D/ Présentation de deux études de cas
1) Aurore
Nous présenterons d'abord l'observation dans le cadre
d'une prise en charge en groupe, d'une patiente que nous prénommerons
Aurore.
Motif d'admission : Aurore présente un état
dépressif sévère avec troubles anxieux, aboulie (absence
de volonté), idée suicidaires.
a) Anamnèse d'Aurore :
Aurore est une jeune fille de 23 ans qui, suite à un
très grave accident de la circulation avec des complications
infectieuses, a passé trois ans d'hospitalisation au CMUDD (centre
médico universitaire Daniel Douady à St Hilaire du Touvet).
Le médecin psychiatre emploie le terme d'une "adolescence
hospitalière".
Lors des premiers entretiens avec le médecin
psychiatre et la psychologue, nous apprenons que ses parents sont
divorcés et que dans son enfance elle a subi des maltraitances
(violences physique), de la part de son père.
Au début de son hospitalisation à l'UPA, Aurore
est en régression, elle a recours à une sucette et une
peluche.
b) Objectifs de l'institution :
Permettre à Aurore une rupture avec l'extérieur
afin de pouvoir se poser.
Qu'elle puisse retrouver un élan vital et qu'elle se
remette en lien avec les autres.
c) Objectifs de la prise en charge :
Au cours d'une discussion avec la psychologue, nous fixons
l'objectif thérapeutique général dans
l'atelier qui sera de retrouver une notion de plaisir, une douceur par le corps
et la peau.
d) Déroulement des séances lors de la prise en
charge d'Aurore :
Précisons qu'Aurore est arrivé à l'UPA
début Mai 2004 et que sa première séance
d'artthérapie a lieu le lundi 24 Mai 2004.
Première séance :
La premère séance à lieu le lundi de 10 h 00
à 11 h 00 pour ce groupe composé de cinq adolescents dont
Aurore.
L'atelier commence par la découverte et l'investissement
du lieu en leur proposant de marcher déchaussé, en
déroulant les pieds (notions d'appuis et de verticalité).
Aurore se déchausse et commence sa marche le regard
porté vers le sol.
Les bras ne sont pas relâchés et des gestes
parasites se font remarquer tels que les doigts portés vers la bouche ou
les bras qui se croisent.
Lors de l'échauffement corporel avec un fond sonore, les
bras s'ouvrent, le regard suit, Aurore respecte les consignes et semble
s'impliquer dans ce qu'elle fait.
Nous passons à la deuxième phase de l'atelier
où la notion de groupe prend tout son sens.
Des traversées communes sont proposées sur un
rythme binaire où nous sollicitons les appuis, les pieds frappent le sol
et les genoux sont en flexion.
Ces passages successifs en groupe ont comme conséquence de
provoquer des sourires complices, des bribes de synchronisation, du plaisir
à faire ensemble.
Aurore donne l'impression de s'amuser à faire.
Lors de la troisième phase de l'atelier, c'est le passage
au sol, où le corps se relâche.
Aurore s'étant allongée trop près d'un autre
patient, je lui demande si je peux, en lui soutenant les mollets, la faire
glisser de 50 centimètres.
Elle refuse en me disant que l'on ne peut pas lui toucher les
jambes.
Je lui conseille alors de se faire rouler sur le
côté pour éviter au corps des tensions inutiles (ne pas se
relever pour aller se rallonger ailleurs).
Elle ferme les yeux, accède à une respiration
abdominale de courte durée mais je constate à la position du
corps dans le sol que celui-ci n'est pas complétement détendu.
En effet les pieds restent flexes et les épaules et le
thorax sont contractés.
Deuxième séance :
Au début de la séance, Aurore vient me demander
si elle peut garder ses chaussures, car cela lui est difficile de
dérouler sa marche, l'accident lui ayant provoqué un
déséquilibre, elle porte des semelles adaptées.
Après le passage de la marche, Aurore enlève
spontanément ses chaussures.
Nous reprenons alors nos traversées, accompagnées
cette fois de percussions, Aurore choisit le tambourin.
