Conclusion
Au Sénégal, l'insécurité
alimentaire résulte de la conjonction de facteurs multiples et
cumulatifs autrement dit d'un ensemble de dysfonctionnements
stratégiques et de politiques inappropriées notamment dans le
secteur agricole. Parmi les facteurs contribuant à
l'insécurité alimentaire, les fortes fluctuations de la
production agricole semblent les plus déterminantes, non-seulement
à travers ses effets sur l'offre mais aussi sur les revenus des
populations rurales. L'instabilité du secteur agricole se traduit par de
fortes fluctuations des prix des produits alimentaires, affecte les revenus des
ruraux, les balances de paiement, les budgets de l'Etat et à long terme
réduit les investissements et innovations technologiques dans le secteur
primaire et le reste de l'économie. Le faible niveau d'investissement et
d'innovations technologiques perpétue la faiblesse de la
productivité des terres et du travail et se traduit par une
pauvreté de la majeure partie de la population. C'est ce contexte de
faible productivité et de pauvreté structurelle qui conduit
à la permanence de l'insécurité alimentaire.
La réalisation de la sécurité alimentaire
demeure un défi à relever en Afrique subsaharien notamment au
Sénégal où une frange importante de la population est
sous-alimentée. La situation et les perspectives d'évolution
pointent à une dégradation de la situation actuelle. La
pauvreté à l'échelle du pays, des ménages et des
populations est la principale contrainte à la disponibilité, la
stabilité et à l'accessibilité alimentaire. La croissance
de la productivité agricole, à travers la transformation du
secteur primaire reste fondamentale pour stimuler la croissance
économique qui permettrait de générer les emplois et les
revenus nécessaires à la réalisation de la
sécurité alimentaire. L'augmentation de la production locale est
l'un des moyens les plus sûrs pour se prémunir sur le long terme
contre les fluctuations des prix mondiaux. Toutefois, les performances du
secteur agricole déterminent à la fois la disponibilité et
l'accès aux denrées alimentaires pour la grande majorité
de la population sénégalaise.
Pour y parvenir, d'importantes actions visant à rendre
les systèmes de production plus productifs doivent être mise en
oeuvre tout en essayant de lever les contraintes actuelles d'ordre social,
économique et politique auxquelles est confronté le secteur
primaire. Des changements de politiques agricole seront nécessaires non
seulement pour améliorer les rendements en vue d'une augmentation de la
production mais également pour inciter l'investissement dans le secteur
agricole, particulièrement au secteur rizicole sénégalais.
Les options politiques récentes d'arriver à une autosuffisance en
riz en 2017 confirment les positions édictées par les
décideurs
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au lendemain de la flambée des prix des denrées
alimentaire des années 2007-2008 qui était devenue une question
de paix, de sécurité et de stabilité nationales. Elles
préconisent le développement de la chaine de valeur du riz local
dans le but d'augmenter la production nationale de façon sensible et
arriver ainsi à une substitution des importations. Au regard des
résultats des études sur la transmission des prix56,
l'augmentation de la production locale demeure l'un des moyens les plus
sûrs pour se prémunir sur le long terme contre les fluctuations
des prix mondiaux.
Les options actuelles, quoique justes sur les principes
comportent des faiblesses dans la stratégie de mise en oeuvre. Elles
privilégient les aspects liés à la production surtout les
aménagements. Même si les décideurs reconnaissent la
nécessité de développer les infrastructures de stockage,
d'améliorer l'environnement institutionnel et financier, et de
résoudre les problèmes d'équipement qui freinent la double
culture, ils accordent une importance limitée à la
commercialisation, à la transformation et au développement de
partenariats d'affaires entre les différents maillons de la chaine de
valeur. Toutefois, si une bonne combinaison de politiques de stockage,
d'importations, d'aides alimentaires et de filets de protection sociale permet
de stabiliser les disponibilités et les prix intérieurs, et de
faire face à l'insécurité alimentaire transitoire, seule
la croissance de la productivité du secteur agricole et la mobilisation
de ces gains de productivité pour le développement
économique permettra d'atteindre la sécurité alimentaire
structurelle à moyen et long terme.
56 M. DIARRA, Fondation FARM : Mécanisme de
transmission de la hausse des prix des céréales depuis les
marchés mondiaux vers les marchés locaux : le cas des
céréales au Mali et au Sénégal, Septembre 2008. V.
MEURIOT, Une analyse comparative de la transmission des prix pour l'orientation
des politiques publiques : le cas du riz au Sénégal et au Mali,
Janvier 2012.
CSA/SIM : Rapport final de l'étude sur la transmission des
fluctuations et le calcul de prix de parité à
l'importation/exportation dans la sous-région : cas pratique du
Sénégal, Janvier 2010.
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Recommandations
La sécurité alimentaire dépend
aujourd'hui d'une relance de la production nationale de céréales
dont le riz est l'élément principal. Le développement de
l'agriculture, et notamment de l'agriculture irriguée, est une
priorité constante des pouvoirs publics. La mise en place du programme
nationale d'autosuffisance en Riz à l'horizon 2017 par l'Etat
sénégalais, entend une production satisfaisant, pouvant couvrant
la demande à l'échelle nationale. Ainsi, en vue d'apporter des
solutions réalistes aux contraintes relevées et valoriser au
mieux les atouts qui s'offrent, des recommandations concrètes sont
faites sur la base des options stratégiques permettant d'atteindre
l'autosuffisance en riz, à travers le développement du secteur
agricole notamment de l'agriculture irriguée, pour lutter contre
l'insécurité alimentaire au Sénégal.
