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Le multilinguisme et l'expression de la philosophie de khudi dans la pensée d'iqbal


par Hibah Shabkhez
University of the Punjab - Master of Arts 2002
  

Disponible en mode multipage

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LE MULTILINGUISME ET
L'EXPRESSION DE LA PHILOSOPHIE DE KHUDI
DANS LA PENSÉE D'IQBAL

Mémoire de Maitrise

(2012 - 2014)

Directrice de recherche Chercheuse

Dr Saléha Nazeer Hibah Shabkhez

Département de français
Université du Panjab
Lahore, Pakistan

Hibah Shabkhez 2

ãöoú ãö

Ñøóá öã ã?oöÑøóá ã áá ãöoúãö

Au Nom d'Allah

Le Très Clément

Le Très Miséricordieux

Hibah Shabkhez 3

ÞÆá ÿ ÊÇÊáÇ ·íÀä Êæã æ ÊÇíÍ

ÏæÕÞã Ç ÀÇêä í íÏæÎ ÿÀ íÏæÎ ØÞ1

La vie et la mort ne sont pas dignes de l'attention Seule la Khudi est l'objectif du regard de la Khudi

1 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 582

Hibah Shabkhez 4

Dédicace

À mes chers parents

Hibah Shabkhez 5

REMERCIEMENTS

Je tiens d'abord à remercier Dieu pour m'avoir aidé et guidé à chaque pas dans ce travail de recherche.

Ensuite, j'aimerais remercier ma directrice de recherche, Mme. Saléha Nazeer, sans l'aide de qui cette recherche n'aurait pas été possible. J'apprécie surtout sa générosité en me permettant de consulter sa propre traduction inédite de Armaghân-e Hijâz (Le cadeau du Hijaz) ainsi que sa thèse de doctorat La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative2, qui était un support clé pour la rédaction de ce mémoire.

Je dois beaucoup à Iqbal Academy, dont je remercie du fond de coeur le directeur M. Suheyl Umar, M. Tahir Hameed Tanoli, le bibliothécaire M. Safdar Ali, et le personnel du bureau et de la bibliothèque, surtout le gentilhomme chargée de la photocopieuse.

Merci à mes parents, mes frères, et ma petite soeur, pour leur soutien et leur confiance en moi.

Et enfin, à mes professeurs - à tous qui m'ont enseigné, dès la maternelle, mais surtout à mes professeurs à l'alliance française de Lahore et ici au département de français - un grand merci pour leurs conseils précieux et leur patience.

2 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011. (Une courte introduction à cette thèse est disponible sur http://www.theses.fr/2011PA030027)

Hibah Shabkhez 6

TABLE DES MATIÈRES

Sommaire

9

Avant-propos

11

0. Introduction générale

.13

0.1 L'aperçu du projet

.14

0.2 La proposition et la justification

. ...17

0.3 Les objectifs

19

0.4 La documentation et l'aperçu littéraire

20

0.5 La méthodologie

23

1. Iqbal : poète et philosophe multilingue

30

1.1 Iqbal - vie et vision

.31

1.2 Les thèmes principaux de l'oeuvre d'Iqbal

...36

1.3 Les livres d'Iqbal

41

1.4 L'image globale d'Iqbal

..47

2. Khudi - La philosophie du Soi

..50

2.1 Le besoin d'aborder l'expression d'Iqbal avec sa philosophie de Khudi

51

2.2 L'origine et le choix du mot « Khudi »

53

2.3 Le concept de Khudi

55

2.4 La Formation de Khudi

58

2.5 Les éléments favorables et les éléments préjudiciaux à l'essor de la Khudi

62

2.6 Le destin élevé de l'homme qui réalise sa Khudi

68

3. Multilinguisme : phénomène et domaine de recherche

70

3.1 Le multilinguisme et l'individu multilingue

71

3.2 Les approches différentes au multilinguisme

73

3.3 Les avantages et les inconvénients du multilinguisme

75

3.4 Les paramètres de la catégorisation des langues

.78

3.5 La langue maternelle, la langue seconde et la langue étrangère

80

3.6 Le multilinguisme et l'identité

81

4. Expression de Khudi à partir des sources multilingues

..83

4.1. Les sources multilingues d'Iqbal

...84

4.2. Les traditions multilingues religieuses, littéraires et philosophiques

...86

4.3. La tradition religieuse islamique

...90

4.4. La poésie et la philosophie orientale

.93

4.4.1 Le mysticisme ou tassawuf (notamment la tradition Soufi)

95

4.4.2 La poésie en ourdou, en arabe et en persan

.98

4.5 La poésie et la philosophie occidentale

.102

4.6 La méthode d'utilisation de sources chez Iqbal

.106

5. Expression multilingue de Khudi dans la pensée d'Iqbal

114

5.1 Le contexte multilingue d'Iqbal

115

5.2 Les langues d'expression d'Iqbal

117

5.2.1 Le punjabi

119

5.2.2 L'ourdou

121

5.2.3 Le persan

123

5.2.4 L'arabe

125

5.2.5 L'anglais

127

5.2.6 L'allemand

130

5.3 L'expression consciemment multilingue d'Iqbal

132

5.4 L'expression multilingue des dimensions de Khudi

137

5.4.1 Khudi et l'affirmation du soi

138

5.4.2 Khudi et Islam

140

5.4.3 Khudi et la relation entre homme et Dieu

142

5.4.4 Khudi et la vie

145

5.4.5 Khudi et la vice-régence de Dieu sur terre

147

5.4.6 Khudi et l'immortalité personnelle

149

5.4.7 Khudi et l'amour et le savoir

152

5.4.8 Khudi et le destin

....155

 

5.4 9 Khudi et l'action

159

5.4.10 Khudi et l'art

161

5.4.11 Khudi et la liberté

163

5.4.12 Khudi et la vérité

.166

5.4.13 Khudi et la vertu

.....168

5.4.14 Khudi et la nature

170

5.4.15 Khudi et la nation

172

Conclusion Générale 175

Hibah Shabkhez 7

Bibliographie 178

Hibah Shabkhez 8

SOMMAIRE

1. Iqbal : poète et philosophe multilingue

Cette partie aborde la vie et la vision d'Iqbal en focalisant sa formation multilingue et ses activités professionnelles et littéraires multiculturelles. Nous présentons une courte introduction à son oeuvre (la langue utilisée, le genre, le style) et aux thèmes principaux qui préoccupaient sa pensée, ainsi qu'à son image au niveau international en tant que poète et philosophe multilingue.

2. Khudi - La philosophie du Soi

Cette partie explore le besoin d'aborder l'expression d'Iqbal avec sa philosophie de Khudi, l'origine du mot Khudi et les motivations d'Iqbal pour l'avoir choisi. Le concept de Khudi, les étapes que propose Iqbal pour son exécution, et les éléments favorables ou préjudiciaux à son développement se font discuter ensuite, et le chapitre termine avec une représentation du destin élevé que discerne Iqbal à l'homme qui parvient à réaliser sa Khudi.

3. Multilinguisme : phénomène et domaine de recherche

Cette partie présente le phénomène du multilinguisme et les différentes approches académiques à son égard, en abordant ses avantages et inconvénients de la perspective de l'individu multilingue. On discute donc les différentes façons d'apercevoir le multilinguisme et les modalités de classement des langues que parle un individu (par exemple : langue maternelle, langue étrangère, langue seconde). D'ailleurs, nous découvrent la relation complexe et délicate entre le multilinguisme et l'identité, en focalisent l'identité multilingue d'Iqbal comme poète et comme philosophe.

4. Expression de Khudi à partir des sources multilingues

Cette partie exploite comment Iqbal utilise-t-il les « sources » multilingues diverses pour développer et illustrer ses idées dans son oeuvre en prose et en poésie. On discute les correspondances avec des traditions multilingues religieuses, littéraires et philosophiques (la tradition religieuse coranique, la tradition orientale islamique et la tradition occidentale), aussi que les différentes manières dans lesquelles il a employé ces emprunts aux niveaux stylistiques et thématiques.

Hibah Shabkhez 9

5. Expression multilingue de Khudi dans la pensée d'Iqbal

Cette partie étudie l'expression multilingue de Khudi dans la pensée d'Iqbal d'une perspective multilingue. Nous commençons avec une analyse du contexte multilingue d'Iqbal et des relations qu'entretenait Iqbal avec chaque langue qu'il connaissait et utilisait, et nous postulons ensuite qu'il a adopté une expression consciemment multilingue pour mieux transmettre son message à un lectorat plus grand. L'expression en différentes langues dans l'oeuvre d'Iqbal des dimensions de la philosophie de Khudi et des idées y associées est traitée ensuite à travers l'analyse des extraits choisis.

Hibah Shabkhez 10

AVANT-PROPOS

La poésie et la philosophie de Muhammad Iqbal (penseur du sous-continent indien au XXe siècle), malgré l'intérêt internationale qu'elles ont suscitée dès leur publication, restent quasiment inconnues dans le monde littéraire francophone. Ce projet de recherche vise à faire introduire la pensée et l'oeuvre d'Iqbal, sur le plan stylistique et thématique, à la communauté académique française et francophone. Nous partageons à cet égard la vision de l'orientaliste français Louis Massignon:

C'est peut-être par un oeuvre philosophique comme celui-ci ... que le public français prendra conscience des possibilités croissantes qui s'offrent, dans l'Islam contemporain, à l'observateur européen: d'y voir naître des penseurs originaux dignes d'être mis en comparaison, à égalité, avec les nôtres.3

Dans le cadre stylistique, nous comptons exploiter le multilinguisme riche et divers qui approfondit la pensée et l'expression d'Iqbal. Dans le cadre thématique, c'est sa philosophie de Khudi que nous allons focaliser, puisqu'il serait impossible d'aborder l'oeuvre d'Iqbal sans comprendre sa philosophie de Khudi, le noyau dur de sa pensée. Ainsi nos explorations multilingues et philosophiques de la pensée et l'expression d'Iqbal sont intimement liées.

Outre, en tant qu'étudiante de toutes les langues qu'Iqbal a utilisées, la chercheuse avoue un intérêt très personnel dans ce sujet. Étudier les nuances de l'expression d'un poète aussi doué la fascine, et tracer les fines correspondances multilingues pour établir les liens délicats entre sa pensée et celle des autres penseurs venus des origines linguistiques diverses lui semble un travail de recherche tout-à-fait passionnant.

L'entièreté de l'oeuvre d'Iqbal n'est pas encore disponible en français, et l'auteur a osé traduire elle-même les citations pour lesquelles elle n'a pas trouvée une traduction française. Les citations des oeuvres d'Iqbal en anglais et en ourdou sont traduites directement des langues sources, que la rédactrice de ce mémoire parle couramment. Afin de parvenir à étudier la poésie persane d'Iqbal, elle a suivi des cours de langue persane au centre culturel iranien pendant 9 mois, selon les consignes de la directrice de cette recherche, Mme. Saléha Nazeer. D'ailleurs, les citations du persan sont traduites avec l'appui d'une traduction ourdoue reconnue comme authentique. Les sources des autres traductions sont mentionnées en notes de bas de page.

3 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par Eva Meyerovitch, (avec une préface de Louis Massignon) Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 1.

Hibah Shabkhez 11

Enfin, cet ouvrage ne se prétend qu'une introduction, un aperçu limité d'un aspect de l'oeuvre vaste d'Iqbal. Cette recherche ne se promet donc ni exhaustive ni infaillible; elle tente seulement de mener le lecteur à la croisée d'où prend naissance l'expression philosophique multilingue d'Iqbal.

0. INTRODUCTION

GÉNÉRALE

Hibah Shabkhez 14

0.1 L

'aperçu du projet

Cette recherche propose à étudier l'impact du multilinguisme sur l'expression d'un poète et philosophe du sous-continent indien au XXème siècle, Muhammad Iqbal, en focalisant sa philosophie de Khudi.

Le multilinguisme et la coexistence entre plusieurs langues au sein d'une communauté et dans l'expression individuelle est un phénomène ancien qui conserve autant d'importance aujourd'hui. Selon les meilleures estimations disponibles1, il existe 7000 langues actuellement parlées ou du moins comprises dans le monde, avec seulement quelque 200 états souverains. Ainsi, le nombre de sociétés caractérisées par la diversité linguistique et, par conséquent, le nombre de citoyens multilingues, est forcement assez élevé. Ce qui fait du multilinguisme un sujet soigneusement recherché aux plusieurs plans : entre autres, psychologiques, sociologiques et didactiques.

Muhammad Iqbal (1877- 1938) est un poète et un philosophe musulman du sous-continent indien, qui exerçait à son époque, et continue encore à exercer à travers son oeuvre une influence sociale, culturelle et politique importante. Sa poésie en ourdou et en persan, écrite avec la finesse and le génie d'un poète doué, est investie d'ailleurs d'une philosophie exaltante de la vie, celle de la Khudi. La poésie d'Iqbal est devenue aussi célèbre parmi les savants et les érudits qu'avec le public général, qui la lit et la récite avec enthousiasme. Sa prose, qui élabore encore le destin glorieux de l'homme, est éloquente et bien étayée d'exemples, d'allusions et de citations venant de sources diverses, et fournit le complément réfléchi et académique à l'appel passionné de sa poésie.

Les oeuvres d'Iqbal en ourdou, en persan, en anglais et en allemand ont été publiées, traduites et critiquées par des générations d'académiciens prestigieux liés aux « études iqbaliennes » ; Iqbal est devenue en soi un domaine de recherche. Au Pakistan, en Iran, en Inde et en Allemagne, il jouit d'un statut spécial. L'université allemande d'Heidelberg a même créé une « Chaire d'Iqbal » qui produit chaque année les travaux de recherche de valeur ; et au Pakistan, l'académie d'Iqbal (Iqbal Academy) est dédiée à son bon souvenir. L'institution a une bibliothèque de plusieurs mille livres sur les études iqbaliennes, et publie une Iqbal Revue trois fois par an, qui se compose d'articles académiques écrits par les experts des

1 Le Plan Marnix « Pourquoi devenir multilingue? Le Plan Marnix Pour Un Bruxelles Multilingue. » de www.marnixplan.org. Date d'accès: 19-04-2014.

URL : http://www.marnixplan.org/POURQUOI-devenir-multilingue?lang=fr .

Hibah Shabkhez 15

études iqbaliennes. De plus, on rédige chaque année en plusieurs langues des mémoires de Master et des thèses de doctorat sur Iqbal aux universités telles que l'Université du Panjab à Lahore et l'Université Nationale de Langues modernes à Islamabad. Les chercheurs et les critiques partout dans le monde, y compris plusieurs penseurs européens et américains comme Annemarie Schimmel et Sheila McDonough, ont dédié leurs efforts aux études iqbaliennes.

Donc Iqbal reste un personnage aussi pertinent à toute discussion de problèmes socioculturels ou de la philosophie de la vie qu'il n'était au début du 20ème siècle. L'influence politique et culturelle de la pensée d'Iqbal sur l'Orient, et surtout sur l'Inde musulmane pendant l'agitation de la décolonisation, suffirait pour donner une grande importance à l'étude de son oeuvre dans toute tentative d'établir un dialogue interculturel et une relation sociopolitique. Un homme savant par les critères d'érudition de l'Orient aussi bien que par celles de l'Occident, ayant étudié les champs aussi variés que la loi et la finance, Iqbal était un penseur avec une expérience diversifiée et profonde du monde.

Cependant, la contribution d'Iqbal à la matière de philosophie va bien au-delà: Iqbal était un des philosophes rares qui ont essayé de synthétiser les éléments des deux civilisations et de présenter un pont d'idées accessibles. Ancrant sa philosophie dans l'Islam, il a bénéficié des deux traditions philosophiques, des sources aussi variées que Roumi et Goethe, Nietzsche et Ghazali. À l'homme victime de la crise spirituelle du XXème siècle, il présente la Khudi comme un remède, un moyen de s'en tirer:

???

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Ne te désespère pas, et plonge-toi dans ta « Khudi » ...
Tu demeureras unique au monde,

Si l'Unicité de Dieu est enraciné dans ton coeur.3

Le noyau de la pensée d'Iqbal, la solution à l'énigme de la vie qu'il a évolué graduellement,
alors que sa personnalité et sa pensée se sont muries en sa philosophie de Khudi. L'on traduit

2Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 675.

3Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 108.

Hibah Shabkhez 16

Khudi comme la maitrise de soi, l'individualité, Soi, le Soi, la connaissance de soi ou la confiance en soi.4 Ce concept de vie s'oppose à l'idée Sufi de l'abnégation du soi5 et :

[...] signifie le respect du soi ; c'est la conservation d'un soi indépendant. C'est une force qui

donne la direction aux idées intellectuelles infinies. Son but est d'atteindre le statut de l'idéal mystique et d'arriver au niveau de l'immortalité.6

Le concept a été présenté par Iqbal dans son livre persan Asrar-e-Khudi (Les secrets du Soi), qu'il a écrit en 1915. Romûz-e bîKhudi (Les mystères du non-moi) le suit en 1917; et sa dernière oeuvre poétique, Armaghân-e Hijâz (Le cadeau de l'Hijâz), éclaircit encore le thème de Khudi. En effet, Iqbal a écrit sur sa philosophie de Khudi en anglais, en ourdou, en persan; en poésie autant qu'en prose. La philosophie s'adresse aux musulmans, mais sa pertinence est universelle et ne se restreint point au monde musulman.

Évidemment, la philosophie de Khudi d'Iqbal a été déjà étudiée, et continue à capter l'intérêt de penseurs et d'académiciens. Néanmoins, une analyse focalisant l'impacte du multilinguisme sur la manière dans laquelle cette philosophie s'exprime dans la pensée et dans l'oeuvre d'Iqbal ouvrirait une nouvelle dimension du sujet.

4Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work » (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 3112-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

5 Ibid.

6 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 17

0.2 La proposition et la justification

Notre proposition d'étudier l'impact du multilinguisme sur l'expression de la pensée d'Iqbal, en focalisent sa philosophie de Khudi, se base sur des questions de recherche suivantes, que nous apparaissent aptes et pertinentes selon le raisonnement expliqué au dessous de chacune:

1. « Quel intérêt aurait l'étude de la pensée d'Iqbal pour le multilinguisme en tant qu'un domaine actuel de recherche scientifique ? »

La signifiance de l'adoption d'une langue par un écrivain (qu'elle soit sa langue maternelle, sa langue culturelle, sa langue religieuse, sa langue seconde ou une langue étrangère) va bien au-delà de son cas individuel. La colloque « Choisir sa langue : Les littératures du Moyen-Orient face au multilinguisme »7 qui a eu lieu à l'université de Sorbonne en 2010, a discuté l'importance et les implications psychologiques, sociologiques et culturelles de ce choix par rapport aux écrivains arabes, turcs et israéliens. Nous proposons d'étudier Iqbal, poète musulman du sous-continent sud-asien, dans le même esprit. Nous exploitons la relation d'Iqbal avec les six langues qu'il a utilisées pour s'exprimer (le punjabi, l'ourdou, le persan, l'arabe, l'anglais et l'allemand)8 ainsi que l'impact de cette relation sur son choix de langues d'expression et sur son style.

2. « Comment est-ce que le multilinguisme influence l'expression de la pensée d'Iqbal? » On compte exploiter les sources multilingues d'Iqbal ainsi que les nuances stylistiques qui se doivent au multilinguisme. Iqbal connaissait les langues et la littérature arabe, persane, et ourdoue depuis son enfance, il avait appris l'anglais à l'école, et éventuellement, il a appris l'allemand à l'université. Il exploitait d'ailleurs la tradition philosophique de sa langue maternelle, panjabi, et de sanskrit, la langue ancienne de l'Inde.9,10 Ainsi la diversité linguistique de son oeuvre le fait un sujet particulièrement approprié pour une telle étude, à la

7Une colloque intitulée « Choisir sa langue : Les littératures du Moyen-Orient face au multilinguisme » a été organisée par l'université de Paris-Sorbonne en 2010

8 Iqbal connaissait aussi Sanskrit. Mais il n'a jamais utilisé le sanskrit pour s'exprimer. En plus, l'influence des écrivains sanskrits se fait ressentir plutôt dans les oeuvres de sa jeunesse, alors qu'il a présenté la philosophie de khudi, qui forme le point focal de notre étude, lors de ses quarante ans.

9 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work » (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 3112-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

10Bawhab, A. B. A. (Octobre 1988) « Henri Bergson and Muhammad Iqbal » (Henri Bergson et Muhammad Iqbal). (M. Munawwar, éd.), Iqbal Review: Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

Hibah Shabkhez 18

fois au plan de sources multilingues empruntées pour étayer son expression, et au plan de nuances de l'expression d'Iqbal dans des langues différentes.

3. « Qu'est-ce que c'est que la philosophie de Khudi d'Iqbal, et pourquoi orienter une étude de la perspective multilingue de l'oeuvre d'Iqbal autour cette philosophie? »

La philosophie de Khudi est la philosophie de la vie que nous propose Iqbal, et toute son oeuvre (surtout après Asrar-e-Khudi, qu'il avait publié en 1915) est centrée sur l'élucidation et la promulgation de cette philosophie. L'expression de Khudi dans la pensée d'Iqbal emploie donc toutes les langues, toutes les tournures et stratégies stylistiques qu'il maitrisait, et fait allusion à plus de sources littéraires et philosophiques que des autres sujets. Donc il nous semble logique d'aborder l'expression multilingue d'Iqbal en plaçant son expression de la philosophie de Khudi au premier plan.

Hibah Shabkhez 19

0.3 Les Objectifs

Les objectifs de ce mémoire peuvent être résumés ainsi:

1. Porter l'oeuvre d'Iqbal à l'attention de la communauté académique française;

2. Étudier le multilinguisme dans l'oeuvre de Muhammad Iqbal aux niveaux psychologique, sociologique, intellectuel, socioculturel et stylistique;

3. Introduire la philosophie de Khudi d'Iqbal au monde francophone;

4. Présenter la vision d'Iqbal du rôle que sa philosophie de Khudi pourrait jouer dans l'émancipation spirituelle de l'humanité;

5. Ajouter un travail de recherche scientifique aux domaines du multilinguisme et des études iqbaliennes.

Hibah Shabkhez 20

0.4 Aperçu de travaux de recherche

Afin de situer notre projet de recherche dans les deux domaines de recherche concernés (le multilinguisme et les études iqbaliennes), nous présentons un court compte-rendu des courants actuels de recherche qui y sont associés.

Selon la société linguistique des États-Unis11, la plupart de la population du monde est soit bilingue soit multilingue. Multilinguisme, considéré d'abord comme une partie du domaine d'apprentissage des langues, est devenu un champ de recherche distinctif et important, surtout dans les 20ème et 21ème siècles. Selon Larissa Aronin et Britta Hufeisen, les cadres focaux de la recherche sont sociolinguistique, psycholinguistiques, neurolinguistiques et paralinguistiques, ainsi que la linguistique appliquée et la didactique des langues12. Jasone

Cenoz résume:

At the individual level some of the most relevant areas are the following: the cognitive outcomes of multilingualism, the relationship between language and thought in multi-linguals, multilingual language processing, the multilingual brain, and cross-linguistic interaction. At the societal level, multilingualism has been examined as related to globalization, mobility of the population, and the effect of new communication techniques ... multilingualism as a social construct, multilingual identities, multilingual practices and multilingualism, multimodality, and new technologies.13

Au niveau de l'individu les domaines les plus importantes sont les suivants : les conséquences cognitifs du multilinguisme, la relation entre la langue et la pensées chez des multilingues, la procession multilingue, l'esprit multilingue, and l'interaction interlangue. Au niveau social, le multilinguisme s'est fait étudié en relation de la globalisation, la mobilité de la population, and l'effet de nouveaux techniques de communication [...] multilinguisme comme un construit social, identités multilingues, pratiques multilingues practices and multilinguisme, multi modalité, et les nouvelles technologies.

Au Pakistan, en Iran, en Inde, en Turque et en Allemagne, mais aussi dans les autres pays Européens et les États-Unis, les critiques et les chercheurs continuent à dédier leurs efforts au

11 Guadelupe V. « Multilingualism » (Multilinguisme) de http://www.linguisticsociety.org Date d' accès: 08-10-2014. URL: http://www.linguisticsociety.org/resource/multilingualism

12 Aronin, L. & Hufeisen, B. (2009) « The Exploration of Multilingualism » (L'exploration du mutilinguisme) AILA Applied Linguistics Series, 6, John Benjamins Publishing Company, Philadelphia.

13 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review ofApplied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14.

URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid= 9090478&fileId=S026719051300007X

Hibah Shabkhez 21

domaine de l'étude d'Iqbal. La biographie et l'oeuvre d'Iqbal en ourdou, en persan, en anglais et en allemand s'est fait publier, traduire et analyser par les savants14.

Les chercheurs ont essayé de tracer l'influence des langues qu'Iqbal connaissait et lisait, ainsi que les littératures y associées. On peut compter dans cette catégorie plusieurs articles d'Iqbal Revue rédigés par les experts des études iqbaliennes : par exemple, « Iqbal and Classical Muslim Thinkers15 » (Iqbal et les penseurs musulmans classiques) par Syed Nomanul Haq, « Iqbal and Western Thought: A Few Parallels16 » (Iqbal et la pensée occidentale : quelques parallèles) par Mohammad Ahmad Shamsi, et même « Iqbal: A Bridge Between the East and the West17 » (Iqbal: un pont entre l'Orient et l'Occident) par Dr. S. A. Durrani. L'influence des autres penseurs et écrivains (ex. Goethe, Rumi, Bedil, Dagh, Bergson, et Tennyson)18 a été également bien recherché. Iqbal a étudié un grand nombre des oeuvres dans toutes les langues qu'il connaissait, et il a incorporé les textes et les idées qu'il aimait dans ses écrits, traduisant tantôt les oeuvres entières19, écrivant sa propre réponse à elles20, ou bien empruntant un poème, un vers, une idée, un symbole, ou une expression, et l'utilisant pour exprimer sa propre pensée. Évidemment, la philosophie de Khudi d'Iqbal a été déjà étudiée, et continue à capter l'intérêt de penseurs et des académiciens ; et tracer les racines de la philosophie fait une préoccupation importante.

Le multilinguisme est bien entendu implicite dans tous ces travaux de recherche, mais il reste une lacune importante : il est rare de trouver une approche consciemment multilingue comparative ou analytique, ou une étude contrastive des différentes influences par origines contrastives. D'ailleurs, la majorité des articles et livres sur Iqbal se sont fait écrire en anglais,

14à consulter en allemand: sa correspondance avec Ema Vaganast.

15 Haq, S. N. (Avril-Octobre 2009) « Iqbal and Classical Muslim Thinkers » (Iqbal et les penseurs musulmans classiques). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 50, (2-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/aproct09/5.htm]

16 Shamsi, M. A. (Avril, 1980) « Iqbal and the Western Thought: A few Parallels» (Iqbal et la pensée Occidentale : quelques similarités). (M. Moizuddin éd.), Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 20, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr80/3.htm]

17Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work » (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 3112-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

18Par exemple, Azad, J. N. (Juillet 1986). «j JÇÈÞt tJËt ÿ ÛtÏ » (L'impact de Dagh sur Iqbal). (M. Munawwar, Ed.) Iqbaliat (Iqbal Review), 27 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 55-94.

19Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 74-75 (Iqbal a traduit un poème de Gautier)

20 Payam-e-Mashriq (The message of the East) a été écrit comme une réponse à West-Ostlicher Divan de Goethe.

Hibah Shabkhez 22

en ourdou ou au plus en persan ; en français, les études iqbaliennes restent largement inconnues. Ainsi une analyse comparative stylistique de la manière dans laquelle cette philosophie se manifeste dans l'expression d'Iqbal, rédigé en français d'une perspective multilingue, ouvrirait une nouvelle dimension du sujet. Ce sont les origines linguistiques et culturelles de sources d'Iqbal, sa synthèse unique des notions cueilles de ces sources et ensuite la métamorphose dans cette nouvelle philosophie qu'il a exprimée en ourdou, en persan et en anglais, que nous proposons de rechercher.

Hibah Shabkhez 23

0.5 La Méthodologie

Nous étudions l'impacte du multilinguisme sur l'expression de la philosophie de Khudi dans la pensée et dans l'oeuvre d'Iqbal selon une perspective critique et interprétative. Au niveau méthodologique, nous proposons l'analyse documentaire d'un corpus des écrits choisi à partir des oeuvres multilingues d'Iqbal.

Critères de choix du corpus:

Pour le choix des textes ou parties des textes qui constituent ce corpus, nous avons établie les critères suivants:

1. L'authenticité: il faut assurer que la source utilisée pour la recueille de textes est une source autorisée (comme, par exemple, la compilation de ses oeuvres par l'académie d'Iqbal).

2. La relevance thématique : il faut assurer que les textes choisis expriment les idées d'Iqbal sur la philosophie de Khudi, ou sur ses dimensions dans un sens plus élargi.

3. Le multilinguisme : il faut assurer un équilibre entre les textes choisis de l'oeuvre d'Iqbal dans chaque langue (l'anglais, l'ourdou, le persan) afin de faciliter l'analyse multilingue.

Après avoir fixé ces critères de choix pour le corpus, nous avons commencé notre sélection par souligner le mot « Khudi » dans les textes ourdous et persans, et les mots équivalents tels que « self» et « ego » dans les textes anglais. Pour les dimensions de la philosophie, nous avons souligné les mots clés et exploité les textes de la même façon. Ensuite, nous avons entrepris une lecture attentive de ces parties, afin d'en distinguer ceux qui correspondaient le mieux à nos critères.

Échantillon représentatif du corpus:

Nous présentons ci-dessous les titres des livres d'Iqbal consultées (avec la référence complète en note de bas de page), ainsi qu'un échantillon représentatif de notre corpus:

a) En anglais:

i) The Reconstruction ofReligious Thought in Islam21

(Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam)

1. Knowledge and Religious Experience

(Le savoir et l'expérience religieuse)

21Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999.

2.

Hibah Shabkhez 24

The Philosophical Test of the Revelations ofReligious Experience (Le « test» philosophique des révélations)

3. The Conception of God and the Meaning ofPrayer (La conception de Dieu et le sens de la prière)

4. The Human Ego - His Freedom and Immortality (L'ego humain - sa liberté et son immortalité)

5. The Principle ofMovement in the Structure ofIslam (Le principe du mouvement dans la structure d'Islam) ii) Discourses ofIqbal22 (Discours d'Iqbal)

1. Islam as a moral and political ideal (Islam en tant qu'un idéal moral et politique)

2. The Muslim Community (La communauté musulmane)

3. Presidential Address 1930 (L'adresse présidentielle de 1930)

4. Islam and Mysticism (Islam et le mysticisme)

5. Muslim Democracy (La démocratie islamique)

6. Stray Thoughts (Pensées libres)

7. Basic Philosophy ofAsrar-e-Khudi. (La philosophie de base d'Asrar-e-Khudi)

8. In Defence of the Self (Pour défendre le Soi)

9. An Exposition on the Self (Une exposition du Soi)

b) En ourdou:

i) Bâng-e Darâ23

(L'Appel de la Cloche)

1.áÏ æ áÞÚ (Le coeur et l'esprit) 2.ãáÓÇ ÚæáØ (L'aube d'Islam) 3.ÀæÔ (La plainte)

4. ÑÖÎ ÈÇæÌ (La réponse de Khizr)

5. ÿÏ æç íÈ ÇÑÍÕ æÊ Çæç ÑÀÔ ÿä ·æäÌã (Majnu a laissé la ville, qu'il laisse le désert aussi)

6. æÒÑ íÇ (Un voeu)

7. ÊíääØæ (Le nationalisme)

22Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003.

23Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013.

Hibah Shabkhez 25

ii) Bâl-e Jibrîl24
(L'aile de Gabriel)

1.

ÀäÇãíÍ ÑÙä í ÇØÚ

æ

Ìã

ÿä ÏÑÎ (l'esprit m'a donné la vision sage)

2.

íÀÇê ÍÈÕ ÏÇÈ ÿÌã

ÿÀ

Æê

ÿÏ ãÇí Àí (le vent du matin m'a laissé ce message)

3.

!ÀäÇãÒ ÔÏÑê Çí Ç íÓ ÿÀ ÒÇÌÚÇ (Est-ce un miracle ou le déroulement du temps ?)

 

4.ÊÇíÓä ÑÀÇã (Le psychologue)

5.·íÀä ÀÑÇä Ææ Ç ÓÌ ÿÀ ÑÍÈ Àæ íÏæÎ (Khudi est la mer qui n'à pas de bords)

6. ÀÇÞäÇÎ (Le monastère soufi)

7. íÀÇê ÏæÎ ÈÇÏ ÿÀ ÇÊÇÓ ÔÞÚ ÈÌ (Quand la passion enseigne la réalisation du Soi) 8.íÏæÎ (Khudi)

9.·íÀä ÑæÏ ÿÓ ·ÇÊÓ æê áÞÚ (Quoi que l'esprit n'est pas loin de son demeure)

10.·íÀä ç ÑæÇ ÇæÓ ÿ ÑÈÎ ÓÇ ÿ ÏÑÎ (L'esprit n'a rien sauf le savoir)

11.ÇÌ Çç À ÇíäÏ ÿÓ ÑæÒ ÿ íÏæÎ (Domine le monde avec le pouvoir de Khudi)

12.áíÑÈÌ ÊÑíÛ æÊ ãÍã ÿÓ ãáÚ æÀ íÏæÎ (Khudi fortifiée du savoir est la fierté de Gabriel)

13. ·æäÌ ÿÀ Çíê ÇÓ æ Ìã À ÒÇÑ ÑÍ Àæ ( Le secret que la passion m'a enseigné)

14. ÀãÇä íÞÇÓ (Saqi Nama)

iii) Zarb-e Kalîm25
(Le coup de Moïse)

1. ÞÔÚ æ ãáÚ (Le savoir et l'amour)

2. ãáÓÇ (L'Islam)

3.íÏÈÇ ÊÇíÍ (La vie éternelle) 4.?äÇØáÓ (La royauté)

5. äÇãáÓã ÏÑã (L'homme musulman)

6. Êæã (La mort)

7. ÏæÕÞã (L'objectif)

8. ÇÏí ÑÇÑÓÇ (Les secrets de la création) 9.ÊíÈÑÊ í íÏæÎ (La formation de la Khudi) 10.?êÏäÒ í íÏæÎ (La vie de Khudi)

11. ÈÊã íÏäÀ (L'école indienne)

12. ÊÔÒ æ ÈæÎ (Le bien et le mal)

13. íÏæÎ êÑã (La mort de Khudi)

24 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013. 25Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013.

Hibah Shabkhez 26

14.ãíáÚÊ æ äíÏ (La religion et l'éducation)

15.ÿÓ ÏíæÇÌ (À Javaid)

16.ÀÏÑ (La voile)

17.ÏæÌæ (L'être)

18.áÇÈÞÇ (Iqbal)

19.ÊäÏÌ (L'originalité)

20.Ñ äæÕã (Le peintre)

c) En persan :

i) Asrâr-o Romûz 26 : Asrâr-e Khudi et Romûz-e bîKhudi
(Les secrets du soi et les mystères du non-moi)

1. )ÏíÀãÊ( íÏæÎ ÑÇÑÓÇ (Les secrets du soi (La Préface))

2. ÏÑÇÏ ÑÇÕÍäÇ íÏæÎ ãÇÍÊÓÇ ÑÈ ÏæÌæ ÊÇäíÚÊ ÊÇíÍ áÓáÓÊ æ ÊÓÇ íÏæÎ ÒÇ ãáÇÚ ãÇÙä áÕÇ ÀäíÇ äÇíÈ ÑÏ (Dans cette partie : le système de l'univers est fondé sur la Khudi, les différents aspects de la vie sont déterminés en fonction de la Khudi, et leur progression dépend de la fortification de la Khudi)

3. ÊÓÇ ÏÕÇÞã ÏíáæÊ æ ÞíáÎÊ ÒÇ íÏæÎ ÊÇíÍ ÀäíÇ äÇíÈ ÑÏ

(Dans cette partie : la vie de Khudi se base sur la création et renaissance des buts)

4. ÏÑíÐ íã ãÇÍÊÓÇ ÊÈÍã æ ÞÔÚ ÒÇ íÏæÎ ÀäíÇ äÇíÈ ÑÏ

(Dans cette partie : la Khudi est fortifiée par l'amour et la passion)

5. ÏæÑíêíã íÚÖ áÇæÓ ÒÇ íÏæÎ ÀäíÇ äÇíÈ ÑÏ

(Dans cette partie : la Khudi est affaiblit par la demande)

6. Êäáã æ ÏÑ ØÈÑ íäÚã ÑÏ )ÏíÀãÊ( íÏæÎíÈ ÒæãÑ

(Les mystères du non-moi (la préface) la relation entre l'individu et la nation)

ii) Payâm-e Mashriq27
(Message de l'Orient)

1. )êÑã ÀÔíÏäÇ ÒÇ ÏÒÑá íã ÊáÏ( ÊÇíÚÇÈÑ (Quatrains (Ton coeur tremble avec la peur de la morte))

2. äÇÓäÇ ÑæÇ ÇÏÎ äíÈ Çã ÀÑæÇÍã (Dialogue entre Dieu et l'homme) 3.ÑÚÇÔ æ ÑæÍ (La nymphe du paradis et le poète)

4. áãÚ æ íêÏäÒ (la vie et l'action)

26 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992.

27 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'Orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992.

Hibah Shabkhez 27

5. íÞÇÈ ?ã (Le vin qui reste)

iii) Zabûr-e ajam28
(Les psaumes persans)

1. äÇæØÈ ÑÓ æ ÔÇÈ íÏæÎ ÊÓã Ìæã æç

(Perde-toi dans la Khudi comme une vague et lève la tête en pleine milieu de la tempête)

2. ÊÓíä ÀÇê Óæ ÊÑ ÊãÇíÞ äã ÑÈ Çæä ÒÇ

(Ma plainte m'a fait souffrir les tourments de l'enfer, mais personne n'en sait rien)

3. ÒíÎ äÇÑêä ÓêÑä æç ÀÏíÈÇæÎ ?çäÛ ÿÇ

(O bourgeon dormante, réveille-toi, sois comme le narcisse qui regarde)

4. ?Ç ÑíÏ ÑíÏ ·íÑÏ ÊÓÈ À ÇÑ ÀãÇêäÀ

(Qu'est-ce qui a crée cette agitation dans ce vieux temple) 5.)4 ÔÈÇæÌ( ÈÇæÌ æ áÇæÓ (Questions et réponses (réponse 4))

i.v) Jâvid name29

(Le livre de l'éternité)

1. ÈÑÛ æ ÞÑÔ (L'Orient et l'Occident)

2. äØæ æ äíÏ (La religion et la patrie)

3.Ïíæê íã êÑÒÈ ÍÇæÑÇ Ôí ÇÑ ÏæÎ ÊáÔã ÏæÑ ÀÏäÒ

(Zinda Rûd présente ses problèmes aux âmes saintes)

4. äíÏÛÑã ÑÀÔ ÑÏ ÔÏÑê (Une visite à la ville de Marghadeen)

vii) Pas tche bâyad kard ay aqwâm-e sharq ? et Musafir30

(Que faut-il donc faire, ô peuples d'Orient ? et Le voyageur)

1. ÏÍÑÓ ãÇæÞÇ ÀÈ ÈÇØÎ (Discours aux peuples de la frontière nord-ouest)

2. ÏÀÏ íã ÈÇæÎ ·íÑÈ ÊÔÀÈ ÒÇ ÆÇäÓ ãíÍ ÍæÑ (L'ame de San`âi répond du paradis)

d) en ourdou et persan (oeuvre bilingue) :

28Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992.

29 Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992.

30 Iqbal, Muhammad. Pas tche bâyad kard ay aqwâm-e-sharq (Que faut-il donc faire, ô peuples d'Orient ?),1936, en Kolliyât-e Iqbâl - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992.

Hibah Shabkhez 28

i) Armaghân-e Hijâz,3132
(Le cadeau de l'Hijâz)

1. Ñ ÑÈÇ Ìæã áËã ÿÓ ÇíÑÏ íÈ (Sort tantôt du fleuve comme une vague)

2. Ç ·æãæÞ ÀÏäÒ ·íã ÿäÇãÒ ÿÀ íÀí äÇÔä (C'est la marque des nations vivantes sur l'époque) 3.ÊÓÇ ãÇãÊ ÏÑã íÏæÎ ÒÇ ·ÇãáÓã (La Khudi fait du musulman un homme complet)

4.ÊÓÇ ÔæÀ äíÚ äã ?Ôä ÇÑ íÏæÎ (Pour la Khudi mon intoxication c'est justement la sobriété) 5.ÊÓÀ ãÑÍ äÇÇ ÑÀÈ ÊÔÀÈ (Il y a un paradis pour les gardiens de la mosquée sacrée)

6. íÏæÎ (La Khudi)

À partir de ce corpus nous avons étudiez la pensée d'Iqbal en focalisent notre travail autour des axes d'analyse suivants :

1. Les rapports entre l'expression d'Iqbal et les différentes traditions multilingues

2. L'intégration des écrits venus des origines linguistiques diverses dans l'expression d'Iqbal

3. L'expression de la philosophie de Khudi et ses dimensions dans l'oeuvre d'Iqbal

4. Les nuances de l'expression multilingue d'Iqbal

La documentation et la rédaction :

Pour la documentation de ressources académiques et secondaires qui étayent notre analyse, nous avons consulté les revues et les publications authentiques dans les domaines concernés (le multilinguisme et les études iqbaliennes). Pour n'en citer qu'un exemple, nous avons parcouru soigneusement chaque parution de l'Iqbal Revue et d'Iqbaliat (revues de recherche publiées deux à quatre fois par an par Iqbal Academy) de 1960 jusqu'au présent. Ensuite, avec l'appui des critères et les axes d'analyse déjà précisés, nous en avons tirés des citations académiques utiles à notre projet de recherche. L'aperçu de travaux de recherche (Chapitre 0, Section 0.4) résume cette documentation ; et une liste exhaustive des sources consultées se trouve à la fin de ce mémoire sous la rubrique de « Bibliographie »

Le sommaire qui précède l'introduction générale présente en détaille notre schéma de rédaction. En effet, nous commencent avec une exploitation des éléments multilingues et multiculturels de la vie et la vision d'Iqbal. Puis nous avons abordé la philosophie de Khudi : le concept de Khudi, les aspects importants de la philosophie, et la position foncière qu'elle occupe dans la pensée d'Iqbal. Le troisième chapitre se constitue d'une discussion de

31 Iqbal, M. Armqghân-e Hijâz (Le cadeau du Hijaz) 1938; section ourdou (2e partie de l'oeuvre est en ourdou) ; en Kolliyât-e Iqbâl Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013.