Sa coordination est bonne, elle est en rythme.
Je propose des traversées à deux, Aurore choisit
une autre patiente et leur passage s'accompagne de sourires et de rires.
Aurore s'implique de plus en plus corporellement, elle accepte le
regard de l'autre.
Lors du passage au sol, elle trouve sa place et son corps est
plus relâché, les pieds s'ouvrent, les épaules tombent.
A la fin de la séance, lors du temps de parole, Aurore
verbalise le fait de "travailler corporellement, sans que cela fasse mal".
Troisième séance :
Aurore garde ses chaussures pour la marche et les enlève
d'elle même dès que nous passons au travail en groupe.
Nous abordons alors le toucher de l'autre sous la forme du jeu de
la sculpture.
Cet exercice se fait à deux, en imaginant que le
partenaire est un paquet d'argile, il se laissera modeler, sculpter.
Aurore parait prendre plaisir à modeler le corps de
l'autre, en faisant preuve d'imagination dans les détails,
jusqu'à l'attitude du visage de l'autre, lui faire faire un sourire en
étirant délicatement la bouche du modèle.
Lors d'un exercice en solo d'improvisation avec un foulard de
soie, sur fond sonore, Aurore se laisse aller à la douceur, ses
mouvements sont amples et gracieux.
Durant le passage au sol de fin de séance, elle profite
pleinement du relâchement et met plus de temps que les autres à
retrouver une position debout.
Lors du temps de parole, elle s'exprimera ainsi : "Je
m'étonne à faire des choses que je trouve belles".
Quatrième et dernière séance
:
Aurore se déchausse dès le début de la
séance.
Lors de la marche, elle déroule bien chaque pied, elle
prête attention à ce qu'elle fait et son regard est ouvert sur
l'extérieur, son corps est placé dans la verticalité.
Dans la deuxième phase de l'atelier, je propose au
groupe le jeu de la machine, qui consiste a ce qu'une première personne
prenne place dans l'espace et s'installe dans un mouvement
répétitif accompagné d'un son, une deuxième
personne se rajoutant avec les mêmes consignes et ainsi de suite.
La difficulté est de donner un mouvement régulier
à la machine, chacun des participants devant s'accorder avec les
autres.
Aurore est la deuxième personne à s'installer, ses
mouvements s'accordent à la première personne et elle produit un
son, qu'elle répéte avec son mouvement ( son, qu'elle
n'émettait pas à d'autres occasions comme à l'expiration
en relaxation, lors du passage au sol). Dans la dernière phase de
l'atelier, au moment de la relaxation, Aurore me demande si je peux lui
soulager les jambes par un exercice de relâchement qu'elle m'a vu faire
sur un autre patient. Cela consiste à porter la jambe du patient en lui
demandant de poser tout son poids dans mes mains.
Lors du temps de parole, elle dit "ne ressentir aucune douleur
dans ses jambes, les avoir complétement posées".
2
1
0
séance T1 T 2 T 3 T 4
Relâchement corporel Volonté
e) Evaluations d'Aurore au cours de sa prise en charge
:
2
1
0
séance T1 T 2 T 3 T 4
Implication du patient Acceptation du toucher
Légende :
0 : Pas du tout
1 : Un peu
2 : Beaucoup
Remarques et bilan des évaluations
:
Les items du relâchement corporel et celui de la
volonté ayant été représentés sur le
même graphique, il est intéressant de constater que les deux
évoluent de manière synchrone.
Plus Aurore a fait preuve de volonté dans les
séances, plus son corps a trouvé une détente et a pu se
relâcher.
Pour le deuxième graphique, nous constatons après
un net refus du contact corporel dans les deux premières séances,
une évolution progressive sur les deux dernières.
Quant à l'implication d'Aurore, on peut dire qu'elle a
progressé rapidement et qu'elle s'est maintenue.
L'acceptation du toucher a pu se faire grâce à un
cadre contenant, rassurant et dans la confiance qui s'est instaurée dans
la relation. La volonté progressive d'Aurore ainsi que son implication
quasi constante en témoignent.
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