cependant, ils ne
souhaitent pas touj ours voir leur nom associé à certains textes
précisément et ne le mentionnent donc pas, c'est pourquoi un
certain nombre de textes restent sans nom d'imprimeur. La date n'est pas non
plus mentionnée sur chaque imprimé, elle l'est essentiellement au
début de la période et dans les documents administratifs.
Le rôle des périodiques est très important
dans la concurrence. C'est pourquoi les gros imprimeurs ont tous au moins un
journal, non pas pour gagner de l'argent en l'imprimant et en le vendant, mais
plutôt pour se faire connaître. A Angers, le principal producteur
de périodiques est Charles-Pierre Mame : il imprime les Affiches
d'Angers depuis 1781, quand il prend la succession de Billault. Dans le n°
82 de 1795 de ce périodique, Mame fait paraître
426 Justification de Goupil fils, apothicaire à
Angers, Jahyer et Geslin, 1795.
427 Bouton, A., << Les Francs-maçons et la
Révolution française. Dispersion politique des
Francs-maçons du Maine au printemps 1792 >>, dans Annales
historiques de la Révolution française, T. 41, 1969, p. 487,
18 p.
une annonce qui peut être assimilée à de
la publicité : « Le citoyen MAME se chargera toujours de procurer
à ses concitoyens tous les livres dont ils auront besoin, et de faire
venir de Paris ceux dont il ne sera pas pourvu ; on peut s'adresser à
lui pour les souscriptions de tous les journaux et papiers publics, qu'il fera
rendre, franc de port, à l'adresse qu'on lui indiquera, avec la plus
grande célérité. Les personnes qui auront des
bibliothèques à vendre, pourront également s'adresser
à lui avec confiance. On trouve chez lui du papier à lettre, des
plumes taillées, des registres de toutes grandeurs, de la cire
d'Espagne, du pain à cacheter, des règles, des grattoirs, des
canifs, ... >>.
Également, dans les Affiches d'Angers du jeudi
7 juillet 1791, Mame adresse un avis : « les premiers et second
numéros du journal intitulé Le Creuset, par M. Milscent,
Créole, viennent de paraître. Les sentiments dont cet ouvrage est
rempli le rendent du plus grand intérêt. Au lieu du titre qu'il
porte, il eût pu être appelé L 'égide de la loi,
ou Le bouclier de la liberté, ou Le défenseur
de l 'humanité. Ces trois objets font la tâche de l'auteur,
et il ne s'en écarte jamais. Enfin, nous allons l'avancer, Le
Creuset deviendra par la suite le Manuel des vrais amis de la
Constitution. >> On voit, par cette dernière phrase, que
Milscent et Mame sont proches. Ce dernier est l'imprimeur de ce journal, il est
donc normal qu'il en vante les mérites. Mais ils se côtoient aussi
au sein de la Société des Amis de la Constitution d'Angers. C'est
donc à la fois par leur lien d'amitié et pour la
prospérité que Mame recommande l'ouvrage de Milscent.
Pareillement, Pavie fait de la publicité dans L
'observateur provincial pour ses autres publications et les livres qu'il
vend. En effet, comme il fait de la publicité pour les livres qu'il vend
en tant que libraire, donc qu'il n'imprime pas forcément, il annonce les
parutions et les retards de son journal intitulé Correspondance de
MM. les députés des communes... 428 De plus, comme Mame dans
les Affiches d'Angers, il prévient quand arrivent les moments
auxquels les prorogations d'abonnements sont
nécessaires429.
Mame ne fait pas de la publicité uniquement pour lui :
le mercredi 27 février 1793, il fait paraître, dans sa rubrique
« Livres nouveaux qui se vendent chez le sieur Mame >>, une annonce
pour le document n° 421430, imprimé par Jahyer et
Geslin. Ce n'est évidemment pas encore le moment où Mame et
Jahyer et Geslin sont de véritables rivaux. Il est néanmoins
nécessaire de tenir compte du fait que Jahyer et Geslin ne
représentent visiblement pas une vraie concurrence pour Mame, du fait
qu'ils impriment seulement 6 textes sur 175, contre 164
428 Document n° 792.
429 L 'Observateur provincial, n° 21,
3ème partie, juillet 1790.
430 Calendrier du peuple franc, rédigé par une
société de philanthropes, (...), Jahyer et Geslin, 1793.
pour Mame, durant cette année 1793. Ce fait montre
néanmoins qu'il semble y avoir eu une concurrence moins accrue avant la
Révolution entre Mame et Jahyer. En revanche, dans les textes n°
437431, 479432, 502433, 503434,
510435, 735436, 736437, on voit que Mame et
Jahyer et
Geslin se livrent une forte concurrence, puisque les deux
imprimeries produisent le même type de livres. Ces ouvrages sont produits
pour la même occasion, ce sont approximativement les mêmes titres,
seuls les formats et nombres de pages diffèrent
légèrement.
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