Communication politique et séduction à travers la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck à l'Assemblée nationale le 03 février 2003( Télécharger le fichier original )par Mamadou THIAM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Dea Science du langage 2005 |
CHAPITRE 2 : CONTEXTUALISATION ET CADRAGENous ne saurions aborder les rapports entre la communication politique et la séduction, via la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck, sans pour autant éclairer le contexte dans lequel celle-ci a été faite. Contexte dont l'interaction avec les signes garantit la « valeur » de la « signification » (Klinkenberg 1996 : 311). Ainsi, nous accorderons, dans cette étude, une attention particulière au cadre institutionnel et au contexte politique. 1. CADRE INSTITUTIONNELEn démocratie, nous avons deux grandes catégories de régimes politiques : le régime parlementaire, qui donne plus de pouvoir aux chambres des représentants du peuple, et le régime présidentiel, qui donne le primat au Chef de l'Etat et à son Gouvernement. Mais, quelque soit la nature du régime, les jeux de pouvoir varient en fonction des rapports de force entre les différentes composantes du Parlement. S'il y a coïncidence entre la majorité au Parlement et les détenteurs du pouvoir Exécutif, les problèmes sont moindres. Par contre, si les tenants de l'Exécutif sont minoritaires, ou relativement majoritaires, cette situation accroît les enjeux de pouvoir et renforce la dimension conflictuelle de la Déclaration de politique générale. Au Sénégal, nous avons un régime présidentiel. Dans ce cadre, et contrairement au régime parlementaire intégral où le Premier ministre est l'émanation du Parlement, c'est le Chef de l'Etat qui détermine la politique de la Nation et nomme le Chef du Gouvernement chargé de la conduire22(*). Dès lors, l'aspect confrontation de la Déclaration de Politique Générale semble, sans être absent, faible en apparence, dans la mesure où nous avons un régime présidentiel disposant d'une majorité forte à l'Assemblée. Ce qui accroît la dimension représentative et communicationnelle de la Déclaration de Politique Générale. Aussi, ne peut-on analyser la Déclaration de politique générale sans étudier le contexte politique qui l'a induite et auquel elle doit sa raison d'être. 2. CONTEXTE POLITIQUELa Déclaration de Politique Générale, qui est étudiée ici sous l'angle des rapports entre la communication politique et la séduction, est celle de Monsieur Idrissa Seck, militant du Parti Démocratique Sénégalais au pouvoir. Il a été nommé Premier ministre en novembre 2002, à la suite d'événements politiques et sociaux cruciaux qui accroissent, de manière considérable, les enjeux liés à son face à face avec les députés. Le Parti Démocratique Sénégalais est arrivé au pouvoir lors des élections présidentielles de février et mars 2000, à la faveur de la première Alternance démocratique au Sénégal, sur la base d'une large coalition politique. Dès lors, son exercice du pouvoir est d'abord caractérisé par le partage de celui-ci avec ses alliés. C'est ainsi que le poste de Premier ministre a d'abord été confié à un allié, Moustapha Niasse, de l'Alliance des forces de progrès (AFP), d'avril 2000 à mars 2001. En mars 2001, à la veille des élections législatives, une rupture fracassante s'opère entre les deux principaux alliés de la coalition au pouvoir. Cette rupture entraîne la démission du Premier ministre Moustapha Niasse, ainsi que celle des ministres de son parti et ceux d'autres partis appartenant à sa mouvance politique. Pour gérer le Gouvernement, à moins de deux mois des élections législatives, un Premier ministre (de transition ?) est nommé. Ce Premier ministre avait deux caractéristiques principales : d'abord, c'était la première fois, dans l'histoire politique sénégalaise, qu'une femme occupait cette fonction. Ensuite, dans le contexte d'un pouvoir dans la conquête duquel les politiques ont joué un rôle décisif, avec une large coalition regroupant plus d'une dizaine de partis, le fait marquant dans cette nomination, est que le titulaire du poste est un technocrate sans aucune appartenance politique. Le Parti Démocratique Sénégalais, chef de file de la coalition Sopi au pouvoir, remporte largement les élections législatives d'avril 2001, mais garde toujours à la tête du Gouvernement le technocrate Mame Madior Boye. Sa large victoire aux élections locales de mai 2002 achève la dynamique de conquête de toutes les instances décisionnelles. Dès lors, le moment était venu pour un exercice plus marqué du pouvoir, avec la nomination, à la tête du Gouvernement, d'un membre du parti dominant. Mais la survenue d'événements sociaux vont ralentir ce processus : il s'agit principalement du naufrage du bateau le Joola. Le naufrage du Bateau le Joola va mettre le pouvoir dans une posture délicate qui va difficilement de pair avec un affichage démesuré de son hégémonie politique. Dès lors, le pouvoir s'efforcera d'adopter un ton et une démarche conciliateurs en appelant les sénégalais à se réunir autour de l'essentiel. Mais ce souci de consensus sera accompagné par une volonté de mieux faire face au mécontentement populaire et aux assauts d'une opposition de plus en plus confiante, en disposant d'un Premier ministre plus bagarreur, donc politique, par essence. C'est dans ce contexte que l'on assiste à la « migration » de Monsieur Idrissa Seck, précédemment Ministre d'Etat, Directeur de Cabinet du Chef de l'Etat, à la « station » primatoriale, en novembre 2002. Sa nomination consacre la mainmise définitive des libéraux sur toutes les instances de décision du pays. Le contexte politique surchauffé, avec d'une part, l'effritement de la Coalition au pouvoir et le renforcement de l'opposition ; d'autre part, la volonté des libéraux d'assumer, enfin, sans complexe, leur statut de leader politique incontesté, dans lequel Idrissa Seck sera appelé à la tête du Gouvernement, va conférer à sa Déclaration de Politique Générale une dimension toute nouvelle, qu'aucune de celles de ses prédécesseurs n'avait connue. D'autant que, pour la première fois depuis l'Alternance, une coïncidence parfaite a lieu entre le Chef du Gouvernement et la majorité à l'Assemblée Nationale. Toutes choses qui vont donner à la Déclaration de Politique Générale du nouveau Premier ministre une tournure événementielle très forte. Cette tournure événementielle sera en outre favorisée par le goût prononcé du Premier ministre pour le marketing politique, d'une part, et d'autre part, par le contexte médiatique sénégalais marqué par une diversité des supports. * 22 La Constitution, dans son Titre II consacré au Président de la République indique clairement : Article 42 : Le Président de la République est le gardien de la Constitution. Il incarne l'unité nationale. Il est le garant du fonctionnement régulier des institutions, de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire. Il détermine la politique de la Nation. Article 49 : Le Président de la République nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. Sur la proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions. |
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