Communication politique et séduction à travers la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck à l'Assemblée nationale le 03 février 2003( Télécharger le fichier original )par Mamadou THIAM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Dea Science du langage 2005 |
2.2 Le justeL'image de l'homme juste transparaît à maintes reprises dans la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck. Une justice qui prend des contours à la fois économiques et sociaux. Le symbole de la justice est la balance, qui réfère à l'équilibre et à l'équité. Deux préoccupations fortement représentées dans le discours du Premier ministre. Le sens de l'équilibre apparaît à travers le partage prôné des responsabilités entre les détenteurs du « commandement » (Seck 2003 : 8) et les autres franges de la société. Cet équilibre décisionnel reprend l'impératif d'une gestion concertée telle qu'édictée en démocratie et auquel le Premier ministre veut se conformer: (...) j'en appellerai à un partage juste, équilibré, et pertinent des charges liées à notre mission gouvernementale. Il faudra une mobilisation de tous les segments de notre société pour accroître nos chances de succès. (Seck 2003 : 8) L'équilibre se transforme rapidement en équité. Une équité sociale qui commande aux décideurs de veiller aux intérêts de tous, en garantissant les droits de chacun tout en protégeant les plus faibles : Il (le programme du Gouvernement) vise à offrir à l'adulte le cadre optimal d'éclosion de ses talents, et à organiser pour l'Ancien, une vieillesse honorable, au moyen d'un système viable de retraite. (Seck 2003 : 9) La justice dépasse le cadre de l'équité sociale pour englober la solidarité qui recommande, non seulement la protection des plus faibles, mais aussi le secours et l'assistance aux démunis. C'est pourquoi le programme du Gouvernement « vise aussi, le cas échéant, à prêter à tous, la chaude couverture de notre solidarité nationale » (op.cit. : 9). Mais la justice n'est pas uniquement d'ordre économique. Elle emprunte aussi les contours de la coercition par la répression et la sanction des fautifs. D'où la multiplication d'actes menaçants dans son discours comme manifestation d'une rigueur sans failles dans sa quête de justice. Une mise en oeuvre de la justice qui arbore les allures d'une dualité entre le Bien et le Mal par laquelle sont encouragés les auteurs de bonnes actions tandis que ceux coupables de pratiques interdites seront punis : Au-delà du rire que déclenche cette évocation, chacun d'entre nous devra choisir en toute responsabilité son identité, car je suis décidé à aider Goor et à combattre Ndioublang. (Seck 2003 : 10) Dans cette croisade contre le mal, l'équité se veut pleine et entière. C'est ainsi que le Premier ministre s'engage à mettre tout le monde sur le même pied d'égalité par rapport à la justice. Car, soutient-il, « que Ndioublang soit un grand dignitaire de l'Etat ou un revendeur de cassette piratée, il sera combattu ». De même, à propos des audits40(*), il s'engage à faire de telle sorte qu'ils se déroulent dans des conditions qui ne souffrent d'aucune manipulation : Je tiens, cependant, à dire solennellement, sans être en mesure de révéler des secrets d'instruction, que l'appartenance politique n'a soustrait et ne soustraira personne aux rigueurs de la Loi. (op.cit. : 10) Conscient que la justesse des décisions, à elle seule, ne saurait les rendre opérationnelles, le Premier ministre affiche sa ferme volonté de mettre en oeuvre un certain nombre de pratiques qui permettent à la justice d'être effective. D'où l'invocation des notions de « transparence », de « responsabilité » et de « bonne gouvernance » (op.cit. : 10), qui requièrent l'application de mesures hardies à l'image de la «politique active de lutte contre la corruption ». Une volonté de lutter contre la corruption qui ne se limite pas à une profession de foi mais qui se donne les moyens de son opérationnalité : Pour cela, j'attache la plus grande importance à une mise en oeuvre rigoureuse du nouveau code des marchés publics. Ce code prévoit que le principe en matière de marché est l'appel d'offre, c'est-à-dire la transparence et l'égalité des chances de tous les candidats. J'entends faire en sorte que désormais la plus grande part des marchés publics soit passée sur ces bases. Les marchés de gré à gré doivent devenir l'exception limitée aux seuls cas visés dans le code. Il est en outre prévu, dans les prochaines semaines, l'adoption d'un texte réglementaire instituant un Conseil de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. (Seck 2003 : 10) Le symbole de la balance, qui réfère à la justice, se manifeste aussi à travers la distribution même de la justice. Celle-ci se voulant en amont et en aval de la société. C'est ainsi que nous avons la manifestation de la justice comme moyen d'atténuation d'un drame, comme c'est le cas par rapport à la gestion de la tragédie liée au naufrage du bateau le Joola : La nature et la complexité de la tâche nous imposent vigilance et rigueur afin qu'aucune injustice ne vienne alourdir la charge émotionnelle de cette douloureuse tragédie collective. (Seck 2003 : 6) De même, nous avons une idée de la justice comme mode de définition de la bonne voie, à travers une approche moralisatrice et éducative : Le meilleur outil de lutte contre la pauvreté demeure l'accès à un revenu décent. Je ne connais que trois voies d'accès, au revenu : une qui anoblit: le travail, une qui assujettit : l'aide, une qui avilit: le vol. (Seck 2003 : 18) Dans la Déclaration de politique générale, l'ethos d'homme juste, affiché par le Premier ministre, s'étoffe par le fait que les éléments abordés sous l'angle de la justice portent sur des questions de principe qui sont naturellement source de consensus, difficilement contestables au risque de se faire marginaliser, voire discréditer, pour celui qui le tenterait. L'ethos de l'homme juste est d'autant plus acceptable que celui qui s'érige en justicier refuse de passer pour un être autoritaire, qui abuserait de ses pouvoirs. C'est ainsi que se déploie, à travers le discours, l'image d'un individu modeste et humble qui ne se laisse pas emporter par les volutes du pouvoir. * 40 L'Audit, au demeurant, ne se limitera pas à un stock de dossiers passés, mais accompagnera de façon permanente, comme outil de prévention autant que de répression, la gestion en cours. Et c'est là que réside son vrai rôle au service de la transparence élevée au rang d'obligation constitutionnelle par notre régime. |
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