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La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en République Centrafricaine


par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016
  

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B- Des moyens substantiels primitivement417 limités

Compte tenu de leur relative « jeunesse », et partant des systèmes en construction, il n'est guère étonnant que la CEEAC ou l'UA se soit très vite heurtée à des difficultés opérationnelles. Le diagnostic général posé par la Présidente de la Commission de l'UA indiquant que l'UA avait fait « face à de sérieuses contraintes en termes de ressources, de logistique et de capacités, qui ont empêché les opérations déployées sur le terrain de remplir pleinement leurs mandats et d'atteindre tous leurs objectifs418 » ne saurait être, objectivement, mis en discussion.

En pratique, l'exécution des Missions de paix de l'UA en général, et celle de la MISCA particulièrement, a mis en évidence des limites substantielles qui sont principalement de deux ordres : d'un côté il s'agit des limites logistiques et techniques (1) et de l'autre, des limites financières (2).

1- Des limites d'ordre logistique et technique

Il faut relever en premier lieu les difficultés logistiques constitutives au premier plan des lenteurs du déploiement des Missions de l'UA.

L'UA a montré ses capacités limitées en termes de transport, d'équipement419 et de formation des contingents. Les délais de mise sur pied d'une Mission de paix sont apparus parfois considérables et de fait ne correspondent pas à l'évolution de la situation sur le terrain de

416 Cf. S/RES/2149 (2014), par. 22, p. 9.

417 Référence veut être faite ici aux difficultés éprouvées, essentiellement, par la MISCA en son temps.

418 Doc. UA, Premier Rapport intérimaire de la Commission de l'Union africaine sur la situation en République centrafricaine et les activités de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, 22p., par. 10.

419 Il faut noter que les Etats-Unis ont apporté un soutien logistique direct en termes de transport stratégique, d'équipement et de communications. L'Algérie s'est engagée à soutenir le transport stratégique (Cf. Premier Rapport intérimaire de la Commission de l'UA sur la RCA et les activités de la MISCA, op. cit., par. 24).

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déploiement. Pour se convaincre du peu qui puisse être, il faut se référer à l'échéance entre la décision du déploiement de la MISCA et sa mise en oeuvre effective.

La décision du déploiement de la MISCA a été adoptée le 13 juillet 2013420, et ce ne sera que le 19 décembre 2013 ou 5 mois plus tard qu'il y a effectivement eu transfert d'autorité entre la MICOPAX et celle-ci. Mais il ne s'agit pas d'une spécificité dans les jus de l'UA. Car, même dans le cas de la MIAB ou Mission africaine au Burundi, le chronogramme de déploiement et de conduite de l'opération, tel qu'il avait été envisagé421 a connu des retards dans sa mise en oeuvre, entrainant de fait un décalage de 6 mois sur tout l'ensemble du calendrier d'exécution422. Il ne serait donc pas un crime de penser que finalement c'est une tendance dans la pratique de l'UA, que quelques mois séparent la décision autorisant le déploiement d'une Mission de paix et son début d'exécution.

En second lieu, les limites techniques ont trait à la conduite des Missions de l'UA, c'est-à-dire, une fois que celles-ci sont déployées. Ici il convient de braquer les feux principalement sur la question des effectifs, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

A l'égard du premier aspect, l'on pourrait reproduire les observations précédemment formulées en ce qui concerne le déploiement. Toutefois, il convient de mentionner plus spécifiquement le cas de l'élargissement du cadre opérationnel d'une Mission de l'UA en cours d'exécution. Sous cet angle de vue, l'on peut observer que d'un côté, l'accroissement du mandat soulevait la question de la capacité de mobilisation de l'Organisation pour combler les déficits constatés en termes de personnels militaires.

Dans le cas de l'AMISOM ou African Mission in Somalia, le Président de la Commission indiquait ainsi qu'« en dépit du travail remarquable abattu par l'AMISOM et des

420 Cf. PSC/PR/COMM.2(CCCLXXXV), op. cit.

421 Selon les données fournies par certains auteurs, le déploiement progressif de la MIAB devait se dérouler ainsi: «9-17 April 2003: Arrival of advance elements in Bujumbura; 27 April 2003: Establishment of mission headquarters; 1 May 2003: Transition from the SA Protection Support Detachment (SAPSD) to AMIB; 18 May 2003: Arrival of 11 advance-element personnel from Ethiopia; 25 May 2003: Establishment of the Muyange excombatant assembly area in Bubanza Province2; 26 May 2003: Arrival of 11 advance-element personnel from Mozambique; 1 June 2003: Establishment of an integrated headquarters». Voir BOSHOFF (H.), VERY (W.) and RAUTENBACH (G.) «The Burundi Peace Process From civil war to conditional peace», in ISS Monograph Series, n°171, 2010, p. 53.

422 Comme on a pu le faire observer dans le cas de l'AMIB « (...) contribution from Ethiopia and Mozambique arrived as late as October 2003. The delay was largely attributed to lack of adequate funding and ground preparation at time». JENG (A.), Peacebuilding in the African Union : Law, Philosophy and Practice, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 222.

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améliorations enregistrées dans les zones où la Mission est déployée, les effectifs actuels sont trop limités pour accomplir effectivement le mandat de la Mission423 ».

Et sur le plan qualitatif, c'est le niveau de formation des armées africaines qui est apparu problématique ; et plus particulièrement leurs aptitudes à exécuter efficacement les taches requises dans le cadre des Missions de paix. Or, il faut le rappeler, sans que cela emporte totalement et définitivement conviction, quelques soldats des contingents de la RDC, du Tchad ou du Congo ont été régulièrement accusés de violer des enfants. Mais un autre cas semble plus pertinent. Dans le cas de l'AMISOM, il faut noter que la charnière principale de sa composante militaire repose sur les soldats de l'armée ougandaise. Or, dans l'affaire des Activités armées sur le territoire du Congo, la CIJ avait considéré, « au vu du dossier », « (...) qu'il existe des éléments de preuve crédibles suffisants pour conclure que les troupes des UPDF[Uganda People Defense Forces] ont commis des meurtres, des actes de torture et d'autres formes de traitement inhumain à l'encontre de la population civile, qu'elles ont détruit des villages et des bâtiments civils, qu'elles ont manqué d'établir une distinction entre cibles civiles et militaires et de protéger la population civile lors d'affrontements avec d'autres combattants, qu'elles ont incité au con it ethnique et (...) qu'elles ont été impliquées dans l'entraînement d'enfants soldats et qu'elles n'ont pris aucune mesure visant à assurer le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire dans les territoires qu'elles occupaient424 ». Il faut dire que ces limites sont dues, en partie, au manque de ressources financières que disposent ces organismes.

2- Des limites d'ordre financier

Il s'agit des limites les plus importantes car révélatrices d'une dissociation entre les objectifs ambitieux assignés aux OSP et les moyens propres dont dispose l'Organisation. En effet, dans le cas de la MISCA, le budget estimé pour son déploiement durant sa première année était de 500 millions de dollars. Et pour espérer atteindre ce montant, une Conférence d'appel de fonds a dû être organisée par l'UA. C'est alors que pendant cette Conférence, et avec le soutien des Nations Unies, près de 314 millions de dollars, correspondant à des apports financiers et en nature, ont été mobilisés auprès des pays et institutions suivantes : Afrique du Sud, Canada, Côte d'Ivoire, États-Unis, Éthiopie, Gambie, Japon, Luxembourg,

423 Doc. UA/CPS, Communiqué. PSC/PR/Comm.(XXVIII), 28ème réunion du Conseil de Paix et de Sécurité, le 28 avril 2005, 4p. ; para. 3, p. 1.

424 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, para. 211, p. 241.

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Nigeria, Norvège, CEEAC et UE ; la contribution de cette dernière constituant une partie substantielle des ressources financières mobilisées425.

Toutefois, l'insuffisance des ressources propres et la tardive concrétisation des promesses de financement avaient entravé le déploiement des contingents nécessaires à la mission. La solution proposée dans un premier temps par l'UA consistait à ce que les Etats contributeurs de troupes soient responsables financièrement des deux premiers mois de déploiement, en attendant le remboursement par l'UA, et avec la garantie que cette dernière assumera la charge par la suite. A l'épreuve des faits, il en a résulté que le déploiement du bataillon burundais de 850 hommes n'a été accéléré et mené à bien entre le 12 et le 20 décembre 2013, que grâce au soutien des États-Unis ; il en était différent du bataillon mécanisé rwandais car, ce n'est que plus tard, entre le 16 et 28 janvier 2014, que les 850 hommes ont été, toujours grâce aux Etats-Unis426.

Toutes ces limites ont fait l'objet d'un constat lucide, dont l'expression la plus nette peut être identifiée dans le Rapport du Président de la Commission de janvier 2007, préconisant le lancement de l'AMISOM. Dans ses lignes générales, il en ressort que l'Organisation est empreinte d'un volontarisme presque messianique427, mais qui n'est pas dénué de lucidité à la fois sur la difficulté de la tâche à accomplir428 et quant à ses propres limites opérationnelles429. Ce qui ferait que l'UA a dû opter pour une intervention, finalement, indirecte et en industrie avec l'initiative africaine pour la paix et la réconciliation en RCA.

425 Cf. Premier Rapport Intérimaire de la Commission de l'Union Africaine sur la situation en République Centrafricaine et les activités de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine, op. cit, par. 24.

426 Idem.

427 Selon le Président de la Commission « l'Union africaine ne peut abdiquer ses responsabilités envers la Somalie et trahir la confiance de son peuple. L'Union africaine est la seule organisation vers laquelle le peuple somalien peut se tourner dans l'immédiat, alors qu'il s'emploie à se relever de décennies de violence et de souffrances inouïes. Nous avons un devoir et une obligation de solidarité envers la Somalie. En outre, l'amélioration des perspectives de paix et de réconciliation durables en Somalie aura une incidence positive considérable sur l'ensemble de la Corne de l'Afrique, une région qui a été et est toujours durement affectée par le fléau des conflits et de l'instabilité ». Doc. UA/CPS, Rapport du Président de la Commission sur la Situation en Somalie. PSC/PR/2 (LXIX), 69ème réunion du Conseil de paix et de sécurité, le 19 janvier 2007, 12p. ; para. 37, p. 11.

428 C'est avec lucidité que le Président de la Commission avait relevé que « les difficultés liées à une opération en Somalie, un pays qui est resté sans gouvernement central pendant les 16 dernières années et où la sécurité reste précaire, ne peuv[ai]ent être sous-estimées ». Doc. UA/CPS, Rapport du Président de la Commission sur la situation en Somalie. PSC/PR/2 (LXIX), 69ème réunion du Conseil de paix et de sécurité, le 19 janvier 2007, 12p., para. 36, p. 11.

429 En déployant l'AMISOM, l'Organisation, par la voix du Président de la Commission, parait bien « conscient[e] des limites de la Commission en ce qui concerne sa capacité à gérer des opérations de soutien à la paix de grande échelle, ainsi que l'a clairement montré l'opération de l'AMIS ». Doc. UA/CPS, Rapport du Président de la

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PARAGRAPHE II : L'initiative africaine pour la paix et la réconciliation en RCA ou une
intervention finalement indirecte et en industrie

Depuis le retour à la légalité constitutionnelle, le 30 mars 2016, avec l'élection du Président de la république430, la RCA s'est résolument engagée sur la voie du retour à la paix, de la restauration de l'autorité de l'Etat, de la réconciliation et de la justice, du relèvement économique et de la reconstruction de l'Etat.

La présence de la Mission de maintien de la paix des NU, la MINUSCA, qui a pris la relève de celle de l'UA, la MISCA, a certes joué un rôle important dans la stabilisation du pays, la défense des institutions démocratiques et la protection des civils. Cependant, les groupes armés continuent à se déployer sur de vastes régions et parfois même à se renforcer, menaçant ainsi l'ensemble du territoire national et l'amorce d'un véritable processus de réconciliation nationale dans le pays.