Dans cette logique, les mesures suivantes sont fortement
recommandées :
1. Augmenter la productivité et la production
agricole particulièrement rizicole par l'amélioration et
l'intensification des systèmes de production par la modernisation en
sécurisant les exploitations agricoles, l'intensification de la mise en
valeur des périmètres irrigués et l'exploitation de
nouveaux périmètres, la mise à disposition à temps
des intrants agricoles de bonne qualité.
2. La mise en valeur des potentialités
hydro-agricoles de la Vallée et le développement de l'agriculture
irriguée à travers une gestion rationnelle de la
ressource en eau, une sécurisation foncière des
aménagements hydro-agricoles, une politique cohérente de
maintenance des infrastructures construites, les moyens adéquats d'une
mise en valeur agricole à travers l'intensification et la
diversification des activités agricoles.
3. La réalisation d'infrastructures et la
modernisation de l'équipement agricole, par
l'amélioration de la gestion et une sécurisation foncière
des aménagements hydro-agricoles, la mise en place des nouvelles
infrastructures socio-économiques et la réalisation et
réhabilitation de nouveaux périmètres rizicoles, le
renforcement de la mécanisation agricole à travers le
renouvellement des matériels et outils de production, le renforcement
des infrastructures de transformation, de conservation et de commercialisation,
le désenclavement et l'électrification des zones de
productions.
4. L'accroissement des investissements du secteur
agricole en stimulant l'investissement privé et l'amélioration de
l'accès au financement rural à travers une
démarche
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d'opérationnalisation des dispositifs de financements
par la mise en place de politiques d'incitatifs à l'investissement, la
mise en place de fonds de garantie d'investissements et de partenariat avec des
établissements financiers, accompagner les acteurs économiques
par des financements d'activités liées à
l'aménagement des terres, à la production et la
mécanisation, par l'achat de matériels agricoles.
5. La formation, le suivi et l'accompagnement des
acteurs agricoles, ainsi que l'appui à la commercialisation
à travers le renforcement des services publics en milieu rural
pour l'encadrement et le conseil agricole, la formation aux meilleures
techniques hydro-agricoles et de stockage, l'appui aux chaines de valeurs
agricoles et aux organisations professionnelles, des formations sur les
techniques d'utilisation des intrants.
6. Le renforcement de la structuration des
organisations professionnelles et interprofessionnelles par le
développement institutionnel à travers l'élaboration de
politiques de réformes institutionnelles et de structuration et
d'organisation des acteurs, renforcer les initiatives d'appui à la
filière, de développer les capacités organisationnelles et
de gestion des producteurs.
7. L'appui au secteur de la recherche pour stimuler
les processus d'innovations technologiques et la vulgarisation agricole
par approche participative, à travers le renforcement des
structures de recherche en termes de budgets, d'équipements et de
matériels pour permettre la mise au point des nouvelles
variétés de semences plus productifs, plus résistants, et
de techniques améliorées issus de la recherche pour
améliorer la productivité agricole et l'augmentation des
rendements ; à travers des techniques de vulgarisation par le partage
les résultats de la recherche et les savoir-faire avec les producteurs,
mais aussi à les aider à exploiter une plus large part de la
chaîne des valeurs.
8. L'amélioration de la
compétitivité et une meilleure promotion du riz local
par la mise en place d'une politique de valorisation du produit, une
politique de prix à partir du profil du consommateur et/ou
stratégie de marketing mix centré sur la commercialisation,
renforcer l'organisation de la commercialisation et l'efficacité des
circuits de distribution, améliorer le système de
commercialisation et la qualité, réaliser des campagnes de
sensibilisation des consommateurs sur le riz local, renforcer les mesures
d'ordre institutionnel et règlementaire sur la commercialisation du
riz.
9. Le renforcement de l'intégration entre la
chaîne de production et celle de transformation agroalimentaire,
pour incorporer davantage de valeur ajoutée à nos
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produits, aux fins de promouvoir le « consommer local
» et réduire notre dépendance face aux importations.
10. Favoriser le développement de
l'agrobusiness et la promotion de l'entreprenariat agricole pour
permettre respectivement des chaines de valeur hautement productives et
rentables, qui pourront établir un lien efficace entre les petits et
moyens producteurs et les marchés et la mise en place de politique
d'appui à la promotion de l'entreprenariat agricole pour la
transformation socio-économique des zones rurales afin de rendre le
milieu rural attractif, de réduire significativement l'exode rural.
11. Entreprendre une réforme foncière
qui faciliterait l'accès au foncier, garantirait la
sécurité d'occupation foncière et constituerait un levier
important dans le processus de création de richesse, en
définissant un cadre réglementaire apte à promouvoir la
sécurité foncière des investisseurs par la création
et/ou le renforcement d'une commission nationale de réforme
foncière comme autorité compétente qui
légifère en matière foncière avec un pouvoir
affirmé et renforcé.
12. Instaurer une gouvernance foncière
pour favorise une exploitation optimale des potentialités de la
vallée, en partenariat et avec l'implication des collectivités
locales et les diverses catégories d'utilisateurs de la terre.
13. L'adoption d'une approche intégrée
dans la planification des actions et leurs mises en oeuvre tant au
niveau gouvernemental entre ministères: agriculture, économie,
commerce, que des acteurs à la base : structures d'encadrement et de
recherche, interprofessions, et organisations paysannes.
14. Améliorer la convergence des politiques
à travers un cadre de convergence stratégique de
sécurité alimentaire qui prend en compte et met en synergie
l'ensemble de ces stratégies et politiques sectorielles.
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