32 Iqbal, Muhammad. Armughân-e-Hijâz (Le cadeau du Hijâz) 1938, en Kolliyât-e Iqbâl (1e partie de l'oeuvre est en persan) - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992.

Hibah Shabkhez 29

l'identité multilingue et du multilinguisme en tant que domaine de recherche ; et les deux dernières parties sont consacrées à l'exploration de l'expression de Khudi à partir des sources multilingues et les nuances de cette expression multilingue dans la pensée d'Iqbal.

Hibah Shabkhez 30

1. IQBAL : POETE

ET PHILOSOPHE

MULTILINGUE

Hibah Shabkhez 31

1.1 Iqbal - vie et vision

Muhammad Iqbal, surnommé « Allama » par ses contemporains orientaux pour son érudition et « Sir » par le gouvernement anglais pour sa contribution à la philosophie et à la littérature, était, selon Ahmed S. Khan, « un oracle, un visionnaire, un poète, un philosophe et un penseur »1. Il occupe une position unique dans l'histoire, la philosophie et la littérature non seulement de l'Inde mais du monde. Jaliluddin Ahmad Khan décrit ainsi les aspects infiniment variés de sa pensée et son oeuvre:

Iqbal is at one and the same time a poet of nature and a poet of human emotions, a poet of the self and a poet of the cosmos, a poet of the inner world of man and a poet of civilization, a national poet of Pakistan and an international and humanitarian poet, a poet of tradition and a poet of progress, a poet of the East, who nevertheless ceases not to address himself to the West, a poet of Islam and accordingly a universal poet, a philosophical poet and a poet with a political vision, a lyric poet and a poet of dramatic dialogues.2

Iqbal est à la fois un poète de la nature et un poète des émotions humaines, un poète du Soi et un poète du cosmos, a poète du monde intérieur de l'homme et un poète de la civilisation, un poète national du Pakistan et un poète international humanitaire, un poète de la tradition et un poète du progrès, un poète de l'Est qui n'arrête cependant jamais à s'adresser à l'Ouest, un poète d'Islam et donc un poète universel un poète philosophe et un poète doué d'une vision politique, un poète lyrique et un poète des dialogues dramatiques.

Le multilinguisme fait partie de l'héritage et du milieu socioculturel d'Iqbal. Il était né en 1877 à Sialkot, une ville du nord Panjab, dans une famille d'origine Kashmiri. La famille n'avait jamais rentré au Kashmir, et Iqbal ne connaissait pas personnellement la langue. Mais le souvenir du pays et l'affiliation comme pays d'origine ne s'était jamais effacée, et Iqbal restera un avocat passionné du principe d'auto-détermination pour les citoyens du Kashmir tout au long de sa vie.3 Né comme ses parents à Sialkot, Iqbal avait effectivement pour langue maternelle Panjabi, quoique les langues de son éducation élémentaire étaient l'ourdou, l'arabe et de persan. De son père Nur Muhammad, un coutrier doué d'une finesse

1 Khan, A. S. (June 2007) « Gabriel's Wing: Dr. Annemarie Schimmel's Masterpiece on Iqbal » (L'aile de Gabriel : Le chef d'oeuvre de Dr. Annemarie Schimmel sur Iqbal).

Date d'accès: 07-11-2013, [URL: http://www.pakistanlink.com/Opinion/2007/June07/22/05.htm]

2 Khan, J. A. (Avril 1963) « Iqbal As A Poet With A Message To The Modern World» (Iqbal comme un poète avec un message pour le monde moderne). (M. Rafiuddin, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 04, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr63/7.htm]

3 Razak, M. A. A. (Décembre 2011) « Iqbal: An Analysis on his Life, Works and Mission » (Iqbal: Une analyse de sa vie, ses oeuvres, et sa mission). Journal of Islam in Asia, (4), Kuala Lumpur, International Islamic University Malaysia (IIUM), p. 366-381, date d'accès : 03-03-2014

Hibah Shabkhez 32

extraordinaire d'esprit, et ensuite de Mir Hasan, un Soufi érudit, Iqbal a appris les sciences islamiques et la littérature ourdoue, arabe et persane. Iqbal créditera Mir Hasan d'avoir développé ses facultés critiques et écrira plus tard que « sa souffle a donné au bouton de mon désir la capacité de fleurir »4

Une fois que cette première étape de son éducation s'était accomplie, Mir Hasan lui a conseillé de s'inscrire dans le Scotch Mission College. À l'école, Iqbal a appris l'anglais et il a reçu une éducation sur le modèle occidentale. Au même temps, son talent poétique précoce commençait à se manifester. Jeune poète amateur, Iqbal envoyait ses poèmes à Dagh Dehlavi, un des derniers poètes classiques célèbres d'ourdou,5 qui les appréciait beaucoup. En 1899, Iqbal fait sa maitrise de Government College, Lahore. À Government College, l'influence le plus profonde sur la pensée d'Iqbal était celle de Sir Thomas Arnold, un savant d'Islam et de la philosophie moderne. Iqbal lui dédiera en reconnaissance sa dissertation doctorale. La connaissance approfondie de l'occident et l'orient que possédait Arnold a inculqué dans la pensée d'Iqbal la même tendance de sélectionner et synthétiser les éléments des deux civilisations.6

Donc sa formation scolaire et universitaire était fondée sur l'analyse critique et comparée de plusieurs traditions littéraires orientales et occidentales. Selon Mohd Abbas Abdul Razak:

If it was Mir Hasan in Sialkot who had great influence on Iqbal, teaching him the past intellectual heritage of the Muslims, in Lahore, it was Thomas Arnold, the cultured Englishman who introduced Iqbal to many of the positive aspects of the Western culture and civilization.7

Si c'était Mir Hasan à Sialkot qui avait une grande influence sur Iqbal, l'enseignant l'héritage culturel passé des musulmans, à Lahore, c'était Thomas Arnold, l'anglais cultivé, qui a introduit Iqbal aux plusieurs aspects positifs de la culture et civilisation occidentales.

Il devient après sa maitrise ensuite enseignant de la philosophie, la finance et les sciences politiques à Lahore.8 En Mai 1899, il était nommé « Macleod Punjab Reader of Arabic »

4 Razak, M. A. A. (Décembre 2011) « Iqbal: An Analysis on his Life, Works and Mission » (Iqbal: Une analyse de sa vie, ses oeuvres, et sa mission). Journal of Islam in Asia, (4), Kuala Lumpur, International Islamic University Malaysia (IIUM), p. 366-381, date d'accès : 03-03-2014

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

Hibah Shabkhez 33

(Macleod Panjab lecteur d'arabe) à University oriental College, Lahore. Il enseignait aussi intermittemment l'anglais à Islamia College Railway Road et à Government College Lahore.9

En 1905, Iqbal a commencé ses études supérieures en Europe. Il a été reçu bachelier en 1907 à l'université de Cambridge pour sa dissertation Development of Metaphysics in Persia (Le développement de la métaphysique en Perse) et a été discerné un diplôme doctoral par l'université de Munich la même année. Il s'était inscrit aussi à Lincoln's Inn, Londres, et reçoit donc son diplôme d'avocat en 1908.10

À Cambridge, Iqbal a connu plusieurs philosophes illustres qui ont eu un impact profond sur sa pensée: notamment John McTaggart, James Ward, et les orientalistes renommés E.G. Brown and Reynolds A. Nicholson. Nicholson traduira plus tard le chef d'oeuvre persan d'Iqbal, Asrâr-e Khudi (Les secrets du soi). Pendant son séjour à Londres, il a rencontré aussi Attiya Faizi, une jeune étudiante de philosophie dont Iqbal admirait la finesse d'esprit. Ils ont échangé leurs idées par moyen des lettres, qui ont été publiées plus tard. Ses lettres en allemand à son professeur de philosophie et de la langue allemande, Ema Vaganast ont été également collectées et publiées.

À Lahore, il gagnait pendant plusieurs années sa vie par son métier d'avocat, mais sa vraie vocation était toujours celle de poète, philosophe et penseur. La gloire du passé Islamique, la décadence de la civilisation islamique moderne et l'appel à l'unité et à la reforme sont devenus les préoccupations principales. De cette période datent ses poésies nostalgiques (telles que ses vers sur la Sicile qui ont tellement choqué Aldous Huxley11) et les plaintes telles que Shikwa12 (la plainte) et Jawab-e-Shikwa13 (réponse à la plainte). Mais en 1915, il avait enfin trouvé sa réponse, sa philosophie de vie, celle de la Khudi. Il agissait désormais avec une conscience de son rôle de penseur engagé et réformateur, avec un sens de sa mission directrice qu'il a exprimé en 1924 à Hadi Hassan:

9 Razak, M. A. A. (Décembre 2011) « Iqbal: An Analysis on his Life, Works and Mission » (Iqbal: Une analyse de sa vie, ses oeuvres, et sa mission). Journal of Islam in Asia, (4), Kuala Lumpur, International Islamic University Malaysia (IIUM), p. 366-381, date d'accès : 03-03-2014

10 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

11 Huxley, A. Jesting Pilate, London, Chatto and Windus, 1928.

12 [Cf. Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 190.]

13 [Cf. Ibid, p. 227.]

Hibah Shabkhez 34

I feel I have touched the hidden wound of the Muslim of today and hope to be able to tell him `thou ailest here' I am fully conscious of the seriousness of my task and hope those who read me also realize the responsibility that lies on their shoulders.14

Je ressens que j'ai touché la blessure cachée du musulman d'aujourd'hui et j'espère pouvoir lui dire `tu a mal ici'. Je suis totalement conscient de la gravité de ma tâche et j'espère que ceux qui me lisent se rendent compte de la responsabilité qui leur incombe.

Dans le poème æÒÑ íÇ (Une voeu) Iqbal se montre dédié à sa mission de secouer et réveiller l'humanité égarée:

ÿÏ áÑ ÇÑã ÇäæÑ æ áÏ ÏäãÏÑÏ ÑÀ

ÿÏ ÇêÌ ·íÀäÇ ÏíÇÔ ·íÀ ÿ æÌ ÔæÀ ÿÈ15

Que mes pleurs font pleurer tous les coeurs tendres
Qu'ils réveillent ceux qui sombrent

Iqbal a voyagé beaucoup, à l'orient et à l'occident. De l'Espagne à l'Egypte, de Londres à Kabul, il a visité les sites historiques sur lesquels il a basés ensuite des poèmes (comme la mosquée de Cordoba)16, il a donné les discours, les adresses et les conseils, et il a participé dans les cérémonies et les conférences où il a rencontré les journalistes, les savants éminents et les hommes politiques du pays17, ce qui a approfondie encore son expérience multilingue et multiculturelle. Jusqu'à sa morte en 1938, malgré la maladie aigue qui le tourmentait pendant les derniers ans de sa vie, il restera très actif au niveau social - « [...] en donnant des conférences, écrivant dans des journaux et des magazines, participant dans la production des cursus écoliers, etc. » - et au niveau politique pour « libérer l'humanité de l'esclavage, des forces impériales, de faux systèmes politiques, et de l'exploitation économique »18 Il présente en 1930 lors d'une adresse à l'assemblée générale de la Ligue des musulmans de l'Inde son idée d'un territoire distinct pour les musulmans du nord-ouest de l'Inde qui était crée moins d'une décennie après sa mort.

14 Dar, B.A. Letters and Writings of Iqbal (Les lettres et les discours d'Iqbal), Karachi, Iqbal Academy Pakistan, 1967.

15 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 79.

16 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 419.

17 Khalid, M. S. (Avril-Octobre 2009) « An Introduction to Arabic translation ofAllama Iqbal's Urdu Poetry» (Une introduction aux traductions en arabe de la poésie ourdoue d'Iqbal ). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 50, (2-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-112013, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/aproct09/11.htm]

18 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 35

La profondeur de sa philosophie et la perspicacité de sa vision continuent à impressionner les lecteurs partout dans le monde. « Personne n'assertera qu'il soit un prophète, » a dit Annemarie Schimmel, « mais nous pouvons avouer qu'il a été touché par l'aile de Gabriel »19

19 Khan, A. S. (June 2007) « Gabriel's Wing: Dr. Annemarie Schimmel's Masterpiece on Iqbal » (L'aile de Gabriel : Le chef d'oeuvre de Dr. Annemarie Schimmel sur Iqbal).

Date d'accès: 07-11-2013, [URL: http://www.pakistanlink.com/Opinion/2007/June07/22/05.htm]

Hibah Shabkhez 36

1.2 Les thèmes principaux de l'oeuvre d'Iqbal

Iqbal a rédigé ses oeuvres majeures en trois langues - les essais et la poésie en persan (55%) et en ourdou (45%), et les discours philosophiques en anglais. Ces oeuvres - les recueils poétiques aussi bien que les discours académiques - réunissent des thématiques littéraires, religieux, politiques, sociales, éducationnelles et économiques.

Muhammad Riaz liste comme les « sujets qui intéressaient Iqbal »:

... self, love, intellect, ascension, comparative religion, immortality of the Muslims based on Tau?îd, philosophy, history, martyrdom, predestination and free will, women's status in the Muslim polity, ... archaeology, good and evil, art and literature for life, blessings offreedom, Islam versus Western civilisation, Islamic universalism, patriotism20...

[...] le soi, l'amour, l'esprit, l'ascension, la religion comparée, l'immortalité des musulmans basée sur Tau?îd, la philosophie, l'histoire, la martyre, la prédestination et la volonté libre, le statut des femmes dans la politique musulmane, ... l'archéologie, le bien et le mal, l'art et la littérature pour la vie, les bienfaits de la liberté, l'Islam face à la civilisation occidentale, l'universalisme islamique, le patriotisme ...

Durrani, en revanche, identifie sept « grands thèmes »21 à partir desquels il propose un résumé thématique de l'oeuvre d'Iqbal. Nous reprenons brièvement chaque thème:

1 . íÏæÎ (La connaissance du Soi)

La philosophie de khudi, introduit par Iqbal dans le recueil Asrâr-e Khudi (Les secrets du soi), est foncière à toute tentative de comprendre la pensée d'Iqbal. Cette philosophie de la connaissance et le développement de l'ego a dominé l'oeuvre poétique et philosophique d'Iqbal de 1915 jusqu'à sa mort. Pour Iqbal, une vie n'a point de valeur qu'en fonction de l'essor de sa khudi :

Ïä ÑÈÒÇ íÏæÎ ÑÍ Ûæç åÑØÞ

Ïä ÑÀæê ÇÑ ÀíÇã ÿÈ ?ÊÓÀ22

Lorsqu'une goutte d'eau apprend par coeur la leçon de Khudi,

20 Riaz, M. (Janvier, 1978) « Glimpses ofIqbal's Genius in the Javid Nama » (Un apercu de la génie d'Iqbal dans le Javid Nama). (M. Moizuddin éd.), Iqbal Review, 18, (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/jan78/11.htm]

21 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

22 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 44.

Hibah Shabkhez 37

De son existence sans valeur, elle fait une perle précieuse.23

2. Le changement, l'évolution constante, l'action

Iqbal dédaigne l'inactivité comme un état semblable à la mort ; il exige toujours l'action, l'effort actif pour se développer. Le changement est pour lui la loi inexorable de l'univers. Pour l'homme, agir sans cesse, « bouger » et évoluer, c'est le seule moyen de se connaitre :

ãÊÓíÒ ÿÈ ÀçÑê Êê åÏÇÊÇ áöÍÇÓ
ãÊÓíç äã À å ÏÔ ãæáÚã Àä çíÀ
Êê æ ÏíãÇÑÎ ÒíÊ ?ÊÑ ÏæÎÒ Ìæã
ãÊÓíä ãæÑ Àä Ñê ãæÑíãÑêÇ ãÊÓÀ24

Le bord désagrégeant du fleuve a dit: quoique j'ai vécu longtemps,
Hélas, je n'ai pas découvert qui je suis.
Une vague extatique coula rapidement devant et dit
Je suis si je bouge: si je ne bouge pas, je meurs !25

3. L'angoisse et le désir de développer

« Il ne suffit pas, » explique Durrani « d'avoir accomplit quelque chose. Ne collez- vous pas à vos palmes ; ne perdez pas la volonté d'agir! »26 Le désir inépuisable de l'exploration et de la découverte de l'inconnu est plus important que l'achèvement d'un but quelconque. Iqbal communique ainsi cette angoisse dévorante d'entreprendre toujours une nouvelle aventure:

ÿÈÇÊ åÑÇÊÓÒ ãíæÌ åÑÇÊÓ ÑÑÔÒ

ÿÑÇÑÞÒÇ ãÑíãÈ À ãÑÇÏä ÿáÒäã ÑÑÓ27

Dans les braises je cherche les étoiles, dans les étoiles le soleil.
Je n'ai aucun désir d'un séjour; car je meurs si j'arrête

4. « L'amour» et « l'intellect»

23 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

24 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 606.

25 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

26 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

27 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 604.

Hibah Shabkhez 38

« L'amour » veut dire ici « une sorte de force créative interne, une intuition, une inspiration »28, une volonté d'oser sans crainte. Par contre, « l'intellect» signifie la prudence et la sagesse. Dans la philosophie d'Iqbal, équilibrer l'amour et l'intellect et savoir profiter de leurs dons est nécessaire pour réussir sa vie :

ÀäÇãíÍ ÑÙä í ÇØÚ æ Ìã ÿä ÏÑÎ

ÀäÇÏäÑ áöíÏÍ æ Ìã ÿä ÞÔÚ ?ÆÇÓ29

L'intellect m'a donné l'oeil du philosophe
C'est l'amour qui m'a enseigné la parole de l'ivresse

5. La place de l'homme dans l'univers

Iqbal donne à l'homme le rang le plus élevé : il est le vice-régent de Dieu sur terre, presque un « partenaire », doué de la volonté libre et de la puissance créative, qui « aide la réalisation des projets de Dieu ».30 Ce monde terrestre n'a donc de raison d'être outre l'homme:

ÊÓÇ

ãáÇÚ

áÊÇÐ

áÀíÌæÊ æÇ áÊÇÐ

ÊÓÇ

ãáÇÚ

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æÇ ájáÌ ÒÇ31

 

Son être est la raison d'être du monde, Le salut du monde est dans sa gloire.32

6. Briser les chaines d'impérialisme

À l'époque d'Iqbal (le début du vingtième siècle), le monde entier était sous le joug colonial des impérialistes européens. Iqbal, né en l'Inde britannique, rêvait de libérer sa nation, ainsi que les musulmans esclaves du monde entier. Avec sa poésie et ses discours, il voulait secouer les nations de l'orient pour les réveiller de leur inertie lâche, et leur rappeler leur passé glorieux pur les motiver de lutter pour leur indépendance.

ÊÓÇ ÿÀÇÑ áÑÓ ÑÇÈÛ ÏääÇã ÀãÀ ÑæÇÎ

28 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

29 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 381.

30 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

31 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 116.

32 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 39

ÊÓÇ

 

ÿÀÂ ÀÊÎÇÈ ÑËÇ

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í33

ÊÓÇ

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ÒíÎ ·ÇÏãÀ æ ÞÇÑÚ æ ÏäÞÑãÓ æÏäÀ ÒÇ

ÒíÎ ·ÇÑê ÈÇæÎ ·ÇÑê ÈÇæÎ ·ÇÑê ÈÇæÎ ÒÇ

!ÒíÎ ·ÇÑê ÈÇæÎÒÇ 34

« Tout l'orient est comme de la poussière du chemin,
C'est un gémissement silencieux et un soupir sans effet,
Chaque atome de cette poussière est comme un regard figé,
De l'Inde, de Samarkand, de l'Iraq, de Hamadân, lève-toi,
Réveille-toi du sommeil lourd, sommeil lourd, sommeil lourd,
Réveille-toi du sommeil lourd 35

7. Le matérialisme, le nationalisme et les autres « -ismes » de la modernité Iqbal est loin de rejeter catégoriquement l'Occident ou la civilisation moderne, mais les « transformations culturelles, intellectuelles, sociales, économiques et politiques sous les systèmes politiques venues de l'Occident »36 dont Iqbal était lui-même témoin, avaient un caractère funeste et « déshumanisant » qui l'agaçait. Il déclare ces nouveaux systèmes politiques et économiques tels que le matérialisme, l'impérialisme, le marxisme, le capitalisme, la démocratie, et des sciences modernes des « idoles »37 qui éloignent l'humanité de la religion, la seule voie salvatrice. Mais ce qui anime plus que tout son courroux, c'est le nationalisme, cette « rupture au sein de la race humaine » qui crée « des barrières et des frontières rudes » qui « encouragent l'inégalité entre les nations, et ne permettent pas l'échange libre de l'humanisme »38

ÿÀ äØæ ÿÓ ÈÓ ÇÈ ·íã ·æÇÏÎ åÒÇÊ äÇ

ÿÀä Ç ÈÀÐã åæ ÿÀ Ç ÓÇ äÀÑí æÌ

ÿÀ íæä ÑÈíÐÀÊ ?ÏíÔ ÇÑÊ À ÊÈÈ Àí

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33Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 956.

34 Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992 p. 958.

35 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

36 Ibid.

37 Ibid.

38 Ibid.

Hibah Shabkhez 40

ÿÀ

 

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ÊæÞ í

ÏíÍæÊ ÇÑÊ æÒÇÈ

ÿÀ

íæØÕã

æÊ ÿÀ

·íÏ ÇÑÊ ãáÓÇ39

De ses Dieux fraichement forgés, le plus grand est Nationalisme;
Son vêtement est le linceul de la religion.
Cette idole qui a été sculpté par la civilisation moderne
Est le ravageur de la maison de la religion du Prophète
Tes bras ont de puissance donnée par la puissance de l'unité de Dieu
Islam est ta religion, tu es le disciple de Mustafa40

39 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 187.

40 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 41

1.3 Les livres d'Iqbal

Nous allons désormais traiter chronologiquement les oeuvres d'Iqbal pour avoir une idée globale de l'évolution et l'expression multilingue de sa pensée tout au long de sa vie:

1. Ilm ul Iqtisad (La connaissance de l'économie)

Genre : Prose

Année de Publication: 1903

Langue: ourdou

Introduction: C'est le premier livre d'Iqbal, écrit avant son séjour en Europe. Cela concerne

le renouvellement de l'économie dans une perspective musulmane.

2. The Development ofMetaphysics in Persia (Développement de la métaphysique en Perse)

Genre : Prose

Année de Publication: 1908

Langue: anglais

Introduction : D'origine une thèse rédigée sous la direction du professeur McTaggart, ce livre explore l'histoire de la pensée religieuse développé par les mystiques préislamiques et post islamiques en Perse. La métaphysique persane est exploitée sur un axe comparatif dans un contexte philosophique plus vaste.

3. Asrâr-e Khudi (Les secrets du soi)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1915

Langue : persan

Introduction: Le thème central est la philosophie de soi qu'il nomme Khudi. Iqbal définit et élabore ce concept philosophique, les éléments constitutifs, les caractéristiques et les étapes du développement et de l'évolution de Khudi, et souligne son rôle dans la vie humaine41. En 1920, le Professeur Nicholson a traduit Asrâr-e Khudi en anglais, introduisant ainsi la philosophie de Khudi au monde littéraire occidental pendant la vie d'Iqbal.

4. Romûz-e bîkhudi (Les mystères du non-moi)

41 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité: une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 42

Genre : Poésie

Année de Publication: 1918

Langue : persan

Introduction : Iqbal développe dans ce recueil le rôle de la philosophie de Khudi au niveau communal. La Khudi individuel se transforme en bîkhudi lors « du fusionnement de Khudi d'un individu en Khudi de toute la nation »42. L'homme ne peut pas vraiment réaliser son « soi » hors de la société.43

5. Payâm-e mashriq (Le message de l'orient)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1923

Langue : persan

Introduction : Iqbal a rédigé ce recueil comme réponse au West-Ostlicher Diwan du philosophe allemand, Goethe, qui déplorait le matérialisme de l'occident, et attendait de l'orient un message d'espoir qui ressusciterait les valeurs spirituelles.44 Iqbal constate que l'objet de son « message de l'orient» est « de souligner certaines vérités morales, religieuses et nationales en relation avec l'éducation spirituelle des individus et des peuples. »45. Il visait une renaissance islamique qui ferait table rase de l'impact négatif des moeurs modernes et provoquerait une révolution universelle sociale et intellectuelle. Son inspiration multilingue est bien évidente ; pour illustrer ses arguments : « [...] il compose des dialogues entre Byron et Browning, Rûmi et Ghalib au paradis, discute les philosophies de Locke, Kant, Nietzsche, Schopenhauer, Hegel, Tolstoï, Karl Marx et Bergson, et montre Goethe recevant des compliments sur Faust de la part de Rûmi. »46

6. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1924

Langue: ourdou

42 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité: une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

43 Khudi.pk. Allama Iqbal: An Introduction to the works ofIqbal (Allama Iqbal: Une introduction aux oeuvres d'Iqbal) Date d'accès : 31-12-2013 de http://khudi.pk/

URL: http://khudi.pk/allama-iqbal/allama-iqbal-an-introduction-to-the-works-of-iqbal/

44 Ibid.

45 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité: une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

46 Ibid.

Hibah Shabkhez 43

Introduction : L'emploi des symboles, des métaphores, et des images personnifiées est bien fréquent dans tout ce recueil, qui était le premier recueil d'Iqbal en ourdou. Le titre « l'appel de la cloche » réfère à lui-même. Il symbolise son rôle par l'appel de la cloche qui réveille les pèlerins endormis afin de les diriger vers le but, vers le centre de la foi islamique - la Ka'ba à la Mecque. Le recueil se divise chronologiquement en trois parties : les poèmes écrits avant 1905, les poèmes entre écrits pendant son séjour en Europe 1905 et 1908, et les poèmes écrits après son retour en Inde en 1908.47 Les thèmes de la dernière partie anticipent ceux d'Asrâr-e Khudi.

7. Zabûr-e ajam (Les psaumes persans)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1927

Langue : persan

Introduction: Ce recueil, qu'Iqbal estimait le plus parmi ses productions littéraires, manifeste selon Arberry le « talent extraordinaire » du poète « pour le plus délicat et le plus charmant style persan, le ghazal. »48 Il commence avec les thèmes soufis, puis critique la politique contemporaine de l'orient et de l'occident, en faisant allusion au communisme, au marxisme, à la démocratie, et présente comme panacée compréhensive pour tous les maux du monde la philosophie de Khudi. Les poèmes de la première section s'adressent à Dieu et la deuxième section s'adresse à l'humanité. Les deux autres sections sont composées de deux longs poèmes (mathnavi49). Gulshan-e râz-e jadîd, le plus célèbre, « traite les thèmes soufis ... dans une forme interrogative suivie de sa réponse »50 dans un style emprunté de Mahmud Shabistari.

8. The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1930

47 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité.
· une étude comparative
, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

48 Schimmel, A. Gabriel's Wing, A Study into the Religious Ideas of Sir Muhammad Iqbal, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 1963, 4è éd. 2003, p. 49.

49 Forme poétique persane où les deux hémistiches de chaque distique riment entre eux, la rime changeant à chaque distique. [Cf. Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité .
· une étude comparative
, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.]

50 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité .
· une étude comparative
, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 44

Langue : persan

Introduction : C'est le recueil des discours d'Iqbal qui traite entre autres des thématiques de « la connaissance et l'expérience religieuse », « la conception de Dieu et la signifiance de la prière », « l'égo humain » et « le principe du mouvement en Islam »51. La réflexion philosophique d'Iqbal prend son inspiration de la philosophie occidentale ainsi que de la philosophie orientale.

9. Jâvid name (Le livre de l'éternité)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1932

Langue : persan

Introduction: Iqbal modèle cette oeuvre dans la tradition d'Ibn-Arabi, de Marri et de Dante52. Selon Saléha Nazeer, « La structure de cette drame poétique paraît être plus voisin, mais loin d'être identique, au voyage nocturne du Prophète, lors de son ascension aux cieux et dans l'au-delà. »53 Iqbal se déguise en « Zinda Rûd » (une source pleine de vie). Guidé par son maitre spirituel Rumi, il croise pendant son voyage des personnalités historiques appartenant aux différentes régions, religions et doctrines. C'est une étude « à la fois littéraire, historique, sociologique, anthropologique et symbolique »54 qui exploite le thème de l'ascension spirituelle de l'homme et relève des critiques sur la civilisation occidentale et les systèmes socio-économiques et politiques contemporaines. Le poème est considéré un chef d'oeuvre de la littérature moderne, et il s'est fait traduire en italien ainsi qu'en anglais.55

10. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1935

Langue: ourdou

Introduction : Poésie lyrique et mélodique caractérisée par une expression forte et directe, elle

consiste d'un mélange de thèmes philosophiques.56 La décadence de la communauté

51 Khudi.pk. Allama Iqbal: An Introduction to the works of Iqbal (Allama Iqbal: Une introduction aux oeuvres d'Iqbal) Date d'accès : 31-12-2013 de http://khudi.pk/

URL: http://khudi.pk/allama-iqbal/allama-iqbal-an-introduction-to-the-works-of-iqbal/

52 Ibid.

53 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

54 Ibid.

55 Ibid.

56 Ibid.

Hibah Shabkhez 45

musulmane, la renaissance islamique espérée et le rôle de Khudi dans cette renaissance sont réitérés, ainsi que d'autres thèmes métaphysiques, mystiques, historiques et liés à la politique contemporaine. Au sein du dialogue entre Lénine et Dieu établie par la trilogie des poèmes, Iqbal trace l'histoire sociale et les mouvements politiques qui gouvernent le monde.

11. Pas tche bâyad kard ay aqwâm-e sharq (Que faut-il donc faire, ô peuples d'orient?)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1936

Langue : persan

Introduction : L'occident, devenu un monde matérialiste sans valeur spirituelle, menace le « monde de grandes religions et civilisations »57 qui est l'orient. Dans ce mathnavi58 Iqbal souligne l'importance de la lutte entre l'occident qui envahisse et l'orient qui doit « se réveiller de ses sommeils »59 et réagir pour préserver son intégralité et son identité.

12. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1936

Langue: ourdou

Introduction : Sous-titré comme « une lutte contre l'époque contemporaine », cette oeuvre critique l'impérialisme occidentale et « présente l'image actuelle de la politique sociale et fait de l'islam la seule solution possible pour sauver cette humanité »60 Les sujets principaux du livre sont l'islam et les musulmans dans le monde contemporain, l'éducation, les femmes, la littérature et les beaux-arts, et les politiques de l'orient et de l'occident.

13. Armaghân-e Hijâz (Le cadeau de l'Hijâz)

Genre : Poésie

Année de Publication: 1938 (posthume)

57 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

58 Forme poétique persane où les deux hémistiches de chaque distique riment entre eux, la rime changeant à chaque distique. [Cf. Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.]

59 Khudi.pk. Allama Iqbal: An Introduction to the works ofIqbal (Allama Iqbal: Une introduction aux oeuvres d'Iqbal) Date d'accès : 31-12-2013 de http://khudi.pk/

URL: http://khudi.pk/allama-iqbal/allama-iqbal-an-introduction-to-the-works-of-iqbal/

60 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité: une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 46

Langues : ourdou et persan

Introduction : C'est le seul recueil bilingue d'Iqbal, qui était toujours inachevé lorsqu'il est mort en 1938. Iqbal a entrepris la rédaction d'Armaghân-e Hijâz avec l'intention de le prendre comme un cadeau avec lui à Hijâz, la région arabe qui regroupe ici les deux villes saintes des musulmans : la Mecque et la Médine61 et de l'offrir ensuite au retour de son pèlerinage comme un cadeau à ses concitoyens indiens. La première partie se constitue de quatrains en persan, le deuxième des poèmes et des épigrammes en ourdou. La mort, la réalité de la vie, la critique des vices sociaux, l'injustice, l'oppression et l'esclavage physique et intellectuel, et l'amour du Prophète sont les principales préoccupations thématiques. Au niveau stylistique, on remarque « une expression plus retirée, introspective et personnelle »62.

61 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité: une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

62 Ibid.

Hibah Shabkhez 47

1.4 L'image globale d'Iqbal

L'image d'Iqbal et les interprétations de sa poésie et sa pensée varient radicalement d'un public à l'autre. Un poète, écrivain, philosophe, linguiste, juriste, critique et visionnaire politique, Iqbal est une « puissance intellectuelle » qui présente un vrai défi à toute tentative de catégorisation.

On ne saurait guère séparer que bien arbitrairement sa poésie de sa philosophie, ou sa philosophie de son engagement politique ; ses thèmes et ses idées sont à la fois universels et visés à un lectorat bien spécifique, son expression est multilingue et accessible au tout public.

Toute analyse des différentes façons dans lesquelles on conçoit la pensée d'Iqbal devient subséquemment une analyse implicitement comparée aux niveaux de langue et culture, voire

au plan civilisationnel. Selon John A. Haywood:

... some see him as the latest in a long line of distinguished Islamic philosophers, others see him as a link between the philosophical schools of East and West -- or even as an Eastern interpreter of modern Western science and technology.63

[...] quelques-uns le regardent comme le dernier dans une longue série de philosophes islamiques distingués, les autres comme un lien entre les écoles philosophiques de l'orient et de l'occident - ou même comme un interprète oriental de la science et technologie occidentale moderne.

Ce qui est vraiment unique, c'est la diversité des points de vue parmi les rangs de chaque groupe. L'oeuvre vaste et riche d'Iqbal explique à quelque mesure cette diversité, mais l'appropriation et l'interprétation injustifiable des idées d'Iqbal n'est que trop fréquente,

comme le souligne Fazlur Rahman:

[...] Iqbal has been subjected to the greatest amount of posthumous tyranny of interpretation at the expense of a genuine understanding. His support has thus been claimed by the advocates of a whole spectrum ofpossible opinions ranging from naked Communism to crass conservatism ... 64 Iqbal a été soumis à la plus grande tyrannie posthume d'interprétation aux dépens d'une compréhension génuine. Son appui est réclamé par les avocats de toute une gamme d'opinions possibles, du communisme ouvert au conservatisme cru...

63 Haywood, J. A. (Avril 1968) « The Wisdom Of Muhammad Iqbal » (La sagesse de Muhammad Iqbal). (B. A. Dar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 09, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr68/3.htm]

64 Rahman, F. (Décembre 1963) « Iqbâl's Idea Of The Muslim » (L'idée du musulman chez Iqbal) Islamic Studies, 02, (4), Islamabad, Islamic Research Institute, International Islamic University, p. 439-445. date d'accès : 23-01-2014, [URL: http://www.jstor.org/stable/20832711.]

Hibah Shabkhez 48

Au Pakistan, c'est le rôle politique et historique d'Iqbal qui domine son image. Il a été nommé le poète national de ce pays, qui s'associe avec reconnaissance et fierté à la vision qu'il leur a présenté en 193065. Ses oeuvres poétiques, surtout ces recueils en ourdou,

connaissent toujours une grande popularité. Selon Dr David Mathews:

... the modern history of the subcontinent can hardly be written without some mention of his contribution ... his work will always form one of the most important chapters in the history of Urdu literature.66

[...] l'histoire moderne du sous continent ne pourrait guère être écrite sans quelque mention de sa contribution [...] son oeuvre serait toujours un des chapitres les plus importants dans l'histoire de la littérature ourdou.

Or, la majorité de critiques ne restreindront point leur vision d'Iqbal au niveau national ; ils lui accordent une relevance beaucoup plus universelle, l'appelant « le poète de l'orient »67 et « le poète d'Islam ». « Le missionnaire triomphant, le haut prêtre de l'humanité »68 avait pour mission, selon cette perspective, de jouer un rôle « réparateur »'69 à l'égard de la pensée musulmane.

Il a su emprunter les meilleurs éléments de la philosophie occidentale et les mélanger avec la tradition philosophique et religieuse musulmane, afin de revitaliser et reconstruire la pensée philosophique musulmane. Iqbal avait encouragé lui-même cette idée dans une lettre à Nicholson, il a écrit:

I claim that the philosophy of the Asrar is a direct development of the experience and speculation of old Muslim Sufis and thinkers ... it is only a statement of the old in the light of the new. 70

65 Latif, A. S. Speeches, Writings, and Statements of Iqbal, compile et éd. Lahore, Iqbal Academy, 1944, 2nd ed. 1977, pp. 3-26.

66 Mathews, D. (Octobre, 2004) « The Universal Appeal ofIqbal's Verse » ( L'attrait massif de la poésie d'Iqbal). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 45 (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct04/04.htm]

67 Durrani, S. A. (Octobre 1990) « Iqbal's Life and Work» (La vie et l'oeuvre d'Iqbal). (W. Quraishi, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 31, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 3112-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct90/6.htm]

68 Khan, A. S. (June 2007) « Gabriel's Wing: Dr. Annemarie Schimmel's Masterpiece on Iqbal » (L'aile de Gabriel : Le chef d'oeuvre de Dr. Annemarie Schimmel sur Iqbal).

Date d'accès: 07-11-2013, [URL: http://www.pakistanlink.com/Opinion/2007/June07/22/05.htm]

69 Adams, N. (Octobre, 2008) « Iqbal and the Western Philosophers » (Iqbal et les philosophes occidentaux). (M. S. Umar & B. B. Koshul, éd.) Iqbal Review : Muhammad Iqbal A Contemporary, 49, (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct08/6.htm]

70 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p.205-206

Hibah Shabkhez 49

Je constate que la philosophie de l'Asrar est un développement direct de l'expérience et de la spéculation des anciens penseurs et soufis musulmans ... ce n'est qu'une reformulation du vieux à la lumière du nouveau.

Cependant, pour les penseurs occidentaux modernes, tels que Nicholas Adams et John

Haywood, les poésies d'Iqbal sont:

... hikma, wisdom, in the highest sense of the word ... not wisdom only to Muslims, or to Orientals, but to men of every creed and race. This is one of Iqbal's great achievements -- that he bridged the gap between East and West, and gave utterance to the common ground in the great religious and philosophical systems of the world. 71

... Hikma, sagesse, dans le sens le plus élevé du mot ... pas une sagesse confinée aux musulmans, ou aux orientaux, mais pour les hommes de toute croyance et toute race. Cela c'est une de ses grands accomplissements - qu'il a comblé le vide entre l'orient et l'occident, et il a articulé les points communs entre les grands systèmes religieux et philosophiques du monde.

71 Haywood, J. A. (Avril 1968) « The Wisdom Of Muhammad Iqbal » (La sagesse de Muhammad Iqbal). (B. A. Dar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 09, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr68/3.htm]

Hibah Shabkhez 50

2. KHUDI - LA

PHILOSOPHIE

DU SOI

Hibah Shabkhez 51

2.1 Pourquoi aborder l'expression d'Iqbal avec sa
philosophie de Khudi

La poésie et la philosophie d'Iqbal sont d'une complexité immense et parfois déroutante. Il traite une variété de thèmes : entre autres, le déclin et la décadence des musulmans, les problèmes sociaux, les cultures orientales et occidentales, la liberté et l'esclavage ; « l'intuition et la raison, l'éducation et la science, la foi religieuse, l'amour divin, l'islam comme une religion et comme une civilisation, les thèmes coraniques et le message prophétique »1. Les différents systèmes de pensée des personnages historiques, des savants et des philosophes sont commentés et la modernité occidentale est critiquée en comparaison avec les valeurs spirituelles anciennes de l'Orient.

Le lecteur qui essaie d'en déduire le système de pensée d'Iqbal n'arrive souvent qu'aux conclusions réellement ou partiellement fausses. Pour Fazlur Rahman:

... The difficult task of constructive interpretation is precisely to locate or formulate its central theme so that this whole exposition becomes uniform and intelligible. Otherwise it does and has appeared to people not only mutually inconsistent but downright contradictory.2

[...] la tache difficile dans l'interprétation constructive c'est précisément d'identifier ou formuler son thème central pour que toute cette exposition devient uniforme et intelligible. Autrement, il apparait aux gens non seulement mutuellement inconsistant mais catégoriquement contradictoires.

Ce thème central, ce « mot clé », ce point de convergence qui éclaircit toute les thématiques, idées, propos et critiques d'Iqbal, c'est justement ce que c'est sa philosophie de Khudi.3 Selon

Saléha Nazeer :

Qu'il soutienne l'importance de l'amour, ou de la foi religieuse, qu'il souligne l'exigence du désir et la valeur de la liberté, tout est marqué avec la base fondamentale du pouvoir de Khudi - cette force intérieure dont dépend la progression sociale et l'évolution spirituelle de l'homme.4

1 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

2 Rahman, F. (Décembre 1963) « Iqbâl's Idea Of The Muslim» (L'idée du musulman chez Iqbal) Islamic Studies, 02, (4), Islamabad, Islamic Research Institute, International Islamic University, p. 439-445. date d'accès : 23-01-2014, [URL: http://www.jstor.org/stable/20832711.]

3 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

4 Ibid.

Rafiuddin insiste sur la position centrale qu'occupe la philosophie de Khudi : « Tout ce qu'Iqbal a présenté en tant que penseur a ses racines dans un seul concept, » constate-t-

il « qu'il appelle Khudi ou le `Soi' »5 :

All the philosophical ideas of Iqbal are derived from, and rationally and scientifically related to, this one concept, the concept of 'Self'. This means not only that all his ideas are rationally and intellectually inter-related but also that they constitute a system of thought, each concept whereof is intellectually supported and strengthened by the rest. Therefore, obviously enough, we cannot appreciate any single idea of Iqbal unless and until we have a full appreciation of the concept of 'Self' which is the central idea of his system of thought.6

Toutes les idées philosophiques d'Iqbal sont dérivées de, et rationnellement et scientifiquement liées à ce unique concept, le concept du `Soi'. Cela signifie non seulement que toutes ses idées sont rationnellement et intellectuellement soutenues et fortifiées par les restes. Donc, évidemment, nous ne pouvons pas apprécier une idée d'Iqbal isolée sans avoir une compréhension profonde du concept du `Soi' qui est l'idée centrale de son système de pensée.

Nous allons aborder donc la pensée et l'expression d'Iqbal en commencent avec un aperçu de cette philosophie de Khudi, dont la compréhension est si cruciale pour pouvoir comprendre son oeuvre.

