Profil épidémiologique et thérapeutique des infections urogénitales chez les gestantes.par JéràƒÂ´me Nsanzimana Université Saint Joseph (USJ) - Graduate en sciences infirmières 2018 |
3.1. Diagnostic cliniqueLa cystite aiguë se reconnaît à ses 3 signes habituels: brûlures et douleurs à la miction, mictions impérieuses, pollakiurie. Une hématurie macroscopique est possible. La cystite aiguë est caractérisée d'autre part par l'absence de fièvre et l'absence de douleurs lombaires (évocatrices d'une PNA). Les signes de cystite sont d'apparition plus ou moins brutale, et peuvent être isolés ou associés entre eux. Le diagnostic clinique doit s'assurer de l'absence de PNA de présentation fruste (fébricule, lombalgie sourde). Les seuls signes évocateurs de cystite aiguë pendant la grossesse sont la dysurie et l'hématurie, mais la dysurie peut également résulter d'une irritation péri-vaginale, d'une vaginite, d'une vulvite, d'une infection herpétique, de la présence de condylomes acuminés ou d'ulcères génitaux. L'examen gynécologique est donc très important en cas de cystite gravidique. Le travail prématuré ou la menace d'accouchement prématuré lors du second semestre peuvent donner des signes similaires à ceux d'une cystite aiguë. Une hémorragie d'origine utérine peut contaminer le prélèvement urinaire et faire diagnostiquer à tort une hématurie. L'examen obstétrical reste donc capital. 3.2. Examens complémentairesLe diagnostic bactériologique nécessite la réalisation d'un ECBU avec antibiogramme. Le seuil de leucocyturie considéré comme significatif est >104/mL Le seuil de bactériurie considéré comme significatif est : - pour E. coli et Staphylococcus saprophyticus > 103 UFC/ml - pour les autres entérobactéries, les entérocoques, Corynebacterium urealyticum, P. aeruginosa et S. aureus > 104 UFC/ml Cependant, le diagnostic est plus difficile à faire pendant la grossesse. La physiopathologie de la cystite aiguë gravidique est équivalente à celle de la bactériurie asymptomatique ou de la pyélonéphrite aiguë. Les entérobactéries et en particulier Escherichia coli sont les germes les plus fréquemment rencontrés. Pendant la grossesse, la réponse de l'hôte à l'infection urinaire est significativement moins importante en cas de cystite aiguë puisqu'on observe seulement une augmentation de la protéine C réactive dans 5 % des cystites gravidiques contre 91% en cas de pyélonéphrite aiguë. Là encore cette différence peut être expliquée par un diagnostic et un traitement plus précoce42(*). L'ECBU n'isole un germe que dans 50% des cas. Dans les autres cas, il peut s'agir d'un syndrome uréthral aigu. Traitement probabiliste Le traitement antibiotique probabiliste doit être débuté sans attendre les résultats de l'antibiogramme, en raison du risque d'évolution vers une PNA. Antibiotiques non recommandés Un taux de résistance < 10% (au lieu de 20% dans les cystites simples) est requis pour proposer un antibiotique en traitement probabiliste de la cystite gravidique (du fait du risque évolutif vers la PNA alors que celui-ci est marginal pour la cystite simple). L'amoxicilline, l'amoxicilline + acide clavulanique, le TMP et le SMX-TMP ne sont donc pas recommandés en traitement probabiliste en raison des niveaux de résistance acquise de E. coli vis-à-vis de ces molécules.
Antibiotiques envisageables
9 .3 PYELONEPHRITE AIGUË GRAVIDIQUELes PNA sont observées au cours de 0,5 à 1 % des grossesses. Conséquences materno-foetales Les PNA sont à l'origine d'une morbidité maternelle importante puisque 25% des sepsis maternels sont d'origine urinaire. Le lien entre PNA et accouchement prématuré apparaît dans plusieurs études observationnelles rétrospectives, mais d'autres études ne retrouvent pas de conséquence de la survenue d'une PNA sur l'issue de grossesse43(*). Diagnostic clinique La PNA siège le plus souvent à droite. Les signes cliniques sont les mêmes que ceux de la PNA hors de la grossesse. Les signes de gravité de la PNA gravidique sont les mêmes que dans la population générale : - sepsis grave - choc septique - indication de drainage chirurgical ou interventionnel (risque d'aggravation du sepsis en péri-opératoire
D'après : Groupe transversal sepsis. Prise en charge initiale des états septiques graves de l'adulte et de l'enfant. Réanimation 16 (2007) S1-S21. Examens complémentaires Un ECBU doit être effectué en urgence. Les seuils de leucocyturie et bactériurie sont les mêmes que dans la cystite gravidique. Les hémocultures sont indiquées pour éliminer une bactériémie d'autre origine devant un tableau atypique (fièvre nue avec BU positive par exemple) surtout dans le bilan initial. Bilan sanguin comportant NFS, créatininémie et CRP. L'échographie des voies urinaires est recommandée. Elle doit être réalisée dans les 24 heures en cas de signe de gravité ou PNA hyperalgique. Elle doit être interprétée en prenant en compte la dilatation physiologique des cavités pyélocalicielles au cours de la grossesse. En cas de doute sur un obstacle, un avis urologique est recommandé pour poser l'indication de drainage chirurgical ou interventionnel en urgence. Un avis obstétrical doit être systématique, quel que soit le terme de la grossesse. 4.4. Traitement L'hospitalisation initiale est usuelle mais si pas sepsis grave, après une brève période d'observation en milieu hospitalier (permettant l'administration des deux premières doses de ceftriaxone, puis une réévaluation à 48-72h), on peut poursuivre le traitement ambulatoire rapide. ü Les critères d'hospitalisation conventionnelle sont: ü La présence d'un sepsis, une fièvre > 39°C, ü La présence de nausées ou de vomissements, ü Un doute diagnostique, ü Un terrain immunodéprimé (diabète, VIH, toxicomanie, corticothérapie), ü Les antécédents d'IU récidivante, ü La présence d'une menace d'accouchement prématuré, ü Une grossesse multiple, ü L'allergie à la pénicilline, ü Les antécédents urologiques, ü Une patiente sondée à demeure, ü Le refus de la patiente. En cas d'hospitalisation initiale, le retour à domicile est le plus souvent possible après 48-72 heures de surveillance dans les PNA sans signe de gravité, sous réserve de disposer du résultat de l'ECBU, et d'une évolution favorable (Accord professionnel). Un traitement ambulatoire pourrait être envisageable après une évaluation en milieu hospitalier si toutes les conditions suivantes sont réunies (Accord professionnel) : Ø bonne tolérance clinique Ø PNA non-hyper-algique Ø absence de vomissement Ø examen obstétrical normal Ø contexte se prêtant à une surveillance à domicile par des proches Ø absence d'immunodépression, de contexte d'IU récidivante, de malformation urologique connue44(*) Antibiothérapie45(*) Antibiothérapie probabiliste Le traitement doit être débuté en urgence sans attendre les résultats de l'antibiogramme. Le choix de l'antibiothérapie probabiliste dépend de la présence ou non de signes de gravité, et, dans les PNA graves, des facteurs de risque d'infection par une EBLSE. Il est proche de celui des PNA de la femme hors situation de grossesse. En l'absence de signe de gravité 1ère intention : Céphalosporine (C3G) par voie injectable (céfotaxime, ceftriaxone), en raison de leur spectre (efficace sur la plupart des entérobactéries communautaires responsables de PNA) et de leur excellente tolérance. En cas d'allergie aux C3G : Aztréonam (en hospitalisation) ou ciprofloxacine (en l'absence de traitement par quinolones dans les 6 derniers mois). PNA avec signe de gravité L'hospitalisation est systématique. Le traitement comporte une antibiothérapie, initialement probabiliste, et un drainage chirurgical ou interventionnel en urgence en cas d'obstacle. Le bénéfice d'une bithérapie avec un aminoside à la phase initiale est incontestable. En effet, les aminosides sont rapidement bactéricides, ont une excellente diffusion intra-rénale, et une synergie avec les bêtalactamines. Parmi les aminosides, l'amikacine est privilégiée, en raison d'une sensibilité proche de 90% chez les souches de E. coli BLSE, alors que la sensibilité de ces souches à la gentamicine est évaluée à seulement 65-70%. Les C3G restent indiquées en traitement probabiliste, excepté lorsqu'une IU à EBLSE est suspectée. 1ère intention : C3G parentérale (céfotaxime ou ceftriaxone) + amikacine En cas d'allergie : Aztréonam + amikacine En cas d'antécédent de colonisation urinaire ou IU à EBLSE < 6 mois: Imipénème + amikacine En cas de choc septique, avec au moins un facteur de risque d'IU à EBLSE: Imipénème + amikacine Dans le cas particulier du choc septique, l'extrême gravité de l'infection justifie de prendre en compte le risque d'IU à EBLSE dès qu'un des facteurs de risque suivants est présent : Ø colonisation urinaire ou IU à EBLSE dans les 6 mois précédents Ø antibiothérapie par pénicilline+inhibiteur, céphalosporine de 2ème ou 3ème génération, ou fluoroquinolone dans les 6 mois précédents Ø voyage récent en zone d'endémie d'EBLSE Ø hospitalisation dans les 3 mois précédents Ø vie en établissement de long-séjour Antibiothérapie adaptée aux résultats de l'antibiogramme La réévaluation de l'antibiothérapie à 48h après réception de l'antibiogramme est indispensable, afin de ne pas prolonger inutilement une antibiothérapie à large spectre si des alternatives à spectre plus étroit sont possibles (« désescalade ») (Accord professionnel). Les antibiotiques recommandés sont (par ordre alphabétique) (Accord professionnel) : - amoxicilline (à privilégier en cas de souche sensible), - amoxicilline + acide clavulanique, - céfixime, - ciprofloxacine, - SMX-TMP (à éviter les 2 premiers mois de la grossesse) Traitement de relais d'une PNA documentée à EBLSE Dans cette situation, il faut privilégier toutes les alternatives possibles aux carbapénèmes (Accord professionnel). Le rationnel des choix est détaillé dans le texte « Infections urinaires communautaires de l'adulte ». Les spécificités de la femme enceinte sont : - parmi les fluoroquinolones, seule la ciprofloxacine est proposée, en raison de données de tolérance mieux étayées que pour les autres fluoroquinolones - parmi les carbapénèmes, seul l'imipénème est proposé, pour la même raison - la témocilline pourrait à l'avenir faire partie des alternatives, mais l'absence de donnée sur son utilisation au cours de la grossesse ne permet pas actuellement de la proposer chez la femme enceinte.
a: risque de résistance en cas de fort inoculum et espèces autres que E.coli. 3. Durée de traitement et suivi46(*) En l'absence d'étude clinique évaluant des traitements plus courts, la durée totale du traitement est habituellement de 10-14 jours, comme dans les PNA à risque de complication hors situation de grossesse (Accord professionnel). Il n'est pas nécessaire de prolonger la durée de traitement en cas d'infection par une EBLSE. Une surveillance clinique maternelle et foetale est indispensable, en particulier à 48-72 h de traitement car une récidive de PNA est observée chez environ 20 % des femmes avant l'accouchement. Il est conseillé de réaliser un ECBU de contrôle 8-10 jours après la fin du traitement, puis tous les mois jusqu'à l'accouchement (Accord professionnel).
* 42 SANDBERG T., LIDIN-JANSON G., EDEN C.S. Host response in women with symptomatic urinary tract infection. Scand. J. Infect. Dis., 1989, 21, 67-73. * 43 Hill JB, Sheffield JS, McIntire DD, Wendel GD. Acute pyelonephritis in pregnancy. Obstet Gynecol. 2005 Jan;105(1):18-23. * 44 Wing DA, Park AS, Debuque L, Millar LK. Limited clinical utility of blood and urine cultures in the treatment of acute pyelonephritis during pregnancy. Am J Obstet Gynecol. Elsevier; 2000 Jun;182(6):1437- 40. * 45 Wing DA, Hendershott CM, Debuque L, Millar LK. A randomized trial of three antibiotic regimens for the treatment of pyelonephritis in pregnancy. Obstet Gynecol. 1998 Aug; 92 (2):249-53. * 46 Gilstrap LC, Cunningham FG, Whalley PJ. Acute pyelonephritis in pregnancy: an anterospective study. Obstet Gynecol. 1981 Apr;57 (4): 409 - 13. |
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