En dépit de la volatilité de la situation sécuritaire sur une bonne partie du territoire national, le Président TOUADERA a formulé une politique de « main tendue » à tous les Centrafricains et a appelé ses « Frères africains » et les « Amis de la RCA » à soutenir le peuple centrafricain dans cette démarche431.

« C'est en réponse à cet appel et dans l'optique de traduire dans les faits la solidarité africaine avec le gouvernement et le peuple centrafricain qu'est née l'initiative africaine432 ». Cette initiative africaine, signée par différents chefs de délégation433, et qui vise notamment le gouvernement centrafricain et les groupes armés affiliés au processus DDRR434 établit, d'un côté, des objectifs et principes directeurs qui façonnent le cadre opérationnel orienté vers une gestion consensuelle et structurée du conflit (A), et de l'autre, des thématiques qui constituent une initiative tendant manifestement à une éducation à l'entrepreneuriat et à la citoyenneté (B).

Commission sur la situation en Somalie. PSC/PR/2 (LXIX), 69ème réunion du Conseil de paix et de sécurité, le 19 janvier 2007, 12p. ; para. 36 ; pp. 10-11.

430 Au cours de cette échéance électorale qui a connu la participation de plus d'une vingtaine de candidats, c'est le professeur Faustin-Archange TOUADERA qui a été déclaré définitivement vainqueur, après un second tour qui l'a opposé avec monsieur Anicet-George DOLOGUELE.

431 Lire sur ce point, Discours du Président TOUADERA à l'occasion de son investiture, Bangui, 30 mars 2016.

432 Feuille de route pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, Libreville, 17 juillet 2017, 12p., 1.3, p.2.

433 Le SG de la CEEAC, le Commissaire Paix et Sécurité de l'UA, les ministres des affaires étrangères de la RCA, Angola, du Congo, du Gabon, le ministre de la sécurité publique du Tchad et le SG de la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs (CIRGL).

434 Ibid, 4.2, p.7.

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A- Les objectifs et principes établis dans l'initiative africaine : façonnage d'un cadre opérationnel orienté vers une gestion consensuelle et structurée du conflit Il faut démarquer les objectifs (re) fixés à atteindre et qui sont ambitieux dans cette initiative (1) de ses principes directeurs (re) pris et qui, eux, sont relativement convenus dans la pratique du RPD (2).

1- Une (re)fixation ambitieuse des objectifs à atteindre

L'initiative de l'UA en RCA a pour objectif général de promouvoir le dialogue entre le gouvernement centrafricain et les groupes armés qui ont intégré le Comité Consultatif et de Suivi du DDRR en vue de parvenir à un Accord de paix et de réconciliation. Elle vise aussi à créer les conditions favorables à un désarmement complet, au renforcement de l'ordre constitutionnel et démocratique incarné par le Président de la République et l'Assemblée nationale issus des élections populaires de 2015 et 2016, à l'implication volontaire des groupes armés dans la dynamique inclusive de construction nationale435.

Toutefois, les résultats ou objectifs spécifiques attendus dans le cadre des efforts de paix contenus dans la Feuille de route de l'UA permettent d'inclure les éléments suivants436 : (a) l'accord sur les modalités pratiques de mise en oeuvre des conclusions pertinentes du Forum de Bangui de 2015, autant en matière de la reconnaissance et de traitement égal de toutes les composantes de la Nation centrafricaine qu'en ce qui concerne le développement socio-économique équitable afin de réduire les disparités entre les différentes régions du pays ; (b) la mise en oeuvre du processus DDRR dans le cadre des travaux de la Coordination du DDRR/RSS, des Comités Techniques et du CCS dans lequel siègent les 14 groupes armés. Ces actions qui vont se baser sur les principes de fraternité, de justice, de l'inclusion et de cohésion nationale, s'articuleront autour de la démobilisation volontaire et de l'intégration des membres éligibles des éléments des groupes armés dans les structures sécuritaires et socio-économiques appropriées de l'Etat et de la société centrafricaine ; (c) le développement des conditions politiques et de sécurité propices au renforcement de l'autorité de l'Etat et au déploiement des structures administratives sur l'ensemble du territoire national ; (d) l'établissement d'un mécanisme de mise en oeuvre de l'accord et du suivi des actions sur le terrain en cohérence avec les structures étatiques établies et l'accompagnement technique et logistique nécessaire de la communauté africaine et international et la mise en oeuvre des mécanismes de justice transitionnelle pour renforcer le processus de réconciliation nationale,

435 Ibid, 2.1, p. 5.

436 Ibid, 2.2, p. 5.

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en prenant en compte les victimes et en valorisant les outils endogènes de réactivation du vivre-ensemble dans les communautés locales. A côté de ces objectifs ambitieux, des principes directeurs relativement convenus dans la pratique du RPD ont été (re)pris.

2- Une (re)prise des principes directeurs437 relativement convenus dans la pratique du RPD

En vue de favoriser un climat apaisé nécessaire pour la conduite réussie du processus de dialogue, les parties prenantes de la crise centrafricaine s'engagent à se conformer aux principes directeurs suivants : (a) le respect de la Constitution de la RCA du 30 mars 2016 et la légitimité des institutions démocratiques du pays ; (b) l'engagement à promouvoir le dialogue constructif, de bonne foi et dans un esprit de compromis en mettant en exergue l'intérêt national au-dessus de toute autre considération, le respect de l'unité nationale et de l'intégrité du territoire de la RCA ; (c) l'engagement de garantir le succès d'un dialogue structuré avec les groupes armés, à travers la mise en oeuvre des conclusions pertinentes du Forum de Bangui ; (d) la reconnaissance que la violence, la force et l'usage des armes ne constituent pas la solution aux nombreux défis auxquels fait face la RCA et, par conséquent, l'engagement à privilégier une solution pacifique des revendications de quelque nature que ce soit ; (e) la prise en compte de la présomption d'innocence de tout individu soupçonné de commettre des crimes graves tant qu'il n'aura pas été jugé coupable par une juridiction compétente en la matière ; (f) l'engagement de l'Etat à assurer la protection de tout individu dument mandaté par l'une des parties pour participer au processus de paix dans les différentes structures mises en place afin de faciliter la sérénité des travaux et (g) la reconnaissance que l'impunité n'a jamais constitué une solution durable aux crises récurrentes en RCA et l'engagement à respecter la lutte contre les violations des droits humains et du droit international humanitaire et à l'examen de toutes les options pertinentes à cet égard, notamment celles tirées du complexe conceptuel de la justice transitionnelle. Pour une appropriation nécessaire de ces objectifs et principes directeurs, des thématiques ont été inscrites.

B- Les thématiques établies dans le cadre de l'initiative africaine : une initiative tendant manifestement à l'éducation à l'entrepreneuriat et à la citoyenneté

De façon synthétique et non exhaustive438, les sujets de discussion s'articulent autour des thématiques suivantes : d'une part, les questions politiques et socio-économiques, et

437 Ibid, 3, pp. 6 et 7.

438 Ibid, 7.1, p. 9.

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d'autre part, les questions sécuritaire, humanitaire, judicaire et de réconciliation. Les premières traduisent cette éducation à l'entrepreneuriat (1) et les secondes, l'éducation à la citoyenneté (2).

1- Une éducation à l'entrepreneuriat de par les questions politiques et socio-économiques retenues

Les chefs de délégation de l'initiative africaine considérés ont retenu cinq points à ce sujet. Le premier concerne le relèvement des conclusions pertinentes du Forum de Bangui et des mesures concrètes pour leur mise en oeuvre, notamment les questions d'inclusion, de participation politique et de représentation équitable des différentes régions et communautés dans les appareils d'Etat. Les chefs de délégation remarquent toutefois, qu'il y a des préfectures qui, aujourd'hui, continuent de jouir d'une accalmie propice à des actions de développement. Il est indispensable, selon eux, que le gouvernement investisse dans ces régions et apporte cette prime à ceux qui ont préservé la paix et la concorde sociale. Ils estiment qu'en opérant un tel ajustement dans la distribution de ses efforts, le gouvernement offrira les raisons de croire en la paix à ces populations. Ainsi en plus de faire de la ville de Bambari un modèle de retour de l'autorité de l'Etat, le gouvernement centrafricain propose à ses partenaires des actions vigoureuses de soutien aux efforts de développement dans les préfectures.

Les autres points, sans être détaillés, concernent respectivement les réformes en matière de décentralisation administrative pour un développement équitable et équilibré des régions, le mécanisme de réglementation et de protection de la transhumance, et le statut des anciens Chefs d'Etat. A ces questions, s'ajoutent bien d'autres.

2- Une éducation à la citoyenneté de par les questions sécuritaire, humanitaire, judiciaire et de réconciliation439 soulevées

Les questions de sécurité et de défense en RCA sont de celles principalement abordées par les différents acteurs, aussi bien nationaux qu'internationaux.

Pour les chefs de délégation de l'initiative africaine, l'accent est mis, d'abord, sur le programme DDRR et l'adoption des mesures concrètes, pour sa mise en oeuvre sur la base des acquis enregistrés, et intérimaires durant la période de mise en oeuvre du DDRR (y compris la constitution d'unités de sécurité de proximité) ; ensuite sur le mécanisme de redéploiement

439 Ibid, B et C, p. 10.

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graduel des FDS à travers le pays ; enfin sur les principes de mise en oeuvre du programme de RSS.

Pour ce qui concerne la question humanitaire et sans en dire davantage, les initiateurs africains de la paix et de la réconciliation en RCA comptent prendre des mesures socio-sécuritaires pratiques pour un retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées. Il en est de même pour la justice dont la réparation pour les victimes est un point crucial et les mécanismes de justice transitionnelle et de réconciliation nationale.

Il s'avère important de noter que le processus de dialogue initié par ces acteurs africains est facilité et coordonné par un « Panel de facilitation » dont ils en font tous partie. Ce Panel qui agit collégialement sous la direction du Représentant désigné de l'UA440 a pour mission principale de convoquer et présider la plénière des rencontres avec les parties prenantes, modérer et faciliter les discussions et compromis.

Le Panel de facilitation est accompagné du Comité technique qui « assure le secrétariat de la facilitation441 ».

440 Ibid, 5.2, p. 8.

441 Ibid, 5.4, p. 8.

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CONCLUSION DU CHAPITRE II

En définitive, dans les expressions pratiques du partenariat entre la CEEAC/UA et l'ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité en RCA, deux choses doivent être mises en avant. La première concerne l'intervention de l'ONU en RCA au moment où la prise en charge du conflit qui a éclaté dans ce pays était relevait de la compétence des organismes régionaux considérés, c'est-à-dire la CEEAC et l'Union Africaine. Et la seconde concerne l'intervention de la CEEAC/UA dans le processus de résolution du conflit centrafricain depuis le déploiement de la Mission de l'ONU.

Pour la première, cette intervention s'est faite dans le but de consolider les « succès » de la CEEAC et de l'UA. Et pour la seconde, cette intervention a eu lieu dans l'optique de faciliter la réalisation de l'objectif de la MINUSCA qui est de restaurer la paix et la sécurité en RCA.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

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Depuis quelques décennies, les organismes régionaux sont devenus des acteurs importants sinon, de facto, capitaux en matière de maintien de la paix et de la sécurité. Cette « (re)naissance régionale », pour paraphraser les auteurs Eric BERMAN et Katie SAMS442, ne devrait pas moins découler la (re)prise de conscience des dangers sécuritaires graves qui menacent leur sphère, et pourquoi pas, de la « réticence » de l'ONU à se retrouver impliquée dans la résolution des conflits dont elle connait moins ou pas les origines. Ce qui contribuerait à pousser l'ONU à développer ou construire une relation de partenariat avec ceux-ci, bien qu'elle soit, de jure, la responsable (principale) en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le conflit qui a éclaté en République Centrafricaine depuis le changement anticonstitutionnel du 24 mars 2013 et qui, dans l'optique de sa résolution, a vu l'intervention d'une série d'organisations internationales est un bel exemple pour se convaincre de l'idée selon laquelle les organismes régionaux, notamment la CEEAC et l'UA sont des partenaires de l'ONU. En effet qu'il s'agisse des organismes régionaux considérés ou de l'ONU, chaque acteur, et à sa manière, laisse entrevoir les marques ou expressions de cet état de chose. Et c'est ainsi que l'on relève les deux caractères de ces expressions du partenariat : d'une part des expressions théoriques, et d'autre part des expressions pratiques.

