3.3. INTERPRETATION ET DISCUSSION DES RESULTATS
L'analyse des différents tableaux suscite quelques
discussions. Nous avons réalisé une étude transversale qui
s'est déroulée de novembre 2019 à juin 2020. Cette
étude portant sur cinquante-sept (57) ménages a permis de mieux
appréhender les perceptions et usages de la moustiquaire
imprégnée d'insecticides pour la lutte antipaludique au sein des
ménages à Bilmari. Les bases d'interprétation sont
présentées dans l'encadré ci-dessous :
Les résultats de l'étude sont
interprétés sur les bases de :
? La comparaison avec d'autres études
antérieures ;
? Les recommandations de l'OMS sur l'utilisation de la
moustiquaire :
- durant les campagnes de masse, il convient de distribuer 1
MII pour 2 personnes exposées au risque de paludisme, Il faut par
conséquent compter 1 MII pour 1,8 personne au sein de la population
cible pour estimer les besoins en MII, à moins que l'on dispose de
données en faveur d'un autre ratio (1) ;
- objectif universel de 80% de taux d'utilisation ;
- toutes les personnes exposées à un risque de
contracter le paludisme doivent avoir accès à des moustiquaires
à imprégnation durable et les utiliser ;
- dans le manuel opérationnel sur la gestion des
gîtes larvaires qui a été publié en 2013 (6), l'OMS
conclut que les MID restent les piliers de la lutte contre les vecteurs du
paludisme, mais que la gestion des gîtes larvaires représente une
autre stratégie (complémentaire) pour la lutte contre le
paludisme en Afrique.
? des indicateurs établis par l'Institut National de la
Statistique pour le suivi du progrès réalisé vers
l'atteinte des cibles retenues comme prioritaires dans le cadre de la mise en
oeuvre des ODD au Niger Métadonnées des indicateurs de mesure
des cibles priorisées des objectifs de développement durable au
Niger à l'horizon 2030 dans leur objectif 3, cibles 3-2 et 3-3 qui
portent sur :
- d'ici à 2030, éliminer les décès
évitables des nouveau-nés et d'enfants de moins de 5 ans, tous
les pays devant chercher à ramener la mortalité néonatale
à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus et la mortalité des
enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus
;
|
- d'ici à 2030, mettre fin à
l'épidémie de sida, à la tuberculose, au paludisme et aux
maladies tropicales négligées et combattre l'hépatite, les
maladies transmises par l'eau et autres maladies
transmissibles.
|
32
Selon l'USAID et l'Initiative Paludisme du Président
des États-Unis, on entend par « utilisation » la proportion de
la population ayant dormi sous une MII la veille de l'enquête [15].
L'étude (tableau N°VIII) montre que la proportion des
enquêtées ayant passé la nuit sous MII la veille de
l'enquête est de 29,2% contre 70,8%. Cette proportion est très
insuffisante comparativement à une étude réalisée
par l'Institut National de la Statistique (INS) avec l'assistance
financière du Fonds Mondial, qui donne la proportion en pourcentage des
MII utilisées pour dormir la nuit précédent
l'enquête selon certaines caractéristiques
sociodémographiques des ménages. Globalement, 73% de MII ont
été utilisées pour dormir la nuit précédent
l'enquête. Cette utilisation est plus faible en milieu rural (70%) qu'en
milieu urbain (76%). Les régions de l'Extrême-Nord (46%), du Sud
(54%) et du Nord-Ouest (62%) se démarquent des autres par une
très faible proportion d'utilisation des MII. Par ailleurs, la
proportion de MILDA utilisée croit avec le niveau de vie du
ménage. Cependant la proportion trouvée dans cette étude
prouve que le taux d'utilisation de la MII dans le village de Bilmari est
très faible, aussi ce taux ne permet pas d'assurer une protection
collective efficace et n'a pas atteint l'objectif universel de l'OMS qui est de
80%.
