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La delocalisation de la population de Twangiza au profit de la societe Twangiza mining et ses exigences legales en matiere de la delocalisation des populations affectees par les projets miniers


par Bienfait KAZAMWALI MUKAMBA
Universitéé catholique de Bukava - Licence en droit économique et social 2015
  

Disponible en mode multipage

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1

INTRODUCTION

PROBLEMATIQUE

Située dans l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC) dans la région des grands lacs africains, la province du Sud-Kivu est une région aurifère dont l'exploitation industrielle des minerais date de l'époque coloniale.1

Suite à la chute de la Société Minière et Industrielle du Kivu (SOMINKI), principale entreprise publique d'exploitation minière dans la province précitée, les mines exploitées par ladite société dans les localités de Twangiza, Kamituga, Lugushwa et Namoya ont été rachetées à travers un contrat de vente des parts sociales par la multinationale canadienne Banro Corporation au début de l'année 1997. Les guerres dites de libération, les rébellions de la fin des années 1990 et l'expropriation des titres miniers de Banro par le nouveau régime congolais en 1998 n'ont pas permis à la compagnie d'exploiter ces mines.2

Après la signature de l'accord de règlement à l'amiable avec le gouvernement congolais en 2002, la compagnie Banro a démarré les activités d'exploration en 2004 à travers sa filiale Twangiza Mining SARL développant la mine de Twangiza dans la chefferie de Luhwinja en territoire de MWENGA.3

A l'issue de l'exploration effectuée par la société Twangiza Mining dans la localité de Twangiza, il s'est avéré qu'un gisement d'or est situé dans une zone habitée des villages de Nyorha, particulièrement du sous village de Mbwega. Ainsi, l'entreprise était confrontée au défi de la délocalisation de ces habitants en vue de construire les installations d'exploitation de la mine.

Le développement des activités de cette société va en conséquence entraîner des procédures de délocalisation de la population de Twangiza, qui ont eu des incidences négatives sur les droits humains des déplacés4 notamment les droits à l'alimentation et à un logement suffisants ainsi que le droit à une indemnisation équitable garantis par le Pacte International relatif aux

1Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), « évaluation des impacts des investissements miniers de Banro Corporation sur les droits humains en République Démocratique du Congo : cas de la délocalisation des communautés locales par Twangiza Mining dans la chefferie de Luhwinja au Sud-Kivu », Bukavu, 2015, p. 4, disponible sur www.congomines.orgpdfconsulté le 05 août 2016.

2Ibidem.

3Ibidem.

4Ibidem.

2

Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) en son article 11, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) en son article 25, la Constitution de la RDC telle que révisée en ses articles 47 et 34 al.4, le Code minier en ses articles 280 et 281, et le Règlement minier en son article 452 al.6.

Parmi les impacts constatés, il y a notamment l'occupation par Twangiza Mining SARL de grands espaces de terres arables qui empêche les habitants de pratiquer normalement les activités agro-pastorales provoquant ainsi une crise alimentaire dans la chefferie , la pollution de l'environnement , le chômage, la précarité des emplois des habitants , la perte des valeurs culturelles, baisse du niveau de vie, la division au sein de la communauté, la qualité inadéquate de logements, l'inaccessibilité aux infrastructures sociales de base, les mauvaises conditions de vie de la population déplacée à Cinjira.5

Compte tenu de ces impacts négatifs, nous nous proposons d'examiner, dans le présent travail, la question de savoir si la délocalisation des habitants de Twangiza au profit de la société Twangiza Mining SARL a été effectuée dans le respect des prescrits internationaux et ceux de la législation minière de la RDC en rapport avec le déplacement des populations en cas de projet minier.

HYPOTHESE

Pour répondre à la question de recherche, nous partons de l'hypothèse que la législation minière en RDC ainsi que d'autres textes légaux nationaux et instruments juridiques internationaux contiennent des dispositions sur le déplacement des populations affectées par les projets miniers. Il nous sera dès lors possible de comparer le processus de délocalisation pratiqué par Twangiza Mining aux exigences de cette législation et instruments juridiques en la matière, afin de savoir si les impacts négatifs subis par les personnes déplacées à Twangiza sont dus à la non-application ou à la mauvaise application de ces dispositions légales.

CHOIX ET INTERET DU SUJET

Notre sujet présente un intérêt multiple. Son choix est lié au fait que Twangiza Mining SARL est l'unique projet minier industriel de la province qui est arrivé à la phase de production. L'étude d'impact de ce projet permet de mettre en évidence certains éléments pouvant alerter

5 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL),Op Cit,p. 5-6.

3

d'autres communautés au sujet des exploitations minières et ainsi prévenir les impacts négatifs pour les sociétés extractives à venir.

De plus, sur le plan scientifique, les résultats du présent travail contribueront à une meilleure prise en compte des droits des communautés locales délocalisées par la formulation des mécanismes de sauvegarde de ces droits. Ce travail va apporter une nouvelle approche pouvant aider à améliorer la situation des populations délocalisées au profit des projets miniers.

Ensuite, sur le plan social, ce travail pourra être un outil susceptible de guider les décideurs afin de prendre des bonnes décisions en faveur des populations affectées par les projets miniers.

Enfin, sur le plan pédagogique, ce travail nous permettra d'approfondir les notions reçues dans le cursus académique et de les confronter aux réalités du terrain, ce qui annonce déjà notre méthodologie.

METHODOLOGIE ET TECHNIQUE DU TRAVAIL

Pour la réalisation de ce travail, nous ferons recours à deux méthodes à savoir : la méthode juridique et celle sociologique.

La première, c'est-à-dire la méthode juridique, dans son approche exégétique, nous sera utile dans l'analyse des textes légaux ayant trait à notre sujet de recherche.

La seconde, c'est à dire la méthode sociologique nous permettra de confronter les réalités du terrain, en ce qui concerne la délocalisation de la population de Twangiza au profit de Twangiza Mining SARL, en ayant à l'esprit la nécessité de la protection des droits de cette population. Ces deux méthodes seront secondées par la technique documentaire grâce à laquelle nous allons prendre connaissance de la doctrine relative à notre thématique.

Signalons par ailleurs que les différentes sections examinées dans le chapitre deuxième auront comme source principale les enquêtes menées par Justice pour tous Asbl et Maison des Mines du Kivu(M.M.Ki ASBL) qui avaient effectué, à travers leurs équipes de recherche respectives, des interviews auprès des habitants de Twangiza et auprès de la société Twangiza Mining SARL, des observations directes, des descentes sur terrain et des analyses des rapports d'autres organisations de la société civile locale ; lesquelles enquêtes vont nous inspirer dans l'élaboration du présent travail.

4

DELIMITATION DU SUJET

Ce travail est délimité dans le temps et dans l'espace.

Temporellement, il prend en compte la période allant de la promulgation de la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minierde la RDC jusqu'à ce jour et ses mesures d'exécution telle que le Décret n°038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement minier. Cependant, le cas échéant, nous reviendrons en guise de complément sur les autres textes légaux ayant trait au Code minier tels que la Constitution du 18 février 2006 telle que revissée à ce jour, le Code civil congolais livre III, la Loi n°73-021 du 20 Juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés telle que modifiée et complétée par la Loi n°80-008 du 18 Juillet 1980 ; la Loi n°77/01 du 22 Février 1977 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ,etc.

Dans l'espace, la recherche porte sur la localité de Twangiza située dans la chefferie de Luhwinja, territoire de Mwenga, en province du Sud-Kivu.

PLAN SOMMAIRE

Hormis l'introduction et la conclusion, ce travail comporte deux chapitres.

Le premier sera consacré à l'analyse des dispositions légales relatives au déplacement des populations affectées par les projets miniers.

Le deuxième chapitre consistera à vérifier si les dispositions légales dégagées dans le premier chapitre ont été respectées dans le cas du déplacement des habitants de Twangiza.

5

CHAPITRE I : ANALYSE DES DISPOSITIONS LEGALES RELATIVES AU DEPLACEMENT DES POPULATIONS AFFECTEES PAR LES PROJETS MINIERS Dans ce chapitre, nous allons commencer par faire un bref aperçu historique du secteur minier en RDC (section 1). Ensuite, nous allons définir quelques concepts et termes clés (section 2), avant d'analyser les différentes dispositions légales relatives au déplacement des populations affectées par les projets miniers (section 3).

SECTION 1. BREF APERCU HISTORIQUE DU SECTEUR MINIER EN RDC §1. Le Code minier de 1981

Depuis l'Etat Indépendant du Congo, les ressources naturelles, particulièrement les substances minérales précieuses, n'ont cessé d'attirer des chercheurs et des investisseurs miniers venant de différents horizons. Ce qui avait amené le Congo Belge à légiférer sur la recherche et l'exploitation des substances minérales du territoire.6

En effet, par Décret du 16 décembre 1910 modifié et complété par le Décret du 16 avril 1919, le Gouvernement du Congo belge avait réglementé la recherche et l'exploitation minières uniquement dans le Katanga. Cette législation a été plus tard abrogée et remplacée par le Décret du 24 septembre 1937 pour l'ensemble du territoire. Ce Décret est resté en vigueur jusqu'en 1967 année de la promulgation de la première législation minière du Congo indépendant par l'Ordonnance-Loi n° 67/231 du 03/05/1967 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures. Cette dernière a été à son tour abrogée par l'ordonnance-loi n°81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures. L'abrogation n'avait pas apporté de grandes innovations de sorte que le dernier Code minier de 1981 ne s'était point écarté de celui de 1967 dans ses grandes lignes7hormis l'affirmation de la propriété de l'Etat sur le sol et le sous-sol du territoire. C'est ainsi par exemple que le Code minier de 1967 a été précédé par la Loi de 1966 sur le sol et le sous-sol. La Loi n° 66/343 du 07 juin 1966 dite Loi Bakajika avait marqué la rupture d'avec le système foncier hérité de la colonisation et consacré la nationalisation du sol.8

6 Exposé des motifs de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002, p.4.

7 Ibidem.

8 G. SAKATA, « La réforme du secteur des ressources naturelles : Historique, enjeux et bilans », L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2008-2009, Paris, L'Harmattan, p.273-274.

6

§2. Le Code minier de 2002

Il ressort de l'analyse objective des toutes les données des bilans des activités minières disponibles à ce jour que les législations promulguées après l'indépendance de la République Démocratique du Congo, c'est-à-dire depuis 1967, n'avaient pas attiré les investissements, mais qu'elles avaient plutôt eu un impact négatif sur la production minière du pays et sur les finances publiques. Et que les régimes minier, fiscal, douanier et de change qu'elles avaient organisés étaient non incitatifs.9

A quelques exceptions près, les études statistiques ont démontré que les volumes d'investissements et de la production minière ont été plus importants dans la période allant de 1937 à 1966 comparativement à celle allant de 1967 à 1996, période régie par le Code minier en vigueur. Il se dégage de ces données que 48 sociétés minières ont été opérationnelles pendant la période de 1937 à 1966 contre 38 seulement entre 1967 et 1996 et 7 dans la période d'après 1997.10

Pour pallier cette insuffisance, le législateur a tenu à mettre sur pied une nouvelle législation incitative avec des procédures d'octroi des droits miniers ou de carrières objectives, rapides et transparentes dans laquelle sont organisées les régimes fiscal, douanier et de change. Ce qui constitue la raison d'être de la présente Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier.11

SECTION 2. QUELQUES CONCEPTS ET TERMES CLES

§1. Le droit minier:

Il s'agit de toute prérogative d'effectuer la recherche et/ou l'exploitation des substances minérales classées en mines conformément aux dispositions de la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier. Le droit minier appelé concession minière12 peut être soit un permis de recherche, soit un permis d'exploitation, soit un permis d'exploitation des rejets des mines. Par ailleurs, le droit minier se rapporte à un ensemble de règles juridiques relatives à la gestion des substances enfouies dans le sol ou le sous-sol.13

9 Exposé des motifs de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, Op Cit, p.5.

10 Ibidem. 11Ibidem.

12 A. LEPRIYA NKOY, « La concession mode d'exploitation minière en droit congolais », Les analyses juridiques, N°4/2004, Lubumbashi, 2004, p. 5.

13 G. BAKANDEJA Wa MPUNGU, « Droit minier et des hydrocarbures en Afrique centrale. Pour une gestion rationnelle, formalisée et transparente des ressources naturelles », Bruxelles, Larcier, 2009, p.30.

7

§2. Le droit de carrières:

Le droit de carrière s'entend de toute prérogative d'effectuer la recherche et/ou l'exploitation des substances minérales classées en carrières conformément aux dispositions de la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier. L'Autorisation de Recherches des Produits de Carrières, l'Autorisation d'Exploitation de Carrière Temporaire et l'Autorisation d'Exploitation de Carrière Permanente sont des droits de carrières.14

§3. Le Code minier:

C'est la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code Minier dont le champ d'application couvre les mines et les carrières.15

§4. Le Plan d'Ajustement Environnemental (PAE):

C'est un document contenant la description de l'état du lieu d'implantation de l'opération minière et de ses environs, ainsi que des mesures de protection de l'environnement déjà réalisées ou envisagées et de leur mise en oeuvre progressive. Ces mesures de protection visent l'atténuation des impacts négatifs de l'opération minière sur l'environnement et la réhabilitation du lieu d'implantation et de ses environs, en conformité avec les directives et normes environnementales applicables pour le type d'opération minière concerné.16

§5. Le Plan Environnemental:

C'est un document qui comprend le Plan d'Atténuation et de Réhabilitation (PAR), l'Etude d'Impact Environnemental(EIE), le Plan de Gestion Environnemental du Projet(PGEP) et le Plan d'Ajustement Environnemental(PAE).17

§6. L'Etude d'Impact Environnemental (EIE):

L'EIE est l'analyse scientifique préalable des impacts potentiels prévisibles d'une activité donnée sur l'environnement ainsi que l'examen de l'acceptabilité de leur niveau et des

14Art. 1er al.16 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002. 15Art. 2 al.5 du décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement minierin J.O.RDC, numéro spécial 2003. 16Art. 2 al.17 du décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement minierin J.O.RDC, numéro spécial 2003.

17Art. 2 al.19 du décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement minierin J.O.RDC, numéro spécial 2003.

8

mesures d'atténuation permettant d'assurer l'intégrité de l'environnement dans les limites des meilleures technologies disponibles à un coût économiquement viable.18

§7. L'exploitation:

L'exploitation s'entend de toute activité par laquelle une personne se livre, à partir d'un gisement identifié, et au moyen des travaux de surface et/ou souterrains, à l'extraction des substances minérales d'un gisement ou d'un gisement artificiel, et éventuellement à leur traitement afin de les utiliser ou de les commercialiser.19

§8. La mine:

Est tout gisement ou gisement artificiel des substances minérales classées en mines, exploitable à ciel ouvert ou en souterrain, et/ou toute usine de traitement ou de transformation des produits de cette exploitation se trouvant dans le périmètre minier, y compris les installations et les matériels mobiliers et immobiliers affectés à l'exploitation.20

§9. Le minerai:

Est toute roche contenant un ou plusieurs minéraux possédant un ou plusieurs éléments chimiques ayant une valeur économique.21

§10. Le minéral:

C'est l'ensemble des éléments chimiques constituant un corps naturel, simple ou composé, inorganique ou organique, généralement à l'état solide, et dans quelques cas exceptionnels, à l'état liquide ou gazeux.22

§11. Règlement minier:

C'est l'ensemble des mesures d'exécution des dispositions de la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier prises par décret du président de la République.23

18Art. 1er al.20 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002. 19Art. 1er al.21 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002. 20Art. 1er al.30 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002. 21Art. 1er al.31 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002. 22Art. 1er al.32 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002. 23Art. 1er al.46 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002.

9

§12. La délocalisation/relocalisation:

C'est le processus de déplacement et de réinstallation d'une communauté d'un lieu vers un autre pour raisons de projets d'investissement ou de développement. Ce déplacement peut être physique ou économique. Le déplacement est physique lorsqu'il consiste en une perte des logements par les communautés alors que dans le déplacement économique, les communautés affectées perdent leurs moyens de subsistance ou les ressources leur permettant d'accéder aux moyens de subsistance (terres pour les activités agricoles, rivières pour les activités de pêche,...).24

§13. Le déplacement volontaire:

Le déplacement est volontaire lorsque les communautés affectées ont légalement la possibilité de le refuser ou de s'y opposer.25

§14. Le déplacement involontaire:

Le déplacement est involontaire lorsque les communautés affectées n'ont le droit de s'y opposer.26

§15. L'expulsion ou l'éviction:

L'éviction s'entend généralement comme un déplacement des communautés non suivi des mesures de réinstallation.27

§16. Les personnes affectées:

C'est l'ensemble de toutes les personnes touchées directement ou indirectement par le déplacement physique et/ou économique.28

§17. Les compensations ou indemnités:

Ce sont les paiements versés en espèces ou en nature aux personnes affectées pour la perte des biens ou d'une ressource.29

24 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM), « rapport d'étude

sur les pratiques d'expropriation, d'indemnisation, de délocalisation/réinstallation des communautés affectées

par les projets miniers », Lubumbashi, 2015, p. 10, disponible sur www.congomines.org pdf consulté le 05 août

2016.

25Ibidem. 26Ibidem. 27Ibidem. 28Ibidem. 29Idem , p. 11.

10

§18. Les moyens de subsistance:

C'est l'ensemble des moyens et activités de subsistance/de survie que les communautés pratiquent dans leur milieu naturel. Il peut s'agir de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, de l'artisanat, etc.30

§19. La restauration des moyens de subsistance:

Il s'agit des programmes, des projets et des actions visant à restaurer/remplacer ou améliorer les moyens de subsistance et conditions de vie des communautés relocalisées. Exemples : construction des maisons pour les personnes relocalisées, obtention des terres arables de remplacement, appui des activités de développement communautaire (coopératives agricoles, construction des écoles, des hôpitaux,...).31

§20. Le Plan d'Action de la Réinstallation (PAR):

C'est le plan ou le programme et la politique guidant le processus de délocalisation et de réinstallation, décrivant les différentes phases et activités de ce processus.32

§21. Le Plan de Restauration des Moyens de Subsistance (PRMS):

Il s'agit du Plan, des programmes ou politiques de restauration des moyens de subsistance des communautés réinstallées.33

§22. Les terres de remplacement:

Ce sont des terres mises à la disposition des communautés réinstallées pour la poursuite de leurs activités agricoles.34

§23. La communauté hôte:

C'est la communauté qui accueille les personnes délocalisées/relocalisées.35

30 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM), Op. Cit, p.11. 31Ibidem 32Ibidem. 33Ibidem. 34Ibidem. 35Ibidem.

11

SECTION 3. DISPOSITIONS LEGALES RELATIVES AU DEPLACEMENT DES POPULATIONS AFFECTEES PAR LES PROJETS MINIERS

Dans cette section, nous allons analyser le cadre légal international et régional en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers (paragraphe 1) ainsi que l'état de la législation congolaise en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers (paragraphe 2).

§1. Cadre légal international et régional en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers

La question de déplacement forcé des populations suite au développement des projets pour raison d'investissement et pour tout autre motif a préoccupé plusieurs institutions internationales et régionales. L'intérêt d'adopter des orientations sur la manière de conduire le processus de déplacement forcé des populations s'est justifié par les conséquences négatives que ce phénomène engendre sur le cadre de vie des populations affectées.36

Ce sont principalement les organismes des Nations Unies (le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le conseil des droits de l'homme, l'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture) et le Groupe de la Banque Mondiale qui ont adopté des directives et orientations sur les questions de délocalisation des populations.37

Dans le cadre du continent africain, la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) ont adopté des directives à l'intention des bénéficiaires de leur financement en ce qui concerne le processus de réinstallation volontaire des populations affectées.38

1. Directives adoptées par les organismes des Nations Unies

Compte tenu de l'éventail de violations des droits humains qu'il comporte, le processus de déplacement forcé des populations a préoccupé les Nations Unies.39

A cet effet, le Comité des droits économiques sociaux et culturels a adopté l'Observation Générale n°7 relative aux expulsions forcées dans le cadre de la protection du droit au

36 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM), Op. Cit, p.12-22. 37Ibidem.

38 Ibidem.

39 Ibidem.

12

logement. Dans le même sens, le Conseil des droits de l'homme a adopté les principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement.40

1.1. L'Observation Générale n°7 du Comité des droits économiques, sociaux

et culturels

Dans le cadre de l'interprétation du droit au logement garanti par l'article 11 du Pacte international relatif aux Droits Economiques Sociaux et Culturels, le Comité des droits économiques sociaux et culturels a adopté en 1977 l'observation générale n°7 relative à la protection des droits contre les expulsions forcées (y compris pour des raisons d'investissement). Cette observation explicite les garanties fondamentales reconnues aux personnes victimes d'expulsions forcées. Ces garanties comprennent notamment l'exploration d'autres alternatives pouvant éviter l'expulsion, l'information et la consultation des personnes affectées (lorsque l'expulsion est inévitable), le paiement des indemnités/compensations appropriées, l'octroi des délais raisonnables et suffisants avant le déplacement ainsi que l'accompagnement des services étatiques tout au long du processus de déplacement.41

1.2. Principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement

En 2007, le Rapporteur Spécial sur le droit à un logement convenable a, en annexe à son rapport, présenté au Conseil des droits de l'homme un ensemble des directives visant à aider les Etats à élaborer des lois et des politiques qui empêchent les expulsions forcées au niveau national. Connus sous le nom de Principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement, ceux-ci ont été adoptés par le Conseil des droits de l'homme en Février 2007.42

Ces directives posent le principe d'interdiction d'expulsion forcée des populations et fournissent des garanties à accorder aux personnes affectées avant, pendant et après l'expulsion lorsque le déplacement devient inévitable. Ces garanties portent notamment sur l'exploration d'autres solutions de remplacement aux expulsions en apportant aux personnes

40 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM), Op. Cit, p.12-22

41 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation Générale n°7 sur la lutte contre les expulsions dans le cadre de la protection du droit au logement, disponible sur www.ohchr.org/FR/Issues/Housing/Pages/ForcedEvictions.aspx, consulté le 10 Août 2016.

42 http://www.ohchr.org/Documents/Issues/Housing/Guidelines_fr.pdf, consulté le 05 Août 2016.

13

affectées le caractère inévitable de l'expulsion, le droit à l'information et à la participation au processus de déplacement forcé, l'entretien d'un dialogue permanent et de consultation avec les personnes affectées, y compris les groupes vulnérables durant le processus de déplacement, l'évaluation de la valeur des biens des populations concernées accompagnée d'une indemnisation/compensation juste et équitable, l'annonce par écrit de l'avis de l'expulsion dans la langue compréhensible par les populations affectées, le contrôle administratif ou judiciaire des décisions prises dans le cadre du processus de déplacement, l'accès aux voies de recours, la définition et la mise en oeuvre des mesures de réinstallation comprenant notamment la construction de nouveaux logements, l'approvisionnement en eau et en électricité, l'assainissement, les écoles, les routes d'accès, l'attribution des terres, l'octroi d'une assistance pour la réinsertion socio-économique, etc.43

1.2.1. Directives volontaires de la FAO pour une bonne gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire

Adoptées en Mai 2012 par le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale(CSA) à la suite des consultations réalisées à l'échelle mondiale, ces directives qui ont pour objectif de promouvoir la gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts en prenant en compte toutes les formes de régimes fonciers ; publics privés, communautaires, autochtones, coutumiers et informels en vue de lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire. Elles visent donc à garantir la sécurité alimentaire pour tous les peuples du monde et de promouvoir la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. Composées de 7 sections et 26 paragraphes, ces directives donnent des orientations aux Etats sur les mesures à prendre pour l'amélioration de la gouvernance foncière dans le but d'assurer la sécurité alimentaire.44

S'agissant spécifiquement des questions d'expropriation, d'indemnisation et de déplacement forcé des populations de leurs terres, la section IX, paragraphes 5 et 9 recommandent aux Etats d'assurer la protection des peuples autochtones et autres populations contre l'expulsion forcée de leurs terres, de les consulter préalablement et les faire participer à toutes les

43 http://www.ohchr.org/Documents/Issues/Housing/Guidelines_fr.pdf, consulté le 05 Août 2016.

44 www.fao.org/nr/tenure/volunteer-guidelines/fr/, consulté le 10 Août 2016

14

décisions qui touchent leurs ressources conformément au principe du consentement libre, préalable et éclairé.45

1.3. Directives adoptées par le groupe de la Banque Mondiale

La Banque Mondiale est l'une des deux institutions financières internationales créée à la fin de la seconde guerre mondiale sous le nom de Banque internationale pour la reconstruction et le développement. Faisant partie des institutions spécialisées des Nations Unies, sa mission initiale était d'aider l'Europe et le Japon à se reconstruire après la seconde guerre mondiale. Depuis les années 1960, elle s'est fixé un nouvel objectif consistant à encourager la croissance économique et à financer les projets de développement d'infrastructures dans les pays en développement.46

Le groupe de la Banque Mondiale comprend 5 institutions à savoir : la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement(BIRD), l'Association Internationale de Développement(AID), la Société Financière Internationale(SFI), le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements(CIRDI) et l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements(AMGI). La BIRD et l'AID forment la Banque mondiale et accordent des prêts, crédits et dons aux pays en développement alors que laSFI et accorde des prêts et finance des projets d'investissement privés pour stimuler l'investissement privé dans les pays en développement.47

Dans le cadre de notre travail, ce sont les directives et orientations adoptées par la Banque mondiale et la Société financière internationale destinées aux bénéficiaires de leurs financements que nous avons analysées. Nous nous intéressons aux exigences posées par la Banque Mondiale et la Société Financière Internationale sur les questions sociales et environnementales, particulièrement les directives en rapport avec les questions d'expropriation, d'indemnisation, de déplacement et de réinstallation des communautés affectées par les projets d'investissement qu'elles financent.48

45 www.fao.org/nr/tenure/volunteer-guidelines/fr/, consulté le 10 Août 2016.

46 www.banquemondiale.org/fr/about, consulté le 11 Août 2016.

47 Ibidem.

48 Ibidem.

15

1.3.1. Politiques de sauvegarde environnementale et sociale de la Banque

Mondiale

Comme mentionné précédemment, la Banque Mondiale a adopté une série des politiques visant à assurer la protection des populations contre les projets qu'elle finance. Ces politiques portent notamment sur l'évaluation environnementale, la protection des habitats naturels, la lutte antiparasitaire, les populations autochtones, le patrimoine physique et culturel, la réinstallation forcée, etc.49 Depuis leur adoption il y a plus de 20 ans, ces politiques sont mises à jour suivant les nouveaux défis et réalités rencontrés dans la mise en oeuvre des projets financés par la Banque Mondiale.

En ce qui concerne spécifiquement la question de délocalisation et de relocalisation des populations affectées, la politique de sauvegarde sur la réinstallation fournit des orientations précises aux Etats emprunteurs sur la manière de procéder à la délocalisation et à la réinstallation des populations affectées par les projets financés par la Banque Mondiale. La politique de sauvegarde prévoit notamment que les activités de réinstallation des populations soient conçues et exécutées sous la forme de programmes de développement procurant aux personnes déplacées suffisamment de moyens d'investissement pour leur permettre de bénéficier des avantages du projet.50 Cela implique une amélioration du bien-être social signifiant un état d'être loin de la pauvreté, du chômage, de l'insuffisance des installations de soins de santé, du manque d'accès à l'eau propre et potable, loin de vivre dans des logements insalubres ou de l'accès à une mauvaise qualité de l'éducation.51

La politique de sauvegarde insiste sur le fait que les populations déplacées devront être consultées de manière constructive et avoir la possibilité de participer à la planification et à la mise en oeuvre des programmes de réinstallation et qu'en plus elles devront être aidées dans leurs efforts d'amélioration, ou du moins de rétablissement, de leurs moyens d'existence et de leur niveau de vie ; ceux-ci étant considérés, en terme réel, au niveau qui prévalait au moment de la phase précédent le déplacement ou celle de la mise en oeuvre du projet, selon la formule la plus avantageuse.52

49 https://consultations.worldbank.org, consulté le 11 Aout 2016.

50 Banque Mondiale, Manuel Opérationnel de la Banque Mondiale Politiques opérationnelles, OP 4.12, « InvoluntaryResettlement », p. 1, disponible sur

http://siteresources.worldbank.org/OPSMANUAL/Resources/OP412-French.pdf, consulté le 11 Août 2016.

51 T. BALAGIZI BYAMUNGU, « impact socio-économique de la délocalisation : cas des artisans miniers de Twangiza », mémoire présenté et défendu, UCB, 2015-2016, p.18.

52 https://consultations.worldbank.org, consulté le 11 Aout 2016.

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Pour mieux gérer le processus de délocalisation et de réinstallation des populations, la politique de sauvegarde demande à l'Etat emprunteur de préparer un plan de réinstallation ou un cadre de politique de réinstallation qui couvre les éléments suivants :

a) Le plan de réinstallation ou le cadre de politique de réinstallation incluant les mesures garantissant que les personnes déplacées sont informées des options qui leur sont ouvertes et des droits se rattachant à la réinstallation ; consultées, soumises à plusieurs choix et informées des alternatives réalisables aux plans technique et économique ; et pourvues rapidement d'une compensation effective au coût intégral de remplacement pour les pertes de biens directement attribuables au projet53 ;

b) Si une relocalisation physique figure au nombre des impacts, le plan de réinstallation ou le cadre de politique de réinstallation devra inclure des mesures garantissant que les personnes déplacées sont pourvues d'une aide (telle que des indemnités de déplacement) pendant la réinstallation ; et pourvues de logements ou de terrains à bâtir ou selon les exigences posées, de terrains agricoles présentant une combinaison de potentiel productif, d'avantages géographiques et autres facteurs au moins équivalents aux avantages du site antérieur54 ;

c) Lorsque cela s'avère nécessaire pour que les objectifs de la politique soient atteints, le plan de réinstallation ou le cadre de politique de réinstallation inclut également des mesures garantissant que les personnes déplacées sont bénéficiaires d'une aide après le déplacement pour une période transitoire d'une durée fondée sur une estimation raisonnable du temps probable nécessaire au rétablissement de leurs moyens d'existence et de leurs revenus et pourvues d'une aide au développement qui s'ajouterait aux mesures de compensationtelles que la viabilisation des terrains, des mécanismes de crédit, la formation ou la création d'emploi, etc55.

1.3.2. Normes et critères de performance de la Société Financière

Internationale (SFI)

Dans sa mission de promouvoir les investissements privés dans les pays en développement, la SFI a adopté des normes de performance en matière de durabilité environnementale et sociale

53 https://consultations.worldbank.org, consulté le 11 Aout 2016.

54 Ibidem.

55 Ibidem.

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des projets qu'elle finance. Les entreprises privées bénéficiaires des prêts de la SFI sont censées respecter et mettre en pratique ces normes sur les questions sociales et environnementales.56

Composées de 8 critères, les normes de performance ont été adoptées en 2006 puis revues en 2012 pour prendre en compte les nouveaux défis des investissements dans les pays en développement. La norme de performance n°5 relative à l'acquisition de terres et réinstallation involontaire contient des orientations claires, précises et détaillées sur le processus de délocalisation de réinstallation des populations affectées par les projets financées par la SFI.57

Cette norme prévoit notamment la mise en place des mécanismes appropriés à travers un processus de consultation et de la participation éclairées des populations affectées, les procédures et critères d'indemnisation et de compensation, les mécanismes de règlement des différends ainsi que les orientations sur la planification et la mise en oeuvre de la réinstallation et de la restauration des moyens d'existence. Elle fournit un modèle de plan d'action de réinstallation qui doit viser l'amélioration des conditions de vie des personnes déplacées par la fourniture de logements adéquats avec sécurité d'occupation dans les sites de réinstallation et la restauration des moyens de subsistance.58

2. Directives du groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD)

La Banque Africaine de Développement (BAD) est une institution financière multinationale et régionale de développement créée en Août 1963 à Khartoum (Soudan) dans le but de contribuer au développement et au progrès social des pays africains. Le Groupe de la BAD comprend trois entités distinctes regroupées sous une direction unique à savoir : son institution phare, la Banque africaine de développement (BAD) et deux guichets concessionnels, le Fonds Africain de Développement (FAD) créé en novembre 1972 par la BAD et 13 autres pays non africains et le Fonds Spécial du Nigeria (FSN) créé en 1976 par le gouvernement fédéral du Nigeria.59

56 http://www.ifc.org/wps/wcm/connect/38fb14804a58c83480548f8969adcc27/PS_French_2012_Full-Document.pdf?MOD=AJPERES, consulté le 11 Août 2016.

57 Ibidem.

58 Ibidem.

59 BAD&FAD, « Politique en matière de déplacement involontaire des populations », p. 1, disponible sur http://www.afdb.org/fr/about-us/history/, consulté le 11 Aout 2016.

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Le Fonds Africain de Développement (FAD) est l'institution du Groupe de la BAD chargée d'une part de renforcer les capacités économiques des pays membres en vue de devenir de nouveaux marchés émergents et de l'autre, d'octroyer des aides spécifiques aux pays fragiles pour garantir la prestation des services de base. Il contribue ainsi à la promotion du développement économique et social dans les pays africains les moins développés, en octroyant des financements concessionnels dédiés à la mise en oeuvre de projets et de programmes et une assistance technique pour mener des études et des activités de renforcement des capacités.60

Dans le cadre de l'octroi des financements pour la mise en oeuvre des projets de développement, la BAD et le FAD ont adopté des directives sociales et environnementales devant être respectées par les pays bénéficiaires.61

En ce qui concerne spécifiquement la question de déplacement des communautés affectées par les activités des projets qu'ils financent, la BAD et le FAD ont adopté les directives relatives au déplacement involontaire et au transfert de populations. Ces directives ont été mises à jour en novembre 2003 sous la dénomination de « politique en matière de déplacement involontaire des populations » en vue de les améliorer et les adapter au nouveau contexte des projets de développement.62

L'objectif de cette politique consiste à veiller à ce que les perturbations aux moyens de subsistance des populations dans la zone du projet soient réduites au minimum, que les populations déplacées reçoivent une aide à la réinstallation pour qu'elles puissent améliorer leur niveau de vie et que soit mis en place un mécanisme de suivi de l'exécution des programmes de réinstallation.63

Les principes directeurs ci-après ont été définis dans le cadre du déplacement involontaire des populations affectées par les projets appuyés par les institutions du Groupe de la BAD :

60 BAD&FAD, « Politique en matière de déplacement involontaire des populations », p. 1, disponible sur http://www.afdb.org/fr/about-us/history/, consulté le 11 Aout 2016.

61 Ibidem.

62 Ibidem.

63 Idem, p. 2.

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? L'élaboration d'un plan de réinstallation conçu de manière à réduire le plus possible le déplacement et à fournir aux personnes déplacées une assistance avant, pendant et après la réinstallation. Les populations touchées doivent approuver et donner leur consentement au plan de réinstallation et au programme de développement. Tout déplacement nécessaire pour le projet doit être effectué dans le contexte de règlements négociés avec les populations affectées64 ;

? La consultation suffisante des populations déplacées et des communautés d'accueil dès le début du processus de planification et durant les toutes les phases d'exécution du programme de réinstallation. Les personnes affectées doivent être informées de leurs droits et de différentes options qui leur sont ouvertes. Pour que la consultation soit utile, des informations sur le projet proposé et les plans de réinstallation et de réhabilitation doivent être fournies à temps, et dans une forme appropriée et compréhensible par les populations affectées et aux organisations de la société civile. Les réunions de consultation doivent être organisées méticuleusement. En plus des réunions mixtes, il faudrait envisager de tenir des réunions séparées pour les femmes et veiller à une représentation équitable des femmes-chefs de famille65 ;

? Durant le processus de planification de mise en oeuvre du plan et du programme de réinstallation, une attention particulière doit être accordée aux besoins des groupes défavorisés et vulnérables, en particulier ceux dont le revenu est en deçà du seuil de pauvreté, les sans-terres, les personnes âgées, les femmes, les enfants, les minorités ethniques, religieuses et linguistiques, ainsi que ceux qui n'ont pas de titres légaux sur des biens et les femmes-chefs de famille. Une assistance appropriée doit être apportée à ces catégories défavorisées pour qu'elles puissent faire face aux effets de la délocalisation et améliorer leurs conditions66 ;

? L'indemnisation appropriée des personnes déplacées doit être effectuée avant leur déplacement effectif, avant l'expropriation de leurs terres et des biens qui s'y trouvent et avant le démarrage des travaux du projet67 ;

64 BAD&FAD,Op Cit, p.2.

65 Ibidem.

66 Ibidem.

67 Ibidem.

20

68 ;

? Des mécanismes d'intégration sociale et économique des personnes déplacées et de leur collaboration avec les communautés d'accueil doivent être envisagés pour réduire autant que possible les incidences négatives sur populations et prévenir des conflits pouvant naître entre les communautés hôtes et les déplacés sur les questions d'accès aux ressources (terres, eau, forêts,..) et aux services sociaux (écoles, hôpitaux,...)

? Le coût total du projet doit tenir compte de la perte par les personnes déplacées, de leurs moyens de subsistance et de leurs possibilités de gain.69

Cette politique met l'accent sur la nécessité pour tout projet minier de définir un programme et d'élaborer un Plan Complet de Réinstallation (PCR) qui donne tous les détails nécessaires sur le processus de réinstallation des populations incluant notamment le processus de consultation, d'information et participation des populations affectées avant tout déplacement et autres parties prenantes, les critères et procédures d'indemnisation/compensation, les mécanismes de règlement des différends, les critères et modalités de réinstallation, etc.70

§2. Etat de la législation congolaise en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers

1. Rappel du caractère exclusif des droits miniers

Avant d'analyser le régime d'expropriation, d'indemnisation des biens des populations locales et de leur délocalisation dans le contexte de l'exploitation des ressources minières en RDC, il importe de rappeler le caractère exclusif de tous les droits miniers organisés par le Code minier (permis de recherche, permis d'exploitation, permis d'exploitation des rejets des mines) vis-à-vis d'autres droits réels.71

La lecture combinée des articles 51, 64, 65, 88 et 99 du Code minier relève que tous les droits miniers prévus dans ce Code sont des droits réels, immobiliers et exclusifs. La conséquence de ce caractère exclusif est que les droits miniers ne peuvent pas s'exercer concomitamment

68 BAD&FAD, Op Cit, p.2.

69 Ibidem.

70 Ibidem.

71 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM),Op. Cit, p. 23.

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avec d'autres droits (fonciers, forestiers, agricoles,...) sur une même concession.72 Les titulaires de droits fonciers ou forestiers sur une concession ayant fait l'objet d'octroi d'un droit minier sont donc appelés à céder la place aux activités minières. Seul l'occupant du terrain coutumier peut continuer à effectuer uniquement les travaux champêtres à condition d'obtenir l'accord du titulaire du droit minier et que ces travaux ne gênent pas les opérations minières.73

Par ailleurs, l'article 3 al. 1er du Code minier pose le principe fondamental de la propriété de l'Etat sur les mines. Il dispose ce qui suit : « les gites des substances minérales, y compris les gites artificiels, les eaux souterraines et les gites géométriques se trouvant sur la surface du sol ou renfermés dans le sous-sol ou dans les cours d'eau du territoire national sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat. » Les mines font ainsi partie du domaine privé de l'Etat.74

Ainsi donc, en conférant aux droits miniers le caractère exclusif, le législateur congolais a implicitement consacré les expropriations et les délocalisations des populations locales.

2. Controverses autour de l'application dans le secteur minier congolais de la Loi n°77/01 du 22 Février 1977 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique

Pour des raisons d'utilité publique, chaque Etat dispose d'une législation qui permet à l'autorité publique d'exproprier les biens des particuliers en vue de la réalisation des travaux d'intérêt général. Cette législation exceptionnelle qui porte atteinte au droit à la propriété prévoit généralement les procédures et mécanismes d'indemnisation ainsi que les voies de recours en faveur des personnes affectées. En RDC, les modalités d'expropriation pour cause d'utilité publique sont fixées par la Loi n°77/01 du 22 Février 1977 telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.75

72 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM),Op. Cit, p. 23.

73 Art. 281al.5 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, in J.O.RDC, numéro spécial, 2002.

74 A. BAMBI KABASHI, « le droit minier congolais à l'épreuve des droits fonciers et forestiers », Paris, l'Harmattan, 2012, p. 79-85.

75 Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM), Op. Cit, p. 25-26.

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L'expropriation pour cause d'utilité publique est définie comme une procédure permettant de contraindre une personne privée (...) à céder à une personne publique ou privée la propriété d'un immeuble ou à renoncer à un autre droit réel immobilier/mobilier, et cela en raison des exigences de l'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.76

La controverse sur l'application de la Loi n°77/01 du 22 Février 1977 telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique porte sur la nature de la cause de l'expropriation ainsi que du bénéficiaire de la mesure. Plus concrètement, le débat tourne autour du caractère d'utilité publique ou non des mesures d'expropriation/délocalisation des populations dans le secteur minier.77

Certains analystes pensent que les expropriations/délocalisations pratiquées dans le secteur minier congolais peuvent être qualifiées d'expropriation de fait ou expropriation voilée ou encore expropriation innommée qui doivent être régies par la loi précitée.78

Les défenseurs de cette opinion soutiennent que l'utilité publique dans ces expropriations réside dans le fait que l'expropriation ou la délocalisation des communautés procèdent de la politique de développement (création des emplois, développement des entités locales, exploitation des ressources minières pour développer le pays, etc) de l'Etat qui est le bénéficiaire final des retombées de l'exploitation minière.79

3. Régime juridique de la délocalisation des populations dans le secteur minier

congolais

Le sous-sol de la RDC est riche en minerais divers (or, cuivre, cobalt, uranium, étain, colombo-tantalite, diamant, argent, platine,...).80

76 P-R. NAMEGABE RUGARABURA et P. MURHULA BATUMIKE, « Contribution à l'analyse de la nature juridique des mesures de délocalisation des populations au profit de Banro Corporation à Twangiza », Conjonctures Congolaises, Bukavu, 2013, p. 139.

77 Ibidem.

78Idem, p. 141-142.

79 Ibidem.

80 M. MAZALTO, « Gouvernance du secteur minier et enjeux de développement en République Démocratique du Congo », Thèse de doctorat en sociologie, Montréal, Université du Québec, 2010, p.67.

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La RDC est toujours qualifiée de scandale géologique à cause de l'abondance de ses ressources minières, pétrolières, énergétiques et forestières. Malheureusement, ce scandale géologique ne se traduit pas en scandale de développement mais par contre il est contrasté par un véritable scandale social, autrement dit, l'exploitation de ces potentialités naturelles ne parvient pas à catalyser le développement du pays et à réduire la pauvreté.81

Les populations locales et le peuple autochtone constituent les premières cibles des impacts positifs et négatifs des sociétés extractives. Ils sont voisins immédiats de l'exploitation des ressources minérales de sorte qu'ils constituent une des parties prenantes importantes dans toutes les questions relatives à l'environnement et au développement social.82

Le Code minier prévoit des mesures de consultation des communautés environnantes affectées par le projet. Ces consultations permettent d'intégrer les aspects sociaux et environnementaux de ces communautés dans l'évaluation des impacts potentiels des activités.83

Les populations locales ont acquis un droit foncier de jouissance sur les terres qu'elles occupent conformément à la coutume. En vertu de la loi dite foncière, les droits de jouissance sur les terres occupées par les populations locales sont régis par le droit coutumier avant leur réglementation par Ordonnance Présidentielle. Le Code minier par contre ne reconnait pas comme tels les droits des communautés locales acquis ou garantis par d'autres textes légaux, notamment le code foncier.84

a. Participation et évaluation de l'impact des activités minières sur les populations affectées

La législation minière prévoit des mécanismes de consultations publiques (en précisant leur modalités d'exécution) pour tout type des titres miniers d'exploitations ou de carrières permanentes d'une part, et des mesures d'informations d'autre part, avec l'évaluation des impacts potentiels de ces activités minières ou de carrières sur les populations affectées par le

81 Analyse de la législation environnementale et sociale du secteur minier en RDC, 2010, p. 89, disponible sur www.congomines.org, consulté le 05 Août 2016.

82 Ibidem.

83 Ibidem.

84 Ibidem.

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projet dans les différents plans environnementaux prévus par le Code et le Règlement miniers (articles 451 al. 2 et 477-480 du Règlement minier).

Cependant, le Code oblige à tout requérant d'un droit d'exploitation minier ou de carrières permanentes de joindre à sa demande du titre minier d'exploitation ou de carrière d'exploitation permanente le plan pour la contribution du projet au développement des communautés environnantes (article 69 al. 8 du Code minier).

A la lecture du Règlement minier, ce plan de développement fait corps avec le Plan de Gestion Environnementale du Projet (PGEP) dans la mesure où l'article 452 al. 6 du Règlement minier dispose que le PGEP doit présenter un plan de développement durable visant à améliorer le bien-être des populations locales en mettant en oeuvre des programmes de développement économique et social, et en prévoyant l'indemnisation des populations en cas de déplacement de leur lieu d'habitation.85

L'exploitant minier doit notamment présenter :

- Les engagements de l'entreprise minière vis-à-vis des populations locales affectées par le projet ;

- Les mesures compensatoires pécuniaires et non pécuniaires et leurs modalités ;

- Les programmes de développement locaux dans différents domaines tels que l'éducation, la santé, les infrastructures, la production et leur fonctionnement, leur coût, la participation financière de l'entreprise minière ou de carrière, les mesures de contrôle et les participants (ONGs, gouvernement local, bénéficiaires) ;

- Le calendrier et le coût de ce plan de développement durable.86

La renonciation totale ou partielle d'un titre minier d'exploitation ou de carrières d'exploitation permanente ne dégage pas le titulaire de sa responsabilité relative à la protection de l'environnement et de ses engagements envers la communauté locale (art. 79 al. 6 du Code minier).

85 Analyse de la législation environnementale et sociale du secteur minier en RDC, Op. Cit, p. 90.

86 Ibidem.

25

b. Quelques droits des populations affectées consacrés par la législation

minière

La législation minière congolaise reconnaît plusieurs droits aux populations affectées. Mais pour la plupart de ces populations, les quelques actions réalisées par les entreprises minières sont vues comme des actions de bienfaisance et non comme des obligations liées à l'exploitation minière.

Comme le révèle Dunia, il y a dans le Code minier des dispositions qui bénéficient aux populations locales et protègent leurs droits.87

Au nombre de ces droits, citons quelques-uns :

? Le droit de propriété :

D'après les articles 280 et 281 du Code minier, l'exploitant minier est tenu de respecter les droits de l'occupant du sol sur lequel l'exploitation minière est effectuée. L'occupant du sol doit ainsi être indemnisé pour tout dommage engendré par l'activité minière ou pour l'occupation de son terrain. Ces articles protègent le droit de propriété de l'occupant trouvé sur le sol.88

? Le droit au développement :

L'article 69 du Code minier exige de la personne qui sollicite un permis d'exploitation des mines (exploitant industriel) de présenter un plan montrant en quoi le projet minier va contribuer au développement des populations environnantes.89

? Le droit de vivre dans un environnement sain :

Avant d'obtenir un quelconque droit minier, l'exploitant industriel doit d'une part présenter un plan d'atténuation des impacts de son activité sur l'environnement et de réhabilitation de l'environnement ; et d'autre part obtenir l'approbation de ce plan (article 50 du Code minier). Et durant son activité, l'exploitant industriel doit effectivement réhabiliter l'environnement ;

87 ZONGWE DUNIA, « The Legal Justifications for a People-Based Approach to the Control of Mineral Resources in the Democratic Republic of the Congo », Cornell Law School Inter-University Student Conference Papers, Paper 12, New York, 2008, p.28.

88 P. LWANGO MIRINDI, « cours de droit minier », inédit 2013-2014, UCB, p. 38.

89 Ibidem.

26

dans le cas contraire, son activité peut être suspendue par le Ministre des Mines (article 570 du Règlement minier).

? Le droit d'usages coutumiers :

L'article 281 al. 5 du Code minier reconnait le droit d'usages coutumiers. Il les subordonne cependant à un accord préalable de l'occupant du sol avec le titulaire des droits miniers ou de carrières à condition que les travaux de champs ne gênent pas les opérations minières ou de carrières.90

c. Moyens de revendication des droits des populations affectées ressortant de la législation minière

Les individus lésés par l'activité d'un exploitant minier peuvent saisir la justice. Ils peuvent aussi saisir les autorités publiques afin d'obtenir de celles-ci la prise de mesures administratives à l'encontre de l'exploitant fautif.91

En effet, l'article 315 al. 5 et 7 du Code minier dispose ce qui suit :

« Sans préjudice des dispositions de l'article 46 du présent Code, font l'objet de recours judiciaire notamment :

1. les litiges entre les titulaires ou avec les occupants du sol ;

2. le contentieux d'indemnité d'expropriation ;... »

Les cours et tribunaux saisis d'un litige ou d'un recours contre une décision judiciaire relative aux matières prévues à l'article précédent appliquent la procédure de droit commun prévue par les Codes Congolais de Procédure Civile, Procédure Pénale, Procédure devant la Cour Suprême de Justice ainsi qu'éventuellement tous les textes et principes généraux de droit applicables en matière judiciaire (article 316 du Code minier).

Ainsi, le droit de propriété des populations affectées ou dépossédées peut être revendiqué devant le Tribunal de grande instance du ressort, en cas de désaccord sur le montant de l'indemnisation (article 281 du Code minier).

90 P. LWANGO MIRINDI, Op. Cit, p. 38.

91 Idem, p. 40-41.

27

En plus, l'exploitant minier a, en vertu des dispositions de l'article 280 de Code minier, l'obligation de réparer tout dommage qu'il causerait aux tiers. Cette protection générale, inspirée de l'article 258 du Code civil congolais livre III, devrait pouvoir jouer en faveur des individus qui pourraient saisir les juridictions pour la défense de leur droits.92

Outre la voie judiciaire, les populations peuvent, à travers leurs représentants, utiliser la voie administrative pour obtenir la protection de leurs droits.93

92 P. LWANGO MIRINDI, Op. Cit, p. 40-41.

93 Ibidem.

28

CHAPITRE II : ANALYSE DU DEPLACEMENT DES HABITANTS DE TWANGIZA AU PROFIT DE LA SOCIETE TWANGIZA MINING SARL

Avant de vérifier si les dispositions légales relatives au déplacement des populations ont été respectées dans le cas des habitants de Twangiza (section 4), nous nous proposons de faire un bref aperçu sur la chefferie de Luhwinja (section 1) qui abrite la localité de Twangiza, de résumer les impacts du projet Twangiza Mining sur le cadre de vie des habitants de Twangiza (section 2) et d'examiner les impacts liés au processus de délocalisation des habitants de Twangiza (section 3).

SECTION 1. BREF APERCU SUR LA CHEFFERIE DE LUHWINJA

La chefferie de Luhwinja se trouve à 65 Km au sud-ouest de la ville de Bukavu. Sa superficie est de 182 Km2. C'est la collectivité la moins étendue du territoire de Mwenga. Elle représente 1,5% de la superficie totale du territoire de Mwenga (11.172 Km2).94

La chefferie de Luhwinja a une densité d'environ 246 habitants par Km2 et sa population est répartie en neuf groupements (Bujiri, Burhembo, Cibanda II, Idudwe, Luciga, Luduha, Kabalole, Karhundu et Mulama).95

L'économie de cette chefferie de repose essentiellement sur l'agriculture (60%), l'élevage (10%) et l'exploitation minière artisanale de l'or (30%). Le sous-sol de Luhwinja est suffisamment riche en or.96

L'artisanat minier se poursuit encore à Kadumwa et Goné jusqu'à la Rivière Kadubo en dépit de la présence de Twangiza Mining avec l'exploitation industrielle de l'or.97

Sur le plan juridique, la chefferie de Luhwinja a été créée par Décret du 02 mai 1910 portant création des chefferies et sous chefferies indigènes.98

94 Justice pour tous Asbl, « impacts socio-économique et environnemental de l'exploitation minière sur les communautés locales au Sud-Kivu : un regard analytique sur la filiale Twangiza Mining à Luhwinja. », 2015, p. 16-17, disponible sur www.congoforum.bepdf,consulté le 15 Aout 2016.

95 Ibidem.

96 Ibidem.

97 Ibidem.

98 Ibidem.

29

L'une des principales activités est l'agriculture à petite échelle. Beaucoup de ménages ont un champ où ils cultivent principalement des produits à usage personnel. Dans ces champs, on trouve des bananiers, des haricots, des patates douces, du manioc et du maïs. Cependant, l'agriculture seule ne suffit souvent pas pour générer suffisamment des revenus pour répondre aux besoins. La cause se trouve dans les sols qui ne sont pas très fertiles, et les champs qui ne sont pas suffisamment grands. Une autre raison est qu'il est pratiqué une agriculture traditionnelle sans techniques modernes ou semences améliorées. Finalement, comme beaucoup de champs se trouvent sur des pentes raides, ils sont ravagés par l'érosion, ce qui a causé une diminution des récoltes au fil des années.99

SECTION 2. IMPACTS DU PROJET TWANGIZA MINING SUR LE CADRE DE VIE

DES HABITANTS DE TWANGIZA

§1. Impacts positifs du projet Twangiza Mining

La présence de Banro Corporation à travers sa filiale Twangiza Mining SARL a eu des effets positifs non seulement sur l'environnement physique de Luhwinja, mais aussi sur son environnement socio-économique et culturel.1°°

Lors de son installation, la société Twangiza Mining SARL a réussi à rendre praticable la route de Bukavu vers Luhwinja qui était devenue impraticable depuis plusieurs années.

La société a accompli plusieurs réalisations sociales dans la chefferie de Luhwinja et ailleurs dans la province du Sud Kivu, notamment dans les domaines de santé et d'éducation.

L'équipe de recherche de la Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL) a pu inventorier les réalisations ci-après :

1. La réhabilitation de l'hôpital d'Ifendula ainsi que l'offre d'une ambulance ;

2. La réhabilitation/construction de sept écoles dans la chefferie de Luhwinja ;

3. La construction des marchés de Nabuntalaga et de Lubanda ;

4. La construction des stations de captage et d'adduction d'eau ;

5. Les bourses octroyées aux élèvesterminant leurs études secondaires avec la mention distinction ;

99 Justice pour tous Asbl, Op. Cit, p. 16-17.

100 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 17-19.

30

6. L'appui financier fourni aux enseignants de certaines écoles (école primaire Chiburhi, institut Naluhwinja, école primaire Bigaja, école primaire Mwana, institut Luciga, etc) ;

7. Prêts à intérêts à quelques entrepreneurs locaux à travers la Société Financière d'Investissement des Grands Lacs (SOFIGEL) ;

8. L'alphabétisation des adultes et la création de certains emplois en faveur des habitants tels que le cartonnage manuel, le gardiennage et la sécurité routière ;

9. Le rétablissement de la paix dans la région depuis le début des activités du projet Twangiza Mining ;

10. Le financement du processus de réinsertion socio-économique des creuseurs artisanaux à travers les petits projets de développement avec l'accompagnement de la SOFIGEL.101

Certaines de ces réalisations ont été exécutées par la Fondation Banro, agence de Banro Corporation chargée du développement des communautés dans les domaines de la santé, de l'éducation, des infrastructures et des opportunités d'emploi.

D'autres activités plus spécifiques telles que le financement des actions de plaidoyer, la création d'un fond spécial d'assistance humanitaire en cas de désastre et l'approvisionnement en électricité ont été prévues. Parmi ces prévisions, les unes ont été réalisées à la satisfaction de la population et d'autres pas encore. Les communautés bénéficiaires des réalisations sociales positives énumérées précédemment ont exprimé leur satisfaction et ont reconnu la contribution de ces réalisations à l'amélioration de leur cadre de vie.102

§2. Impacts négatifs du projet Twangiza Mining

Outre les réalisations positives susmentionnées, les activités du projet Twangiza Mining ont été à la base d'impacts négatifs documentés par l'équipe de recherche de la MMKi à travers les interviews réalisées auprès des habitants de Twangiza, l'observation directe, les descentes sur terrain et l'analyse des rapports d'autres organisations de la société civile locale.

Parmi les impacts constatés, il y a notamment l'occupation de grands espaces de terres arables qui empêche les habitants de pratiquer normalement les activités agro-pastorales provoquant

101 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 17-19.

102 Ibidem.

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ainsi une crise alimentaire dans la chefferie, la pollution de l'environnement, le chômage, la précarité des emplois, la perte des valeurs culturelles, la baisse du niveau de vie, la division au sein de la communauté, les mauvaises conditions de vie des habitants relocalisées à Cinjira.103

SECTION 3. IMPACTS LIES AU PROCESSUS DE DELOCALISATION DES
HABITANTS DE TWANGIZA

A l'issue des travaux d'exploration de la société Twangiza Mining SARL, il s'est avéré que le gisement d'or est situé dans la zone habitée des villages de Nyorha, particulièrement du sous village de Mbwega. Ainsi, l'entreprise était confrontée aux défis de la délocalisation de ces habitants en vue de construire les installations d'exploitation de la mine.104

D'après l'équipe de recherche de la MMKi, la majorité des habitants rencontrés déclarent qu'ils n'étaient pas suffisamment éclairés sur le processus de la délocalisation et de la succession des étapes y relatives. Ils poursuivent en disant que la société se contentait de contacter une poignée de personnes avec lesquelles elle collaborait mais qui ne relayaient pas l'information comme il se doit aux habitants.

Dans sa note des réponses aux questions adressées par l'équipe de recherche de la MMKi, l'entreprise a indiqué les 8 étapes qu'elle affirme avoir suivies dans le processus de délocalisation des habitants affectés.

Ces 8 étapes ont comporté :

1. La consultation/information ;

2. Le choix du site de relocalisation par les bénéficiaires ;

3. L'évaluation conjointe et transparente du patrimoine ;

4. Le désintéressement des personnes affectées par la société et la signature du document de paie dont copie à la chefferie, à Twangiza Mining SARL et à la personne affectée ;

5. L'acte de déménagement (en français et en swahili) contresigné par la personne délocalisée et Twangiza Mining SARL à travers le Forum communautaire ;

6. Le visa de l'Etat congolais à travers le chef de poste d'encadrement administratif ;

7. Le délai accordé aux ménages pour déménager ;

8. Et enfin la relocalisation proprement dite.

103 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p.18.

104 Idem, p. 20-38.

32

Au regard des informations collectées, l'équipe de recherche la MMKi a subdivisé le processus de délocalisation en 5 étapes essentielles ci-après :

1) l'exploration des alternatives à la délocalisation ;

2) le processus d'information, de consultation et de choix du site de réinstallation ;

3) le processus d'indemnisation des habitants affectés ;

4) les délais accordés pour le déplacement et l'usage de la force dans le processus d'évacuation des habitants ;

5) et enfin, les voies de recours et les cas de réclamations.

§1. Alternatives à la délocalisation

Au regard des impacts négatifs potentiels qu'elle peut engendrer dans le cadre de vie des habitants affectées, la délocalisation est une mesure exceptionnelle et extrême qui requiert l'exploration préalable des alternatives pouvant l'empêcher et ainsi permettre aux populations de vivre dans leur milieu naturel. L'exploration des alternatives au déplacement forcé des habitants découle des pratiques et standards internationaux qui posent le principe d'interdiction de déplacement des populations pour raisons de développement des projets d'investissement.105

Dans le cas du projet Twangiza Mining, les habitants affectés étaient initialement opposés à leur délocalisation. Et la recherche menée par l'équipe de recherche de la MMKi a démontré que ni les services étatiques ni les représentants de la société Twangiza Mining SARL n'ont réalisé d'étude préalable ayant pour but d'éviter le déplacement de ces populations.Ceci est confirmé par la société Twangiza Mining SARL qui, non seulement dans sa note de réponses mais aussi lors des entretiens tenus avec l'équipe de recherche de la MMKi, a reconnu n'avoir pas exploré d'autres alternatives à la délocalisation. De même, la cheffe de la chefferie Luhwinja confirme l'absence d'alternatives offertes aux habitants lors des négociations sur le processus de délocalisation.106

En revanche, la société et la cheffe de chefferie ont affirmé avoir proposé aux habitants d'autres sites jugés plus viables pour leur réinstallation en lieu et place du site de Cinjira que les représentants des communautés regroupés au sein du forum communautaire ont rejetés.

105 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 21

106 Ibidem.

33

La société a proposé les sites de Lubanda dans la vallée et celui de Cibanda à Nabuntalaga dans le groupement de Cibanda, mais les responsables locaux, en l'occurrence le chef de groupement Luciga, s'y étaient opposés de peur de voir leurs administrés s'installer dans un autre groupement et être soumis à l'autorité d'un autre chef de groupement.107

En l'absence d'une autre proposition tendant à garder la population dans son milieu naturel, les représentants des communautés regroupées au sein du forum communautaire, ont choisi le site de Cinjira par défi, pensant que la société serait incapable de le rendre viable.108

§2. Processus d'information, de consultation et de choix du site de réinstallation

Les résultats de cette recherche ont démontré que les représentants de la société Twangiza Mining SARL avaient organisé plusieurs réunions populaires sur l'importance du projet minier dans la région sans que la question de délocalisation ne soit suffisamment abordée.

Les habitants délocalisés et réinstallés à Cinjira ont déploré le fait que les consultations de l'entreprise s'étaient essentiellement limitées aux membres du forum communautaire choisis par l'autorité coutumière. Les habitants, y compris ceux qui étaient membres du forum communautaire, ont affirmé que personne parmi eux n'avait de connaissances requises en ce qui concerne la législation minière et toutes les exigences liées au processus de délocalisation d'autant plus qu'il n'y avait jamais eu un cas dans la province du Sud-Kivu auquel ils pouvaient se référer.109

Les habitants délocalisés, dans leur majorité, ont affirmé que les membres du forum communautaire n'ont pas été désignés par eux pour les représenter. La société Twangiza Mining SARL a reconnu par contre que c'est avec ce forum que tout le processus de délocalisation a été mené tout en affirmant que les populations affectées ont été suffisamment informées. Dans ses réponses, l'entreprise ajoute que concernant le forum communautaire, les populations étaient libres de choisir leurs représentants et la société ne devait pas s'y mêler. Pour l'entreprise, la présence des leaders communautaires dans les réunions du forum communautaire était la seule garantie de la représentation des habitants alors que ces derniers

107 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 21.

108 Ibidem.

109 Ibidem.

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ne rendaient pas compte à la base comme l'ont démontré les interviews réalisées par l'équipe de recherche de la MMKi auprès des membres dudit forum et auprès des habitants affectés.

Pour se rassurer du bon déroulement du processus de délocalisation, l'entreprise Twangiza Mining SARL dit avoir recruté un consultant indépendant (SRK Consulting) qui a veillé à la formation du forum communautaire à la base, au niveau provincial et du groupe de travail où ont participé les services techniques (division provinciale de l'intérieur, division provincial des mines, inspection provinciale de l'agriculture, pêche élevage ainsi que le ministère de tutelle, la coordination de l'environnement, la division de l'urbanisme et habitat, le cadastre minier et la division provinciale des titres fonciers).110

Les conclusions de l'équipe de recherche de la MMKi sur le processus de consultation étaient que les leaders locaux n'avaient pas transmis l'information aux habitants du groupement de Luciga qui abrite l'usine. Il s'avère aussi qu'ils n'avaient pas des compétences nécessaires pour négocier un processus de délocalisation dans le cadre de l'implantation d'une entreprise minière.

S'agissant du choix du site de Cinjira, la recherche menée par la MMKi à travers son équipe, a démontré que ce site avait été choisi par les membres du forum communautaire. La société Twangiza Mining SARL a confié à l'équipe de recherche de la MMKi qu'elle n'était pas d'accord avec ce choix et avait tenté en vain de dissuader les membres dudit forum en leur proposant d'autres sites. Ceci avait également été confirmé par la cheffe de chefferie.

§3. Processus d'indemnisation des habitants affectés

L'indemnisation des habitants affectés a été faite sur base d'un protocole d'accord sur la compensation signé entre la société Twangiza Mining SARL et la chefferie de Luhwindja le 28 janvier 2010 dans le cadre du forum communautaire. Ce protocole d'accord et le document additionnel en annexe ont déterminé le taux et les biens à indemniser.111

Le barème du taux d'indemnisation et les modalités pratiques de remplacement des biens immobiliers fixés dans le document en annexe au protocole d'accord indiquent les montants à payer pour chaque culture par mètre carré des champs et les arbres fruitiers des personnes à

110 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 21.

111 Idem, p. 24.

35

délocaliser. Toutefois, d'autres cultures telles que le tabac, les bambous et les plantes mixtes plantées hors normes étaient exclues de calculs ; et en cas de polyculture dans un même champ, seule la culture dite la plus chère était prise en compte.112

S'agissant des maisons d'habitation, le protocole d'accord avait prévu le remplacement des maisons principales par d'autres construites dans le nouveau site de Cinjira, les dépendances ou ouvrages secondaires (annexes) devaient être compensés par une somme d'argent équivalente à leur valeur plus la moitié, soit 150% de la valeur vénale.

En ce qui concerne les infrastructures sociales de base telles que les églises, les écoles, les centres de santé, le protocole indique que la référence sera faite au plan d'action sur le déplacement tel qu'inclus dans l'étude de faisabilité de Twangiza Mining préparée par les consultants indépendants lequel prévoit la reconstruction des infrastructures communautaires dans le site de relocalisation.113

S'agissant des terres de remplacement, il avait été convenu que la chefferie de Luhwinjda allait octroyer des terres arables aux membres des populations relocalisées.

Lors des différentes interviews effectuées par l'équipe de recherche de la MMKi avec les habitants relocalisés, ceux-ci ont fustigé plusieurs irrégularités liées au processus d'indemnisation, notamment en ce qui concerne les modalités de détermination des biens à indemniser, la base de calcul des indemnités/compensations ainsi que le processus de versement de ces indemnités. Ces populations relocalisées ont affirmé n'avoir pas été associées au processus de détermination tant des biens à indemniser que des bases de calcul des indemnités.114

Un délocalisé habitant le site de Cinjira a confié à l'équipe de recherche de la MMKi ce qui suit : « Nous n'avons pas participé aux discussions sur le taux d'indemnisation et tous nos champs en jachère, les cimetières,...n'ont pas été pris en compte. Le barème a été discuté avec les membres du forum communautaire qui n'avaient aucune expertise en la matière, et que nous n'avons pas délégués.»

112 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 21.

113 Ibidem.

114 Ibidem.

36

Pour ce qui est du processus de versement d'indemnités, la majorité des habitants interrogés par l'équipe de recherche de la MMKi ont indiqué que ce processus avait été jonché d'irrégularités en ce sens que les représentants de la société chargés de l'évaluation des biens à indemniser pratiquaient une discrimination si bien que parfois certains biens étaient pris en compte chez les uns et non chez les autres.

La société Twangiza Mining SARL a affirmé à l'équipe de recherche de la MMKi que le processus d'indemnisation était régulier en ce sens qu'il respectait les bonnes pratiques en la matière et consistait en une évaluation conjointe et transparente du patrimoine, en un désintéressement de la personne affectée et en la signature du document de paie dont copie était réservée à la chefferie, à l'entreprise et à la personne affectée. L'entreprise a également indiqué que le barème et le taux des indemnités avaient été discutés avec les représentants de la communauté au sein du forum communautaire et que le protocole d'accord y relatif avait été signé par la cheffe de la chefferie qui représente la population de Luhwinja.

Interviewée par l'équipe de recherche de la MMKi sur ces questions, la Cheffe de chefferie soutient avoir consulté des services spécialisés de l'Institut de Recherche Agronomique qui ont donné des indications à la base des discussions.

S'agissant de l'engagement pris par la chefferie d'octroyer des terres de remplacement aux habitants relocalisés, l'équipe de recherche a enregistré sur terrain les réclamations de ces derniers sur le non accès à la terre pour les activités agro-pastorales en déplorant le fait que la chefferie ne veut pas exécuter son engagement et exige une demande de terre pour chaque délocalisé et une redevance coutumière.

§4. Délais accordés pour le déplacement et usage de la force dans le processus
d'évacuation des habitants

Les informations et documents collectés auprès des habitants par l'équipe de recherche de la MMKi montrent que la société Twangiza Mining SARL avait accordé des délais aux populations affectées avant leur déplacement vers le site de Cinjira. Ces délais variaient entre 6 et12 mois selon les cas.

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Les populations affectées ont par ailleurs affirmé que l'entreprise avait fourni les moyens de transport (véhicules et engins de manutention) qui ont facilité leur déplacement et l'évacuation de leurs biens lors du déménagement.115

Dans un document de réponse transmis à la MMKi en date du 15 Janvier 2015 sur la question du rôle joué par la police dans le processus de délocalisation, l'entreprise Twangiza Mining affirme que les éléments de la police avaient pour mission d'exécuter les actes de procédure lorsqu'ils étaient réquisitionnés par les autorités compétentes sur plainte de la société. Cette dernière a nié l'implication de ses services et matériels dans l'évacuation des habitants délocalisés.116

Cependant, les délocalisés se sont plaints de l'usage de la force par la police dans le processus de leur évacuation vers le site de relocalisation. Certains d'entre eux ont rapporté à l'équipe de recherche de la MMKi que la police a donné un appui aux bulldozers de l'entreprise en vue de déguerpir de force toutes les personnes qui avaient refusé la délocalisation. Certains biens ont été saisis par la police et n'ont jamais été retrouvés.

§5. Voies de recours et cas des réclamations

Pour la majorité des habitants interrogés par l'équipe de recherche de la MMKi, l'information sur l'existence des voies de recours mises à leur disposition par la société n'a pas été suffisamment diffusée.

Les habitants délocalisés ont affirmé que certains cas de revendications déposées devant les structures de règlement de différends de l'entreprise n'ont pas trouvé de solutions satisfaisantes si bien qu'il y a encore des délocalisés qui n'ont pas été bien indemnisés.

La société Twangiza Mining SARL a affirmé par contre que la population a été suffisamment sensibilisée sur la procédure de réclamation interne à travers différentes approches (églises, troupes théâtrales, sensibilisation dans les villages) et supports comme des photos et autres documents de sensibilisation se trouvant au centre d'information. Pour l'entreprise, les résultats ont été remarquables en ce sens que les recours introduits ont, pour la plupart, trouvé des solutions à ce jour.117

115 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 26

116 Ibidem.

117 Idem,p. 27.

38

Au mois de janvier 2015, la société a, dans sa note de réponse adressée la MMKi, reconnu l'existence de 7 cas des réclamations documentés par l'équipe de recherche de la MMKi.

Lors de la dernière rencontre avec l'équipe de recherche de la MMKi en mars 2015, la société a indiqué que tous les cas litigieux ont été résolus. L'équipe de recherche de la MMKi a pu vérifier la résolution de ces 7 cas litigieux répertoriés et a constaté que ces personnes ont été effectivement désintéressées.

Toutefois, les habitants relocalisés ont, dans leur majorité, exprimé leur insatisfaction au sujet des indemnités versées surtout en ce qui concerne le non accès à la terre et aux infrastructures sociales de base.

SECTION 4. APPLICATION DES DISPOSITIONS LEGALES RELATIVES AU
DEPLACEMENT DES POPULATIONS DANS LE CAS DES HABITANTS DE
TWANGIZA
Dans la présente section, il sera question de vérifier si les dispositions légales relatives au
déplacement des populations ont été respectées dans le cas des habitants de Twangiza à
travers une analyse des obligations et responsabilités des parties prenantes (l'Etat congolais et
la société Twangiza Mining SARL) en les confrontant aux impacts négatifs liés à la
délocalisation de ces habitants en vue de déterminer l'imputabilité de chaque partie prenante.

§1. Obligations et responsabilités des parties prenantes en matière de déplacement des
populations affectées par les projets miniers

1. obligations et responsabilités de l'Etat congolais en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers

Au niveau international, les obligations et responsabilités de la RDC en la matière sont consacrées par les instruments juridiques internationaux et régionaux ratifiés par elle.

Au niveau national, la RDC dispose de plusieurs textes de lois qui ont incorporé directement ou indirectement les droits populations affectées par les projets miniers garantis par ces instruments internationaux et régionaux. Les lois qui garantissent le respect de ces droits abordés dans le cadre de notre travail sont principalement la Constitution du 18 février 2006 telle que revissée à ce jour, le Code minier et ses mesures d'exécution tel que le Règlement

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minier ; la Loi n°73-021 du 20 Juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés telle que modifiée et complétée par la Loi n°80-008 du 18 Juillet 1980 ; la Loi n°77/01 du 22 Février 1977 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, etc.

2. obligations et responsabilités de la société Twangiza Mining SARL en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers

Au niveau international, la société Twangiza Mining via sa maison-mère Banro Corporation, s'est engagée à respecter notamment les normes et critères de performance environnementale et sociale de la Société Financière Internationale (SFI), les normes relatives à l'exploitation aurifère sans conflit du World Gold Council, les normes et les directives de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE),les normes de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives(ITIE) ainsi que les principes volontaires sur la sécurité et les droits humains.118

Au niveau national, les entreprises minières ont l'obligation de se conformer à toutes les lois du pays d'accueil ainsi que d'honorer leurs engagements volontaires vis-à-vis des populations affectées par leurs activités. Pour le cas du projet Twangiza Mining, la convention minière du 13 février 1997 entre la RDC et Banro Corporation et ses deux avenants soumettent la société Twangiza Mining SARL au respect de la législation minière congolaise et spécifiquement en ce qui concerne les questions sociales et environnementales.119

§2. Imputabilité des parties prenantes issue des impacts négatifs liés au déplacement des habitants de Twangiza au profit de la société Twangiza Mining SARL

Les impacts négatifs liés au déplacement des habitants de Twangiza au profit de la société Twangiza Mining SARL décrits par l'équipe de recherche de la MMKi constituent des violations des droits humains garantis aux populations affectées par les projets miniers par les différents instruments juridiques tant internationaux, régionaux que nationaux analysés précédemment.

118 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 40

119 Ibidem.

40

Dans le cadre de notre travail, nous nous limiterons à dégager l'imputabilité des parties prenantes issue des impacts négatifs liés au déplacement de ces habitants de leur milieu naturel, documentés par l'équipe de recherche de la MMKi en ce qui concerne entre autre :

1) L'inadéquation des mécanismes d'information, de consultation, de participation des habitants de Twangiza au processus de délocalisation ;

2) L'insuffisance et l'inadéquation des indemnités/compensations versées aux habitants affectés par le projet minier Twangiza Mining ;

3) L'inefficacité des voies de recours pour les cas des réclamations ;

4) Les mauvaises conditions de vie des relocalisés dans le nouveau site de réinstallation à Cinjira (inadéquation des logements, manque d'accès à la terre, manque d'accès aux infrastructures sociales de base).

1. Imputabilité des parties prenantes découlant de l'inadéquation des mécanismes d'information, de consultation, de participation des habitants de Twangiza au processus de délocalisation

Dans le cadre de l'exploitation minière en RDC, le droit à l'information et à la consultation des populations affectées est garanti par les articles 69 al.8 du Code minier ainsi que les articles 451, 452, 477 et suivants du Règlement minier, avant l'obtention du Permis d'Exploitation.

En ce qui concerne spécifiquement la délocalisation des populations pour raisons d'investissement, l'Observation Générale n°7 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels relative à l'interdiction des expulsions forcées en tant que l'une des garanties du droit au logement, les principes de base et directives des Nations Unies concernant les expulsions et les déplacements liés au développement ainsi que les critères et normes de performance de la Société Financière Internationale (SFI) garantissent le droit à l'information et à la participation des populations affectées par les déplacements involontaires.

Les normes de performance n°1 et 5 de la SFI relative à l'évaluation et gestion des risques sociaux et environnementaux et à l'acquisition des terres et la réinstallation involontaire imposent l'obligation de conduire une consultation et une participation éclairées lorsqu'un projet peut avoir des impacts négatifs significatifs sur les populations affectées. Ces normes insistent sur le fait que le processus de consultation et de participation devra donner lieu à des échanges de vues et d'informations plus approfondis, ainsi qu'à des consultations organisées

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et ayant un caractère itératif, qui aboutissent à la prise en compte dans le processus de prise de décision, des opinions des populations affectées sur les questions qui les touchent directement.120

Mais comme mentionné précédemment, le processus d'information et de consultation des populations de Twangiza sur le processus de délocalisation et qui a débouché sur le choix du site de réinstallation s'est essentiellement limité aux membres du forum communautaire sans que toutes les personnes directement affectées ne soient suffisamment associées à ces échanges.Ceci démontre clairement que le droit à l'information et à la participation des populations affectées par le processus de délocalisation initiée par le projet Twangiza Mining a été violé. Les deux acteurs détenteurs d'obligations énumérés ci-haut, L'Etat congolais et la société Twangiza Mining SARL, ont chacun une part de responsabilité dans cette violation du droit fondamental des populations à l'information et à la participation.121

S'agissant de l'Etat congolais, les autorités étatiques nationales, provinciales et locales, particulièrement celles de la chefferie de Luhwinja qui avaient procédé à la désignation des membres du forum communautaire issus des populations locales, n'ont pris aucune mesure pour s'assurer que tous les membres des populations affectées participent au processus de consultation populaire et donnent leurs points de vue sur les décisions qui les touchent directement.

En ce qui concerne la Société Twangiza Mining SARL, au regard de ce qui précède, elle aurait dû appliquer les standards internationaux en la matière notamment les critères et normes de performance de la SFI que Banro Corporation, sa maison-mère, s'est engagée à respecter. Mais, l'équipe de recherche de la MMKi a constaté qu'à part les déclarations faites par les responsables de Banro Corporation et de Twangiza Mining, les orientations pertinentes fournies par ces normes de performance n'ont pas été suffisamment appliquées par l'entreprise Twangiza Mining SARL dans le cadre du processus d'information et de consultation habitants de Twangiza affectés par la délocalisation.

120 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 46.

121 Ibidem.

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2. Imputabilité des parties prenantes issue de l'insuffisance et de l'inadéquation des indemnités/compensations versées aux habitants affectés par le projet minier

Twangiza Mining

L'indemnisation et la compensation des biens perdus à la suite d'un déplacement forcé lié aux projets d'investissement minier constituent un droit fondamental des personnes affectées. Le droit à une indemnité/compensation juste et équitable est le corolaire du droit à la propriété garanti par plusieurs instruments juridiques de protection des droits humains notamment par la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour en son article 34 al. 4 qui dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi.»

L'article 281 al. 1er du Code minier garantit également le droit à la propriété des occupants du sol en ces termes: « Toute occupation de terrain privant les ayants-droits de la jouissance du sol, toute modification rendant le terrain impropre à la culture entraîne, pour le titulaire ou l'amodiataire des droits miniers et/ou de carrières, à la demande des ayants-droits du terrain et à leur convenance, l'obligation de payer une juste indemnité correspondant soit au loyer, soit à la valeur du terrain lors de son occupation, augmentée de la moitié.»

Dans le cadre du déplacement forcé des populations pour raisons de projets d'investissement, le droit à des indemnités justes et équitables constitue l'une des garanties fondamentales reconnues aux personnes affectées lorsque leurs biens font l'objet d'expropriation.122

Mais concernant le processus d'indemnisation et de compensation des biens des habitants affectés par la délocalisation conduite par la société Twangiza Mining SARL, le constat est que le barème et le taux des indemnités et de compensation ont été définis par les membres du forum communautaire sans expertise appropriée en la matière et d'autres biens de valeur comme les cultures du tabac, des bambous et des plantes situées dans des champs polycultures n'ont pas été pris en compte dans le calcul sans qu'aucune raison objective ne soit donnée.123

S'agissant de la compensation des maisons d'habitation, se basant sur la documentation nous fournie par l'équipe de recherche de la MMKi, nous fustigeons l'inadéquation de l'approche

122 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 49.

123 Ibidem.

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adoptée consistant au remplacement de seules maisons principales par d'autres construites dans le nouveau site de Cinjira et le paiement des indemnités pécuniaires pour les dépendances ou ouvrages secondaires communément appelés annexes.

Par ailleurs, dans le cadre de la compensation des sources de revenus en vue de la restauration de moyens de subsistance des populations délocalisées, les terres arables de remplacement promises dans le cadre du protocole d'accord signé entre la société et la chefferie de Luhwinja ne sont pas encore offertes aux délocalisés.

Il se dégage de ce qui précède que le droit à des indemnités/compensations justes et équitables des habitants de Twangiza affectés n'a pas été respecté selon l'esprit des instruments et standards tant nationaux qu'internationaux mentionnés ci-dessus.

L'Etat congolais engage sa responsabilité en ce sens que les services étatiques provinciaux et locaux qui ont été impliqués dans le processus de délocalisation n'ont pas assuré la protection des habitants déplacés de Twangiza en ce qui concerne l'indemnisation et la compensation de leurs biens expropriés.

Pour sa part, l'entreprise Twangiza Mining SARL a profité du manque d'expertise des membres du forum communautaire en versant des indemnités et compensations inadéquates aux habitants délocalisés. En plus, la société n'a pas appliqué entièrement les engagements découlant de la politique de responsabilité sociétale de sa maison-mère, Banro Corporation, particulièrement les normes et critères de performance de la SFI en matière d'indemnités/compensations et de restauration des moyens de subsistance aux populations affectées par le déplacement involontaire.

3. Imputabilité des parties prenantes issue de l'inefficacité des voies de recours pour les cas des réclamations

Dans le cadre du processus de délocalisation des habitants affectés par le projet par Twangiza Mining, les voies de recours prévues tant par l'appareil judiciaire étatique (cours et tribunaux) que par l'entreprise (mécanisme de règlement des différends) se sont avérées inefficaces de par leur fonctionnement et par le fait qu'elles n'ont pas donné lieu à des

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réparations adéquates face aux réclamations des victimes, tel que cela a été décrit précédemment.124

La responsabilité de l'Etat congolais se trouve engagée du fait du dysfonctionnement de son pouvoir judicaire qui est le garant des droits et libertés des citoyens. Cela n'a pas facilité la réparation des atteintes aux droits humains commises par la société Twangiza Mining SARL comme on l'a vu pour les cas de réclamations portées devant les instances judiciaires.

L'entreprise Twangiza Mining SARL, pour sa part, a certes mis en place le mécanisme de règlement des différends conformément à la norme de performance 5 de la SFI, mais celui-ci n'a pas bien fonctionné faute d'une sensibilisation adéquate des populations concernées. C'est ce qui a expliqué l'existence des cas de réclamations jusqu'en 2015, soit environ 5 ans après la délocalisation.

4. Imputabilité des parties prenantes liée aux mauvaises conditions de vie dans le site de réinstallation à Cinjira

Comme cela a été mentionné précédemment par l'équipe de recherche de la MMKi, les conditions de vie des communautés relocalisées à Cinjira se sont détériorées suite notamment à l'inadéquation des logements de remplacement construits par l'entreprise, au manque d'accès à la terre et à l'inaccessibilité aux infrastructures sociales de base.

Dans le cadre de notre travail, se basant sur la documentation nous fournie par l'équipe de recherche de la MMKi, nous nous limiterons à résumer l'imputabilité des parties prenantes en ce qui concerne les impacts négatifs violant les droits au logement et à l'alimentation des populations relocalisées à Cinjira.

4.1. Imputabilité issue des impacts négatifs violant le droit au logement

Comme souligné précédemment, les maisons de remplacement construites à Cinjira par l'entreprise Twangiza Mining SARL ne répondent aux critères d'un logement convenable tel que défini par l'article 11 du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), l'article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) ainsi que par l'Observation Générale n° 4 du Comité des droits économiques

124 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 50

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sociaux et culturels des Nations Unies. L'isolement du site de Cinjira par rapport au reste des villages de la chefferie de Luhwinja, les conditions climatiques, l'inaccessibilité aux infrastructures sociales de base par les habitants, le non-respect des coutumes locales, la qualité des matériaux et la taille rendent ces logements inappropriés au sens des instruments juridiques de protection des droits humains évoqués ci-haut.125

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat congolais, le Ministre national des Mines avait adressé à la société Twangiza Mining SARL une correspondance pour fustiger l'inadéquation des logements construits, mais aucune mesure de suivi de l'application des recommandations du Ministre n'a été documentée par l'équipe de recherche de la MMKi.

Pour sa part, l'entreprise Twangiza Mining SARL n'a pris aucune précaution pour s'assurer que les logements de remplacement fournis aux habitants relocalisés répondent aux exigences d'un logement convenable tel que défini par les instruments juridiques de protection des droits humains en la matière.

4.2. Imputabilité issue des impacts négatifs violant le droit à l'alimentation

Au niveau national, le droit à l'alimentation est protégé par l'article 47 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour qui dispose : «Le droit à la santé et à la sécurité alimentaire est garanti. La loi fixe les principes fondamentaux et les règles d'organisation de la santé publique et de la sécurité alimentaire.»

La portée et le contenu de ce droit, comme pour le droit au logement, sont décrits, au niveau international, dans le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) en son article 11, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) en son article 25 ainsi que dans l'observation générale n° 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Aux termes de cette observation, le droit à l'alimentation implique notamment la disponibilité, l'accessibilité de la nourriture.

Pour le cas habitants relocalisés à Cinjira, le constat est que depuis leur réinstallation, les terres arables pouvant leur permettre de pratiquer les activités agro-pastorales susceptibles de leur procurer de la nourriture ne sont pas encore octroyées par l'autorité coutumière qui exige

125 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit, p. 53.

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le paiement de la redevance coutumière par ces habitants devenus vulnérables. Le manque d'accès à des terres arables a de graves conséquences sur l'ensemble de mode de vie de ces habitants dont les activités agro-pastorales constituent la principale source des revenus.126

L'implication de l'entreprise Twangiza Mining SARL dans l'acquisition des terres en faveur des relocalisés depuis 2014 est intervenue avec retard et ne permet pas à tous les habitants de pratiquer les activités agro-pastorales et nourrir convenablement leurs familles comme auparavant.127

126 Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), Op. Cit,p. 53.

127 Ibidem.

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CONCLUSION

Tout au long de notre travail portant sur la délocalisation de la population de Twangiza au profit de la société Twangiza Mining SARL et sa conformité aux exigences légales en matière de déplacement des populations affectées par les projets miniers, nous avons essayé d'analyser dans le premier chapitre les dispositions légales relatives au déplacement des populations affectées par les projets miniers et dans le deuxième chapitre, nous avons essayé de vérifier si ces différentes dispositions analysées ont été respectées dans le cas du déplacement des habitants de Twangiza. Pour cerner la problématique de cette analyse, nous nous sommes basé sur la manière dont l'entreprise a été confrontée au défi de la délocalisation de ces habitants en vue de construire les installations d'exploitation de la mine, laquelle délocalisation a eu des incidences négatives sur les droits humains des déplacés.

Au regard de cette problématique, nous nous sommes posé la question de savoir si la délocalisation des habitants de Twangiza au profit de la société Twangiza Mining SARL a été effectuée dans le respect des prescrits internationaux et ceux de la législation minière de la RDC en rapport avec le déplacement des populations en cas de projet minier.

Au titre d'hypothèse, nous avons estimé que la législation minière en RDC ainsi que d'autres textes légaux nationaux et instruments juridiques internationaux contenaient des dispositions sur le déplacement des populations affectées par les projets miniers. Il a été question de comparer le processus de délocalisation pratiqué par Twangiza Mining aux exigences de cette législation et instruments juridiques en la matière, afin de savoir si les impacts négatifs subis par les personnes déplacées ont été causés du fait de la non-application ou de la mauvaise application de ces dispositions légales.

Pour atteindre les résultats de nos recherches, nous nous sommes servi de la méthode juridique et celle sociologique. La première, c'est-à-dire la méthode juridique, dans son approche exégétique, nous a été utile dans l'analyse des textes légaux ayant trait à notre sujet de recherche. La seconde, c'est à dire la méthode sociologique nous a permis de confronter les réalités du terrain, en ce qui concerne la délocalisation de la population de Twangiza au profit de Twangiza Mining SARL, en ayant à l'esprit la nécessité de la protection des droits de cette population. Ces deux méthodes ont été secondées par la technique documentaire grâce à laquelle nous avons pris connaissance de la doctrine relative à notre thématique. Signalons par ailleurs que les différentes sections examinées dans le chapitre deuxième ont eu comme

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source principale les enquêtes menées par Justice pour tous Asbl et Maison des Mines du Kivu(M.M.Ki ASBL) qui avaient effectué, à travers leurs équipes de recherche respectives, des interviews auprès des habitants de Twangiza et auprès de la société Twangiza Mining SARL, des observations directes, des descentes sur terrain et des analyses des rapports d'autres organisations de la société civile locale ; lesquelles enquêtes nous ont inspiré dans l'élaboration du présent travail.

En effet, en dépit de ce que prévoit les textes légaux au niveau national, d'un côté (la Constitution de la RDC telle que révisée à ce jour, le Code civil congolais livre III, la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier de la RDC, la Loi n°73-021 du 20 Juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés telle que modifiée et complétée par la Loi n°80-008 du 18 Juillet 1980 ; la Loi n°77/01 du 22 Février 1977 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique) et les textes réglementaires (le Décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement minier) en matière de droits des populations affectées par les projets miniers ; et de l'autre, ce que prévoit les dispositions de la DUDH et celles du PIDESC ainsi que celles des organisations internationales et régionales sous forme des directives et orientations ( les Observations Générales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, les Principes de base et directives des Nations Unies concernant les expulsions et les déplacements liés au développement, les Directives volontaires de la FAO pour une bonne gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire, les Politiques de sauvegarde environnementale et sociale de la Banque Mondiale, les Normes et critères de performance de la Société financière internationale et les Directives adoptées par les institutions financières africaines) sur les questions de délocalisation des communautés suite au développement des projets pour raison d'investissement ; il existe un fossé profond entre ces différentes dispositions et ce que les habitants de Twangiza délocalisés ont subi du fait de leur déplacement de leur milieu naturel.

L'impact des activités de l'entreprise Twangiza Mining SARL par rapport aux droits des populations de la chefferie de Luhwinja tels que consacrés dans les instruments internationaux, régionaux et nationaux relatifs aux droits humains a été d'une manière générale ce que l'on attendait le moins.

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Certes les activités de la société Twangiza Mining SARL ont eu des impacts positifs sur cadre de vie des populations, mais le processus de délocalisation et de relocalisation de ces dernières a été à la base de la violation des droits humains notamment le droit à des indemnités/compensations justes et équitables, le droit à un niveau de vie suffisant, les droits au logement et à l'alimentation suffisants, etc garantis par plusieurs textes légaux et instruments juridiques tant internationaux, regionaux que nationaux ci-haut cités.

Les habitants relocalisés à Cinjira ont vu un changement brusque de leur mode de vie, non seulement du point de vue social et culturel mais également économique. Ce qui a été à la base de la dégradation du niveau de vie de la plupart des délocalisés.

D'après l'équipe de recherche de la MMKi, l'étude de cas faite montre également l'absence des mécanismes efficaces de communication tout au long du processus de délocalisation. A part le protocole d'accord encore appelé « cahier des charges » signé entre les représentants de la population et la société et dont l'application pose beaucoup de problèmes jusqu'à ce jour, l'étude d'impact environnemental elle, n'a jamais été rendue publique. Ceci prouve à suffisance qu'il n'existe pas encore un document qui intègre véritablement les desiderata des habitants affectés.

Enfin, les différents cas d'abus et de violation des droits des populations de Twangiza par la société Twangiza Mining SARL ont toujours été portés à la connaissance des autorités étatiques mais ces dernières sont restées passives alors qu'elles doivent s'assurer régulièrement que ces droits sont bien respectés par l'entreprise.

De ce qui précède, quelques recommandations nécessitent d'être formulées en vue de l'amélioration de la situation des habitants de Twangiza déplacés à Cinjira :

? Au gouvernement central de la ROC

? Mettre en place une commission composée de représentants du pouvoir central, de la province du Sud Kivu et de l'entreprise Twangiza Mining SARL pour étudier les plaintes des personnes relocalisées à Cinjira et envisager des pistes de solutions durables.

> Consulter les populations locales et intégrer leurs desiderata dans ses activités afin de garantir la cohabitation pacifique. Cette consultation devra impliquer les autorités

50

s Au Parlement national de la ROC

> Intégrer dans le projet de loi portant révision du Code minier, les principes clairs sur l'expropriation, la délocalisation et la réinstallation des communautés affectées par les projets miniers pour que ceux-ci soient conformes aux standards internationaux ;

> Voter une loi sur les procédures d'indemnisation/compensations et de délocalisation des communautés affectées par les projets miniers en établissant un barème d'indemnité qui tienne compte de tous les aspects de la vie des communautés.

s Au gouvernement provincial du Sud-Kivu

> Inviter l'entreprise Twangiza Mining SARL à respecter sans faille les clauses du protocole d'accord et à réaliser tous les engagements dans les délais convenus.

s A la Chefferie de Luhwinja

> Octroyer dans les meilleurs délais aux habitants délocalisés à Cinjira des espaces de terres arables pour la culture et le pâturage conformément aux engagements pris lors du processus de délocalisation ;

> Assurer le suivi de la mise en oeuvre des engagements de la société Twangiza Mining SARL vis-à-vis des habitants délocalisés.

s A la société Twangiza Mining SARL

> Mettre à la disposition des habitants délocalisés à Cinjira, les titres de propriété pour leurs logements ;

> Accélérer les travaux de réhabilitation et d'agrandissement des maisons des délocalisés en tenant compte de la taille de chaque ménage mais aussi des normes relatives à un habitat ;

51

locales, les représentants mandatés par les différentes composantes de la communauté, les organisations de la société civile actives dans la défense d'intérêts communautaires et les populations affectées elles-mêmes ;

? Rendre disponible la synthèse en langues locales et nationales l'Etude d'Impact Environnemental, le Plan de Gestion Environnemental du Projet ainsi que le Plan d'Atténuation et de Réhabilitation ;

? Que l'entreprise se conforme aux prescrits de la lettre du Ministre des Mines en ce qui concerne l'amélioration des conditions de logement des relocalisés à Cinjira ;

? Revoir les indemnités versées aux habitants délocalisés en donnant des compensations justes équitables et proportionnelles. Ces indemnités devraient prendre en compte les champs en jachère, les sites rituels, les tombeaux et les forets traditionnelles ;

? Subventionner la reconstruction des structures annexes à Cinjira afin d'éviter la promiscuité des membres de famille.

Nous ne prétendons pas épuiser la matière de notre thématique. Nous estimons que ce travail n'a pas été définitif, reconnaissant que toute oeuvre humaine est sujette à des imperfections et des lacunes. Néanmoins nous pensons avoir abordé les aspects essentiels de notre problématique. Ainsi, les autres chercheurs peuvent nous emboiter le pas et aborder d'autres aspects du présent travail notamment la scolarité ou encore la santé de la population affectée par le projet minier Twangiza, etc.

52

BIBLIOGRAPHIE

I. INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX

· Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ;

· Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels ;

II. INSTRUMENTS JURIDIQUES NATIONAUX

· Constitution de la RDC (Journal Officiel de la RDC, 47e année, numéro spécial du 18 février 2006) ;

· Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier de la RDC (Journal Officiel de la RDC numéro spécial du 15 juillet 2002) ;

· Loi n°73-021 du 20 Juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés telle que modifiée et complétée par la Loi n°80-008 du 18 Juillet 1980 ;

· Loi n°77/01 du 22 Février 1977 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que complétée par la Loi n°11-2004 du 26 Mars 2004 portant procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ;

· Décret n°038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement minier de la RDC (Journal Officiel de la RDC numéro spécial du 1er avril 2003);

· Décret du 30 Juillet 1888 portant Code civil congolais livre III ;

III. DOCTRINE

· BAMBI KABASHI (Adolphe), « le droit minier congolais à l'épreuve des droits fonciers et forestiers », Paris, l'Harmattan, 2012 ;

· BAKANDEJA Wa MPUNGU (Grégoire), « Droit minier et des hydrocarbures en Afrique centrale. Pour une gestion rationnelle, formalisée et transparente des ressources naturelles », Bruxelles, Larcier, 2009 ;

· SAKATA (Garry), « La réforme du secteur des ressources naturelles : Historique, enjeux et bilans », L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2008-2009, Paris, L'Harmattan ;

· MAZALTO (Marie), « Gouvernance du secteur minier et enjeux de développement en République Démocratique du Congo », Thèse de doctorat en sociologie, Montréal, Université du Québec, 2010 ;

53

· LEPRIYA NKOY (Arthur), « La concession mode d'exploitation minière en droit congolais », Les analyses juridiques, N°4/2004, Lubumbashi, 2004 ;

· ZONGWE DUNIA, « The Legal Justifications for a People-Based Approach to the Control of Mineral Resources in the Democratic Republic of the Congo», Cornell Law School Inter-University Student Conference Papers, Paper 12, New York, 2008;

· NAMEGABE RUGARABURA (Paul-Robain) et MURHULA BATUMIKE (Paterne), « Contribution à l'analyse de la nature juridique des mesures de délocalisation des populations au profit de Banro Corporation à Twangiza», Conjonctures Congolaises, Bukavu, 2013 ;

IV. RAPPORTS, MEMOIRES ET COURS

· Maison des Mines du Kivu (MMKi ASBL), « évaluation des impacts des investissements miniers de Banro Corporation sur les droits humains en République Démocratique du Congo : cas de la délocalisation des communautés locales par Twangiza Mining dans la chefferie de Luhwinja au Sud-Kivu », Bukavu, 2015 ;

· Plateforme des organisations de la société civile intervenant dans le secteur minier (POM), « rapport d'étude sur les pratiques d'expropriation, d'indemnisation, de délocalisation/réinstallation des communautés affectées par les projets miniers », Lubumbashi, 2015 ;

· Banque Mondiale, Manuel Opérationnel de la Banque Mondiale Politiques opérationnelles, OP 4.12, « Involuntary Resettlement » ;

· BAD&FAD, « Politique en matière de déplacement involontaire des populations » ;

· Analyse de la législation environnementale et sociale du secteur minier en RDC, 2010 ;

· LWANGO MIRINDI (Patient), « cours de droit minier », inédit 2013-2014, UCB ;

· Justice pour tous Asbl, « impacts socio-économique et environnemental de l'exploitation minière sur les communautés locales au Sud-Kivu : un regard analytique sur la filiale Twangiza Mining à Luhwinja. », 2015 ;

· BALAGIZI BYAMUNGU (Trésor), « impact socio-économique de la délocalisation : cas des artisans miniers de Twangiza », mémoire présenté et défendu, UCB, 20152016.

54

V. WEBOGRAPHIE

· www.congomines.org

· www.wikipedia.org

· www.ohchr.org

· www.fao.org

· www.banquemondiale.org

· http://www.ifc.org

· http://www.afdb.org

· https://consultations.worldbank.org

55

Table des matières

PRELUDES I

IN MEMORIAM II

DEDICACE .III

REMERCIEMENTS IV

SIGLES ET ABREVIATIONS V

INTRODUCTION 1

PROBLEMATIQUE 1

HYPOTHESE 2

CHOIX ET INTERET DU SUJET 2

METHODOLOGIE ET TECHNIQUE DU TRAVAIL 3

DELIMITATION DU SUJET 4

PLAN SOMMAIRE 4

CHAPITRE I : ANALYSE DES DISPOSITIONS LEGALES RELATIVES AU

DEPLACEMENT DES POPULATIONS AFFECTEES PAR LES PROJETS MINIERS 5

SECTION 1. BREF APERCU HISTORIQUE DU SECTEUR MINIER EN RDC 5

SECTION 2. QUELQUES CONCEPTS ET TERMES CLES 6

SECTION 3. DISPOSITIONS LEGALES RELATIVES AU DEPLACEMENT DES

POPULATIONS AFFECTEES PAR LES PROJETS MINIERS 11

§1. Cadre légal international et régional en matière de déplacement des populations

affectées par les projets miniers 11

§2. Etat de la législation congolaise en matière de déplacement des populations affectées par

les projets miniers 20

CHAPITRE II : ANALYSE DU DEPLACEMENT DES HABITANTS DE TWANGIZA AU

PROFIT DE LA SOCIETE TWANGIZA MINING SARL 28

SECTION 1. BREF APERCU SUR LA CHEFFERIE DE LUHWINJA 28

SECTION 2. IMPACTS DU PROJET TWANGIZA MINING SUR LE CADRE DE VIE DES

HABITANTS DE TWANGIZA 29

§1. Impacts positifs du projet Twangiza Mining 29

§2. Impacts négatifs du projet Twangiza Mining 30

SECTION 3. IMPACTS LIES AU PROCESSUS DE DELOCALISATION DES HABITANTS

DE TWANGIZA 31

§1. Alternatives à la délocalisation 32

§2. Processus d'information, de consultation et de choix du site de réinstallation 33

56

§3. Processus d'indemnisation des habitants affectés 34

§4. Délais accordés pour le déplacement et usage de la force dans le processus d'évacuation

des habitants 36

§5. Voies de recours et cas des réclamations 37

SECTION 4. APPLICATION DES DISPOSITIONS LEGALES RELATIVES AU DEPLACEMENT DES POPULATIONS DANS LE CAS DES HABITANTS DE TWANGIZA

38

§1. Obligations et responsabilités des parties prenantes en matière de déplacement des

populations affectées par les projets miniers 38

§2. Imputabilité des parties prenantes issue des impacts négatifs liés au déplacement des

habitants de Twangiza au profit de la société Twangiza Mining SARL 39

CONCLUSION 47

BIBLIOGRAPHIE 52

Table des matières 55






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