Les expressions théoriques renvoient aux initiatives d'élaboration des textes, de quelque nature, portée ou caractère que ce soit, de ces différents acteurs dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde en général, et en RCA en particulier. On a par exemple, de la part de l'ONU ou de la CEEAC/UA, des résolutions, décisions, rapports ou déclarations qui, de par leurs intitulés ou substances, témoignent de la relation de partenaires qui existe entre ces entités.

Et les expressions pratiques quant à elles, renvoient aux initiatives concrètes ou actions entreprises par ces organisations en vue de l'atteinte de l'objectif, à elles, commun qui est la pacification de la RCA. C'est ainsi que l'ONU, pour sa part, est intervenue dans le but de consolider les acquis enregistrés par la CEEAC et l'UA ; et ces dernières, à leur tour également, ont pris des dispositions en vue de faciliter l'accomplissement de la mission de l'ONU en RCA.

442 BERMAN (Eric) et SAMS (Katie), « Le maintien de la paix en Afrique », in Forum du désarmement, Vol. 3, 2000, p. 24.

CONCLUSION GENERALE

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Autrefois considéré comme un espace paisible, le continent africain est devenu, depuis quelques décennies, « la zone stratégique la plus déstabilisée de la planète443 ». Comment sortir de cette instabilité chronique et de la guerre civile qui guettent en permanence derrière le rideau pour parvenir à une stabilité et un développement durables, et donc préserver la paix mondiale ? C'est à l'ONU que revient, en principe, la charge de répondre à cette question ; c'est elle qui a la responsabilité (principale) de maintenir la paix et la sécurité internationales.

Devant les besoins grandissants en matière de maintien de la paix, il ne peut être évident que l'ONU parvienne à prendre concomitamment en charge tous les conflits survenant dans le monde, d'où nécessité sinon exigence de décentraliser cette fonction ; et les rédacteurs de la Charte des Nations Unies ont eu la sagesse de le faire dans le Chapitre VIII qui traite des accords ou organismes régionaux.

Aucune définition sur la notion d'organismes régionaux n'a été donnée par la Charte. Malgré quelques premières réticences par rapport à des regroupements d'Etats sans cohérence géographique évidente (Ligue des Etats Arabes) ou à des alliances militaires (OTAN), il a été très vite admis de considérer tout type d'association comme pouvant prendre des mesures en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales. C'est le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali, dans son Agenda pour la paix, qui a donné une définition très large en estimant que « les associations ou entités en question peuvent être des organisations créées par un traité, avant ou après la fondation de l'Organisation des Nations Unies, ou bien des organisations régionales de sécurité et de défense mutuelles, ou encore des organisations destinées à assurer le développement régional d'une façon générale ou sur un aspect plus spécifique. Ce peut être encore des groupes créés pour traiter d'une question particulière, qu'elle soit politique, économique ou sociale, posée au moment considéré ». Mais la seule condition tient au respect des deux principes incontournables énoncés dans l'article 52 : règlement pacifique d'affaires pouvant être traitées dans un cadre régional ; respect des buts et principes des Nations Unies.

D'une part au regard déjà de cette définition, l'on peut aisément attribuer à la CEEAC et à l'UA les statuts d'organismes régionaux. Mais concernant ce dernier critère (respect des buts et principes des NU), les textes constitutifs des organisations régionales considérées précisent régulièrement que l'une ou l'autre organisation est créée en vertu du

443 BONIFACE (Pascal) : « Afrique, de l'ingérence à l'indifférence », Le Figaro, 16 mai 2000.

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Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Ils contiennent également des assurances quant à l'intention de chacune de ces organisations de respecter les buts et principes des Nations Unies : c'est ce qui contribue fondamentalement à affirmer, au terme de cette étude dont l'enjeu était de déterminer la relation existant entre la CEEAC, l'UA et l'ONU dans le cadre de la résolution du conflit centrafricain que ces organismes sont des sous-traitants de l'ONU. Et cela pourrait, in globo, trouver comme élément de justification le fait que l'ONU, de par le nombre de ses Etats membres, apparaît comme le parachèvement de l'histoire du droit international ayant édifié un système de sécurité collective plus solide et plus vieux.

