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Le marché obligataire suisse

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par Xavier LE PRADO
Université Paris Dauphine - Maà®trise de Sciences de Gestion 2005
  

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III-1 Historique du marché obligataire international.

L'obligation est l'un des instruments les plus anciens du système financier international. De tout temps, et grâce à des émissions étrangères, des non-résidents ont emprunté des sommes importantes sur certains marchés nationaux en se conformant à la réglementation du pays où se réalisait l'émission. Une émission obligataire effectuée par une entreprise française sur le marché de Zurich et un emprunt réalisé par une entreprise allemande sur le marché obligataire de New York sont deux exemples d'opérations qui présentent les caractéristiques d'une émission étrangère. Souscrite par un syndicat de banques et d'institutions financières du pays où s'effectue l'émission, cette dernière est généralement libellée dans la devise du pays.

Le terme « euro-obligation » est le nom qui fut donné en 1963 aux émissions réalisées à Londres par des emprunteurs européens à partir de ressources en dollar. Par la suite, cette dénomination s'est étendue aux emprunteurs de toute nationalité, opérant sur d'autres places financières à partir de devises diverses.

Une euro-obligation est un titre de créance doté d'un statut fiscal privilégié, émis par un syndicat de banques internationales et placé dans des pays différents de celui dont la monnaie est utilisée pour libeller l'emprunt. Cette dernière caractéristique est toutefois théorique, car de nombreux titres sont finalement placés auprès d'investisseurs dont la nationalité correspond à celle de la devise utilisée par l'emprunteur.

La présence d'un syndicat d'émission constitué de banques internationales et l'exemption de la retenue à la source de la part du pays où se fait l'émission sont deux éléments essentiels pour définir une émission euro-obligataire et la distinguer d'une émission nationale. Le syndicat permet d'assurer une diffusion internationale des titres. Le statut fiscal dérogatoire est une condition nécessaire à l'existence d'euro-obligations, car dans tous les pays du monde le fisc retient à la source une partie des intérêts contractuels.

À l'époque où les autorités américaines mettaient en place la taxe de péréquation, les filiales européennes des entreprises américaines étaient conduites à se tourner vers le marché international pour financer leurs investissements. L'ampleur de leurs besoins de financement, l'étroitesse de la plupart des marchés de capitaux européens et les entraves érigées par certains gouvernements locaux étaient trois raisons qui les contraignaient à se tourner vers ce nouveau marché.

L'instauration de la taxe de péréquation des taux d'intérêt a sans aucun doute favorisé le développement du marché euro-obligataire sur lequel les émissions sont effectuées en dehors de toute réglementation édictée par les pouvoirs publics. Cette taxe, qui devait être une mesure temporaire, ne fut supprimée qu'au 1er janvier 1974. Pendant ces dix ans, plus de 30 milliards de dollars furent empruntés sur le marché euro-obligataire et le volume des émissions dépassa celui des émissions étrangères réalisées à New York.

Beaucoup d'observateurs crurent que la suppression des mesures restreignant l'accès des non-résidents au marché de New York allait être une menace immédiate pour le marché euro-obligataire, et plus spécialement pour sa composante dollar. Ils pensaient que ce marché ne pourrait pas survivre à la suppression de la taxe de péréquation. En fait, la levée de cette taxe n'a pas freiné son dynamisme. Le marché des euro-obligations a poursuivi, bien au contraire, un développement parallèle au renouveau des émissions étrangères à New York et à leur essor sur les places de Zurich, de Francfort et de Tokyo.

La suppression en juin 1984 de la retenue à la source sur les titres émis sur le marché obligataire américain aurait pu freiner le développement du marché euro-obligataire. En fait, tel ne fut pas le cas, puisque le volume des émissions a littéralement explosé, passant de 50 milliards de dollars en 1983 à 735 milliards en 1997. Ces chiffres prouvent que le marché euro-obligataire avait acquis en quelques années une réelle autonomie et qu'il apportait des services spécifiques aux emprunteurs.

De 1980 à 1997, plus de 85 % des émissions étrangères furent effectuées sur les marchés de Zurich, de New York et de Tokyo. Les émissions en franc suisse représentaient à elles seules plus de 45 % des émissions étrangères entre 1980 et 1991. Le pourcentage a fléchi depuis 1992, même si le montant global des emprunts libellés en franc suisse s'est légèrement accru. Cette importance s'explique par l'interdiction notifiée par les autorités monétaires suisses aux banques helvétiques d'utiliser le franc suisse comme monnaie de libellé d'éventuelles euro-émissions. Ne pouvant obtenir des francs suisses sur les marchés internationaux, il ne restait aux emprunteurs que la possibilité de se présenter sur le marché national en respectant les procédures locales. Comme le note Hubert de La Bruslerie (1997, p 956), « Le caractère national des émissions n'est cependant qu'une apparence. Le marché suisse ne fait que prêter sa structure à des émissions qui sont en réalité placées auprès d'investisseurs étrangers. La grande majorité des souscriptions ne provient pas des résidents suisses mais de capitaux internationaux gérés par les banques suisses ». Ce qui est vrai du franc suisse l'est également, dans une large mesure, des autres devises.

Les euro-obligations ne doivent pas être confondues avec les obligations étrangères, mais elles en sont le prolongement. La distinction entre les deux instruments est particulièrement floue. Il arrive en effet que des non-résidents souscrivent, parfois massivement à un emprunt étranger. La proportion des titres placés en dehors du pays d'émission peut dépasser 20 %. Par ailleurs, une fois émis, ces titres ont des caractéristiques très proches de celles des euro-obligations. Pour bien les distinguer des émissions nationales et euro-obligataires, les émissions étrangères effectuées sur le marché américain sont dénommées yankee bonds ; celles effectuées sur le marché japonais sont cataloguées en tant que samurai bonds. En Grande-Bretagne, on les appelle des bulldog bonds et en Suisse des chocolate bonds.

Avec la relative uniformisation des procédures d'émission et l'homogénéisation croissante des emprunteurs, des titres émis et des investisseurs, distinguer une émission étrangère d'une euro-émission devient une véritable gageure. De la même façon, distinguer une émission internationale d'une émission nationale de grande ampleur souscrite par des investisseurs internationaux ou des non-résidents (nous pensons aux émissions de titres publics à Paris et à New York) est un exercice aussi difficile. À l'exception des conditions réglementaires qui sont (légèrement) plus contraignantes pour les emprunts réalisés dans un cadre national, il n'y a plus de réelles différences entre les émissions étrangères, les euro-émissions et les émissions nationales souscrites par des non résidents. Ces trois catégories de titres émis par les mêmes émetteurs, souscrits par les mêmes investisseurs, syndiqués par les mêmes banques, remplissent les mêmes fonctions économiques et financières. Ce sont des émissions obligataires internationales.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius