L'aide publique au developpement dans la lutte contre l'extreme pauvrete au Cameroun : cas du contrat de desendettement et de developpementpar Samuel Bileou Christian Wandji Institut des Relations Internationales du Cameroun - Mater 2 en Relations Internationales option communication et Action Publique Internationale 2022 |
A. Approche théoriquecette approchetire son origine de l'Angleterre victorienne où des seuils étaient fixés dans les collèges anglais pour décider à quels étudiants on devait accorder une bourse d'étudeet par la suite, elle a été suggérée par les économistes néoclassiques112(*)comme étant le meilleur critère d'évaluation du bien-être ou de la pauvreté. C'est d'ailleurs à partir deCecil Pigou (1920) que l'on doit le premier la formulation de l'existence d'un lien possible entre le revenu et le bien-être. Il défendra l'idée selon laquelle le revenu peut être utilisé comme instrument permettant de se rapprocher au mieux de la connaissance que nous avons du bien-être. Cette approche basée sur le bien-être113(*) suggère que la seule information pertinente pour évaluer le bien-être est celle fournie par l'ensemble des fonctions d'utilité individuelle. Cette approche considère alors le revenu ou les dépenses de consommation comme les mesures indiquées pour déterminer le bien-être des individus faisant de cette conception une méthode unidimensionnelle de la pauvreté. De cette distinction des critères retenus pour évaluer le niveau de pauvreté, il ressort que le critère liés au revenu semble le plus adéquat aux pays développés et celui lié aux dépenses de consommation sied le mieux aux pays en voie de développement114(*). Plus pratiquement, la méthode à la base de l'approche monétaire de la pauvreté est une méthode comptable qui consiste à établir un seuil monétaire en deca duquel l'individu est considéré comme pauvre, faisant ainsi un distinguo objectif entre deux types d'individus les pauvres et les non pauvres. Depuis les années 80, la mesure de la pauvreté sur la base monétaire a été celle privilégiée par les instances internationalesnotamment la Banque Mondiale qui voit en elle la meilleure approche afin de déterminer le bien-être des individus. B. Mesure de la pauvreté monétaireLe principal indicateur de mesure de la pauvreté selon l'approche monétaire est le seuil de pauvreté. C'est le niveau à partir duquel on peut considérer une personne comme pauvre. La détermination de ce seuil fait appel à des techniques particulières comme la réalisation d'enquêtes sur le revenu ou sur la consommation des ménages (les enquêtes budget-consommation), la détermination d'un panier de biens de référence, le calcul des parts de consommation pour chaque catégorie de personnes (on établit ainsi une échelle d'équivalence octroyant des pondérations différentes aux enfants et adultes pour tenir compte des économies d'échelle au sein d'un même ménage), etc.115(*) Différents seuils peuvent être envisagés selon la forme de pauvreté que l'on souhaite mesurer. Le seuil de pauvreté extrême correspond à la valeur du panier de biens alimentaires qui fournit le nombre minimum de calories nécessaires à la survie d'un individu ou d'un ménage. Ceci confère un certain caractère objectif à ce seuil qui permet de délimiter les situations d'indigence. Le seuil de pauvreté absolue étend ce seuil extrême, il se calcule en fonction du coût du minimum calorique, les dépenses liées aux besoins essentiels non alimentaires comme le logement, le transport et l'habillement. Ce seuil de pauvreté absolue est calculé dans la plupart des pays du monde et, notamment, dans les pays en situation d'insécurité alimentaire. Face à ce seuil de pauvreté absolue, on oppose un seuil de pauvreté relative qui est fixé non pas sur une norme de consommation, notamment alimentaire, mais en fonction de la distribution du niveau de vie au sein d'une société donnée. Le seuil retrace alors le niveau de vie minimum qui est socialement toléré par cette société. Ainsi, au sein de l'Union Européenne, le seuil de « pauvreté relative » est fixé à 60 % du revenu équivalent médian de chacun des pays membres de l'Union116(*). Ce taux de 60% est en général repris par les pays en voie de développement à l'instar du Cameroun.117(*) La conception absolue de la pauvreté permet une approche plus objective de la pauvreté et des études statistiques plus précises pour identifier les populations les plus démunies. Elle se base sur des besoins fondamentaux parfaitement déterminés. De son côté, la pauvreté relative exprime l'idée que la pauvreté est fonction de l'environnement dans lequel l'individu vit. Le pauvre est alors celui qui n'a pas les ressources pour vivre selon le mode de vie reconnu comme décent par la société à laquelle il appartient. Cependant, la fixation du seuil relatif est arbitraire et est souvent fonction des préoccupations politiques du moment dans le pays considéré, si bien qu'elle rend difficile les comparaisons internationales. En période de croissance, on tend à préférer le seuil de pauvreté relatif qui intègre toute variation dans la répartition des revenus. Par contre, en période de crise, ou à l'issue d'un choc exogène entraînant perte d'emplois, baisse de revenu voire même famine, on préfère s'en tenir au seuil de pauvreté absolue. Enfin, face à ces seuils de pauvreté mesurés objectivement (dans les cas extrême et absolu) ou bien fixés arbitrairement (dans le cas relatif), on oppose le seuil de pauvreté subjective qui considère la perception subjective qu'ont les individus de leur propre situation au sein de la société. Ce seuil se détermine par un consensus social à l'issue d'une enquête qualitative effectuée auprès des membres de la société considérée. Dans les faits, de fortes disparités peuvent apparaître entre le niveau de pauvreté évalué de manière objective et celui qui est ressenti par les individus. Des disparités qui s'expliquent par deux phénomènes. D'une part, la perception n'est pas la même selon qu'on est en période de croissance ou en période de crise. D'autre part, le niveau d'inégalité qui parcourt la société influe sur la perception de sa propre pauvreté, la pauvreté subjective s'accroissant relativement à l'augmentation des inégalités. Sur la base de ces seuils, on élabore une série d'indicateurs de pauvreté FGT118(*)représentée par la formule suivante : · n désigne le nombre total de personnes de la population ; · Z est le seuil de pauvreté monétaire ; · Yi la consommation annuelle (par équivalent adulte) de l'individu numéro i de la population; · 1 est la fonction indicatrice qui vaut 1 si la condition indiquée dans la parenthèse est remplie (autrement dit si l'individu vit avec un niveau de consommation au-dessous du seuil depauvreté) et 0 sinon. Par cette formule, il en découle trois indicateurs que l'on peut déterminer en fonction de la valeur de Pá : - pour P(á=0)119(*), il s'agira de l'incidence de la pauvreté - pour P(á=1)120(*), il s'agira de la profondeur de la pauvreté - pour P(á=2)121(*), il s'agira de la sévérité de la pauvreté Si certains indicateurs sont d'ordre monétaire, ceux qui ne sont pas monétaires peuvent être soit ciblés sur certains manques, soit obtenus de manière synthétique en pondérant plusieurs dimensions. En s'appuyant sur ces indicateurs, on peut avoir une idée des montants qu'il conviendrait de dépenser pour permettre aux pauvres de se hisser au niveau du seuil de pauvreté. En suivant l'évolution de ces indicateurs dans le temps, on peut déterminer les probabilités d'entrer dans la pauvreté ou d'en sortir, voire d'y retomber. Ce qui permet de distinguer la pauvreté transitoire de la pauvreté chronique, à laquelle sont confrontées certaines catégories de personnes, qui se trouvent enfermées dans des trappes à pauvreté dont elles peuvent difficilement sortir sans que des formes d'intervention appropriées soient mises en oeuvre. * 112Ringen, S. (1988). «Direct and indirect measures of poverty», Journal of Social Policy, 17, p. 351-66. * 113Alessio FUSCO, 2005 :21 * 114Selon Lachaud [2001 :1], « L'approche de l'utilité stipule qu'il existe des fondements théoriques suffisants pour considérer que les dépenses des ménages sont une bonne approximation du bien-être pour l'analyse de la pauvreté, l'utilité n'étant jamais observable directement ». * 115 J-L DUBOIS<<la pauvreté : une approche socio-économique>>,Paris, Revue Transversalités,2009.p 35-37 * 116 D'après l'Insee www.insee.fr/pauvreté-monétaire/seuil-de-rentabilité (consulté le 05/11/2021 à 13h16) * 117 Confère INS * 118Les indices F.G.T permettent de décomposer la pauvreté monétaire en incidence (proportion), intensité (profondeur) et inégalité (sévérité) de la pauvreté voir Foster, Greer et Thorbecke, », Econometrica, tome 3 n°52, 1984, pp 761-766 * 119P(á=0) désigne la proportion des individus en dessous du seuil de pauvreté. * 120P(á=1) désigne intensité de la pauvreté que les pauvres subissent. * 121P(á=2) désigne le niveau de privation dont les ménages pauvres subissent. Il désigne l'écart moyen pour chaque attribut et facteurs de l'indice micro-multidimensionnel par rapport aux seuils retenus. |
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