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Communication politique et séduction à  travers la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck à  l'Assemblée nationale le 03 février 2003

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par Mamadou THIAM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Dea Science du langage 2005
  

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2.3 L'homme humble

Le sens de l'humilité de la part du Premier ministre s'incarne à travers deux axes : la reconnaissance du mérite d'autrui et ce qu'on pourrait appeler le profil bas du locuteur.

Le Premier ministre, dans son discours, s'efforce de reconnaître et d'accepter le mérite des autres. Cette reconnaissance du mérite de l'autre est conforme à l'ethos d'homme de foi vertueux et juste qu'elle prolonge et amplifie. Reconnaître le mérite intrinsèque de l'autre, ou accepter qu'autrui a joué, joue ou jouera un rôle important dans notre propre succès, c'est, dans une certaine mesure, amoindrir notre mérite personnel. C'est ainsi que le Premier ministre remercie Dieu de l'avoir aidé à réussir ses missions. Mieux, il invoque son secours pour garantir le succès de ses différentes actions :

Je convoite de Dieu une victoire éclatante dans cette nouvelle mission, à l'image de celle dont il m'a gratifié lors de la première. (Seck 2003 : 5)

En demandant le soutien de Dieu, pour la réussite dans les actions républicaines, donc laïques par essence, qu'il entreprend, le Premier ministre prend le risque d'afficher l'image d'un homme fataliste et irrationnel qui ne serait pas sûr de la pertinence de sa démarche. Toutefois, la dimension prépondérante du fait religieux dans la société sénégalaise transforme cette éventuelle interprétation négative pour en favoriser une lecture positive. En effet, le caractère laïc de la République du Sénégal cache mal la vigueur du fait religieux et des croyances qui vont avec, notamment la nécessité de la bénédiction divine pour le bon accomplissement de toute action.

Après avoir reconnu et sollicité l'implication divine pour la réussite des ses actions, le Premier ministre en fait de même pour d'autres, à commencer par l'institution qui reçoit sa Déclaration de politique générale, l'Assemblée nationale,  à qui il reconnaît tout son mérite et son honorabilité :

Le Peuple, souverain dans ses décisions, vous a assigné la mission d'être le médium honoré par lequel je lui présente humblement, aujourd'hui, ma feuille de route. (Seck 2003 : 5)

Mais ce respect pour l'institution parlementaire manifeste d'autant plus un sens de l'humilité de la part du chef du gouvernement, qu'il découle d'une volonté de soumission totale du Premier ministre à la souveraineté du Peuple, vrai détenteur du pouvoir, que les parlementaires sont censés représenter :

C'est par respect et considération pour votre auguste Assemblée, et au-delà pour le peuple qu'elle représente que j'ai décidé, tout au long de mon ministère, de revenir ici, personnellement, à la tête de mon Gouvernement, au rythme qu'il vous plaira de fixer (...) (Seck 2003 : 10)

De même, ses concitoyens sénégalais, toutes catégories confondues, bénéficient de sa reconnaissance. C'est le cas pour les enseignants dont il reconnaît le mérite par rapport à la nation, en générale, et par rapport à lui-même, en particulier:

Etant comme beaucoup d'autres le produit d'enseignants qui, aujourd'hui encore, demeurent mes maîtres en ce que je continue de m'inspirer de leurs leçons, je suis particulièrement sensible au sort de ceux qui ont entre leurs mains l'avenir de millions de Sénégalais. (Seck 2003 : 24)

Au-delà de la simple reconnaissance du mérite d'autrui dans le succès de ses actions, le sens de l'humilité justifie l'appel à l'aide que le Premier ministre adresse à ses concitoyens, car il est conscient qu' « il faudra une mobilisation de tous les segments de notre société pour accroître nos chances de succès ». Aussi, même le commun des sénégalais, représenté symboliquement par le personnage « Goorgoorlu », est-il sollicité :

Goorgoorlu pourra m'aider dans la vulgarisation de cette nouvelle politique, et dire à son oncle paysan qu'il est difficile de travailler sur trois mois pour espérer avoir des revenus sur douze. (Seck 2003 : 13)

L'humilité, c'est aussi l'ouverture à autrui ; l'échange instructif avec les autres pour une plus grande réussite. D'où le souci du Premier ministre de prolonger sa démarche participative, initiée avant sa Déclaration de politique générale, en se mettant à la disposition des autres démembrements de la société car sa « porte leur sera (...) toujours ouverte » avec, au programme, des rencontres pour « débattre, apprendre et informer » (Seck 2003 : 8).

Mais l'humilité n'est pas uniquement d'ordre verbal. Elle est aussi para verbal et non verbal. Sur le plan para verbal, la Déclaration de politique générale s'est faite sur un ton calme, posé, avec un débit lent dans l'ensemble.

Sur le plan non verbal, le souci de paraître humble est pris en charge par la posture du Premier ministre. En effet, tout au long de son discours, le Chef du Gouvernement a gardé une posture marquant l'humilité. C'est le dos légèrement courbé, les mains adossées à la table, devant lui, qu'il a prononcé son discours. Comme s'il voulait « discipliner » sa gestuelle. Celle-ci, quasi-minimaliste, se contentant d'accompagner les vocatifs, adresses et interpellations de son auditoire par des regards distribués tantôt à sa gauche, tantôt à sa droite.

De même, un souci d'humilité peut être lu à travers la place choisie par le Premier ministre pour faire face à son auditoire et prononcer sa Déclaration de politique générale. En effet, il a choisi de demeurer à la place réservée aux membres du Gouvernement alors que la tradition veut que le Chef du Gouvernement se déplace jusqu'à la tribune faisant face à la majorité des députés. Cette position aurait d'ailleurs été plus propice, non seulement aux échanges avec les élus du Peuple, mais aussi avec le Peuple lui-même. En effet, cette position aurait permis une plus grande visibilité du locuteur dans la mesure où le parloir est mis en valeur par son léger retrait du reste de l'hémicycle, son caractère central et sa position surélevée par rapport au reste de l'hémicycle. Toutes choses qui auraient, en outre, favorisé les prises de vue des preneurs de vue de la télévision nationale, et amélioré ainsi l'image reçue par les téléspectateurs. En déclinant la position haute du parloir, le Chef du Gouvernement adopte, de la sorte, une posture basse41(*), en signe de modestie et de simplicité. Une simplicité et une modernité relayées par le sentiment de sincérité véhiculé.

* 41 Pour les notions de position, voir Kerbrat-Orecchioni, (Orecchioni 1992 I : p. 95).

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo