la protection juridique des personnes vulnérables au niger.par Taher ABDOU Université d'Abomey Calavi - Master 2 2017 |
B - La responsabilité de l'ÉtatLa responsabilité de l'État a longtemps été exclue338. Le droit de la responsabilité publique prend une importance toujours accrue, comme le soulignait une étude du conseil d'État : « Notre société refuse la fatalité. Elle se caractérise par une exigence croissante de sécurité. Cette exigence engendre la conviction que tout risque doit être couvert, que la réparation de tout dommage doit être rapide et intégrale et que la société doit, à cet effet, pouvoir, non seulement à une indemnisation des dommages qu'elle a elle-même provoqués, mais encore de ceux qu'elle n'a pas été en mesure d'empêcher, ou dont elle-même n'a pas su prévoir l'occurrence »339. La responsabilité de l'État n'a réellement été admise qu'en 1873, avec l'arrêt du tribunal de conflit340, aujourd'hui même sans faute la responsabilité de l'administration est susceptible d'être mise en jeu341. Dans un contexte où « la notion émergente de sécurité humaine a suscité de nouvelles exigences concernant la manière dont les États traitent leur propre peuple », il n'est plus convenable que l'État « dispose d'un pouvoir illimité de faire ce qu'il veut à sa propre population ». Le principe de responsabilité de protéger postule ainsi la responsabilité primaire de l'État sur le fondement de sa souveraineté : « la 337 Ibid., p. 86. 338 Cf. : « Le propre de la souveraineté est de s'imposer à tous sans qu'on puisse réclamer d'elle aucune compensation » (Édouard LAFERRIERE), cité par Jacqueline MORAND-DEVILLER, in Droit administratif, Paris, Montchrestien, 9ème édition, 2011, p. 752. 339 Martine LOMBARD (dir), Droit administratif, Paris, Dalloz, 11ème édition 2015, p. 547. 340 Cf. Arrêt Blanco, TC, 8 février 1873. 341 Cf. Arrêt CAMES, CE, 21juin 1895. 71 souveraineté des États implique une responsabilité, et c'est à l'État lui-même qu'incombe au premier chef, la responsabilité de protéger son peuple ». La souveraineté de l'État n'est pas sans limite, mais implique au contraire des obligations irréductibles, comme celle de garantir la sécurité humaine de sa population. Cette conception de la responsabilité s'accorde ainsi avec l'exigence de « prendre soin » (care giving) du care qui propose de répondre aux besoins de la personne vulnérable en accomplissant un travail matériel, impliquant la mise en oeuvre de compétence spécifique342. En espèces, l'État est responsable de la protection de tous ses nationaux, et en cas de défaillance résultant de ce dont il a la charge, sa condamnation peut être établie343. A cet effet, il convient de préciser que l'État est tenu d'une réparation et celle-ci implique l'obligation de prendre en charge les personnes vulnérables victimes de violations de leurs droits. 342 Marion BLONDEL, La personne vulnérable en droit international, op. cit., p. 442. 343 Cf. Arrêt Dame Hadjidjatou Mani Koraou c. République de Niger, Cour de Justice de la CEDEAO, Arrêt ECW/CCJ/JUD/06, 27 octobre 2008 précité. CONCLUSION CONCLUSION 72 « Sans droit de l'Homme assuré, il n'y a pas d'Homme », JOSEPH DJOGBENOU344 Protéger les personnes vulnérables implique les reconnaitre dans leur existence, respecter leurs besoins, leurs droits mais également de leur donner la possibilité de participer aux décisions qui les concernent. Ainsi la vie en société n'est possible que si les rapports entre les citoyens sont basés sur le respect des libertés individuelles345. Le respect des droits fondamentaux des sujets vulnérables est inscrit dans les instruments internationaux, régionaux, et nationaux. Au travers de cette réflexion, une question fondamentale retient l'attention : Les personnes vulnérables bénéficient-elles d'une protection suffisante au Niger ? Envisager cette interrogation dans sa globalité, revient à souligner que les insuffisances ont caractérisé bien le système protecteur normatif et organique au Niger. Ce système n'a pas encore acquis ses traits définitifs. Ainsi, il y a lieu de déduire que, la protection juridique des personnes vulnérables au Niger est affirmée, du moins au plan normatif et organique. Cette protection est loin d'être effective, sans doute les difficultés liées à la mise en oeuvre des conventions relatives aux droits de l'Homme. « Les réponses urgentes nécessitent des actions rapides, et pour y arriver, des données fiables collectées en temps réels sont cruciales »346, a déclaré Chibuya TOMOKO. L'on doit s'attaquer aux racines de la vulnérabilité, ce qui, dans de nombreux cas, implique la sécurité pour tous, la garantie des droits du citoyen. S'inspirer de la préservation de l'autonomie et l'accès aux droits qui ont été récemment réaffirmés comme principes et objectifs clés du dispositif de protection des vulnérables au niveau européen car permettant de garantir leur « qualité de vie » 344Joseph DJOGBENOU, « Les voies de recours contre les violations des droits de l'homme et des refugiés », loc.cit., p. 9. 345 Cf. Jean. RIVERO, Les libertés publiques, Paris, Dalloz, 11ème édition 1995, p. 202. 346 Chibuya TOMOKO, Représentante de l'UNICEF Niger, lors de l'atelier de formation des acteurs de la protection civile sur la création et l'appropriation des outils numériques permettant la protection des droits de l'Homme, disponible sur https://www.unicef.org/, consulté le 20 mai 2019 à 20H. 73 et la « qualité des soins ». Ces droits sont rappelés en France dans les textes divers, infra législatifs ou législatif, et inscrit dans l'ancien Code de l'action sociale comme la « Charte des droits et libertés des personnes âgées dépendantes » établie par la commission « Droits et Libertés » de la fondation de gérontologie ou plus récemment, la « Charte des droits et libertés des personnes vivant en établissements médicosociaux »347. Le défi pour l'État du Niger reste de pouvoir interdire certaines pratiques nuisibles aux personnes vulnérables par voie législative. Prendre des mesures législatives en vertu des dispositions de l'article 99 de la constitution, en son alinéa relatif à la constatation des coutumes et leur mise en harmonie avec les principes fondamentaux de cette constitution tel que celui de l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard de la femme et de la jeune fille. Amener une meilleure connaissance par les personnes vulnérables de leurs droits. Formaliser l'intervention des autorités coutumières et religieuses et amener celles-ci à protéger les droits des personnes vulnérables. Accroitre l'accompagnement juridique et judiciaire au profit des personnes vulnérables, rendre la justice plus accessible à ces personnes vulnérables, en supprimant les obstacles physiques comme l'éloignement du service public de la, les barrières financières et les lourdeurs348. Le législateur doit non seulement prévoir la possibilité d'un tel recours mais doit tout faire pour surmonter les obstacles qui pourraient empêcher la victime « d'aller en justice »349. 347 Hélène THOMAS, Les vulnérables, la démocratie contre les pauvres, op, cit., p. 193 348 Boubacar HASSANE (dir), Projet de recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l'Ouest, Institut Danois des droits de l'Homme, Etude sur le Niger, op.cit., p. 36. 349 Sophie CLEMENT, (dir), Les droits des victimes ; victimologie et psychotraumatologie, op, cit., p. 14. Bibliographie indicative iblirahi iditi
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