Hibah Shabkhez 52

5 Rafiuddin, M. (Octobre 1961) « The Philosophy ofIqbal, its Nature and Importance» (La philosophie d'Iqbal, sa nature et son importance). (M. Rafiuddin, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 02, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct61/8.htm]

6 Ibid.

Hibah Shabkhez 53

2.2 L'origine et le choix du mot « Khudi »

L'idée de l'être comme une existence qui englobe l'esprit et le corps mais se distingue nettement de l'un et de l'autre, qui va au-delà de deux, mais reste indépendant de toute qualification éthique s'exprime pas facilement en ourdou ou en persan. D'après S. Ataur Rahim, le Soi se distingue du corps et de l'esprit par sa capacité d'agir:

[...] in what sense can we say that the self is distinct and separate from body and mind? ... `I' or `self' ... is capable of both physical and mental acts and is better known as a `person.7

[...] dans quel sens peut-on dire que le soi est distinct and séparé du corps et de l'esprit?... `Le je' ou `le soi' ... est capable des actions physiques aussi que mentales et il est mieux connu comme une `personne'

Dans The Reconstruction of Religious Thought in Islam Iqbal explique son idée d'une « vrai personnalité » comme un « acte plutôt qu'une chose »8. Mais le « mot sans couleur pour le soi, l'égo, n'ayant aucune signifiance éthique »9 qu'il cherchait n'existait pas, et il a du choisir bon gré mal gré un mot moins neutre ; il a choisit Khudi, pour les raisons qu'il explique en détaille :

The word Khudi was chosen with great difficulty and most reluctantly. From a literary point of view it has many shortcomings and ethically it is generally used in a bad sense, both in Urdu and in Persian... What is needed is a colourless world for self, ego, having no ethical significance. As far as I know there is no such word in either Urdu or Persian ... considering the requirements of verse, I thought that the word Khudi was the most suitable. There is also some evidence in the Persian language of the use ofKhudi in the simple sense of self, i.e. to say the simple fact ofI.10 Le mot Khudi a été choisi avec beaucoup de difficulté et de réluctance. D'un point de vue littéraire, il a plusieurs défauts, et il s'utilise éthiquement dans un mauvais sens, en ourdou comme en persan... Ce qu'il faut, c'est un mot sans couleur pour le soi, l'égo, qui n'a aucune signification éthique. À ma connaissance, un tel mot n'existe ni en ourdou ni en persan... en considérant les exigences de la poésie, j'ai pensé que le mot Khudi était le plus approprié. Il y a aussi quelques indices dans la langue persane pour l'utilisation du Khudi dans le sens simple du soi, c'est-dire pour dire le simple fait du Je.

7 Rahim, S.A. (Avril 1987) « The Self» (Le Soi ). (M. Munawwar, éd.) Iqbal Review, 28, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr87/5.htm]

8 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 125.

9 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 211

10 Ibid. p.211

Hibah Shabkhez 54

Ce renouvellement du mot Khudi qui a permis en ourdou et en en persan l'expression d'une nouvelle idée a été accueilli avec enthousiasme dans les traditions littéraires et philosophiques associées aux deux langues. Or, le bagage traditionnel du mot a crée parfois les malentendus, et Iqbal a été accusé de vouloir propager « des idées rustres de l'arrogance personnelle »11

Dans les littératures classiques persanes et ourdoues le terme « Khudi » n'est employé qu'au sens péjoratif chez les grands poètes. Par exemple, Roumi parle de « trancher la tête de Khudi avec une épée » ; pour lui, l'homme idéal est le derviche « sans ego »12 Erâqi déclare qu'il faut « renoncer » la Khudi pour atteindre au but13. Pour Sauda, c'est une « prison », une « piège » d'où il n'arrive pas à sortir14. Akbar préconise l'effacement « de la couleur de Khudi dans la couleur de l'Unicité » pour se « prouver digne de confiance »15. « Khudi » dans ce sens négatif est conçue comme la vanité, l'arrogance, l'égotisme, l'égoïsme.16 Dans les écrits d'Iqbal, cependant, s'introduise une nouvelle connotation positive du mot, pour exprimer, d'après Iqbal : « self-reliance, self-confidence, self-preservation, even self-assertion »17. Autrement dit, chez Iqbal le mot « Khudi » signifie « le respect du soi, la confiance en soi, et l'instinct de conservation du soi et de l'indépendance du soi »18.

11 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

12 Ibid

13 Ibid

14 Ibid

15 Ibid

16 Ibid

17 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p.212

18 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 55

2.3 Le concept de Khudi

« Toute forme de vie, » constate Iqbal « est individuelle ; la vie universelle n'existe pas... Dieu Lui-même est un individu : il est l'individu le plus unique. »19 Donc l'objet de l'existence de l'être individuel, de la Khudi, de « l'ego » ou du « soi », c'est de se compléter, se perfectionner, se faire unique, en se rapprochant à Dieu. La vie de Khudi devient un « mouvement progressif assimilatif »20 dont l'essence est « la création continuelle des idéaux et de désirs ». Pour Iqbal, la Khudi est un dévoilement graduel de la vraie potentielle de l'homme, qui reste jusqu'au présent inachevée :

ãÏ ÏáÇæ ·íã ÿÏÑ ÿÀ Ê íÈæ

ÿÀ ·íÀäæÑÇÔ íÏÇÎ í ?Ó21

Le fils d'Adam est en voile jusqu'au présent ;
La «Khudi » de personne n'est pas « dévoilé ».22

Iqbal fait de Khudi le mot clé de sa poésie, ce mot qui désigne pour Laeeq Babree « la

conscience de soi qui amène l'homme à la connaissance de Dieu ».23 M.A.K. Khalil discerne

quatre « composantes » du concept iqbalien de la Khudi :

- Connaissance de la supériorité de l'homme et de ses pouvoirs spirituels

- Compréhension des valeurs de l'intellect et de l'amour

- Compréhension de la controverse entre les valeurs de `bien et mal'

- Compréhension du désir humain pour la vie éternelle24

Iqbal se fait le « son de cloche »25 qui dévoile le secret inestimable de la Khudi pour l'homme. Il se présente comme un Qalandar, « celui qui renonce à ce monde et consacre sa vie à un culte, même dépasse des limites de religion, en raison de l'adoration forte pour Dieu »26.

19 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 194

20 Ibid., p. 195

21 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 605.

22 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 69.

23 Ibid., p. 8.

24 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

25 Iqbal a appelé son premier recueil de poèmes en ourdou « Bâng-e darâ (L'appel de la cloche), et il y utilise ce symbole pour connoter sa poésie [Cf. Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 186]

26 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 30.

Hibah Shabkhez 56

Dans un poème intitulé Iqbal, le poète déclare le culte auquel il se dédie en tant que Qalandar :

ÔÇ íÏÇÎ ÒæÑ Çí ÿä ÑÏäáÞ ÏÑã æ!27

Un Qalandar a divulgué le secret de Khudi !

Il indique sa poésie, en particulier ses ghazals, comme la dépositaire de ce secret désormais entièrement révélé :

Êê ÔÇ æÑ íÏÇÎ áæÇÍæ áÇÈÞæ áÒÛ ÑÏ28

Iqbal a divulgué les secrets de Khudi dans son ghazal

íÏÇÎ ÒæÑ Òæ ÀÏÑ ãÊÑê ÑÈ

íÏÇÎ ÒÇÌÚæ ÑÑÓ ãÏÇãä æÇ29

J'ai enlevé le rideau des secrets de Khudi
Et j'ai révélé entièrement ses merveilles

La « mélodie permise » de Khudi, qui peut purifier et exalter l'homme, attend toujours un chanteur digne d'elle, dont « l'ouverture de coeur » soit éternelle :

áÏ ÿÓ

ÑíÒ Ç

ãÈ

ÿ

íäÛã ÿÀÇÊÇÌ ÇÊ á

ÏÇÔ

í áÏ

Çí

ÇÊ

ÀÏäÆÇ Ç ÀÏäÒ ÇÀÑ Àä

!

æÇä ÀÇ ·ÇÀä

·íã áæ ?äíÓ íÈæ ÿÀ

 

ÏÇÌÇÇ·ÇÑÇÊÓ?ÇÌáêÿÓíãÑêí ÓÌ
Ç ÿÓ ÇÎ Ç ãÛ ÇÀ ãÏ ÿÓ ÑíËÇÊ í ÓÌ30
ÿÀÑ Àä íÞÇÈ ÀÏ ÊÑíÍ Àí Ç ãÌäæ Ç Àã
ÏÇÌÇãá ÀãÒãÒ æÑÊ ÑÇæ ÿÀÑ ÇÊ
íÏÇÎ äÇÀíÞ ·íÀ ÿÊÌãÓ ÚÇÑÔã Ç ÓÌ

ÏÇÑÓ ÀÇ Ê íÈæ Ç ÈÑØã íÓÿÀÑÙÊäã !31

Le coeur s'ouvre avec les hauts et les bas du chanteur

27 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 630.

28 Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 968.

29 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 30.

30 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 636.

31 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 637

Hibah Shabkhez 57

Mais inutile est cette ouverture de coeur,
Si elle n'est pas éternelle.
Dans la poitrine du ciel est cachée encore cette voix unique,
Dont l'ardeur peut faire fondre le corps des étoiles.
Ce qui peut purifier Adam des souillures de tristesse et d'effroi
En que sortant de l'esclavage soit née la royauté suprême.
Qu'il n'existe plus ce monde de miracles de la lune et des étoiles
Qu'il n'existe que toi et la mélodie de « la maujoud »32
La mélodie attend un tel chanteur
Qui est permis par les juristes de `Khudi'33

La Khudi peut mener l'homme à la réussite absolue, au « feu qui brule tout », mais cela exige une formation spécialisée et rigoureuse :

ÇÞÇã ÿÀ À

ÊíÈÑÊ

Ç ÔÑÇÑ

í íÏÇÎ

ÒÇÓ ÀãÀ ÔÊÂ

ÇÀ

æÏí

·íã ÇÎ

ÊÔã À34

·íã

ÿäÇãÒ

æ

ÑÀ

íãíá ÑÑÓ

ÿÀ íÀí

ÒÇÑ Ç

ÈÔ íäÇÈÔ

Ç ÈíÚÔ Ç ÊÔÏ ?æÇÀ!35

Cela dépend de la formation de la `Khudi' qu'il soit né
Dans la poignée de la poussière le feu qui brule tout.
C'est le secret de Moise valable pour chaque époque
Le vent du désert, le prophète Shoaib, la bergerie du matin au soir.36

32 La formule des soufis qu'il n'existe rien dans l'univers sauf Dieu (Cf. Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 83)

33 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 83.

34 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 588.

35 Ibid. p. 589

36 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 52.

Hibah Shabkhez 58

2.4 La Formation de Khudi

Le principe, c'est de se rendre compte de ses propre potentialités, de reconnaitre sa valeur et d'agir pour une expansion spirituelle « vers l'unique »37, en suivant les trois étapes de développement tracés par Iqbal dans Asrar-e-Khudi :

Ç Óä ØÈÖ æÑ ãÇÏ ?áÍÑã Ç ÊÚÇØæ æÑ áÑÇæ ?áÍÑã ÊÓæ áÍæÑã ÀÓ æÑ íÏÇÎ ÊíÈÑÊ

Ïäæ ÀÏíãÇä íÀáæ ÊÈÇíä æÑ ãÇÓ ?áÍÑã38

La formation de Khudi a trois étapes, dont la première est l'obédience, la deuxième la maitrise du
soi, et la troisième la vice-régence de Dieu.

1 . 411c 111 Obéir à la loi divine:

Se soumettre entièrement à la loi divine rend l'être digne et puissant, capable de vaincre et « assimiler »39 toute résistance, parce qu'une foi absolue en Dieu libère l'homme de la peur, l'obstacle principale qui empêche son progrès moral40. La douleur, le péché, et les souffrances ne pourrons pas le détourner, s'il arrive à se sauver de cette peur, « dont il est victime faute de son ignorance de la vraie nature de son environnement et une manque de foi absolue en Dieu»41. Par contre, ne pas se soumettre à la loi, c'est adopter le chemin de la négation et l'autodestruction :

ÏÇÔ Ó

íÑíÐ

äÇãÑ

Òæ

ÓÇä

ÏÇÔ ÓÎ

äÇíÛØ

Ò ÏÔÇÈ

Ñæ

ÔÊÂ42

L'être sans valeur se rend digne par l'obéissance,
Par la désobéissance, le feu se transforme en cendres.43

2 . cr1+ Maitrise du soi :

37 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 198

38 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 106.

39 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 194

40 Ibid.

41 Ibid. p. 30

42 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 108.

43 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 59

Chaque homme a une « âme charnelle » « le soi égoïste, égocentrique et obstiné »44 qu'il doit maitriser afin de gagner et de garder sa liberté. C'est une lutte contre la bassesse qui est en soi pour pouvoir réaliser la grandeur dont il est capable. Celui qui arrive à se maitriser, devient « une perle précieuse »45; en revanche, celui qui ne se gouverne pas se trouve esclave indigne. Ce n'est pas une voie facile à suivre, mais c'est la seule voie salvatrice :

ÊÓæ ÎáÊ ÿÓÈ íÏÇÎ ÈæÑÔ À äíæ ãÊÑê

Ô ·ÇãÑÏÈ ÇãÑÒ Ñêä ÔíÇÎ ÏÑÏÈ46

Le vin de Khudi est sans doute amer

Mais pense à ta maladie et prends mon poison pour ta santé

3 .íáÇ ÊÈÇíä Vice régence de Dieu :

Le vice régent de Dieu sur la terre est « le dernier fruit de l'arbre de l'humanité »47 qui réunit toutes les qualités idéales :

... The vice regent of God on earth... the completest ego, the goal of humanity, the acme of life in both mind and body... the highest power is united in him with the highest knowledge. In his life, thought and action, instinct and reason become one... all the trails of a painful evolution are justified because he is to come at the end. He is the real ruler of mankind; his kingdom is the kingdom of God on Earth...48

[...] le vice régent du Dieu sur la terre ... l'égo le plus complet, le but de l'humanité, l'apex de la vie du corps et de l'esprit ... la plus grande puissance se joint en lui avec la plus grande connaissance. Dans sa vie, pensée et action, instinct et raison se unissent ... toutes les épreuves d'une évolution pénible sont justifiées parce qu'il doit venir à la fin. Il est le vrai gouverneur de l'homme; son royaume est le royaume de Dieu sur terre...

Un individu - ou une nation - qui n'est pas soucieuse de sa Khudi échange un destin glorieux pour l'esclavage et l'humiliation. Les vrais seigneurs de la terre, les vice-régents dignes de leur Maitre, sont ceux qui connaissent l'importance foncière de la Khudi:

íÀÇê ÍÈÕ ÏÇÈ ÿÌã ÿÀ Æê ÿÏ ãÇí Àí

íÀÇÔÏÇ ãÇÞã ÿÀ Ç ·ÇÑÇÚ ÿ íÏÇÎ À

ÿÓíÓæ ÇÑÈ íÑÊ ÿÓ íÓæ íêÏäÒ íÑÊ

44 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

45 Symbole iqbalienne pour signifier la valeur que l'homme acquiert par de la formation de sa khudi

46 Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 938.

47 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 198

48 Ibid.

íÀÇíÓÇÑ ÇÊ íÀÑ Àä íÀÇÔ ÇÊ íÏÇÎ íÀÑ ÇÌ49

Le vent du matin m'a donné ce message
Que le statut de ceux qui connaissent la Khudi est la souveraineté
Ta vie dépend d'elle (la Khudi), ta gloire dépend d'elle
La royauté reste si la Khudi reste; sinon, il n'y a que l'humiliation

« L'homme idéal » est un prérequis pour la fondation de la société idéale. Au niveau collectif, c'est à « la production d'une race des individus plus ou moins uniques »50 auquel abouterait la philosophie de Khudi. À cette Khudi collective de la nation il donne le titre de bîkhudi, le fusionnement de la Khudi dans la nation qui la permet d'actualiser son expression la plus approfondie.51

íäæ íÑÀÇÞ ÿÀ íÊ ÑÙä ÈÌ Ç íÏÇÎ

íäÇØáÓ Ç ÓÌ ·íÀ ÿÊÀ ÿÀ ãÇÞã ?Àí52

Quant à la « Khudi » est révélée sa puissance,
C'est la station qu'on appelle la Royauté53

Hibah Shabkhez 60

49 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 377.

50 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal) Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p.198

51 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

52 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 544.

53 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 24.

et los buts:

- respect de soi - connaissance de soi

- confiance en soi - développement et croissance de soi

- indépendance de soi - expression de soi

étapes:

- obéir à la loi divine

- Illaitrise du soi

· vice régence de Dieu

modes d'opération

't )) ci d i - cd~nalllisllle

i

- aventure

les facteurs qui l'affaiblissent

- oisiveté

- deluaIlde

- esclavage

Hibah Shabkhez 61

les facteurs qui soutiennent son essor :

- désir et ambition

- amour

· action perpétuelle

· poursuite de buts

Hibah Shabkhez 62

2.5 Les éléments favorables et les éléments préjudiciaux
à l'essor de la Khudi

Pour Iqbal, la valeur d'un être se détermine en fonction de la puissance de sa Khudi. La fortification de la Khudi est en conséquence un de ses préoccupations majeurs et un motif récurrent de son oeuvre :

ÊÓæ íÏÇÎ ÑÇÒ Òæ ãáÇÚ ÊÇíÍ ·Çç
ÊÓæ íêÏäÒ íÑæÇÊÓæ ÑÏÞÈ Ó
ÏäÑÈÒæ íÏÇÎ ÑÍ ·Çç ÀÑØÞ
Ïä ÑÀÇê æÑ ÀíÇã ÿÈ íÊÓÀ 54

Puisque la vie de ce monde dépend de la force de la Khudi
La valeur de chaque vie varie selon la force de sa Khudi
Lorsqu'une goutte d'eau apprend par coeur la leçon de Khudi ,
De son existence sans valeur, elle fait une perle précieuse55.

Iqbal souligne les qualités à cultiver et les tendances à encourager pour parvenir à réaliser sa Khudi ; au même temps, il met son lecteur en garde contre les éléments qui affaiblissent la Khudi. Nous pouvons bien dire qu'Iqbal crée, dans une certaine manière, un code éthique à travers son oeuvre, pour « l'évolution de la personnalité »56. S.A. Vahid en résume ainsi les principes de base : « l'amour, le faqr57, le courage, la tolérance, le gagne-pain halal58 et la participation dans les activités originales et créatives ».59 Cette soumission aux principes qui promeuvent la « construction » de Khudi fait partie de son vrai destin :

ÊÓæ íÏÇÎ ÑíÏÞÊ ÀäÇê ·íæ äÊÓíÒ

54 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 44.

55 Nazeer, S. La critique Iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

56 Vahid, S. A. (Avril, 1973) «Iqbal - A Survey ofHis Work» (Iqbal - Un aperçu de son oeuvre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 14 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 17-08-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr73/6.htm]

57 La pauvreté volontaire que le prophète de l'Islam a pratiquée. (Cf. Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 21.)

58 Permis par la loi islamique

59 Vahid, S. A. (Avril, 1973) « Iqbal - A Survey of His Work » (Iqbal - Un aperçu de son oeuvre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 14 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 17-08-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr73/6.htm]

Hibah Shabkhez 63

ÊÓæ íÏÇÎ ÑíãÚÊ ÑíÏÞÊ ·íãÀ Òæ!60

Vivre ainsi, c'est le destin de la Khudi

Ce destin mène au développement de la Khudi

Pour fortifier la Khudi, l'amour sincère de Dieu et la dévotion habituelle sont des qualités essentielles à cultiver. Les « larmes de l'aube » que revendique Iqbal sont dues à l'ardeur de ce dévouement pieux :

áÔã íÏÇÎ ãíÇÞÊ íÀÇê ÑÍÓ Ôæ ÿÈ

ÇÌ ÑÇä ÿÀ ÑÊÔíÇÎ íäÇí ?áá Àí61

Sans les larmes de l'aube, il est difficile de fortifier la «Khudi»
Cette fleur flottante sied bien au bord de fleuve62

Quand la Khudi est renforcée par l'amour de Dieu, elle devient une puissance invulnérable et inépuisable. La force de la Khudi devient ainsi la force directrice du monde :

ÏÇÔ ãÍã íÏÇÎ ·Çç ÊÈÍã Òæ

ÏÇÔ ãáÇÚ ÀÏäÇãÑ ÔÊÑÇÞ63

Quand la Khudi est fortifiée par l'amour de Dieu
Sa puissance devient le souverain du monde

L'adversité ne saurait gagner aucune prépondérance sur l'ego fortifié par l'amour profonde de Dieu. Bien au contraire, le courage, la patience, et l'esprit de l'abnégation de soi qu'exigent les tribulations permettent l'ego de se rapprocher à Dieu, « l'Ego Ultime » ; et ainsi de se rapprocher à sa forme la plus parfaite :

Òæ ÇÀáÈ ÀÊÎ ÇÊ ÏÏÑê íÏÇÎ
ÇÊ æÏÎ æÑ ÀÏÑ ÑÏ ÏÏÑê íÏÇÎ
ÏÑã ÞÍ ·íÈ ÒÌ ÞÍÈ ÏäÑæÏÇÎ
á Àáæ íã Êê Ç ÑÏ ·ÇÎ íã ÏíÊ!64

60 Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1402.

61 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 685.

62 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p.118.

63 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 76.

64 Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1272.

Hibah Shabkhez 64

La Khudi est fortifiée, justement, par les difficultés
Jusqu'au point qu'elle dévoile le visage de Dieu
L'homme sage se soumet au scrutin en fonction de la Loi divine
Il dit « la ilah » et sacrifie sa vie dans la voie juste (de Dieu)

Le faqr, la pauvreté volontaire pratiquée par le prophète Mohammad (paix et salut sur lui) est indispensable pour la concrétisation de cette foi absolue en Dieu :

ÑÞ

Ò

ãÊÔê

ÑÔ

Ç ÑíÎ äæÏ

ÒæÑ

ÑÞ

Ò

ãÊÔê

ÑÙä

ÈÍÇÕ Ç

ÀÏäÒ

æÑ ÀæÑ ÏäæÏ À ÿÑÞ ·Â íäÚí
æÑ Ç íÏÇÎ ÑÇä ÒæÏäíÈ
áæ á ÏíÇÌ ÔíÇÎ äÇÑÏäæ
áæ á ÏíÇêÑíÔãÔ ÀÊ ÑÏ65

Le Faqr m'a appris les secrets du bien et du mal
Il a fait de moi un homme vif et visionnaire
C'est-à-dire le faqr qui est conscient du chemin
Qui regard Dieu avec la lumière de Khudi
Qui cherche « la ilah » à l'intérieur du soi
Qui dit « la ilah » même sous l'épée

Pour parvenir à ce niveau sublime de Khudi, il est nécessaire de se consacrer à cet idéal avec une dédicace absolue qui n'est point possible pour les faibles et des lâches.

·íÀ ÿÊ ÑÈæ Ñ·íÀÿÊÈÇè ·íã íÏÇÎ

·íÀä ÀÑÇ çíÀ ÏÑã ÀáÕÇÍ Àí Ñêã66

Ils s'immergent dans la Khudi, puis s'en sortirent
Or l'homme faible n'en aurait jamais le courage

Aussi bien que la foi et le courage, le savoir est un élément important pour la protection de la Khudi et de la vie de dignité :

ãáÚ Òæ äÇãÇÓ ÙÍ íêÏäÒ ÊÓæ

65 Iqbal, Muhammad. Pas tche bâyad kard ay aqwâm-e-sharq (Que faut-il donc faire, ô peuples d'Orient ?),1936, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1702.

66Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 376.

Hibah Shabkhez 65

ãáÚ Òæ ÈÇÈÓæ ãíÇÞÊ íÏÇÎ ÊÓæ67

Le savoir est un moyen de sauvegarder la vie,

Et c'est également un moyen parmi les moyens de fortifier la Khudi

Ce « savoir » peut se devoir en part à l'apprentissage formel ou à l'éducation institutionnalisée, mais il ne peut s'y borner. Le développement de Khudi demande un esprit d'aventure et d'exploration puisqu'elle se manifeste par la découverte des trésors inconnus.

ÇÌ ÑÒê ÿÓ ÇíäÏ í ÑÇæ ÇÊ ÿÀ Ê ÑÌ

ÿÑíÒÌ ÀÏíÔÇ íÈæ ·íã íÏÇÎ ÑÍÈ ·íÀ

ÑæÑÓæ

ÿ

ÔÇãÇÎ ãÒáÞ

Óæ ·íÀä

ÿÊá

ÿÑíç Àä

ÿÓ

íãíá ÈÑÖ

ÿÓæ ÇÊ

Ê ÈÌ68

Si tu as le courage, transcende le monde de la pensée
L'océan de Khudi a toujours les iles cachées
Les secrets de cet océan silencieux ne se révèlent pas
Si tu ne le découpes pas avec le coup de Moise

L'action est donc un prérequis pour le développement. Pour Iqbal, la stagnation égale la mort du soi. Pour révéler et élever la stature de sa Khudi, Iqbal conseil le dynamisme : il est impératif d'agir sans cesse :

Ñ

ÑÈæ ÌÇã áËã

ÿÓ

ÇíÑÏ

íÈ

Ñ

ÑÊæ ·íã ÿäíÓ

ÿ

ÇíÑÏ

íÈ

Ñ ÑÒê ÿÓ áÍÇÓ ÿ ÇíÑÏ íÈ

ÑÑÊ ÔÇ Ç íÏÇÎ íäæ ãÇÞã69

Tantôt sort du fleuve comme une vague Tantôt te plonge dans le coeur du fleuve

Tantôt passe par le bord du fleuve

Et révèle la supériorité de ta Khudi

67 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 56.

68 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 497.

69 Iqbal, M. Armqghân-e Hijâz (Le cadeau du Hijaz) 1938; section ourdou (2e partie de l'oeuvre est en ourdou) ; en Kolliyât-e Iqbâl Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 735.

Hibah Shabkhez 66

L'activité créative est un composant fondamental du dynamisme qui raffermit la Khudi, et il n'y a rien de plus dangereux pour la Khudi que l'esclavage idéologique. L'exploitation de la Khudi fournit un moyen d'éviter cet abaissement indigne :

ÆæÏê í áíÎÊ Ç ÑÇæ ÿ ÑÇíÛæ!

ÆÇÓÑ íÈ Ê íÏÇÎ íäæ ·íÀä Ç ÌÊ Çí !70

Pourquoi mendier l'imagination et les pensées de l'étranger ?
N'as-tu pas accès à ta propre « Khudi » ?71

Iqbal exige l'originalité et l'innovation au lieu de l'imitation des autres. La « perle » unique de Khudi, si elle est protégée et valorisée comme il faut, ouvrira les possibilités infiniment plus riches :

Ç íÏÇÎ íäæ Ñ Àä ÀÑÇÇä ÿÓÏíáÞÊ

ÀäÇêí ÿÀ ÑÀÇê Àí À ÊÙÇÍ í Óæ Ñ72

Ne rend pas vaine ta « Khudi » par le conformisme
Protège-la, car c'est une perle unique.73

Comme l'esclavage, la demande affaiblit la Khudi. Tout ce qui est gagné par son propre effort est digne de la Khudi, et contribue à sa gloire ; tout ce qui est « mendié » ou acquis sans effort est nuisible au développement de la Khudi :

Òæ áæÇÓ ÀÊÔ ?æÒÌæ íÏÇÎ

ÿÈ íáÌÊ áÎä ÿÇäíÓ íÏÇÎ74

La demande disperse les composantes de la Khudi

L'arbre de Khudi dans le désert de Sinaï est dépourvu de la lumière

L'oisiveté et l'oubli sont surtout à craindre. Il est facile, surtout pour un peuple dépourvu et esclave (comme les musulmans de l'inde au vingtième siècle), de se laisser errer dans le désespoir. En revanche, la prospérité entraine le risque de complaisance et de l'orgueil funeste. Donc Iqbal met l'accent sur le besoin d'une vigilance assidue :

70 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 634.

71 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 82.

72 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 679.

73 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 112.

74 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 70.

Hibah Shabkhez 67

áÇÛ Àä ÇÀ íÏÇÎ ÿÓ Ñ íäæ íäÇÈÓÇ

ÏíÇÔ íÓ ãÑÍ Ç ÇÊ íÈ ÿÀ ÀäÇÊÓÂ75

Ne néglige pas ton Khudi, surveille toi-même

Peut-être que toi aussi tu es la colonne de quelque mosquée sacrée

La Khudi, selon la philosophie d'Iqbal, est cachée comme une perle dans chaque être humain; Or, la découverte et l'essor de cette individualité potentielle exige un effort continue. En cultivant les éléments qui soutiennent l'essor de la Khudi et suppriment les influences funestes qui la menacent, on peut espérer y parvenir. Iqbal reprend de ce fait le role de la Khudi comme la force déterminante de la vie et du destin de l'homme:

ÊÈÑ ÿÓ íÏÇÎ ÑÇÒ ÆæÑ

ÆæÑ ÿÓ íÏÇÎ ÚÖ ÊÈÑ76

Une graine devient une montagne grâce à la puissance de sa Khudi
Une montagne devient une graine en raison de la faiblesse de sa Khudi

75 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 384.

76 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 383.

Hibah Shabkhez 68

2.6 Le destin élevé de l'homme qui réalise sa Khudi

Iqbal revendique le développement de la Khudi comme le besoin et le devoir de chaque homme, mais quel destin envisage-t-il pour l'homme qui arrive à se façonner une

personnalité individuelle ? S. A. Vahid peint ainsi la vision d'Iqbal :

Fortification of personality enables the ego to conquer environment and space on the one hand and time on the other, and to approach the greatest Ego of all egos -- God, in His attributes, and thus produce `Superman', or as Iqbal terms it, Mard-i Momin.77

La fortification de la personnalité permet l'ego, à un coté, de vaincre ses alentours et son milieu, et à l'autre, de se rapprocher au Plus Grand de tous les egos, - Dieu, dans ses qualités, et ainsi de produire le « Super-homme» où, comme le désigne Iqbal, Mard-i Momin.

Le devoir et le destin du Mard-i Momin, c'est le plus élevé et le plus prestigieux du monde : il est le vice régent de Dieu sur terre, « une colonne » de la maison de Dieu et de la structure spirituelle et sociale de l'univers.

ÔíÇÎ Ñí ÑÏ ä ÑíãÚÊ íÏÇÎ

ÇÔ ãÑÍ ÑÇãÚã ãíÀæÑÈæ Çç78

Cultive la Khudi dans ton propre corps

Et devient comme (le prophète) Ibrahim un des bâtisseurs de la mosquée sacrée.

Mais que peut ce « Mard-i Momin » faire, qu'est-ce qui le distingue des autres ? C'est qu'il est maitre de son propre destin, car « la connaissance du soi » rend l'homme capable de vaincre et d'améliorer sa fortune, aussi mauvaise qu'elle semble. Qu'il soit esclave ou captif, le Mard-i Momin est toujours libre au coeur. Iqbal utilise le prophète Yousef comme un symbole de la puissance conférée par la réalisation de la Khudi :

ÑÏ íÏÇÎ ä ÊÑÇÕ ÓÇí ãÇÞã

íÑíÓæÒæ ÇÊ íÀÇÔäÀÔ ãæÒÍ79

Prends connaissance de ta propre Khudi, comme Yousef
Pour que tu peux monter de l'esclavage jusqu'à la souveraineté

77 Vahid, S. A. (Avril, 1973) « Iqbal - A Survey ofHis Work» (Iqbal - Un aperçu de son oeuvre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 14 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr73/6.htm]

78 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 56.

79 Ibid. p. 132.

Hibah Shabkhez 69

Pour l'homme, alors, retrouver et se tenir à sa Khudi assure la réussite temporelle et spirituelle, le bonheur, la gloire et l'indépendance. Iqbal conseille:

íÒ ÔÇÎ Ç Ñíê ãÍã Ç Ñíê æÑ íÏÇÎ

æÑ ÏÇÎ ÑíÏÞÊ Ó ÊÓÏ ÑÏ ÀÏã80

Saisis ta Khudi, saisis-la fermement, et sois heureux Ne donne pas ton destin dans les mains d'un autre

La Khudi n'a pas seulement la capacité d'élever le destin individuel; elle est essentielle pour la révolte et la reforme au plan social. Le « regard» du Mard-i Momin peut révolutionner la communauté autour de lui:

æÏí ÇÀ

ÈáÞäæ

Ñêæ

·íã íÏÇÎ

íÑÊ

?ÇÌ áÏÈ

ÇÓ ÑÇç

Àí

À ÿÀ ·íÀä

ÈÌÚ81

Si ta « Khudi » se révolte,

Il se peut que ces environs se changent.82

80 Iqbal, Muhammad. Armughân-e-Hijâz (Le cadeau du Hijâz) 1938, en Kolliyât-e Iqbâl (1e partie de l'oeuvre est en persan) - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1866

81 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 676.

82 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 109.

Hibah Shabkhez 70

3. MULTILINGUISME:

PHÉNOMÈNE

ET

DOMAINE

DE RECHERCHE

Hibah Shabkhez 71

3.1 Le multilinguisme et l'individu multilingue

Dans le cadre européen de référence pour les langues, le « multilinguisme » est la connaissance d'un certain nombre de langues ou la coexistence de langues différentes dans une société donnée1. Il s'agit de la capacité des sociétés, des institutions, des groupes et des individus à engager régulièrement avec plus qu'une langue dans leur vie quotidienne.2 L'on peut regarder le multilinguisme au niveau d'une aptitude individuelle, ou comme un fait social. Les deux aspects sont évidemment étroitement liés, et l'intégration sociale dans laquelle vit chaque individu ne nous laisse guère la possibilité de séparer nettement ces deux perspectives ; et si nous abordons le phénomène du multilinguisme en focalisant l'individu, le plan social n'est pas pour autant exclu.

Une personne multilingue est une personne qui connait plusieurs langues. Selon Li, une personne multilingue, c'est une personne « qui peut communiquer dans plus qu'une langue, soit activement (parler et écrire) soit passivement (écouter et lire) ».3 Le niveau de compétence requise pour prononcer la personne vraiment « multilingue » reste indéfini, et d'après le plan Marnix4, n'est qu'une considération sans grande importance lorsqu'il s'agit du simple titre « multilingue ». Dans cette approche, ce n'est pas la compétence mais la volonté qui donne à un individu le caractère multilingue : « En fin de compte, si vous êtes un multilingue et à quel point vous l'êtes dépend de votre perception de vous-même et de votre volonté à mettre en pratique les compétences que vous possédez. »5

En revanche, Cenoz6 distingue « le multilinguisme équilibré » et « le multilinguisme non équilibré ». Un multilingue équilibré parle deux ou plus que deux langues avec une facilité

1 Unité des Politiques linguistiques, Strasbourg « Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer » de www.coe.int/lang-CECR, date d'accès: URL: https://www.google.com.pk/search?q=www.coe.int/lang-CECR&ie=utf-8&oe=utf-8&rls=org.mozilla:en-US:official&client=firefox-a&channel=sb&gws_rd=cr&ei=-p41VKLSFvaMsQTi_oDACg#

2 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review of Applied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14.

URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid= 9090478&fileId=S026719051300007X

3 Ibid.

4 Le Plan Marnix « Pourquoi devenir multilingue? Le Plan Marnix Pour Un Bruxelles Multilingue. » de www.marnixplan.org. Date d'accès: 19-04-2014.

http://www.marnixplan.org/POURQUOI-devenir-multilingue?lang=fr .

5 Ibid.

6 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review of Applied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14. URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=9090478&fileId=S0267 19051300007X

Hibah Shabkhez 72

égale, alors qu'un multilingue non équilibré a des niveaux de compétence différents dans différentes langues.

Hibah Shabkhez 73

3.2 Les approches différentes au multilinguisme

Pour Aronin et Singleton, le multilinguisme est le terme générique7 qui encadre8 donc le bilinguisme - la connaissance de deux langues, le trilinguisme - la connaissance de trois langues, et ainsi de suite.

L'utilisation que fait un locuteur multilingue de la langue est beaucoup plus créative et interactive d'un locuteur monolingue9. Shana Poplack10 parle de « code-switching» (passer d'une langue à l'autre dans une même parole), une pratique parfois consciente, parfois

inconsciente répandue dans les communautés multilingues. Cenoz précise:

... Multilingual speakers use different languages, either in isolation or mixed, according to their communicative needs and their interlocutors. While monolingual speakers use one single language in all situations, multilingual speakers navigate among languages and do not use each of their languages for the same purposes in all communicative situations, in the same domains, or with the same people.11

... Les locuteurs multilingues utilisent différentes langues, soit en isolation, soit mélangées, selon leurs besoins communicatifs et leur interlocuteurs. Alors que les locuteurs monolingues utilisent une seule langue dans toutes les situations, les locuteurs multilingues naviguent entre langues et n'utilisent pas toutes leurs langues pour les mêmes objectifs dans toutes les situations communicatives, dans les mêmes domaines, ou avec les mêmes personnes.

Une autre façon d'analyser le multilinguisme est de diviser les locuteurs selon la manière d'acquisition:

Le multilinguisme simultané et le multilinguisme séquentiel12 :

7 Aronin, L., & Singleton, D. (2008). Multilingualism as a new linguistic dispensation. International Journal ofMultilingualism, 5, p. 1-16.

8 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review of Applied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14.

URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid= 9090478&fileId=S026719051300007X

9 Ibid.

10 Poplack, S. (1984) « Contrasting Patterns of Code-Switching in Two Communities » Proceedings from the Fourth Nordic Symposium on Bilingualism, Uppsala, p. 51-77

11 Moore, D., & Gajo, L. (2009), « Introduction: French voices on plurilingualism and pluriculturalism: Theory, significance, and perspectives. » (Introduction : Les voix françaises sur plurilinguisme and pluriculturalisme : théorie, significance, et perspectives) International Journal of Multilingualism, 6, 137- 153.

12 Lefebvre, E. E. Student Attitudes toward Multilingual Education, (Les attitudes vers l'éducation multilingue) Eugene, Université d'Oregon, 2012. Date d'accès : 09-10-2014 URL: https://scholarsbank.uoregon.edu/xmlui/bitstream/handle/1794/12513/Lefebvre_oregon_0171N_104 93.pdf?sequence=1

Hibah Shabkhez 74

Le multilinguisme simultané - quand les langues sont acquises ensemble. C'est souvent le cas des enfants qui sont nés aux parents qui ont des langues maternelles différentes, ou des enfants nés dans une culture multilingue. Cela aboutit souvent à un multilinguisme équilibré ou coordonné.

Le multilinguisme séquentiel - quand une langue domine le développement des capacités langagières de l'enfant et les autres sont acquises ensuite, au sein de la scolarisation ou autrement. Ce genre d'acquisition linguistique peut mener à un multilinguisme subordonné ou sous-coordonné, où la langue première est utilisée comme langue de référence pour les autres.

Le multilinguisme additif et le multilinguisme soustractif13 :

Le multilinguisme additif - une langue est ajoutée au répertoire linguistique du locuteur alors que le développement de(s) première(s) langue(s) continue.

Le multilinguisme soustractif - une nouvelle langue est apprise et elle remplace le(s) première(s) langue(s).

La recherche dans le domaine du multilinguisme14 peut prendre l'approche « atomiste » traditionnelle, qui traite l'individu multilingue plutôt comme la somme de plusieurs individus monolingues, en étudiant les compétences et l'acquisition de chaque langue séparément. Ceci permet de ramasser et analyser l'information lié aux aspects spécifiques linguistiques, psycholinguistiques, et neurolinguistiques. En revanche, les perspectives « holistiques » se basent sur le locuteur multilingue, son répertoire entier de langues, et le contexte social.

13 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review of Applied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14.

URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid= 9090478&fileId=S026719051300007X

14 Ibid.

Hibah Shabkhez 75

3.3 Les avantages et les inconvénients du multilinguisme

La globalisation, la mobilité transnationale et la révolution technologique ont contribué à l'essor et la mise en valeur du multilinguisme dans les différents contextes politiques, sociaux, et éducationnels15. Le conseil de l'Europe a formulé l'objectif en termes de « langue maternelle plus deux » : chaque citoyen européen doit acquérir, en plus de l'anglais une « langue personnelle adoptive » choisie16. Plus que jamais, le multilinguisme se fait adopter aujourd'hui comme une politique pour faciliter l'intégration et la communication interculturelle.

Si au XIXème et XXème siècle on pensait (au moins en Europe) que le multilinguisme « embrouillerait l'esprit, rendrait asocial et même entraînerait un comportement criminel et des maladies mentales »17, « plus aucun membre de la communauté scientifique ne partage cette opinion »18. La recherche contemporaine sur le multilinguisme revendique plus d'atouts qu'inconvénients du multilinguisme.

Nous présentons ci-dessous un court résumé de ces avantages et de désavantages possibles du multilinguisme au niveau individuel:

Les avantages du multilinguisme:

L'accroissement de son potentiel communicatif - pertinents dans de nombreux contextes, surtout dans le monde professionnel, des compétences multilingues peuvent donner l'accès aux meilleurs emplois.19

La découverte d'autrui - le multilinguisme « ouvre la possibilité de nouer des contacts plus riches » au sein d'une même communauté multilingue ou entre les membres de différentes

15 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review of Applied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14.

URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid= 9090478&fileId=S026719051300007X

16 Le Plan Marnix « Pourquoi devenir multilingue? Le Plan Marnix Pour Un Bruxelles Multilingue. » de www.marnixplan.org. Date d'accès: 19-04-2014. URL : http://www.marnixplan.org/POURQUOI-devenir-multilingue?lang=fr .

17 Ibid.

18 Ibid.

19 Ibid.

Hibah Shabkhez 76

sociétés20, favorisant ainsi la compréhension, la tolérance et la confiance mutuelles. Il permet aussi une exploration plus approfondie d'une autre civilisation au niveau culturel et littéraire.

L'attachement aux racines culturelles - dans une société multilingue, en cas d'appartenance à une famille multilingue et surtout pour les immigrés, il y a souvent plusieurs langues d'héritage.

Les avantages cognitifs - « les enfants multilingues ont tendance à obtenir de meilleurs résultats en matière de flexibilité mentale, de créativité et d'analyse, et à conserver ces atouts tout au long de leur vie »21,22

Les avantages neurologiques - les multilingues sont beaucoup moins susceptibles à souffrir de la faiblesse cognitive et de la démence, ou de développer les maladies neurologiques tels que la maladie d'Alzheimer. S'ils en manifestent les symptômes, c'est à un âge plus avancé et ils en souffrent moins que les personnes unilingues23. Les nouvelles méthodes technologiques développées pour analyser l'activité électrique du cerveau relèvent un impact physiologique considérable du multilinguisme sur le fonctionnement et la croissance du cerveau.

Les inconvénients du multilinguisme:

Le degré de maîtrise syntaxique et lexicale - lorsqu'elle est mesurée séparément pour chaque langue que parle une personne multilingue, la connaissance linguistique (ex. du vocabulaire) a tendance d'être plus faible que pour les personnes unilingues.

L'interférence - une ou des langue(s) influence(nt) les compétences écrites ou orales d'autres langues. « Les personnes multilingues sont alors susceptibles de développer un accent ou de commettre occasionnellement des erreurs grammaticales »24

20 Le Plan Marnix « Pourquoi devenir multilingue? Le Plan Marnix Pour Un Bruxelles Multilingue. » de www.marnixplan.org. Date d'accès: 19-04-2014. URL : http://www.marnixplan.org/POURQUOI-devenir-multilingue?lang=fr .

21 Ibid.

22 Heather Timmons. « India Ink : If Bilingual Is Good, Is Trilingual Better? » (Si bilingue est bon, est trilingue mieux) de http://india.blogs.nytimes.com, date d'accès: 19-04-2014 URL: http://india.blogs.nytimes.com/2012/03/20/if-bilingual-is-good-is-trilingual-better/?_ r=0

23 Le Plan Marnix « Pourquoi devenir multilingue? Le Plan Marnix Pour Un Bruxelles Multilingue. » de www.marnixplan.org. Date d'accès: 19-04-2014. URL : http://www.marnixplan.org/POURQUOI-devenir-multilingue?lang=fr .

24 Ibid.

Hibah Shabkhez 77

Le temps et l'effort nécessaires à l'apprentissage - apprendre une nouvelle langue peut exiger beaucoup de travail.

« Si le bilinguisme est bon, est-ce le trilinguisme mieux? » demande un titre du blog India Ink25. Mais évidemment l'impact - positif ou négatif - d'apprendre des langues ne s'accroit pas d'une manière linéaire en proportion du nombre de langues apprises. D'ailleurs, les études comparatives bilingues-trilingues d'un même élément de l'acquisition linguistique restent assez rares, puisque le bilinguisme et le trilinguisme sont souvent aperçus comme des phénomènes comparables, et les résultats des études sur le bilinguisme sont appliqués arbitrairement au trilinguisme26.

25 Heather Timmons. « India Ink : If Bilingual Is Good, Is Trilingual Better? » (Si bilingue est bon, est trilingue mieux) de http://india.blogs.nytimes.com, date d'accès: 19-04-2014 URL: http://india.blogs.nytimes.com/2012/03/20/if-bilingual-is-good-is-trilingual-better/?_ r=0

26 Ibid.

Hibah Shabkhez 78

3.4 Les paramètres de la catégorisation des langues

Ce n'est guère possible d'échelier avec précision des affiliations individuelles ; il existe bien sur les complexités qui échappent à toute classification généraliste. Mais les didacticiens de langues discernent pour la catégorisation des langues que parle un individu un faisceau de paramètres qui nous semble utile comme un point de départ :27

1. Le paramètre biologique et le paramètre social:

La langue du premier groupe sociale dans le quel l'enfant développe ses capacités langagières s'appelle « langue maternelle» ; que cela soit la langue de la mère biologique ou non. Les autres langues apprises successivement deviennent, selon leur importance socioculturelle, des langues secondes et étrangères.

2. Le rang d'appropriation:

La valeur donnée à l'apprentissage d'une langue est un critère important pour discerner son statut, car elle détermine largement l'acquisition des capacités langagières. Ainsi, toutes les langues apprises par un individu se rangeant automatiquement dans un ordre basé sur l'importance donnée et les connaissances acquises.

3. La mode d'appropriation:

L'acquisition « naturelle », c'est-à-dire l'apprentissage par interaction sociale en pleine immersion, est généralement une caractéristique forte de la langue maternelle. Par contre, si les langues secondes et les langues étrangères peuvent également être transmises de cette façon, c'est l'apprentissage volontariste ou scolaire dans un cadre institutionnelle qui domine l'instruction de ces langues.

4. Le critère de référence:

Le système linguistique auquel l'apprenant se réfère prioritairement, mais non exclusivement, de façon consciente où non, et qui constitue donc le pole de départ de son interlangue, s'appelle la langue de référence. Cela peut-être la langue maternelle ou la langue de scolarisation (si elles sont différentes).

27 Cuq, J.P. & Gruca, I. Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, Gémenos, Presses universitaires de Grenoble, 2008. p. 92.

5. Le critère d'appartenance:

Le degré d'appartenance ou de « xénité » d'une langue est déterminé par les considérations personnelles, affectives et socioculturelles. Selon Louise Dabène la distance matérielle, la distance culturelle et la distance linguistique jouent un rôle très important dans la définition du degré de xénité d'une langue28.

Hibah Shabkhez 79

28 Dabène, L. Repères sociolinguistiques pour l'enseignement des langues, Hachette, 1994, p. 8-25.

Hibah Shabkhez 80

3.5 La langue maternelle, la langue seconde et
la langue étrangère

En fonction des critères que nous venons d'expliciter, la langue maternelle peut se définir comme « la première langue qui s'impose à chacun »29. Puisqu'on entre en contacte avec la langue maternelle dès sa prime enfance, elle donne au locuteur dit natif une intuition fiable que l'on ne peut pas produire artificiellement. En tant que langue d'appartenance ou d'héritage, elle conserve une valeur symbolique. Elle peut se classer également comme la « langue source » (le système idiomatique initiale), la langue de départ ou la langue de référence (la langue auquel un individu se rapporte).

Le concept de langue étrangère s'oppose à celui de langue maternelle, et, d'une perspective simpliste, nous pourrions dire que toute langue non maternelle est forcement étrangère. La xénité ou étrangeté sociale ou politique est un caractère fondamental d'une langue étrangère. Une langue peut être étrangère au plusieurs niveaux, en n'appartenant à la patrie, ou en n'appartenant à la parenté.

La langue seconde est une langue étrangère qui occupe cependant une position privilégiée au plan social ou officiel ; ce sont des valeurs statutaires données socialement ou juridiquement, qui font une langue seconde d'une langue qui est d'origine étrangère. La langue officielle de son pays ou la langue de scolarisation ne peut guère être traité d'étrangère.

Pourtant, ce n'est pas toujours facile de catégoriser les langues si nettement, surtout dans les sociétés plurilingues. Pour un marocain tamazightophone, par exemple, il est essentiel d'apprendre dès le berceau le tamazight et l'arabe marocain pour la communication quotidienne. Il apprend ensuite l'arabe moderne pour pouvoir étudier en primaire, et le français pendant ses études secondaires30. Les croisements et métissages compliquent encore la classification exacte.

29 Cuq, J.P. & Gruca, I. Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, Gémenos, Presses universitaires de Grenoble, 2008, p. 90

30 Chami, M. (1999) « Quel avenir pour la didactique des langues secondes/ étrangères », conférence prononcée à l'université de Toronto le 4-11-97, dans Dossier présenté en vue de l'habilitation à diriger les recherches, Nanterre, p. 3

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3.6 Le multilinguisme et l'identité

Pour une personne multilingue le choix d'une langue, la décision de passer d'une langue à l'autre ou de mélanger des langues est liée naturellement à la fonction communicative de la langue et à ses compétences linguistiques mais elle peut également être déterminée par la fonction symbolique ; l'utilisation d'une langue est un « acte d'identité »31. Ainsi un geste comme « l'adieu à l'anglais » de Ngugi wa Thiong'o et sa décision de n'écrire qu'en Kikuyu, sa langue maternelle, va bien au-delà d'un simple choix de langue d'expression.

Dans certaines sociétés, l'enfant peut être en contacte avec plusieurs langues, et l'utilisation de chaque langue peut être associée avec un aspect différent de la vie et de l'identité. En Afrique du Nord, par exemple, la langue parlée est l'arabe dialectique ou le berbère, alors que c'est l'arabe standard qui s'écrit32. De la même façon, au Pakistan, la première langue d'un enfant, c'est presque toujours le dialecte parlé dans son milieu - d'ourdou, de punjabi, de Sindhi, etc. Mais la langue de scolarisation, c'est soit l'ourdou, soit l'anglais.

Donc soit on les mélange, les trois langues, selon une façon peu discriminative ; soit on change la langue selon le contexte socioculturel. Dans une société multiculturelle, surtout dans une société issue de la décolonisation, les langues peuvent montrer un conflit identitaire aigu. La conséquence, le plus souvent, est un plurilinguisme nuancé et délicat. Suresh Canagarajah et Hina Ashraf expliquent la situation multilingue indienne:

To begin with, one's mother tongue is a symbol of one's ethnicity... In addition to one language for ethnic identity, there could be one for business transactions, one for official dealings, one for entertainment, one for religious rituals, and some others for education ... People hold these multiple linguistic identities in tension. They shift linguistic codes as they move from one social domain to another. They may call into play different linguistic identities in different contexts, or many at the same time... These constant shifts help avoid identity crises... 33

Pour commencer, la langue maternelle est un symbole de son ethnicité ... En plus d'une langue d'identité ethnique, il peut en être une pour les affaires, une pour les travaux officiels, une pour les loisirs, une pour les rituels religieux, et quelques autres pour l'éducation ... Les gens maintiennent parallèlement ces multiples identités linguistiques. Ils changent du code linguistique alors qu'ils

31 Cenoz, J. (March 2013) « Defining Multilingualism », Annual Review of Applied Linguistics, 33, Cambridge University Press, p. 3-18, date d'accès: 19-02-14.

URL: http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid= 9090478&fileId=S026719051300007X

32 Cuq, J.P. & Gruca, I. Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, Gémenos, Presses universitaires de Grenoble, 2008, p. 91

33 Canagarajah, S. et Ashraf, H. (2013) « Multilingualism and Education in South Asia: Resolving Policy/Practice Dilemmas » Annual Review ofApplied Linguistics, 33, p. 258-285.

Hibah Shabkhez 82

passent d'un domaine social à un autre. Ils pourront faire l'usage de différentes identités linguistiques dans différents contextes, ou de plusieurs au même temps ... Ces transitions continuelles aident à empêcher les crises d'identité...

Iqbal est né dans ce milieu multilingue. Jeune poète, il a du faire face aux critiques des partisans des différentes « écoles » indiennes de la poésie ourdou, basées sur la variation linguistique d'une région à de l'autre. Au lieu de joindre untel groupe, Iqbal a choisi une identité artistique plus individuelle comme un amateur non biaisé de la beauté:

ÖÑÛ ÿÀ ÿÓ ? øÏ Àä ÿÓ æäø áÇÈÞÇ

ÿ áÇã øÒ ãÎ ·íÀ ÑíÓÇ æÊ ãÀ34

Iqbal, Ni Dehli ni Lucknow ne nous concerne

Nous sommes les esclaves des cheveux ondulés de la beauté

Sa pensée mature conserve cette volonté de franchir les barrières de langue et de race. Cependant, ce n'est plus la beauté mais la Khudi qu'il met au coeur de cette identité universaliste.

íÒÇÌÍ æ íÞÇÑÚ Àä íÏäÀ Àä íãÌÚÇ ·íã Àä

íÒÇíä ÿÈ ÿÓ ·ÇÀÌ æÏ ííÓ ÿä ·íã ÿÓ íÏæÎ À35

Je ne suis ni Ajmi ni Hindi, ni Iraqi ou Hijazi

J'ai appris de la Khudi l'indifférence aux deux mondes

34 Azad, J. N. (Juillet 1986). « Al Jt c, AË ÿ E Ï » (L'impact de Dagh sur Iqbal). (M. Munawwar, Ed.) Iqbaliat (Iqbal Review), 27 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 61.

35 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 587.

Hibah Shabkhez 83

4. L'EXPRESSION

DE KHUDI À

PARTIR

DES SOURCES

MULTILINGUES

Hibah Shabkhez 84

4.1 Les sources multilingues d'Iqbal

Iqbal était, comme nous avons vu lors de l'étude de sa vie dans le premier chapitre, un savant multilingue avec l'expérience d'une grande variété des oeuvres littéraires et philosophiques, qu'il a exploité pour enrichir sa propre expression. L'oeuvre d'Iqbal est particulièrement bien étayée des emprunts et des allusions.

Pour exprimer sa pensée, il se réfère aux poètes et philosophies de plusieurs traditions religieuses et culturelles « Chez quel autre poète, » demande S. A. Durrani « peut-on trouver

une telle richesse de personnages ? »1 :

... in Payâm-i-Mashriq (Message of the East) alone one finds poems and verses about illustrious figures of the West, such as Kant, Schopenhauer, Nietzsche, Hegel, Bergson, Comte, Locke, Tolstoy, Karl Marx, Lenin, Kaiser Wilhelm, Mussolini, Goethe, Byron, Browning, Petofi, Einstein ... And in his Javîd Nâmeh (The Chronicles of Eternity) one comes across Eastern immortals, such as Gautama Buddha, Zarathustra, Jesus, Mu?ammad, Bhartarî Harî, ?allâj, Pharaoh, Jamâl-ud-Dîn-Afghânî, Jalâ -ud-Dîn Rûmî, Ghâlib, Syed `Alî Hamadânî, Ghanî Kashmîrî, Qurtul-`Ain ?âhira, Nâdir Shâh, A?mad Shâh Abdâlî, the Dervish of Sudan, Tîpû Sul?ân the Martyr, Ibn-S`aud, etc. etc.2

[...] Dans Payâm-i-Mashriq (le message de l'orient) seulement, on trouve les poèmes et les vers à propos de personnages illustres de l'occident, tels que Kant, Schopenhauer, Nietzsche, Hegel, Bergson, Comte, Locke, Tolstoï, Karl Marx, Lénine, Kaiser Wilhelm, Mussolini, Goethe, Byron, Browning, Petôfi, Einstein .... Et dans sa Javîd Nâmeh (Le livre de l'éternité) on rencontre les immortels orientaux, tels que Gautama Buddha, Zarathoustra, Jésus, Mu?ammad, Bhartarî Harî, ?allâj, Pharaon, Jamâl-ud-Dîn-Afghânî, Jalâ -ud-Dîn Rûmî, Ghâlib, Syed `Alî Hamadânî, Ghanî Kashmîrî, Qurtul-`Ain ?âhira, Nâdir Shâh, A?mad Shâh Abdâlî, the Derviche de la Soudan, Tîpû Sul?ân le Martyre, Ibn-S`aud, etc. etc.

La recherche sur les sources qu'utilise Iqbal pour enrichir ses écrits a produit une série féconde de travaux, dont nous avons donné un court aperçu dans le chapitre introductoire. Ces recherches sont sans doute très utiles pour étudier sa pensée. Pourtant, comme le souligne

Mohammad Ahmad Shamsi, les correspondances établies doivent être plausibles: Iqbal's couplets ... contain thoughts basic to his theory of art and philosophy of life ... which have been expressed in no dissimilar words by some ... poets and thinkers as well... one swallow does not make a summer and a solitary, stray similarity of thought and expression between two men of

1 Durrani, S. A. (Octobre 1999) « Iqbal: A Bridge Between the East and the West» (Iqbal: Un pont entre l'Orient et l'Occident). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 40, (3-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct99/6.htm]

2 Ibid.

letters provides too meagre a ground to take their names in the same breath and to claim ... affinity between them. 3

Les versets d'Iqbal ... expriment souvent des idées intégrales à son art et sa philosophie de vie ... qui ont été exprimés dans les mots semblable par quelques ... poètes et penseurs aussi ... une hirondelle ne fait pas le printemps et un seul, errant trait de pensée semblable n'est pas assez pour joindre leur noms et pour déclarer ... une affinité entre eux.

Hibah Shabkhez 85

3 Shamsi, M. A. (Avril, 1980) « Iqbal and the Western Thought: A few Parallels » (Iqbal et la pensée Occidentale : quelques similarités). (M. Moizuddin éd.), Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 20, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr80/3.htm]

Hibah Shabkhez 86

4.2 Les traditions religieuses littéraires et philosophiques

L'orientation poétique, philosophique et spirituelle d'Iqbal a été formée par une ouverture aux multiples traditions religieuses, littéraires et culturelles qui lui donne une perspective unique: sinon impartiale, au moins loin d'insulaire. Dans les cahiers personnels, on remarque un aveu de reconnaissance aux penseurs qui ont guidé ses pas dans sa jeunesse:

I confess I owe a great deal to Hegel, Goethe, Mirza Ghalib, Mirza Abdul Qadir Bedil and Wordsworth. The first two led me into the `inside' of things; the third and the fourth taught me how to remain oriental in spirit and expression after having assimilated foreign ideals ofpoetry, and the last saved me from atheism in my student days.4

J'avoue que je dois beaucoup à Hegel, à Goethe, à Mirza Ghalib, à Mirza Abdul Qadir Bedil et à Wordsworth. Les deux premiers m'ont dirigé vers « l'intérieur » des choses. Les troisième et quatrième m'ont appris comment garder l'esprit et l'expression orientaux après avoir assimilé des idéaux étrangers, et le dernier m'a sauvé de l'athéisme pendant mes jours écoliers.5

Il distingue les orientaux et occidentaux, mais la gratitude profonde qu'il avoue à tous ces personnages n'est pas déterminée par leur origine. Donc ses critiques satiriques de l'occident ne sont pas les produits d'un bais simpliste. Toute étude qu'il fait de la littérature ou de la philosophie est inéluctablement une étude comparée, et il croit à l'importance de garder l'esprit ouvert : « Notre devoir, » dit-il, « est de regarder le progrès de la pensée humaine, et de maintenir une attitude critique indépendant à son égard6 ».

Iqbal avait une vocation pour la littérature et la philosophie, mais il avait un certain mépris pour les polémiques inutiles et l'éducation institutionnalisée qui se rattachait plus à la forme qu'au fond.

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Iqbal ! Ne mentionne pas ici la connaissance de la Khudi
Ces sujets ne sont pas appropriés à l'école

4 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 183

5 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

6 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p.204

7 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 591.

Hibah Shabkhez 87

Il reste, comme l'indique Annemarie Schimmel, très attaché à ses racines orientales8, mais cela ne signifie ni un rejet absolu de l'Occident ni une approbation aveugle de l'Orient ; il trouve chez les deux les aspects à apprécier et à critiquer, et il exige un amalgame de ce qui en est le meilleur. Saléha Nazeer élabore cette tendance chez Iqbal :

La comparaison des deux sociétés, celle du peuple indien et celle de l'Occident, incite Iqbal à réfléchir et à chercher des possibilités et des moyens pour transformer l'état assujetti de son peuple. C'est ainsi qu'Iqbal vise à offrir, non seulement à ses concitoyens indiens mais à toute l'humanité, un remède pour la transformation de l'individu et de la société vers un état heureux et idéal. D'ici est conçu le concept de l'homme idéal chez Iqbal qui présente l'image prophétique comme un exemple idéal à poursuivre et à vivre9.

Comme le souligne S. A. Vahid: « Iqbal voyait la salvation de l'humanité dans la synthèse de l'Orient et de l'Occident et il n'a jamais hésité à le dire».10

ÊÇíÍ ÒÇÓ íÑíÒ ÇÑ ·ÇíÈÑÛ
ÊÇäÆÇ ÒÇÑ ÞÔÚ ÇÑ ·ÇíÞÑÔ
ÓÇäÔ ÞÍÏÏÑê ÞÔÚ ÒÇ íÑíÒ
ÓÇÓÇ ãÍÞ íÑíÒ ÒÇ ÞÔÚ ÑÇ
ÏæÔ ÏÈÞÀ íÑíÒ ÇÈ ·æç ÞÔÚ
ÏæÔ ÑêíÏ ãáÇÚ ÏäÈÔÇä
ÀäÈ ÑêíÏ ãáÇÚ ÔÇä æ ÒíÎ
åÏÒíÞ íÑíÒ ÇÈ ÇÑ ÞÔÚ11

Pour les occidentaux, c'est l'intellect qui fait la vie
Pour les orientaux, l'amour est le secret du cosmos
L'intellect reconnait la vérité par moyen de l'amour
Lorsque l'amour s'unit à l'intellect
Il crée un autre monde
L'amour fortifie ses travaux par l'intellect
Lève-toi, et dessine le projet d'un nouveau monde

8 Khan, A. S. (June 2007) « Gabriel's Wing: Dr. Annemarie Schimmel's Masterpiece on Iqbal » (L'aile de Gabriel : Le chef d'oeuvre de Dr. Annemarie Schimmel sur Iqbal).

Date d'accès: 07-11-2013, [URL: http://www.pakistanlink.com/Opinion/2007/June07/22/05.htm]

9 Nazeer, S. « Traduire la Khudi iqbalienne », p. 35-44, e-CRIT3224 [enligne], 4, 2012, mis en ligne le 14 mai 2012. URL : http://e-crit3224.univ-fcomte.fr

10 Vahid, S. A. (Avril, 1976) « Iqbal in England » (Iqbal en Angleterre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review, 17 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 17-08-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr76/1.htm]

11 Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1300

Hibah Shabkhez 88

Va, et fais un amalgame de l'amour et de l'intellect.

Mais s'il est prêt d'emprunter les meilleurs éléments de l'Orient et de l'Occident, il voit un défaut fatal dans les deux civilisations - leur Khudi est morte. Les conséquences sont funestes.

Ñæä ÿÈ äæÑÏäÇ Ç ÈÑÛÞ ÿÓ ÊæÞ í íÏæÎ
ãÇÐÌ ?áÊÈÞ ÿÀ ÞÑÔÞ ÿÓ ÊæÞ í íÏæÎ
ÈÇÊ æ ÈÊ ÿÈ ÿÀ ÈÑÚ ÍæÑ ÿÓ ÊæÞ í íÏæÎ
ãÇÙÚ æ ÞÑÚ ÿÈ ÿÀ Ç ãÌÚ æ ÞÇÑÚ äÏÈ12
Ñ ·æáÇÈ ÀÊÓÔ íÏäÀ ÿÓ ÊæÞ í íÏæÎ
ãÇÑÍ ÀäÇíÔ ÑæÇ ááÍ ÿÀ ÇæÀ ÓÞ!
ÑæÈÌã ÇæÀ ãÑÍÑí ÿÓ Êæã í íÏæÎ
ãÇÑÍÇ ?ãÇÌ Ç äÇãáÓã ?Ç çíÈ À!13

La mort de « Khudi » a rendu l'intérieur de l'Occident sombre
Avec la mort de « Khudi » l'Orient est victime de léprose
Avec la mort de «Khudi » l'ame de l'Arabie est sans lumière
Le corps de l'Iraq et tout pays non-Arabe est sans os, sans veines
Avec la mort de «Khudi », pour les ailes brisées de l'Inde,
La cage est permissible et le nid est inaccessible
Avec la mort de «Khudi» le maitre de la Sainte Mosquée
Est contrainte de vendre les robes de pèlerinage des musulmans14

Au fond de tout remède que propose Iqbal pour ressusciter l'humanité, la Khudi garde son rôle salvateur :

ÑÇ ÇæÀ ãÏ ÓÌ ÿÓ íÏæÎ ãÑÍÞ

åÇÔäÀÔ íÈ ·íÞ åÇÔäÀÔ íÈ æÊ!15

Quand le « faqr » devient conscient de la «Khudi »
Tu es le roi ; je suis le roi16

12 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 593.

13 Ibid. p. 594.

14 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 54.

15 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 677.

16 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 110.

Hibah Shabkhez 89

Avec la philosophie de Khudi toujours devant nous, comme il était toujours devant Iqbal lorsqu'il rédigeait, nous allons explorer les traditions littéraires et philosophiques qui ont eu l'impact le plus prononcé sur l'oeuvre d'Iqbal, aux plusieurs niveaux:

- l'impact sur sa pensée (et surtout sa philosophie de Khudi)

- l'impact sur son style

- le point de vue d'Iqbal à l'égard de cette tradition.

Hibah Shabkhez 90

4.3. La tradition religieuse islamique

La tradition religieuse islamique n'appartient ni à une langue, ni à une culture : c'est l'héritage commun de tout civilisation qui se prétend « islamique », et elle se fait, soit avec l'acquiesce de l'écrivain, soit à son insu, une pole de référence pour toute la littérature et la philosophie de ces civilisations islamiques.

La philosophie d'Iqbal est ancrée dans sa foi islamique. En tant que philosophe réformateur ou « réparateur »17, il ne voit autour de lui aucun système parfait de pensée. Au côté occidental, il y a le modernisme destructeur de la spiritualité ; au côté oriental, une décadence ruineuse. « Et voici la question cruciale, » dit Adams:

... When philosophy/ religion stand in need of repair, what can repair them? Iqbal's answer is unequivocal: one must reach deep- into the deepest sources of repair in Islam. These are to be found in the Qur'an and in the patterns of reasoning which it generates in the Muslim community18

... Lorsque la philosophie/ la religion ont besoin d'être réparées, qu'est-ce qui peut les réparer? La réponse d'Iqbal est non équivoque : il faut aller dans la profondeur - dans les sources de réparation islamiques les plus profondes. Celles-ci se trouvent dans le Coran et dans les modèles

La philosophie de Khudi s'attache sciemment sur les vers coraniques et les paroles du prophète Mohammad (paix et salut sur lui), quoiqu'Iqbal utilise une grande gamme de ressources diverses pour son élaboration et élucidation. Dans les trois étapes qui mènent à la réalisation du soi, la toute première étape est la soumission à la loi divine.

Pour justifier ses idées, il s'appuie au Coran et à Hadith : par exemple, il justifie son argument en faveur de la puissance créatrice de l'égo humain en faisant allusion à un vers coranique äó íÞöÞá Î? úÇ äóäÓ ÍäÇ ä á á óä äÑÎÈäóäó suivi d'une explication « Le Coran indique la possibilité de créateurs autres que Dieu »19 et la traduit par la suite dans une note de bas de page: « (Quran 23:5:14 - Blessed is God, the best of those who create)20». (Gloire à Allah le Meilleur des

17 Adams, N. (Octobre, 2008) « Iqbal and the Western Philosophers » (Iqbal et les philosophes occidentaux). (M. S. Umar & B. B. Koshul, éd.) Iqbal Review : Muhammad Iqbal A Contemporary, 49, (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct08/6.htm]

18 Ibid.

19 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 194-5

20 Note de bas de page d'Iqbal.

Hibah Shabkhez 91

créateurs!)21 Dans un autre texte, il traduit un Hadith pour élucider l'idée que l'homme peut

absorber les qualités devines : « Le prophète à dit Ç ÊÇÕÈ ÇæÕÊÇ « Create in yourselves the attributes of God »22

Yousaf Saleem Chishti raconte comment Iqbal lui a donné une justification coranique pour sa philosophie de Khudi :

í

(íÏæÎ ãÇÍóÓÇ)

ãÇÛí

íÏÇíäÈ ÓÇÿ  À Ççæ ÿÓ áÇÈÞÇ ÀÈÊÑã íÇ ÿä ·íã

·íÀä

ÊíÂÀí ·íã

ÀÏÆÇã

?ÑæÓ

ÿä ãÊÇí"

ÇíÏ ÈÇæÌ ÇÑæó ÿä ·æÀäÇ æÊ ÿÀ Çí ÏÇíäÈ íäÇÑÞ

 

íãäóííäÏäóíúÇ

ÇäóÞÇ áøäÖ íóáã

íãäõ ÑÑäÖäí óä

íãäõäÓäíääÇ íãäõííäáäó Ç íæäääãÎÇ äóííÞöáúÇÇäÑíäÇÇÎí ?ú23

J'ai demandé une fois à Iqbal : Quelle base coranique avez-vous pour votre message fondamental (la fortification de la Khudi) ? Et il m'a répondu tout de suite : n'as-tu pas lu ce vers de Surah M'aida ? (Ô les croyants! Vous êtes responsables de vous-mêmes(1)! Celui qui s'égare ne vous nuira point si vous avez pris la bonne voie.)24

Mohammad Ahmad Shamsi liste quelques emprunts et calques - les mots, les phrases, les symboles - qu'Iqbal fait de la terminologie et les récits coraniques25: « La Lampe de Muhammad, » « l'étincelle du Père de la Flamme, » « le trompète d'Isrâfîl, » « Lât-o Manât, » (les deux idoles principales des arabes païens), » « le bâton de Moise, » « lève-toi avec la permission de Dieu » « Moïse et Pharaon et Sînâ'î » « un membre de la fraternité de ceux qui ne désespèrent jamais », « le vers de l'univers, » « le livre de destin », « le Stylo » « l'enchantement de Sâmirî, » « les idoles d'Azar », etc.

L'influence coranique est aussi visible dans son style et ses choix de métaphores. Il donne comme modèle pour le mard-e momin qui doit naitre de la réalisation de Khudi la personnalité du prophète Mohammad (paix et salut sur lui) le seul « insân-e kâmil » ou homme parfait. Il décrit ainsi le vrai musulman :

ÒæÑæ ÈÔÿ ÓÇ íúÒÇ ÏæÑÓ Ç ÊÑØó

21 King Fahad Printing Complex Traductions des sens du Coran Date d'accès: 08-10-2014 de http://qurancomplex.gov.sa/default.asp?l=frn

URL: http://qurancomplex.gov.sa/Quran/Targama/Targama.asp?nSora=23&l=frn&nAya=14#23_14

22 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003.

23 Chishti Y. S. (Juillet 1973) « áÞÚáÇ ÑæÊÓÏ ÀäÇê ÊÔ ÇÓÇ ÑæÇ íÏæÎ ãÇÍÊÓÇ » (La fortification de la Khudi, et son plan d'action à huit étages) (S. A. Vahid), 14 (2), Iqbal Academy Pakistan, p. 62.

24 King Fahad Printing Complex Traductions des sens du Coran Date d'accès: 08-10-2014 de http://qurancomplex.gov.sa/default.asp?l=frn

URL: http://qurancomplex.gov.sa/Quran/Targama/Targama.asp?nSora=5&l=frn&nAya=105#5_105

25 Shamsi, M. A. (Octobre, 1981) « Iqbal and the Qur'an » (Iqbal et le Coran). (M. Moizuddin éd.), Iqbal Review , 22, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 08-10-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct81/3.htm]

Hibah Shabkhez 92

26 óãÍÑ ÁÀÑæÓ ÞÊÕ Çóí ·íã êäÇÀÇ

Ses jours et ses nuits sont en union avec la musique éternelle de la nature:
Ils sont uniques dans leur résonance comme Surah Rahmân.

En somme, il utilise les idées et les expressions coraniques continuellement et avec une conviction qui montre la ferveur de son foi.

26 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 574.

Hibah Shabkhez 93

4.4. La poésie et la philosophie orientale islamique

La poésie et la philosophie islamique de l'Orient - en ourdou, en persan, et en arabe - a fait partie des lectures d'Iqbal dès son enfance. Au plan idéologique, il était fier d'appartenir à l'Orient. Quoi que soient les langues d'expression qu'il utilise, son message, constate-t-il, vient de Hijaz, la terre où l'Islam a été révélé :

íÑã

ÿÀ

íÒÇÌÍ

æÊ

ÿã 'Çí æÊ ÿÀ ãÎ

íãÌó

íÑã

ÿÀ

íÒÇÌÍ

æÊ

ÿú 'Çí æÊ ÿÀ íÏäÀ

ÀãÛä27

Peu importe si mon pot est non-arabe, mon vin est quand-même de Hijaz
Peu importe si ma chanson est indienne, ma mélodie est quand-même de Hijaz

Mais s'il reconnait la valeur du soufisme, il ne l'accepte pas pour autant sans critique, comme le souligne Durrani :

While extolling the oriental values of spirituality, sincerity of heart, respect for high traditions, he also chastises the East for its blind obsequiousness to old ways of thought, received doctrines, slavish mentality, lack ofself-respect, and a bedazzled view of all things Western28

«Alors qu'il fait l'éloge des valeurs orientales de la spiritualité, la sincérité du coeur, respect pour les traditions nobles, il châtie aussi l'orient pour son adhérence aveugle aux vielles façons de penser, aux doctrines reçues, pour sa mentalité d'esclave, sa manque du respect de soi, et une vision éblouie de tout ce qui vient de l'occident.

L'âme de l'Orient est foncée dans l'abime de la paresse spirituelle. Les centres religieux, jadis une force puissante pour la croissance d'un esprit national actif, sont tombés dans une léthargie criminelle:

íÑÇÏíÈ í íÏæÎ ·íã ãÑÍ Àä ·íã ÑíÏ Àä

íÇíÑÊ ÍæÑ í ·æãæÞ ÿÀ ·íã ·ÇÑæÇÎ À29

Ni dans le temple ni dans la mosquée ne se réveille la « Khudi »

Sur les vastes territoires de l'Orient l'âme assoupie des nations est immobile30

27 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 199.

28 Durrani, S. A. (Octobre 1999) « Iqbal: A Bridge Between the East and the West» (Iqbal: Un pont entre l'Orient et l'Occident). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 40, (3-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct99/6.htm]

29 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 523.

30 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 8.

Hibah Shabkhez 94

Outre le texte coranique et la tradition prophétique sur les quels se base la loi formelle et les études religieuses, Iqbal connaissait deux grandes traditions orientales islamiques : la philosophie, qui se concentre autour de tassawuf ou mysticisme (notamment la tradition soufi), et la poésie en ourdou, en arabe et en persan.

Hibah Shabkhez 95

4.41. Tassawuf ou le mysticisme (notamment la tradition soufi)

Iqbal s'associe avec le mysticisme islamique; il prend comme maitre à penser Rumi31, un mystique soufi persan, et il déclare sa philosophie de Khudi « un développement direct de l'expérience et spéculation des vieux soufis et penseurs musulmans »32. Il a étudié et apprécié l'oeuvre des autres poètes soufis, tels que Hallaj, Ibn Jili, Sînâ'î et Attar. Dans The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam), il considère que « la fonction du sufisme en Islam a eu de systématiser l'expérience mystique »33

Avant et pendant son séjour en Europe (la phase pré Européenne et Européenne Iqbal s'inclinait vers la tradition panthéiste dans le mysticisme islamique. Dans sa thèse doctorale rédigée a cette époque, il interprète Ibn Arabi, Roumi, Hallaj, Al-Jili etc. dans les termes monistes34. Après son retour, il commence à réinterpréter l'oeuvre de ces trois mystiques et le mysticisme en général dans le cadre de l'idéalisme personnel - et en relation avec sa philosophie de Khudi.

Au même temps, il reproche au soufisme persan la création d'une « aristocratie spirituelle qui prétendait posséder les savoirs non accessibles au musulman ordinaire »35 ainsi que les racines d'un anarchisme qui a éloigné les musulmans de la source de leur puissance, la loi islamique :

No student of Moslem thought and literature can deny that the tendency to ignore the law - the only force holding together Moslem society - was the direct consequence of a false mysticism born of the heart and brain ofPersia

Aucun étudiant de la pensée et littérature musulmanes ne peut nier que la tendance d'ignorer la loi - la seule force qui réunisse la société musulmane - était la conséquence directe d'un faux mysticisme né du coeur et de l'esprit de la Perse.

31 Ali, M. J. N. (Octobre 1988) « Iqbal and Rumi » (Iqbal et Rumi). (M. Munnawar, éd.), Iqbal Review: Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

32 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 205-206

33 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 144

34 Ali, M. J. N. (Octobre 1988) « Iqbal and Rumi » (Iqbal et Rumi). (M. Munnawar, éd.), Iqbal Review: Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

35 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 175

Hibah Shabkhez 96

En outre, Iqbal différencie Faqr (le mysticisme actif qui cherche à reformer) et Rahbani (le mysticisme monastique)36 :

íäÇãáÓã íÑíÊ ÏíÇÔ ÿÀ Òíç ÑæÇ ç

íäÇÈÀÑ æ Ñöó íÇ ÿÀ ·íã ÀÇêä íÑíÊ

ÑÇÒíÈ ÿÀ Ñöó ÿÓ ÈÀÇÑ íóÓÑ ·æÓ

íäÇóæØ ÀÔíãÀ ÀäíÓ ÿÀ Ç Ñíöó37

Peut-être ton islam est quelque chose d'autre
Puisque tu pense que Faqr et Rahbani sont les mêmes
Faqr est dégouté par la recherche de la paix de Rahbani
Le navire du Fakir est toujours en orage.

Il reconnait la valeur spirituelle des grands soufis du passé, mais le soufi moderne lui parait un héritier indigne de leur statut :

ÿÆæÀ ÊÕÎÑ æÌ ÿÊ ÿóÓ ÀÀ Ç äóÇÈ ãÞ

óêÑæê Çí ÿÆê ÀÑ ÑæÇÌã ·íã ·æÀÇöäÇÎ38

Ceux qui pourraient dire «Lève-toi avec la permission de Dieu »39 sont partis
Dans les monastères ne résident maintenant que les serviteurs ou les fossoyeurs.

Iqbal explique pourquoi ils sont indignes du respect de leurs aïeux : ils pratiquent les mêmes formes externes, mais l'essence est perdue :

ÑæÑÓ Àí ÿÈÞÇÑã Àí íÈÔ ãíä Ñó Àí

·íÀä íÈ ç æÊ ·íÀä ·ÇÈÀêä ÿ íÏæÎ íÑÊ40

Cette méditation de minuit, ce « maraqba41 » ces extases ne sont rien
S'ils ne sont pas les gardiens de ta conscience.42

36 Alavi, K. (Octobre 1988) « Iqbal and Sufism » (Iqbal et Soufisme). (M. Munnawar, éd.), Iqbal Review : Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/5.htm]

37 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 563.

38 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 491.

39 Les mots qu'utilisait le prophète Isa pour lever les morts

40 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 547

41 La pratique spirituelle de méditation

42 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 26

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Les monastères, les institutions de la formation spirituelles que le mysticisme nous a liguée ne sont pas dignes dans l'avis d'Iqbal d'entreprendre la formation de Khudi, parce qu'il croit la flamme mystique qui les inspirait jadis est maintenant perdu à jamais :

ÿÓ ·æÇöäÇÎ íÏæÎ Þíá?Ê ·íÀä óãã

Çí ÑÑÔ Çê ÿæ ÿÓ ÀÏÑæÎ ãä ÀáÚÔ ÓÇ!43

Impossible est la formation de «Khudi » par les monastères
De cette flamme mouillée ne sortira jamais une étincelle44

Au même temps, si Iqbal lamente son déclin, il est loin de rejeter la tradition soufie elle-même. Il revendique le soufisme comme un point de repère pour expliquer sa propre mission, il s'associe sa pensée et son oeuvre bien concrètement avec la tradition soufie, et il utilise le terme soufi « Qalandar » pour se décrire :

ÆÇäÓ ÇÊ ÇóÀ Àí ÿÓ íãæÑ ·íã ÓæÏÑó
Ô íÀæ ÀÓÇ íÀæ ÊíÈÇ ÿÀ ·íã ÞÑÔã
ÑΠÀ ÿÀ ÊíÇæÑ Àí óíú í Ì áøÍ
ÔÇó íÏæÎ ÒÇÑ Çí ÿä ÑÏäáÞ ÏÑã Ç!45

Au paradis ainsi parla Sanai à Rumi
En Orient il y a toujours ce même bol et le potage
Mais Hallaj a cette tradition qu'enfin
Un homme « Qalandar » a dévoilé le secret de «Khudi »46

Pour donner la direction juste au monde errant il nous renvoie encore au soufisme. Dans la philosophie et le passé du soufisme il y a toujours des idées à reprendre et à valoriser, et, déclare Iqbal, nous sommes perdues justement parce que nous les avons oubliées :

Ê ÈÇ ÒÇÓ Ç íÏæÎ íÑíÊ ÿÀ ÑÇÊ ÀóÓê

Ê ÈÇ ÒÇíä ÿÈ ÿÀ ÿÓ íãæÑ ?ãÛä æÊ À47

Le fil de ta « Khudi » est brisé

43 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 686.

44 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 119.

45 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 630.

46 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 79.

47 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 633.

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Car tu ignores la mélodie de Rumi48

48 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 81.

Hibah Shabkhez 99

4.42. La poésie en ourdou, en arabe et en persan

Les ressources littéraires de la poésie persane, arabe et ourdoue exerçaient une influence importante sur l'expression d'Iqbal. Sa poésie surtout est profondément marquée au plan stylistique autant qu'au plan thématique par ses lectures extensives de la tradition poétique ourdoue-persane classique. Iqbal ne se content pas de suivre aveuglement les traditions ou d'en faire les simples emprunts ; il innove et modifie pour mieux servir ses propres fins et exprimer ses propres idées.

Le mot « Khudi » est un bon exemple d'innovation chez Iqbal : il a trouvé le mot dans la poésie classique ourdoue-persane, comme un adjectif qualitatif avec une connotation négative. Dans l'oeuvre d'Iqbal, « Khudi » devient un substantif au genre féminin pour signifier l'ego, le simple fait sans couleur de l'existence. Ainsi, il a repris un mot de la tradition poétique ourdoue-persane, et il l'a renouvelé pour exprimer sa propre philosophie de Khudi.49

Syed Abdullah explique comment Iqbal emprunt ses images de la poésie ourdoue-persane classique, en la modifiant et en y ajoutent ses propres métaphores :

Àí Ñêã ?·íú Æê í ÈÊÑã ÿÓ ·æÑÇÚóÓÇ ÑæÇ ·æóãøó íóíÇæÑ ·íÑíæÕÊ ÑËÇ
ÀêÌ Ñú ·íã ÓÇ Ñêã ÿú ííÓø äÇÈÒ í äÇ ÿÊæú ·íÀä ãæáÚã ÀÏæÓÑó ÿÑÇÚóÓÇ
íÀæ ÿã íÀæ øê íÀæ ÀäÇæÑ æ ÚãÔ íúæ ÿú ÇÊæú ÇÏí ÓÇÓÍÇ Ç íêÒÇÊ ÑæÇ óÇíä
øËã ÖÚÈ ÿÓ ·íã äÇ ÑæÇ - ÑíÏ æ íÞÇÓ --- óíúÇÔ æ ÒÇÈúÇÔ --- ·íóãøó ÕÇÎ í äÇ
íäÇ í äÇ Êãøó í æäêÌ ÑæÇ ÿÑÇóÓ ÀçÑêÇ ·íú íÑÈÇ ÿÓ ãæÀã íóíÇæÑ æÌ ·íú
?ÿú Êãøó50

La plupart des images ont été construits à partir des symboles et métaphores traditionnelles. Mais ses métaphores ne semblent pas démodées ; sa langue est classique mais elle donne partout l'impression de nouveauté et de fraicheur. La lampe et le papillon de nuit, la fleur, le vin, le serviteur du vin et le temple sont tous là. Et il y en a quelques symboles comme ... le faucon et l'aigle ... qui sont ses propres symboles dérivés de leur sens traditionnel, alors que le symbole de l'étoile et la luciole sont ses symboles originaux.