L'analyse des données révèle que les
résultats de cette étude ne s'écartent pas
significativement des études antérieures. Le niveau d'instruction
des enquêtées classifié en quatre groupes indique que les
analphabètes sont majoritaires (85,9% des cas), ce qui peut influencer
négativement l'utilisation de la MII. Cette proportion est
différente de celle trouvée par Louise Batumbula qui a
trouvé 28% des cas dans son étude [3], la différence du
milieu d'étude explique cette différence, la sienne
s'étant déroulée dans les communes de Limete et Kimbanseke
(Kinshasa). La taille moyenne de ménages enquêtés est de 7
personnes. L'association entre la taille du ménage et l'utilisation de
la MII est statistiquement
33
significative (1,9 moustiquaire par ménage en moyenne).
Au Togo, Sirimas et al (2003) ont montré que parmi les facteurs limitant
l'utilisation des MII, la taille moyenne élevée des
ménages (5,4 personnes) est primordiale car elle conduit à la
nécessité de posséder souvent 2 à 3 moustiquaires
par ménage [15]. Alors la taille élevée dans un
ménage réduit le taux d'utilisation de la MII. Selon l'OMS une
moustiquaire doit être utilisée par au plus deux (2) personnes
(statistiquement 1 moustiquaire pour 1,8 personne).
L'utilisation de la MII dans le village de Bilmari, est
influencée par des facteurs interagissant les uns sur les autres, et qui
sont :
- La connaissance de la maladie qui est de 100% chez les
enquêtées de Bilmari. Aussi, le fait de connaître le mode de
transmission du paludisme n'affecte pas la probabilité d'utiliser la
moustiquaire imprégnée d'insecticide.
- L'utilisation d'autres alternatives (répulsifs)
à la MII constituent également un obstacle à l'utilisation
de la MII. A Bilmari, 47,4% des enquêtées pensent que
l'utilisation d'alternative à la MII constitue un frein à
l'utilisation de cette dernière. Le ménage utilisant
principalement d'autres alternatives a plus de chance de ne pas utiliser la
MII. Aikins et coll. ont signalé que les utilisateurs de moustiquaires
dépensent moins sur les spirales que les non utilisateurs [2]. Le
déploiement des répulsifs pour la prévention du paludisme
n'est pas recommandé en tant qu'action utile à la santé
publique ; toutefois, ils pourraient s'avérer bénéfiques
en tant qu'intervention visant à fournir une protection personnelle
contre le paludisme [7].
- La disponibilité de la moustiquaire dépend de
l'offre en services de santé, de la taille du ménage. Les
résultats de la présente étude révèlent que
84,2% des enquêtées possèdent au moins une moustiquaire
contre 15,8% qui n'en possèdent pas. Toutefois, lorsque le ménage
possède une ou plusieurs moustiquaires, les membres les partagent pour
se protéger contre le paludisme, mais pour une protection efficace il
est nécessaire que la moustiquaire soit bien utilisée. La norme
recommandée par l'OMS est qu'une moustiquaire soit utilisée par
au plus deux personnes (OMS, 2008). Il est donc primordial que le nombre de
moustiquaires d'un ménage soit en
34
adéquation avec le nombre de personnes qui y
résident. Ce qui n'est pas le cas au Bilmari (voir les résultats
des tableaux II et IX).
- Les larves d'anophèles se développent dans les
collections d'eau. Nous avons trouvé dans l'étude que 59,6% de
ménages enquêtés présentent des gites. De ce fait,
on peut dire que la prolifération des moustiques est possible dans ce
village et cela peut amener les enquêtées à utiliser la
MII.
- Au sujet des points de vente de la MII, l'inexistence de ces
derniers est un facteur qui peut aussi entraver l'utilisation de la MII.
D'après les enquêtées il faut parcourir de longues
distances pour en avoir (partir à Timniya ou à Zinder ville).
- La période de l'étude pourrait aussi
être prise comme un facteur ayant influencé l'utilisation des MII
(saison sèche).
Les résultats font apparaitre que les participantes de
notre étude ont une très
large perception de l'utilité des moustiquaires dans la
survenue du paludisme et des conséquences socio-économiques qui
peut causer cette maladie car la plus grande majorité pense qu'avec les
moustiquaires le paludisme recule. Les moustiquaires imprégnées
d'insecticide sont ainsi reconnues comme un moyen de lutte contre les
moustiques.
35
|