Année universitaire 2019-2020
MUSEUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
MEMOIRE DE RECHERCHE DE MASTER 2
MASTER BIODIVERSITE, ECOLOGIE ET EVOLUTION
(BEE)
PARCOURS : QUATERNAIRE, PREHISTOIRE, BIOARCHEOLOGIE
LES PIECES BIFACIALES A BORDS PARALLELES
DU MIDDLE
STONE AGE D'AFRIQUE CENTRALE
APPROCHES PRODUCTIONNELLE ET TECHNO-FONCTIONNELLE DES ASSEMBLAGES
LITHIQUES DES SITES DE LA VALLEE DU NZAKO (REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE)
par
Marie Josée ANGUE ZOGO
Encadrants :
David PLEURDEAU, Maitre de Conférences, Muséum
National d'Histoire Naturelle Claire GAILLARD, Muséum National
d'Histoire Naturelle
Isis MESFIN, doctorante, Muséum National d'Histoire
Naturelle
i
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier principalement Claire Gaillard et
David Pleurdeau qui ont été mes encadrants depuis le Master 1.
David merci pour ta disponibilité, tes conseils, ton aide pour toutes
les difficultés rencontrées durant cette période difficile
de crise sanitaire, mais surtout d'avoir permis que ce stage se déroule
dans les meilleures conditions pour moi.
Isis, je peux le dire, ce mémoire ne se serait pas fait
aussi efficacement si je n'avais pas ton omniprésence avant et pendant
ce stage. Tu as été plus qu'une encadrante, tu as
été une amie, une conseillère et une source de motivation
puissance mille.
Néanmoins, ce mémoire ne se serait pas fait sans
l'accès aux collections, je tiens donc à remercier
personnellement et au nom de mes encadrants Monsieur De Lumley, grâce
à qui nous avons accédé aux collections de l'Institut de
Paléontologie Humaine. Merci à Rachel Orliac et Stéphanie
Renault pour m'avoir facilité le travail, Rachel par sa
disponibilité au bureau et Stéphanie pour les collections.
Un énorme merci également au projet Emergence(s)
de la ville de Paris « Préhistropic : Préhistoire sous mes
tropiques » (resp. Antoine Lourdeau) pour la gratification obtenue lors de
ce stage.
Je ne pourrais finir sans remercier Serge Roustide qui nous a
gentiment prêter une collection personnelle durant le confinement, au
moment où je ne pouvais pas avoir accès à celles de l'IPH.
Ma formation a débuté avec cette collection qui a rendu plus
fluide mon stage dès l'accès aux collections, en, juillet
2020.
Merci également au Muséum national d'histoire
Naturelle grâce à qui j'ai été formée durant
trois ans, une formation complète qui me permettra de poursuivre mes
études.
Enfin merci à ma Mère Florence Mboui et à
Freddy Abogourin qui m'ont aidé à surmonter cette année au
moment où je voulais laisser tomber.
ii
iii
SOMMAIRE
Remerciements i
Sommaire iii
Table des Illustrations vii
INTRODUCTION 1
I. LE SANGOEN LUPEMBIEN DANS LE CONTEXTE CONTINENTAL DU
MIDDLE STONE AGE AFRICAIN 3
1. Le Middle Stone : definitions 3
2. Le Sangoen et le Lupembien 5
Le Sangoen 6
Le Lupembien 6
Le Core-axe 8
3. Problématique de l'étude 12
II. LES SITES DU NZAKO, REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 14
1. La République Centrafricaine (RCA) 14
2. Historique des recherches 15
Des découvertes fortuites. 16
Début des recherches 16
Nzako Ambilo (NZA) 18
Nzako Kono (NZK) 18
3. Description générale des assemblages 19
4. Matériel sélectionné pour l'étude
21
III. METHODES 22
1. Définitions des termes techniques principaux 22
2. Critères de sélection 26
Première sélection 26
Deuxième sélection 26
Lecture des pièces 27
Les matières premières. 27
3. Comprendre la production des core-axes 28
4. La description des Unités Techno-Fonctionnelles 31
5. Liste des critères observés 32
iv
Critères morphologiques 32
Les dimensions 32
Critères Techno-fonctionnelles 33
IV. RESULTATS 34
1. Groupe 1 : Pièces bifaciales à bords
parallèles et pointes avec section homogène
lenticulaire 34
Description générale de la morphologie des
pièces (Erreur ! Source du renvoi
introuvable.) 34
Matières premières 35
Etat des surfaces 36
Données métriques (Tableau 4) 36
Données productionnelles 37
2. Groupe 2 : Pièces bifaciales à bords
parallèles et section proximale triédrique. 42
Description générale de la morphologie des
pièces Figure 28 42
Matières premières 43
Etat des surfaces 43
Données métriques 43
Données productionnelles 44
Description des potentielles parties actives 45
Exemples de fiche technique d'une pièce. 47
3. Groupe 3 : Pièces bifaciales à bords
parallèles et à section plano-convexe 49
Description générale de la morphologie des
pièces 49
Données productionnelles 51
Description des potentielles parties actives 52
Exemples de fiche technique d'une pièce 53
4. Groupe 4 : Pièces bifaciales à bords
parallèles à sections lenticulaire et plano-
convexe 54
Description générale de la morphologie des
pièces. (Figure 36) 54
Données productionnelles 56
Description des potentielles parties actives 58
Exemple de fiche technique d'une pièce 59
5. Groupe 5 : Pièces bifaciales à bords
parallèles a section plano-convexe 60
Description générale de la morphologie des
pièces 60
Données productionnelles 62
Description des potentielles parties actives 63
Exemple de fiche technique d'une pièce 63
6. Groupe 6 : Pièces trifaciales à dos à
bord bords parallèles 65
Description générale de la morphologie des
pièces 65
Données productionnelles 66
Description des potentielles parties actives 67
V. INTERPRETATION ET DISCUSSION 68
1.
v
Synthèse de résultats (Tableau 10) 68
2. Comparaison intra assemblage... 69
... de la production 69
Les outils. 70
3. Confrontation à la littérature existante.
71
Pour une révision de la typologie. 71
La question de l'industrie forestière et de l'emmanchement
74
CONCLUSION ET PERSPECTIVES 78
BIBLIOGRAPHIE 80
vi
vii
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Liste des figures
Figure 1 Outils MSA Bassin du Congo, dessin Clark 1975 3
Figure 2 MSA du Mali, 4
Figure 3 Carte des outils emblématiques et localisation
du Lupembien. Taylor,2011. 6
Figure 4 Sangoen-Lupembien. (Clark,1963) : A : Pics /B :
Pointes bifaciales 7
Figure 5 Lupembien et Lupembo-Tshitolien. (Clark,1963) : 1 :
Core-axe ; 2,3 et 5 : Pointes
bifaciales lancéolées ; 4 : Perçoir ;6 :
Nucléus discoïde ; 7 et 8 : Biface ; 9 à 11 : Core-axes
7
Figure 6 Pièce bifaciale allongé de Nzako Kono,
De Bayle des Hermens, 1975. 8
Figure 7 Core-axes de Milolo (Gabon), Matoumba 2013 9
Figure 8 Différents types de core-axes, site
Peperkorrel. MacCalman 1967. 10
Figure 9 Possibilité d'emmanchement de core-axe, Taylor
2011. 10
Figure 10 Type d'emmanchement décelé à
Sai Island, Rots et Van Peer 2006 10
Figure 112 La république Centrafricaine au sein du
contient africain 14
Figure 13 carte des gisements du Sangoen, on aperçoit
le fleuve Nzako, (Des Hermens, 1975)
15
Figure 12 Carte géographique de la RCA. Atlas of
African Forest, 1992 15
Figure 14 Coupe stratigraphique de Nzako, De Hermens, 1975
18
Figure 15 Photos de Nzako Ambilo, De Hermens (1971) 19
Figure 16 Pièces de Nzako, photo I.Mesfin 2018 20
Figure 17 Les différentes matières
identifiées dans l'assemblage. Photos M-J Angue. 27
Figure 18 Description de la délinéation des
bords latéraux et morphologies des extrémités
distales. M-J Angue 30
Figure 19 Les types de supports. Photos M-J Angue 30
Figure 20 Illustration de la difficulté à
distinguer l'UTFr et l'UTFp.(Lourdeau, 2011) 32
Figure 21 Quelques pièce du Groupe 1. Photos M-J Angue.
34
Figure 22 Schéma de la structure volumétrique
des pièces du Groupe 1 35
Figure 23 Les retouches du groupe 1 38
Figure 24 Schéma synthétique des UTF du Groupe 1
39
Figure 25 Schéma diacritique de la pièce NZA 1
40
Figure 26 Schéma diacritique NZA 67. 41
Figure 27 Quelques Pièces du Groupe 2. Photos M-J
Angue. 42
Figure 28 Schéma de la structure volumétrique du
Groupe 2 43
Figure 29 UTF Groupe 2 46
Figure 30 Schéma diacritique NZA 40 47
Figure 31 Schéma diacritique de NZA 162 48
Figure 32 Pièces du Groupe 3. Photos M-J Angue. 49
Figure 33 Schéma de la structure volumétrique du
Groupe 3 50
Figure 34 UTF Groupe 3 52
Figure 35 Pièces du Groupe 4. Photo M-J Angue. 54
Figure 36 Schéma de la structure volumétrique du
Groupe 4 55
Figure 37 Schéma de la pièce NZA 153, grand
éclat. 57
viii
Figure 38 Schémas techno-fonctionnels du Groupe 4 58
Figure 39 Schéma diacritique NZA 29 59
Figure 40 Pièces du Groupe 5. Photo M-J Angue. 60
Figure 41 - Schéma de la structure du Groupe 4 61
Figure 42 UTF Groupe 5 63
Figure 43 Schéma diacritique NZA 27 64
Figure 44 Pièces du Groupe 6. Photos M-J Angue. 65
Figure 45 UTF Groupe 6 67
Figure 46 Variabilité morphométrique du corpus
Nzako. 73
Figure 47 : Exemples d'utilisation d'une herminette par les
populations chasseurs-cueilleurs
de République Centrafricaine (Bahuchet, 1989) 74
Figure 48 Suggestion d'emmanchement 76
Liste des tableaux
Tableau 1 Résumé des périodes
chrono-culturelles africains et leurs faciès par Taylor, 2014.
5
Tableau 2 Tableau récapitulatifs de la vision du
core-axe par certains auteurs 11
Tableau 3 Inventaire du matériel de NZA et NZK par De
Bayle des Hermens 1975. 20
Tableau 4 Données métrique Groupe 1(en cm) 36
Tableau 5 Données métriques du Groupe 2 44
Tableau 6 Données métriques Groupe 3 51
Tableau 7 Donnée métrique Groupe 4 56
Tableau 8 Donnés métrique Groupe 5 62
Tableau 9 Données métriques Groupe 6 66
Tableau 10 Synthèse des données des groupes
72
1
INTRODUCTION
Au cours de ce mémoire, nous avons étudié
une collection de pièces bifaciales à bords parallèles
provenant des sites Nzako Kono et Nzako Ambilo situés en
République Centrafricaine. Ces collections ont été
constituées par R. Bayles Des Hermens dans les années 1960 au
cours de plusieurs missions de terrains dans ce pays (de Bayle des Hermens,
1966). Ces missions, ont été entreprises sur la base de plusieurs
rapports faisant état de découvertes fortuites d'outils
préhistoriques par des amateurs éclairés dans la
région. D'une manière générale, les
découvertes dans cette région s'opéraient dans le cadre de
grands travaux ou des chantiers d'exploitation minière comme ceux de la
Centrafrique. Il faut dire que l'Afrique centrale, jusqu'à très
récemment, a souvent été délaissée au niveau
des recherche en préhistoire, du fait de son fort couvert
végétal, au profit de régions plus ouvertes et ayant
permis la découverte de sites archéologiques majeurs pour le
monde scientifique, tel que l'Afrique de l'Est.
Les sites de Nzako ont été attribués au
faciès technologique du Middle Stone Age (MSA), et à ses
deux complexes que sont le Sangoen d'abord, puis le Lupembien. Le Middle
Stone Age qui succède à l'Acheuléen, est perçu
comme la période d'émergence et de développement des
comportements modernes de la part des hommes préhistoriques. En Afrique
centrale, certaines de pierres taillées attribuées au MSA sont
dites « fossiles directeurs » et se sont imposés comme des
pièces typiques de l'Afrique centrale mais ont également
été employée pour distinguer les deux complexes, Sangoen
et Lupembien. Parmi ces fossiles directeurs, nous nous sommes
intéressés aux pièces bifaciales à bords
parallèles. Ces pièces ont été définit
typologiquement par plusieurs auteurs qui leurs confèrent le nom
« core-axes » et ont été
interprétées comme des pièces emmanchées et
spécialisées pour le travail des matières
végétales. Parallèlement, certains auteurs mettent en
avant la fonctionnalité de ses bords latéraux, tandis que
d'autres suggèrent que ce soit les extrémités distales et
proximales qui soient les parties actives. Une des particularité du
core-axe est d'être représenté à la fois dans
les assemblages sangoens et lupembiens mais également à une
chrono-culture plus récente qui est le Tshitolien, un faciès
Later Stone Age d'Afrique centrale occidentale. Son appartenance à ces
trois complexes
2
questionne sa variabilité technique. En effet les
core-axes les plus anciens du Sangoen sont ils les mêmes que ceux de
l'Holocène ? Aussi ceux retrouvés dans le bassin du Congo en si
grands nombres sont-ils similaires à ceux retrouvés
sporadiquement dans les autres régions d'Afrique ?
Nous constatons en premier lieu un problème de datation
lié au fait que la grande majorité des sites lupembiens et
sangoens d'Afrique centrale n'ont pas de contexte stratigraphique
précis. Secondement, ces core-axes ne bénéficient
pas d'une définition unanime et toutes les définitions ont
émané d'un approche typologique classique, aujourd'hui
obsolète au vue du développement de la technologie lithiques ces
dernières décennies. Il nous a donc semblé
problématique qu'un type d'outil considéré comme fossile
directeur et définissant en partie le MSA d'Afrique centrale soit si peu
connu. De plus, dans une perspective globale sur le MSA, ces pièces
semblent un grand intérêt puisqu'elles questionnent
l'émergence régionale des outils emmanchés et le travail
du bois (Clark et al., 2001; Taylor, 2011).
Nous avons donc pris le soin d'appliquer une approche
nouvelle, technologique et qualitative ; à la fois productionnelle et
techno-fonctionnelle sur ces pièces bifaciales à bords
parallèles ou « core-axes ». En interrogeant la
variabilité morpho-structurelle, techno-fonctionnelle et productionnelle
de l'assemblage de core-axes du Nzako, nous souhaitons apporter de
nouveaux éléments de réflexion sur cet outils
emblématique du bassin du Congo.
3
I. LE SANGOEN LUPEMBIEN DANS LE CONTEXTE
CONTINENTAL DU MIDDLE STONE AGE AFRICAIN
L'Afrique se distingue de l'Eurasie par sa subdivision des
périodes ou cultures préhistoriques. En effet, en Europe, on
parle de Paléolithique Inférieur, Moyen et Supérieur
tandis qu'en Afrique les termes anglophones Early Stone Age (ESA)
auparavant appelé Old Stone Age , Middle Stone Age
(MSA) et Later Stone Age (LSA) sont employés, établis
à partir de référentiels d'Afrique du sud (Goodwin, 1928;
Goodwin and Lowe, 1929). Bien qu'étant liés, les deux continents
répondent à des problématiques distinctes concernant
l'évolution de l'homme et l'histoire des ses cultures, au vu des
différences historiques, géographique et même climatiques
qu'ont connues les deux continents. Dans ce mémoire, nous
présentons une étude d'assemblage lithique d'Afrique Centrale du
Middle Stone Age, mais nous n'aborderons pas en profondeur l'aspect
chronologique car les données concernant cette région sont rares.
Ce problème n'est pas propre à la République
Centrafricaine d'où proviennent ces assemblages,
mais plus généralement à
l'Afrique centrale.
