INTRODUCTION
Dès le début du siècle1, et de façon
encore plus accrue depuis une trentaine d'années,
le phénomène El Niño a attiré
l'attention de nombreux scientifiques et ce, dans diverses
disciplines2. Les définitions ont alors
évolué au fur et à mesure des découvertes qui se
sont
succédées. Je propose donc en premier lieu de
clarifier brièvement sous quelles acceptions,
j'emploierai les différents termes du sujet.
Tout d'abord, le courant El Niño est à distinguer
de l'événement ou phénomène El
Niño. Le premier correspond au courant marin qui arrive
habituellement chaque année le long
des côtes équatoriennes et nord-péruviennes
aux environs de Noël (d'où son nom, El Niño
signifie en espagnol l'enfant et par extension l'Enfant
Jésus). L'événement El Niño encore
appelé phase ENOA3 (El Niño/Oscillation Australe)
se réfère quant à lui au phénomène plus
global couplant l'océan et l'atmosphère qui
intervient de manière acyclique et récurrente tous
les 3 à 7 ans4 et qui est à l'origine de multiples
perturbations climatiques essentiellement
autour du domaine Pacifique.
C'est ainsi que l'avènement d'une phase ENOA engendre une
série de
bouleversements des régimes
hydro-météorologiques classiques. Ces anomalies5 ou
perturbations vont se répercuter à leur tour sur
les dynamiques d'érosion et modifier les
milieux physiques. Les effets induits constituent un ensemble de
manifestations inhabituelles
qui peuvent s'apparenter dans bien des cas à de
véritables catastrophes. Ces phénomènes
associés, ces impacts, sont autant d'aléas
physiques (sécheresses, inondations, ouragans,
érosion littorale lors des surcotes marines, enfoncement
et/ou translation du lit des rivières,
glissements de terrain...) qui sont susceptibles de
représenter une menace pour les
implantations humaines. Néanmoins, nous le verrons,
certaines incidences météorologiques
exceptionnelles peuvent représenter à l'inverse une
aubaine pour certaines activités6.
Ces répercussions physiques vont donc avoir des
conséquences sur les implantations et
l'organisation des groupes sociétaux. Certaines
communautés humaines vivent dans des
secteurs à risque et se trouvent donc vulnérables
face à l'occurrence d'aléas imputables aux
événements El Niño. Par ailleurs, les
actions anthropiques peuvent dans certains cas
contribuer à accroître le risque initial7.
On distingue les conséquences immédiates, c'est
à dire celles qui sont immédiatement
perceptibles, identifiables rapidement après la survenue
du sinistre (nombre de morts, de
blessés ou de sans-abri, pourcentage du parc immobilier
détruit ou de récoltes perdues, coûts
estimés des dommages et des réparations8...) des
conséquences à plus long terme9. En dehors
des aspects économiques on peut répertorier par
exemple, la modification de pratiques
1 En 1920, Sir Gilbert Walker, au sujet de la mousson indienne,
faisait déjà allusion à ce phénomène
2 Océanographie, Climatologie, Economie,
Géographie, Anthropologie...
3 L'on trouve aussi ENSO (El Niño/Southern Oscillation) et
ENOS (El Niño/Oscilación del Sur)
4 La période de retour a varié au cours de
l'histoire comme nous le dévoilent des études de
paléoclimatologie
5 Qui s'écarte de la moyenne, qui se singularise de ce qui
est habituellement ou le plus fréquemment observé
6 L'agriculture dans certains secteurs traditionnellement arides
devient alors possible
7 Cette thématique sera abordée en III/C
8 Cf. D'Ercole R., 1993
9 Beaucoup moins étudiées, beaucoup moins prises en
compte par les gestionnaires et décideurs
8
sociales, la formation de nouveaux quartiers consécutive
au relogement des sinistrés, des
modifications fonctionnelles à l'échelle d'une
ville, les perturbations des réseaux de
communication10, ou encore des changements dans la
législation des plans d'occupation des
sols suite à une crise...). Ainsi, les conséquences
à plus long terme apparaissent à la fois très
variées et par la même parfois difficilement
discernables.
C'est pour cela qu'une approche géographique semble
adaptée à ce genre d'étude dans
le sens où cette thématique se prête à
la cartographie11 et dans le sens où une vision
pluridisciplinaire globale est nécessaire afin de prendre
en compte les multiples composantes
en interrelation du système :
Mécanismes des événements ENOA ????
Manifestations physiques ???? Conséquences sur les enjeux humains
Par ailleurs, il appartient au géographe de trouver et de
proposer des solutions en vue
de minimiser les impacts des aléas extrêmes dans le
cadre d'un aménagement cohérent des
territoires et d'un développement durable des
sociétés.
L'Equateur a retenu mon attention car il ressort comme
étant l'un des états les plus
durement touchés lors des phases ENOA. Il est le premier
à être atteint par le courant marin et
ses phénomènes associés et ce, sur la plus
longue période, jusqu'au retrait des eaux
exceptionnellement chaudes qui est le plus tardif au niveau des
côtes équatoriennes. En outre,
les paramètres à l'origine des pluies y ont
été clairement déterminés12. Le rôle que joue
la
position de l'EM13, structure pluviogène, sur les
régimes pluviométriques y est décisive.
Ainsi, une compréhension plus fine des mécanismes
liés à l'EM pourrait à terme aboutir à une
meilleure prévision des occurrences pluviométriques
exceptionnelles.
De surcroît, deux conférences internationales14 ont
permis de faire le bilan sur le type
d'incidences climatiques associées aux phases ENOA et sur
les mesures possibles à
entreprendre pour atténuer leurs impacts. Par
conséquent, de nombreuses personnes et
organismes sont impliqués aussi bien au niveau local qu'au
niveau supranational et il existe
de l'information en quantité substantielle et
accessible.
Enfin, d'un point de vue pratique, on trouve une structure
scientifique d'accueil
française qu'est la mission IRD15 implantée
à Quito où je me suis rendu au mois d'avril 1999
et où je retourne en stage à la fin de
l'année.
La période d'étude retenue 1982-1998 a
été choisie car 1982-83 et 1997-98 ont été des
années marquées par la survenue
d'événements El Niño tout à fait exceptionnels dans
leur
magnitude, leur étendue et leur longueur dans le temps.
Des estimations16 donnent une durée
de retour de l'ordre de mille ans pour l'événement
82-83. Sachant que le dernier en date
équivaut en intensité à celui de 1982-83, on
en déduit que deux épisodes de fréquence
millénale se sont déroulés à
seulement 15 ans d'intervalle en cette fin de siècle.
10 Voir Projet de recherche en Annexes.
11 Exemple : cartographie comparative des aléas
associés à une phase ENOA pour une période et un pays
donnés
12 Travaux de Pourrut P. et Rossel F., voir bibliographie
13 Equateur Météorologique, se
référer à Leroux M., 1996
14 Quito en novembre 1997, Guayaquil en novembre 1998
15 Institut de Recherche pour le Développement
(ex-Orstom)
16 Pourrut P., 1986
9
Certains indices nous laissent supposer que nous nous trouvons
actuellement dans une
phase où la récurrence et l'amplitude des
phénomènes El Niño tendent à s'intensifier.
Si cette affirmation s'avère exacte, les aléas
physiques associés et leurs conséquences
sur les structures humaines et sur l'économie des pays
concernés risquent certainement de
s'aggraver encore au cours des années à venir. Ceci
rend impératif, d'une part, l'amélioration
des prévisions météorologiques, d'autre
part, la prise de mesures de prévention en passant
notamment par l'information des populations, et enfin la mise en
application de certaines
mesures législatives relatives à l'occupation du
sol et la réalisation de certains aménagements
visant à réduire l'impact des accidents
hydro-météorologiques.
Ce mémoire de DEA cherche à illustrer les
interrelations qui existent au sein du
système Nature/Sociétés. Cependant, il ne
s'agit nullement ici de développer les arguments
mais plutôt au contraire d'établir une
synthèse avec des pistes de recherches que je
m'appliquerai à approfondir dans le cadre d'une
thèse de doctorat.
En première partie, je m'intéresserai au
phénomène El Niño à proprement parlé,
c'est
à dire les dynamiques des mécanismes du
système couplé océan-atmosphère en mettant
l'accent en particulier sur le positionnement de l'EM qui est un
indicateur pertinent de
l'occurrence d'un épisode ENOA. Dans un deuxième
temps, j'aborderai la thématique des
aléas d'origine naturelle (inondations, glissements de
terrain etc. ...) que l'avènement d'une
phase ENSO implique. En troisième partie, j'envisagerai
l'étude des conséquences des
répercussions physiques sur les sociétés
qu'elles soient négatives ou positives. Enfin, je
détaillerai quelques éléments de
problématique à développer a posteriori en Equateur.
On trouve à la fin de ce travail une bibliographie
conséquente se référant au sujet.
Toutefois, les articles et ouvrages ne sont pas
systématiquement cités dans le texte. Cette liste
sert avant tout à dresser un bilan de ce qui a
déjà été étudié et par voie de fait,
de ce qui ne l'a
pas encore été. Elle constitue une base
d'informations solide et un point de départ essentiel
pour la poursuite de mon étude.
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