Iqbal a beaucoup apprécié les poètes classiques ourdous. S'il trouvait leurs formes et sujets traditionnels peu aptes à l'expression des idées pertinentes à l'actualité quotidienne, il les

49 Nazeer S. « Traduire la Khudi iqbalienne », p. 35-44, e-CRIT3224 [en ligne], 4, 2012, mis en ligne le 14 mai 2012. URL : http://e-crit3224.univ-fcomte.fr

50 Abdullah, S. (Janvier 1962). « _gui ayA ,-5`,1.1 - J141» (Iqbal - un artiste littéraire). (M. Rafiuddin, Ed.) Iqbal Review, 2 (4), Karachi, Iqbal Academy Pakistan, p. 14.

Hibah Shabkhez 100

regardait néanmoins avec admiration. Jeune homme, il a écrit un poème enthousiasmé à la louange de Ghalib51, poète classique. À la même époque, il est devenu étudiant par correspondance de Dagh Dehlavi, un des poètes classicistes les plus prestigieux. Sir `Abd Al-Qadir, éditeur de Makhzan, une revue ourdoue pour laquelle Iqbal écrivait dans sa

jeunesse, décrit cette relation:

Sheikh Muhammad Iqbal ... sent [Dagh] some ghazals for correction. In this way Iqbal established a relationship in Urdu with a litterateur who, in his days, was considered unique in the art of linguistic excellence in the field of ghazal... Dagh discerned the beginnings of an extra-ordinary writer in this student from a remote Punjab district. Very soon he pronounced his verdict that Iqbal did not need any further coaching in the art ofpoetry ... Iqbal has respect even for this short period and in absentia relationship; and ... Dagh ... was proud of considering Iqbal among the people whose poetry he had corrected.52

Sheikh Muhammad Iqbal ... a envoyé quelques ghazals [à Dagh] pour correction. Ainsi Iqbal a établi une relation en ourdou avec un littéraire qui, à son époque, a été considéré unique à l'égard de la maitrise de langue dans le champ du ghazal... Dagh a discerné les germes d'un écrivain extraordinaire dans cet étudiant d'une région lointaine du Panjab. Bientôt il se prononça qu'Iqbal n'avait plus aucune besoin de cours de l'art poétique ... Iqbal a du respect même pour cette relation courte et in absentia; et ... Dagh ... était fier de compter Iqbal parmi les personnes dont il avait corrigé la poésie.53

La poésie persane avait toujours un charme particulier pour Iqbal. Muhammad Riaz compte plus que soixante poètes persans dans l'oeuvre d'Iqbal - beaucoup plus que les poètes ourdou et arabes. Il mentionne entre autres Firdausî, Manûchihrî, Nâ?ir Khusrau, Mas'ûd, Sanâ'î, Anwarî, Khâqanî, Ni?âmî, `A??âr Nishâpûrî, Ma?mûd Shabistarî, Rûmî, Hafiz et Ghalib54. Iqbal avait écrit presque 9000 couplets en persan, et seulement 6000 en ourdou; et sa diction dans les deux langues, constate Riaz, « reste explicitement persane, parce qu'il a bu longtemps à la fontaine persane »55

Iqbal n'a pas écrit en arabe, mais ces lectures de la poésie arabe ont sans doute influencée son style lorsqu'il écrivait dans les autres langues. S. T. Khan nous en donne un exemple:

51 [Cf. Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyâ t-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 55.]

52 Iqbal, M. (1924) The Call of the Caravan Bell (Bâng-e darâ) trad. eng. M. A. K. Khalil (avec une preface de Sir `Abd Al-Qadir, Barrister At Law, Editor Makhzan) [Url: http://www. allamaiqbal. com/]

53 Ibid.

54 Riaz, M. (Avril, 1979) « A Comparative Appraisal ofIqbal's Persian Poetry» (Une evaluation comparative de la poésie persanne d'Iqbal). ((M. Moizuddin éd.) Iqbal Review, 20 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr79/2.htm]

55 Ibid.

Hibah Shabkhez 101

íÈÇ óÈ ÑíÀÒ ÿÀ ÇóÀ íãáÓ :

ÀóáÎ óíÔãí ãÇÑóÇæ óíÚúÇÇÈ

ãËÌã ø óã óÖäí ÇúæøØÇ æ

( ÿ äÇ ÿçí ÿçí ÿ äÇ ÑæÇ ·íÀ ÿóÀÑ ÿóãæê äÑÀ ÏíÓ ÑæÇ ·íÆÇê øíä ·ÇÀæ

·íÀ ·ÇæÏ ·ÇæÑ Ñ æç ÿäÇ

ÿçÈ)56

??? áÇÈÞÇ Àãøó:

ãÇÑÎ ÇæÑ ÿÈ ÇæÀ Àæ À ÿáí ÿ ÊíÑ5758

Zuhair ibn abi Sulma dit:
Les taureaux bleus et les cerfs s'y promènent
Et ses enfants laissent leurs abris pour les suivre partout
Allama Iqbal ... :
Sur la colline de sable cette promenade exquise des cerfs

Dans Asrar-e Khudi, Iqbal a indiqué en note de bas de page l'influence d'un vers de Bussairi :

ãÇíÇ áÍÞ ÇÞ ÒÇ ÞäæÑ ÇÑ

ÇÑ ãÇæÞÇ ÇÞ æ ãÊÎ ÇÑ áÓÑ æÇ59

Le monde est animé à cause de nous

Il est le dernier prophète60 et nous sommes la dernière nation

íÑíÕæÈ ÿÀ ÑÚÔ Ç :

ÇäíÚÇÏ Ç ÇÚÏÇÞá ÀÊÚÇØá

ãÞáÇ ãÑÇ Çä áÓÑáÇ ãÑÇ61

Puisqu'Allah a nominé le prophète, qui nous a appelé à la vénération d'Allah

Le plus noble des prophètes, nous sommes, en conséquence, la plus noble des nations

56 Khan, S. T. (Juillet-Septembre 1993) « ÊÇÑËÇ ÿ ÈÏÇ íáÀÇÌ íÈÑÚ Ñ íÑÚÇÔ æÏÑÇ í áÇÈÞÇ ÀÞáÚ » (L'impact de la poésie arabe préislamique sur la poésie ourdou d'Iqbal). (M. Munawwar, Ed.) Iqbaliat (Iqbal Review), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 63.

57 Ibid.

58 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 286.

59 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîKhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 230

60 Le prophète Muhammad (paix et salut soient sur lui)

61 Munawwar, M. (Juillet 1968). «ÊÇÑËÇ ÿ ÈÏÇ íÈÑÚ Ñ áÇÈÞÇ ãá» (l'impact de la littérature arabe sur l'oeuvre d'Iqbal). (B. Dar, Ed.) Iqbal Review, 9 (2), Karachi, Iqbal Academy Pakistan, p. 67.

Hibah Shabkhez 102

Iqbal se réfère de ses lectures pour enrichir ses critiques littéraires comparées : par exemple, dans ce discours sur la poésie du poète afghan Khushal Khan Khattak, Iqbal compare son style avec la poésie arabe afin d'en approfondir son analyse

·íÀ ÿóú ?æÀ ÿÊj ÀjÕÈÊ j ?jóÇÔ í ·ÇÎ áÇÍÔæÎ ??? áÇÈÞÇ Àãøó:

«Throughout his poetry the major portion of which was written in India, and during his struggles with the Mughals, breathes the spirit of early Arabian poetry. We find in it the same simplicity and directness of expression, the same love offreedom and war, the same criticism of life »62, 63

Allama Iqbal ... écrit lors d'un commentaire sur la poésie de Khushal Khan Khattak:

« Partout dans sa poésie, dont la plupart a été rédigé en Inde, et pendant ses luttes contre les Mughals, souffle l'esprit des tous débuts de la poésie arabe. Nous y trouvons la même expression simple et directe, le même amour de la liberté et de la guerre, la même critique de la vie.

62 Le commentaire d'Iqbal sur Khushal Khan Khattak a été publié dans la revue Islamic Culture à Hyderabad, en Mai 1928.

63 Rahi, A. (Juillet-Octobre 1977). «áÇÈÞÇ ÑæÇ ?Î ·ÇÎ áÇÍÔæÎ » (Khushâl Khân Khattak et Iqbal). (S. G. M. Tabassum, Ed.) Iqbal Review, 18 (2-3), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 175.

Hibah Shabkhez 103

4.5. La poésie et la philosophie occidentale

Herman Hesse a écrit sur Iqbal: « Iqbal appartient aux trois domaines de l'esprit ou de l'intellect, les sources de son oeuvre immense: les mondes de l'Inde, de l'Islam et de la pensée occidentale. »64

Iqbal était bien conscient de la position unique que sa connaissance approfondie des philosophies orientales et occidentales lui donnait. En 1905 il a écrit à l'université de Cambridge : « Ma connaissance de l'arabe et le persan ... et de la philosophie occidentale me donnent la notion que je pourrais faire une contribution au savoir occidentaux, de quelque branche de la philosophie musulmane ».65

Iqbal a étudié la philosophie occidentale pendant plusieurs années, d'abord à Government College Lahore, puis à Cambridge, Heidelberg et Munich. Il a enseigné la langue anglaise, et il a utilisé des écrits des poètes occidentaux dans son propre oeuvre, surtout Goethe, Wordsworth et Emerson. L'influence de ses professeurs, Thomas Arnold, McTaggart et Ward, et de deux orientalistes, Nicholson (qui a traduit Asrar-e-Khudi) a marqué sa pensée.

Or, remarque S.A.Vahid, ses critiques des l'Orient sont parfois si violents et si pointus, que « ses lecteurs ont la tendance de sous-estimer le rôle d'Angleterre dans le développement du génie d'Iqbal »66 Iqbal avoue le charme de l'Occident, mais il n'en conseille pas l'émulation

aveugle, qui peut être distrayante, sinon ruineuse:

 
 

Òíæ áÏ æ Çä ÈÑØ

ÀçÑê

ãÌó

ÑÚÔ ÿÀ

ÒíÊ íÏæÎ ÑíÔãÔ ·íÀä

íÊæÀ

ÿÓ

ÑÚÔ ÓÇ67

La poésie étrangère soit délicieuse, attrayante, glorieuse
Mais cette poésie ne fait pas tranchant le sabre de « Khudi »68

L'esclavage physique ou idéologique de l'étranger affaiblit la Khudi :

64 Durrani, S. A. (Octobre 1999) « Iqbal: A Bridge Between the East and the West» (Iqbal: Un pont entre l'Orient et l'Occident). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 40, (3-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct99/6.htm]

65 Ibid.

66 Vahid, S. A. (Avril, 1976) « Iqbal in England» (Iqbal en Angleterre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review,17 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr76/1.htm]

67 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 639.

68 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 28.

Hibah Shabkhez 104

ãÑä ÆæÀ í ÓÌ íÏæÎ ÿÓ íãøÇ ÑíËÇÊ

ÿú íãÌó ·íã ÞÍ ÿ ãæÞ ÓÇ ·íÀä ?çÇ69

Sous l'effet de l'esclavage ta « Khudi » est devenue molle,
La mélodie du pays étranger n'est pas bonne pour cette nation70

En effet, l'occident occupe dans la pensée d'Iqbal une position bien ambivalente. Il en a critiqué plusieurs aspects, notamment la modernité et le matérialisme. Pour Iqbal, les philosophies intellectuelles les plus profondes de l'occident souffrent d'une lacune

fondamentale:

The idealism of Europe never became a living factor in her life, and the result is a perverted ego seeking itself through mutually intolerant democracies whose sole function is to exploit the poor in the interest of the rich. Believe me, Europe today is the greatest hindrance in the way of man's ethical advancement.71

L'idéalisme de l'Europe n'est jamais devenu un facteur vivant dans sa vie, et le résultat est un ego perverti se cherchant lui-même à travers des démocraties intolérantes dont la seule fonction consiste à exploiter les pauvres dans l'intérêt des riches. Croyez-moi, l'Europe aujourd'hui est le plus grand obstacle qui dresse sur la voie du progrès éthique de l'homme.72

Selon Nicholas Adams Iqbal s'intéresse dans la philosophie occidentale pour:

- tracer les façons dans lesquelles la philosophie occidentale relève et développe

quelques courants de pensée empruntées de l'orient

- Sa transition d'une ontologie statique au dynamisme moderne.

- Son échec: la perte de Dieu et de la morale. 73

Wazir Agha explique en détail comment Iqbal emprunt, amalgame et reformule la philosophie occidentale pour développer sa propre philosophie de Khudi et bikhudi :

In Western Philosophy the individual consciousness highlighted by such concepts as logo-centrism, Cogito, logos or the intentional phenomenon of the ego is considered very important.

69 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 638.

70 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 86

71 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam). Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 142

72 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 193

73 Adams, N. (Octobre, 2008) « Iqbal and the Western Philosophers » (Iqbal et les philosophes occidentaux). (M. S. Umar & B. B. Koshul, éd.) Iqbal Review : Muhammad Iqbal A Contemporary, 49, (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct08/6.htm]

Hibah Shabkhez 105

Even in oppositions such as meaning/ form, soul/ body, intuition/ expression, literal/ metaphorical, nature/ culture, transcendental/ empirical, the superior form belongs to the logos and is a higher presence, the inferior term marks a fall - In South Asian mystic thought, on the other hand, the individual consciousness and collective consciousness are two sides of the same coin. The relation between the two is that of a drop of water with the ocean. Both are «water». The opposition is a mirage, born out of a fallacy in consciousness. So both concepts co-exist creating a linkage and not a confrontation. It was Iqbal who deviated from this time-old stance and for the first time in Urdu literature, juxtaposed the concept of individual consciousness (which he called `Khudi') to the concept of `Be-Khudi' - a sort of collective consciousness.74

Dans la philosophie Occidentale, la conscience individuelle, mise en valeur par les concepts tels que logocentrisme, Cogito, logos ou le phénomène intentionnel de l'ego est considérée très importante. Même dans les oppositions telles que sens / forme, âme/ corps, intuition/ expression, littérale / métaphorique, nature/ culture, transcendantal/ empirique, la forme supérieure appartient au logos et est une plus haute présence - Dans la pensée mystique sud-asienne, cependant, la conscience individuelle et la conscience collective sont les deux facettes du même problème. La relation entre les deux est celle d'une goutte de pluie et un océan. Les deux sont de «l'eau». L'opposition est un mirage, n'est d'une faille de conscience. Donc les deux concepts coexistent, et créent une chaine et non pas une confrontation. C'était Iqbal qui a dévié de cette ancienne position et pour la première fois dans la littérature ourdoue, a juxtaposé la conscience individuelle (qu'il appelait « Khudi ») au concept de « Be-Khudi» - une sorte de conscience collective.

Ñêã

ÇÊ ÑÇÏÑÈ ãáó Ç

ÊíÏÇÑäÇ í ÏÑó æÌ Çí áæÈÞ æ ÑæÕÊ ÓÇ

ÿ ÊíÈÑÛã ÿä áÇÈÞÇ

æ

ÿóÔÑ ?ä íÇ

ÿ ÿÑÔÇÚã ÑæÇ ÏÑó ÿ Ñ áÓäã ÿÓ

ÊíóÇãóÌÇ ÿÓÇ Ñ

 
 

í íÈ ÔÔæ í ÿäó ÿäãÇÓ75

 

Iqbal a accepté la philosophie Occidentale qui valorisait l'individualité de l'individu mais puis il l'a rejoint à la collectivité pour tenter à révéler une nouvelle relation entre l'individu et la société.

Si Iqbal emprunt et apprend ce qu'il considère valable dans les traditions philosophiques et littéraires occidentales, ces racines sont toujours bien établies dans sa foi religieuse et sa philosophie de Khudi. Enfin, Khudi le sert d'une certaine manière d'ange gardien et de pierre de touche dans son interaction avec les idées occidentales.

æÎ Çí æÊ 'ÀúÇ ó' æÀ ·íã ÑÀæÌ

ÀäÇíêäÑó æê æÀ ãíáÚÊ

óíúæ Àç Ñ øê ÎÇÔ

74 Le discours de Wazir Agha. [Cf. Agha, W. (Juillet 1995) «ÊÇÑËÇ ÿ ÊíÈÑÛÞ ÑæÇ áÇÈÞÇ » (L'impact de Occidentalisme sur Iqbal). Iqbaliat (Iqbal Review), 36 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 15-22.]

75 Agha, W. (Juillet 1995) «ÊÇÑËÇ ÿ ÊíÈÑÛÞ ÑæÇ áÇÈÞÇ » (L'impact de Occidentalisme sur Iqbal). Iqbaliat (Iqbal Review), 36 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 21.

Hibah Shabkhez 106

ÀäÇíÔ ·íã íÏæÎ íäÇ Ñ!76

Si tu possède dans ton âme la graine de l'unicité
Tu n'as pas à craindre d'une éducation occidentale.
Tu peux chanter sur la branche fleurie
Mais ton nid doit être dans ta « Khudi »77

76 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 600.

77 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 61

Hibah Shabkhez 107

4.6 La méthode d'utilisation de sources chez Iqbal

Nous avons examiné brièvement les traditions philosophiques et littéraires d'où Iqbal a tiré les sources multilingues qui ont marqué son expression. Nous comptons analyser à l'aide des exemples concrets, des différentes manières dans lesquelles Iqbal a intégré les écrivains, leurs textes et leurs pensées dans sa propre oeuvre.

- Par référence aux personnages ou lexicographies historiques :

Iqbal utilise le nom d'un poète ou un penseur célèbre comme un symbole pour appuyer son idée. Dans ce vers, par exemple, il utilise les noms des grands mystiques islamiques pour expliquer que se coller aux grands noms du passé n'accomplit rien du tout. Ce n'est pas le nom ou l'association qui assure la réussite, mais la dévotion sincère.

æÀ íúÇÒÇ æÀ íÒÇÑ æÀ íãæÑ æÀ ÑÇØó

íÀÇê ÑÍÓ À ÿÈ ÇÊ ·íÀä ÊÇÀ ç78

Que ce soit Attar ou Rumi ou Razi ou Ghazali
Il n'obtiendra rien sans les soupirs du matin

- Par la formulation de ses propres idées en contournant le sens du vers emprunté : Ishrat Waheed montre comment Iqbal prend un vers du poète persan Firdûsî et l'utilise pour exprimer sa propre idée de la fortification de Khudi :

ÿÊÑ öÎÇ íäÚã ÿ íÏæÎ ÙÍ ÿÓ ÑÚÔ íÇ íÀ ÿ íÓæÏÑó áÇÈÞÇ ·íã øíÑÈÌ áÇÈ
·íÀ79---:
Öæó ÿ ÑÒ æ ãíÓ ÿÏ Àä æ íÏæÎ
Öæó ÿ ÑÑÔ ÿóíÏ ÀáÚÔ ·íÀä
Ñæ ÀÏíÏ íÓæÏÑó ÿÀ ÇóÀ Àí
ÑÕÈ óÔæÑ ÿÓ ÿãÑÓ ÿ ÓÌ ãÌó
ÔÇÈã æÎ ÏÈ æ ÏäÊ ãÑÏ ÑÀÈÒ
ÔÇÈã æê ãÑÏ íÔÇÈ À ÏíÇÈ æÊ80

Dans Bal-e Jibril, Iqbal dérive le sens de la fortification de Khudi d'un vers de Firdûsî :

78 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 385.

79 Ishrat, W. (Juillet 1991). «J14t .Jst ceis..J9 » (Firdûsî et Iqbal). Iqbal Review, 32 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 113.

80 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 490.

Hibah Shabkhez 108

N'échange pas ta Khudi pour l'argent et l'or On ne donne pas la flamme pour l'étincelle C'est ce que dit Firdûsî, l'homme de vision Dont la perception éclaircie a approfondi la vision de l'Ajam81

Ne sois pas un goujat pour une mauvaise question de l'argent,

N'importe combien tu en as, ne compte pas ton argent.

Par la reformulation des idées d'un autre en ses propres mots :

Dans Jâvid Nama, Iqbal a emprunté et présente le thème d'un poème de Khushal Khan Khattak dans ses propres mots :

?? ÿÀ Çí Ôí ·íã ÿú íäÇ æ ÑËÇÊ ÿ ·ÇÎ áÇÍÔæÎ ·íã ??? ÀãÇä ÏíæÇÌ ÿä áÇÈÞÇ Àãøó
ÑÍ äÇÛóÇ ÑêÇ ÏÈÇí ÿÑóÔÇ
ÑÏ ÑÇÈäÇ ÇÈ æ ÒÇÓ æ ÞÇÑí ÇÈ
ÑÏ ÑÇÈäÇ ·ÇÒÇÔäæÏ ÊãÀ
ÑóÔ êäÒ ÇÈ ÏæäÔæÎ ÏæÔ íã !82

Dans le Javidnama, Iqbal a présenté les sentiments de Khushal Khan dans son propre style :
Si un Afghan obtient un chameau gratuit
Chargé avec un tas de perles.
Il a si peu d'audace que ce n'est pas tas de perles
Mais la cloche du chameau, dont il se réjouit

Akhtar Rahi nous donne une traduction des vers de Khushal Khan Khattak qu'Iqbal a repris :

ÿÀ Àí ÀãÌÑÊ Ç ÑÇÚÔÇ ÿ ·ÇÎ áÇÍÔæÎ ???:
" ÿ øÛã ?·íÀ ÿó ÿ ÿäÇÎ çæÈ Àí ?·íÀ ÿãä ÑæÇ æÞæÿÈ øÀÇÌ ÿäó äÇÛóÇ
ÿ äÇ ÓæÀ í ·æÈæÕäã ÿ ·æáÛã ÑæÇ ·íÀ ÿíÈ ÑÇÀ íÀÇÔÏÇÈ ÿíú ÿ ÑÒ æ ãíÓ
í ÿáê ÿ ÓÇ Àí Ñêã Çí Ñê ÿ äÇ äæÇ ÇæÀ ÇÏú ÿÓ ÈÇÈÓÇ æ áÇæãÇ ?ÿÀ Ñíê óãÇÏ
?ÿêú ÿäú ·íã Ó ÿíú ÿ ÓÇ Ñ ÌãÓ ÊãíäÇ áÇã æ ?äê"83

Voici la traduction des vers de Khushal Khan Khattak:

Que les afghans sont ignorants, bêtes, et bon à rien ! Ce sont les chiens de l'abattoir. Ils ont abandonné leur royaume pour l'argent et l'or des Mughals et ils sont piégés par la cupidité des desseins des Mughals. Un chameau chargé de bagage est venu chez eu, mais ils sont en train de lutter pour sa cloche, qu'ils considèrent comme la dépouille de la guerre.

81 L'Orient, les pays non-arabes

82 Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1510.

83 Rahi, A. (Juillet-Octobre 1977). « JÇÈÞ! Ñs! ?Î ·ÇÎ JÇÍÔsÎ » (Khushâl Khân Khattak et Iqbal). (S. G. M. Tabassum, Ed.) Iqbal Review, 18 (2-3), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 175.

Hibah Shabkhez 109

- Par le calque ou la traduction pour étayer sa propre idée :

Outre les poésies qu'il a écrites comme « réponse » à la pensée d'un autre poète, tel que Hafiz ou Rumi84, Iqbal a souvent calqué ou traduit des vers, intégralement ou partiellement, comme de ce vers de Sanai:

ÆÇäÓ: íÈ ã æ íÑæÎ ã ÒÇ ÊÓíä

íÈÇÑóÇ ÞØä æ íÏäÀ óÀó85

áÇÈÞÇ: ÿÀ óÇæ ÿäæÀ ÿÓ ÞÍ ÀÇêÑÏ Ñ æ óãæã ÇØÚ

íÈÇÑóÇ ÞØä íÏäÀ óÀó íäÇãÑÊ ÀæÔ86

SANAI : Ce n'est par manger et boire moins
Qu'on arrive à l'esprit indien et le discours arabe
IQBAL : Dieu va donner bientôt encore au musulman fidèle
La splendeur des turkmènes, l'esprit indien, et le discours arabe

Muhammad Riaz trouve « une similarité totale ou partielle entre beaucoup de sujets chez Bedil et Iqbal »87 . Il cite comme exemple :

áÏíÈ: äÏæÈ ÀäÇ?ãú ÏÑÎ ÇÈ ãÒó Àç
äÏæÈ ÀäÇæíÏ äÇæÊ íã íÒæÑæÏ88
áÇÈÞÇ: øöó äÇÈÓÇ ÿúÑ ÊÇÓ ÿ áÏ ÿú ÇçÇ
ÿÏ æç íÈ ÇÀäÊ ÿÓÇ íÈ íÈ óíú89

Bedil: Il est essential de vivre avec sagesse
Fortifie-la par être fou pendant deux jours
IQBAL: Il est bien de maintenir le gardien de l'intellect près du coeur
Mais parfois laisse-le seul aussi

- Par un emprunt stylistique (eg. des symboles, mètres, rimes ou rythmes) :

Iqbal prend le symbole de la lune qu'utilise Hafiz, mais il le donne un sens différent. Selon Muhammad Aslam Zia :

84 Vahid, S. A. (Janvier 1964) « ÇÑÚÔ ÿÑÓæÏ ÖÚÈ ÑæÇ áÇÈÞÇ » (Iqbal et quelques autres poètes). (M. Rafiuddin, Ed.) Iqbal Review , 4 (4), Karachi, Iqbal Academy Pakistan, p. 53.

85 Firaqi, T. (Janvier 1996) « åÒÆÇÌ íä ÑÕÊÎÞ Ç íÑÚÇÔ æÏÑÇ í áÇÈÞÇ » (Une courte analyse stylistique de la poésie ourdou d'Iqbal) Iqbaliat (Iqbal Review), 36 (4), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 92.

86 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 297.

87 Riaz, M. (Janvier 1972). « ·íã íäÔæÑ í áÇÈÞÇ ÀÚáÇØÞ áÏíÈ ÑÏÇÇáÇÏÈÚ ÇÒÑíÞ » ( Mirza Abdul Qadir Bedil à la lumière des lectures iqbaliennes). (S. A. Vahid, Ed.) Iqbal review, 12 (4), Iqbal Academy Pakistan, p. 59.

88 Ibid. p. 61.

89 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 133.

Hibah Shabkhez 110

 
 

ÙóÇÍ : æä Àã ÓÇÏ æ ãÏíÏ áó ÒÈÓ ÚÑÒã

 
 
 

æÑÏ ãÇêäÀ æ Ïã ÔíæÎÀóÔ ÒÇ ãÏÇí

 
 

(íóí íäÇ

ÿÌã Ñ íÏ íóäÇÑÏ í ÏäÇç ?ä ÑæÇ Êí

ÒÈÓ Ç äÇãÓÂ

ÿÀ

ÀÑÇÔÇ ÑØ

í áÇãóÇ óÓÍ ·íã ÑÚÔ ÓÇ ?Çíê  ÏÇí ÊÞæ Ç

ÿäÇ ?óíÑæÇ)90

 
 

áÇÈÞÇ : æä Àã Çíê ÑÒê ÿê ÿÓ ãÇöã Ç ÑÀ

 
 
 

æÏ æ êÊ ÿÈ ÿÀ ÇæÀ ÑÓíã æ Ó áÇã91

 

ÿÀ

ØæÑÔã ÿÓ

ÏÀÌæÏÌ áÇã áæÕÍ À ÿÀ ÀÏíÔæ ÊÇÈ Àí ·íã áÒÇäãí ÏäÇç92

HAFIZ : Quand j'ai regardé le champ vert du ciel et la faux de la nouvelle lune
Je me suis souvenu de mes cultures et le temps de la récolte
(le poète se réfère à ses bons oeuvres et au jour du jugement dernier)
IQBAL: La nouvelle lune a dépassé chaque étape
À-t-on jamais atteint l'excellence sans effort ?
(Les étapes de la lune signalent que l'excellence dépend de l'effort)

Iqbal prend le qafiyah « æÊÑ » de Hafiz et l'utilise dans sa propre poésie pour exprimer une idée bien différente :

ÙÇÍ : áó ÀÈ ÇÍíÓã æç ÏÑÌã æ Ç íæÑ Ñê
æÊÑ ÏÕ ÏÓÑ ÏíÔÑæ?È æÊ ÛæÑó ÒÇ
(Çê ?ÇÌ úç Ñ äÇãÓ æÊ ÍÑØ í ÇÍíÓã Ñ æÀ ÏÑÌã ÑæÇ Ç ÑêÇ
Ê ÌÑæÓ ÿÓ Ñæä æÊ ÿê ·íçäÀ ÿæáÌ ·æäíÓ)?93
áÇsÞÇ: Çí æÊ íÈ ÇæÀ Çæ ÀçäÇ Àæ ÿÓ ÑæÒ ÿ Óä
æÊÑ Ç ÈÇóó  ·íÀä ÈíÕä ÿÓÌ94
(ÿÓ ÀÌæÊ æ Øú ÿ ÏÔÑã æ Ñí ÊÈÓä í ÔÔæ íÊÇó äÇÓäÇ
ÿÀ ÇÊÑ íÞÑÊ ÀÏÇíÒ)95

HAFIZ : Si vous devenez chaste et distinct et montez au ciel comme le Messie

90 Zia, M. A. (Julliet-Septembre 1997) « ÊÇÑËÇ ÿ ÙÇÍ ·íã ·æáÒÛ í áíÑÈÌ áÇÈ » (L'impact de Hafiz sur les ghazals de Bal-e Jibril) Iqbaliat (Urdu), 38 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 66.

91 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 399.

92 Zia, M. A. (Julliet-Septembre 1997) « ÊÇÑËÇ ÿ ÙÇÍ ·íã ·æáÒÛ í áíÑÈÌ áÇÈ » (L'impact de Hafiz sur les ghazals de Bal-e Jibril) Iqbaliat (Urdu), 38 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 66.

93 Zia, M. A. (Julliet-Septembre 1997) « ÊÇÑËÇ ÿ ÙÇÍ ·íã ·æáÒÛ í áíÑÈÌ áÇÈ » (L'impact de Hafiz sur les ghazals de Bal-e Jibril) Iqbaliat (Urdu), 38 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 66.

94 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 399.

95 Zia, M. A. (Julliet-Septembre 1997) « ÊÇÑËÇ ÿ ÙÇÍ ·íã ·æáÒÛ í áíÑÈÌ áÇÈ » (L'impact de Hafiz sur les ghazals de Bal-e Jibril) Iqbaliat (Urdu), 38 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 66.

Hibah Shabkhez 111

Mille réflexions de votre lumière vont gagner le soleil
IQBAL : Même si le bouton fleurit avec le pouvoir du soi
Qu'importe s'il n'a pas reçu la réflexion du soleil
(L'homme fait plus de progrès sous la faveur d'un guide spirituel que par ses propres efforts)

Dans ce ghazal, Iqbal a gardé la texture du ghazal de Rumi :

c3L41: ÊÓæÒÑ ãÑíÔãÔ æ ÑÌäÎ æ äÇäÓ æ ÑíÊ

ÊÓæÒÑ ãÑíÈÔ áÓã ÀÇíã óãÇÈ96

N ~

ts4 .): ÊÓæÒÑ À-ri- S æ ÛÇÈ À ÎÑ ÆÇãäÈ

ÊÓæÒÑ ÀäÇæÇÑó ÏäÞ À Èú ?ÇÔÈ97

IQBAL: Je désire la flèche, la lance le poignard et l'épée
Ne viens pas avec moi parce que je désire la foi de Shabbir98 (le martyre)
RUMI: Il semble apparemment que je désire le verger et le jardin
Mais si j'ouvre mes lèvres c'est parce que je désire une abondance de douceur

De ce vers d'Hafiz, commente Muhammad Aslam Zia, Iqbal a retenu le symbolisme et le qafiyah « åÑÇä » et « åÑÇç », traduit le radeef « ÊÓíä » en ourdou « ·íÀä » et changé le mètre. D'ailleurs, en remplacent le mot « ÞÔÚ » (l'amour) avec « Khudi », il en a mis sa propre philosophie.99

1aiL& : ÊÓíä ÀÑÇä ÔçíÀ À ÞÔó ÑÍÈ ÊÓíÑÍÈ

ÊÓíä ÀÑÇç ÏäÑÇÓÈ ·ÇÌ ÀäíÇÒÌ ÇÌäÂ100 c3LÈÞ1 : ·íÀä ÀÑÇä Ææ Ç ÓÌ ÿÀ ÑÍÈ Àæ íÏæÎ

·íÀä ÀÑÇç æÊ ÑêÇ ÇÌãÓ ÿÓÇ æÌÈ æÊ101

Ton océan est un océan de l'amour sans bornes
Vous n'avez d'autre choix que d'y rendre votre vie
La Khudi est un océan sans bornes.
Si tu le considères une petite source, tu seras perdu

96 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'Orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 660

97 Vahid, S. A. (Janvier 1964). «ÇÑÚÔ ÿÑÓæÏ ÖÚÈ ÑæÇ áÇÈÞÇ » (Iqbal et quelques autres poètes). (M. Rafiuddin, Ed.) Iqbal Review , 4 (4), Karachi, Iqbal Academy Pakistan, p. 53.

98 Imam Hassan, fils d'Ali, le gendre du prophète Muhammad (paix et salut sur lui)

99 Zia, M. A. (Julliet-Septembre 1997) « ÊÇÑËÇ ÿ ÙÇÍ ·íã ·æáÒÛ í áíÑÈÌ áÇÈ » (L'impact de Hafiz sur les ghazals de Bal-e Jibril) Iqbaliat (Urdu), 38 (2), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 68.

100 Ibid. p. 67.

101 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 376

Hibah Shabkhez 112

Syed Nomanul Haq a classé les sources qu'Iqbal a utilisées - « penseurs, écoles philosophiques et traditions » - en fonction de leur impact sur sa pensée et sur son expression102. Il distingue ceux:

Qui ont influence la structure et la substance de sa pensée - ce sont les sources qui ont inspiré sa philosophie et influencé sa formulation. Dans cette catégorie on peut placer par exemple Al-Jili, dont la philosophie de la formation de l'homme idéal en trois étapes a eu une influence importante103 sur la philosophie de Khudi d'Iqbal, quoiqu'Iqbal a modifié ce schéma considérablement. Nous pouvons également parler de Rumi, qui avait, selon Irfan A. Omar, « une grande influence sur la contenu de sa pensée ainsi que son style d'expression de cette pensée. »104 Il regardait Rumi comme son guide spirituel, et, en effet, le Khizr (guide spirituel) dans les poèmes célèbres d'Iqbal « Khizr-i Rah »105 et « Jawab-e-Khizr » 106 est symbolisé par Roumi.

Qu'Iqbal a utilisé pour expliquer ou renforcer ses propres idées - Iqbal a écrit pour un public multilingue. Il a donc se référé aux penseurs, groupes philosophiques et traditions parfois pour fournir à son public des points de repère pour mieux comprendre sa philosophie. Dans une lettre à Nicholson en 1921, Iqbal conseil les lecteurs anglais d'approcher son idée de l'homme idéal en fonction des discours philosophiques « d'un penseur anglais de grande mérite », Alexander, au lieu de la philosophie de Nietzsche, qui n'a qu'une « ressemblance superficielle » à son idée107 De la même façon, pour expliquer sa philosophie de Khudi à un

102 Haq, S. N. (Avril-Octobre 2009) « Iqbal and Classical Muslim Thinkers » (Iqbal et les penseurs musulmans classiques). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 50, (2-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/aproct09/5.htm]

103 Iqbal a écrit un essai en 1900 « The doctrine of absolute unity as expounded by Karim Al-Jili » (La doctrine de l'unité absolue expliquée par Karim Al-Jili » dans le quel il exploite la philosophie d'Al-Jili et donne ses impressions. [Cf. Iqbal, M. Discourses ofIqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 136]

104 Omar, I. A. (Printemps 2004) « Khiýr-i Râh: The Pre-Eminent Guide to Action in Muhammad Iqbal's Thought» (Khiýr-i Râh: Le guide prééminent à l'action dans la pensée de Muhammad Iqbal) Islamic Studies, 43, (1), pp. 39-50, date d'accès : 23/01/2014, [URL: http://www.jstor.org/stable/20837324]

105 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 283-285.

106 Ibid. p. 286-287.

107 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal

Academy Pakistan, 2003, p.199.

Hibah Shabkhez 113

public Occidentale, Iqbal a fait référence à la philosophie de J. S. Mackenzie, professeur au Trinity College, Cambridge, pour expliquer sa conception de l'homme idéal108

Selon Nicholas Adams, Iqbal semble utiliser les sources philosophiques comme un avocat qui cite les cas précédents pour soutenir l'argument qu'il présent:

He tends to cite philosophers to illustrate a general point he is making, or to support a broad argument. They are largely cited as authorities to confirm a point, and it is very rare to find Iqbal drawing on a chain of reasoning in an extended fashion ... I wonder if there is a tendency for Iqbal to treat other philosophers' arguments as analogous to legal judgements, rather than as chains of reasoning that can be adapted, extended or corrected to solve new problems. It is noticeable that Iqbal rarely corrects another philosopher's argument. One can see this in the cases of Nietzsche and Bergson. In disagreeing with Nietzsche he tends not to reconstruct and correct Nietzsche's reasoning, but rather to voice disagreement with Nietzsche's views broadly conceived...109

Il a la tendance de citer des philosophes pour illustrer un point, ou pour illustrer un point général qu'il présente, ou pour soutenir un vaste argument. Ils sont cités normalement comme des autorités pour consolider un point, et il est très rare de trouver qu'Iqbal utilise une chaine de raisonnement dans une manière continue ... je me demande si Iqbal a une tendance de traiter les arguments des autres philosophes comme s'ils étaient les jugements légales, plutôt que comme des chaines de raisonnement qui peuvent être adaptées, ou corrigées pour résoudre des nouveaux problèmes. On remarque qu'Iqbal ne corrige que rarement l'argument d'un autre philosophe. On peut voir cela dans les cas de Nietzsche et de Bergson. En s'opposant à Nietzsche, il tend à ne pas reconstruire et corriger le raisonnement de Nietzsche, mais plutôt d'exprimer son opposition avec les opinions de Nietzsche dans un sens général...

Or, l'analyse de M. Saeed Sheikh ouvre une nouvelle dimension sur la mission didactique d'Iqbal. Iqbal avait bien la volonté de corriger ou d'enseigner. Il apprécie le génie de Nietzsche, mais lamente la mauvaise direction que sa pensée a prise, et montre son regret qu'il soit impossible de lui transmettre la lumière spirituelle :

And he [Iqbal] ... could be Nietzsche's spiritual mentor, were he in Iqbal's times ...

·íã ÿäÇãÒ ÓÇ íêäÑó ÈæöÌã Àæ ÇÊæÀ ÑêÇ

108 Iqbal cite Mackenzie, J.S. (1895) Introduction to Social Philosophy, 2e ed. London and New York, Macmillan & Co. [Cf. Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003. p. 194]

109 Adams, N. (Octobre, 2008) « Iqbal and the Western Philosophers » (Iqbal et les philosophes occidentaux). (M. S. Umar & B. B. Koshul, éd.) Iqbal Review : Muhammad Iqbal A Contemporary, 49, (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct08/6.htm]

ÿÀ Çí ÇíÑÈ ãÇöã ÇÊÇÌãÓ æ ÓÇ áÇÈÞÇ æÊ!110111

Et il [Iqbal] ... pourrait être le mentor spirituel de Nietzsche, s'il vivait à l'époque d'Iqbal ...

Si ce savant franc était présent dans cette époque Iqbal l'aurait enseigné la Grandeur de Dieu!

Iqbal utilise ses sources multilingues, pour embellir son oeuvre, dans les façons bien diverses, au plan thématique autant qu'au plan stylistique. À la fin de compte, elles servent à mieux communiquer la pensée d'Iqbal et surtout sa philosophie révolutionnaire de Khudi.

Hibah Shabkhez 114

110 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 385

111 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam). Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 204

Hibah Shabkhez 114

5. L'EXPRESSION

MULTILIGUE DE

KHUDI DANS LA

PENSÉE D'IQBAL

Hibah Shabkhez 115

5.1 Le contexte multilingue d'Iqbal

Iqbal est né dans un territoire multilingue et multiculturel dès l'antiquité - le sous continent sud-asien à l'époque colonial. On compte aujourd'hui 575 langues dans les trois pays qui en faisaient jadis partie (454 en Inde, 77 au Pakistan et 44 au Bangladesh). L'index Greenburg de diversité place l'Inde au numéro 14 dans le monde entier par rapport à la diversité multilingue.1

La capacité extraordinaire de la région pour l'assimilation de nouvelles langues et cultures a fait du multilinguisme un élément intrinsèque de sa vie quotidienne. Les langues s'entremêlent, entre-agissent, souvent dans une même parole ; les interférences linguistiques et la communication plurilingue fait partie de sa culture. Par exemple, en lisant le court texto suivant, on peut remarquer déjà des déviations grammaticales, des emprunts et des translittérations2:

Plz call me, its urgent.
Ek axident ho gaya hai.
(Appelle-moi, s'il te plait, c'est urgent
J'ai eu un accident)

L'intégration d'anglais dans l'usage quotidien est une évolution moderne d'une tendance qui était bien populaire à l'époque d'Iqbal. On mélangeait volontiers les langues dans la littérature, surtout dans la poésie, ce qui ajoutait à sa délicatesse et permettait une plus grande variété des mots à sens double et des traits d'esprit souvent intraduisibles mais parfaitement compréhensibles au public visé. Bien sur qu'il y avait aussi les puristes de langue qui insistaient sur les distinctions, mais la plupart de la population s'en souciait peu. Ainsi on peut remarquer dans cette strophe de Ghâlib3, rédigée en Urdu, l'utilisation du mot arabe

« ÀÏÆÇã » (la nappe) et une syntaxe adoptée du persan:

 

ÏÑÏ

ÊÐá

?ÏÆÇã ÇÊ ÀÏÒ ÊÑÓÍ

áÏ

áÇ

·ÇÏÏ

æ Èá ÑÏÞÈ Ç ·æÑÇí

ãÇ4

Mon coeur déprimé était la nappe des délices de la douleur
Les amis ont profité de ce festin selon leur capacité

1 Canagarajah, S. et Ashraf, H. (2013) « Multilingualism and Education in South Asia: Resolving Policy/Practice Dilemmas » Annual Review ofApplied Linguistics, 33, p. 258-285.

2 Ibid

3 Poète classique d'ourdou

4 Ghalib, Sharah Deewan-e Ghalib Éd. & annoté par H. Mohani. Lahore, Khazana Ilm o Adab, 2002, p. 11

Hibah Shabkhez 116

Ainsi, chez une famille musulmane du Panjab au début du XXème siècle, (comme celle dans laquelle Iqbal était née), les langues de socialisation quotidienne étaient le panjabi et l'ourdou. Pour l'expression littéraire raffinée, on utilisait l'ourdou et le persan, et pour les études religieuses, l'arabe.

Cette culture orthodoxe musulmane a été modifiée à une certaine mesure par la colonisation britannique. Les musulmans, méfiant les colonisateurs et soucieux de leur identité religieuse, avaient d'abord rejeté la langue et l'éducation anglaise.5 Or, l'apprentissage d'anglais était devenu un besoin économique que l'on a fini par accepter. Iqbal a reçu donc, comme un grand nombre de jeunes hommes de son époque, une formation non seulement multilinguistique et multiculturelle, mais multi civilisationnelle.

5 Canagarajah, S. et Ashraf, H. (2013) « Multilingualism and Education in South Asia: Resolving Policy/Practice Dilemmas » Annual Review ofApplied Linguistics, 33, p. 258-285.

Hibah Shabkhez 117

5.2 Les langues d'expression d'Iqbal

Iqbal connaissait plusieurs langues : le punjabi, l'ourdou, le persan, l'arabe, l'anglais, et l'allemand en sont les plus importantes.6 Iqbal, locuteur natif du punjabi, dans lequel il ne s'est guère exprimé, poète par préférence intellectuelle du persan, par inclination et par pragmatisme social de l'ourdou, et attaché par allégeance symbolique à l'arabe, se trouvait dans une position bien paradoxe. Il maitrisait le persan et l'ourdou, et il écrivait dans ces langues une poésie de qualité que l'a gagné l'admiration des poètes natifs.7, 8 Il s'appelle « le vent de Hijaz », il choisit le persan comme sa langue d'expression privilégié, mais le sentiment de xénité persiste.

Pour saisir les nuances de son expression multilingue, il parait de ce fait indispensable de décrire son niveau de compétence et les rapports qu'il entretenait avec chacune de ces langues et les éléments qui ont influencé ses choix de langue d'expression, ainsi que sa sélection du genre et son style au sein de chaque langue. Pour cette discussion, nous nous référerons aux paramètres déjà abordés en Chapitre 3, Section 3.4 qui fournissent une échelle pour donner à chaque langue à l'égard d'un individu quelconque, le statut soit de « langue maternelle », soit de « langue seconde », soit de « langue étrangère»:

? Le paramètre biologique et le paramètre social

? Le rang d'appropriation

? La mode d'appropriation

? Le critère de référence

? Le critère d'appartenance

Mais cette classification n'est pas toujours évidente, surtout dans un cas tel que celui d'Iqbal, qui non seulement venait d'une société multilingue et multiculturelle, mais qui a laissé en plus une oeuvre prolifique multilingue. Il serait simpliste et réducteur de vouloir fixer

6Bawhab, A. B. A. (Octobre 1988) « Henri Bergson and Muhammad Iqbal » (Henri Bergson et Muhammad Iqbal). (M. Munawwar, éd.), Iqbal Review : Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

7 Riaz, M. (Avril, 1979) « A Comparative Appraisal of Iqbal's Persian Poetry » (Une evaluation comparative de la poésie persanne d'Iqbal). ((M. Moizuddin éd.) Iqbal Review, 20 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr79/2.htm]

8 Razak, M. A. A. (Décembre 2011) « Iqbal: An Analysis on his Life, Works and Mission » (Iqbal: Une analyse de sa vie, ses oeuvres, et sa mission). Journal of Islam in Asia, (4), Kuala Lumpur, International Islamic University Malaysia (IIUM), p. 366-381, date d'accès : 03-03-2014.

Hibah Shabkhez 118

définitivement le statut de chaque langue, et les propositions suivantes ne sont que provisoires, établies pour épauler notre étude.

Hibah Shabkhez 119

5.2.1 Le punjabi

Langue régionale, le punjabi se trouvait négligée et presque méprisée chez les musulmans punjabis, qui chérissaient le persan et l'ourdou comme des langues dépositoires de leur héritage religieuse et littéraire. Iqbal ne semble pas avoir été scolarisé en punjabi, et il n'a écrit que quelques poésies en punjabi (maintenant perdues) dans sa jeunesse. Pourtant, au niveau d'appartenance et interaction sociale, c'est le punjabi qui s'imposait comme la langue maternelle. Né à Sialkot, une ville punjabi, Iqbal a du apprendre la langue dès sa toute première enfance, et l'utiliser ensuite toute sa vie.

Selon A. B. A. Bawhab, la langue punjabi était pour Iqbal « un héritage non souhaité »9. Or, Mian Mushtaq Ahmad présente Iqbal comme un amateur de la littérature punjabi qui considérait un poète soufi du Panjab comme un guide spirituel:

ÏíÑ ÀÌÇæÎ ÊÑÖÍ10·ÇíÇ í 11ÿÊ ÿÊÑ ÇÓ ÈÍÇÕ ÀãáÇ 12 ??? áÇÈÞÇ ÀãáÇ ---

·íÀ ÿÊÇã ÏÔÑã æ ??? ÏíÑ ÀÌÇæÎ13

Allama Iqbal écoutait les kafis de Khwaja Ghulam Farid ... Allama Iqbal ... considérait Khwaja
Farid une inspiration spirituelle....

Abida Khatoon relie Iqbal encore plus étroitement avec la tradition littéraire punjabi. Elle prétend discerner une certaine parenté entre le concept de « l'homme idéal » que donnent Iqbal et le poète punjabi Mian Muhammad Baksh, quoiqu'Iqbal l'ait dérivé du Coran et le mysticisme persan :

äÇÑÞ ÑæÕÊ

Àí Ç áãÇ äÇÓÇ

ÿ

áÇÈÞÇ

??? ÿÀ ÌÇÑÚã í íÏæÎ í

áÇÈÞÇ áãÇ

ÏÑã

ÏÑã

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ÏãÍã ·Çíã

áÈÞ ÿÓ

áÇÈÞÇ

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ÿÀ Çí

ÐÎÇ ÿÓ íãæÑ

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ÿÓ

ÓÇ

ÑÕ À

ÑæÕÊ

Ç áÇÈÞÇ ÇíÏ ÀíÑÙ æÌ

Ç áãÇ

ÿÀ ÇÊ ÑÙ æÊÑ14

9 Bawhab, A. B. A. (Octobre 1988) « Henri Bergson and Muhammad Iqbal » (Henri Bergson et Muhammad Iqbal). (M. Munawwar, éd.), Iqbal Review : Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

10 Poète panjabi

11 Genre de poésie punjabi

12 Ahmad, M. M. (Julliet-Septembre 2003) «ÞÔÚ ?íÑÙä Ç ÏíÑ ÑæÇ áÇÈÞÇ » (L'idéologie de l'amour chez Iqbal et Farid) Iqbaliat (Urdu), 44 (3), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 23.

13 Ibid. p. 25.

14 Khatoon, A. (Janvier-Mars 2006) «áãÇ ÏÑã ÑæÕÊ » (L'image de l'homme parfait) Iqbaliat, 47 (1), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 213.

Hibah Shabkhez 120

Le Mard-e Kamil est la forme la plus élevée de la khudi d'Iqbal ... Iqbal a tiré cette perception de l'homme complet du Coran et de Maulana Rumi mais la philosophie de l'homme complet que Muhammad Baksh avait déjà présenté, est non seulement compatible à celle d'Iqbal, mais semble en être une réflexion.

Hibah Shabkhez 121

5.2.2 L

'ourdou:

L'Ourdou, la langue culturelle des musulmans de l'Inde, était une des langues de son premier groupe social et un de ses langues de scolarisation15. Iqbal considérait l'ourdou moins adepte que le persan pour l'expression des idées complexes, mais c'était une langue seconde qu'il aimait et maitrisait, et qui s'est fait tout naturellement une de ses langues d'expression. Il a rédigé la plupart de son oeuvre en ourdou en poésie, autant par inclination que par

pragmatisme, comme l'explique S. Rahmatullah :

Among Urdu speakers poetry ... is an important part of everyday life, and the musha`ira, the gathering of poets who recite their verse before an eager and discerning audience, maintains its popularity ... It was, therefore, natural that Iqbal should have chosen verse as the principal medium for the expression of his thought. This gave him direct access to a vast audience which would certainly have been much less influenced or inspired if he had formulated his ideas in dry, academic prose.16

Parmi les ourdouphones la poésie ... est une partie importante de la vie quotidienne, et le musha`ira, l'assemblé des poètes qui récitent leurs vers devant un public avisé et enthousiaste, garde sa popularité ... Le choix de la poésie comme le médium principal de l'expression de sa pensée était donc un choix naturel pour Iqbal. Cela lui donnait un accès direct à un auditoire vaste qui n'aurait certainement pas été tellement influencé ou inspiré s'il avait formulés ses idées dans une prose sèche et académique.

Sa poésie en ourdou était marquée au début par l'influence de l'idiome populaire punjabi17, puis par des emprunts lexicaux lourds et systématiques du persan, ce qui n'empêchait point la

compréhension et l'appréciation de sa poésie ; bien au contraire, on fait éloge à son style: [Iqbal's] Urdu verse is replete with Persian vocabulary and Persian idiom transferred to Urdu, which some purists have severely criticized ...The sheer beauty of the images, familiar from childhood, the Persian rhythms ... the abundance of references to the Qur'an ... were well calculated to appeal directly to the Muslim heart... Iqbal was outstanding ... as a philosopher-poet who wrote poetry with a purpose, but also as one who produced poems containing some of the most artistic, vivid, living and emotional pieces of imagery in the whole range of Urdu poetry,

15 Razak, M. A. A. (Décembre 2011) « Iqbal: An Analysis on his Life, Works and Mission » (Iqbal: Une analyse de sa vie, ses oeuvres, et sa mission). Journal of Islam in Asia, (4), Kuala Lumpur, International Islamic University Malaysia (IIUM), p. 366-381, date d'accès : 03-03-2014.

16 Rahmatullah, S. (Avril, 1975) « Imagery in Iqbal » ( L'imagerie chez Iqbal ). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 16 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 18-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr75/2.htm]

17 Bhatti, A. (2005) « Iqbal and Goethe: A Note » (Iqbal et Goethe : Une note). Goethezeitportal, p. 1-15, date d'accès: 20-11-2013, URN: urn:nbn:de:hebis:30:3-233499

URL: http://www.goethezeitportal.de/fileadmin/PDF/db/wiss/goethe/bhatti_iqbal.pdf

Hibah Shabkhez 122

and excelled ... in ghazal-writing in its purest form ... his work will always form one of the most important chapters in the history of Urdu literature 18

La poésie ourdoue [d'Iqbal] est étouffée du lexique persan et de l'idiome persan transfert à l'ourdou, ce que quelques puristes ont critiqué sévèrement ... La beauté charmante des images, familières dès l'enfance, les rythmes persanes ... l'abondance des références coraniques ... étaient bien calculés à entrer directement dans le coeur musulman ... Iqbal était extraordinaire ... comme un poète philosophe dont la poésie avait un objectif, mais aussi comme l'auteur des poèmes qui contiennent quelques-unes des images plus artistiques, les plus vivides et les plus émotionnelles dans la gamme entière de la poésie ourdoue, et qui excellait ... à l'écriture du ghazal dans sa forme la plus pure ... son oeuvre constituera toujours un des chapitres les plus importants dans l'histoire de la littérature ourdou.

18 Rahmatullah, S. (Avril, 1975) « Imagery in Iqbal » ( L'imagerie chez Iqbal ). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 16 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 18-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr75/2.htm]

Hibah Shabkhez 123

5.2.3 Le persan

Si ourdou était la lingua franca des musulmans de l'Inde, le persan jouait le même rôle pour les musulmans cultivés du monde. En Inde, elle restait une langue des érudits, peu utilisé dans les échanges sociaux, mais valorisé dans les milieux littéraires. L'apprentissage du persan était priorisé, et Iqbal s'exprime dorénavant en persan, qu'il considère comme Nicholson une langue « bien adaptée pour exprimer des idées philosophiques d'une manière élevée et charmante »19 Seulement 45% de sa poésie est en ourdou ; 55% est en persan. Selon Muhammad Riaz, Iqbal « a émergé essentiellement en tant qu'un poète persan »20, avec une diction « explicitement persane »21 même lorsqu'il écrivait en ourdou.

Mais le style d'Iqbal mélange les styles traditionnels de la poésie persane, et y ajoute un élément « unique » en créant des nouveaux termes et en donnant des nouveaux sens aux mots pour pouvoir véhiculer sa nouvelle philosophie. Le mot « Khudi » est un de ces mots transformés par Iqbal. Pour Muhammad Riaz, ce style, quoique foncé dans la convention poétique de la langue persane, est assez ingénieux pour mériter une nouvelle catégorie : « comme sa pensée, le style d'Iqbal est presque sans précédent et mérite l'appellation Sabuk-i Iqbâl (le style d'Iqbal) »22 Néanmoins, Iqbal ressent devant le persan un sentiment d'étrangeté :

ãÇ ÀÇêíÈíÓÑÇ ÒÇ ãíÏÀ
ãÇ ÀÇãí íÀÊ ãÔÇÈ æ ÀÇã
æÌã äã ÒÇ äÇíÈ ÒÇÏÇ äÓÍ
æÌã äã ÒÇ äÇÀÕÇ æ ÑÇÓÇæÎ
ÊÓÇ ÑÇÔ ÊÈæÐÇ ÑÏ íÏÀ ÀçÑê
ÊÓÇ ÑÊ äíÑíÔ íÑÏ ÑÇÊê ÒÑØ
ÊÔê ÑæÍÓã ÔÇ ÀæáÌ ÒÇ äã ÑÇ

19 Iqbal, M. The Secrets of the Self (Asrâr-e Khudi), trad. eng. par R. A. Nicholson, Lahore, Sh. M. Ashraf, 1944, (introduction par Nicholson).

20 Riaz, M. (Avril, 1979) « A Comparative Appraisal of Iqbal's Persian Poetry » (Une evaluation comparative de la poésie persanne d'Iqbal). ((M. Moizuddin éd.) Iqbal Review, 20 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr79/2.htm]

21 Ibid.

22 Riaz, M. (Avril, 1988) « Allama Iqbal's Poetic Style and Diction in Persian » ( Le style poétique et la diction d'Iqbal en persan). (W. Quraishi, éd.), Iqbal Review , 29, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr88/12.htm]

Hibah Shabkhez 124

ÊÔê ÑæØ áÎ ÎÇÔ äã ?ãÇÎ23
rÇ ÀÔíÏÇ ÊÚÑ jÇ íÓÑÇ

rÇ ÀÔíÏÇ ÊÑØ ÇÈ ÏÑæ ÑÏ24

Je suis indien, je suis étranger à la langue persane,
Je suis une nouvelle lune et mon bol est vide
N'attendez pas la beauté stylistique de moi
Ne cherchez pas Khansar et Isfahan.
Quoique Hindi est doux comme le sucre,
La façon de parler en persan est plus douce;
Mon esprit est enchanté par son éclat,
Mon stylo est devenu la branche de l'arbre de la montagne de Sînâ'î
Le persan, parce que ma pensée est élevée,
Convenait à l'essence de mes pensées.

Quelques critiques sont convaincus qu'Iqbal s'est trompée en donnant première place au persan comme langue d'expression. Pour S. Rahmatullah, « c'était toujours avec sa poésie en ourdou qu'il a eu ses plus grands succès»:

Iqbal imagined that Persian was the medium which was best adapted to his thought and temperament, and may even have believed that by composing in Persian he would be able to reach a far wider Muslim audience. One might, however, wonder whether he was right. Native Persian speakers found his language too archaic and stilted for their taste, and only comparatively recently has Iqbal been `discovered' in Iran. To most of his contemporaries it was fairly inaccessible, and in the present day when the study of Persian has greatly declined in India and Pakistan, it can only be fully understood by very few.25

Iqbal imaginait que la persan était le médium le mieux adapté à sa pensée et à son tempérament, et même croyait peut-être qu'en rédigeant en persan, il serait capable d'approcher un public musulman beaucoup plus vaste. On peut, cependant, se demander s'il avait raison. Les locuteurs natifs du persan trouvaient sa langue trop archaïque et guindée pour leur gout, et ce n'est que comparativement récemment qu'on a « découvert » Iqbal en Iran. Pour la plupart de ses contemporains, c'était assez inaccessible, et au présent, lorsque l'étude du persan au Pakistan a bien diminué, ce n'est compréhensible que pour très peu de gens.

23 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 34.

24 Ibid. p. 38.

25 Rahmatullah, S. (Avril, 1975) « Imagery in Iqbal » ( L'imagerie chez Iqbal ). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 16 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 18-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr75/2.htm]

Hibah Shabkhez 125

5.2.4 L

'arabe

Langue du Coran et de la tradition religieuse islamique, l'arabe avait pour Iqbal une signifiance symbolique particulière pour Iqbal. Au cours un entretien avec The Bombay Chronicle en 1931, il a dit:

I have great faith in the Arabic Language which is in my opinion the only Eastern Language which has a future as a living language ... I look upon it as a great band of Union among the Arabian Nations, next to their faith ...26

Je repose beaucoup de confiance dans la langue arabe, qui est à mon avis la seule langue orientale qui a un avenir en tant que langue vivante ... Je la considère un grand noeud d'unité entre les nations arabes, après leur foi...

L'arabe faisait partie de l'éducation d'Iqbal dès son enfance, et à Government College, Iqbal a reçu des prix pour une performance académique exceptionnelle :

ÿÒÇæ ÿÓ

??? ÊÇÒÇÒÇÇ

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?ê ÿíÏ ÿÛãÊ ÿ ÏãÍã ÀíáÎ ÑæÇ

äíÏáÇ áÇãÌ

·íÀÇ ???

 
 
 

Çíê ÇíÏ ?È27

 
 

Après avoir gagné le premier prix en matière d'arabe en F.A. (baccalauréat) et en B.A. (licence) ... il a gagné ... les palmes ... On lui a donné la médaille Jamal-ud-din et la médaille Khalifa Muhammad ... ainsi que la médaille Khan Bahadur Nanak Baksh.

Selon Saléha Nazeer, « le fait que le poste de Macleod Readership en arabe à Oriental College est confié à Iqbal en 1900, suite à ses études universitaires à Lahore, atteste du bon niveau de l'arabe chez Iqbal. » 28 Il a enseigné en plus l'arabe pendant deux ans à Government College, Lahore29 et pour six mois à l'université de Londres pendant son séjour en Europe30.

26 Khalid, M. S. (Avril-Octobre 2009) « An Introduction to Arabic translation of Allama Iqbal's Urdu Poetry» (Une introduction aux traductions en arabe de la poésie ourdoue d'Iqbal ). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 50, (2-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-112013, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/aproct09/11.htm]

27 Khan, S. T. (Juillet-Septembre 1993) « ÊÇÿÇ ÿ ÈÏÇ íáÀÇÌ íÈÑÚ Ñ íÑÚÇÔ æÏÑÇ í áÇÈÞÇ ÀãáÚ » (L'impact de la poésie arabe préislamique sur la poésie ourdou d'Iqbal). (M. Munawwar, Ed.) Iqbaliat (Iqbal Review), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 58.

28 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

29 Razak, M. A. A. (Décembre 2011) « Iqbal: An Analysis on his Life, Works and Mission » (Iqbal: Une analyse de sa vie, ses oeuvres, et sa mission). Journal of Islam in Asia, (4), Kuala Lumpur, International Islamic University Malaysia (IIUM), p. 366-381, date d'accès : 03-03-2014

30 Khalid, M. S. (Avril-Octobre 2009) « An Introduction to Arabic translation of Allama Iqbal's Urdu Poetry » (Une introduction aux traductions en arabe de la poésie ourdoue d'Iqbal ). (M. S. Umar, éd.) Iqbal

Hibah Shabkhez 126

Toutefois, certains critiques, tels qu'Annemarie Schimmel, critiquent ces traductions des citations littéraires et des références coraniques d'une perspective linguistique, et lui reprochent une maitrise lacunaire et imparfaite de la langue arabe.31 Il est certain qu'on remarque dans ses poésies en ourdou et en persan une influence considérable de la poésie arabe et du Coran, mais Iqbal n'écrira jamais une oeuvre entière en arabe. « Lorsque je lui ai demandé l'autorisation de traduire quelques-uns de ses poèmes en arabe, il a exprimé son plaisir et consenti sans hésiter »32 a écrit Abu al-Hassan Nadvi33, qui comptait traduire des extraits du Zarb-e Kalîm en arabe34, mais Iqbal n'a jamais entrepris lui-même une traduction.

Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 50, (2-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-112013, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/aproct09/11.htm]

31 Schimmel, A. Gabriel's Wing, A Study into the Religious Ideas of Sir Muhammad Iqbal, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 1963, 4è éd. 2003, p. 37.

32 Kidwai, M. A. Glory ofIqbal, Lahore, Progressive Books, 1977, p. 16.

33 Nadvi, A. H. Rawai Iqbal, Lakhnau, Majlis Nashriyat-i-Islam, 1983, p. 15.

34 Khalid, M. S. (Avril-Octobre 2009) « An Introduction to Arabic translation of Allama Iqbal's Urdu Poetry» (Une introduction aux traductions en arabe de la poésie ourdoue d'Iqbal ). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 50, (2-4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-112013, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/aproct09/11.htm]

Hibah Shabkhez 127

5.2.5 L

'anglais

Iqbal a été né en Inde pendant l'époque coloniale britannique, quand l'anglais avait une grande importance pragmatique. Il maitrisait parfaitement la langue, grâce à sa scolarisation dans une école anglaise, et il était un amateur de la littérature anglaise dès sa jeunesse. Iqbal n'a écrit que la prose en anglais, mais ses lectures de la poésie anglaise ont influencé ses propres oeuvres poétiques en ourdou et en persan:

Iqbal was a great student of English poetry ... [by] passages in Iqbal depicting natural scenes we are reminded of Wordsworth's poetry. In «Guristân-i-Shâhî» («Royal Graveyard») written after Iqbal's return from England, we are reminded of lines in Grey's «Elegy in a Country Churchyard». In lines of great beauty and charm Iqbal paid his homage to Shakespeare. But the greatest resemblance is to be found between Iqbal and Milton. Very rarely in the literary history of the world do two great poets born at different times, belonging to different races, writing in different languages, professing different religions and having sprung from different cultures show as many points of similarity in their art and thought as Milton and Iqbal ... Iqbal admired Milton from his youth and wanted to write a poem on the model of Paradise Lost ... This wish could not be fulfilled, but, instead of writing one large poem, Iqbal wrote a number of smaller poems dealing with the same theme, especially «Taskhîr-i-Fi?rat,» in Payam-i Mashriq , «Iblîs wa Jibrîl» in ?arb-i Kalîm and «Iblîs ki Majlis» in Armughân-i ?ijâz35

Iqbal était un étudiant avide de la poésie anglaise ... les descriptions de la scène naturelle dans quelques passages d'Iqbal fait souvenir de la poésie de Wordsworth. « Guristân-i-Shâhî » (« le cimetière royal »), écrit après le retour d'Iqbal d'Angleterre, nous rappelle au mémoire des lignes de « Éloge dans le cimetière d'un village » de Grey. Iqbal a rendu hommage à Shakespeare dans des lignes d'une beauté et d'un charme exceptionnels. Mais c'est entre Iqbal et Milton qu'on trouve la ressemblance la plus marquée. Il est très rare dans l'histoire littéraire du monde que deux grands poètes, qui ont été nés aux différents époques, qui appartenaient aux différentes races, qui écrivaient en différentes langues, qui professaient des fois différentes, et qui viennent de différentes cultures, montrent autant de similarité dans leur art et dans pensée que Milton et Iqbal ... Iqbal admirait Milton dès sa jeunesse et voulait rédiger un poème modelé sur Paradise Lost ... Ce veux ne pouvait pas s'achèver, mais, au lieu d'écrire un grand poème, Iqbal a écrit de nombreux petits poèmes sur le meme thème, notamment « Taskhîr-i-Fi?rat » dans Payam-i Mashriq , « Iblîs wa Jibrîl » dans ?arb-i Kalîm et « Iblîs ki Majlis » dans Armughân-i ?ijâz36

Iqbal n'a jamais traduit une oeuvre poétique intégrale en anglais, mais il a parfois emprunté et traduit des couplets de ses poésies persanes pour illustrer quelque point qu'il était en train

35 Vahid, S. A. (Avril, 1976) « Iqbal in England» (Iqbal en Angleterre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review, 17 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr76/1.htm]

36 Ibid.

Hibah Shabkhez 128

d'écrire en prose.37 Il l'a utilisé pour ses discours et écrits philosophiques, dans ces lettres, et dans l'interaction avec les occidentaux. Dans ces lettres et discours « Il [Iqbal] a pris position sur les questions brulantes de l'époque liées aux différents aspects des problèmes sociaux, religieux et culturel de l'Inde, de l'Europe, et du monde d'Islam. »38

Malgré tout, la langue conservait une xénité fondamentale culturelle, ce qui la faisait inexorablement langue seconde, voire étrangère. La lutte contre les colonisateurs anglais a laissé chez Iqbal une amertume qui aurait du projeter une ombre, aussi légère qu'elle soit, sur la langue des colonisateurs. Riaz Hussain décrit ainsi la relation d'Iqbal avec le pouvoir impérial britannique:

Iqbal's relation with the British Imperial Power in India was characterized by perennial friction and conflict. He was deeply conscious of his own and his nation's position as enslaved people, yet he had the nerve to look straight into the eyes of the representatives of the British Raj.39

La relation d'Iqbal avec le pouvoir britannique impérialiste en Inde a été marquée par la friction et les conflits pérennes. Il était profondément conscient de sa position et la position de sa nation comme un people esclave, mais il avait le courage de regarder les représentatifs du Raj britannique bien dans les yeux.

Le style d'Iqbal en anglais varie selon le genre du texte ; évidemment, une lettre ou un essai n'a pas le même ton qu'un discours philosophique. On remarque dans ses essais une expression directe et vigoureuse, qui se prête parfois à une satire acerbe. En discutant les effets affaiblissants de l'éducation moderne, il écrit en 1909 :

I unhesitatingly declare that I have greater respect for an illiterate shopkeeper, who earns his honest bread and has sufficient force in his arms to defend his wife and children in times of trouble, than the brainy graduate of high culture, whose low, timid voice betokens the dearth of soul in his body, who takes pride in his submissiveness, eats sparingly, complains of sleepless nights and produces unhealthy children for his community, if he does produce any at all.40 Je déclare sans hésitation que j'ai plus de respect pour un le vendeur illettré, qui gagne honnêtement son pain et a assez de force dans ses bras pour protéger sa femme et ses enfants dans les temps agités, que pour le diplômé doué de la haute culture, dont la voix baisse et timide

37 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p.36

38 Iqbal Academy Pakistan. Allama Iqbal - Biography - Text. Date d'accès: 08-17-2014, de www.allamaiqbal.com URL : http://www.allamaiqbal.com/person/biography/biotxtread.html.

39 Hussain, R. (Octobre, 1978) « Iqbal's Relations with the British Imperial Power » (Les relations d'Iqbal avec le pouvoir impérialiste brittanique). (M. Moizuddin éd.), Iqbal Review , 19, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct78/5.htm]

40 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 36.

montre le manqué de l'ame dans son corps, qui est fier de sa docilité, mange peu, se plaint de l'insomnie et produit des enfants malsains pour sa communauté, s'il en produit du tout.

Les textes philosophiques révèlent en revanche un style académique lourd, si bien étayée de citations érudites que, sans l'appui de notes de bas de page, le texte serait inaccessible à un public général. Rafi-ud-din Hashmi commente ainsi le style employé par Iqbal dans The Reconstruction ofReligious Thought in Islam :

íÈ ??? áÇÔã íÀ íÊÇ ÿÀ áæÈÞã íÊÌ ÈÇÊ Àí ?ÿÀ ÑÇÇÀÔ íÑÇ Ç ÀãáÇ ??? ÊÇÈØÎ
ÈáÇØã æÌ ÿ ÀãáÇ ??? À íÊ ÒíÑêÇ ÿíá ÓÇ æÌ ÿÀ ÀÇãíÇÍ äÇÈÒ í ÓÇ ???ÿÀ
??? ·íã äÇ ??? ·íÀ ÿÊÑ ÞáÚÊ ÿÓ ÊãÇÍ ??? Àæ ·íÀ ?í Ôí ·íã ÊÇÈØÎ ÿÇ
·íÍáÊÕÇ ÞáØã ÿÓ ÊÇÑæÕÊ æ ÊÇíÑÙ ÏíÏÌ æ ãíÏÞ ??? ÀæáÇ ÿ íãáÇ ÊÇÍáØÕã
ÇæÓ ÿ ãáÇ áÀÇ ??? ·íÀ ÏæÌæã ÿÓ ÊÑË ???íÊÓ Â ·íã ÌãÓ í ·æêæá ã ÊÀÈ ?
ÑíÒ ÑíÛÈ ÿ íÔÇæÍ ??? ÑæÇ ??? ·æÍÑÔ ??? æ ØÇÈØÎ ÿ äÇ ÿíá ÿ ãÀ ãÇÇ ??? ·íÀ
?ÇÊÇÓ ÇÌ Çíá ·íÀ ÚáÇØã41

Les discours (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) ... est le chef d'oeuvre intellectuel d'Iqbal. Ce livre est aussi difficile qu'elle est populaire ... sa langue est philosophique, ce qui était inévitable, parce que ... les pensées qu'Iqbal a présenté dans ces discours ... sont liés à la philosophie ... outre les terminologies savantes, on y trouve ... des allusions fréquentes ... à la philosophie ancienne et à la philosophie moderne ... Outre les académiciens, il n'y a que peu de gens qui peuvent les comprendre ... pour le public général, ces discours ne sont pas lisibles qu'avec l'appui des notes et des interprétations.

Hibah Shabkhez 129

41 Hashmi, R. (Janvier-Mars 1997) «ÊÇÈØÎ íÒíÑêäÇ ÿ áÇÈÞÇ ÀãáÚ » (Les discours en anglais d'Iqbal), Iqbaliat (Iqbal Review), 37 (4), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 23.

Hibah Shabkhez 130

5.2.6 L

'allemand

L'allemand était une langue étrangère qu'Iqbal a apprise pendant son séjour en Europe. Les professeurs d'Iqbal à l'université de Cambridge, notamment Thomas Arnold, avaient recommandé l'université de Munich pour son doctorat, et Iqbal a présenté, avec quelques modifications, la recherche qu'il avait faite à Cambridge comme sa dissertation doctorale42. Son professeur de l'allemande à la Pension Scherer à Heidelberg43, Ema Vaganast, l'a introduit à la langue et la littérature allemande, dont l'influence a formulé sa pensée et son

oeuvre. Goethe, en particulier, l'a impressionné profondément:

It is well known that the poet-philosopher Muhammad Iqbal had a deep admiration for Germany, German thought, German poetry and there are innumerable instances in his writings, in his poems, in letters and in recorded conversations with him which indicate clearly that the works of German philosophers and poets have been a source of great inspiration to him... Foremost among them was Goethe to whom he refers again and again44 ... and whom he compares to Ghalib the great poet of Urdu and Persian of the nineteenth century and to that illustrious sage of the East, Maulana Jalal al Din Rumi45

Il est bien connu que le poète philosophe Muhammad Iqbal avait une admiration profonde pour l'Allemagne, la pensée allemande, la poésie allemande; et il y a plusieurs exemples dans ses oeuvres, dans ses poèmes, dans ces lettres et dans les conversations enregistrées qui indiquent que les travaux des poètes et philosophes allemands étaient pour lui une grande inspiration ... Le premier d'entre eux était Goethe auquel il se réfère souvent ... et qu'il compare à Ghalib, le grand poète du dix-neuvième siècle et au sage illustre de l'Orient, Maulana Jalal al Din Rumi.

Poète et philosophe multilingue, Iqbal n'a pourtant guère utilisé l'allemande pour s'exprimer, Syed Nazir Niazi, dans un essai sur ses conversations avec Iqbal, remarque avec perplexité cette tendance si peu caractéristique d'Iqbal:

I personally believe he had made a deep and penetrating study of German literature in original. He must have been well-versed in German Language. But he never used any German word in his

42 Shibli, M. S. (Avril, 1989) « Iqbal's Doctoral Thesis » (La dissertation doctorale d'Iqbal). (M. Munawwar, éd.) Iqbal Review, 30, (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr89/3.htm]

43 Hobohm, M. A. H. (Octobre, 2000) « Muhammad Iqbal and Germany `A Correspondence of the Heart'» (Muhammad Iqbal et l'Allemagne `Une correspondence des coeurs'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 41 (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 07-11-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct00/08 .htm]

44 Ibid. (Dans ses lettres à Ema Vaganast)

45 Khudi.pk. Allama Iqbal and Germany (Allama Iqbal et l'Allemagne) Date d'accès : 17-08-2014 de http://khudi.pk/. URL: http://khudi.pk/allama-iqbal-and-germany/

Hibah Shabkhez 131

conversations, not even at the time when his children were under the care of a German governess who lived in his house.46

Je crois personnellement qu'il avait fait une étude profonde et pénétrante de la littérature allemande dans sa version intégrale. Il aurait du maitriser la langue allemande. Mais il n'a jamais utilise un seul mot allemand dans sa conversation, même à l'époque ou ses enfants avaient une gouvernante allemande qui vivait chez lui.47

Cependant, il a certainement acquis un niveau linguistique suffisamment élevé pour pouvoir correspondre pendant plusieurs années avec son professeur, Ema Vaganast. L'académicien allemand M.A.H. Hobohm commente:

... the letters ... are altogether 27 in numbers including two postcards ... They are rather ordinary letters as any two friends would exchange among themselves ... Iqbal complains ... time and again about severe shortcomings in his knowledge of that language and of his inability to express himself in the way he would like to, even apologizing for insulting the reader by his `schlechte Deutsch', (bad German)... I find it remarkable how well he expresses himself in that language, a language after all, in which he has had tuition for only a relatively short time. No, he knew German alright, as the letters reveal, though in later years, his active knowledge of that language must have progressively faded away, and quite understandably so.48

[...] les lettres ... sont 27 en total, y compris deux cartes postales ... Ce sont des lettres plutôt ordinaires que deux amis auraient échangées ... Iqbal se plaint ... plusieurs fois des lacunes graves dans sa connaissance de cette langue et de son impuissance de s'en exprimer comme il aurait voulu, il présente même ses excuses au lecteur pour l'avoir insulté avec son « schlechte Deutsch », (mauvaise allemand)... Je trouve remarquable la facilité avec laquelle il s'exprime dans cette langue, une langue, après tout, dont il n'avait suivit les cours que pour période relativement courte. Non, il connaissait l'allemand assez bien, comme les lettres révèlent, quoique dans les dernières années sa connaissance active de la langue aurait du se ternir, ce qui est bien compréhensible.

46 Hobohm, M. A. H. (Octobre, 2000) « Muhammad Iqbal and Germany `A Correspondence of the Heart'» (Muhammad Iqbal et l'Allemagne `Une correspondence des coeurs'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 41 (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 07-11-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct00/08 .htm]

47 Hobohm, M. A. H. (Octobre, 2000) « Muhammad Iqbal and Germany `A Correspondence of the Heart'» (Muhammad Iqbal et l'Allemagne `Une correspondence des coeurs'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 41 (4), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 07-11-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct00/08 .htm]

48 Ibid.

Hibah Shabkhez 132

5.3 L'expression consciemment multilingue d'Iqbal

L'expression multilingue d'Iqbal, écrivain et poète admiré autant pour son style que pour sa pensée, n'est pas émergé au hasard ou simplement en fonction de ces circonstances ; c'est d'abord un choix bien pesé, fait après une réflexion pragmatique.

Ainsi ses choix de langue, de genre et d'allusions ne sont ni accidents ni servitudes mais des vrais choix, soigneusement pris selon ses enjeux préalablement fixés. Comme il l'explique à Nicholson :

... in my notes, which now form part of your introduction to Asrar-e Khudi, I deliberately explained my position with reference to Western thinkers, as I thought this would facilitate the understanding of my views in England. I could easily have explained myself in the light of the Quran and Muslim Sufis and thinkers ... As a matter of fact, I did so explain myself in my Hindustani introduction to the Islam edition of the Asrar.49

[...] Dans mes notes, qui font partie maintenant de votre introduction à Asrar-e Khudi, c'est exprès que j'ai expliqué ma position en me référent aux penseurs occidentaux, car je croyais que cela faciliterait la compréhension de mes opinions en Angleterre J'aurais pu facilement m'expliqué par rapport au Coran et aux penseurs musulmans soufis... En effet, je me suis expliqué comme ça dans mon introduction hindustani à l'édition Islam de l'Asrar.

Tout manoeuvre stylistique qu'il emploie, il emploie davantage pour mieux communiquer son message ; son but principal n'est pas de développer ses capacités artistiques. Il élucide cette idée dans une lettre :

ÿÓ íÑÇÇÔ ÿÌã" :ÿÀ ÇÊáã äÇíÈ --- ·íã ÈæÊÇã íÇ ãÇ ÿ íÇãÍÑ ÊÑÔÇ

ÿÀ íÑÇÏíÈ í äÇÊÓæÏÀ æÊ ÏÕÞã ÇÑíã ·íÀ ÑÇæÑÓ"50

Dans une lettre qui s'adresse à Ishrat Rahmani ... on trouve la déclaration : « Je n'ai rien à faire de la poésie, mon but c'est de réveiller l'Inde »

Mais Ali Raza Tahir prétend discerner une tendance chez Iqbal de soigner l'aspect esthétique de son oeuvre, surtout de sa poésie :

í äÇíÈ ?íÇÑí ÿ áÇÈÞÇ ?ÿÀ ÇÊÑ ÇÑæ æ ·æÖÇÞÊ ÿ ÇÏÇ äÓÍ ??? äÇíÈ ?íÇÑí Ç áÇÈÞÇ

?í ÔÔæ í ÿÑ ÇÏí ííêÑ Ñ ÑæØ íÑæÚÔ ??? Ê ÏÍ51

49 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 205

50 Tahir, A. R. (Janvier-Mars 2005) « áÇÈÞÇ ÑæÇ íáíÌáÇ ãíÑáÇÏÈÚ» (Abdul Karim Al-Jili et Iqbal) Iqbaliat, 46 (1), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p.99.

51 Tahir A. R. (Janvier-Mars 2011) « JaÇÍ ÑæÇ áÇÈÞÇ» (Hafiz et Iqbal) (M. S. Umar) Iqbaliat (Urdu), 37 (4), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p.87

Hibah Shabkhez 133

Le style d'Iqbal ... satisfait aux exigences de la beauté anesthétique. Au niveau de style ... Iqbal a délibérément essayé de béatifier son oeuvre.

Iqbal se tient d'abord aux idées, pas à la forme ; et il utilise les meilleurs moyens disponibles pour les exprimer. Il cite librement les textes d'une langue dans un texte écrit dans une autre. Armaghan-e Hijaz est le seul livre d'Iqbal qui est explicitement bilingue, mais le penchant d'Iqbal pour utiliser plusieurs langues au cours de la rédaction d'un texte est visible dès sa jeunesse, dans ses lettres, essais et discours aussi bien que dans sa poésie. Au cours d'une lettre sur le mysticisme persan, rédigé en ourdou, il cite une strophe qui vient de Punjabi:

æÊ ·íÏ áÏ ÿ áÏ ÿ äÇ Êæ ãÀ ÿÊ

æÊ ÇäÊ Àä ·íÓ ÿ ÊÇäêÑ ÿ äÑÔ

J'étais un Pathân en je pouvais vaincre des armées entières

Depuis que je me suis assis aux pieds de Ragnath,52 je ne peux même pas casser un brin de paille.53

Mais Iqbal va au delà de la citation multilingue; il se mit à l'auto traduction pour communiquer un message qu'il croit avoir mieux exprimé dans une autre langue. Il traduit ses poésies ourdoues et persanes dans ses essais écrits en anglais pour donner à sa prose une note de la force et l'éloquence de sa poésie. Dans un essai sur la philosophie de McTaggart, Iqbal traduit quelques extraits du persan pour éclaircir son argument:

I venture here to translate for the reader one or two passages from my poem called «The New Garden of Mystery»54:

Ifyou say the `I' is a mere illusion -
An appearance among other appearances -
Then tell me, who is the subject of this illusion?
Look within and discover
The word is visible;
Yet its existence needs proof!
Not even the intellect of an angel can comprehend it
The `I' is invisible and needs no proof
Think awhile and see thine own secret!
The `I' is Truth, it is no illusion

52 Philosophe indien qui croyait dans le principe de l'immanence de Dieu

53 Ahmad, M. (Octobre, 1971) « Metaphysics Of Persia And Iqbâl » (Metaphysique de la Perse et Iqbâl). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 12 (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct71/8.htm]

54 Traduction d'Iqbal des extraits pris de son propre poème Gulshan-e-Raz-e-Jadeed [Cf. Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1079 - 1144]

Hibah Shabkhez 134

When it ripens, it becomes eternal...55

J'ose traduire ici pour le lecteur un ou deux passages de mon poème intitulé « Le nouveau jardin

de mystère »:

Si tu dis que le « je » n'est qu'une illusion -

Une apparition entre des autres apparitions -

Dis-moi don, qui est le sujet de cette illusion?

Regarde là-dedans et découvre

Le mot est visible;

Or son existence a besoin de preuves!

Même l'intellect d'un ange ne peut le comprendre

Le « je » est invisible et n'a pas besoin de preuves

Songe un peu et vois ton propre secret!

Le « je » est la Vérité, ce n'est pas une illusion

Quant il murit, il devient éternel...

Khurram Ali Shafique expose un autre aspect qui montre le soin avec lequel Iqbal planifiait l'expression multilingue de ses idées ; il trouve une « cohérence linguistique » entre The Reconstruction of Religious Thought (oeuvre philosophique en anglais) et Javidnama (oeuvre poétique en persan). Il revendique les correspondances entre les deux livres aux niveaux de la

structure et les allusions littéraires ancrées dans le texte. Au plan structural, il constate: The Reconstruction consists of seven lectures and Javidnama seven chapters. How ironic, that it was never noticed that each lecture covers the same topic which is the focus of the corresponding chapter of Javidnama!56 ...

La Reconstruction est composée de sept chapitres. Qu'il est ironique, que l'on n'ait jamais remarqué que chaque discours exploite le même sujet que focalise le chapitre correspondant de Javidnama !

The Reconstruction ofReligious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam)

Jâvid nama

(Le livre de l'éternité)

Knowledge and Religious Experience
(Le savoir et l'expérience religieuse)

ÑãÞ á

La sphère de la lune

The Philosophical Test of the Revelations ofReligious
Experience

(Le « test» philosophique des révélations)

ÏÑÇØÇ á

La sphère de Mercure

55 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 218-9.

56 Shafique, K.A. (Avril, 2007) « New Discoveries about «The Reconstruction of Religious Thought in Islam» (Nouvelles découvertes sur `Reconstruire la pensée religieuse en Islam'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 48 (2), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr07/2.htm]

Hibah Shabkhez 135

The Conception of God and the Meaning ofPrayer
(La conception de Dieu et le sens de la prière)

ÀÑÀÒ á

La sphère de Venus

The Human Ego - His Freedom and Immortality
(L'ego humain - sa liberté et son immortalité)

ÎíÑã á

La sphère de Mars

The Spirit ofMuslim Culture
L'esprit de la culture musulmane

íÑÊÔã á

La sphère de Jupiter

The Principle ofMovement in the Structure ofIslam
(Le principe du mouvement dans la structure d'Islam)

áÍÒ á

La sphère de Saturne

Is Religion Possible?

(La religion est-elle possible?)

áÇ ÿæÓ ·Â

Au delà les sphères

Ces correspondances, argumente Shafique, sont clairement indiquées par Iqbal à la fin des deux livres ; ces « références croisées » sont parmi les plus claires « des allusions ancrées» par lesquelles Iqbal comptait motiver ses lecteurs à « entreprendre une lecture comparative des deux livres et ne pas les lire séparément »57 :

The last lecture of The Reconstruction ends on a passage from the prologue of Javidnama, where Rumi is inviting Iqbal to the spiritual odyssey. Below this passage occurs the reference, i.e. «Javidnama,» and hence the title of that book becomes the very last word on which The Reconstruction culminates. On the other hand, in the epilogue of Javidnama, `An Address to Javid: A Few Words With the Posterity' the author mentions that he has «condensed two oceans in two cups» and expressed his ideas in two manners:

That one is in the difficult language, using the terminology of the West,

This one is an ecstatic song from the strings of a harp.

The origin of one is contemplation, the origin of the other is thought,

May you be the inheritor of them both!

A footnote by Iqbal himself on the first line says: «Allusion to the book, The Reconstruction of Religious Thought in Islam.» 58

Le dernier discours de The Reconstruction (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) termine avec un passage du préambule de Javidnama, ou Rumi invite Iqbal sur l'odyssée spirituelle. Sous ce passage on trouve la référence, i.e. «Javidnama,» et ainsi le titre de ce livre devient le tout dernier mot sur lequel Reconstruction (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) culmine. À l'autre coté, dans l'épilogue de Javidnama, `Une adresse à Jâvid: Quelques mots à la postérité» l'écrivain mentionne qu'il a « condensé deux océans en deux tasses » et exprimé ses idées dans deux façons:

Celui-là est dans la langue difficile, il utilise la terminologie de l'ouest

57 Shafique, K.A. (Avril, 2007) « New Discoveries about «The Reconstruction of Religious Thought in Islam»» (Nouvelles découvertes sur `Reconstruire la pensée religieuse en Islam'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 48 (2), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr07/2.htm]

58 Ibid.

Hibah Shabkhez 136

Celui-ci est une chanson extasiée venant des cordes d'une harpe.

L'origine de l'un est la contemplation, L'origine de l'autre est la réflexion

Que tu sois l'héritier de tous deux !

Une note de bas de page par Iqbal lui-même sur la première ligne dit: « Allusion au livre,

Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam»

En étudiant l'expression multilingue d'Iqbal, l'on n'étudie pas juste un poète et philosophe multilingue quelconque. Iqbal est conscient et fier de son multilinguisme et il l'utilise comme un outil pour mieux véhiculer sa pensée.

Hibah Shabkhez 137

5.4 Les dimensions de la Khudi

Nous avons déjà tenté de définir la Khudi et d'en élaborer les éléments fonciers en Chapitre 2.

On peut résumer cette discussion en disant que la Khudi signifie dans la pensée d'Iqbal :

- le respect du soi,

- la confiance en soi,

- l'instinct de conservation du soi et de l'indépendance du soi. 59

Le soi, en se découvrant et en apprenant à développer sa « Khudi », aperçoit le monde autour dans une façon différente. Khudi, « l'étincelle lumineuse de la vie »60 qui est au coeur de toute forme d'existence, qui « réside dans le coeur, se nourrit par le désir, se fortifie par l'amour, et met en flamme tout ce qui est faux »61 entretient avec chaque aspect de l'univers et de la vie une relation particulière : tout s'orient, redéfinit autour de Khudi. Iqbal a repris les diverses dimensions de la khudi, et les a élaboré soigneusement dans son oeuvre : en ourdou, en persan et en anglais. « Selon Iqbal, » dit Laeeq Babree « l'humanité a besoin de trois choses »62 :

1. L'interprétation spirituelle de l'univers

2. L'émancipation spirituelle de l'individu

3. Formulation des principes fondamentaux pour guider l'évolution d'une société sur la base spirituelle

Si Iqbal fait de la khudi le coeur de toute sa philosophie, quel role la khudi joue-t-elle pour remplir ces besoins de l'humanité ? Avec l'appui des extraits dans les trois langues (l'anglais, l'ourdou et le persan), nous entreprenons une élaboration brève des plus importantes dimensions, en faisant une analyse thématique nuancée de la perspective multilingue. Nous pourrons ainsi remarquer comment l'expression d'une même idée varie d'une langue à l'autre, ou comment une série de plusieurs idées reliées à la même thématique de base se connecte en franchissant les seuils linguistiques.

59 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

60 Ibid.

61 Ibid.

62 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. xviii

Hibah Shabkhez 138

5.4.1 Khudi et l'affirmation du soi

Khudi se base sur la récognition et l'affirmation du soi. Cette « affirmation du soi » ne veut pas dire l'arrogance vaniteuse et ne s'oppose point à l'abnégation; mais elle condamne toute démarche qui aboutit à l'annihilation du soi63. C'est la khudi qui donne de la valeur à tout être. Iqbal illustre cette idée avec la métaphore d'une perle dans cette strophe ourdoue : sans savoir protéger sa khudi, même une perle ne serait qu'une goutte insignifiante d'eau.

ÀÑæ ÿÀ ÿÓ íÏæÎ

ÙÍ

ÿÀ ÇÀÈ

·ÇÑê

·íÀ ÑæÇ ç ÇæÓ ÿê

ÑÀê

ÈÂ ·íã

ÑÀê64

Si elle est précieuse, c'est grâce à sa fortification de sa khudi
La perle ne contient rien d'autre que son eau

En persan, Iqbal utilise le symbole de « bijou ». Ce bijou - la lumière de khudi - est caché en chacun d'entre nous, explique Iqbal. Toute la sagesse et toutes les connaissances d'une personne rayonnent de sa khudi :

æÊ ÇÎ ÑÏÇ ÊÓíÑæÑÀæÌ

æÊ ÇÑÏÇ ?æáÌ ÔÇÇÚÔ í65

La khudi est un bijou de lumière qui réside à ton intérieur
La lumière de ta connaissance est un rayon de la khudi

Il s'agit donc de affirmer le soi afin d'assurer l'essor de ce trésor caché. L'affirmation de soi le rend aussi puissant que le diamant, mais pas dans le sens de dureté du coeur ou de froideur. Bien au contraire, le concept de la khudi que nous donne Iqbal exige catégoriquement la fidélité aux principes éthiques. En effet, le but de l'affirmation du soi, c'est d'élever l'homme jusqu'au niveau le plus haut, celui de « l'immortalité personnelle » qu'Iqbal revendique comme l'idéal du mysticisme islamique dans un essai en anglais:

The ideal of Islamic mysticism is not the extinction of the `I' ... (but) a stage beyond ... which from my point of view is the highest stage of self-affirmation ... when I say `be hard as the

63 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

64 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 378.

65 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 200

Hibah Shabkhez 139

diamond' ... what I mean is the integration of the elements of the ego so that it may be able to obstruct the forces of destruction in its move towards personal immortality.66

L'idéal du mysticisme islamique n'est pas l'extinction du `je' ... (mais) un niveau au-delà ... qui à mon avis est le niveau le plus haut de l'affirmation de soi... quand je dis `soyez dur comme le diamant' ... ce que je veux dire c'est l'intégration des éléments de l'égo pour qu'il soit capable d'obstruer les forces de destruction dans son mouvement vers l'immortalité

L'homme qui réussit à se connaitre et à manifester sa khudi devient l'homme idéal, l'homme vrai, doué d'une beauté et d'une puissance merveilleux ; il est le `livre' dont les autres ne sont que des faibles interprétations :

ááÌ æ áÇãÌ Ç ÀÇê ÏæÎ ÏÑã ÿÓ íÏæÎ

ÿÀ ÈÇÊ Àí À·íÑíÓÊ ãÇãÊ íÞÇÈ 67

C'est la khudi qui donne à l'homme qui se connait sa beauté et sa puissance
Il est le livre, les autres n'en sont que des interprétations

66 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 212.

67 Iqbal, M. Armqghân-e Hijâz (Le cadeau du Hijaz) 1938; section ourdou (2e partie de l'oeuvre est en ourdou) ; en Kolliyât-e Iqbâl Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 747.

Hibah Shabkhez 140

5.4.2 Khudi et Islam

Iqbal ancre sa philosophie de khudi dans l'Islam, quoiqu'il la veuille « universelle ». Il argumente logiquement dans ce texte en anglais le choix d'Islam comme le système social le mieux adapté à la « reconstruction sociale » à laquelle sa philosophie de khudi mène l'homme en citant les principes islamiques d'égalité et de désintéressement:

My aim is simply to discover a universal social reconstruction; and in this endeavour I find it philosophically impossible to ignore a social system which exists with the express object of doing away with all distinctions of caste, rank and race; and which, while keeping a watchful eye on the affairs of this world, fosters a spirit of unworldliness so absolutely essential to man in his relations with his neighbours. This is what Europe lacks and this is what she can still learn from us.68

Mon but est de découvrir tout simplement une universelle reconstruction sociale ; et dans cette

tentative, je trouve philosophiquement impossible d'ignorer un système social qui existe avec le but exprès d'abolir toutes les distinctions de caste, de rang et de race ; et qui, en surveillant les affaires de ce monde, nourrit un esprit de détachement de ce monde qui est absolument essentiel à l'homme dans ses relations avec ses voisins. C'est ce que l'Europe manque et c'est ce qu'elle peut encore apprendre par nous.69

L'Europe, malgré tout son progrès matériel, manque toujours un système social qui réussit à équilibrer le spirituel et le terrestre ; Islam nous donne les lois et les conseils pour pouvoir réussir dans ce monde et le prochain. Dans ce poème ourdoue, intitulé « l'Islam » Iqbal explique comment : le feu de la khudi brule au fond du système social islamique. La nature a ensevelie ce feu, qui est néanmoins la vérité et le destin final de tout être. Iqbal focalise l'essence de l'Islam au lieu de mettre l'accent sur le nom ; et cette essence est de pratiquer « le faqr fier » c'est-à-dire, d'embarrasser la pauvreté volontaire honorable, selon l'exemple donné par le prophète Muhammad (paix et salut sur lui):

íÏæÎ ÑÇ íÏæÎ Ñæ ÿÀ í ãáÓÇ ÍæÑ

ÑæÖÍ æ Ñæ íÏæÎ ÑÇ ÿíá ÿ íÇêÏÒ Ïæã áÕÇ

íÀí ãíæÞÊ í Òíç ÑÀ íÀí

ÑæÊÓã ÿÀ ÇÑ ÿ ÊÑØ æ ÍæÑ ÓÇ ÀçÑê

ÑíÎ æÊ ÿÀ Ï ÑêÇ æ Ñæí ÿÓ 'ãáÓÇ' Ùá

68 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 205.

69 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 141

ÑæíÛ ÑÞ' ÿÀ Ç äíÏ íÓÇ ãÇ ÇÑÓæÏ70'

L'âme de l'Islam est la lumière de «khudi », le feu de «khudi»
Pour vivre le feu de « khudi » est la lumière et la présence divine.
C'est le calendrier de chose, c'est l'essence de chaque apparence
Mais sur cette essence la Providence a jeté un voile.
Si l'Europe hésite sur le mot de l'Islam,
Le deuxième nom de cette religion est le « Faqr »71 fier.72

La lumière qui permet l'émergence de ce « faqr fier » est un feu qui s'allume en brulant l'argile du soi et en éloignant, comme exige l'Islam, l'homme de tout qui est éphémère :

ÔíæÎ ÇÔÇÎ ÒÇ ÒæÑÇ ÿÔÊÂ
ÔíæÎ ÒÇ ä ÑíãÚÊ ÀáÚÔ
ÊÓÇ áÏ ÒæÓ ÒÇ áãÇ ãáÓã ãáÇ
ÊÓÇ á ÑÊ ãáÓÇ ÆÚã73

Allume un feu de ta propre paille
Fais une flamme de ton argile
Le savoir d'un musulman est complété par la souffrance du coeur
L'Islam veut dire l'abandon de tout ce qui est éphémère

Ainsi, dans la philosophie d'Iqbal, l'Islam fournit un cadre juridique, social et moral pour le développement de la khudi ; et la khudi est l'ame de ce cadre, l'Islam, puisqu'elle le donne sa raison d'être.

70 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 543

71 La pauvreté volontaire que le prophète de l'Islam a pratiquée. [Cf. Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 21]

72 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 22

73 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 160.

Hibah Shabkhez 142

5.4.3 Khudi et la relation entre homme et Dieu

Entre Dieu, « l'Ego Divin ou L'Ultime Ego» et l'homme, « l'ego humain ou l'ego partiellement déterminé, partiellement libre »74 existe une relation intime et directe : « Il n'existe aucun médiateur entre Dieu et l'homme. » déclare Iqbal « Dieu est le droit acquis à la naissance de tout homme »75

Dieu, le Seigneur, le « Khuda », a crée l'homme et l'a doué avec la volonté et l'individualité, la « khudi », qui dérive donc son existence et sa valeur de Dieu, qui est unique. Donc pour Iqbal, le caractéristique le plus important de la vie est l'individualité : Dieu sert comme un

modèle, un idéal auquel l'individu aspire pour développer sa propre potentiel:

All life is individual; there is no such thing as universal life. God Himself is an individual; he is the most unique individual76 ... He who comes nearest to God is the completest person. Not that he is finally absorbed in God. On the contrary, he absorbs God into himself77

La vie est toujours individuelle; la vie universelle n'existe pas. Dieu lui-même est un individu; il est l'individu le plus unique ... Celui qui vient le plus près au Dieu est la personne la plus complète, Ce n'est pas qu'il soit enfin absorbé en Dieu. Au contraire, c'est lui qui absorbe Dieu en lui-même.

Dieu devient le canevas, la pole de référence, le standard de perfection pour l'homme ; Il

pousse la khudi de l'homme à s'améliorer pour se rapprocher de la perfection absolue:

Since God is the ultimate spiritual basis of all life, loyalty to God virtually amounts to man's loyalty to his own spiritual nature 78

Comme Dieu est l'ultime base spirituelle de toute vie, la fidélité envers Dieu représente, de fait, la fidélité de l'homme envers sa propre nature idéale79.

Sans cette juxtaposition, la khudi ne pourrait jamais s'achever, comme la perle qui a besoin d'un océan pour se faire fabriquer:

ÿÏæÌæ

ÞÍ

ÏæÌæ ÒÇ

ÇÑ íÏæÎ

ÿÏæã

ÞÍ

Ïæã ÒÇ

ÇÑ íÏæÎ

74 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p.195-196

75 Ibid. p. 32

76 Ibid. p. 194

77 Ibid.

78 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 117.

79 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 161

Hibah Shabkhez 143

ÑÀæê ÀÏÈÇÊ äíÇ À ãÇÏíã

ÿÏæÈ ÇíÑÏ ÑêÇ ÿÏæÈ ÇÌ80

Dieu est le terrain de l'existence de khudi,
Khudi se manifeste grâce à la manifestation divine,
Je ne sais pas où cette perle lumineuse serait,
S'il n'y avait pas l'océan ?81

Dr Thomas Stemmer nous donne un autre perspectif sur cette relation, l'idée du soi qui travaille ensemble (as a `co-worker')82 avec Dieu. Vue dans cette manière, « c'était la volonté de Dieu ou de l'ultime Égo que l'homme existe comme un égo »83 - un égo qui existe pour agir et pour créer :

íÏíÑ ÈÔ æÊãÏíÑ ÛÇÑç
íÏíÑ ááÇÓãÏíÑ ÛÇíÇ
íÏíÑ ÛÇÑ æ ÑÇÓÀ æ äÇÈÇíÈ
ãÏíÑ ÛÇÈ æ ÑÇÒáê æ äÇÈÇíÎ84

Tu [Dieu] créas la nuit, et moi la lampe.

Tu créas l'argile: j'en fis un verre à vin

Tu créas les déserts, les montagnes, les terres ternes ; J'en fis les jardins, les vergers, les parterres de fleurs.

L'activité innovante de l'homme ne peut se manifester qu'en fonction du monde déjà crée par Dieu, mais son rôle, le rôle de sa khudi, est d'être une influence créative dans ce monde, et de devenir l'agent et le confident de la volonté divine :

ÇÌ

æÀ

·ÇíÇ Ñ

·æÇÂ

íÇ ÿÀ ·ÇÇ ä ÒÇÑ æÊ

ÇÌ

æÀ

·ÇãÌÑÊ

Ç ÇÏÎ

ÇÌ æÀ ·ÇÏÒÇÑ Ç íÏæÎ85

80 Iqbal, Muhammad. Armughân-e-Hijâz (Le cadeau du Hijâz) 1938, en Kolliyât-e Iqbâl (1e partie de l'oeuvre est en persan) - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1974.

81 Iqbal, M. Le cadeau du Hijâz (Armughân-e-Hijâz) trad. fr. par Nazeer S. (inédite)

82 Stemmer, T. (Avril, 2004) « Hidden Khudi: A Co-Worker with God - An Essay on the Concept of Individuality In The Writing Of Muhammad Iqbal » ( La khudi cachée : Un collège de Dieu - Un essai sur le concept d'individualité dans l'oeuvre de Muhammad Iqbal). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 45 (2), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr04/02.htm]

83 Ibid.

84 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'Orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 578.

85 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 304

Hibah Shabkhez 144

Tu es le secret de l'ordre «Sois», et c'est86,

Devient partageur du secret de la khudi, devient l'interprétateur de Dieu

86 Allusion coranique, au vers de Surah Ya Sin. (36 : 82) (Quand Il veut une chose, Son commandement consiste à dire: «Sois», et c'est.)

[Cf. King Fahad Printing Complex Traductions des sens du Coran Date d'accès: 08-10-2014 de http://qurancomplex.gov.sa/default.asp?l=frn

URL: http://qurancomplex.gov.sa/Quran/Targama/Targama.asp?nSora=36&l=frn&nAya=81#36_81]

Hibah Shabkhez 145

5.4.4 Khudi et la vie

La vie, selon Iqbal, est un « ego centralisateur », un « soi » qui donne un sens à l'existence d'un organisme vivant. La vraie nature de cette vie est difficile à comprendre ; la réflexion logique, en effet, peut dérouter, voire égarer la pensée, et ce n'est que par intuition et expérience qu'on commence à la comprendre:

To interpret ... life as an ego ... is only to accept the simple fact of experience that life is not a formless fluid, but an organising principle of unity, a synthetic activity which holds together and focalises the dispersing dispositions of the living organism for a constructive purpose. The operation of thought ... veils the true nature of life, and can only see it as a kind of universal currentflowing through all things ... Intuition reveals life as a centralising ego.87

Envisager cette vie comme un ego ... c'est seulement accepter le simple fait d'expérience que la vie n'est pas un fluide amorphe, mais un principe d'unité organisateur, une activité de synthèse qui maintient et oriente les tendances dispersées de l'organisme vivant en vue d'une fin constructive. Le mécanisme de la pensée ... dissimule la véritable nature de la vie, et ne peut que la représenter comme une sorte de courant universel s'écoulant à travers toute chose ... L'intuition nous révèle que la vie est un ego centralisateur.88

« L'activité synthétique », le « but constructif» de cette vie, ce n'est que de nourrir et développer sa khudi, de s'enraciner dans « le jardin de khudi » et en cueillir « les fleurs de khudi » qui rendent le soi immortel:

ÊÓÇ äÏíáÇÈ ÏæÎ ?ÇÌ ÑÈ íêÏÒ

ÊÓÇ äÏíç áê íÏæÎ äÇÈÇíÎ ÒÇ89

La vie est faite pour rester à sa place et se nourrir
Et pour cueillir des fleurs du jardin de la khudi

Pour celui qui a su reconnaitre sa khudi, la mort du corps n'est qu'une étape de transition entre cette vie impermanente et la vie éternelle qui est censé suivre la Résurrection. « La mort » ne signifie point le déchirement du corps mortel de l'âme, mais la manque de conscience de sa khudi :

äÏÔ áÇÛ íÏæÎ ÒÇ äÏÑã ÊÓíç

87 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p 48-9.

88 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 69.

89 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 146.

Hibah Shabkhez 146

äÊ æ äÇÌ ÞÑ íÑÇÏ Àç æÊ90

Si les hommes sont ignorants de leur khudi
Que signifie le déchirement du corps de l'âme?

La vie de khudi a comme but la réussite spirituelle et l'immortalité éternelle. C'est une « vie des idéaux » qui exige que le soi se soumet à la « formation de khudi » déjà détaillé en Chapitre 2. Mais cet idéalisme n'implique point la renonciation de la vie « réelle» ; bien au contraire:

The life of the ideal consists, not in a total breach with the real which would tend to shatter the organic wholeness of life into painful oppositions, but in the perpetual endeavour of the ideal to appropriate the real with a view eventually to absorb it, to convert it into itself and illuminate its whole being91

La vie de l'idéal consiste, non pas en une rupture totale avec le réel qui tendrait à briser la plénitude organique de la vie et la disperser en oppositions pénibles, mais en un effort perpétuel de l'idéal pour s'approprier le réel, afin de l'absorber éventuellement, de le transformer en lui et de l'illuminer dans sa totalité92

Dans la strophe ourdoue suivante, Iqbal écrit en poésie ce qu'il a argumenté en prose dans The Reconstruction ofReligious Thought: la vie n'a pas de sens qu'en relation de la khudi.

ÏæÌæ

ãíÑÍ

ÇÑÊ äÔæÑ

ÿÀ ÿÓ íÏæÎ íÑÊ

ÊÇÈË æ

ÒæÓ

æ ÑæÑÓ Ç

íÓÇ 'ÿÀ Çí ÊÇíÍ93

Ton être devient sacré par le rayonnement de ta khudi La vie n'est que sa magie et sa douleur et sa perpétuité

90 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 132.

91 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 7.

92 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 16.

93 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 618.

Hibah Shabkhez 147

5.4.5 Khudi et la vice-régence de Dieu sur terre

La vice-régence de Dieu sur terre est la fin ultime du développement de la khudi. Iqbal résume dans ce passage de The Reconstruction of Religious Thought in Islam l'origine de la khudi et la mission de l'homme sur terre. La volonté libre, l'individualité, n'est pas un fardeau imposé bon gré, mal gré sur le dos de l'homme ; c'est une responsabilité qu'il a acceptée librement : « Trois choses, » dit Iqbal, « sont parfaitement claires dans le Coran »:

(i) That man is the chosen of God ...

(ii) That man, with all his faults, is meant to be the representative of God on Earth ...

(iii) That man is the trustee of a free personality which he accepted at his peril94

(i) Que l'homme a été choisi par Dieu ...

(ii) Que l'homme, avec tous ses défauts, est censé être le représentatif de Dieu sur terre ...

(iii) Que l'homme est le fidéicommissaire d'une personnalité libre qu'il a accepté à ses risques et périls

Cette volonté libre, cette individualité du soi - sa khudi - est clé pour devenir « le représentatif de Dieu sur terre ». Nous avons déjà parcouru le chemin qu'indique Iqbal pour parvenir à cette étape en Chapitre 2 Section 2.4.1. L'essentiel, c'est de fortifier sa khudi, pour pouvoir devenir le maitre du monde entier:

í ãÇÍã íÏæÎ ÒÇ ·æç ÇÑ ÔíæÎ

í ãÀÑÈ ·ÇÀÌ íÀÇæÎ ÑêÇ æÊ95

Quand tu t'es fortifié avec ta khudi

Tu seras capable de vaincre le monde si tu en as envie

« Le monde » ne veut pas dire seulement la terre et des hommes, mais l'univers en entier. L'homme, s'il montre vraiment de quoi il est capable, et développe jusqu'au bout sa khudi, saurait dominer tous les éléments naturels qui semblent si intimidants:

All that is in the universe is God's, and the seemingly destructive forces of nature become sources of life, ifproperly controlled by man, who is endowed with the power to understand and control them96

94 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 76

95 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 132.

96 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 30

Hibah Shabkhez 148

Tout ce qui est dans l'univers appartient à Dieu, et les forces de la nature qui semblent destructrices deviennent les sources de vie, si elles sont contrôlées comme il faut par l'homme, qui est doué avec le pouvoir de les comprendre et de les contrôler97

Ce pouvoir de comprendre et contrôler son environnement, enfin, c'est cela qu'Iqbal veut que l'homme apprenne à reconnaitre et exercer, en utilisant la force de sa khudi comme un outil:

ÇÌ Çç À ÇíÏ ÿÓ ÑæÒ ÿ íÏæÎ

ÇÌ Ç ÒÇÑ Ç æÈ æ êÑ ãÇÞã98

Domine le monde avec la force de ta khudi
Découvre le secret de la couleur et de l'odeur

97 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 30

98 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 410.

Hibah Shabkhez 149

5.4.6 Khudi et l'immortalité personnelle

Iqbal insiste que l'immortalité est un choix ; il ne croit pas dans une immortalité universelle
et automatique. L'homme est doué « seulement avec la capacité pour l'immortalité et pas

avec l'immortalité en soi »99. Donc l'immortalité ne s'achève que par la réalisation de Khudi : Personal immortality is an aspiration : you can have it ifyou want to achieve it... if our activity is directed towards the maintenance of a state of tension, the shock of death is not likely to affect it ... the Quran speaks of a ÎÒÑÈ or intermediate state, which lasts until the day of resurrection.100 L'immortalité personnelle est une aspiration : vous pouvez l'avoir si vous voulez l'achever ... si notre activité se dirige vers la maintenance d'un état de tension, la choque de la mort n'aurai probablement aucun effet sur cela ... le Coran parle d'un ÎÒÑÈ ou état intermédiaire, qui dure jusqu'au jour de résurrection.

Tout l'univers, même les astres, n'est enfin qu'éphémère, puisqu'il ne durera pas éternellement. Mais l'homme, doué d'un soi, d'une « khudi », a le choix d'aspirer à l'immortalité en l'embrassant:

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í ÀÑÇÑÔ

áÇËã

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ÿÀ ÇÊÀÑ

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ÏÈÇ Ç

íÏæÎ

101

La lune et l'étoile sont comme l'étincelle; leur vie dure pour un ou deux souffles
Mais l'ivresse du vin de « khudi » dure pour toute éternité102

La résurrection est à gagner ; comme l'immortalité, ce n'est pas un fait externe imposé sur l'ego mais un des enjeux de son existence. En effet, la résurrection est la consommation

logique de la vie de l'homme:

... The ego must continue to struggle until he is able to ... win his resurrection. The resurrection is not an external event. It is a consummation of the life-process within the ego. 103

... L'ego doit continuer à lutter jusqu'à ce qu'il soit capable de ... gagner sa résurrection. La résurrection n'est donc pas un processus externe. C'est la consommation d'un processus vital au sein de l'ego

99 Maruf, M. (Octobre, 1983) « Iqbal, Kant, Mctaggart and Ward » (Iqbal, Kant, Mctaggart et Ward). (M. Munawwar, éd.) Iqbal Review, 24 (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct83/7.htm]

100 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 196-7

101 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 578.

102 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 43.

103 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam). Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 96.

Hibah Shabkhez 150

L'homme frémit devant l'inexorabilité de la mort. Mais en vérité, explique Iqbal, la mort n'est rien à craindre ; si l'on « rentre en soi-même », et réaffirme sa propre khudi, la mort perde ses terreurs, et devient une étape transitoire à traverser sans souci :

êÑã ?ÔíÏÇ ÒÇ ÏÒÑá íã ÊáÏ
íÑíÑÒ ÏÇã ÏÑÒ ÔíÈãÈ Ò
ÏíêÑÊ ÀÊÎ ÇÑ íÏæÎ Â ÒÇÈ ÏæÎÈ
íÑíã äÏÑã ÒÇ Ó íÑíê ÑêÇ104

Ton coeur tremble avec l'idée de la mort
Tu es pale comme le linge avec la peur
Ressaisie-toi, et fortifie ta khudi
Si tu le fais, tu ne mourras pas même après avoir décédé

Si la khudi est vivante, la mort n'est qu'une étape dans le grand schéma de l'existence : Iqbal a exprimé cette idée maintes fois dans son oeuvre :

ÊÇíÍ ãÇÞã Ç Êæã ÿÀ æÊ ÀÏÒ ÿÀ íÏæÎ105

Si la khudi est vivante, la mort est une étape de la vie

Dans cet éloge qu'il fait à sa mère décédé, Iqbal reprend cette idée d'une autre perspective : la fin du monde, dit-il, n'est qu'un état de transition d'une vie terrestre à une vie éternelle :

ÿÀ ÀÇê ·áæÌ íÇ í íêÏÒ íÈ ÊÑÎÂ106

La fin du monde est aussi une halte dans le chemin de la vie

La formation et réalisation de la khudi est essentielle pour gagner la résurrection et l'immortalité, et la vie terrestre la sert de la « coquille » qui transforme une goutte d'eau en perle. La khudi devient progressivement indépendant, et capable de se maintenir sans appui. À ce point-là, elle est capable de triompher sur la mort.

íÏæÎÿÀ ·ÇíÓ ?ÑØÞ ÏÕ ÿÀ íÇêÏÒ

ÿÇÓ Ñ À ÑÀê æ ÿÑØÞ æÌ À Çí ÏÕ Àæ

íÏæÎ ÑíêÏæÎ æ ÑêÏæÎ æ ÑêÏæÎ ÑêÇ æÀ

104 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'Orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 436.

105 Iqbal, M. Armqghân-e Hijâz (Le cadeau du Hijaz) 1938; section ourdou (2e partie de l'oeuvre est en ourdou) ; en Kolliyât-e Iqbâl Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 725.

106 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 265.

ÿÑã À íÈ ÿÓ Êæã æÊ À ÿÀ äÇãã íÈ Àí107

La vie est une coquille et la goutte de pluie est la « khudi »
Cette coquille n'est pas valable qui ne change la goutte en perle
Si ta « khudi » est indépendante et se construit tout seul,
Il est possible que tu ne meures pas avec ta mort108

Hibah Shabkhez 151

107 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 543.

108 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 23.

Hibah Shabkhez 152

5.4.7. Khudi et l'amour et le savoir

Nous proposons de traiter ensemble la relation de la khudi avec l'amour et le savoir, parce que ces deux phénomènes sont étroitement liés dans la pensée d'Iqbal. Il les juxtapose souvent dans son oeuvre : on trouve les poèmes tels que « Aql o Dil »109 (l'esprit et le coeur) et « Ilm o Ishq »110 (le savoir et l'amour), où l'amour et le savoir sont présentés ensemble, parfois comme concepts complémentaires, parfois comme concepts opposés. De la même façon, l'amour et le savoir ont tous deux des rôles fonciers dans la philosophie de khudi d'Iqbal : ils fortifient la khudi, dans les manières différentes mais également essentielles.

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ãáÇ æÀ íÏæÎ

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æÊ

ãÇÍã

ÿÓ

ÞÔÇ æÀ ÑêÇ111

Si la khudi est fortifié par le savoir elle devient la fierté de Jibril
Si la khudi est fortifié par l'amour elle devient la trompette d'Israfil

Pour Iqbal, l'amour est le lien essential entre Dieu et l'homme ; il est donc fondamental au développement de l'ego. « L'amour, » dit Dr Sheila McDonough « pousse l'âme à demander une réponse de... l'univers » C'est l'amour de Dieu et de l'idéal personnifié par le prophète Mohammad (paix et salut sur lui) qui permettent l'actualisation de la khudi. Mohammad

Rafiuddin explique ce processus:

Man expresses his love for the Divine Self by worshipping It, adoring Its qualities and acting in Its service, i.e., by expressing Its qualities in his own action. Self-consciousness (human or Divine) is Love and Beauty at the same time. When it is seeking self-consciousness, it is Love; and when it is being sought by self-consciousness, it is Beauty. The Divine Self is actual Beauty, but the human self-consciousness is potential Beauty that has yet to be actualized or revealed as a result of the creative process.112

L'homme exprime son amour pour l'être divin par le vénérer, l'adorer et agir dans son service, c'est-à-dire par exprimer ses qualités dans sa propre action. La conscience du Soi (humaine et devine) est l'amour et la beauté à la fois. Quant il cherche la conscience de soi, c'est l'amour; et quand la conscience de soi la cherche, c'est la beauté. L'être divin est la beauté actuelle, mais la

109 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 72.

110 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 532.

111 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 391.

112 Rafiuddin, M. (Octobre 1963) « Iqbal's Idea of the Self» (L'idée du soi d'Iqbal). (M. Rafiuddin, éd.) Iqbal Review: Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 04, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 1902-2014, [URL: http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct63/1.htm]

Hibah Shabkhez 153

conscience humaine du soi est la beauté potentielle qui doit être relevé ou actualisé en conséquence du processus créatif.

Le but de la philosophie de khudi, c'est de créer l'homme idéal, digne d'être le vice régent de

Dieu sur terre. C'est l'amour qui fortifie la khudi et la mène vers l'excellence de caractère:

The ego is fortified by love (ÞÔÇ) ... the desire to assimilate, to absorb. Its highest form is the creation of values and ideals and the endeavour to realise them113...

L'ego est fortifié par l'amour ... le désir d'assimiler, d'absorber. Sa forme la plus élevée est la création des valeurs et des idéaux et l'effort de les réaliser ...

Au même temps, ce n'est pas un amour aveugle dont il s'agit; le savoir, la raison, l'intellect doivent également éclaircir chaque aspect de la formation de la khudi, jusqu'au

l'interprétation de la doctrine religieuse.

The only course open to us is to approach modern knowledge with a respectful but independent attitude and to appreciate the teachings of Islam in the light of that knowledge, even though we may be led to differ from those who have gone before us114

La seule voie qui s'offre à nous, c'est de nous approcher des connaissances modernes avec une attitude respectueuse, mais indépendante, et d'apprécier les enseignements de l'Islam à la lumière de ces connaissances, même si nous sommes amenés à différer de ceux qui nous ont précédés.

Cependant, l'esprit, aussi vif qu'il soit, ne sert qu'à faire égarer s'il n'est pas avant tout le gardien de la khudi. L'intellect a besoin d'une force directrice, qui est la khudi ; au même temps, l'esprit protège et sauvegarde la khudi. Dans la relation entre l'amour et l'intellect, c'est l'amour qui doit prendre le dessus pour arriver à l'équilibre juste. La morale, la philosophie et toute autre valeur est déterminé par l'amour, qui subordonne la raison:

ÊÓæÒÑ ÒÇ ÑÇÏ ÀíÇãÑÓ íêÏÐ ÊÓæÇ äØÈ äÇêÏíÆÇÒ ÒÇ áÞÇ115 ãÏÇÒ ?ÏÈ äãäã ãÇãÇ ÊÓÇ ÞÔÇ äã ãÇãÇ ÊÓÇ ÞÔÇäã ãáÛ ÊÓÇ áÞÇ 116

Le désir est le trésor de la vie.

113 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 197.

114 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 78.

115 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 52

116 Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1072

Hibah Shabkhez 154

L'intellect naquit de son ventre

Je suis un homme libre, l'amour est mon maître.
L'amour est mon maître, l'intellect est mon esclave

Hibah Shabkhez 155

5.4.8. Khudi et le destin

Le concept du destin et le concept de l'égo sont intimement liés dans la philosophie iqbalienne. Iqbal ne regarde pas le destin comme une force externe qui s'impose sur l'ego. Chaque être, chaque ego forge son propre destin selon sa propre nature, son propre potentiel caché en soi, qui se dévoile au fil du temps. L'ego n'a non seulement la volonté libre de choisir son propre destin, ce destin est en soi une conséquence d'exercer le pouvoir de l'action créative avec laquelle il est doué.

It is time regarded as an organic whole that the Quran describes as Taqdir or destiny ... Destiny is time regarded as prior to the disclosure of its possibilities. It is time freedfrom the net of causal sequence - the diagrammatic character which the logical understanding imposes on it. In one word, it is time as felt and not as thought and calculated... Time regarded as destiny forms the very essence of things. As the Quran says: `God created all things and assigned to each its destiny'. The destiny of a thing then is not an unrelenting fate working from without like a taskmaster; it is the inward reach of a thing, its realizable possibilities which lie within the depths of its nature, and serially actualize themselves without any feeling of external compulsion. Thus the organic wholeness of duration does not mean that full-fledged events are lying, as it were, in the womb of Reality, and drop one by one like the grains of sand from the hour-glass. If time is real, and not a mere repetition of homogeneous moments which make conscious experience a delusion, then every moment in the life of Reality is original, giving birth to what is absolutely novel and unforeseeable.117

C'est le temps considéré comme tout organique que le Coran appelle « Taqdir » ou la destinée ... La destinée, c'est le temps considéré comme antérieur à la manifestation de ses possibilités. C'est le temps libéré au réseau de l'enchainement causal - caractère schématique que lui impose la compréhension logique. En un mot, c'est le temps senti et non pensé ou calculé ... Le temps considéré comme destinée constitue l'essence même des choses. Ainsi que le dit le Coran : « Dieu a crée toutes choses et leur a assigné à chacune leur destinée. » La destinée d'une chose n'est donc pas un sort extérieur comme un maître imposant une tâche ; c'est ce qu'une chose peut atteindre intérieurement, les possibilités réalisables cachées dans les profondeurs de sa nature, et qui s'actualisent dans la succession temporelle sans qu'aucune contrainte extérieure soit ressentie. Ainsi, la plénitude organique de la durée ne signifie pas que des événements arrivés à maturité reposent, pour ainsi dire, dans le sein de la Réalité, et tombent un à un comme les graines de sable hors d'un sablier. Si le temps est réel, et non pas la simple répétition de moments homogènes qui

117 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 40.

Hibah Shabkhez 156

font de l'expérience consciente une illusion, alors chaque instant dans la vie de la Réalité est original, et donne naissance à ce qui est absolument neuf et imprévisible.118

Donc la destinée, dans l'avis d'Iqbal, est prédéterminé seulement dans le sens que les possibilités avec les quelles chaque ego est douée sont fixées préalablement. M. Saeed Sheikh distingue le concept iqbalien de destiné de toute forme de fatalisme. Le sort de l'ego est imposé par l'ego soi-même comme une partie de son essor créatif, et non pas arbitrairement

par une force externe.

There is no place in this conception of destiny for the doctrine of Fatalism ... nor for the doctrine of determinism as expounded by the philosophers who ... think of all things in terms of the inexorable law of cause and effect... They fail to realise that the origin of the law of `cause and effect' lies in the depths of the transcendental ego which has devised it or caused it under divine guidance to realise its divinely assigned destiny of understanding and mastering all things. 119

Il n'y a dans cette conception aucune marge pour la doctrine du fatalisme ... ni pour la doctrine du déterminisme comme elle est expliquée par les philosophes qui ... pensent à toute chose en fonction de la loi inexorable de cause et effet ... Ils n'e rendent pas compte que la loi de « cause et effet » a son origine dans les profondeurs de l'ego transcendante qui l'a inventé ou l'a causé sous la direction divine afin de réaliser la destinée lui assigné de tout comprendre et de maitriser.

Le contrôle ultime des destinées reste avec Dieu, puisqu'il a crée tout ce qu'il ya dans l'univers, y compris l'ego. Donc pour lui les possibilités du destin sont sans bornes ; il peut changer les sorts comme il veut. Le destin est un choix: pour améliorer son sort, on n'a que s'améliorer : quand l'ego change, son destin change aussitôt :

íÈ ·íã ÓÇ

ÇÌãÓ ·íÀ æ ãæÀã ÿ ÑíÏÞÊ ÿ ·æêæá À ÿÀ ÿÊÇãÑ ÀêÌ ÑæÇ íÇ

ÀçÇç ÿÀ

íÊÇÌ áÏÈ íÈ ÑíÏÞÊ í ÓÇ æÊ ?ÇÌ áÏÈ äÇÓÇ ÑêÇ ÿÀ

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ÏÑÓ ÿ ÇæÀ

æÊ æÀ

íã Àæ ÑêÇ

 

ÿÀ ÇÊíÏ ÑÑæç ÇÇç120

 
 
 

À une autre occasion il [Iqbal] dit que les gens n'ont pas compris le sens de « Taqdir » (la destinée), qui est très profond : si l'homme change, sa destinée change aussi, donc s'il est de l'argile, il rentre à la terre, et s'il est de la pierre, il se heurte contre le verre et le casse en morceaux.

118 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 57-8

119 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 164-165. (Extrait des annotations de M. Saeed Sheikh)

120 Malik, H. A. (Janvier-Mars 1988). « Àáá íáæ ÀÇÔ ÑæÇ áÇÈÞÇ » (Iqbal et Shah Waliullah). (M. Munawwar, Ed.) Iqbaliat (Iqbal Review), 28 (4), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p. 101-136.

Hibah Shabkhez 157

C'est le droit de l'ego, voire son devoir, de chercher une destinée plus noble. Cet aspect de la pensée d'Iqbal est éclairci par cet extrait de sa poésie persane :

íÒÑê ÑíÏÞÊ

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ÏÏÑê

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æÊ ÑêÇ

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ÀÊÇ ÑíÏÞÊ ÇÑ ÏÊÎÇÔ

ÒãÑÔÇíÑÇÈ ÑÍÈ ÿ ÊÇÑãÖã

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ÑêÇ ÑêíÏ

íæÔ æÇ ÑêíÏ ÊÓÇ

 

ÇÎ æÔ

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ÇÑÊ

êÓ ÑÈæÔ

ÀÔíÔ ÏÒÇÏÇ

ÇÑÊ121

ÊÓÊ ÑíÑÞÊ íêÏÊÇ íãÈÔ

ÊÓÊÑíÏÞÊ íêÏíÇ ?ãÒáÞ122

Si une destinée te brise le coeur
Demande un autre sort de Dieu
Si tu veux une nouvelle destinée, tu as raison
Parce que les destinées de Dieu sont sans bornes
Les habitants de la terre ont perdu l'argent vif de khudi
Parce qu'ils n'ont pas compris la vérité du destin
La profondeur du destin se résume dans une phrase
Si tu changes, ta destinée change aussitôt.
Si tu deviens l'argile, tu seras confié à la terre
Si tu es de la pierre, tu seras utilisé pour briser le verre
Es tu la rosée ? Ton destin est donc de se fondre
Es tu l'océan ? Ton destin est donc d'endurer à jamais

Abdul-Hameed Kamali élabore la pensée iqbalienne sur la destinée par rapport à un vers coranique :

??ããííáæíÞÊÊ áäÊÓíÍÊÇ

íí?á ÊäÇÊÓíá íáÇ

ÇÊíÞÊáÊÎ

íÏÊÞÊá

??ÊäííáááÓÓ

ÊáÊíÓÊÇ åõÓíÏÊÏ ÑÊ

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121 Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1379.

122 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'Orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 600.

Hibah Shabkhez 158

??ãäíæåíãÊã åÑííÊÛ ÑÑíÌÊÇ íãåÊáÊ ÊáÓÍááÕÕáÇ ÇæåááãÊÇæÊ ÇíæåÊãÓÇ ÊäííáÐãáÇ ãááÇ
" Ñêã Çí ÏÑ ·íã íÊÓ í ·æíÊÓ æ äÇ Ñ ÇíÇÇ Ñ ãíæÞÊ íçÇ æ äÇÓÇ ÿ ãÀ
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Ñêã 'ÿÀ ÇÊÇÌ æÀ ç ÿÓ ç ÑæÇ ÿÀÇÊÇÌ çÀ Ê íÊÓ í ·æíÊÓ äÇÓÇ À ·íÀ
À ÿÀ ÀÏéã ÊÞæ ÑÀ ÿíá ÿ äÇ ·íÑ ãÇ í ÑæÇ ·íÑ ÀÒÇÊ äÇãíÇ ÇÇ êæá æÌ ·Ç
ÿá Ñ ·æíÏáÈ ÑæÇ ·íÀ æ äÇ ãíæÞÊ íçÇ ÑæÇ ·íÀ ÿÊÇÌ Ç íËÊÓÇ ÿÓ ÑíÏÞÊ ÓÇ Àæ
æ ÿÊÇÓ æ íÈäíÀÇÔ ãÊ ??? ÿÀ íÊæ ÑíÏÞÊ í äÇ ãíæÞÊ ÑÊÀÈ ÿÓ ÑÊÀÈ ÿ íÊÇÌ
íÇ ÿ áÇÈÞÇ ?ÿÀ æÞæã Ñ ãÊ ç ÈÓ Àí íÈ ÛÑãÑÊÔ ÑæÇ íÈ ÑíÔ íÈ Àáæãã
?í ÔÔæ íÑæ íÑæ í ÌíæÑÊ í áÇíÎ ÓÇ ÿÚíÑÐ ÿ íÑÇÇÔ123

« 4. Nous avons certes créé l'homme dans la forme la plus parfaite. 5. Ensuite, Nous l'avons ramené au niveau le plus bas, 6. sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes oeuvres: ceux-là auront une récompense jamais interrompue.»124 Ces vers coraniques expliquent la philosophie de la destinée de l'homme, qui veut dire que l'état de grâce dans lequel l'homme a été crée est le vrai héritage de l'humanité. Mais les fruits de cet héritage sont ainsi perdus que l'homme tombe dans le pire d'abimes et dégénère, mais pour les gens qui renouvèlent leur foi et font des bonnes oeuvres il existe toujours la bonne nouvelle qu'ils peuvent échapper cette destinée, et la grâce les conduira aux sommets, l'état de grâce le plus élevé devient leur destinée ... vous pouvez être le faucon ou le pigeon, le lion ou l'autruche - cela ne dépend que de vous. Iqbal a essayé de promouvoir cette idée autant que possible à travers sa poésie.

L'homme qui réussit à développer sa khudi jusqu'à le point le plus élevé devient digne, enfin, d'être consulté avant que sa destinée soit décidée.

ÿáÀ ÿÓ ÑíÏÞÊ ÑÀ À ÇÊÇ ÏáÈ Ñ æ íÏæÎ

ÿçæ ÏæÎ ÿÓ ÿÏÈ ÇÏÎÿÀ Çí ÇÖÑ íÑíÊ ÇÊÈ 125

Élève ta khudi si haut, qu'avant d'accorder ton destin,
Dieu te demande lui-même: Dis-moi, que veux-tu?)

123 Kamali, A. H. (Juillet 1970). «ÑíÏÞÊ ?áÓã ÑæÇ áÇÈÞÇ ÑáêäÓ » (Spengler, Iqbal et le problème de la destinée). (S. A. Vahid, Ed.) Iqbal Review, 11 (2), Karachi, Iqbal Academy Pakistan, p. 6,7

124 King Fahad Printing Complex Traductions des sens du Coran Date d'accès: 08-10-2014 de http://qurancomplex.gov.sa/default.asp?l=frn

URL: http://qurancomplex.gov.sa/Quran/Targama/Targama.asp?nSora=95&l=frn&nAya=1#95_1

125 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 384.

Hibah Shabkhez 159

5.4.9. Khudi et l'action

L'action est le principe fondamental pour actualiser les potentialités de Khudi. Ce n'est pas la capacité de comprendre et analyser ses environs qui donne à l'homme sa supériorité dans le système naturel, mais sa capacité d'agir, de s'améliorer et d'améliorer ses environs. L'homme réalise sa khudi, son identité individuelle, tout en restant dans le cadre naturel de l'univers, à travers ses efforts pour réaliser un atteindre un but noble:

It is not merely by receiving and intellectually shaping the impressions, but mainly by moulding the stimuli to ideal ends and purposes that the total self of man realises itself as one of the greatest energies of nature. In great action alone the self of man becomes united with God without losing its own identity, and transcends the limits of space and time126

Ce n'est pas seulement par recevoir et reformuler intellectuellement les impressions, mais principalement par refaçonner les stimuli aux fins et objectifs idéaux que le soi complet de l'homme se réalise comme une des plus grandes énergies de la nature. Seulement dans les grandes actions est-ce que l'âme de l'homme se unit à Dieu sans perdre sa propre identité, et transcende les limitations de temps et d'espace

Le désir de se manifester est ensevelie dans l'être; la khudi de l'homme est une force muette, cachée, qui ne peut émerger que par moyen d'action. Elle lui efforce donc de se soumettre à la discipline essentielle pour l'action.

ÊÓÇ íÏæÎ ?æÎ ÇÑ ÔíæÎ äÏæã Çæ

ÊÓÇ íÏæÎ ÿæÑí À æÑÐ ÑÀ

ÑÏ ÀÊÎ

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ÈÇÊíÈ

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ÊæÞ

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ÈÇÈÓÇ

ÏÈÇ áãÇ

ÒÇ127

La nature du soi est de se manifester,
En chaque atome sommeille la puissance du soi;
La puissance qui est silencieuse mais anxieuse d'agir,
Enchaîne les facultés qui conduisent à l'action.128

126 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 31

127 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 44.

128 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

Hibah Shabkhez 160

Acquérir un bienfait sans l'avoir mérité par ses propres efforts correspond mal à la dignité de
l'ego. Tous qui est acquis sans effort, `en demandant', affaiblisse la khudi. Quand l'homme
n'agit pas, quand il perd « l'exaltation d'effort », il s'abaisse et se plonge dans le malheur:

ÏÇã áãÇ ÔÔæ äæÌ äÂ
ÏÇã áÏ ÑÏ áãÇ íÇÖÇÞÊ äÂ
ÊÑ ááÞÊÓÇ æ ãÒÇ æ ÑÇÏÊÞÇ
ÊÑ áÇÈÞÇ æ ÊÒÇ æ ÑÇÈÊÇÇ129

Cette exaltation d'effort ne resta plus,
Cette exigence d'action ne demeura plus au coeur.
La souveraineté, la résolution, et l'indépendance partirent,
La confiance, la dignité, et l'heureuse fortune partirent.130

L'homme qui se laisse flâner se voue à l'échec ; pour réussir sa vie, il faut se plonger au sein de l'orage, enveloppé dans sa propre khudi, et d'en émerger triomphant :

Ô äÇæØÈ ÑÓ æ ÔÇÈ íÏæÎ ÊÓã Ìæã æç

Ôê ·ÇãÇÏÈ Ç æ ·íÔÈ À Êê À ÇÑÊ131

Sois ivre de khudi comme la vague et lève la tète de plein milieu de l'orage
Qu'est-ce qui t'a dit de s'asseoir et quitter l'effort?

Iqbal urge l'homme à embrasser sa khudi, de s'en tremper l'ame, et d'en faire son arme, son bâton qui le donne la puissance du « coup de moise »

ÿæ ÿÓ ÀÇÑ êÓ ÿÑÊ ÀãÔç ÑÇÒÀ

Ñ ÇÏí ãíá ÈÑÖ ÿ Èæè ·íã íÏæÎ132

Que des milliers de sources émergent de la pierre de ton chemin
Trempe-toi dans la khudi et en crée le coup de Moise

La réussite de la khudi est donc intimement lié à l'action; sans l'action, la khudi, malgré toute sa puissance, doit pourrir, inconnue, comme une force cachée dans l'être.

129 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 88.

130 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

131Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 938.

132 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p.503.

Hibah Shabkhez 161

5.4.10. Khudi et l'art

Iqbal était un poète et écrivain renommé; son oeuvre est appréciée pour son style autant que sa philosophie Mais pour Iqbal, « l'art pour l'art» n'avait pas de sens : il ne jugeait pas l'art selon les critères esthétiques, mais en relation de son potentiel pour l'essor de la khudi :

ÑÀæÌ Ç

íÏæÎ ÑíãÚÊ ·íÀä

·íã ÑäÀ

Ñê

ÏæÑÓ æ ÿáÇä

æ íÑÚÇÔ æ íÑê

ÊÑæÕ

?Çæ133

Si dans ton art il n'y a pas la perle de la construction de « Khudi »
Inutile est ta peinture, ta poète et ta musique134

Sa « mesure de valeur » dérive entièrement de sa philosophie de khudi : il classifie les oeuvres

de l'art, comme toute chose autre, selon qu'il raffermit ou affaiblit la khudi :

The idea of personality gives us a standard of value ...That which fortifies personality is good, that which weakens it is bad. Art ... must be judgedfrom the standpoint ofpersonality135

L'idée de la personnalité nous donne une mesure de valeur ... Ce qui fortifie la personnalité est bon, ce qui l'affaiblit est mauvais. L'art ... doit être jugé de la perspective de personnalité

Il déclare indigne sa compagnie ceux ne possèdent pas la «vision» profonde, parce qu'il faut avoir une finesse aigue de l'esprit pour pénétrer jusqu'au fond la philosophie de khudi. C'est ainsi qu'Iqbal définit le vrai artiste: par la profondeur et la justice de sa perception:

íÈ Àä ·íã äÎÓ ÀÞáÍ ÿÑã æÊ ·íÀä ÑÙä

áíÕÇ ÛíÊ áÇËã ÿÀ íÏæÎ ?ÇÀ ÀÊä À136

Si tu n'as pas la vision profonde, ne t'assois pas parmi les rangs de mes camarades littéraires
Car le concept de khudi est comme une épée tranchante

Enfin, Iqbal, lui-même un « poète-philosophe », n'a qu'un conseil pour les artistes du monde: d'utiliser son art pour véhiculer le message de khudi. Il demande à l'artiste de « tirer sa chanson des cordes de sa propre khudi », et de faire répandre le secret de khudi dans le monde. íÏæÎ ÑÇÊ ÒÇ ä ÇÏí ?ãÛä

133 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 626.

134 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 77.

135 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 196.

136 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 391.

Hibah Shabkhez 162

íÏæÎ ÑÇÑÓÇ ÒÇÓ ÇÑÇÔÂ137

Tire ta chanson des cordes de ta propre khudi
Révèle les secrets de la khudi au monde

L'art peut se prouver un moyen bien plus efficace de populariser la philosophie de khudi, parce qu'il peut gagner les coeurs et les âmes, en inspirant une dévotion qui est autant émotionnelle qu'intellectuelle.

137 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 136.

Hibah Shabkhez 163

5.4.11. Khudi et la liberté

Pour Iqbal, la liberté est une conséquence d'épauler librement ses responsabilités, et non pas de l'inaction ou de l'anarchie. Michael James Nazir Ali constate qu'Iqbal base son idée de la liberté de la personnalité sur le concept Coranique que l'homme a accepté l' « amânah » (la responsabilité confiée à lui) que le reste de la création n'a pu tenir.138 L'homme est doué d'une « liberté créative » et le pouvoir d'agir indépendamment. Dieu, l'Ego Tout-Puissant, a choisi d'embrasser cette « limitation », lorsqu'il a crée des egos mortels dans Son image pour partager brièvement sa « vie, puissance et liberté » Iqbal dit:

No doubt, the emergence of egos, endowed with the power of spontaneous and hence unforeseeable action is, in a sense, a limitation on the freedom of the all-inclusive Ego. But this limitation is not externally imposed. It is born out of His own creative freedom whereby He has chosen finite egos to be participators ofHis life, power, andfreedom139

Sans doute, l'émergence des égos, doués avec le pouvoir de l'action spontanée et donc non prédictible est, dans un certain sens, une limitation sur la liberté de l'Égo tout-inclusif. Mais cette limitation n'est pas imposée de l'extérieur. Il est né de sa propre liberté créatrice d'où il a choisit les egos finîtes pour être participants de sa vie, de son pouvoir, et de sa liberté.

L'homme est un individu, il a une personnalité unique, mais il est contraint d'une certaine mesure par une volonté supérieure, celle de Dieu. L'égo est « partiellement libre, partiellement prédestiné, et se rapproche d'une liberté plus complète en approchant l'individu qui est le plus libre - Dieu ... La vie est une tentative de se libérer. »140 Tant que sa khudi étincelle, la captivité ou les mésaventures n'ont pas le pouvoir de vaincre l'homme :

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íÈ ÑÞ

ÿÀ æÊ ÀÏÒ

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Ñ ÑÇÓÀ æÊ ÀÏÒ æÀ

íÏæÎ141

ÏÇÒÂ

·íã

ØíÍã ÿÇ ÿÀ ÀÏÒ

êÀ

138 Ali, M. J. N. (Avril, 2008) « Iqbal, Rumi and the Sufi Tradition » (Iqbal, Rumi, et la tradition Soufie). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 49 (2), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct08/6.htm]

139 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, p. 63-4.

140 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 195-6

141 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 589.

Hibah Shabkhez 164

ÑíÌÒ íÈ ÈÇÑÓ Ìæã æ ÀÏÑãêÀ!142

Si la khudi est vivante, la pauvreté est semblable à la royauté
Le faqir143 n'est moins glorieux que Tugrul144 et Sanjar145
Si la khudi est vivante, le fleuve impétueux est soumis
Si la khudi est vivante, la montagne est faite de la soie et du velvet
Le crocodile vivant est libre dans son océan
Le crocodile mort est enchainé par la vague d'un mirage

La khudi, la lampe de la liberté qui est allumée dans l'âme. Sans cette flamme, l'ame est esclave même lorsque le corps est libre, puisque c'est seulement la khudi qui a le pouvoir de libérer l'homme des faux maîtres :

ÛÇÑ

ÏÑÇÏ ÞÍ

ÑíÛ

ÒÇ ÏÑã ÀÏÒ

ÛÇÑç

æÇ ÏæÌæ

ÑÏÇ

íÏæÎ ÒÇ!146

L'homme vivant s'est libéré de tout ce qui n'est pas vrai
La khudi brule comme une lampe dans son âme

ÊÓÇ ãÇãÊ ÏÑã íÏæÎ ÒÇ äÇãáÓã

ÊÓÇ ãáÛ ÏÑíã

íÏæÎ ÇÊ

ÔÇÎÈ

ÔíæÎ

ÚÇÊã

ÇÑ

ÏæÎ ÑêÇ

íäÇÏ

Àê ÊÓÇ

ãÇÑÍ

äÊÓÈ ÏæÎÈ

ÒÌ ÇÑ147

Avec khudi, le musulman devient l'homme parfait
Il reste en esclavage tant que sa khudi est morte dans son être
Si tu es conscient de ta propre valeur
Tu sauras que dépendre sur autre que toi-même est interdit148

142 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 590.

143 Qui pratique faqr ou la pauvreté volontaire

144 Iqbal utilise ce terme pour une personne pieuse proche à Dieu [CF. Farsi Iqbal, M. Jâvîd Nâme (Le Livre de l'Eternité), 1932, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1540]

145 Iqbal utilise ce terme pour une personne pieuse proche à Dieu [CF. Note de bas de page d'Iqbal, Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 128]

146Iqbal, Muhammad. Pas tche bâyad kard ay aqwâm-e-sharq (Que faut-il donc faire, ô peuples d'Orient ?) ,1936, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1682.

147 Iqbal, Muhammad. Armughân-e-Hijâz (Le cadeau du Hijâz) 1938, en Kolliyât-e Iqbâl (1e partie de l'oeuvre est en persan) - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1868.

148 Iqbal, M. Le cadeau du Hijâz (Armughân-e-Hijâz) trad. fr. par Nazeer S. (inédite)

Hibah Shabkhez 165

Le choix d'avoir une volonté libre a été faite par l'humanité à l'aube du monde ; tout homme est né désormais comme un ego, et la seule voie salvatrice par laquelle il peut gagner sa liberté éternelle, c'est le chemin de réalisation de la khudi.

Hibah Shabkhez 166

5.4.12. Khudi et la vérité

Iqbal n'aperçoit jamais la vérité comme un phénomène statique. Elle n'est pas composée de faits accomplis ou de doctrines fixes ; elle s'évolue, se construit au fil du temps : « Il ne peut pas être une vérité absolue de l'univers ... le processus de la création est toujours en cours, et l'homme y participe. »149

La nature évolue au fil du temps. Tout être crée prend du temps pour se développer, pour vivre sa destinée.

ÇÑ ÿÑÇí ÏÔÇÑÊ íã ÊÑØ æç

ÿÑÇêÒæÑ ÑÏ Ï íã ÔãÇãÊ150

Quand la nature sculpte une figure,
Elle ne l'accomplit qu'au fil du temps

Donc l'écho de l'ordre divin d'être se fait toujours entendre: le monde est, d'une certaine manière, inachevé, toujours en voie de création.

ÏíÇÔ ÿÀ ãÇãÊ Ç íÈÇ ÊÇÆÇ Àí

äæÇí ä ÿÆÇÏÕ ãÏ ÇãÏ ÿÀ íÀÑ À151152

Cet univers est peut-être toujours inaccompli
Car l'ordre `Soit et il est' se fait entendre sans cesse.

Le pouvoir - la puissance de créer et d'agir est l'essence de la divinité pour Iqbal, qui la donne plus d'importance que la vérité : « Le pouvoir est plus divine que la vérité » déclare-t-il «Dieu est Pouvoir. Sois tu, donc, comme ton Père qui est au Ciel »

En ce qui concerne l'homme, la khudi est le noyau de sa force créatrice. Au coeur de cette vérité coulante, changeante de l'univers, ou s'enfoncent les « secrets du soi », tout n'est au fond que « la manifestation de Dieu »:

ÊÓÓíÏæÎ ÑÇËÂ Ò íÊÓÀ ÑÇí

149 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 194-5

150 Iqbal, M., Payam-e Mashriq (Message de l'Orient) 1923 ; Kulliyât-e Iqbal (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 506.

151 Allusion coranique, au vers de Surah Ya Sin. (36 : 82) (Quand Il veut une chose, Son commandement consiste à dire: « Sois », et c'est.)

[Cf. King Fahad Printing Complex Traductions des sens du Coran Date d'accès: 08-10-2014 de http://qurancomplex.gov.sa/default.asp?l=frn

URL: http://qurancomplex.gov.sa/Quran/Targama/Targama.asp?nSora=36&l=frn&nAya=81#36_81]

152 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 364.

Hibah Shabkhez 167

ÊÓíÏæÎ ÑÇÑÓÇ Ò ííÈ íã ÀçÑÀ153

La forme de l'existence est un signe de khudi ,

Tout ce que tu vois, c'est la manifestation du secret de khudi .154

ÊÓí æÓ ÑÇç æ äÇãÓ æ äíãÒ

ÊÓí æÀ Ç ÒÌÈ ãáÇÇ ·íÑÏ!155

Ce n'est pas la terre et le ciel qui s'étalent dans les quatre directions.
Dans cet univers il n y a rien sauf la manifestation de Dieu.

153 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 38.

154 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

155 Iqbal, Muhammad. Armughân-e-Hijâz (Le cadeau du Hijâz) 1938, en Kolliyât-e Iqbâl (1e partie de l'oeuvre est en persan) - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1972.

Hibah Shabkhez 168

5.4.13. Khudi et la vertu

Le critère de vertu chez Iqbal est l'affirmation l'ego. Pour Iqbal, la vertu nait de la liberté et de l'essor de l'individualité. Il soumit la religion, l'éthique et la morale avant tout à ce critère de personnalité ou individualité. L'homme a la capacité de la plus haute vertu, mais ce n'est pas dans l'esclavage qu'il peut la réaliser : pour vivre la vertue parfaite, il faut se respecter et être « libre et sans peur » :

That which intensifies the sense of individuality in man is good, that which enfeebles it is bad. Virtue is power, force, strength; evil is weakness. Give a man a keen sense of respect for his own personality, let him move fearless and free in the immensity of God's earth, and he will respect the personalities of others and become perfectly virtuous156

« Ce qui intensifie le sens d'individualité dans l'homme est bon, ce qui l'affaiblit est mauvais. La vertu est le pouvoir, la force, la puissance ; le mal est la faiblesse. Donnez à l'homme un sens de respect pour sa propre personnalité, laissez-lui agir librement et sans peur dans l'immensité de la terre de Dieu, et il respectera les personnalités des autres et deviendra parfaitement vertueux. »

Ainsi l'homme qui veut devenir vertueux doit développer la connaissance et le respect du soi. Une simple compréhension de l'existence de la khudi n'assure cependant pas la vertu absolue. L'ego aussi a un coté basse et un coté élevé, et le conflit entre le bien et le mal continue à l'intérieur de l'âme. Ce qui nait des nobles impulses du Soi est bon; ce qui nait de ses basses impulses est mauvais :

ÈíÔ æ ÒÇÑ ÈÍÇÕ ÿÀ íÈ Ç íÏæÎ ·ÇÀÌ
ÈæÎÇ ÿÓ ÈæÎ ÿÀ ÇÑ ÀÑÚã íÈ ·ÇÀí
áíãÌ Àæ æÀ ÿÓ íÏæÎ ÒÇÑ í ÓÌ Ïæã
ÈæÈÍã Ç æ ÍíÈÞ ÇÏí ·íã ÈíÔ æÀ æÌ !157

Le monde d'individualité a aussi le Seigneur de hauteur et de bassesse
Le conflit entre le bien et le mal demeure
Ce qui est né de la hauteur de l'individualité est beau
Ce qui est né de la bassesse est laid est difforme158

L'homme qui gagne cette bataille dévient véritablement vertueux, et sa vertu n'est pas
confiné à lui-même Il devient un gardian de tout ce qui est bon et sacré, et illumine le chemin

156 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 32

157 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 593.

158 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 53.

Hibah Shabkhez 169

de vertu pour les autres. Dans ces vers sur Ali Hajweri159, Iqbal nous montre l'influence extraordinaire qu'un homme vraiment vertueux peut avoir :

ÈÇÊÇáÇ æãÇ Ê æÒÇ äÇÈÓÇ
ÈÇÑÎ áØÇÈ ÀÇÎ ÔÀÇê ÒÇ
ÊÔê ÀÏÒ æÇ ãÏ ÒÇ ÈÇÌ ÇÎ
ÊÔê ÀÏÈÇÊ æÇ ÑÀã ÒÇ Çã ÍÈÕ
ÞÔÇ ÑÇæíØ ÏÕÇÞãÀ æ ÞÔÇÇ
ÞÔÇ ÑÇÑÓÇ ÑÇÇÔ ÔíÈÌ ÒÇ160

Il était le gardien de l'honneur du livre sacré
Son regard a détruit la fausseté en Inde
La terre du Panjab est devenue vivante grâce à sa présence
Son soleil a illuminé notre matin
Il était passionné et il était prêcheur de la passion
Son front rayonnant a révélé les secrets de l'amour

159 Un sainte soufie

160 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 130

Hibah Shabkhez 170

5.4.14. Khudi et la Nature

La khudi ne concerne pas seulement l'homme : c'est l'essence au coeur de la nature et la raison d'être de l'univers. C'est la force qui la fait fonctionner et qui maintien sa motion continuelle. Dans Asrar-e-khudi, Iqbal dit:

ãÇÇÍÊÓÇ ÑÈ ÏæÌæ ÊÇæíÚÊ ÊÇíÍ áÓáÓÊ æ ÊÓÇ íÏæÎ ÒÇ ãáÇÇ ãÇÙ áÕÇ

ÏÑÇÏ ÑÇÕÍÇ íÏæÎ161

le système de l'univers est fondé sur la khudi, les différents aspects de la vie et sont déterminés en fonction de la khudi, et leur progression dépend de la fortification de la khudi

Selon Iqbal, la création et évolution de la nature se doit à la khudi, qui est le secret au fond de toute forme de vie :

ÊÇíÍ äæÑÏ ÒÇÑ ÿÀ Çí íÏæÎ

ÊÇÆÇ íÑÇÏíÈ 'ÿÀ Çí íÏæÎ162

Qu'est-ce la khudi, le secret de l'existence de la vie
Qu'est-ce la khudi, la réveille de l'univers

La création de la nature, du monde, est une conséquence de la réveille et l'essor de la khudi, de l'individualité, et de la puissance créative de l'ego.

ÏÑ ÑÇÏíÈ íÏæÎ ·æç ÇÑ äÊÔíæÎ

ÏÑ ÑÇÏ ãáÇÇ ÇÑÇÇÔÂ163

Quand la khudi s'est réveillé
Ce monde éphémère a apparu

De la perspective de l'homme, la nature - la terre et ses créatures, le soleil, la lune et les étoiles - étaient crée uniquement pour révéler sa khudi, son vrai trésor intérieur, à lui.

ÑÇêÒæÑ ÔÏÑê ÏÕÞã ÿÀ Àí

ÀÑÇÇÔ æÀ À ÌÊ íÏæÎ íÑíÊ À164

Le but de ce déroulement quotidien

161 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 38.

162 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 455.

163 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi) : les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 40.

164 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 457.

Hibah Shabkhez 171

Est de révéler ta khudi à toi-même

La nature fournit à l'homme un moyen de se reconnaitre et de s'exprimer, parce que la terre le résiste. La nature et le monde alentour gênent l'homme, le font peur. Si cette peur, argumente Iqbal :

... is the force which dominates man and counteracts his ethical progress, man must be regarded as a unit offorce, an energy, a will, a germ of infinite power, the gradual unfolding of which must be the object of all human activity. The essential nature of man, then, consists in will, not in intellect or understanding.165

[...] est la force qui domine l'homme et contredit son progrès éthique, l'homme doit etre considéré comme une unité de force, une volonté, un germe à pouvoir infini, le dévoilement graduel duquel doit être l'objet de toute activité humaine. La nature essentielle de l'homme, alors, consiste de sa volonté et pas de son intellect ou sa compréhension

La nature se présente à l'homme comme un obstacle à vaincre. Mais c'est un obstacle qui devient par le même jeu essentiel pour son développement spirituel, comme le cocoon d'un papillon est essentiel pour la bonne formation de ses ailes:

The greatest obstacle in life is matter, Nature; yet Nature is not evil, since it enables the inner powers of life to unfold themselves166

Le plus grand obstacle dans la vie c'est la matière, la nature ; pourtant, la nature n'est pas mauvaise puisqu'elle permet les pouvoirs intérieurs de la vie à se dévoiler.

165 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 31.

166 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 195.

Hibah Shabkhez 172

5.4.15. Khudi et la nation

La khudi est au fond individuelle, mais Iqbal en envisage une dimension sociale aussi. Il appelle cette idée « bîkhudi », une terme qui signifie à la fois l'extension de l'ego individuel pour embrasser la nation, et l'immersion de l'identité individuelle dans la conscience

collective. Saléha Nazeer explique ainsi cette dimension de la philosophie d'Iqbal :

La transformation de khudi à bîkhudi s'explique par le fusionnement de khudi d'un individu en khudi de toute la nation. Iqbal montre la transcendance que signifie le terme de bîkhudi. 167

ÿÀ ÊÑØ áÏæÕÞã íÀííÇãáÓã áÒãÑ íÀí

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ÿÀÑ íÇÑæÊ À168

Tel est le but final de la nature et le secret de l'islam :
La fraternité universelle et l'épanouissement de l'amour.
Brise les idoles de race et de sang, va te perdre au sein du millat
Qu'on ne puisse distinguer ni les Touraniens, ni les Persans, ni les Afghans !169

Le Soi, « unique, assertive and agressif », tout en préservant son caractère individuel, doit se fusionner dans la communauté. « Il doit accepter sa négation (non soi) comme une force également vitale, l'affronter, et développer par des synthèses continuels170 »

Iqbal vivait dans une époque ou l'état de sa nation, esclave depuis deux siècles des britanniques, était particulièrement pitoyable, et il y avait un besoin impératif une philosophie de réforme au niveau national. S. A. Vahid explique « les conditions essentielles pour une société humaine idéale » au coeur de la vision social qu'Iqbal avait pour sa nation:

(1) It must be based on spiritual considerations such as mono-theism.

(2) It must centre round inspired leadership or prophethood.

(3) It must possess a code for its guidance like the Koran ,

(4) It must have a spiritual centre like the Kaaba.

(5) It must have a clear objective, and according to Iqbal the objective before the Muslims is the propagation ofIslam.

(6) It must strive to gain supremacy over the forces of nature,

167 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

168 Iqbal, M. Bâng-e darâ (L'appel de la cloche) 1924; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 300.

169 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011.

170 Fayyaz, M. (Octobre 1987) « Self and Synthesis » (Le soi et la synthèse). (M. Munawwar, éd.) Iqbal Review, 28, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct87/4.htm]

Hibah Shabkhez 173

According to Iqbal a society can attain immortality only byfulfilling these requirements.171

(1) Elle doit se baser sur les considérations spirituelles telles que monothéisme.

(2) Elle doit s'organiser sous une direction inspirée ou prophétique

(3) Elle doit posséder un code pour sa direction comme le Coran

(4) Elle doit avoir un centre spirituelle comme le Kaaba.

(5) Elle doit avoir un objectif clair, et selon Iqbal l'objectif des musulmans est la propagation de l'Islam

(6) Elle doit lutter pour prendre le dessus sur les forces naturelles. Selon Iqbal, une société ne peut réaliser l'immortalité sans satisfaire à ces exigences.

Si une nation ne répond pas à ses critères, elle manque évidemment quelque élément important : et le diagnostic que propose Iqbal nous ramène à l'individu. La nation devient faible et sujette à la domination étrangère, constate-t-il, lorsque les membres individuels de la nations perdent contact avec leur khudi, leur « force vitale ». Il étudie le cas de sa propre

communauté, les musulmans de l'Inde:

The life-force of the Indian Muhammadan ... has become woefully enfeebled. The decay of the religious spirit, combined with other causes of a political nature over which he had no control ... developed in him a habit of self-dwarfing, a sense of dependence, and above all, that laziness of spirit, which an enervated people call by the name of contentment to conceal their own enfeeblement.172

La force vitale du Muhammadan indien ... s'est affaiblie pitoyablement. Le déclin de l'esprit religieux, unit aux autres raisons de nature politique sur lesquelles il n'avait aucun control ... et avant tout, cette paresse de l'esprit qu'un peuple ont développé en lui l'habitude de s'effacer, un sentiment de dépendance, qu'un peuple débilité appelle contentement afin de cacher son propre affaiblissement.

Pour la salvation de la the nation, l'individu doit se débarrasser de ce faux contentement, de cette complaisance funeste, et réveiller sa khudi afin de regagner sa liberté. Il doit agir, s'il veut une récompense dans ce monde où le prochain, il doit rechercher la gloire de sa nation. Comme Iqbal nous montre ironiquement dans ce vers persan, c'est exactement cela que le musulman indien néglige; et sa passivité condamne sa nation.

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ÔÇÈ ÔæÎ À ÇÑ ·ÇãáÓã íÏÀ æêÈ

171 Vahid, S. A. (Avril, 1973) « Iqbal - A Survey of His Work » (Iqbal - Un aperçu de son oeuvre). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 14 (1), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr73/6.htm]

172 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 32.

Hibah Shabkhez 174

ÊÓÇ ãÀ Ç áíÈÓ í ÿÊÔÀÈ!173

Il y a un paradis pour les gardiens de la mosquée sacrée (les hommes spirituels)
Il y a un paradis pour les hommes de courage (les martyres)
Dis au musulman indien de se réjouir
Il y a un paradis par la bonté de Dieu aussi ! (pour ceux qui ne font rien)

La khudi implique l'individualité, mais, comme nous avons discuté, cette individualité n'est pas restreinte à l'ego qui réside dans une seule personne. Une nation peut aussi avoir une identité unique. La khudi est essentielle à une nation comme elle est essentielle à un individu. Une nation qui perd la contact avec sa khudi périt; l'esclavage et la misère deviennent sa destinée :

ÿÀ íãæáÙã æ íãæÇÍã ·íã ÑíÏÞÊ í ÓÇ

ÇÕÇ ÿÓ íÏæÎ íÇ íÓ

Ç Ñ À æÌ ãæÞ174

Le destin de cette nation est la servitude et la misère

Qui n'as pas pu faire la justice avec leur « khudi »175

Pour émerger de cet état honteux, la nation doit s'orienter encore sur sa « force vitale »; et cette force vitale est sa khudi :

ÆÇÏÌ ÿÓ ÒÑã ÿÀ Êæã ÿíá ÿ ·æãæÞ

ÆÇÏÎ ÿÀ Çí íÏæÎ æÊ ÒÑã ÈÍÇÕ æÀ !176
Ces nations meurent qui se séparent du centre
Ta « khudi » au centre de toi te donne la Divinité177

L'essor de la khudi donne à l'individu de la force; de la même façon, il rend la nation

puissante. Une nation dont les membres possèdent la khudi devient invincible:

íÊÀÑ ·íÀ ÊÌÇÍ í ÑíÔãÔ æ ãæÞ ÓÇ

Ïáæ ÊÑæÕ íÏæÎ í ·æÇæÌ ÿ ÓÌ æÀ178

Ce peuple n'a pas besoin d'épée dont les jeunes gens

173 Iqbal, Muhammad. Armughân-e-Hijâz (Le cadeau du Hijâz) 1938, en Kolliyât-e Iqbâl (1e partie de l'oeuvre est en persan) - Fârsi, tome 2, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 2022.

174 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 599.

175 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 60.

176 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 687.

177 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 122.

178 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 585.

Hibah Shabkhez 175

Possèdent la « khudi » comme le fer179

La philosophie d'Iqbal met la khudi au coeur de tout aspect individuel ou collectif de la vie humaine. La fortification de la khudi est sa recette pour tout succès, et l'affaiblissement de la khudi la raison de tout échec. Comme nous avons vu, Iqbal a dédié son oeuvre multilingue à l'expression et la popularisation de sa philosophie de khudi.

179 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 49

Hibah Shabkhez 175

Conclusion Générale

Cette étude visait à étudier la pensée du poète Muhammad Iqbal d'une perspective multilingue, en focalisant sa philosophie de khudi. Notre analyse documentaire des oeuvres multilingues d'Iqbal nous permet d'avancer les conclusions suivantes:

-* Le multilinguisme a fait partie de l'héritage et du milieu socioculturel d'Iqbal, mais il est devenu poète et écrivain multilingue par choix plutôt que par force de circonstances. Pour communiquer ses idées à ses concitoyens indiens, il a écrit en ourdou ; pour transmettre sa philosophie aux musulmanes du monde, il a choisi la lingua franca du monde musulman, le persan. Enfin, l'anglais, la langue des colonisateurs britanniques et une langue internationale, lui permettait de s'exprimer devant le public Occidental.

-* La philosophie de khudi, surtout après 1915, quand il l'a présenté systématiquement dans la forme d'un recueil persan, Asrar-e khudi, est devenue sa préoccupation philosophique principale. Iqbal a dédié ensuite une grande partie de son oeuvre multilingue à l'expression et la popularisation de sa philosophie de khudi.

-* La philosophie de khudi sert d fil d'Ariane pour comprendre l'oeuvre d'Iqbal, parce que le raisonnement d'Iqbal sur toutes les thématiques littéraires, religieux, politiques, sociales, éducationnelles et économiques qu'il a traité renvoie enfin à sa philosophie de khudi : c'est la philosophie de khudi qui relie tout et donne de la cohérence à sa pensée.

-* Iqbal adapte son style et ces choix de genre et de registre à son public. En persan et en ourdou, il a écrit davantage la poésie, qui faisait partie de la vie quotidienne de son public Oriental. En anglais, il a rédigé les discours philosophiques académiques, ou des essais et des lettres pour expliquer sa pensée aux critiques Occidentaux.

-* Iqbal était un homme savant qui avait entrepris l'étude de plusieurs traditions littéraires et philosophiques multilingues. Il s'appuie sur ses lectures pour orner son oeuvre des allusions, des emprunts, des calques et des traductions qui enrichissent son expression et le permettent de mieux communiquer sa pensée, surtout sa philosophie de khudi qu'il explique délibérément en fonction des autres philosophies pour en faciliter la compréhension.

-* Cette philosophie de khudi est évoluée comme un amalgame unique de l'orient et l'occident, mais elle s'ancre cependant avec fermeté dans la foi islamique. Le principe

Hibah Shabkhez 176

fondamental de la philosophie de khudi, c'est la valeur de l'homme comme une personnalité individuelle et le besoin d'une expansion spirituelle « vers l'unique ». Le concept de l'homme parfait qui doit naitre de la « formation» de khudi qu'exige Iqbal prend l'image prophétique comme l'idéal à réaliser et à vivre. La khudi n'a pas seulement la capacité d'élever le destin individuel ; elle est essentiel pour la révolte et la reforme au plan social, pour la conscience collective qu'Iqbal nomme bikhudi.

? Iqbal a développé sa philosophie de khudi suite à ses réflexions assidues pour trouver un moyen de libérer son peuple ; mais sa vision est humaniste et universaliste. La philosophie de khudi, qu'il propose en tant qu'une panacée pour les blessures de l'humanité et pour la transformation spirituelle de l'individu et de la société, se vise salvatrice pour l'humanité entière et pas pour une seule nation.

La vision iqbalienne d'une renaissance spirituelle basée sur la valeur de l'ego humain, qui est forcement universel, reste aussi pertinente à la recherche sociologique et littéraire aujourd'hui qu'à l'époque d'Iqbal. Cette étude espère donc contribuer au domaine en exploitant selon une approche orienté sur le multilinguisme de l'expression iqbalienne, la tentative d'Iqbal d'universaliser sa philosophie en la promulguant dans plusieurs langues. D'ailleurs, cette étude s'écrit en français, ce qui ajoute une autre dimension multilingue, puisque les études iqbaliennes en français restent rares et la philosophie de khudi n'est que très peu étudiée.

Or, nous sommes loin d'avoir épuisé le sujet : bien au contraire, ce projet de recherche peut donner des pistes utiles aux futurs chercheurs. Pour n'en exploiter que deux possibilités, cette analyse documentaire comparée peut former un modèle méthodologique pour tracer en détaille l'influence d'un penseur (comme, par exemple, Rumi) ou l'exploitation d'un autre thème dans l'oeuvre multilingue d'Iqbal. L'impact international de la philosophie de khudi d'Iqbal peut aussi être exploité d'une manière différente: en étudiant par exemple les traductions dans les différentes langues du monde qui avaient étés publiés pendant la vie d'Iqbal et après sa mort.

Il est espéré que les futurs chercheurs et humanistes seraient motives pour entreprendre des études encore plus approfondis de la philosophie de khudi. Comme une philosophie réformatrice basée sur un idéalisme soutenu des arguments logiques et sur une perception unique du monde, la philosophie de khudi peut toujours enseigner bien de choses à notre

Hibah Shabkhez 177

humanité contemporaine. Comme Iqbal l'indique, la réalisation d'une personnalité individuelle est la plus grande réussite à la quelle l'homme peut aspirer:

ÊÓÇ áÇÍã ÏÌäê íÏæÎ ÑÏäÇ íÏæÎ !

ÊÓÇ áÇã äÏæÈ ÏæÎ äíÚ ÇÑ íÏæÎ !1

Il est difficile pour la khudi de se renfermer en soi
La vraie réussite de la khudi est de devenir elle-même

1 Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1110.

178

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