D'autres régions africaines présentent par
ailleurs des séquences du stone Age bien datées (Taylor,
2016)
1. LE MIDDLE STONE : DEFINITIONS
Figure 1 Outils MSA Bassin du Congo, dessin Clark
1975
Le Middle Stone Age (MSA) est une période
chrono-culturelle de la préhistoire africaine qui avait
été introduite par A.J.H Goodwin (Goodwin, 1928) puis
confirmée par J.D Clark lors du Pan-African Congress de
Nairobi en 1947. Ce dernier définit le MSA comme
«that part of the prehistoric cultural record that follows the Lower
Paleolithic or Earlier Stone Age, and precedes the Upper Paleolithic or Later
Stone Age (...) in terms of time, artifact assemblages, technological and
socio-economic levels or on the basis of the associated human physical types
all result in considerable divergence of views.» (Clark and Oliver,
1975 P 248). Ainsi, nous comprenons que c'est d'abord à partir des
changements techniques et typologiques (Figure 1) que va être faite la
distinction entre les cultures du MSA et celles plus anciennes de l'ESA.
|
Figure 2 MSA du Mali, Dessin Soriano et al 2010
|
4
Le MSA est lié à des changements comportementaux
et graduels parfois considérés comme « modernes » dans
la diversification technologique (Figure 2) des outils en pierre, et dans les
comportements socio-économiques ou symboliques de l'homme anatomiquement
moderne. On rencontre aussi dans la littérature des
références à un « mode technique 3 » (issu du
découpage technique de la Préhistoire africaine établi par
Grahame Clark pour parler du MSA qui se caractérise par la production de
pointes de projectile et de nucléus préparés (Clark, 1977;
Foley and Lahr, 1997; Taylor, 2014).
Dans des travaux plus récents, beaucoup d'auteurs
s'accordent sur le fait que l'apparition de nouveautés technologiques
est liée à celle à l'émergence et à la
diffusion d'une nouvelle espèce humaine : Homo sapiens.
(Mcbrearty and Brooks, 2000). Ici les changement techniques bien que
n'étant pas radicaux, pourraient résulter d'une plus grande
spécialisation des taches telles que la chasse
spécialisée, l'exploitation des ressources aquatiques ou encore
le traitement et l'utilisation de pigments. Ces travaux soutiennent finalement
que l'origine d'Homo sapiens entre 250-300Ka serait en lien avec ces
changements technologiques du MSA. Barham and
5
Mitchell, 2008 par exemple, soutiennent que les outils
retrouvés au MSA sont différents de ceux que l'on retrouve au
Paléolithique Moyen en Europe comme les grattoirs latéraux et les
pointes. Selon eux, les pointes MSA auraient été utilisées
comme armatures d'outils composites, et donc emmanchés, avec une
diversification régionale témoignant aussi d'un changement
d'homme qui se rapprocherait de la modernité. Tryon and Faith, 2013
trouvent les aspects techno-typologiques du MSA variables dans la région
de l'Afrique de l'Est et pensent que la détection d'un signal
archéologique en ce qui concerne la dispersion des hominidés
depuis l'Afrique de l'Est sera difficile, car les outils qu'on y retrouve ne
sont pas propres à la région et se retrouvent en même temps
dans d'autres zones géographiques. Shea, 2017 soutiennent que ce n'est
qu'à partir de 300ka que nous devons considérer de
véritables changements dans le comportement dit moderne de l'Homme en
lien avec des évolutions du langage. Pour l'Afrique centrale, le tableau
ci-dessous (Tableau 1) établit par Taylor (Taylor, 2014) nous indique
les critères technologiques et les problèmes relatifs du MSA
régional.
Tableau 1 Résumé des périodes
chrono-culturelles africains et leurs faciès par Taylor, 2014.
2. LE SANGOEN ET LE LUPEMBIEN
C'est à Londres en 1882 que certains chercheurs
européens vont pouvoir observer pour la toute première fois des
pierres taillées d'Afrique centrale (Couttenier, 2012; Hore, 1882;).
Mais
6
l'idée d'une industrie d'Afrique centrale n'apparait
qu'en 1925 sous la dénomination de Tumbakultur (« culture
tumbienne ») provenant du lac Tumba au Nord-Ouest de la République
Démocratique du Congo (Menghin, 1925).
Le Sangoen
Le Sangoen serait le premier faciès technique du MSA.
Il est défini à partir du gisement de Sango Bay en Ouganda sur le
rivage du lac Victoria et donne son nom à un groupe
hétérogène d'industries lithiques typique en Afrique
tropicale. (Clark, 1982 ; Leroi-Gourhan and Collectif, 2005). Cette industrie
serait composée de « thick and heavy biface tools, including
core axes, picks, choppers, and core scrapers, which were shaped roughly by
striking a few flakes from large cobbles of tool stone » (Taylor,
2014 p.1213)..Selon R. Oslisly, le Sangoen pourrait en effet appartenir
à une période géologique nommée
Maluékien (70 000-40 000 BP), période sèche avec
recul des forêts et avancées des savanes. Cette période est
suivie par le Ndjilien (40 000- 35 000 BP) une période chaude
et humide favorable à l'épanouissement de la forêt,
où les traces d'occupations humaines sont rares. Le
Léopoldvillien (35 000- 12 00 BP) qui lui succède est
quant à lui une nouvelle phase de sévère
sécheresse, période à laquelle se serait développer
le Lupembien (Oslisly, 1998). Néanmoins, aucun consensus n'est vraiment
établi quant à la chronologie des deux faciès. Ainsi ; sur
le site 8-B-11 au Soudan des niveaux
Figure 3 Carte des outils emblématiques et
localisation
du Lupembien. Taylor,2011.
interstratifié Acheuléen récent et
Sangoen sont datés par OSL de 200ka-
180ka BP (Rots and Van Peer, 2006). En
Zambie Kalambo Falls, les premiers
niveaux Sangoens sont estimés entre 500
à 300ka (Duller et al., 2015).
Le Lupembien
Le Lupembien crée et défini par H. Breuil en
1944 à partir des industries de la rivière Lupemba dans le
Kassaï en République Démocratique du Congo est basé
sur une collection ramassée en surface (Breuil, 1944). C'est lors du
premier Pan-African Congress on
Prehistory en 1947 à Nairobi au Kenya que le
nom Lupembien sera retenu. Le Lupembien est
fortement retrouvé en Afrique centrale, surtout dans le
bassin du Congo, mais on le trouve aussi
en marge, en Afrique de l'est et de l'ouest (Figure 3). C'est
une industrie principalement composée par des « refined
bifacial lanceolate points, core axes, Levallois points, and blade tools »
(Figure 5) (Taylor, 2016. P.1213). La grande majorité de ces outils
évoque les questions d'emmanchent, d'adaptation à des espaces
géographiques de forêts et de savanes (Barham and Mitchell, 2008;
Clark and Brown, 2001; Cornelissen, 2002). Ainsi, afin de créer des
outils composites, les hommes pouvaient se servir de matière organique
et non-organique (Barham, 2010; Taylor, 2011). Ce faciès nous permet
ainsi de comprendre plus amplement le MSA dans le bassin du Congo et
l'apparition des premiers chasseurs-cueilleurs comme l'évoque Taylor
«
the Lupemban is of central relevance to understanding the
origins of hunting and gathering in
the Congo basin » (Taylor, 2011. P.2).
C'est au cours du Pléistocène supérieur
qu'apparaitrait le Lupembien (Barham and Smart, 1996; Van Peer et al., 2003).
Les dates obtenues pour l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Est estiment
l'âge du Lupembien entre 40ka et 30ka BP (Barham and Mitchell, 2008;
Clark and Brown, 2001; Cornelissen, 2002; Taylor, 2016).
Figure 4 Sangoen-Lupembien. (Clark,1963) : A : Pics
/B : Pointes bifaciales
Figure 5 Lupembien et Lupembo-Tshitolien. (Clark,1963) : 1
: Core-axe ; 2,3 et 5 : Pointes bifaciales lancéolées ; 4 :
Perçoir ;6 : Nucléus discoïde ; 7 et 8 : Biface ; 9 à
11 : Core-axes
7
Nous comprenons donc que malgré le manque de datations
dans certaines régions que les industries du MSA sont composées
de plusieurs types d'outils. Aussi les méthodes de débitage
visant à préparer un nucléus afin d'obtenir des
éclats à morphologie prédéterminée
(Levallois, discoïde, laminaire), sont utilisées au cours du MSA
d'Afrique centrale et l'utilisation de grands éclats comme support en
grande majorité conduit aux pièces façonnées
surtout bifaciales. Celles-ci sont nombreuses et certaines sont des fossiles
directeurs de ces industries que sont le Lupembien et le Sangoen. Par ailleurs,
le fait de retrouver les mêmes outils dans les deux
8
industries fait que nous pouvons rencontrer dans la
littérature des appellations telles que Sangoen-Lupembien (Figure 4)
(Clark, 1963). Découvrons désormais un de ces outils
emblématique du Sangoen et du Lupembien : le core-axe.
Le Core-axe
C'est dans le bassin du Congo que cet outil,
généralement attribué aux complexes Sangoen et Lupembien
du MSA (Clark, 1969; McBrearty, 1988; Rots and Van Peer, 2006; Taylor, 2009),
est largement retrouvé. Sa zone s'élargit néanmoins sur
plusieurs régions africaines, puisqu'il est retrouvé par exemple
au Sénégal au Cap Manuel (Richard, 1960) ; en Namibie sur le site
de Peperkorrel (MacCalman and Viereck, 1967) ; au Kenya sur le site de Muguruk
(McBrearty, 1988) et même au Soudan sur le site 8-B-11 de Sai Island (Van
Peer et al., 2003). Nonobstant sa présence tout au long du MSA et voire
durant une partie du LSA (MATOUMBA, 2013), le core axe demeure un
outil emblématique mais pourtant mal défini.
|
En ce qui est de sa fonction,
beaucoup d'auteurs, certains influencés par
l'environnement où avaient été découverts les
core-axes, à savoir des environnement aujourd'hui forestiers, ont
déduit que ces outils auraient pu servir pour le travail du bois et
qu'ils étaient potentiellement emmanché (Barham, 2001; Clark,
1963; Clark and Brown, 2001).
|
Figure 6 Pièce bifaciale allongé de Nzako Kono,
De Bayle des Hermens, 1975.
9
Parmi les différentes définitions existantes, D.
Cahen parle d' « Outils bifaces étroits à bords plus ou
moins parallèles ». Il explique par ailleurs, que «
Par cette longue périphrase, nous désignons des outils connus
sous des dénominations aussi variées que ciseaux, gouges,
ciseaux-gouges, herminettes, pics kaliniens (core-axes en anglais) et
qui sont typiques, en Afrique centrale, de l'âge de la pierre moyen, plus
particulièrement du complexe industriel lupembien. Ils présentent
une forme allongée et étroite avec des bords plus ou moins
parallèles. Le tranchant peut être pointu, arrondi ou rectiligne,
en biseau simple ou double, incurvé vers l'une ou l'autre face. Une
section transversale est généralement asymétrique, l'une
des faces est plus aplatie que l'autre. La retouche biface se distingue par des
qualités très reconnaissables : écailleuse, tangentielle,
mince, couvrante et très régulière. » (Cahen,
1975. P.53). Quant à J.D Clark, il définit les core-axes
comme des pièces bifaciales aux deux bords parallèles dont
les sections seraient lenticulaires et les parties actives distales (Clark,
1969; Clark et al., 2001). Au
Figure 7 Core-axes de Milolo (Gabon), Matoumba 2013
Kenya, S. McBreaty définit les core-axes de Muguruk
comme de « large artifact
with the flaking concentrated around the working end and
an untrimmed butt » (McBrearty, 1988).
Parmi ces auteurs il y en a qui les classent dans une certaine
catégorie d'outil déjà définit comme des racloirs
ou des ciseaux et auraient des parties actives latérales et distales
(Van Moorsel, 1968). M. Matoumba les compare à des hachereaux à
cause du profil symétrique, à des herminettes pour les
pièces à profil asymétrique et à des gouges pour
les pièces à bords concavo-convexes (Matoumba, 2013.)(Figure
7).
Figure 9 Possibilité d'emmanchement de core-axe,
Taylor 2011.
10
Figure 8 Différents types de core-axes, site
Peperkorrel. MacCalman 1967.
Figure 10 Type d'emmanchement décelé à
Sai Island, Rots et Van Peer 2006.
Néanmoins, nous remarquons dans les littératures
que certains auteurs s'accordent sur certaines caractéristiques
morphologiques et d'autres fonctionnelles (Tableau 2). Au vu de cette
diversité, nous comprenons qu'il soit difficile d'avoir une seule
définition de ces outils.
11
Tableau 2 Tableau récapitulatifs de la vision du
core-axe par certains auteurs
AUTEURS ET ANNEES
|
Définitions du core-axes
|
Matières premières
|
Supports utilisés
|
Types de façonnage
|
Utilisation
|
Emmanchement ?
|
(MacCalman and Viereck, 1967)
(Figure 8)
|
Pièce bifaciale ou unifaciale aux
extrémité pointu, arrondi ou droit avec des bords
parallèle et convergents. Des sections plano-convexe et
profil asymétrique.
|
-
|
Eclats épais L Max= 22 cm L Min = 12 cm
|
Bifacial Unifacial
|
-
|
Pas évoqué
|
(Des Hermens,
1975)
(Figure 6)
|
« Pièces Bifaciale allongée ». Les deux
bords seraient parallèle rectiligne ou sinueux souvent repris par une
retouche de régularisation. Une Section lenticulaire.P.135
|
Grès et Quartzite local
|
Eclat Plaquette L Max= 32,3 cm L Min= 6,2 cm
|
Bifacial
|
Faciès forestier
|
pas évoqué
|
(Rots and Van Peer,
2006)
(Figure 10)
|
« defined as thick bifacial tools with linear bits
» « ffff » P. 360
|
Quartz et Grès Local
Quartzite et Chert Importé
|
Bloc
L Max= 14,1 cm L Min= 3,6 cm
|
Bifacial
|
Outil composite
Utilisé pour creuser matière première
ou oxyde de fer
Exploitation d'aliment végétaux.
|
OUI
Enveloppé dans du cuire ou manche fendu
pour insérer le core-axe
|
(Taylor, 2011) (Figure 9)
|
« core-axes - are heterogeneous in form, occurring in
parallel-sided, convergent and divergent types, with distal ends that are
pointed or round ended » P.7
|
-
|
-
|
Bifacial
|
Outil composite Travail du bois
|
OUI
Latéro-distal avec matière organique.
|
(MATOUMBA,
2013)
(Figure 7)
|
« Le core-axe désigne une gamme d'outils en pierre
taillé du Sangoen ou Tshitolien. Il s'agit de pièces bifaciales
ou, non à bord généralement parallèles plus ou
moins long et d'usages variés. » Les bords sont convexes et
irréguliers : sinueux, concave ou
parallèle. Section biconvexe.
|
Quartz Local
|
Eclat épais Galet L Max= 7,9 cm L Min= 3,3
cm
|
Bifacial Unifacial
|
-
|
Pas évoqué
|
12
3. PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Dans ce contexte, une redéfinition du core-axe
et une approche méthodologique nouvelle portée sur sa
variabilité, sa diversité mais également ses invariants
semblent nécessaires pour : 1/ mieux comprendre les changements
technologiques au cours du MSA et du LSA en Afrique centrale 2/ mais
également caractériser les différents techno-complexes de
la région dans lesquels sont présents les core-axes, et
3/ apporter des réflexions nouvelles sur la structuration de ces outils
particuliers et leur potentiel emmanchement.
Notre question est donc : quelle variabilité
technologique peut être observée au sein
de pièces bifaciales à bords
parallèles, ou core-axes ?
Pour apporter des éléments de réponse
à cette question, il est d'abord nécéssaire d'observer la
variabilité intra-assemblage. C'est pour cette raison que nous avons
sélectionné un corpus stratigraphiquement cohérent riche
en core-axes et disponibles à l'étude. Les assemblages
centrafricains du Nzako, conservés à l'Institut de
Paléontologie Humaine réunissent tous ces critères.