D'autre part, cette étude permet de remarquer que la CEEAC et l'UA, de par leur fonction en matière de promotion, de maintien et de consolidation de la paix et de la sécurité, contribuent significativement à conférer aux nouveaux rapports panafricains et bien au-delà une dimension et une visibilité aussi essentielles qu'importantes dans la galaxie des organisations internationales. Leurs aptitudes, reconnues, à déployer des Missions de maintien de la paix, la substance des textes initiés par eux ou par l'ONU notamment les concernant sont autant de raisons, en filigrane, qui permettent d'affirmer qu'elles sont des partenaires de l'ONU. Cela est d'ailleurs conforté dans le cadre du processus de résolution de la crise centrafricaine où la CEEAC et l'UA jouent, à ce jour, un rôle important aux côtés de la Mission de l'ONU la MINUSCA, présente depuis le 15 septembre 2014 et dont l'objectif principal est de consolider les progrès enregistrés grâce à leurs actions.

En tout état de cause, si cette relation de sous-traitance semble s'enraciner déjà et surtout est de droit, celle du partenariat par contre n'est pas claire et achevée, elle est en construction.

Cependant, les actions menées par la MINUSCA jusque-là ne semblent pas toujours répondre aux attentes de la population, ou au moins contenir véritablement la crise ; la résurgence quasi régulière d'affrontements des groupés armés qui ont placé le pays à la trainée du processus de paix permet de s'en convaincre.

De ce qui précède, les démarches d'instauration d'une paix et d'un développement durables en RCA doivent être initiées et renforcées, d'abord, par les autorités centrafricaines, et éventuellement par les organismes (sous) régionaux ou internationaux, l'ONU particulièrement ensuite.

En ce qui concerne les autorités centrafricaines, un éventail d'actions concertées et coordonnées à tous les niveaux peut être relevé. Il y a par exemple, la nécessité d'une redistribution équitable des ressources, la justice sociale, une décentralisation effective, la

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mise en place d'une politique d'équilibre régional pour permettre à toutes les régions d'être représentées dans les institutions publiques.

Au niveau régional ou sous régional, les principales limites des Missions de paix étant relevées, plutôt que de déployer une Mission de paix de l'ONU qui requiert beaucoup de ressources financières, et aux bilans parfois mitigés, celle-ci gagnerait à injecter de ressources en vue du renforcement et du réajustement rigoureux des mécanismes de maintien de la paix. Si, de toutes les organisations sous régionales africaines, « la CEDEAO est celle qui a fait le plus pour mettre sur pied une force de maintien de la paix solide444... », c'est peut-être parce que de ressources conséquentes ont été mises en avant ou alors il y a une réelle volonté politique de la part des chefs d'Etat et de gouvernement de cette sous-région. Et l'histoire le témoigne à travers la capacité de cette organisation à contenir ou à prévenir parfois de conflits. Une stratégie sous régionale de sécurisation des frontières devrait être envisagée pour pérenniser la paix, non seulement en RCA, mais également dans toute la sous-région.

A ce niveau également, les Nations Unies et la CEEAC/UA devraient redoubler d'efforts pour promouvoir une interprétation souple et novatrice du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Il est important que les trois institutions aient une compréhension et une appréciation partagées des principes et de l'esprit du Chapitre VIII.

Et en ce qui concerne la MINUSCA, une mise en oeuvre effective et totale de son mandat permettrait d'améliorer la situation sécuritaire sur le terrain. L'on espère qu'avec les régulières prorogations de son mandat, celle-ci finira par achever effectivement le processus de paix enclenché.

444 BERMAN (Eric) et SAMS (Katie), « Le maintien de la paix en Afrique », art. cit., p.26.

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1- Charte des Nations Unies, extraits relatifs à l'objet de la présente étude.

2- Protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine.

3- Protocole relatif au Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale.

ANNEXES

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld