Communication politique et séduction à travers la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck à l'Assemblée nationale le 03 février 2003( Télécharger le fichier original )par Mamadou THIAM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Dea Science du langage 2005 |
CHAPITRE 3 : L'ETHOS PREDISCURSIF1. L'IMAGE D'IDRISSA SECK AVANT SA NOMINATION À LA PRIMATUREContrairement à l'ethos discursif qui renvoie à l'image que le locuteur construit dans son discours, l'ethos préalable réfère à l'image préexistante de l'acteur de la sphère publique, en l'occurrence, ici, le Premier ministre Idrissa Seck. Ce dernier, né en 1959, est un militant de longue date du Parti démocratique sénégalais dont il est le numéro deux depuis 1998. C'est en 1988 qu'il effectue une entrée dans la sphère publique, en devenant, à l'âge de 28 ans, le Directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade à l'élection présidentielle de février 1988. C'est ainsi, qu'après la défaite du Parti démocratique sénégalais à l'élection présidentielle de 1988, il retourne en France poursuivre des études à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. Par la suite, il séjournera aux Etats-Unis où il travaillera comme consultant. Revenu au Sénégal, il fera partie des hommes choisis par le Secrétaire général du Parti démocratique sénégalais, Abdoulaye Wade, pour siéger dans un Gouvernement d'union nationale entre 1995 et 1998. Durant toute cette période, il n'a jamais eu de base électoral, ni de mandat électoral d'envergure nationale. Par contre, il n'a cessé d'incarner l'image du stratège surdoué, qui préfère la réflexion stratégique au sommet au militantisme à la base. C'est d'ailleurs en 1998 seulement qu'il entre véritablement dans la bataille politique à la base, en dirigeant la liste départementale de son parti lors des élections législatives dans sa ville d'origine, Thiès. Quelques mois auparavant, il bénéficie de la défection du numéro deux, de fait, de son parti, Monsieur Ousmane Ngom. Ce dernier crée sa propre formation politique en 1998, le Parti libéral sénégalais (PLS), et accusera Idrissa Seck de profiter de sa proximité avec le Secrétaire général du PDS afin de placer ses hommes à toutes les instances de pouvoir. Bien que battu par le Parti socialiste, dans sa ville natale de Thiès, Idrissa Seck n'en sera pas moins intronisé Secrétaire Général Adjoint du PDS. Aux élections présidentielles de 2000, nommé Directeur de campagne, il mettra en oeuvre une stratégie de communication novatrice inspirée du marketing politique américain bâtie autour de la « Marche bleue »23(*). Cette élection consacre la victoire de son candidat, Abdoulaye Wade, et marque l'avènement de l'Alternance, après un règne sans partage de quarante ans du Parti socialiste. Nommé Ministre d'Etat, Directeur de cabinet du Président Abdoulaye Wade, poste qu'il commentera en disant : « j'y suis en silence et à l'abri des regards », (Sall, 2001), il assoira son pouvoir en mettant en place un réseau constitué, pour la plupart, de ses amis et fidèles partisans qui se verront nommés à des positions de pouvoir24(*). En même temps, il s'efforcera de combattre ses adversaires, aussi bien à l'intérieur du PDS25(*), qu'au sein des partis alliés26(*). Ses assauts répétés seront à l'origine de la démission du Premier ministre Moustapha Niasse27(*). Après la démission de Moustapha Niasse, Idrissa Seck demeure à son poste de Ministre d'Etat, Directeur de cabinet du Président et en profite pour consolider son pouvoir. Et ce, d'autant plus que le nouveau Premier ministre, Mame Madior Boye28(*), est un technocrate, sans appartenance, ni base politique. Après sa démission, Idrissa Seck sera nommé Premier ministre, consacrant ainsi un homme qui a toujours eu l'ambition « en bandoulière » et qui, déjà, avait inscrit sur son site Internet « I was born to be President »29(*). D'où l'image d' « homme pressé »30(*), profondément influencé par la culture américaine qui lui est accolée moins d'un mois après l'arrivée au pouvoir du Pds. En résumé, Monsieur Idrissa Seck avait, jusqu'à sa nomination comme Premier ministre en novembre 2003, un ethos qui renvoyait à deux axes principaux. L'un, positif, faisait de lui le fidèle poulain du Chef de l'Etat, qu'il n'a jamais trahi et qui a mis son savoir-faire et son génie politique et intellectuel à la disposition du Pds pour son accession au pouvoir. L'autre, renvoie à l'homme pressé, imbu de sa personne, à la limite de la suffisance et de l'arrogance, qui n'hésite pas à exclure ou à marginaliser ses détracteurs et qui affiche un goût immodéré du pouvoir. Toutes choses qui amèneront le Premier ministre à relooker son image avant son passage devant les députés de l'Assemblée nationale. Une tentative que nous désignerons par la notion de pré-formatage de l'image de soi * 23 La « marche bleue consistait, pour le Pds, à battre campagne à travers les différentes villes du Sénégal, sous la forme d'un convoi qui traversera le Sénégal de bout en bout avec l'avantage de ne pas tenir systématiquement des meetings politiques. Ceux-ci nécessitant une logistique et des moyens financiers dont le Pds ne disposait pas. * 24Selon l'hebdomadaire indépendant Nouvel Horizon en date du 03 Juin 2005, « Idrissa Seck était [quand il était Directeur de cabinet du Chef de l'Etat] l'homme fort du régime libéral après Wade. Celui qui avait l'oreille du président et qui, par le truchement de celui-ci, faisait et défaisait toutes les carrières dans les sphères de l'Etat et dans l'appareil du Pds. * 25 Les cas les plus patents sont ceux des frondeurs de Dakar : Doudou Wade, Lamine Ba et Abdou Fall. Les deux derniers nommés seront d'ailleurs écartés du Gouvernement. C'est le même sort que subira le Ministre Aminata Tall. Ironie du sort, toutes ces personnes siègent actuellement au Gouvernement contrairement à monsieur Seck qui est présentement incarcéré à la prison de Rebeuss. * 26 Idrissa Seck déclara, quelques semaines seulement après la formation du Gouvernement de l'Alternance, qu'il battrait Moustapha Niasse, le Premier ministre et en même temps allié du PDS, aux prochaines élections législatives. * 27 Arrivé troisième au premier tour de l'élection présidentielle, il a soutenu, au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2000, le candidat opposant Abdoulaye Wade, qui sera finalement élu et qui fera de lui son Premier ministre. * 28 Mame madior Boye est une juriste de formation, sans appartenance politique. Elle a d'abord été ministre de la Justice dans le premier Gouvernement de l'Alternance avant d'être nommée Premier ministre de mars 2001 à novembre 2002. * 29 Cette information n'a jamais été démentie officiellement. Toutefois nous n'avons pas pu en vérifier la véracité. Toutefois, il existe un site Internet portant le nom du Premier ministre Idrissa Seck sur lequel est inscrite cette phrase : « Idrissa Seck, next President ». Voir www.idrissaseck.com site visité le 29 juillet 2005. * 30 Issa Sall, « L'Homme pressé », Nouvel Horizon N° 217 du 14 avril 2000. |
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