13
14
II. LES SITES DU NZAKO, REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
1. LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE (RCA)
La République Centrafricaine (RCA) est un pays de
l'Afrique centrale où sont localisés les sites du Nzako qui font
l'objet de notre étude. Ses voisins sont principalement le Tchad au
nord-ouest, le Soudan au nord-ouest, le Cameroun à l'ouest, le Soudan du
sud à l'est, la République Démocratique du Congo au
sud-est et la République du Congo au Sud-Ouest (Figure 13). Ce pays
possède de grandes zones forestières et connait un climat
tropical humide ce qui peut y rendre la recherche difficile au vu de
l'importance de la
Figure 112 La république Centrafricaine au sein du
contient africain
couverture végétale
(Figure 11).
Malgré cela, il y a aussi des territoires avec de la savane où la
recherche a été possible.
Figure 13 Carte géographique de la RCA. Atlas of
African Forest, 1992
Figure 12 carte des gisements du Sangoen, on
aperçoit le fleuve Nzako, (Des Hermens, 1975)
En RCA, les géologues ont identifié un
socle précambrien (Grellet et al., 1982;
Sayer, 1992), puis le Tertiaire, représenté par des
faciès
sableux argileux
dont l'âge serait Eocène, il est
reconnu dans trois régions dont Nzako au sud-ouest. Enfin, le
Quaternaire est représenté par des alluvions sableuses.
15
2. HISTORIQUE DES RECHERCHES
Le Nzako est un affluent du M'Patou qui coule du nord au sud
à l'Ouest de Yalinga dans une zone à savane arbustive et à
galeries forestières (Figure 11) (Fambitakoye and Louis, 1963). Ses
alluvions et celles de ses petits affluents ont longtemps été
exploités d'une manière semi-artisanale pour la recherche de
diamants.
16
Les sites du Nzako (Ambilo, Tiaga, Téré, Kono et
petits affluents du Nzako) font partie des gisements de la région
M'Bomou à l'Est du pays (Figure 12) , ce sont tous des chantiers
diamantifères qui forment un ensemble très homogène en ce
qui concerne l'industrie lithique qui y a été
prélevée (Des Hermens, 1975).
La préhistoire de la RCA n'était pas connue
avant 1966 car aucune recherche systématique n'y avait été
faite, pourtant ses pays voisins avaient déjà fourni de nombreux
gisements préhistoriques. Nous identifions deux moments importants de la
préhistoire de la RCA : le premier commence en 1931 et s'achève
en 1937. C'est la période de découvertes fortuites par des
géologues. Puis une vingtaine d'années plus tard vont commencer
des fouilles et prospections systématiques.
Des découvertes fortuites.
- 1931-1932 : une mission géologique dirigée par
Fernand Delhaye et Borgniez permet de localiser des gisements aurifères
et diamantifères pour le compte de la Compagnie Equatoriale des mines
sur le plateau de Mouka. Dans ce secteur ils ont recueilli une quantité
importante de pierres taillées dans les alluvions fluviatiles.
- 1938 : une collection lithique est achetée à
J. Baudet par le Musée Royal de l'Afrique Centrale de Tervuren en
Belgique - actuel Afrika Museum - tandis qu'une autre partie est donnée
par F. Delhaye au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris.
- 1933 : l'Abbé Breuil publie une courte description du
matériel de Delhaye. Celle-ci s'est conclue par l'hypothèse
« d'une courte évolution sur place d'une civilisation de
tradition acheuléenne en une autre s'orientant vers un
Néolithique à Haches » c'est la première fois
que l'on fait mention de la préhistoire centrafricaine bien qu'elle soit
faite sur la base d'une petite collection (Breuil, 1933).
A partir de 1937, la préhistoire de ce pays va rester
dans l'oubli pendant une vingtaine d'années, jusqu'en 1955. Ce n'est
qu'avec la reprise de l'exploitation des chantiers diamantifères
après la seconde guerre mondiale que les recherches reprennent en
RCA.
Début des recherches
- 1955-1956 : G. Berthoumieux et F. Delany effectuent en Haute
Sangha une mission organisée par la Direction des Mines et de la
Géologie. Celle-ci révèle la présence de pierres
taillées de facture acheuléenne dans les alluvions de plusieurs
rivières en RCA. Plusieurs de ces pièces trouvées par
différents prospecteurs, provenant de Haute
17
Sangha et d'autres chantiers diamantifères de Nzako
dans le M'Bomou vont faire l'objet de don au Musée de l'Homme à
Paris (Berthoumieux and Delany, 1957).
- 1957 : une autre mission est conduite par le géologue
A. Lombard de La Société Belge de Recherches Minières en
Afrique. Ce dernier va également récolter plusieurs pierres
taillées ou polies aujourd'hui conservées à l'Afrika
Museum où elles demeureront inétudiées comme celles du
musée de l'Homme à Paris jusqu'à la fin des années
60.
- 1959 : H.J. Quintard alors Directeur de la
Société Minière de l'Est-Oubangui publie un rapport de
l'abondance d'outils des gisements diamantifères d'alluvion du Nzako au
M'Bomou dans lequel il conclut que ces outils taillés sur quartzite sont
de facture acheuléenne. Ces derniers proviendraient d'ateliers de taille
que les alluvions diamantifères auraient transporté au moment
où les préhistoriques occupaient les berges des cours d'eau (des
Hermens, 1971).
- 1965 : Une demande de mission préhistorique
programmée est faite par le président de la République
Centrafricaine à M. Professeur Heim qui est à l'époque le
Directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle.
Dès lors, R. de Bayles des Hermens a été
missionné et trois campagnes de deux mois ont été
organisées et se déroulèrent à la saison
sèche en 1966, 1967 et 1968. Cette dernière devait apporter
« des résultats extrêmement importants et des
résultats de premier ordre » (Des Hermens, 1975). Ces missions
se sont déroulées pour la première du 5 Février au
25 Mars 1966 (de Bayle des Hermens, 1966), pour la deuxième du 9 Janvier
au 11 Mars 1967 (Bayle des Hermens, 1968) et la troisième du 30 Janvier
au 25 Mars 1968 (des Hermens, 1971). Les missions de 1966 et 1967 avaient
été consacrées uniquement à une prospection
systématique. Celle de 1968 quant à elle visait des objectifs
limités à une fouille et à un second examen d'important
gisement anciennement découvert.
Ce n'est pas en vain qu'a été choisie la
période de saison sèche pour effectuer ces missions. En effet, la
saison sèche offre une végétation un peu moins danse, en
zone de savane, la destruction des hautes herbes pouvait se faire par les feux
de brousse. La circulation est aussi possible dans les zones impraticables
pendant la saison des pluies lorsque les pistes ne sont pas sèches.
Pourtant, il note des difficultés d'accès à la zone sud
où, la forêt très dense ne permettrait aucune recherche si
ce n'est dans les chantiers déjà déboisés. Lorsque
les zones à prospecter étaient difficile d'accès à
cause de la densité végétale, les prospections
étaient limitées aux secteurs déboisés des
chantiers des travaux publics ou d'extraction des graviers des rivières.
Plusieurs sites préhistoriques ont néanmoins été
découverts en zone forestière et sur les rivières
18
et leurs affluents, mais ces sites ne sont pas en place. Ces
trois missions - largement détaillé dans la thèse de R. de
Bayles des Hermens - ont permis non seulement la découverte de nombreux
gisements préhistoriques mais aussi la localisation des premiers sites
signalés par les géologues lorsque ceux-ci étaient encore
accessible. En effet certains chantiers diamantifères ayant
été abandonnés, la forêt les avait recouvertes
rendant impossible l'accès pour de nouvelles prospections.
C'est dans l'Est du pays au M'Bomou dans une zone à
savane arborée et à galeries forestières
étalées le long des cours d'eau, qu'ils découvrent,
après avoir prospecté les chantiers diamantifères du
N'Zako (NZ) Ambilo ; Kono ; Tiaga et Téré, d'importantes
séries lithiques très homogènes qu'ils ont classé
dans le complexe Sangoen à pièces lupembiennes. Parmi eux, les
sites Nzako Ambilo et Nzako Kono présentent les séries les plus
complètes.
Figure 14 Coupe stratigraphique de Nzako, De Hermens,
1975
Nzako Ambilo (NZA)
Les chantiers diamantifères de la rivière Ambilo
avaient un mode
d'exploitation entièrement
mécanisé ;
ce qui a permis aux chercheurs de pouvoir observer plusieurs centaines de
mètres de coupe (Figure 15). Ils exploitaient les graviers de la large
plaine alluvionnaire de la rivière. La coupe (Figure 14) présente
un niveau de terre végétale (1) d'une épaisseur d'environ
0,50m ; d'alluvions fines de sable gréseux (2) disposées par lit
horizontaux d'une épaisseur de 2m ; d'alluvions légèrement
argileuses à élément lourd (3), des minéraux
divers, galets, des diamants et objets préhistoriques d'une
épaisseur d'environ 0,50m ; d'un substratum assez horizontal en
grès (4). La couche (3) est la plus riche en lithique avec 265
pièces.
Nzako Kono (NZK)
La Kono est une rivière et un affluent rive gauche du
Nzako (NZ) qui coule quelques kilomètres au sud d'Ambilo. Le site a fait
l'objet de deux passages lors des missions de 1967, avec d'abord une
brève prospection et de 1968 où ils ont pu finalement recueillir
du matériel
19
archéologique. Au total 152 pièces très bien
conservées ont été récoltées. Ces objets ont
été retrouvés dans une coupe similaire à celle de
NZA (Figure 14).
Figure 15 Photos de Nzako Ambilo, De Hermens (1971)
3. DESCRIPTION GENERALE DES ASSEMBLAGES
Les deux sites, NZA et NZK, présentent un inventaire
techno-typologique similaire bien que les proportions soient différentes
d'un site à un autre (Tableau 3). Ils avaient fait l'objet d'un
classement typologique. Ils observent que les pièces bifaciales de ces
sites ont des formes qui s'éloignent des bifaces acheuléen mais
que certains outils rares ou absent des assemblages acheuléens sont
retrouvés à NZA et NZK comme par exemple les pics, les rabots,
les nucléus discoïdes ou encore les pièces bifaciales. Ces
observations, purement chrono-typologique ont conduit à l'attribution
des sites au Sangoen.
Plus récemment, Taylor (2009) a indiqué que les
pièces qu'avait classé Bayle de Hermens comme « complexe
Sangoen » sont en fait du Lupembien au vu de l'abondance des pointes et
pièces lancéolées de typologie lupembienne.
Dans son mémoire I. Mesfin a pu étudier les
collections du NZ (Figure 10). Elle signale n'avoir pu retrouver que 256
pièces de NZA et 136 de NZK. Une trentaine de pièce n'a donc pas
pu être retrouvée. Elle signale une forte présence de
pièces façonnées et retouchées et souligne la
diversité des
outils façonnés
(Mesfin, 2018).
Tous ces outils taillés des sites NZ proviennent de
roches prélevées sur place dans les affleurements de grès,
de quartzite et de grès-quartzite de
couleurs variées
surgissent à flanc de
vallée.
Tableau 3 Inventaire du matériel de NZA et NZK par De
Bayle des Hermens 1975.
Figure 16 Pièces de Nzako, photo I.Mesfin 2018
20
|
Nzako Ambilo
|
Nzako Kono
|
Bifaces
|
50
|
22
|
Galets aménagés
|
10
|
8
|
Hachereaux
|
1
|
0
|
Pics
|
6
|
7
|
Pièces bifaciales discoïdes
|
3
|
5
|
Racloirs
|
33
|
21
|
Pièces bifaciales géantes
|
3
|
0
|
Rabots
|
4
|
0
|
Pièces à coches
|
11
|
6
|
Pièces bifaciales allongées
|
62
|
31
|
21
Pièces esquilles
|
0
|
1
|
Nucléus
|
15
|
8
|
Eclats
|
67
|
43
|
Sous Total
|
265
|
152
|
TOTAL
|
417
|
4. MATERIEL SELECTIONNE POUR L'ETUDE
Pour l'étude des pièces bifaciales à bord
parallèles que beaucoup d'auteurs ont décidé de nommer
« core-axes », il nous fallait trouver des collections
archéologiques avec une collection de ce type de pièce assez
conséquente. Pour se faire nous avons fait nos lectures bibliographiques
pour localiser des « core-axes » dans le bassin du Congo. I.
Mesfin avait étudié des collections anciennes attribuées
au complexe Lupembien d'Afrique centrale dont les sites avaient fourni
plusieurs pièces bifaciales à bords parallèles. Cependant,
son étude étant focalisée sur l'ensemble des assemblages
et tout particulièrement les stratégies de débitage. Par
conséquent, nous avons considéré qu'une analyse
centrée sur le riche assemblage de pièces de type core-axe
dans les assemblages du N'Zako présenterait un intérêt
pour comprendre les particularités et la variabilité de ce type
de pièce. Nous savions donc où chercher nos collections, à
savoir à l'Institut de Paléontologie Humaine (IPH) à
Paris.
Nous avons fait une demande pour les collections de l'IPH
après concertations avec les encadrants. Après obtention de la
réponse favorable, nous sommes allés prendre les pièces
qui se trouvaient pour la grande majorité conservée dans les
tiroirs de la salle Préhistoire à l'IPH et les autres
exposées en vitrine dans le couloir. Nous avons pour chaque pièce
laissé une fiche fantôme pour pouvoir la déposer à
sa place à la fin de l'étude. Nous avons récolté un
total de 45 pièces bifaciales à bord parallèle. Rappelons
que l'ensemble des pièces de ces deux sites étaient 417 pour
l'inventaire de De Bayles Des Hermens et 392 celles qu'a pu étudier I.
Mesfin. Il y a donc des pièces qui n'ont pas été
retrouvées.
22
III. METHODES
Nous avons eu recours à trois principales
méthodes pour étudier nos pièces. En effet nous avons
utilisé les approches productionnelles, morphologiques et
fonctionnelles. C'est dans le but de mieux appréhender ces outils tous
classer sous l'appellation de core-axes. Essayer de détecter une
diversité sur le plan morphologique, productionnel mais aussi
fonctionnel
1. DEFINITIONS DES TERMES TECHNIQUES
PRINCIPAUX
Le vocabulaire que nous avons utilisé est issu de nos
différentes lectures mais surtout de l'ouvrage Technologie de la
pierre taillée (Tixier et al. 1995). Dans le cadre de cette
étude détaillée des pièces bifaciales à
bords parallèles, quelques précisions lexicales sont
nécéssaires.
· Les outils
Notre étude concerne spécifiquement et
exclusivement des outils bifaciaux. Nous nous devons ainsi de
particulièrement et avant tout considérer ces pièces comme
des artefacts présentant un schème d'utilisation (Rabardel 1995).
Ainsi « Outil est le terme général donné aux
objets par lesquels l'homme intervient sur la matière en prolongeant sa
main afin de la spécialiser en fonction d'objectifs techniques à
réaliser. » (Leroi-Gourhan and Collectif 2005). En parlant
d'outils, nous évoquons déjà une ou des fonctions car
« Nous employons le mot "outils" pour désigner, comme il est
d'usage, l'ensemble des armes et outils, d'abord par souci de simplification,
ensuite à cause de l'impossibilité où nous sommes, dans la
plupart des cas, de prouver qu'il s'agit d'une arme ou d'un outil. Nous
étendons donc la notion d'outil à toute pièce dont nous
pouvons assurer l'utilisation, sans prétendre à l'identification
d'une fonction.» (Tixier et al., 1995.P.154).
· La méthode
23
« Par méthodes, nous entendons les
connaissances apprises, appliquées et transmises par un groupe et
considérées par ce dernier comme étant la (ou les)
seule(s) possible(s) pour parvenir aux objectifs recherchés »
(Boëda, 1997. P. 28). La connaissance d'une ou plusieurs
méthodes peut ainsi se transmettre au sein d'un même groupe mais
aussi d'un groupe à un autre. Il se peut donc que la méthode soit
déjà pensée avant même la réalisation de
l'outil. A. Lourdeau pense qu'« elle détermine l'emplacement,
l'ordre de succession et la nature des enlèvements effectués et
son déroulement suit les règles constitutives du concept au sein
duquel il s'insère » (Lourdeau, 2011. P. 62) ou plus
simplement « La méthode suivie pour obtenir un outil
préhistorique est donc l'agencement, suivant une marche
raisonnée, d'un certain nombre de gestes exécutés chacun
grâce à une technique » (Tixier et al., 1995. P.
151).
· La technique
« Nous définissons "une technique" comme un
des procédés d'un métier (et parfois d'un art), celui du
tailleur préhistorique. La percussion directe avec un percuteur de
pierre, le débitage d'une lame par pression, la fracture d'une lamelle
par "coup du microburin" sont des exemples de techniques.» (Inizan et
al., 1995. P. 163). La technique serait donc « le moyen, la
méthode l'esprit qui agence les moyens. » (Tixier 1967), ce
moyen mit en place dont parle Tixier « correspond alors à
l'action et au moyen nécessaire au détachement de tout
enlèvement sur un nucléus, une pièce bifaciale ou un outil
» (Boëda, 1997. P. 29) . La ou les techniques peuvent aussi
être propres à un groupe et répondre à une solution
environnementale spécifique à ce groupe (Lourdeau 2011). Il
serait donc approprié d'appréhender les techniques comme des
« connaissances et savoir-faire de groupe humains »
(Lourdeau, 2011. P. 61).
· La chaine opératoire
La chaine opératoire peut être
considérée comme un outil méthodologique d'observation et
de connexion des donnés techno-typologiques recueillies, de description
et d'analyse des processus techniques. C'est un outil polyvalent en fonction du
thème ou des objectifs de celui qui l'utilise. « C'est un
enchainement d'actes ; de gestes, d'instruments constituant un processus
technique avec ses grandes étapes plus ou moins visibles. »
(Balfet 1991). Elle peut aussi être désignée
comme « la succession effectivement réalisée ou une
fraction cohérente de celle-ci, de tous les gestes qu'il sous-tend pour
conduire d'une matière première brute à un ou des produits
».(Audouze and Karlin 2017). La chaine opératoire est
donc constituée de toutes les étapes de collection
matières premières, des supports, aux méthodes et aux
techniques afin d'obtenir un outil, en ce qui est de la chaine
opératoire en technologie lithique. D'ailleurs A.
24
Turq dit que « La chaine opératoire, c'est
l'ensemble des choix, des gestes, des méthodes, des concepts qui
sous-tendent l'utilisation d'un bloc depuis sa récolte par un individu.
» (Turq 2000).
s Le façonnage
« Le façonnage est une opération de
taille qui a pour finalité la fabrication d'un objet, et un seul, en
sculptant la masse de matière première choisie, selon une forme
désirée » (Tixier et al., 1995.P. 146) aussi «
Le façonnage peut être un acte de transformation
volumétrique, un mode de production qui produit un artefact qui peut
être immédiatement fonctionnel » tel que le
définit E. Boëda (Boëda 2013) . Ce qui nous amène
à comprendre que contrairement au débitage qui produit plusieurs
supports, le façonnage a pour objectif de produire un outil fini et
pourquoi pas, prêt à être utilisé. Dans notre cas, il
s'agit des pièces bifaciales, donc d'un façonnage sur les deux
faces mais il existe aussi le façonnage unifacial et trifacial dans
l'assemblage de N'Zako. Ainsi dit, nous comprenons que le façonnage peut
nous permettre d'obtenir plusieurs types d'outils suivant différentes
méthodes (unifacial, trifacial, bifacial, multifacial),
différentes modalités (intensité de réduction,
bord/bord, face/face etc.) et différentes techniques (percuteur dur,
percuteur tendre etc.).
s Support
Le support est considéré comme « Tout
élément à partir duquel un objet est taillé,
façonné, débité, retouché. Il peut donc
s'agir d'un rognon, d'une plaquette, d'un galet, d'un produit de
débitage, etc. » (Tixier and Inizian 1980). Cette
définition révèle la variabilité de support qu'il
peut y avoir en technologie lithique. Les pièces bifaciales que nous
utilisons ont été façonnées pour leur part sur
différent support : éclats, bloc et plaquette. Nous utiliserons
« support » dans le cadre productionel pour désigner la masse
lithique qui va être façonné. Cela nous permet de le
distinguer de son sens fonctionnel « support d'outils », à
savoir un volume sur lequel sont aménagées une ou plusieurs
parties actives.
s Génération
Nous entendons ici par génération les
différentes phases de réduction du support : lors du
façonnage, le tailleur peut par exemple façonnée deux fois
un bord, ce qui laisse en général, sur la pièce, les
traces de la superposition de deux générations
d'enlèvements.
s La retouche
« Une retouche est un enlèvement ou une
série d'enlèvements spécifiques pratiqués dans le
but d'obtenir un outil. Retoucher, c'est donc aménager, sculpter,
transformer
25
intentionnellement un support débité ou non.
» (Tixier et al., 1995. P. 160), une autre définition dans le
dictionnaire de la préhistoire dit : « C'est une modification
intentionnelle par un ou plusieurs enlèvements obtenus par pression ou
par percussion d'un support. La retouche peut intéresser la partie
active de l'outil dans le but d'un ravivage de son tranchant ou simplement une
modification. Elle peut aussi concerner l'aménagement de sa forme en
passant par l'amincissement, le rétrécissement ou la
régularisation. » (Leroi-Gourhan and Collectif 2005). Ainsi
nous constatons que le but de la retouche est toujours fonctionnel.
Pour A. Lourdeau la retouche ne modifie pas la structure
volumétrique d'une pièce ainsi que l'indique la définition
de S.Soriano « opération de taille appliqué à un
support (débité, façonné ou naturel) et
destiné à en modifier certains caractères en vue de la
transformation en outil » (Soriano 2000), car celle-ci est
l'étape final de l'aménagement d'une pièce le rendant
outil et donc lui accordant une capacité fonctionnelle (Boëda 2001;
Boëda 1997; Lourdeau 2011). Lorsque cet aménagement concerne les
parties actives, peu importe lesquelles, on parlera d'affutage dont E.
Boëda dit « Le terme d'affûtage, en revanche, est
réservé à la partie transformative. Il désigne
très spécifiquement l'aménagement et l'entretien d'une ou
de plusieurs parties d'un support en partie(s) active(s). Mais il est souvent
difficile d'arriver à déterminer le (ou les) contact(s)
transformatif(s) d'une pièce. » (Boëda, 1997. p.
31).
Les retouches sont variables et se caractérisent par
différentes formes (scaliforme, écailleuse, parallèle,
etc.), différentes étendues (couvrante, envahissante, etc.),
différentes localisations (distale, latérale, proximal, etc.).
· Les Unités Techno-Fonctionnelles/ Contacts
transformatifs
« Une Unité Techno Fonctionnelle se
définit comme un ensemble d'éléments et/ou de contraintes
techniques qui coexistent dans une synergie d'effets » (Boëda,
1997. P. 34). Un outil se structure en plusieurs Unités
Techno-Fonctionnelles :
- Une Unité Techno-Fonctionnelle transformative (UTFt) :
« est la partie qui rentre en contact avec la matière d'oeuvre
lors de l'action. Elle correspond à l'élément
communément qualifié de tranchant » (Lourdeau, 2011. P.
67) .
- Une Unité Techno-Fonctionnelle préhensive (UTFp)
: « est celle qui est en contact avec l'utilisateur et qui
reçoit l'énergie de l'action. » (Rocca 2016) ou encore
« la partie maintenue par l'utilisateur » (Lourdeau, 2011.
P. 67).
- Une Unité Techno-Fonctionnelle réceptive
(UTFr) : « est la partie recevant l'énergie émise par
l'utilisateur et la transmet à l'UTFt. » (Lourdeau, 2011. P.
67).
26
En ce qui nous concerne, selon le nombre de couples
d'Unités Techno-Fonctionnelles qui seront présent sur une
pièce bifaciale, nous pouvons distinguer deux catégories de
pièces bifaciales (Boëda 1997): « la pièce
bifaciale outil » avec un seul couple d'Unités
Techno-Fonctionnelles et « la pièce bifaciale support
d'outil(s) » avec plusieurs couples d'Unités
Techno-Fonctionnelles. Cette question a largement été
soulevée pour les pièces bifaciales acheuléennes et la
question de la diversité fonctionnelle du « biface » . Dans le
cas des core-axes du MSA d'Afrique centrale, où les supports
semblent également parfois standardisés, conduisant à
cette grande catégorie typologique des core-axes, la question
de la matrice façonnée support d'outil ou outils unique peut donc
être abordée via l'analyse techno-fonctionnelle.
· La structure et le volume
Nous pouvons considérer la structure « comme
un ensemble d'éléments et/ou de caractères techniques qui
coexistent dans une synergie d'effet » (Boëda 1997).
Ainsi c'est par l'identification des différentes UTFs et leur
agencement que nous pouvons mettre en évidence la structure de
l'outil. E. Boëda évoque le volume le
plus souvent sous l'appellation de « structure volumétrique
». Il en a caractérisé plusieurs mais celle qui nous
intéresse ici est la structure concrète qu'il définit
comme : « Une structure concrète est une structure
constituée d'éléments intégrés les uns dans
les autres dans une synergie de forme, de fonction et de fonctionnement. »
(Boëda 1997).
2. CRITERES DE SELECTION
Première sélection
Notre principal critère pour sélectionner le
matériel d'étude reposait sur le caractère bifacial du
façonnage et de la morphologie des bords parallèles. Ainsi, 45
pièces ont été sélectionnées en Salle de
Préhistoire de l'IPH comme énoncé plus haut.
Deuxième sélection
Une fois toutes les pièces sélectionnées
et montées dans notre salle d'étude, une deuxième
sélection a été opérée. Celle-ci consistait
à ne garder que des pièces lisibles. A quoi nous servirait, dans
le cadre d'une étude qualitative, une pièce bifaciale dont on ne
peut lire aucun stigmate ? Nous avons aussi écarté quatre
pièces très mal conservées dont l'état ne nous
permet plus d'obtenir quelconque information. Les pièces à
extrémités distales ou proximales cassées
27
ont été gardées car elles regorgent
souvent d'informations importantes comme l'utilisation ou les accidents de
taille mais surtout certaines concernant la séquence productionnelle,
dont la reconstitution est un de nos objectifs. Au sein de ce corpus de 45
pièces, nous avons ensuite séparé des groupes sur des
critères morpho-structurels pour l'ensemble du matériel. Nous en
avons obtenu six et quatre pièces dont ces critères ne
s'apparentent à aucun groupe ont été mis à part.
Lecture des pièces
Afin de procéder à la lecture de notre
matériel nous avons observé les matières premières,
établi des schémas diacritiques pour chacune des pièces
par groupe pour déterminer la production, puis les Unités
Techno-Fonctionnelles.
Les matières premières.
Avant de procéder à une étude des industries
lithiques, il est primordial de savoir de quelles
Figure 17 Les différentes matières
identifiées dans l'assemblage. Photos M-J Angue.
natures sont les matières premières
étudiées, comment elles ont été acquises mais aussi
où ont-elles été acquises. Heureusement pour nous
certaines de ces informations étaient déjà
mentionnés par De Bayles des Hermens (Bayle des Hermens 1968). Dans ses
notes, il est dit que les matières premières principales de ces
sites que sont le grès et le quartzite sont des
28
matières locales. « Les roches
employées pour la fabrication des outils préhistoriques des
chantiers du N'Zako ont été prélevées sur place
dans les affleurements qui surgissent à flanc de vallée.
Grès et quartzites diversement coloriés ; quelques
éléments en quartz et cristal de roche semblent provenir de
galets de rivière. »
Ce qui nous restait à faire était d'observer des
caractéristiques visuelles tels que : la couleur ; les inclusions et les
grains. Nous avons distingué les pièces cassées,
brisées ou fracturées lorsqu'elles l'étaient. Et enfin la
description structurelle et les caractéristiques pour les aptitudes
à la taille.
3. COMPRENDRE LA PRODUCTION DES CORE-AXES
Nous avons analysé la production de notre
matériel pièce par pièce en observant le façonnage
et les intensités de réductions mais aussi les supports
employés. Nous avons aussi observé les retouches, leur
confection, la délinéation des bords et la forme des
extrémités distales. Pour arriver à cela nous avons eu
recours au schéma diacritique. Celui-ci est élaboré par M.
Dauvois (Dauvois, 1976). Sa fonction de dessin de lecture a été
enrichie au fil des recherches afin de permettre une meilleure lecture (Turq,
2000). Ainsi le schéma diacritique est la forme graphique qui a
guidé nos observations, nous permettant d'entrer dans le détail
en lisant pièce par pièce notre matériel. Et surtout en
écrivant sur papier toutes les informations relatives à la
production que nous avons noté pour chaque pièce. Nous avons
analysé la production de notre matériel pièce par
pièce en observant le façonnage et les intensités de
réductions mais aussi les supports employés. Nous avons aussi
observé les retouches, leur confection, la délinéation des
bords et la forme des extrémités distales. Pour arriver à
cela nous avons eu recours au schéma diacritique. Celui-ci a
été initialement élaboré par M. Dauvois (Dauvois
1976). Sa fonction de dessin de lecture a été enrichie au fil des
recherches afin de permettre une meilleure représentation de la lecture
(Turq 2000). Ainsi le schéma diacritique est la méthode choisie
pour guider nos observations et notre lecture et la forme graphique que nous
avons privilégiée pour exposer nos observations, nous permettant
ainsi d'entrer dans le détail. Une fiche technique sur papier comportant
le schéma et toutes les informations relatives à la production a
été réalisée.
- Les supports : nous avons déterminé
si les objets ont été taillés sur éclat, sur galet,
sur
plaquette ou sur un bloc Nous avons également
localisé les surfaces originelles et les
surfaces naturelles des supports, et les faces
d'éclatement pour les éclats supports
(Figure 18).
- Le façonnage : les observations faites
grâce au schéma diacritique nous ont véritablement permis
de comprendre et voir les générations d'enlèvements via
les
29
modes de réduction de la matière lors de la
séquence de façonnage. Nous avons ainsi pu déterminer le
séquençage employé pour le façonnage.
Était-ce un façonnage bord/bord, c'est-à-dire une face
puis une autre ? Ou face/face c'est-à-dire une face à la suite de
l'autre ? ou, dans certains cas, mixtes ?
- La retouche : celle-ci concerne toute la
périphérie de la pièce mais comme le souligne A. Lourdeau
elle n'a pas pour objectif de modifier la structure volumétrique d'une
pièce. C'est plutôt la dernière étape de
l'aménagement d'une pièce, lui accordant un caractère
fonctionnel et donc pouvant à ce moment être définit comme
outils (Boëda 1997; Lourdeau 2011). Il nous est apparu important de la
localiser (partie distale, proximale ou latérale) mais aussi de la
décrire et d'observer son étendue, qu'elle soit couvrante,
marginale ou envahissante. En analysant la retouche, nous avons
également distingué des ébréchures qui peuvent
être liées à la mise en fonction ou à la mauvaise
préservation.
- Les bords : les bords latéraux de nos
pièces sont tous parallèles et nous avons analysé leurs
ruptures de délinéation afin de déterminer s'ils
étaient concaves, convexes, sinueux ou rectilignes. (Figure 18/1).
- Les extrémités distales : celles-ci
peuvent être convergentes, arrondies ou rectilignes. Les deux
extrémités ont souvent des morphologies différentes, on
peut ainsi trouver des pièces à extrémité proximale
à bords convergents et en partie proximale à bord arrondie ou
l'inverse. Il y a plusieurs possibilités quant à la
diversité des combinaisons (Figure 18 /2).
30
e
Figure 19 Les types de supports. Photos M-J Angue
31
4. LA DESCRIPTION DES UNITES
TECHNO-FONCTIONNELLES
L'approche techno-fonctionnelle s'est développée
grâce aux travaux de M. Lepot (Lepot 1993) et d'E. Boëda (Boëda
1997) qui la définit comme « Une Unité
Techno-Fonctionnelle se définit comme un ensemble
d'éléments et/ou caractères techniques qui coexistent dans
une synergie d'effets.»(Boëda, 1997. P.34). Depuis sa
création, elle a été employée et appliquée
à divers types de collections (Lourdeau 2011).
Nous avons tenté de décrire et localiser les
potentielles parties actives retrouvées sur les pièces que nous
avons étudiées. Sachant que le point commun de toutes les roches
qui existent est leur caractère incisant naturel (Boëda, 2013),
nous avons donc cherché ce caractère incisant mais cette fois-ci
non pas naturel mais celui obtenu par le fait de l'Homme. Il est délicat
d'aborder les fonctions et fonctionnements d'outils préhistoriques
sachant que nous sommes face aux pièces dont la mémoire technique
se trouve totalement perdue après enfouissement de celle-ci (Lourdeau
2011). L'étude techno-fonctionnelle ne recherche donc pas la fonction ou
le fonctionnement des outils préhistoriques mais nous aide à
discuter des objectifs morpho-structurels d'un outil, comme le souligne R.
Rocca « Cette démarche vise, à travers l'analyse des
conséquences morpho-techniques des gestes mis en oeuvre, à
atteindre les intentions fonctionnelles des outils. » (Rocca, 2016.
P. 214).
L'outil peut se structurer en trois Unités
Techno-Fonctionnelles (UTF) à savoir : Unité Techno-Fonctionnelle
transformative (UTFt) ; Unité Techno-Fonctionnelle préhensive
(UTFp) et l'Unité Techno-Fonctionnelle réceptive (UTFr). M. Lepot
lui parlait de « Contact transformatif » pour l'UTFt,
« Contact préhensif » pour l'UTFp et «
Contact réceptif » pour l'UTFr (Lepot 1993).
Notre « objectif final est donc de mettre en
évidence des groupes d'outils associant une ou plusieurs parties actives
avec une partie préhensive » (Rocca, 2016. P. 215) car une
pièce peut avoir plusieurs et différentes Unités
Techno-fonctionnelles actives, et donc supporter plusieurs outils aux
caractéristiques différentes. Pour se faire nous avons donc
regardé les angles et la délinéation des bords
latéraux (pour les UTFt) puis la morphologie des surfaces (pour les
UTFp) qui permettent l'aménagement d'une ou de plusieurs parties actives
et d'une partie préhensive. « Un angle, un plan de section, une
surface, un fil, etc. Constituent autant de caractères techniques
participants à la définition d'une UTF. » (Boëda,
1997. P. 34).
32
Figure 20 Illustration de la difficulté à
distinguer l'UTFr et l'UTFp.(Lourdeau, 2011)
5. LISTE DES CRITERES OBSERVES
Critères morphologiques
Toutes les pièces de notre assemblage ont
été divisées en six groupes comme énoncé
plus haut. Ces groupes ont été constitués sur les
critères morpho-structurels de nos pièces bifaciales à
bords parallèles, à savoir l'agencement du volume de la
pièce selon les différents axes transversal, longitudinal et
selon le plan d'équilibre bifacial. Les principaux critères
morphologiques que nous avons regardés pour constituer nos groupes sont
: la morphologie générale de la pièce, les sections, les
symétries ou asymétries. Les pièces partageant des
caractères morpho-structurels similaires ont été
classées ensemble conduisant à six groupes distincts. Cinq
pièces n'ont pas coïncidé avec les groupes établis.
Ces pièces ont fait l'objet d'une étude isolée
élément par élément.
Les dimensions
Nous avons pris les dimensions générales de nos
pièces. Il s'agissait des longueurs, largeurs maximales et
épaisseurs maximales afin comparer au sein de chaque groupe la
variabilité qu'il peut y avoir en termes de longueur, de largeur ou
d'épaisseur. L'unité de mesure est le
33
centimètre. Ces pièces ont aussi
été pesées individuellement avant la constitution des
groupes. Ainsi nous avons, à l'aide de ces mesures, calculé des
indices d'élongation :
- Indice de finesse : cet indice s'obtient en faisant le
calcule longueur/épaisseur pour chaque pièce, puis par le calcul
de la moyenne du groupe. Cet indice nous indique la pièce la plus fine
et allongée.
- Indice d'allongement : cet indice s'obtient en
faisant le calcul longueur/largeur
également pièce par pièce, puis par le
calcul de la moyenne du groupe. Ici, nous caractérisons la pièce
la plus allongée.
Ces indices nous permettront par la suite de comparer chaque
groupe à l'ensemble des pièces bifaciales, soit les
différents types de pièces bifaciales des sites NZK (n=36) et NZA
(n=68) dont les données ont déjà été
publiées (Mesfin et al. 2020). Nous pourrons ensuite également
comparer entre les différents groupes ces caractères
morphométriques.
Critères Techno-fonctionnelles
Nous avons appliqué l'approche techno-fonctionnelle au
sein de chaque groupe afin d'en déceler des organisations des UTFt et
UTFp différentes. En effet, autant un groupe peut être
diversifié en termes d'outils, autant une pièce peut avoir
plusieurs outils. «The rim is retouched in order to create any
desirable cutting edge (sharp and shaped as a point, thick and denticulate,
etc.). Different cutting edges can coexist on the same piece. »
(Nicoud, 2013. P.45), c'est donc le tailleur qui aménage
ces différentes parties actives au sein d'une pièce.A ce moment
l'outil devient « support d'outils ». Comme l'explique E ;
Boëda « Dans le cas de la pièce bifaciale outil, la
morphologie de la pièce est étroitement liée à sa
fonctionnalité. Les éléments qui la structurent sont
intégrés dans une synergie de formes, de fonction et
fonctionnement appelée hypertélique. » (Boëda,
1997. P. 64).
Notre étude s'est spécifiquement
intéressée aux nombres de parties actives et la localisation et
l'agencement des différentes UTFs entre elles. Il s'agit donc d'exposer
la variabilité et les invariants morpho-structurels de notre
assemblages.
34
IV. RESULTATS
1. GROUPE 1 : PIECES BIFACIALES A BORDS PARALLELES ET
POINTES AVEC
SECTION HOMOGENE LENTICULAIRE
Numéro des pièces : NZA : 67, 18, 17, 13, 1,
29, 11, 7, 23 & NZK : 134, 123, 4, 129, 144, 133, 141
Figure 21 Quelques pièce du Groupe 1. Photos M-J
Angue.
Description générale de la morphologie des
pièces (Erreur ! Source du renvoi
introuvable.)
35
16 pièces sont présentes dans ce groupe. Ces
pièces présentent plusieurs plans de symétrie : selon
l'axe longitudinal, selon l'axe transversal et selon le plan d'équilibre
bifacial. Pour l'orientation, au vu de la symétrie des pièces,
nous avons choisi l'extrémité la plus arrondie comme partie
proximale. La face qui présente la convexité la plus importante
est considérée ici comme la face supérieure.
Figure 22 Schéma de la structure volumétrique
des pièces du Groupe 1
Matières premières
Nous avons identifié neuf pièces en quartzite et
sept pièces en grès. Les quartzites ne forment pas un groupe
homogène mais sont tous assez adaptés à la taille (absence
de plans de fracture naturels et d'inclusions, stigmates de taille lisibles) ;
on distingue trois groupes:
- Quartzite blanc à gris à texture et composition
très homogène à éclat important (N=6)
- Quartzite blanc à texture et composition très
homogène, très opaque et sans éclat (N=2) - Quartzite
beige mouchetés de concentration de grains blanchâtres (N=1)
En ce qui est des pièces en grès, elles vont de
noire à grise. Cinq d'entre elles présentent des grains grossiers
et une seule présentent des grains plus fins. Une pièce ne
présente pas la même homogénéité, on peut y
observer des inclusions de grains noirs et blancs.
36
Etat des surfaces
Notre assemblage regroupe 11 pièces entières et
cinq pièces cassées sur les extrémités. Les
pièces ne présentent pas un état d'altération
homogène. Mais dans ce groupe, les tranchants restent assez frais et les
émoussés sont peu prononcés. Néanmoins trois
pièces présentent des arrêtes plus émoussées,
une a un aspect plus lustré et quatre témoignent de certaines
zones qui ont subi une altération de la couleur des roches. En effet,
elles présentent des zones plus rougeâtres qui font écho
à la couleur des sédiments.
Données métriques (Tableau 4)
Ce groupe présente une certaine variabilité
métrique, malgré une certaine homogénéité en
termes d'élongation. Il est composé de grandes pièces, une
seule étant moins longue que 10cm. NZA 23 présente une largeur et
une épaisseur moins importante. A contrario la pièce la plus
grande, NZA 1, n'est ni la plus large ni la plus épaisse. Cela
suggère qu'elle est la plus allongée et la plus fine de cet
assemblage. Les indices d'élongation de notre groupe qui à la
fois contient des pièces de Nzako Kono et Nzako Ambilo, sont bien
supérieurs à ceux de l'ensemble des types de pièces
bifaciales de ces deux sites. La moyenne d'élongation de faciale des
pièces bifaciales de NZA est 2,149 pour celle de NZK 1,9488, alors que
pour le Groupe 1 elle est de 2,922. Pour la finesse NZA 3,889 et NZK 4 ,76 pour
le groupe 1 elle est de 5,10 (Mesfin et al., 2020).
Ainsi ce premier groupe se distingue de son assemblage
d'appartenance par un aspect beaucoup plus fin.
Tableau 4 Données métrique Groupe 1(en
cm)
Groupe 1
|
Longueur
|
Largeur
|
Epaisseur
|
Elongation
|
Elongation
|
(face)
|
(profil)
|
|
|
Max.
|
24,5
|
7,1
|
4,5
|
4,18
|
7,36
|
Min.
|
8,7
|
4,2
|
2,8
|
2,07
|
3,10
|
Moyenne
|
16,98
|
5,81
|
3,34
|
2,92
|
5,10
|
37
Données productionnelles 1.5.1. Les
supports
11 pièces n'ont pas pu faire l'objet d'une
identification du support car les négatifs d'enlèvement et les
retouches ont totalement recouvert les surfaces originelles du support. Quatre
pièces sont façonnées sur éclat et une pièce
est façonnée sur plaquette. Sur cette dernière, les
surfaces naturelles résiduelles sont visibles sur les deux faces.
Concernant les pièces sur éclats, elles témoignent d'une
production de grands éclats qui semblent décortiqués
(>10cm).
1.5.2. Les séquences de façonnage
Au sein du Groupe 1, toutes les pièces sont
façonnées sur l'entière périphérie mais les
intensités de réduction sont variables. Seule la pièce NZA
1(Figure 25) présente une intensité de réduction en trois
générations superposées sur chaque face. La
majorité, soit huit pièces, renseigne une séquence de
réduction en deux générations qui est homogène sur
les deux faces. Deux pièces se distinguent avec une intensité de
réduction différente entre les deux surfaces, une face par deux
générations et l'autre ne présentant qu'une seule
génération d'enlèvements. Enfin, les dernières
pièces révèlent une intensité de réduction
moins importante sur les deux faces avec seulement une génération
par face.
En ce qui est du façonnage nous observons
principalement un façonnage alternant dit « bord/bord » et un
façonnage successif dit « face/face ». Neuf pièces sont
façonnées bord/bord, avec des points d'impacts visibles sur les
bords des deux faces. Six pièces paraissent façonnées
face/face avec des points d'impacts qui ne sont plus visibles que sur une seule
face ce qui nous indique que celle-ci est la dernière face
façonnée. Pour une pièce, NZA 29, nous n'avons pas pu
déterminer les étapes du façonnage car celle-ci est
retouchée sur toute sa périphérie.
1.5.3. La retouche
Six pièces de notre assemblage n'ont pas
été retouchées, elles présentent des bords
rectilignes avec des enlèvements rasants. Les dix autres sont
retouchées. Les retouches sont localisées à quatre
endroits différents :
- Quatre pièces présentent une retouche
localisée sur une seule moitié de la pièce, principalement
en partie distale mais prolongée sur chacun des deux bords. La retouche
n'est pas standardisée et peut être uni- ou bifaciale.
- Trois pièces présentent une retouche
périphérique non standardisée avec des étendues
parfois unifaciales et parfois bifaciales,
38
- Deux pièces présentent deux zones de retouches
distinctes, une distale et une latérale. Sur une pièce la
retouche latérale est bifaciale.
- Une pièce présente différentes zones de
retouches distinctes sur toute sa périphérie.
Une pièce présente une retouche parallèle
très fine et une autre avec une retouche subparallèle. Les huit
autres pièces ont une retouche abrupte avec les négatifs
d'enlèvements de retouches très visibles et
pénétrants dans la matière. Huit pièces
possèdent un enlèvement abrupt à l'extrémité
proximale, une seule pièce a ce méplat au niveau de
l'extrémité distale et une à la fois à
l'extrémité distale et proximale.
Figure 23 Les retouches du groupe 1
1.5.4. Description des potentielles parties actives (Figure
24)
Les pièces du Groupe 1 sont toutes des pièces
bifaciales « support d'outil » car présentant plusieurs UTFt a
grande majorité de nos pièces (Groupe 1a) présentent une
UTFt1 distale avec l'aménagement d'une pointe qui distingue ce groupe
des autres. L'UTFt1 est continuée, sans rupture, par des tranchants
latéraux ici nommés UTFt2. Aussi cinq pièces
présentent des cassures distales qui interrogent leur probable
utilisation. Sur leurs bords latéraux nous localisons des UTFt2 avec un
fil de coupe rectiligne et tranchant mais nous ne pouvons pas être
certains de la présence d'une UTFt1. La partie proximale est
aménagée avec une sorte de méplat déjà
évoqué plus haut. Ce méplat est très court et
récurrent sur plusieurs pièces et nous nous demandons s'il s'agit
d'un aménagement spécifique lié à la
préhension ou à l'emmanchement. Nous pouvons difficilement
considérer cette partie proximale comme une UTFp car elle ne se
39
distingue pas par un sous volume particulier et aucune
véritable rupture de délinéation n'est observée
entre les trois UTF.
Figure 24 Schéma synthétique des UTF du Groupe
1
A contrario une seule pièce (NZA 67, Groupe 1b) semble
avoir un aménagement distal moindre car son extrémité
distale n'est pas aussi pointue que le reste des pièces qui ne sont pas
cassées. Mais une importante rupture des angles se fait entre l'UTFt1 et
l'UTFt2 dont le fil de découpe est concave sur les deux bords
latéraux avec des angles entre 62° et 95°. L'UTFp de cette
pièce semble aménagé aussi avec un uniquement
enlèvement proximal abrupt mais associé à un volume
beaucoup plus important que le reste du Groupe 1.
1.5.5. Exemples de fiche technique d'une pièce.
40
Figure 25 Schéma diacritique de la pièce NZA
1
NZA 67 Groupe 2
Poids: 898g i
UTFt1 (E
_1
UTFp
Face Sup
Profil
PREMIERE GENFR,ATION
DEFXIEME GENERATION
TROISIEME GENERATION
CORTEX
FAfF D'FCT ATTMENT
ERIECHURES
SURFACE NATURELLE
x x N x X% x x %
RETOITCTIES
DIRECTIONS DES ENLE'EMN'TS AVEC POINT D'IMPACT
DIRECTION DES ENLEVEMENTS
V/
5 cm
RUPTURE DE DELINEATION
41
Piièce bifaciale du Groupe 2 avec deux
générations d'enlèvements sur les deux faces d'un
façonnage face/face car les points d'impacts ne sont plus visible que
sur une face. Ces enlèvements sont centripètes. Cette
pièce est façonnée sur un grand éclat en
grès.
Face Supérieure: La premiière
génération d'enlèvement a permi d'aménager le
support avec deux grands enlèvementset la deuxième dont les
enlèvement de façconnage sont sur toute la
périphérie a aider à l'amincissement du support. Cette
face plus convexe que l'autre est la dernière à etre
façonnée. L'étendue de la retouche est
latéro-distale et latéro-proximal.
Face Inférieure: la première
génération se localise sur la partie distale qui a
été plus réduite que la partie proxiamle où la
deuxième génération a permi de l'amincir
légèrement avec sur le bord gauche une retouche
latéro-proximale. Une surface de la face d'éclament reste visible
n'ayant pas subit d'autres enlèvements lors de ce façonnage
UTF: Une UTFt1 distale avec un angle variant
entre 62° et 76° présente une rupture de
délinéation avec les UTFt2 sur les bords latéraux avec un
angle entre 80° et 95.
UTFp dont l'angle se situe entre 107° et 115°. Aucune
UTF localisé sur les bords latéraux.
Figure 26 Schéma diacritique NZA 67.
42
2. GROUPE 2 : PIECES BIFACIALES A BORDS PARALLELES ET
SECTION PROXIMALE TRIEDRIQUE.
Numéro des pièces : NZA : 34 ;40 ; 162 ; 39 ; 47
& NZK : 133 ; 84 ; 127.
Figure 27 Quelques Pièces du Groupe 2. Photos M-J
Angue.
Description générale de la morphologie des
pièces Figure 28
Huit pièces ont été regroupées
dans le Groupe 2 (Figure 27). Selon les critères morphologiques. Ces
pièces possèdent un plan de symétrie et deux plans
d'asymétrie. Elles sont symétriques selon et l'axe longitudinal
et asymétriques selon l'axe transversal et le plan d'équilibre
bifacial. Elles présentent une rupture morphologique entre la partie
proximale et distale. En effet, la moitié proximale est
triédrique avec l'agencement de trois surfaces bien distinctes, tandis
que la partie distale présente deux surfaces aménagées
avec une section plano-convexe. Cette partie distale est moins épaisse.
Seule une pièce présente quatre surfaces - et non trois - en
partie proximale (NZK 84). Nous avons choisi la partie la plus fine comme
extrémité distale et la plus robuste comme
extrémité proximale. Notre face supérieure sera celle avec
une convexité plus importante, ce qui est aussi la particularité
de ces pièces.
43
Figure 28 Schéma de la structure volumétrique
du Groupe 2
Matières premières
Au sein de ce groupe il y a quatre pièces en
grès, trois pièces en quartzite et une pièce en
grés-quartzite. Les pièces en grès n'ont pas toutes une
texture homogène. Trois sont grises avec des grains grossiers dont deux
sont corticales à l'extrémité proximale. Et une rose avec
des grains plus fins et cortical à l'extrémité proximal.
Les trois pièces en quartzites ont une texture très
homogène grenue. Une blanche, une grise et une rose avec présence
de cortex. L'unique pièce en grès quartzite présente des
inclusions de quartz blanc zébré.
Etat des surfaces
Six pièces sont entières et deux brisées
en une extrémité. Les pièces de notre assemblage
présentent un état de conservation homogène. Mise à
part une sur huit qui a subi une altération colorimétrique et
présente un aspect qui tend vers le rouge due certainement à la
couleur des sols ferralitiques retrouvés de RCA.
Données métriques
Les pièces du Groupe 2 sont dimensionnellement
variables. Toutes présentent une longueur comprise entre 10 et 20cm.
Nous notons une variabilité importante pour l'épaisseur. La
44
moyenne de nos indices du Groupe 2 est
légèrement inférieure à celle de l'ensemble des
pièces bifaciales des sites NZK et NKA. Ce groupe se caractérise
donc par une robustesse plus importante que les autres types de pièces
bifaciales présentent dans les assemblages d'appartenance.
Tableau 5 Données métriques du Groupe 2
Groupe 2
|
Longueur
|
Largeur
|
Epaisseur
|
Elongation
|
Elongation
|
(face)
|
(profil)
|
|
|
Max.
|
19,6
|
7,6
|
5,6
|
2,98
|
5,33
|
Min.
|
10,9
|
4,4
|
2,1
|
1,91
|
2,76
|
Moyenne
|
15,45
|
5,81
|
4,35
|
2,65
|
3,67
|
Données productionnelles 2.5.1. Les
supports
Cinq pièces sont façonnées sur
éclats. Une pièce semble avoir été
façonnée sur un bloc (NZA 40). En effet, l'aspect anguleux de la
surface naturelle est toujours visibles en partie proximo-latérale. Deux
pièces sont intégralement façonnées et donc leur
support est classé comme indéterminable.
2.5.2. Les séquences de façonnage
Au sein du Groupe 2, sept pièces ont été
façonnées sur toute la périphérie et sur les deux
faces. Une pièce présente un seul enlèvement sur la face
inférieure (NZA 34). Ainsi nous notons un partage équitable entre
deux principaux modes de réduction.
- Une réduction en deux générations
d'enlèvements sur les faces supérieures et idem sur les faces
inférieures (N=4).
- Une réduction en trois générations
d'enlèvements sur les faces supérieures (N=4) dont deux
pièces présentent trois générations
d'enlèvement sur la face inférieure et deux pièces
comportent deux générations d'enlèvements sur cette
même face.
Toutes les pièces du Groupe 2 présentent des
points d'impacts sur deux faces, ils nous renseignent un façonnage par
alternance entre les deux faces.
Ces différentes générations
d'enlèvements de façonnage ont conféré à cet
assemblage la morphologie qui la distingue des autres groupes. En effet en
partie distale, les enlèvements sont
45
très couvrants et souvent traversants, ils permettent
d'amincir la partie distale en laissant épaisse la partie proximale
où il y a très peu d'enlèvements. Les enlèvements
des parties mésiales et proximal se font sur deux des trois surfaces.
Ils ne sont pas envahissants et les négatifs sur les surfaces
inférieures sont très réduits suggérant une
recherche et une maitrise de l'obtention des surfaces planes. Bien qu'il n'y
ait un peu de variabilité dans les modalités de façonnage,
le Groupe 2 présente une variabilité technique en ce qui concerne
la technique de façonnage employé pour l'obtention du volume
désiré.
2.5.3. La retouche
Cinq pièces de notre assemblage n'ont pas
été retouchées. Pour les trois pièces
retouchées, Nous avons deux catégories. On observe des
négatifs de retouche abrupte fortement concaves qui créent un
denticulé latéral. C'est une caractéristique de ce groupe.
On observe également des retouches mixtes où la face
inférieure plane présente souvent des retouches plus ou moins
envahissantes.
Description des potentielles parties actives
En ce qui est du Groupe 2, l'analyse TF a également mis
en exergue deux sous-groupes. Le premier (Groupe 2a) réunit cinq
pièces : l'UTFt1 distale et l'UTFt2 latérale se retrouvent
combinées sans aucune rupture brute de délinéation ; les
angles varient graduellement entre
75° et 95°. La base est aménagée avec
un minimum d'enlèvements de façonnage lui reservant une masse et
un volume important comparé aux extrémités distales et
latérales. Nous localisons l'UTFp en partie proximale.
Le deuxième sous-groupe (Groupe 2b) réunit trois
pièces. L'UTFt localisée sur la partie distale de la pièce
(80-90°) est une pointe plus fine que celle retrouvée dans le
Groupe 2a. Celle-ci est bien circonscrite avec une rupture avec les bords
latéraux dont les angles ne semblent pas retravaillés. La base
est aussi assez volumétrique, nous y localisons l'UTFp où il n'y
a que quelques enlèvements lui permettant de garder un volume plus
important que celui de l'extrémité distale.
Le point commun de ces deux sous-groupes est
l'aménagement d'une pointe bien qu'elle soit plus importante au sein du
Groupe 2b, l'aménagement d'une base plus massive afin d'obtenir une
UTFp.
46
Figure 29 UTF Groupe 2
47
Exemples de fiche technique d'une
pièce.
Figure 30 Schéma diacritique NZA 40
Groupe 3 : Pièces bifaciales à bords
parallèles Plano convexe
Figure 31 Schéma diacritique de NZA 162
48
49
3. GROUPE 3 : PIECES BIFACIALES A BORDS PARALLELES ET A
SECTION PLANO-
CONVEXE
Numéro des pièces : NZA : 147, 118, 80, 16,
44 & NZK : 136
Figure 32 Pièces du Groupe 3. Photos M-J
Angue.
Description générale de la morphologie des
pièces
Le groupe 3 est représenté par six
pièces. Ce sont des pièces bifaciales avec une face
inférieure principalement plane et une face supérieure convexe.
Elles présentent deux plans de symétrie selon l'axe longitudinal
et l'axe transversal mais asymétriques selon le plan d'équilibre
bifacial. Elles présentent une section une section plano-convexe
générale qui tend légèrement vers lenticulaire aux
extrémités. Afin d'orienter nos pièces, nous avons choisi
la partie la plus fine comme extrémité distale et la plus
épaisse comme l'extrémité proximale.
50
Figure 33 Schéma de la structure volumétrique
du Groupe 3
3.1.1. Matières premières
Cet ensemble est représenté par les deux
principales matières premières, à savoir le grès et
le quartzite. Les pièces sont équitablement
représentées. Trois pièces sont en quartzite blanc grenu.
Une pièce NZA 118 présente une variation de couleur de blanc
à gris. Nous avons un soupçon pour la pièce NZA 16
où la texture de cette partie n'est pas la même. Les trois autres
pièces en grès n'ont pas la même couleur, elles vont de
gris à beige avec une texture grenue. NZK 1 semble présenter une
surface naturelle, car les enlèvements les plus rentrants
révèlent sa couleur qui est plutôt beige et la surface qui
la recouvre est blanche, ce qui nous permet de dire que c'est certainement une
plaquette.
3.1.2. Etat des surfaces
Parmi les pièces de ce groupe, aucune ne
présente de cassure distale ni latérale. Un émoussé
important des arrêts est observé sur l'ensemble des pièces.
:
- NZA 147 seule semble très roulé rendant la
lecture de la pièce casi-impossible. Il y a des ébréchures
sur toute la partie distale et le long d'un bord latéral allant
jusqu'à l'extrémité proximale.
51
- NZA 44 a subi une altération de couleur de la roche
devenue rougeâtre sur sa face supérieure.
- NZK 136 présente aussi une altération de la
couleur de la roche, passée à jaunâtre sur l'ensemble de la
pièce mais une partie de la face inférieure a aussi une couleur
marron.
3.1.3. Données métriques
Au vu des indices d'élongation de ce groupe, nous
constatons que ses pièces sont épaisses et peu allongées.
Bien que ce soit toutes des grandes pièces toute supérieures
à 12cm en longueur. Néanmoins ce groupe est moins fin mais plus
allongé comparé à l'ensemble des pièces bifaciales
des sites NZA et NZK.
Tableau 6 Données métriques Groupe 3
Groupe 3
|
Longueur
|
Largeur
|
Epaisseur
|
Elongation
|
Elongation
|
(face)
|
(profil)
|
|
|
Max.
|
22,8
|
9,1
|
7,3
|
2,64
|
4,33
|
Min.
|
12,1
|
4,9
|
3,2
|
2,21
|
3,10
|
Moyenne
|
15,33
|
6,21
|
4,41
|
2,47
|
3,58
|
Données productionnelles 3.2.1. Les
supports
Trois pièces de notre assemblage façonné
sur toute la périphérie et sur les deux faces n'ont pas pu faire
l'objet d'une identification de support. Deux pièces identifiées
sur éclat et une autre sur plaquette NZK 1.
3.2.2. Les séquences de façonnage
Notre groupe présente deux types d'intensités de
réduction lors du façonnage :
- Une première réduction est faite en deux
générations d'enlèvements (N=4). Sur ces quatre
pièces, trois sont faites en deux générations sur les deux
faces et une présente une séquence de réduction à
deux générations uniquement sur la face supérieure et la
face inférieure avec une génération
d'enlèvement.
- La deuxième séquence de réduction est
un façonnage à trois générations
d'enlèvements sur la face supérieure et deux
générations d'enlèvements sur la face inférieure
(N=2).
52
Le façonnage dominant avec quatre pièces est
alternant. Les pièces ont un fil de coupe de sinueux serré
à sinueux large. Les deux pièces restantes sont
façonnées une face après une autre, une seule face
présente des points d'impacts, ces dernières ont un fil de coupe
sinueux large.
Nous pouvons dire de notre Groupe 3 qu'il témoigne de
différentes méthodes de façonnage. Une diversité
technique au sein de ce petit assemblage qui, nous pouvons déjà
le dire n'est pas différent des deux premiers groupes qui sont eux aussi
diversifiés...
3.2.3. La retouche
Cinq pièces du Groupe 3 ont été
retouchées. Nous avons décidé de les nommer : retouche
périphérique ; retouche proximal et retouche
proximo-latérale.
- NZK 136 est la seule pièce avec une retouche
périphérique et bifaciale. Le long du fil de la pièce nous
retrouvons une retouche très fine au niveau de sa partie distale puis
abrupte dès la partie mésiale et ce jusqu'à la base
proximale.
- Deux pièces NZA 16 et NZA 44 présentent une
retouche principalement proximale unifaciale très abrupte mais pas
envahissante.
Figure 34 UTF Groupe 3
- NZA 147 et NZA 118 sont des pièces avec
une
retouche unifaciale proximale et latérale fine et non
envahissante.
Description des potentielles parties actives
L'assemblage constituant le Groupe 3 présente un groupe
techno-fonctionnel homogène. Nous notons en premier l'absence de pointe
sur toutes les pièces et sur les deux extrémités,
celles-ci sont arrondi et fines. La partie mésiale est plus convexe que
les autres groupes. Il y a une volonté de façonner les bords et
les extrémités sans couvrir le milieu de la pièce, ce qui
lui procure un bombement particulier. Nous avons déterminé
l'extrémité distale comme l'UTFt1 et l'extrémité
proximale comme l'UTFt2 faisant ainsi de la partie mésiale une UTFp.
Nous pensons qu'il était possible d'utiliser l'une ou l'autre
extrémité comme Unité Techno-Fonctionnelle Transformative
tout en tenant la
53
pièce par sa partie mésiale. Les angles des
bords qui sont sinueux n'ont pas d'angle important pour l'obtention d'un fil
tranchant (100°-120°).
Exemples de fiche technique d'une
pièce
Figure 35 : Schéma diacritique de NZA147
54
4. GROUPE 4 : PIECES BIFACIALES A BORDS PARALLELES A
SECTIONS
LENTICULAIRE ET PLANO-CONVEXE
Numéro des pièces : NZA : 153, 212, 29 &
NZK :3.
Figure 36 Pièces du Groupe 4. Photo M-J Angue.
Description générale de la morphologie des
pièces. (Figure 37)
Le Groupe 4 est représenté par quatre
pièces. Elles sont symétriques selon l'axe transversal mais
présentent aussi une asymétrie selon l'axe longitudinal. La
section de la moitié distale est lenticulaire tandis que la section de
la moitié proximale est plan-convexe. Pour ce groupe,
l'extrémité la plus arrondi est considérée comme
une partie proximale. La face avec une convexité plus importante est la
face supérieure.
55
Figure 37 Schéma de la structure volumétrique
du Groupe 4
4.1.1. Matières premières
Les matières premières de ce groupe ne sont pas
différentes des autres groupes. Deux pièces sont en grès
de couleur grise à texture grenue. Deux pièces sont d'une
matière première que nous appellerons grés-quartzite car
la texture de celles-ci n'est ni totalement celle d'un grès, ni celle
d'un quartzite. Sa couleur varie de blanche à beige.
4.1.2. Etat des surfaces
Au niveau des surfaces de ces supports, nous observons
différents états de conservation. Deux pièces de notre
assemblage présentent d'importantes ébréchures : une
à l'extrémité distale NZA 153 et l'autre à
l'extrémité proximale, NZA 212. Deux pièces sont
cassées : NZA 153 à l'extrémité proximale et NZK 3
à l'extrémité distale et une seule pièce est
entière, NZA 29. Trois pièces de cet assemblage présentent
un émoussé des bords plus prononcés.
Les pièces du Groupe 4 présentent une patine
différente : une pièce a une patine jaunâtre (NZA 212).
Trois pièces ont une patine rougeâtre avec inclussions de petits
nodules ferreux dans la matière qui pourraient être des
concrétions post dépositionnels.
56
4.1.3. Données métriques
Le Groupe 4 est composé majoritairement de grandes
pièces. Une pièce seule fait moins de 10cm, il s'agit de NZA 212.
Cette dernière, qui est à la fois la moins large et la moins
épaisse est aussi la plus fine et allongée de son groupe. NZA 153
est la pièce dont la longueur, l'épaisseur et la largeur sont
supérieur au reste du groupe.
Si nous comparons ces résultats à l'ensemble des
pièces bifaciales des sites NZA et NZK comme nous l'avons fait avec les
trois premiers groupes, nous remarquerons que les pièces du Groupe 4
sont nettement moins fines que l'ensemble des sites NZA et NZK. L'indice
d'élongation du profil des pièces de ce groupe est de 3,58 tandis
que celui de NZA est de 3,88 et de 4,76 pour NZK. En ce qui est de l'indice
d'élongation de face, le groupe 4 est au-dessus avec un indice de 2,58,
alors que les indices de référence de NZA est de 2,14 et de NZK
est 1,49. Cet assemblage est donc globalement allongé mais robuste de
profil par rapport que l'ensemble des pièces bifaciales des deux
sites.
Tableau 7 Donnée métrique Groupe 4
Groupe 4
|
Longueur
|
Largeur
|
Epaisseur
|
Elongation
|
Elongation
|
(face)
|
(profil)
|
|
|
Max.
|
24,5
|
11
|
7,3
|
3,19
|
4,11
|
Min.
|
9,5
|
4,5
|
3,2
|
2,11
|
2,98
|
Moyenne
|
16,9
|
6,7
|
4,72
|
2,58
|
3,58
|
Données productionnelles 4.2.1. Les
supports
L'ensemble de nos pièces est façonné sur
éclat, trois pièces présentent une face
d'éclatement en face inférieure. Une pièce présente
une surface corticale à son extrémité proximale. La
pièce NZA 153 (Figure 38) témoigne d'une production de grand
éclat au point où nous sommes demandés s'il n'a pas servi
de nucléus pour débitage d'éclats (<10 cm). Sachant que
l'un n'empêche pas l'autre, cette pièce bifaciale demeure pour
nous une des plus différentes de toutes nos pièces
sélectionnées.
57
Figure 38 Schéma de la pièce NZA 153, grand
éclat.
4.2.2. Les séquences de façonnage
Les pièces du Groupe 4 sont façonnées en
deux générations d'enlèvements : une sur la face
supérieure et une sur la face inférieure. Les méthodes de
façonnage sont identiques à celles du Groupe 1, à savoir
un façonnage alternant par bord. Les deux pièces restantes sont
façonnées par un façonnage successif.
4.2.3. La retouche
Trois pièces du Groupe 4 n'ont pas été
retouchées. Car le façonnage a produit une
délinéation avec un fil sinueux large à laquelle une
retouche n'était peut-être pas nécessaire. Seule NZA 212
présente une retouche qui s'étend de l'extrémité
distale au bord latéral gauche. C'est une
retouche large et étendue dont les négatifs se
distinguent à ceux des enlèvements de façonnage par leur
plus petite taille.
Description des potentielles parties actives
Nous distinguons deux sous-groupes techno-fonctionnels. Le
premier sous-groupe (Groupe 4a) présente des extrémités
proximales rectilignes. Les bords latéraux sont sinueux larges sur un
bord et rectiligne sur l'autre. L'absence d'UTFt latérales et le
bombement dorsal en partie mésiale suggèrent que cette
dernière soit l'UTFp. Le deuxième sous-groupe (Groupe 4b) se
distingue par ses extrémités avec un aménagement proximal
dont les bords sont convergents.
58
Figure 39 Schémas techno-fonctionnels du Groupe 4
Les bords concavo-
convexe présentent une rupture de
délinéation obtenue avec un seule enlèvement au niveau du
bord latérale gauche d'un angle entre 800-950.
Ainsi nous avons déterminé comme UTFt1 l'extrémité
distale en rupture avec l'UTFt2 sur un bord latéral et l'UTFp au niveau
de l'extrémité proximale.
59
Exemple de fiche technique d'une pièce
Figure 40 Schéma diacritique NZA 29
60
5. GROUPE 5 : PIECES BIFACIALES A BORDS PARALLELES A
SECTION PLANO-
CONVEXE
Numéros des pièces : NZA : 27 & NZK :
51, 132
Figure 41 Pièces du Groupe 5. Photo M-J Angue.
Description générale de la morphologie des
pièces
Le groupe 5 est constitué de trois pièces. Ces
trois pièces présentent un plan de symétrie selon l'axe
transversal et deux plans d'asymétrie : un selon l'axe longitudinal et
un selon le plan d'équilibre bifacial. Cela est due à la
morphologie différenciée des bords latéraux : un bord est
à biseau simple tandis que le bord latéral opposé est
à biseau double. Afin d'orienter nos pièces, nous avons choisi
l'extrémité la plus volumineuse comme partie proximale. La face
la plus convexe est considérée comme face supérieure.
61
Figure 42 - Schéma de la structure du Groupe 4
5.1.1. Matières premières
Les pièces constituant notre assemblage sont toutes en
grès. Les deux pièces de NZK sont de couleur grise et sombre avec
des grains grossiers, une des pièces (NZK 132) a une texture plus
brillante que l'autre. Les stigmates de tailles étant bien lisibles et
sans plans de fracture, nous pouvons dire que ce grès était
adapté à la taille. L'unique pièce de NZA quant à
elle est un grès beige et gris avec des inclusions de couleur blanche,
cette pièce est brillante avec des grains très fin. Ce
grès semble lui aussi bien adapté à la taille.
5.1.2. Etat des surfaces
Les pièces du Groupe 5 sont toutes entières. NZA
132 et NZK 27 présentent une patine superficielle rougeâtre ; NZA
51 présente une altération qui tend vers le noir rappelant
plutôt une exposition à l'air libre avec circulation d'eau tandis
que NZA 27 présente des ébréchures de son
extrémité distale à son bord latéral gauche.
5.1.3. Données métriques
NZA 27 est la pièce de l'assemblage qui présente
toutes les mesures maximales et tous les indices minimaux. Cela fait d'elle la
pièce la plus robuste et la moins allongée de son groupe.
62
La pièce la plus fine et allongée est NZK 132
avec les indices d'élongation les plus élevés.
Globalement, au vu des moyennes des indices de cet assemblage, il en ressort
que ce dernier est moins allongé et robuste par rapport aux
pièces bifaciales des deux sites.
Tableau 8 Donnés métrique Groupe 5
Groupe 5
|
Longueur
|
Largeur
|
Epaisseur
|
Elongation
|
Elongation
|
(face)
|
(profil)
|
|
|
Max.
|
12,1
|
7
|
3,7
|
2,45
|
3,32
|
Min.
|
10,17
|
4,6
|
3,1
|
1,72
|
3,27
|
Moyenne
|
11,19
|
5,76
|
3,4
|
1,98
|
3,29
|
Données productionnelles 5.2.1. Les
supports
Les trois pièces du Groupe 5 sont
façonnées sur éclats. Les surfaces d'éclatements se
distinguent des surfaces qui ont subi des enlèvements
postérieurs. NZK 51 présente une surface naturelle en partie
mésiale de sa surface supérieure.
5.2.2. Les séquences de façonnage
Cet assemblage, aussi petit soit-il, ne présente pas
une homogénéité dans son intensité de
réduction. Le premier sous-groupe (N=1) présente une seule
génération d'enlèvements sur la face supérieure et
sur la face inférieure. Le deuxième (N=2) présente deux
générations d'enlèvements sur la face supérieure et
une génération sur la face inférieure.
Les deux pièces de NZK ayant les arrêtes
très émoussées, aucun stigmate n'est lisible pour nous
permettre de distinguer quelle face a été façonnée
en premier ou bien si elles ont été façonnées
alternativement. NZA27 quant à elle, est une pièce
façonnée bord/bord c'est-à-dire une face et une autre en
même temps. Les points d'impacts sont restés lisibles sur les deux
faces.
5.2.3. La retouche
Les pièces de ce groupe ne présentent pas de
retouche ou celles-ci ne sont plus lisibles. Seule la pièces NZA 27
présente des ébréchures comme nous l'avions
déjà indiqué plus haut.
63
Description des potentielles parties actives
Nos pièces présentent des
extrémités arrondies qui ne sont pas aménagées, des
bords latéraux rectilignes d'un côté et sinueux de l'autre.
Les faces inférieures ont fait l'objet de grands enlèvements
à la fois pour la moitié proximale plane et la moitié
distale plus convexe. Les bords latéraux où se trouvent la face
plane ont des angles compris entre 80° et 95° nous les avons
considérés comme les UTFt. Pour NZA 27 cet UTFt se prolonge sur
l'extrémité distale. Les bords latéraux où il y a
une convexité en face inférieure ont des angles compris entre
100° et 120°, ce sont les parties considérées comme
UTFp au vu de leur volume plus important. Cette UTFp a été
aménagée par un seul enlèvement d'un côté de
la pièce lui conférent cet épaississement.
Figure 43 UTF Groupe 5
Exemple de fiche technique d'une pièce
64
Figure 44 Schéma diacritique NZA 27
6. GROUPE 6 : PIECES TRIFACIALES A DOS A BORD BORDS
PARALLELES
Numéros des pièces : NZK : 57 &NZA :
192
Description générale de la morphologie des
pièces
Ce groupe est constitué par une pièce par site.
Ces deux pièces sont asymétriques selon l'axe transversal, l'axe
longitudinal et selon le plan d'équilibre bifacial. Ces pièces
présentent une face supérieure, une face inférieure et un
méplat latéral. La face supérieure est la face la plus
convexe et la partie proximale sera celle qui est également plus
convexe, faisant de la partie distale la plus fine.
6.1.1. Matières premières
Figure 45 Pièces du Groupe 6. Photos M-J
Angue.
65
Les pièces de cet assemblage sont de la même
matière première qui est le grès. NZA 192 est de couleur
gris clair sont mouchetés de grains blancs et la roche est grenue. NZK
57 présente des grains plus fins et de couleur beige, avec
présence de surface naturelle blanche au niveau de
l'extrémité proximale.
6.1.2. Etat des surfaces
Le Groupe 6 ne semble pas homogène dans son état
de conservation. En effet NZA 192 ne présente pas une forte
altération avec une patine jaunâtre sur la surface de la
pièce qui est légèrement émoussée mais
entière. NZK 57 présente une altération de la couleur
uniquement sur la face supérieure, celle-ci est rougeâtre. Elle
est aussi légèrement émoussée.
6.1.3. Données métriques
Le Groupe 6 est constitué de petites pièces
comparées aux groupes précédent, la plus grande fait
à peine 10cm (NZA 192). Cette dernière a les mesures les plus
élevées mais son indice de
66
67
profil indique qu'elle est la plus fine mais pas la plus
allongée. NZK 57, malgré ses mesures les plus petites, semble
être la plus allongé et la plus robuste.
Cet assemblage est donc considéré comme peu
allongée et robuste par rapport à l'ensemble des pièces
bifaciales de ces deux sites qui peuvent être très fines et
très allongées.
Tableau 9 Données métriques Groupe 6
Groupe 6
|
Longueur
|
Largeur
|
Epaisseur
|
Elongation
|
Elongation
|
(face)
|
(profil)
|
|
|
Max.
|
10,4
|
5,3
|
3,3
|
2
|
3,15
|
Min.
|
7,6
|
3,8
|
3
|
1,96
|
2,53
|
Moyenne
|
9
|
4,55
|
3,15
|
1,98
|
2,84
|
Données productionnelles 6.2.1. Les
supports
Les deux pièces de ce Groupe 6 sont
façonnées sur éclat. NZK 57 présente toujours une
face d'éclatement qui a marginalement été
façonnée. NZA 192 est toujours constitué de son bulbe sur
la face inférieure ainsi que des ondulations qui nous montrent
l'orientation de la pièce qui diffère de l'axe morphologique de
l'outil. En effet le bulbe du support éclat est localisé en
partie distale de l'outil.
6.2.2. La retouche
Les pièces de cet assemblage présentent une
retouche sur le bord latéral gauche. La retouche de NZA 192 est
très fine et rasante le long du fil, celle-ci n'est présente que
sur la face supérieure. NZK 57 présente une retouche bifaciale
pénétrante dont les négatifs se confondraient aux
enlèvements de façonnage.
6.2.3. Les séquences de façonnage
Cet assemblage présente un seul type d'intensité
de réduction, elle se fait en deux générations
d'enlèvement sur la face supérieure. NZA 192 est
façonnée par alternance sur deux surfaces contiguës, la
surface supérieure et le méplat latéral. Cependant, la
face inférieure e n'est pas façonnée NZK 57 qui a subi un
seul enlèvement distal en surface inférieure permettant d'amincir
cette partie de la pièce. Le groupe se distingue donc par des surfaces
inférieures très peu modifiée.
Description des potentielles parties actives
Figure 46 UTF Groupe 6
Les pièces de notre assemblage n'ont pas les même
UTFt. L'aménagement de la partie distale de NZK 57 la rendant plus fine,
démontre une volonté de créer une partie active. L'angle
de cet UTFt distale se situe entre 80° et 90° avant la rupture de
délinéation qui augmente cet angle
jusqu'à 125°.
L'extrémité
proximale étant aussi volumineuse que les deux bords latéraux
dont les angles varient entre 100° et 128° et à la vue du
manque de délinéation, nous avons considéré que
cette partie serait l'UTFp qui se prolongerait d'un bord à un autre en
passant par la partie proximale.
La pièce de NZA 192 présente une seule rupture
de délinéation entre l'extrémité distale non
aménagée et le bord latéral droit. Le bord gauche semble
se prolonger avec la partie distale sans aucune rupture avec celle-ci, ni
même avec la partie proximale aménagée pour garder le
même fil dont les angles se trouvent entre 80° et 98°. Ce
prolongement extrémité distale /bord latéral gauche est
l'UTFt. L'UTFp se localise au bord latéral droit prolongé
jusqu'à la base, cette dernière dont le volume se distingue de
l'UTFt possède des angles entre 100° et 120°.
68
V. INTERPRETATION ET DISCUSSION
1. SYNTHESE DE RESULTATS (TABLEAU 10)
1.1. La production
Au terme de notre étude, nous avons pu observer une
variabilité aussi bien dans la production, dans les morphologies que
dans les supports utilisés. Rappelons que les matières
premières identifiées (grès et quartzite) reflètent
l'environnement local et présentent une aptitude à la taille
similaire, suggérant un faible impact dans la variabilité
productionelle. Néanmoins, elles ont pu induire une variabilité
dans la production des supports (éclats, plaquette et bloc) avec une
dominance nette des supports-éclats (seulement une pièce est
façonnée sur bloc et deux sur plaquette). Le fait que la taille
bifaciale soit intervenue sur ce type de support démontre une
volonté de travailler des supports présentant des critères
volumétriques prédéfinis : de grands éclats
(>10cm) avec deux surfaces opposées, une surface lisse et une surface
bombée (la surface ventrale), ainsi que des bords tranchants.
Pour l'obtention de ces pièces à bords
parallèles, le façonnage est largement bifacial et
périphérique, et se fait à l'aide de deux à trois
générations d'enlèvements, bifaciales ou sur une face.
Cela suggère que les supports ont déjà une structure
volumétrique pré-définie qu'il suffit de façonner
par quelques enlèvements seulement, afin d'obtenir un outil aux
sections, convexités et symétries désirées.
La retouche que l'on observe au sein de certains groupes est
principalement latérale et distale (voire souvent latéro-distale
quand elle se prolonge sans rupture). Les bords latéraux sont ainsi
privilégiés pour la retouche et on y localise des UTFt, pouvant
conduire à des des affutages/réaffutages de ses parties actives.
En outre, quelques pièces du Groupe 1 présentent une retouche
périphérique.
Au final, il semble qu'il n'y ait pas de stratégie
d'aménagement par une retouche standardisée, suggérant
plutôt l'emploi de la retouche pour régulariser les bords.
69
1.2. Les données métriques
(Figure 47)
Les assemblages entiers de pièces
bifaciales à bords parallèles de N'Zako Kono et Ambilo nous
révèlent une variabilité assez importante. En effet, la
diversité de formes liées à la structure
volumétrique a déjà été mise en avant par la
distinction des six groupes morpho-structurels. Cette diversité
morpho-structurelle se dessine à travers l'agencement des
différentes surfaces, des sections et de leurs variations au fil de
l'axe longitudinal. Les données morphométriques quant à
elles, viennent témoigner de la variabilité existante au sein de
chacun des six groupes par des données chiffrées,
quantifiées.
Les indices d'élongation de profil et de face nous
montrent que le Groupe 1 contient les pièces les plus fine et
allongées de tout l'assemblage, le Groupe 6 serait le moins
allongé et le Groupe 5 le plus épais. Le Groupe 4 regroupe les
pièces plus épaisses et allongées.
Ces pièces aux structures différentes n'ont en
commun que leurs bords parallèles, leurs techniques de production et le
fait qu'elles viennent des mêmes sites. A part cela, nous pouvons dire
qu'il y a beaucoup de caractéristiques qui les éloignent les unes
des autres. Pourtant, elles sont toutes classées dans la typologie
du core-axe.
1.3. Les données
techno-fonctionnelles
L'analyse techno-fonctionnelle que nous avons appliquée
à ce matériel, nous renseigne les différentes UTFt et UTFp
possibles sur ces pièces (Tableau 10). Ces données nous
permettent d'identifier les potentiels objectifs techno-fonctionnels que
peuvent refléter ces outils dit core-axes. Les UTFt se
localisent sur les extrémités distales et proximales avec
aménagement de pointe qui suggère des outils perçants et
des tranchants distaux convexes. Des UTFt sont présentes sur les bords
latéraux avec des délinéations concaves, convexes,
concavo-convexes, rectilignes obtenues par le façonnage et une retouche
irrégulière. Ces différentes morphologies d'UTFt
suggèrent une diversité fonctionnelle au sein des
différents groupes de cet assemblage. En effet l'utilisation de ces
outils peut varier selon les besoins de l'utilisateurs.
Quant aux UTFp, on les retrouve également sur les bords
latéraux avec un façonnage permettant d'aménager une
structure volumétrique qui sera différente de l'autre bord. Leurs
localisations sont aussi mésiale, proximale et
proximo-latérale.
2. COMPARAISON INTRA ASSEMBLAGE... ... de la
production
Le grès est la matière dominante dans les
Groupes 2, 5 et 6 tandis que le quartzite domine dans le Groupe 1. Les Groupe 3
et 4 ont un nombre de pièces égales pour les deux
matières
70
premières. Les Groupes 1et 3 se démarquent quand
même avec deux pièces en plaquette et le groupe 2 est le seul au
sein duquel il y a une pièce taillée sur bloc.
Les groupes 1,2,4 et 5 présentent majoritairement un
façonnage bord /bord lorsque dans le Groupe 6 domine le façonnage
face/face. Le Groupe 4 est impartial les deux techniques de façonnages.
Le Groupe 5 est le seul où l'on retrouve une intensité de
réduction en une génération d'enlèvement sur les
deux faces. Tous les autres groupes sont façonnés avec une deux
générations d'enlèvements non homogènes, car des
fois en face supérieure il y a deux générations et en face
inférieure une seule. Le Groupe 2 présente une réduction
en deux et trois générations d'enlèvements
également non homogènes sur les deux faces. Les Groupes 1 et 3
présentent les pièces les plus retouchées de l'assemblage.
On retrouve plus ou moins de la retouche aussi dans le Groupe 4. Par contre les
Groupes 2, 5 et 6 ne présentent aucune retouche.
Les outils.
Malgré toutes les caractéristiques qu'ont en
commun ces pièces, au niveau fonctionnel, il en ressort une multitude
d'outils possibles. Comme nous l'avons déjà évoqué,
nous pensons que ces pièces auraient pu simplement être des
supports d'outils. La variabilité des Unités Techno-Fonctionnelle
au sein de chaque groupe se dessine aussi sur l'ensemble du corpus (Tableau
10).
En ce qui est des UTF communes, les Groupes 2 et 6
présentent une homogénéité des UTFt distales et
UTFp proximales. Ce sont les seuls à avoir ce couple d'UTF qui montre
que les pièces possèdent au final un seul outil pouvant
être emmanché ou préhensé. Les Groupes 3 et 4 qui
ont des sections plano-convexes sont les deux groupes possédant le
couple UTFt proximale et distale avec une UTFp mésiale. Ces groupes
quant à eux nous montrent des pièces avec deux outils, un en
partie distale et un autre en partie proximale. Ils nous suggèrent soit
un emmanchement mésiale, soit une préhension à cette
partie en alternant l'utilisation des outils par exemple. Les Groupes 1, 2 et 4
ont en commun des UTFp proximal.
Ceci dit il y a des particularités au sein de chaque
groupe tel que le Groupe 5 qui a des pièces avec des UTFt
latéro-distales et latérales combinées à des UTFp
proximo-latérale (le seul groupe à avoir cette UTFp) et
latérale. Les pièces de ce groupe ont un seul outil. Le Groupe 2
est le seul à posséder une UTFt proximo-distale. Le
façonnage ayant aminci l'un des bords latéraux se prolonge
à ses extrémités distales pouvant avoir des angles de
65° pour certaines pièces, cette partie active est opposée
à un autre bord qui le plus souvent a une concentration plus importante
du volume. Ces pièces possèdent des outils pouvant être
tenus à la main. A contrario le Groupe 1 nous montre une
diversité d'outils, c'est le seule Groupe à posséder
des
71
UTFt bilatérales et distales associées à
une UTFp proximale. Le terme de supports d'outils irait bien à ce groupe
dont les pièces pourraient être emmanchées en partie
mésiale ou proximale.
Plusieurs types d'outils suggèrent plusieurs fonctions,
sans des études de tracéologie, nous ne pouvons pas nous
aventurer à affirmer des fonctions pour ces outils. Nous pouvons
émettre des hypothèses nous basant sur le travail ayant
déjà été fait par certains chercheurs tels que
(Mcbrearty and Brooks, 2000; Rots and Van Peer, 2006; Taylor, 2016) mais aussi
nous basant sur notre corpus.
3. CONFRONTATION A LA LITTERATURE EXISTANTE.
Pour une révision de la typologie.
Au regard de toute cette diversité, il convient de
revenir aux questions qui ont motivé ce travail : qu'est-ce que le
core-axe ? Est-il prudent de continuer à appeler toutes ces
pièces bifaciales ayant des bords parallèle core-axe
alors que l'approche typologique est aujourd'hui souvent
considérée comme obsolète? Les core-axes sont-ils
un groupe homogène dans le temps et l'espace ? Les tout premiers
core-axes sangoens sont-ils les mêmes que l'on retrouve au
début de l'Holocène pour les sites tshitoliens ? toutes ces
interrogations nous poussent à penser qu'il serait peut-être tant
de re-définir ce qu'est le core-axe, ou encore faire une
typologie des core-axes en définissant au préalable les
caractères morphométriques, structureles et fonctionnels. Ainsi
nous pourront y voir un peu plus claire sur ces outils emblématiques du
Sangoen-Lupembien.
Nos données obtenues à partir des assemblages de
Nzako suggèrent que cette catégorie d'objets lithiques
présente une grande variabilité productionnelle, et
morphométrique et une importante diversité morpho-structurelle et
techno-fonctionnelle qui s'opposent à la vision homogène des
core-axes rendues par les typologies passées. Cela peut en partie
expliquer le manque de consensus dans les définitions du core-axe
exposées dans la partie II.
72
Tableau 10 Synthèse des données des
groupes
GROUPES
|
G 1
|
G 2
|
G 3
|
G 4
|
G 5
|
G 6
|
CATEGORIES
|
|
Matières premières
Et
Supports
|
Grès
|
+
|
++
|
+
|
+
|
++
|
++
|
Quartzite
|
++
|
+
|
+
|
+
|
-
|
-
|
Eclat
|
++
|
++
|
++
|
++
|
++
|
++
|
Bloc
|
-
|
+
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Plaquette
|
+
|
-
|
+
|
-
|
-
|
-
|
Façonnage et retouche
|
Bord/bord
|
++
|
++
|
+
|
++
|
++
|
-
|
Face/face
|
+
|
-
|
+
|
+
|
-
|
++
|
1 Génération
|
-
|
-
|
-
|
-
|
+
|
-
|
2 Générations
|
++
|
+
|
++
|
++
|
++
|
++
|
3 Générations
|
+
|
+
|
+
|
-
|
+
|
-
|
Retouche
|
++
|
-
|
++
|
+/-
|
-
|
-
|
Unités Techno
Fonctionnelles
|
UTFt latérale
|
-
|
-
|
-
|
-
|
++
|
-
|
UTFt bilatérale
|
++
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
UTFt Proximal
|
-
|
-
|
++
|
++
|
-
|
-
|
UTFt distale
|
++
|
+
|
++
|
++
|
-
|
++
|
UTFt proximo-distale
|
-
|
++
|
-
|
-
|
-
|
-
|
UTFt latéro-distale
|
-
|
-
|
-
|
-
|
++
|
-
|
UTFp latérale
|
-
|
+
|
-
|
-
|
++
|
-
|
UTFp Proximale
|
++
|
++
|
-
|
+
|
-
|
++
|
UTFp Proximo-latérale
|
-
|
-
|
-
|
-
|
++
|
-
|
UTFp Mésiale
|
-
|
-
|
++
|
++
|
-
|
-
|
73
Figure 47 Variabilité morphométrique du corpus
Nzako.
74
La question de l'industrie forestière et de
l'emmanchement
Depuis près d'un siècle, les pièces
bifaciales du Bassin du Congo, et notamment les core-axes ont
été attribuées à une spécialisation
régionale de l'outillage au couvert forestier ; c'est l'hypothèse
d'une « industrie forestière », d'un Middle Stone Age
régional dit « faciès forestier » (Clark, Cormack, and
Chin 2001; Taylor 2016; Mortelmans 1957; Breuil n.d.). Cela est dû
à la concentration des pièces dites core-axes dans le
bassin du Congo, où l'on retrouve la grande forêt
équatoriale - qui d'ailleurs laissait sceptique quant au fait d'y
trouver des sites archéologiques à cause de la densité de
son couvert végétal. Cela peut également se comprendre par
l'importance des parallélismes établies entre les outils des
populations sub-actuelles et actuelles et préhistoriques de la
région d'étude. Néanmoins, notre étude
techno-fonctionnelle qui nous révèle plusieurs type d'UTFt nous
rappelle que plusieurs fonctions sont potentiellement associées à
ces outils. En effet, il est possible qu'ils aient servi pour le travail du
bois comme le suggèrent Barham 2001; Clark 1963; Clark and Brown 2001
mais ils auraient tout aussi bien servi pour découper de la viande ou
des végétaux, pour creuser le sol, ou creuser les mines pour
extraction de matière première comme le suggère Rots and
Van Peer 2006 pour les core-axes de Sai Island.
Figure 48 : Exemples d'utilisation d'une herminette par
les populations chasseurs-cueilleurs de République Centrafricaine
(Bahuchet, 1989)
La herminette qui est un outils que l'on compare souvent
aux core-axes (MATOUMBA, 2013) comme à celle de Mumyeme
(Pétrequin and Pétrequin 1990) suggèrent des outils de
type core-axe qui sont emmanchés.
Des populations actuelles de
chasseurs-cueilleurs d'Afrique centrale utilisent aussi un outil
qui s'apparente souvent au core-
75
axe pour son profil symétrique. Ces haches
sont mise en action par leur manche coudé et servent pour plusieurs
fonctions (Bahuchet, 1989.)
Cette question nous semblent importante dans le contexte
actuel du débat à savoir : quel rôle joue l'Afrique
centrale dans le développement de comportement moderne des Homo
sapiens ? L'emmanchement avait déjà été
suggéré à Kalambo Falls (Barham and Smart, 1996; Taylor,
2016) et a Sai Island (Rots and Van Peer, 2006). Qui sont les outils
emmanchés omniprésents en Afrique centrale dans les
activités que ce soit, agricoles ou de prédation pour
l'acquisition des ressources sauvages ou encore les activités
artisanales comme la sculpture ? Nous pensons qu'en effet ces pièces
bifaciales à bords parallèles auraient pu être
emmanchées tels que l'on proposé certains auteurs.
Nos pièces présentent une seule partie
préhensive qui est toujours associée à une ou à
plusieurs parties actives. Aussi la récurrence d'un méplat
proximal au sein du Groupe 1 interroge davantage cet emmanchement. A partir de
l'étude des différentes Unités Techno-Fonctionnelles de
notre assemblage nous avons combiné des couples d'UTFt et UTFp qui nous
permette de proposer des possibilités d'emmanchement de ces
pièces bifaciales à bords parallèles.
Nous avons cinq cas qui se présentent à nous. le
cas 1 concerne des outils avec des UTFt proximo-distales dont l'emmanchement
pourrait être mésiale avec différentes positions du manche.
Le cas 2 dont l'UTFp est latérale s'associe à des UTFt
latérales et latéro-distales , ici l'outil peut être
emmanché ou tenu à la main. Les cas 3 et 4 intègrent des
outils avec des UTFt bilatérales et distales, ceux-ci peuvent
potentiellement avoir le même type d'emmanchement au regard de leurs UTFp
proximale et proximo-mésiale. Tout cela suggère une multitude
d'outils possibles...
76
Figure 49 Suggestion d'emmanchement
77
78
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Utiliser une approche qualitative, à la fois sur les
modes productionnels et les dynamiques techno-fonctionnels, pour l'étude
des pièces bifaciales à bords parallèles des sites de
Nzako Kono et Nazako Ambilo, a permis de s'affranchir des problèmes
liés au contexte chronologique auxquelles font face les sites du Middle
Stone Age d'Afrique centrale.
A partir d'un regroupement initialement morphologique, nous
avons pu mettre en évidence une certaine variabilité
morpho-structurelle mais aussi et surtout techno-fonctionnelle de ces
assemblages. Cette double approche (production et techno-fonctionnel) que nous
avons appliquée a notamment permis de distinguer et d'individualiser les
potentielles fonctions de ces pièces, marqueurs techniques durant le
Sangoen et Lupembien d'Afrique centrale. Il en ressort que ces outils bifaciaux
présentent des caractères mixtes de parties actives (outil),
visibles à la fois au sein de l'assemblage (plusieurs groupes
techno-structurels) et au niveau même d'un individu (outils mixtes). Ces
pièces qui présentent plusieurs zones actives nous laissent ainsi
penser que le core-axe, groupe d'outils bifaciaux dont la définition
(multiple et controversée) peut recouvrir les caractéristiques
morphologiques de nos pièces, peut à la fois définir un
outil et un support d'outils. Ainsi, les multiples parties actives de notre
corpus laissent penser à une variabilité et multitude de
fonctions. Certes, comme déjà proposé dans la
littérature le travail du bois pouvait la principale utilisation pour
les populations MSA du bassin du Congo, mais d'autres taches pouvaient aussi
être exécutée par ces outils. Bien que n'ayant pu faire une
analyse tracéologique sur ce matériel, nous pensons que ces
outils avant un potentiel d'emmanchement selon les propositions que nous avons
faites. Il est clair que ce ne sont que des propositions de possibilités
que nous avons observées.
Dans cette optique, nous pensons qu'il serait judicieux de ne
pas considérer toutes ces pièces comme un seul type d'outils. En
effet, au vu de la diversité visible au sein de notre assemblage montre
à quel point ces pièces bifaciales à bords
parallèles peuvent être différente les unes des autres au
sein d'un même assemblage, nous pensons que ces différences
pourraient être plus prononcé entre différents sites et
selon les régions. A contrario, les core-axes, outils majeurs des
faciès MSA du Lupembien et Sangoen, restent paradoxalement
(relativement) mal définis.
79
Une étude élargie à d'autres sites
présentant des niveaux de ces faciès en utilisant la même
approche, combinée à des analyses tracéologiques, pourrait
ainsi permettre de poser les bases d'une redéfinition à la fois
en terme productionnel que fonctionnel. Considérant la
variabilité intra et inter-sites de ces pièces bifaciales, il
paraît aussi important de pouvoir proposer, à l'avenir, une
techno-typologie des core-axes. Cela permettrait de distinguer les
pièces qui rentrent dans la variabilité technique des core-axes
ou sera défini comme core-axes et les outils qui, définitivement
ne peuvent être considérés comme appartenant à ce
groupe. Nous pensons donc qu'une étude plus approfondie et par
région d'Afrique centrale, est et ouest) pourra fournir une
documentation assez solide en vue d'aider à comprendre la place de ces
pièces bifaciales à bords parallèles au sein du MSA du
continent africain, et plus spécifiquement, de sa partie centrale.
80
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