![](La-multiplication-de-lusage-unilateral-du-recours--la-force-par-les-membres-de-lONU1.png)
Université Toulouse 1 Capitole Année universitaire
2019/2020
Master 2 Droit international et droit
européen
Mémoire
LA MULTIPLICATION DE L'USAGE UNILATERAL DU RECOURS A
LA FORCE PAR LES MEMBRES DE L'ONU
Réflexion sur les justifications juridiques du recours
discrétionnaire à la force malgré le cadre
multilatéral onusien prévu à cet effet.
Présenté par Candice Perier
Sous la direction de M. Saïd Hamdouni, Maître de
conférences
1
2
L'Université n'entend ni approuver, ni
désapprouver les opinions particulières émises dans cette
thèse. Ces opinions sont considérées comme propres
à leur auteur.
3
Remerciements
Mes remerciements vont tout d'abord à M. Saïd
Hamdouni, mon enseignant-référent pour son encadrement et ses
précieux conseils.
Cette gratitude s'étend également à
l'Université de Toulouse 1 Capitole pour la possibilité
donnée aux étudiants résidents à l'étranger
de poursuivre des études à distance en France, et ce, dans de
bonnes conditions. Je tiens à témoigner dans le même temps,
mes remerciements à l'équipe pédagogique de ce Master 2
pour avoir assuré ma formation.
Enfin, je tiens aussi à remercier mes proches pour leur
soutien indéfectible, leur encouragement, et leur aide dans la
rédaction de ce mémoire.
4
Liste des abréviations, des acronymes et des
sigles
A.F.D.I Annuaire Français de Droit International
A.G Assemblée Générale des Nations Unies
A.J.I.L American Journal of International Law
Art. Article
A.S.I.L American Society of International Law
C.D.I Commission de Droit International
C.E.D.E.A.O Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
Cf. Confer
C.I.C.R Comité International de la Croix-Rouge
C.I.I.S.E Commission Internationale de l'Intervention et de la
Souveraineté des
Etats
C.I.J Cour Internationale de Justice
C.N.U Charte des Nations Unies
C.P.I Cour Pénale Internationale
C.P.J.I Cour Permanente de Justice Internationale
C.S Conseil de sécurité des Nations Unies
D.I Droit International
Dir. Direction, sous la direction de
Doc. Document
E.C.O.M.O.G.Economic Community of West African States Cease-Fire
Monitoring Group
Ed. Editeur/Editions
5
Ibid. Ibidem (même endroit)
I.D.I Institut du Droit International
J.O Journal Officiel
L.D Légitime Défense
L.G.D.J Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
M.I.N.U.A.R Mission des Nations Unies pour l'Assistance au
Rwanda
M.I.N.U.S.I.L Mission des Nations Unies en Sierra-Leone
M.O.N.U.L Mission d'Observation des Nations Unies au
Liberia
O.I Organisation Internationale
O.M.C Organisation Mondiale du Commerce
O.M.S Organisation Mondiale de la Santé
O.M.P Opération de Maintien de la Paix
O.N.G Organisation des Nations Unies
O.N.U.C.I Opération des Nations Unies en Côte
d'Ivoire
O.N.U.R.C Opérations des Nations Unies pour le
Rétablissement de la Confiance
O.N.U.S.O.M.Opération des Nations Unies en Somalie
Op.cit. Opum citatum (oeuvre citée)
O.T.A.N Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
O.U.A Organisation de l'Unité Africaine
p. Page
P.S.E.I Paix et Sécurité Européenne et
Internationale
P.U.F Presses Universitaires de France
R.C.A.D.I Recueil des Cours de l'Académie de Droit
International de La Haye
R.G.D.I.P Revue Générale de Droit International
Public
S.D.N Société Des Nations
6
S.F.D.I Société Française de Droit
International
S.G Secrétaire Général de l'Organisation
des Nations Unies
T.P.I.R Tribunal Pénal International pour le Rwanda
T.P.I.Y Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie
U.A Union Africaine
U.E Union Européenne
U.N.I.T.A Union Nationale pour l'Indépendance Totale de
l'Angola
Vol. Volume
7
Sommaire
Introduction 9
Première partie : La
détérioration du système instauré par la
Charte
des Nations unies 15
Chapitre I- La réglementation de l'usage de la
force par la Charte
des Nations Unies remise en cause par une pratique contraire
17
Section 1 - Le principe fondamental de
l'interdiction
du recours à la force dans la Charte des Nations
Unies 18
Section 2 - Un principe tempéré par des
exceptions
strictement encadrées 21
Section 3- La montée de l'unilatéralisme
au sein de
l'institution multilatérale par excellence
27
Chapitre II- Les violations du principe de
l'interdiction du recours
à la force facilitées par les
défaillances du système onusien 33
Section 1- La mutation de la notion de menace contre
la paix telle que représentée dans la Charte
des Nations Unies 34
Section 2- Le manque de rigueur juridique dans les
résolutions du Conseil de sécurité
39
Section 3- Le déséquilibre fonctionnel du
Conseil de sécurité
des Nations unies 42
Conclusion de la première partie 48
Seconde partie : Des justifications étatiques
contraires à l'esprit et la
lettre de la Charte des Nations Unies 49
Chapitre I- La dénaturation par les Etats
souverains des principes
du système de sécurité collective de
l'ONU 51
Section 1- L'élargissement illicite de la notion
de
légitime défense 52
Section 2- L'utilisation abusive du concept
d'intervention
humanitaire 58
Section 3- L'échec flagrant dans l'application
de la
responsabilité de protéger 62
8
Chapitre II- Des arguments juridiques incompatibles
avec
l'esprit de la Charte et le Droit international 67
Section 1- La conception hégémonique de
l'argumentaire
« illégal mais légitime » lors
d'une action coercitive 68
Section 2- L'absence de fondement légal pour
la théorie de l'autorisation implicite du recours
à la force 71
Section 3- L'inadmissibilité en droit
international
de la légalisation à posteriori d'un recours
à la force 75
Conclusion de la seconde partie 79
Conclusion générale 80
9
Introduction
«Nul homme n'est assez dénué de raisons
pour préférer la guerre à la paix »
Hérodote
Pierre Hassner dans le Dictionnaire de philosophie politique
à l'article Guerre et paix réfute cette formule en
déclarant qu'il est difficile de trouver une déclaration plus
erronée. Il continue en expliquant qu'à toutes les
époques, les hommes ont considéré la guerre soit, d'abord
comme l'activité normale de la société, soit, ensuite,
comme le dernier recours des gouvernants. En cela, la guerre serait alors
inhérente à la condition de l'homme ou à la nature de la
politique.
La guerre a en effet constitué jusqu'à la fin du
XIXe siècle, la procédure ordinaire de règlement des
différends. Les sociétés se sont donc construites autour
de conflits variés et c'est grâce à ces dernières
qu'elles ont obtenues leur « indépendance, leur assise et leur
puissance sur la scène internationale1». Ainsi, la
guerre, avant le XXe siècle, était considérée comme
le mode principal de régulation des rapports inter-étatiques et,
pour Karl Von Clausewitz, comme « la continuation de la politique par
d'autres moyens2 ».
Selon Albane Geslin3, l'histoire du droit de la
guerre peut être divisée en trois périodes
différentes. La première comprend la période antique
jusqu'au XIXe siècle où apparaît la notion de « guerre
juste ». Dans cette doctrine, l'usage de la force armée
était légalement justifié par les Etats car
nécessaire pour se défendre ou pour la conquête d'un
territoire. Ces guerres se présentent ainsi comme légitime et,
encore aujourd'hui, cet argument est utilisé par certaines grandes
puissances, à l'instar des Etats-Unis, comme justification au recours
à la force armée. La seconde période décrite par
Monsieur Geslin apparaît au XIXe siècle ou la guerre est
utilisée comme un instrument politique par les Etats souverains. La
dernière classification est celle où une solution normative au
recours à la force est apparue avec la Première Guerre mondiale
ce qui in fine a donné naissance au jus ad
bellum4. Une évolution radicale de la
réglementation juridique du recours à la force a de ce fait eu
lieu à partir du dernier tiers du XIXe siècle. À cette
époque, les premières notions limitatives du droit de recourir
à la guerre furent incorporées dans le droit positif et toute
utilisation de la force n'est plus juridiquement
1 Aron R, Paix et Guerre entre les Nations, Paris,
Calmann-Lévy, 8ème édition, Collection Liberté de
l'esprit, 1984, p. 573-578
2 La-Philo. (2013, février 1). La Guerre.
Consulté le 3 juin 2020, à l'adresse
https://la-philosophie.com/guerre
3 Geslin A., Du justum bellum au jus ad bellum :
glissements conceptuels ou simples variations sémantiques ? Dans
Revue de métaphysique et de morale 4/2009 (n°64), p.459-468,
cité par Alassani Z., L'évolution du droit de recourir
à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite.
Droit. Normandie Université, Université de Lomé (Togo),
2019, p.20
4 Le jus ad bellum (droit de faire la guerre) ou
jus contra bellum (droit de prévention de la guerre) cherche
à limiter le recours à la force entre les Etats. Ce terme se
distingue au jus in bello (droit dans la guerre) qui a pour but de
limiter les souffrances causées par la guerre en assurant, autant que
possible, protection et assistance aux victimes (droit international
humanitaire). Définitions à l'article du Comité
international de la Croix-Rouge. (2010, octobre 29). Jus ad bellum et jus
in bello. Consulté le 4 juin 2020, à l'adresse
https://www.icrc.org/fr/doc/war-and-law/ihl-other-legal-regmies/jus-in-bello-jus-ad-bellum/overview-jus-ad-bellum-jus-in-bello.htm
10
synonyme de guerre5.
Cependant, si aujourd'hui la perception de la guerre a
changé dans les mentalités comme dans la réglementation
internationale, la société n'a elle nullement cessée
d'être violente. Les guerres, certes, ne se ressemblent pas mais de
nouveaux conflits continuent d'émerger et de se matérialiser
malgré la création d'une organisation internationale universelle
ayant pour but d'être « un modérateur de puissance et un
recours ouvert contre les fatalités de la guerre »6
réglementant de manière stricte le recours à la force.
Ainsi, loin de mettre fin à la barbarie, comme l'imaginait le philosophe
utopiste français Charles Fourier, « la civilisation contemporaine
s'est donc non seulement accommodée de survivances de plus en plus
meurtrières et de plus en plus massives des tragédies
guerrières, mais elle est aujourd'hui en passe d'inventer un nouveau
type de conflit : la guerre humanitaire ou guerre éthique
»7. En effet, les conditions dont le recours à la force
a été utilisé lors de la crise du Kosovo (1999), en
Afghanistan après les événements du 11 septembre 2001 ou
encore lors de l'action militaire américano-britannique contre l'Irak en
2003 interpellent par le développement d'un nouveau discours de guerre.
Ces nouvelles justifications imposent de prendre du recul afin de
considérer leur légitimité notamment au niveau du Droit
international. Le caractère moral d'une action militaire semble alors
surpasser celui légal du droit. Ainsi, à l'instar du concept de
« guerre juste » décrit pendant la période antique, la
justification « du légitime » aspire à légaliser
le recours à la force contemporain. L'histoire semble ainsi se
répéter et les justifications pour l'utilisation de la force
armée se réitérer. Par conséquent, il est difficile
d'accepter la formule d'Hérodote tant les guerres semblent
attachées à la condition même de l'être humain. En
cela, la citation de Voltaire aurait peut-être été plus
juste : « Tous les animaux sont perpétuellement en guerre les uns
avec les autres »8.
Bref historique de l'émergence de la
réglementation du recours à la force
Le recours à la force a donc connu une évolution
qui a amené à partir du XXe siècle à en restreindre
progressivement son emploi par les Etats. La première tentative moderne
de limitation du recours à la force apparaît à la
Convention Drago-Porter de 19079 dont la portée est
extrêmement modeste puisqu'elle limitait seulement l'emploi de la force
au recouvrement des dettes contractuelles10. Par la suite, le Pacte
de la Société
5 Brownlie I., International Law and the Use of force by
States, Oxford: Oxford University Press, 1963, pp. 40 et ss.
6 Gerbert P. Virally M.- L'O.N.U. d'hier à
demain. In: Revue française de science politique, 14? année,
n°2,
1964.
p. 359.
www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1964_num_14_2_418412_t1_0359_0000_000
7 Fourier C. cité par Spire A. De l'urgence de ne
plus concevoir la paix comme une simple absence de guerre, Communication
XXVIIIe congrès international de l'Association des
Sociétés de philosophie
de Langue française, Université de Bologna
(Italie) (2000, aout 29). à l'adresse :
https://www.institutidrp.org/contributionsidrp/absence%20de%20guerre.pdf
8 La-Philo. (2013, février 1) La Guerre, op. cit.
9 La deuxième Convention de La Haye du 18 octobre 1907
concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement des
dettes contractuelles (dite Convention II ou Convention Drago Porter ;
Schindler B., et Toman J., Droit des conflits armés. Recueil des
conventions, résolutions et autres documents, Genève, 1996,
CICR
10 Garcia T. (2018) Introduction au droit de la
sécurité internationale et au droit international humanitaire,
Faculté de Droit, Université Grenoble-Alpes
11
des Nations (SDN)11 distingue les guerres illicites
d'agression12 des guerres licites13 c'est-à-dire
toutes celles qui n'entrent pas dans cette catégorie. Le 27 août
1928 à Paris, le Pacte Briand-Kellog14 met fin à la
compétence discrétionnaire des Etats (hormis le cas de
légitime défense) sans interdire pour autant de manière
générale et absolue le recours à la force. Ainsi, les
parties « déclarent solennellement qu'elles condamnent le recours
à la guerre pour le règlement des différends
internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans
leurs relations mutuelles »15. À l'issu de la
Deuxième Guerre mondiale, les violations répétées
du Pacte Briand-Kellog et l'échec de la SDN ont poussé les Etats
a créer une institution qui concilie « le principe de
majorité et celui d'unanimité, la démocratie des peuples
et les rapports de puissance »16.
La Charte des Nations Unies17 signée le 26
juin 1945 à San Francisco a ainsi été conçue afin
de fonder un processus constitutif vraiment efficace ne permettant pas
l'utilisation unilatérale de la force par ses Membres. Comme le
décrit Sigvard Jarvin18, le but de créer une
organisation de cette envergure est de réprimer par l'action collective
toute violation par force militaire de l'indépendance politique ou de
l'intégrité territoriale d'un Etat. Ainsi, dans ce processus,
l'Etat national s'est dépourvu du droit de décider de l'usage de
la force au profit de l'ONU de la même manière que l'individu
renonce à ses droits personnels afin de faire partie d'un groupe social
(le peuple) au sein d'un même corps politique (l'Etat) selon la
théorie du pacte social de Rousseau19.
L'ONU est instituée le 24 octobre 1945 par cinquante
Etats membres. Aujourd'hui, elle constitue une Organisation internationale
universelle puisqu'elle compte 193 Etats membres sur les 197 Etats
répertoriées dans le monde. Cette universalité lui permet
également de détenir une grande légitimité sur le
rang international puisque l'Organisation bénéficie d'une
représentativité presque totale au sein de la communauté
internationale. De par cette représentativité, l'ONU
représente l'institution multilatérale par excellence. En plus de
cette légitimité, depuis l'avis consultatif de la CIJ du 11 avril
1949, Réparation des dommages subis au service des Nations
Unies20, l'ONU détient la qualité de sujet de
droit international distinct de ses membres constitutifs. La reconnaissance de
cette personnalité juridique internationale fait donc de l'ONU un sujet
à part entière de droit international, non seulement destinataire
d'obligations, mais également titulaire de droit que l'Organisation peut
elle-même faire valoir.
11 « Pacte de la Société des Nations»
dans Annuaire de la Société des Nations, Genève,
Édition de l'Annuaire, 1939.
12 Selon l'article 10 du Pacte de la Société des
Nations op. cit
13 Selon l'article 25 du Pacte de la Société des
Nations op.cit
14 « Pacte général de renonciation à la
guerre » ; texte dans la RGDI publ. 1928. 683 et s.
15 Selon l'article 1er du Pacte Briand-Kellog op.cit
16 Gerbet P. Virally M, op.cit.
17 Charte de San Francisco du 26 juin 1945, JO 13 janv. 1946
18 Jarvin S., The Quest for World Order and Human Dignity
in the Twenty-first Century: Constitutive Process and Individual
Commitment, General course on Public International Law - Journal du droit
international (Clunet) n° 1, Janvier 2015, biblio. 4
19 La théorie du pacte social de Rousseau est
présenté dans le Chapitre VI du Du contrat social
(1762). Cette conception repose sur un pacte garantissant
l'égalité et la liberté entre tous les citoyens. Ce pacte
est contracté entre tous les participants, ainsi, chacun renonce
à sa liberté naturelle pour gagner une liberté civile. Il
s'agit alors d'une souveraineté populaire indivisible et à la
recherche de l'intérêt général.
20 CIJ, Avis consultatif du 11 avril 1949, Réparation des
dommages subis au service des Nations Unies.
12
Au sein de la Charte, la guerre est désormais
conçue comme un mode de règlement illicite (Article
2.421) et les recours aux procédures pacifiques de
règlement deviennent une nécessité incontournable (Article
3322). La question du recours à la force est au coeur des
débats de la construction de l'ONU. Le principe de l'interdiction du
recours à la force constitue de ce fait la clé de voûte de
tout le système réglementaire de la Charte. Jean Charpentier
soulignait dans ce même esprit que « Tout le système de la
Charte est construit autour de l'interdiction du recours à la force.
L'obligation faite aux Etats par l'Article 2§3 de régler
pacifiquement leurs différends internationaux n'apparaît que comme
un corollaire logique de cette interdiction»23.
Délimitation du sujet et précisions
terminologiques
La définition du droit de la sécurité
internationale s'entend comme un « ensemble des règles et des
pratiques qui appréhendent la sécurité
internationale»24 définie, selon le Dictionnaire de
droit international public, comme la « situation dans laquelle la
communauté internationale jouit d'un état de tranquillité
par l'absence de menace contre la paix ou de rupture de
celle-ci»25. Afin de préserver la sécurité
collective, l'ONU établie une interdiction générale du
recours à la force. La notion de recours à la force n'est
cependant pas définie dans la Charte. Elle peut néanmoins
être abordée comme la « possibilité de faire appel aux
différents moyens mis à disposition d'une armée
régulière d'un Etat pour mener à bien une quelconque
action »26.
Ainsi, comme présenté auparavant, l'ONU
représente l'institution garante du maintien de la paix internationale.
En cela, le cadre réglementaire de la Charte est celui dont se base
l'analyse afin d'en exposer les faiblesses et affirmer qu'au sein de cette
Organisation multilatérale, le recours unilatéral à la
force est présent et s'y développe continuellement. De plus,
comme la recherche prend appui sur l'ONU, l'étude ne se borne pas au
domaine géographique d'un seul Etat, mais s'applique plutôt
à tous les Etats membres de l'Organisation.
L'ONU représente ainsi l'institution
multilatérale par excellence. En effet, le multilatéralisme est
un concept utilisé dans le champ des relations internationales et «
se définit comme un mode d'organisation des relations
inter-étatiques 27». Concrètement, il se traduit
par la coopération d'au moins trois Etats dans le but d'instaurer «
des règles
21 L'article 2.4 de la CNU dispose que « Les membres de
l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des
Nations Unies ».
22 L'article 33.1 de la CNU dispose que : «Les parties
à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer
le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent
en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation,
d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de
règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords
régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix ».
23 Commentaire de l'Article 2 § 3 par Cot J., Pellet A.,
Forteau M., La Charte des Nations Unies : Commentaire article par
article, Paris, Economica, 3ème Ed. Mise à jour, revue et
augmentée dans le cadre du Centre de Droit international de Nanterre
à l'occasion du 60ème anniversaire des Nations Unies, 2005,
p.103
24 Salmon, J. (2001, Decembre 10). Dictionnaire de droit
international public, Bruylant, 1198 p.
25 Ibid.
26 Alassani Z., L'évolution du droit de recourir
à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite.
Droit. Normandie Université, Université de Lomé (Togo),
2019, p.38
27 Morelle, F. (2013). definition de
multilatéralisme. Consulté 6 juin 2020, à l'adresse
https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/multilateralisme.html
13
communes 28». C'est durant le XXe
siècle que le multilatéralisme s'institutionnalise avec notamment
la création de la SDN et plus encore avec celle de l'ONU ou de l'OMC. Le
multilatéralisme devient alors un projet politique visant à
favoriser les échanges et la coopération inter-étatique et
s'installant comme une valeur de référence pour la conduite des
affaires internationales. Le début du XXIe siècle marque
cependant une remise en cause du système multilatéral notamment
au sein de l'OMC et de l'ONU au profit d'actions bilatérales,
régionales ou unilatérales29.
En effet, l'antonyme du multilatéralisme est
l'unilatéralisme qui s'entend comme une « tendance à agir en
fonction de sa volonté et de ses intérêts propres, sans
égard pour la souveraineté d'autres Etats et à
l'extérieur des cadres multilatéraux 30». Ainsi,
l'unilatéralisme des Etats tend à évincer le cadre
multilatéral de l'ONU créé afin de sauvegarder la paix et
la sécurité internationale.
L'intérêt du sujet réside en grande partie
dans l'évolution du recours à la force en droit international. En
effet, il est indéniable que le droit international établi en
1945 n'est plus celui appliqué aujourd'hui. Il s'adapte et se module
constamment aux nombreuses mutations de la société. En cela, les
nouvelles justifications étatiques du recours à la force peuvent
être considérées comme l'évolution du droit au sein
de la société contemporaine. Même si ces dernières
ne disposent pas toutes de fondements légaux, il est possible de les
penser comme intégrant la pratique internationale. Après tout le
Conseil de sécurité de l'ONU lui-même interprète la
Charte et autorise les Etats à user de la force lorsqu'il l'estime
nécessaire. Ainsi, le débat consiste également à
savoir comment interpréter ces nouvelles justifications du recours
à la force unilatéral.
Il semble néanmoins important de délimiter
temporellement cette analyse afin de recentrer le sujet. L'étude se
concentre donc sur les actions unilatérales ayant pris place à la
suite des années 1990. En effet, la période post-Seconde Guerre
mondiale jusqu'à 1990 est caractérisée par une
série de blocages partiels dus à l'accroissement des
rivalités entre les deux blocs de la Guerre froide. La fin du bloc
soviétique a marqué une relance de l'action de l'ONU qui s'est
accompagnée de nombreux nouveaux conflits émergents sur la
scène internationale. Le début du XXIe siècle et les
attentats du 11 septembre 2001 marque également le franchissement d'un
nouveau palier avec une mutation de la notion de menace contre la paix et de
très nombreuses transgressions du principe d'interdiction du recours
à la force. Dans un discours prononcé devant la 58ème
Assemblée générale des Nations Unies, le 23 septembre
200331, le Secrétaire général de l'ONU de
l'époque, Monsieur Kofi Annan, a mis en exergue cette multiplication de
l'usage unilatéral de la force qui remet en cause le fondement
même de l'Organisation.
Ainsi, d'un point de vue méthodologique, le travail de
recherche se concentre sur
28 Ibid.
29 Ces dernières années marquent en effet un
rejet massif du système multilatéral au sein des organisations
internationales universelles notamment de l'OMC et de l'ONU. Grégory
Vanel dans son article publié le 19 juin 2018 dans le journal
académique The Conversation (VANEL G., Commerce international : le
multilatéralisme était mort-vivant, Trump l'achève,
The Conversation, 19 juin 2018) remet en cause l'utilité du
multilatéralisme en le qualifiant de « zombie institutionnel, un
corps mort possédant l'apparence de la vie ». Il prend alors
exemple sur l'OMC complètement paralysée dans ses
négociations du fait du mode multilatéral de décision (1
Etat= 1 vote).
30 Morelle F. Définition de multilatéralisme
op.cit
31 Cité par Garcia T. (2018) Introduction au droit de
la sécurité internationale et au droit international humanitaire,
op.cit. p. 44
14
la multiplication de l'usage unilatéral du recours
à la force par les membres de l'ONU après les années 1990.
Il s'agit d'une réflexion sur les justifications juridiques du recours
discrétionnaire à la force malgré le cadre
multilatéral onusien prévu à cet effet. Ces
dernières montrent l'existence d'une tendance à la mise à
l'écart du cadre réglementaire de la Charte au profit d'une
action unilatérale. Cet évincement est renforcé par les
argumentations étatiques privilégiant une action coercitive
légitime et donc subjective à un recours à la force
légal. La recherche prend de ce fait position et part du postulat que
ces justifications étatiques représentent un danger pour le but
ultime de l'ONU, la sécurité collective, et par conséquent
également pour l'ensemble du droit international. L'étude
s'évertue ainsi à dépeindre cette menace tout en rappelant
par la même occasion que le système réglementaire onusien
en place est loin d'être sans défaut. En effet, L'ONU de par ses
failles fonctionnelles et les atteintes fréquentes à sa
réglementation semble alors menacé d'obsolescence. L'objectif
principal est donc de démontrer dans quelle mesure le système de
sécurité collectif onusien est aujourd'hui menacé de
caducité par le recours unilatéral à la force des Etats et
les justifications juridiques qu'ils font naître.
Il semble alors indispensable de présenter le cadre
légal du principe de l'interdiction du recours à la force
établi par la Charte de l'ONU et son fonctionnement en pratique. Tout en
décrivant les règles applicables, il est également
nécessaire de présenter ses faiblesses et lacunes afin de
comprendre, en partie, pourquoi le principe de l'interdiction du recours
à la force est constamment transgressé. Le système de
l'ONU est ainsi décrit dans cette étude comme en pleine
détérioration (PREMIERE PARTIE). Une fois les
défaillances du cadre réglementaire de l'interdiction du recours
à la force présenté, les violations à ce principe
par les Etats sont décryptées afin d'en exposer les
dangerosités. Ainsi, les arguments viseront à exposer pourquoi
les justifications étatiques fournies sont contraires à la fois
à l'esprit et également à la lettre de la Charte des
Nations Unies (SECONDE PARTIE).
PARTIE I
15
La détérioration du système
instauré par la Charte des Nations unies
16
Dans le système mis en place par les Nations unies, une
certaine cohérence régit le recours à la force. Le
principe d'interdiction du recours à la force revêt un
caractère fondamental néanmoins ponctué par des
exceptions, des dérogations à la règle
générale. En effet, l'article 2§4 de la Charte interdit le
recours à la force contre « l'intégrité territoriale
ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Ainsi, il
est sous-entendu que dans certaines circonstances, la Charte admet que le
recours à la force puisse être licite. Ces exceptions sont
néanmoins strictement définies. Le cadre législatif
entourant le recours à la force apparaît cependant comme remis en
cause par l'unilatéralisme récurrent. Une partie de la doctrine
considère ainsi que la pratique contraire efface ou tout du moins, rend
obsolète la Charte. Par conséquent, force est de constater que la
réglementation de l'usage de la force par la Charte des Nations Unies
est remise en cause par une pratique contraire (CHAPITRE I).
Cette remise en cause conduit à s'interroger sur la nature des
défaillances de l'ONU. Le système de sécurité
collective ne revêt plus uniquement un caractère conjoncturel mais
également structurel. De la même façon qu'est
contesté le monde multilatéral de règlement des
différends, l'ONU en tant qu'institution présente des failles
certaines. Ces faiblesses s'allient avec une mutation du concept de menace
contre la paix telle qu'il est défini par la Charte. Ainsi, il est
indubitable que les atteintes au principe de l'interdiction du recours à
la force sont facilitées par les défaillances du système
onusien (CHAPITRE II).
17
CHAPITRE I
La réglementation de l'usage de la force par
la Charte des Nations Unies remise en cause par une pratique contraire
La notion de sécurité collective a
été empruntée par la Charte au Pacte de la
Société des nations en corrigeant néanmoins ses
défaillances et imperfections. L'organe principal de l'ONU, le Conseil
de sécurité a été investi du rôle de gardien
de cette sécurité. L'interdiction du recours à la force en
droit international représente la clé de voûte du
système onusien. La doctrine, les autres organes onusiens et les Etats
membres de l'ONU affirment et réaffirment continuellement ce principe.
Pourtant, la doctrine est divisée en ce qui concerne la valeur de
l'interdiction et de l'article 2§4 en droit international. Il est
néanmoins indéniable qu'il s'agit d'un principe fondamental
(Section 1). La règle générale
étant définie, il est également important de rappeler les
exceptions à la règle. En effet, l'usage de la force est
autorisé seulement dans les cas expressément prévus par la
Charte comme exceptions à l'article 2§4. Ainsi, en son article 51,
la Charte conçoit le cas de légitime défense individuelle
ou collective et au sein de son Chapitre VII elle encadre l'action coercitive
du CS en cas de menace ou de rupture de la paix. Par ce dernier biais, le CS
détient de nombreux pouvoirs discrétionnaires notamment pour ce
qui est de la qualification d'un conflit et également pour
décider des mesures de sanction à l'encontre d'un Etat ayant agi
dans l'illégalité de la Charte. Ainsi le principe défini
à l'article 2§4 est tempéré par deux exceptions
strictement encadrées (Section 2). Néanmoins, la
pratique contraire au principe questionne une partie de la doctrine sur la
caducité de la Charte face à ses nombreuses transgressions. Le
modèle unilatéral semble ainsi se développer dans les
années 1990, à l'instar des Etats-Unis avec l'élection de
Bill Clinton en 1993, au sein même de l'institution multilatéral
par excellence (Section 3).
18
Section 1 : Le principe fondamental de l'interdiction
du recours à la force dans la Charte des Nations Unies
Le recours à la force n'a pas été
défini par la Charte des Nations Unies malgré son interdiction au
sein de l'article 2§4. Il ne s'agit toutefois pas d'une interdiction
totale au vu des deux exceptions présentes dans la Charte. Monsieur
Alassani, dans sa thèse, décrit une « plutôt une
réduction du droit pour les Etats de recourir à la
force»32, une réglementation. Ce principe
bénéficie d'une constante réaffirmation tant par les
institutions internationales que par les Etats (Paragraphe I).
Cependant, il est difficile d'affirmer qu'il représente une norme
impérative du droit international tant les transgressions au principe
sont courantes et les justifications invoquées nombreuses
(Paragraphe II).
Paragraphe I- La réaffirmation constante du
principe de l'interdiction du recours à la force
Le principe de l'interdiction du recours à la force est
la pièce maîtresse de toute la structure de sécurité
collective de la Charte dans la mesure où tout le système est
construit autour de cette interdiction. En ce sens, Christian Tomuschat
considère que «without any exaggeration, it may be stated that
non-use of force is the most important cornerstone of the present-day edifice
of international law33». Le caractère impératif
du principe est confirmé par des dispositions conventionnelles, des
traités multilatéraux et par l'acte constitutif de la plupart des
organisations régionales. À titre d'exemple, il est possible de
citer l'article 4 (f) de l'Acte constitutif de l'Union africaine qui rappelle
« l'interdiction de recourir à la force ou de menacer de recourir
à l'usage de la force entre les Etats membres de l'Union africaine
»34. Il en est également ainsi pour l'article 1er du
Traité de l'Atlantique du Nord35. Le principe de
l'interdiction du recours à la force est ainsi bien ancré dans la
pratique conventionnelle.
Au sein même des Nations Unies, le principe du non
recours à la force a été maintes fois
réaffirmé notamment par l'Assemblée Générale
de l'ONU. L'AG détient des compétences en matière de
sécurité internationale au titre des articles 12 et 14 de la
Charte36 que l'on pourrait qualifier de subsidiaire. En effet,
l'article 12 prévoit que «
32 Alassani Z., L'évolution du droit de recourir
à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite.
op.cit p.67.
33 Tomuschat C., Cours général de droit
international public., Académie de droit international de La Haye,
Recueil des cours, vol.281, 1999, p.206.
34 Acte constitutif de l'Union Africaine, 9 juillet 2002.
Disponible à l'adresse :
https://au.int/sites/default/files/pages/34873-file-constitutive_act_french-1.pdf
consulté le 08/06/2020
35 Article 1er du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) (4
avril 1949) : « Les parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé
dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens
pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient
être impliquées, de telle manière que la paix et la
sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas
mises en danger, et à s'abstenir dans leurs relations internationales de
recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute
manière incompatible avec les buts des Nations Unies. » Disponible
à l'adresse :
https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/stock_publications/20120822_nato_treaty_fr_light_20
09.pdf Consulté le 08/06/2020.
36 L'article 14 de la CNU dispose que: « Sous
réserve des dispositions de l'Article 12, l'Assemblée
générale peut recommander les mesures propres à assurer
l'ajustement pacifique de toute situation,
19
Tant que le Conseil de sécurité remplit,
à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque,
les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte,
l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation
sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de
sécurité ne le lui demande37». Les actes pris par
l'AG dans ce domaine ne sont que des recommandations cependant, ses
résolutions peuvent aider dans l'interprétation et la
clarification des portées de la Charte. Ainsi, dans la
Déclaration relative à la décolonisation de
196038, l'AG prohibe le recours à la force contre les peuples
dépendant ou encore dans la Déclaration sur les relations
amicales de 197039 qui énonce l'interdiction de la menace ou
de l'emploi de la force. La Cour internationale de justice rappelle
également dans beaucoup de ses arrêts l'importance du principe
notamment dans la célèbre affaire Nicaragua v. Etats-Unis
de 1986. La Cour juge dans le paragraphe 189 que « le principe de
non-emploi de la force peut être considéré comme un
principe de droit international coutumier, non conditionné par les
dispositions relatives à la sécurité collective
»40. Il est également possible de citer l'arrêt
Detroit de Corfou de 194941, l'avis consultatif sur la
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires42 ou encore l'affaire des Plate formes
pétrolières de 200343.
Ainsi, il ne fait aucun doute que la plupart des normes
conventionnelles rejettent le recours à la force au profit de la
souveraineté du territoire, de l'indépendance des Etats membres
ainsi que des recours pacifiques. Cependant, au regard des nombreuses
transgressions à ce principe cette étude prend position et
considère que le non-recours à la force n'est pas
considéré comme une norme impérative du droit
international malgré l'avis principalement opposé de la doctrine
(Paragraphe II).
Paragraphe II- La valeur juridique du principe de
l'interdiction du recours à la force
Le principe de non-recours à la force est de
manière indubitable une norme fondamentale du droit international comme
le premier paragraphe le prouve de par ses confirmations récurrentes au
sein des normes conventionnelles internationales. Cependant, il est difficile
de le considérer comme un principe de jus cogens44,
un
quelle qu'en soit l'origine, qui lui semble de nature à
nuire au bien général ou à compromettre les relations
amicales entre nations, y compris les situations résultant d'une
infraction aux dispositions de la présente Charte où sont
énoncés les buts et les principes des Nations Unies ».
37 Article 12 de la CNU disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-iv/index.html
consulté le 08/06/2020
38 8A1RES/l514 (XV), 14 décembre 1960, adoptée par
89 voix et 9 abstentions
39 AlRES/2625 (XXV), 24 octobre 1970
40 Eisemann P-M., L'arrêt de la CIJ dans l'affaire
des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis) fond arrêt du 27 juin 1986. In:
Annuaire français de droit international, volume 32, 1986. pp. 153-191.
Dans le cas d'espèce, la CIJ a considéré que les
Etats-Unis ont agi en violation des obligations que leur impose le droit
international coutumier de ne pas recourir à la force contre un autre
Etat.
41 Détroit de Corfou (Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie) Arrêt du 9 avril 1949,
disponible à l'adresse:
https://www.icj-cij.org/files/case-related/1/1646.pdf
42 Perrin de Brichambaut M., Les avis consultatifs rendus
par la CIJ le 8 juillet 1996 sur la licéité de l'utilisation des
armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé (O.M.S.) et sur
la licéité de la menace et de l'emploi d'armes nucléaires
(A.G.N.U.). In: Annuaire français de droit international, volume
42, 1996. pp. 315-336.
43 Jos E. L'arrêt de la C.I.J. du 12 décembre
1996 (exception préliminaire) dans l'affaire des plate-formes
pétrolières (Rép. islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique). In: Annuaire français de droit international,
volume 42, 1996. pp. 387-408.
44 Le concept de Jus cogens renvoi à la
Convention de Vienne (23 mai 1969) sur le droit des traités ou il
20
principe intransgressible, malgré les avis
opposés de nombreuses institutions à l'instar de la Commission du
droit international (CDI). L'organe de codification de droit international des
Nations Unies, considère en effet que « le droit de la Charte
concernant l'interdiction du recours à la force constitue en soi un
exemple frappant d'une règle de droit international qui relève du
jus cogens »45. De plus, une grande partie de
la doctrine considère également que le principe du non-recours
à la force représente une norme impérative du droit
international. Pierre-Marie Dupuy par exemple, appréhende les principes
du jus cogens comme « dans le prolongement historique, logique et
idéologique de la Charte des Nations Unies»46.
Néanmoins, il ne suffit pas de déclarer la
Charte des Nations Unies comme étant au « même niveau »
que le jus cogens puisque ce dernier renvoi à « une norme
impérative » précise et définie. Par
conséquent, il ne semble pas légitime de considérer tous
les principes de la Charte comme une norme impérative sans les
étudier un par un. Ainsi, en observant le principe de l'interdiction du
recours à la force consacré à l'article 2§4, il ne
semble pas que ce dernier puisse être considéré comme une
norme impérative.
En effet, le premier critère du jus cogens est
d'être une norme largement reconnue et acceptée dans le droit
international en général et, comme le prouve le paragraphe
précédent, cette condition est bien remplie. Le second
critère correspond à l'acceptation et la reconnaissance du
principe par la communauté internationale dans son ensemble. En cela, il
semble que la très grande majorité des Etats acceptent et
reconnaissent le statut de norme impérative de l'interdiction
générale du recours à la force. En effet, afin de prouver
l'ampleur de cette reconnaissance par la communauté internationale,
Olivier Corten a relevé lors de la résolution 42/22 de l'AG en
198747, qu'aucun Etat (62) n'a manifesté de contestation, ni
n'a fourni d'autres détails à ce sujet48. Le
3ème critère en revanche, et d'un point de vue subjectif, n'est
pas rempli car il correspond au caractère non-dérogatoire d'une
telle norme. Ainsi, ce n'est pas à cause des dérogations
prévues dans la Charte que ce critère n'est pas accepté,
mais plutôt en raison de la multiplication des nouvelles justifications
aux transgressions du principe. En effet, pour n'en citer que quelques-uns, la
légitime défense préventive, le recours à la force
unilatéral pour lutter contre le terrorisme ou intervenir dans un but
humanitaire sans l'aval du CS n'est pas considéré aujourd'hui
comme relevant du droit positif. Ainsi, et pour cette raison, l'interdiction du
recours à la force n'est pas considérée comme relevant du
jus cogens.
Toutefois, quelle que soit la valeur de ce principe dans le
droit international, il
est défini dans l'article 53 comme « une norme
impérative de droit international général acceptée
et reconnue par la communauté internationale dans son ensemble en tant
que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise ».
45 Annuaire CDI, 1966-II, p. 270. Dans son arrêt de
l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua, la CIJ a cité in extenso ce passage en rajoutant que les
représentants des Etats mentionnent
ce principe comme étant un principe fondamental ou
essentiel du droit international: Rec. CIJ, p. 100101, § 190. La CIJ s'est
cependant abstenue de prendre partie sur la question : ibid. La doctrine, dans
sa grande majorité, admet que le principe de l'interdiction du recours
à la force relève du jus cogens. Verhoeven J., Droit
international public, Bruxelles, Larcier, 2000, 856 p., p. 671 ; Daillier
P., Pellet A., Droit international public, Paris, LGDJ, 7e éd.,
2002, 1510 p., p. 967
46 Dupuy P-M., « L'unité de l'ordre juridique
international », Académie de droit international, Recueil des
cours, vol. 297, 2002, à la page 192.
47 Comité spécial pour le renforcement de
l'efficacité du principe de non-recours à la force dans les
relations internationales, AG, 42ème sess, Suppl. N°41
(A/42/41), 20 mai 1987, p.22, par 56.
48 Corten O., Le droit contre la guerre, Paris, Pedone,
2014, 2ème édition, p.345.
21
est indéniable qu'il s'agit d'une norme fondamentale
afin de garantir la paix et la sécurité internationale. Par
ailleurs, Joe Verhoeven dans son manuel soutient que l'interdiction «
revêt un caractère d'ordre public, ce qui entache de
nullité toute convention qui la méconnaîtrait (...) et sa
violation est constitutive d'un crime international»49.
Toutefois, bien que l'interdiction du recours à la force soit
fondamentale, la Charte y admet toutefois deux exceptions strictement
encadrées (Section 2).
Section 2 : Un principe tempéré par des
exceptions strictement encadrées
Hormis l'inusité de l'article 107 de la
Charte50 concernant le recours à la force contre les anciens
Etats ennemis de la Seconde Guerre mondiale, deux types d'exceptions sont
légalement prévues par la Charte. Ainsi, de nombreux auteurs ne
considèrent pas l'article 2§4 de la Charte comme une interdiction,
mais plutôt comme réglementation du recours à la force
armée51. En interprétant de cette façon la
Charte cela signifie alors que les Etats sont libres de recourir à
l'emploi de la force armée sous certaines conditions. Cependant, la
Charte prend bien soin de préciser dans son article 2 que le recours
à la force armée est prohibée sauf dans des circonstances
strictes. Ainsi, cette interprétation n'est pas légitime, les
Etats, ne peuvent pas licitement déclencher un conflit sauf en cas de
légitime défense comme décrit à l'article 51
(Paragraphe I) ou lors de l'action du CS en cas de menace,
rupture de la paix et d'acte d'agression (Paragraphe II).
Paragraphe I- L'exception de la légitime
défense conditionnée
La légitime défense dans la Charte des Nations
unies est présentée comme une exception légale au recours
à la force et par conséquent, son interprétation se veut
restrictive. En cela, elle est conditionnée à la fois dans son
contenu (ratione materiae) et dans le temps (ratione
temporis).
L'article 51 définit l'exception de la légitime
défense comme un droit naturel, inaliénable : «Aucune
disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de
légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas
où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée,
jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales »52. Toutefois, de nombreuses incertitudes
pèsent sur cet article. En effet, seulement l'agression armée
constitue le fondement à la légalité de la légitime
défense et peut déclencher le mécanisme de réponse
de manière individuelle ou collective. Seulement, la notion de
légitime défense est confuse au sein de la Charte car il manque
certaines définitions vitales à sa compréhension.
49 Verhoeven J. Droit international public, Bruxelles,
Larcier, 2000, p.671
50 Article 107 Charte des Nations Unies qui dispose : «
Aucune disposition de la présente Charte n'affecte ou n'interdit,
vis-à-vis d'un État qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale,
a été l'ennemi de l'un quelconque des signataires de la
présente Charte, une action entreprise ou autorisée, comme suite
de cette guerre, par les gouvernements qui ont la responsabilité de
cette action ».Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-xvii-0/index.html
Consulté le 08/06/2020
51 Kreipe N., Les autorisations données par le Conseil
de sécurité des Nations Unies à des mesures militaires,
Paris, Ed. LGDJ, 2009, p.16
52 Article 51 Charte des Nations Unies, disponible à
l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/index.html
Consulté le 09/06/2020
22
En premier lieu, la Charte ne définit pas les
conditions d'exercice d'une légitime défense collective. Un Etat
n'ayant pas été agressé peut donc intervenir au nom
d'accords de défense le liant à un Etat victime d'agression ? Il
n'y a aucune précision au sein de la Charte concernant cette
possibilité même si en pratique elle a été
utilisée de nombreuses fois notamment par les Etats-Unis au Liban en
1958, mais également par l'URSS pour justifier ses interventions
à Prague en 1968 et en Afghanistan en 1979. La légitime
défense individuelle a elle été utilisée par
exemple lors de la guerre des Malouines en 1982 par le Royaume-Uni contre
l'Argentine. En droit, il est difficile de légitimer la
possibilité d'une légitime défense si l'agression n'a pas
eu lieu sur le territoire de l'Etat en question. Cependant, la Charte
l'autorise de manière claire au sein de la première partie de
l'article 51, le droit de LD collective représente donc un « droit
naturel » inhérent aux Etats, au même titre que la
légitime défense individuelle.
Ensuite, la Charte ne précise pas non plus ce qu'elle
entend par « agression ». En effet, il a fallu attendre près
de trente ans après l'entrée en vigueur de la Charte afin que le
terme « agression » soit clarifié par la résolution
3314 de l'AG en 1974 : « L'emploi par un Etat de la force
armée contre la souveraineté, l'intégrité
territoriale, ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute
autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies
»53. Dans l'arrêt de la CIJ, Nicaragua c.
Etats-Unis54, la Cour a considéré que l'agression
pouvait être accomplie par un autre sujet de droit que l'Etat. Ces autres
sujets peuvent être des groupes insurrectionnels, des mouvements de
libération nationale ou même un groupe terroriste basé sur
le territoire d'un Etat souverain comme l'ont confirmé les
résolutions du CS 136855 et 137356 du 12 et 28
septembre 2001.
L'article 51 n'a fait que reconnaître l'existence de ce
droit de manière conventionnelle, mais il détient
également une valeur coutumière comme le rappelle encore
l'affaire Nicaragua c. Etats-Unis 57: « La Charte n'en
réglemente pas directement la substance dans tous ses aspects (...) et
ne comporte pas la règle spécifique, pourtant bien établie
en droit international coutumier, selon laquelle la légitime
défense ne justifierait que des mesures proportionnées à
l'agression armée subie, et nécessaires pour y mettre fin ».
Ainsi, bien que la Charte ne mentionne pas des conditions matérielles,
la jurisprudence internationale elle, le fait, et soumet la LD à un
caractère de nécessité et de proportionnalité. Ce
précèdent a ensuite été confirmé en 2003
dans l'affaire des plate formes
pétrolières58, et également dans l'affaire
des activités armées sur le territoire du Congo en 2005
59. Ces arrêts déclarent ainsi que les
caractères de nécessité et de proportionnalité sont
des conditions sine qua non dans l'exercice de la
53 Jaroslav Z., Enfin une définition de
l'agression. In: Annuaire français de droit international, volume
20, 1974. pp. 9-30.
54 Eisemann P-M., L'arrêt de la CIJ dans l'affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis) fond arrêt du 27 juin 1986. op.cit
55 Résolution 1368 du Conseil de sécurité
des Nations unies, adoptée à l'unanimité le 12 septembre
2001 lors de la séance n°4370. S/RES/1368
56 Résolution 1373 du Conseil de sécurité
des Nations Unies adoptée le 28 septembre 2001. CS/2197
communiqué de presse à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2001/CS2197.doc.htm
consulté le 09/06/2020
57 Eisemann P-M., L'arrêt de la CIJ dans l'affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis) fond arrêt du 27 juin 1986. op.cit
58 Jos E. L'arrêt de la C.I.J. du 12 décembre
1996 (exception préliminaire) dans l'affaire des plate-formes
pétrolières (Rép. islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique). op.cit.
59 Affaire des Activités armées sur le
territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda)
arrêt du 19 décembre 2005 CIJ, vue d'ensemble de l'affaire
disponible à l'adresse :
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/116
Consulté le 09/06/2020
23
légitime défense. Par nécessité,
la CIJ entend le fait pour l'Etat de ne pas pouvoir réagir autrement,
qu'il n'y ait aucun autre moyen de se soustraire au danger. La
proportionnalité, quant à elle, est définie comme le fait
de ne pas avoir d'excès dans la riposte. Le risque sans cette condition
de proportionnalité est de voir l'Etat victime se transformer en Etat
agresseur. L'appréciation de cette condition se fait au cas par cas
selon les circonstances en espèce.
La légitime défense est également
conditionnée dans le temps comme le démontre la suite de
l'article 51 : «Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce
droit de légitime défense sont immédiatement
portées à la connaissance du Conseil de sécurité et
n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la
présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il
juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales ». Ainsi, le droit de
légitime défense apparaît comme un droit subsidiaire dans
la mesure où il ne peut être invoqué aussi longtemps que le
Conseil de sécurité le décide60. Il n'est
également que temporaire si tant est que la liberté d'action dont
les Etats jouissent après une agression armée ne subsiste pas
dans le temps, il s'agit uniquement d'une parenthèse avant que le CS ne
prenne le relais. La LD se termine ainsi dès l'intervention du CS selon
la 2ème partie de l'article 51. Si le Conseil se retrouve bloqué
par le veto d'un Etat membre permanent, la LD prend fin dès que son but
est atteint. De plus, l'article 51 exige que la réaction armée
soit immédiate, condition qui n'est pas vraiment respectée en
pratique puisque certaines circonstances rendent parfois impossible la
réaction immédiate. Ainsi, par exemple, la Grande-Bretagne n'est
intervenue pendant le conflit des Malouines qu'après la
résolution du CS demandant à l'Argentine de retirer ses troupes.
Les hostilités armées n'ont débuté que plusieurs
jours après l'occupation argentine des îles. Il est possible ainsi
d'argumenter que la Grande-Bretagne n'a pas respecté les conditions
énoncées par la Charte et a donc perpétré un
recours à la force illicite61. Le CS et l'AG des Nations
unies n'ont toutefois pas évoqué une quelconque transgression en
ce sens, les conditions de proportionnalité et de
nécessité étant respectées selon eux. Le CS comme
précisé dans l'article 51 souhaite également
contrôler la mise en place de la LD et demande à ce que l'Etat
lors de l'exercice de ce droit prévienne immédiatement le CS de
son intention.
Ainsi, cet exercice du droit de LD est encadré à
la fois par des conditions matérielles et temporelles
contrôlées par le CS. Toutefois, la Charte dans son article 51
présente des incertitudes quant à la qualification de
l'agression, la nature de la LD et dans son encadrement et limitation dans le
temps. Ces nombreuses hésitations facilitent en partie les
transgressions et interprétations de ce droit par les Etats comme il
l'est indiqué au sein du second chapitre. La LD, en tant qu'action
provisoire, est arrêtée lorsque le CS prend des mesures
collectives d'action coercitive afin d'arrêter cette agression et de
rétablir la paix. Dans ces conditions, la sécurité
collective se substitue l'action de l'Etat (Paragraphe II).
Paragraphe II- L'action collective du Conseil de
sécurité en cas de menace ou rupture de la paix et d'acte
d'agression
60 Salmon J., Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles: Bruylant, 200l, à la page 642.
61 Voir Garcia T. (2018) Introduction au droit de la
sécurité internationale et au droit international
humanitaire, op.cit. p. 14
24
Le Conseil de sécurité détient un
rôle primordial dans le maintien de la paix et la sécurité
internationale. Faisant l'objet des Chapitres V, VI et VII de la Charte, le CS
agit au nom des Etats membres de l'ONU par une délégation de
pouvoirs. Tandis que le Chapitre VI de la Charte donne la possibilité au
CS de favoriser le règlement pacifique des différends. Le
Chapitre VII en revanche, l'autorise à prendre des mesures
contraignantes lorsqu'il constate une menace contre la paix, une rupture de la
paix ou un acte d'agression afin de rétablir la paix et la
sécurité internationale. Le CS détient le pouvoir
d'activation du Chapitre VII en qualifiant une situation et de mettre en place
la procédure à suivre conformément à l'article 39 :
«Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace
contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des
recommandations ou décide quelles mesures seront prises
conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la
paix et la sécurité internationales ». Le pouvoir
discrétionnaire du CS comprend ainsi un mécanisme en deux temps :
il utilise en premier ses pouvoirs institutionnels afin de lui permettre de
prendre des mesures opérationnelles.
Comme décrit auparavant, l'article 39 permet au CS de
qualifier juridiquement une situation. En ce sens, le professeur
Dominicé considère que cette compétence constitue «le
sésame » sans lequel il n'y a pas d'accès au pouvoir de
sanction découlant du Chapitre VII62. Il n'y a cependant
aucune définition précise de ces notions ce qui accroît
indubitablement la marge de manoeuvre et le pouvoir discrétionnaire du
CS. Pour le professeur Jean Combacau, il ne « constate » pas ces
situations, mais « décide »63 de leur existence
dans la mesure où il choisit la qualification la plus opportune. Ainsi,
le CS a la double faculté de qualifier une situation et d'agir en
conséquence afin de résoudre la menace. Il ne fait cependant
aucun doute que la qualification d'une situation par le CS dépend des
mesures qu'il veut prendre. Il n'est de ce fait pas légitime pour un
organe politique d'adopter une mesure avant d'examiner le moyen de droit
l'autorisant à le mettre en oeuvre. La procédure est ainsi
biaisée et le fait qu'un seul organe dispose d'un si grand pouvoir
discrétionnaire est inquiétant.
Le CS peine de ce fait à utiliser toute autre
qualification que « menace contre la paix » puisqu'il s'agit de la
moins contraignante du point de vue du droit et de la diplomatie. En effet,
elle ne représente pas forcément un constat
d'illégalité puisque le droit international ne semble interdire
dans aucun texte de menacer la paix ou la sécurité
internationale, mais seulement d'user de la force armée ce qui est plus
restreint64. Cette qualification sert également de compromis
s'il y a un doute sur le caractère international du conflit comme dans
l'affaire de la Palestine (résolution 54 en 194865). Plus
récemment, les actes terroristes ont également été
qualifiés de menace contre la paix comme lors de la résolution
1373 de 2001 qui considère « tout acte de terrorisme comme une
menace à la paix et à la sécurité internationale
»66.
Les deux autres qualifications en revanche font le constat
d'une transgression de
62 Dominicé C., L'ordre juridique international
entre tradition et innovation, Nouvelle édition (en ligne),
Genève, Graduate Institute Publications, 1997, 538 p.
63 Combacau J., Le Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies : résurrection ou métamorphose ? , in Ben Achour R.,
Laghmani S., Les nouveaux aspects du droit international, Rencontres
internationales de la faculté des sciences juridiques, politiques et
sociales de Tunis, Colloque des 14, 15 et 16 avril 1994, Paris, Pedone, 1994,
p.145
64 Sorel J-M., L'élargissement de la notion de
menace contre la paix, in Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
Colloques SFDI de Rennes, Paris, Pedone, 1995, p.3-57, p.41-42
65 Résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU n°54 du 15 juillet 1948 S/RES/54 (1948)
66 Résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU n°1373 du 28 septembre 2001. S/RES/1373 (2001) communiqué de
presse disponible à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2001/CS2197.doc.htm
consulté le 09/06/2020
25
la Charte et de son article 2§4. L'acte d'agression
représente la forme la plus grave de l'emploi illicite de la force et le
Conseil est très réticent à user de cette qualification.
C'est pourquoi il qualifie, sans constater au sens de l'article 39 de la
Charte, des situations d'actes d'agression comme ce fut le cas lors de la
résolution 577 en 198567 afin de constater les attaques de
l'Afrique du Sud contre Angola ou encore les raids israéliens contre le
quartier général de l'Organisation de Libération de la
Palestine dans une résolution 573 en 198568. Le CS utilise
également des termes qui ne correspondent à aucune
catégorie comme « l'acte agressif » pour qualifier les
violences commises par l'Irak contre le personnel diplomatique du Koweït
dans une résolution 667 en 199069, ou encore «
d'attaques militaires » pour condamner les attaques d'Israël contre
le Liban (résolution 332 en 197370). La notion de rupture de
la paix est elle aussi très peu utilisée ou tout du moins
employée lorsqu'il s'agit réellement d'un acte d'agression comme
lors de l'annexion du Koweït par l'Irak en 1990. Ainsi, en utilisant le
terme rupture de la paix, le CS n'a pas à désigner un Etat
agresseur et un Etat agressé, il n'a pas non plus à se prononcer
sur d'éventuelles sanctions afin de privilégier un
règlement pacifique des différends. Cette notion détient
une valeur diplomatique et politique forte, le but initial de l'ONU
étant de préserver la paix et la sécurité
internationale plutôt que respecter le droit international. Il est
inutile de préciser que cette logique peut être très
dangereuse d'un point de vue juridique et peut mener à de nombreuses
transgressions comme c'est le cas depuis une vingtaine d'années.
Une fois la qualification juridique effectuée, le CS
peut prendre des mesures provisoires comme le décrit l'article 40 de la
Charte : « Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de
sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider
des mesures à prendre conformément à l'Article 39, peut
inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures
provisoires qu'il juge nécessaire ou souhaitable. Ces mesures
provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou
la position des parties intéressées. En cas de
non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de
sécurité tient dûment compte de cette défaillance
». Ces mesures ont donc une finalité neutre et l'absence de respect
par les Etats de ces dernières sera apprécié par le CS
dans l'enclenchement des mesures opérationnelles. La nature juridique de
ces mesures n'est pas très claire puisque le CS demande aux parties de
« se conformer » à ces dernières.
Les mesures opérationnelles sont prises à la
suite de la qualification du CS ou en constatation du non-respect des mesures
provisoires. L'article 41 de la Charte71 propose un panel de mesures
d'abord non-coercitives et, quant à l'article 4272, il
autorise l'emploi
67 Résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU n°577 du 6 décembre 1985. S/RES/577 (1985) disponible
à l'adresse :
https://undocs.org/fr/S/RES/577(1985)
consulté le 09/06/2020
68 Résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU du 4 octobre 1985 n°573. S/RES/573 (1985) disponible à
l'adresse :
https://undocs.org/fr/S/RES/573(1985)
consulté le 09/06/2020
69 Résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU du 16 septembre 1990 n° 667. S/RES/667 (1990) disponible à
l'adresse:
https://undocs.org/fr/S/RES/667(1990)
consulté le 09/06/2020
70 Résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU du 21 avril 1973 n°332. S/RES/332 (1973) disponible à
l'adresse :
https://undocs.org/fr/S/RES/332(1973)
consulté le 09/06/2020
71 Article 41 de la Charte des Nations Unies : «Le
Conseil de sécurité peut décider quelles mesures
n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises
pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres
des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre
l'interruption complète ou partielle des relations économiques et
des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales,
télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de
communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ».
Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/index.html
consulté le 09/06/2020
72 Article 42 de la Charte des Nations unies : « Si le
Conseil de sécurité estime que les mesures prévues
26
de la force armée de manière collective par le
CS. Le pouvoir du Conseil pour adopter des mesures de sanction, comme lors de
la qualification, est discrétionnaire dans le sens ou il décide
librement de l'entrée en vigueur des sanctions, de leur levée ou
de leur suspension. Toutefois, l'AG, sur la base de l'article
12§173, peut recommander aux Etats membres d'adopter des
mesures n'impliquant par l'emploi de la force à condition que la
question soit encore inscrite à l'ordre du jour du CS ou, lorsqu'il est
saisi, mais, dans l'incapacité d'exercer son pouvoir de
décision74. Le CS privilégie l'adoption de mesures
graduelles selon que l'Etat ou l'entité visée se conforme aux
injonctions.
Les mesures coercitives à l'article 42 de la Charte ont
été créées afin de corriger les insuffisances de la
SDN. L'article 42 constitue le cadre juridique de la légalité des
opérations militaires multinationales. Toutes les menaces, ruptures de
la paix et actes d'agression peuvent justifier l'utilisation de cet article.
Cependant, il n'y a aucun encadrement légal autour de ce dernier. En
effet, il n'y a pas de conditions matérielles ou de limite dans le
temps. Les critères d'emploi laissent entendre que les principes
d'effectivité et de proportionnalité jouent un rôle dans le
choix du moment, de la durée et de l'intensité des mesures
coercitives prises mais il n'y a rien d'écrit spécifiquement.
Chaque membre permanent du Conseil dispose toutefois d'un droit de veto afin de
s'opposer à une mesure ou d'y mettre fin. In fine, le CS ne
disposant pas d'armée propre, cet article n'est pas très
efficace, il sert cependant à légitimer les recours à la
force des Etats en pratique comme celles fondées sur la légitime
défense.
Ainsi, le pouvoir du CS apparaît comme étendu au
sein du Chapitre VII de la Charte. Il détient la prérogative de
recourir à la force armée sans avoir réellement à
justifier quoi que ce soit aux autres organes de l'ONU. La Charte, en voulant
palier à l'inefficacité de la SDN, a admis un pouvoir
discrétionnaire au CS qui peut s'avérer dangereux pour un organe
politique et diplomatique plus que juridique. En ce sens, il se joue du manque
de rigueur de la Charte afin de qualifier des conflits et de prendre des
mesures coercitives à sa guise en ne suivant pas toujours le processus
juridique adéquat. Ainsi, le CS, dans son rôle principal du
maintien de la paix et de la sécurité internationale a tendance
à manquer de rigueur juridique et à privilégier la
diplomatie au droit.
La LD et le pouvoir d'action du CS en cas de menace contre la
paix sont dans la Charte les deux seuls exceptions au principe d'interdiction
du recours à la force. Cependant, il est possible d'observer dans la
pratique une multiplication d'atteintes au non-recours à la force par
les Etats membres de l'ONU sans l'aval du CS. L'unilatéralisme se
développe ainsi en plein coeur de l'organisation multilatérale
par excellence ce qui questionne une partie de la doctrine sur la
caducité de la Charte
à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles
se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de
forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales. Cette action peut comprendre des
démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations
exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres
de Membres des Nations Unies. » disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/index.html
consulté le 09/06/2020
73 Article 12 paragraphe 1 de la Charte des Nations unies :
« Tant que le Conseil de sécurité remplit, à
l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les
fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte,
l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation
sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de
sécurité ne le lui demande ». disponible à l'adresse
:
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-iv/index.html
consulté le 09/06/2020
74 Résolution du Conseil de sécurité des
Nations Unies dite Dean Acheson du 3 novembre 1950 cité par
Leprette J., Le Conseil de sécurité et la Résolution
377 A (1950). In: Annuaire français de droit international, volume
34, 1988. pp. 424-435.
27
(SECTION 3).
Section 3 : La montée de l'unilatéralisme
au sein de l'institution multilatérale par
excellence
Linos-Alexandre Scicilianos dans sa thèse se pose la
question, reprise dans le titre de cette section, de savoir s'il n'est pas
contradictoire de parler « d'unilatéralisme au sein de
l'institution multilatérale par excellence ? »75. La
réponse apparaît négative puisque cette tendance a
émergé durant la période de paralysie du système
onusien pendant la guerre froide ce qui a favorisé les actions
militaires unilatérales et particulièrement venant des
Etats-Unis. Ainsi, il est intéressant d'étudier cette doctrine et
de remarquer comment elle s'insère au sein de l'ONU censé reposer
sur le principe du multilatéralisme (Paragraphe I).
Néanmoins, une partie de la doctrine considère que
l'unilatéralisme et les transgressions du principe phare de l'ONU,
l'interdiction du recours à la force, rend la Charte obsolète. Ce
point de vue et son bien-fondé sont, de ce fait, étudiés
au sein du second paragraphe (Paragraphe II).
Paragraphe I- L'unilatéralisme proclamé
des Etats-Unis au sein de l'ONU
Le droit international et la judiciarisation des rapports
inter-étatiques dissimulent un profond paradoxe. En effet, si tout sujet
de droit international s'engage volontairement par le moyen d'accords
multilatéraux, nombreux sont ceux qui cherchent aussitôt à
éluder leurs nouvelles responsabilités auxquelles ils ont
librement souscrites. Hagen Rooke étudie ce paradoxe au sein de sa
thèse L'autoprotection et le droit de l'OMC76. Il
dénonce ainsi les tentations fréquentes des Etats de
dévier de l'ordre juridique international afin de faire valoir des
rapports de force. L'engagement volontaire en droit international
apparaît alors comme fragile car basé sur un système de
réciprocité constant. Bien que son étude se situe au
niveau de l'OMC, de grandes similitudes apparaissent dans ses réflexions
avec l'unilatéralisme des Etats membres de l'ONU. La volonté des
Etats apparaît, en effet, fluctuante et capricieuse et des schémas
semblables se profilent dès lors qu'un Etat se retrouve dans une
situation de crise qu'elle soit économique, politique ou militaire. La
tendance dans ces cas est d'opter pour un repli sur le territoire national, un
protectionnisme engagé afin de préserver le groupe social avec le
plus de similitudes. Il s'agit en réalité d'un réflexe
primitif et inhérent à la condition humaine, le besoin pour un
groupe social d'être rassuré, recentré sur lui-même
et de désigner un ennemi commun « responsable » de la crise en
cours. C'est un fait humain puisque face à une menace, le groupe va
réagir en se serrant les coudes et ses membres vont renforcer leur
fierté d'appartenir à un ensemble. On affiche alors les symboles
et on souligne tout ce qui fait l'identité du groupe. Le plus souvent,
cette appartenance est mise en exergue quand l'ensemble est opposé
à un groupe qui présente des critères différents,
étrangers.
C'est ainsi que la Grande-Bretagne a décidé de
se retirer de l'Union Européenne
75 Christakis, O. Corten, P. Klein (dir.), thèse :
L'intervention en Irak et le droit international, Paris, Pedone, 2004,
p. 105-128.
76 Rooke Hagen, L'autoprotection et le droit de l'OMC.
Réflexions sur les implications juridiques des comportements
unilatéraux des membres de l'Organisation mondiale du commerce.
(2007). Thèse pour obtenir le grade de docteur de
l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Droit international
public. Editions universitaires européennes. p.665
28
en désignant l'immigration comme principal facteur de
leur difficulté économique77, et que presque dans le
même temps, les Etats-Unis adoptent une stratégie commerciale
protectionniste et rejettent la politique de l'OMC78. La crise
sanitaire mondiale due au COVID-19 entraîne déjà un repli
identitaire et une remise en cause de la mondialisation, des chaînes
mondiales d'approvisionnement ainsi que de l'OMS, critiquée pour son
manque d'efficacité79. Les comportements unilatéraux
se retrouvent souvent favorisés du fait du champ réglementaire de
l'organisation internationale. Pour ce qui est de l'ONU, la période
1945-1989 est un exemple probant.
La période de la Guerre Froide est marquée par
une grande latence de la part de l'ONU et du CS comme l'explique Pierre-Marie
Dupuy dans son manuel80. Ce blocage partiel est dû à
l'accroissement des rivalités entre les deux blocs ce qui provoqua des
déformations qui ont largement réduit l'efficacité du CS.
Le silence de l'ONU durant cette période a de ce fait favorisé
les actions militaires unilatérales et particulièrement celles
des Etats-Unis. La carence de l'autorité centrale censée assurer
le monopole de la contrainte peut constituer « la raison d'être de
la survivance du recours à la justice privée dans la
société internationale »81 comme l'exprime
Christiane Alibert. Ces comportements unilatéraux ont ensuite
été confortés par le silence du CS en la matière.
Les Etats-Unis à la fin de la bipolarisation du monde se sont donc
sentis investis de la mission d'être le gardien mondial de la paix,
depuis peu devenus l'unique superpuissance comme le démontre la
Généalogie de l'unilatéralisme82.
L'unilatéralisme étasunien se développe en particulier
sous l'égide de Bill Clinton en 1993 et la signature de la directive de
décision présidentielle établissant la politique de
réforme des opérations multilatérales des Etats-Unis.
La Presidential Decision Directive 25 83 marque ainsi la
fin du multilatéralisme affirmatif et entame une ère d'action
sélective des Etats-Unis, c'est à dire que ces derniers
choisiront les actions les plus pertinentes et profitables aux
intérêts américains qu'elles soient unilatérales ou
collectives comme le conseiller à la sécurité nationale de
l'époque, Anthony Lake, l'affirme84. Les Etats-Unis
77 Pour plus d'informations sur ce sujet là voir
l'article du Monde diplomatique: Mason, P. (2016, 1 août). «
Brexit » , les raisons de la colère. Consulté 10 juin
2020, à l'adresse
https://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/MASON/56082
78 Bouissou, J. (2019, 11 décembre). Face au blocage
des Etats-Unis, l'Organisation mondiale du commerce dépose les armes.
Consulté 10 juin 2020, à l'adresse
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/10/l-organisation-mondiale-du-commerce-depose-les-armes_6022296_3234.html
79 Le retour au protectionnisme après la crise du COVID-19
: à l'instar des Pays-Bas connus pour leur
attachement au libre-échange, qui viennent tout juste
de rejeté le traité d'échange avec le MERCOSUR par peur
que l'accord commercial ne pénalise les travailleurs néerlandais.
Voir l'article complet : Bouissou, J. (2020, 6 juin). Vers une nouvelle
ère du protectionnisme.
consulté 10 juin 2020, à l'adresse
https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/06/vers-une-nouvelle-ere-du-protectionnisme_6041959_3234.html
80 Dupuy, P. M., & Kerbrat, Y. (2016). Droit
international public (13e éd.). Paris, France : Dalloz. p.659
81 Alibert C., Du droit de se faire justice dans la
société internationale depuis 1945, Paris, LGDJ, 1983, p.467.
82 Delphy C., Levy C., Anderson N.,
Généalogie de l'unilatéralisme, L'humanité
,14 avril 2003.
Disponible à l'adresse :
http://collectifantiguerre.org/IMG/pdf/genealogie_de_l.pdf
Consulté le 10/06/2020
83 Presidential Decision Directive 25 . Mai 1 9 9 4 .
Disponible à l'adresse :
https://fas.org/irp/offdocs/pdd/pdd-25.pdf
consulté le 10/06/2020
84 Déclaration d'Anthony Lake, conseiller à la
sécurité nationale, lors d'un compte rendu de la Presidential
Decision Directive 25, cité par Delphy C., Levy C., Anderson N.,
Généalogie de l'unilatéralisme. op.cit.
29
prouvent leur nouvelle manière de fonctionner avec le
cas rwandais en décidant de ne pas intervenir malgré les
massacres perpétrés. Madame Albright, alors Secrétaire
d'Etat sous Bill Clinton avait commenté : « On ne peut pas nous
obliger à être d'accord avec une mission qui n'est pas dans notre
intérêt »85 . Elle déclarait ensuite que
les Etats-Unis sont multilatéraux quand ils le peuvent et
unilatéraux quand ils le doivent86.
L'élection de George W. Bush et son idéologie
« d'hégémonie américaine »87 fut mise
en oeuvre à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Le 1er juin
2002, l'administration Bush avance la doctrine de légitime
défense préventive, terme sur lequel le sujet revient dans la
deuxième partie. L'administration alors en place prévient que
quel que soit le résultat du vote du CS de l'ONU lors de la
résolution 1441 de 200288, « cela n'empêcherait
pas les Etats-Unis d'attaquer l'Irak »89. De nombreuses oeuvres
cinématographiques ont dénoncé le mensonge d'état
de l'administration Bush afin de légitimer le bien-fondé de
l'opération en Irak90. Le biopic VICE sorti en
201891 retrace d'ailleurs l'ascension politique du
vice-président de G. Bush, Dick Cheney et revient sur la manière
dont il a convaincu Colin Powell d'affirmer devant l'ONU que Saddam Hussein
possédait des armes de destruction massive et qu'une branche d'Al-Qaida
était active en Irak.
Ainsi, il ressort de ces antécédents que le CS
n'a pas la mainmise, le monopole sur le principe du recours à la force.
Les Etats-Unis en sont l'exemple le plus probant car il s'agit d'un
unilatéralisme assumé qui s'est développé depuis
les années 1990. Ces derniers proclament en effet haut et fort qu'ils ne
demandent pas la permission à l'ONU quand leurs intérêts
sont en jeu. Il suffit de constater les actions du président Donald
Trump notamment envers l'Iran qui, le 3 janvier 2020 se félicite de
l'assassinat du général Soleimani, homme fort de l'Iran en Irak
et menace de bombarder 52 sites sur le territoire iranien92. Le CS,
suite à ces actions, a préféré multiplier les
appels pour préserver la paix en ne qualifiant aucunement les actions
des Etats-Unis ou de l'Iran. Le silence de l'ONU face aux transgressions
fréquentes des 5 membres permanents du CS est perturbant et lui fait
perdre de la légitimité. Une partie de la doctrine
considère ainsi que, au vu des violations de la Charte, cette
dernière a connu une sorte de révision informelle
(Paragraphe II).
Paragraphe II- La doctrine d'une révision
informelle de la Charte en raison de sa pratique contraire
récurrente
Selon certains universitaires anglo-saxons, les règles de
la Charte régissant le
85 Delphy C., Levy C., Anderson N., Généalogie
de l'unilatéralisme, op.cit
86 Citée par Hassner P., Vaisse J., Washington et
le monde. Dilemmes d'une superpuissance, Paris, Autrement, 2003, p.75
87 Arrighi, G. (2014). Le début de la fin de
l'hégémonie américaine: [2005]. Agone, 55(3), 65-110.
doi:10.3917/agone.055.0065.
88 Résolution du CS de l'ONU du 8 novembre 2002,
n°1441 S/RES/1441 (2002) Disponible à l'adresse :
https://undocs.org/pdf?symbol=fr/S/RES/1441(2002)
consulté le 10/06/2020
89 Delphy C., Levy C., Anderson N., Généalogie
de l'unilatéralisme, op.cit
90 Pour n'en citer que quelques uns : Fahrenheit 9/11 (2004),
Le monde selon Bush (2004), Fair Game (2010).
91 Vice (11 décembre 2018) par Adam McKay.
92 Reuters, L. M. A. A. E. (2020, 3 janvier). Les Etats-Unis
tuent le puissant général iranien Ghassem Soleimani dans une
frappe en Irak. Consulté 10 juin 2020, à l'adresse
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/le-general-iranien-ghassem-soleimani-aurait-ete-tue-dans-un-bombardement-a-bagdad_6024655_3210.html
30
recours à la force dans leur ensemble auraient
été effacées par une pratique contraire, une sorte de
révision informelle93. La Charte, étant flexible et
générale, faciliterait les recours unilatéraux à la
force par les Etats souverains. La doctrine anglo-saxonne en vient à la
conclusion qu'il y a une impossibilité de soumettre la force au droit
sur le fondement d'une approche purement empirique. Cette affirmation est
étayée par le fait que depuis 1945 (jusqu'à 2007), deux
tiers des membres des Nations unies ont combattu au sein de deux cents
quatre-vingt-onze conflits armés. Ainsi, comme Philippe Weckel le
remarque, une certaine pratique diplomatique a tendance à prendre le
dessus sur la règle de droit en tirant parti d'interprétations
facilitées par les incertitudes ou les « fissures » de la
Charte et en recherchant des accommodements avec l'illégalité ou
en essayant d'en atténuer la portée94. Comme
démontré au sein de la deuxième section, la terminologie
onusienne ne favorise pas la rigueur juridique pour ce qui est de qualifier un
conflit. Le CS tend dans certaines situations délicates à
favoriser la diplomatie à la règle de droit.
Il est possible dès lors d'argumenter que le but
principal de l'ONU, de « préserver les générations
futures du fléau de la guerre »95, se trouve, dans les
faits, battu en brèche. Le chef de file de cette argumentation est
Michel Glennon, pour qui : «the age-old dream of subjecting the use of
force to the rule of law has today gone in smoke »96. Glennon
poursuit en considérant qu'un traité perd sa force obligatoire si
un nombre suffisant d'Etats s'engagent dans des comportements contraires au
traité. Le nombre élevé de conflits qui ont
émergé depuis 1945 selon Glennon reflète que la Charte n'a
pas réussi à atteindre son objectif principal et que en ce sens,
la pratique contraire représente plus le droit en vigueur que la Charte.
Ces dernières deviennent donc obsolètes car inutilisées
et, par conséquent, Glennon conclut que la Charte est morte, victime de
désuétude97. Bien que la majorité de la
doctrine soit contre la théorie de la caducité de la Charte de
Glennon, ce dernier marque cependant un point. Il est intéressant de se
demander à quel moment une règle de droit est
considérée comme obsolète par sa pratique contraire ? Une
des caractéristiques d'une règle de droit est qu'elle doit
présenter un caractère fort de coercition. Cette coercition doit
être exercée par le garant de ce principe c'est-à-dire,
dans ce cas là par l'ONU, et plus particulièrement le CS.
L'impunité des membres permanents du CS lorsqu'ils
93 Voelckel M., Guerre, Répertoire de droit
international, Dalloz, Janvier 2007 (actualisation décembre 2017)
94 WECKEL, P., Examen de la licéité du
recours à la force : réflexion sur la méthode, dans
Les métamorphoses de la sécurité collective,
Journées d'étude de Tunis, 2004, SFDI, Pedone
95 Préambule de la Charte des Nations unies :
«Nous, peuple des Nations Unies, sommes résolus à à
préserver les générations futures du fléau de la
guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à
l'humanité d'indicibles souffrances, à proclamer à nouveau
notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la
valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des
hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à
créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du
respect des obligations nées des traités et autres sources du
droit international, à favoriser le progrès social et instaurer
de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».
Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/preamble/index.html
Consulté le 11/06/2020
96 Glennon M-J., Self defense in an Age of Terrorism,
ASIL Proceedings of the 97th Annual Meeting, 2003, p.152.
97 Glennon explique ses propos en ses termes : A rule's
abandonment through nonenforcement or noncompliance is known as desuetude (...)
My theory is that excessive violation of a rule, whether embodied in custom or
treaty, causes the rule to be replaced by another rule that permits
unrestricted freedom of action ». In Glennon M-J, How International
rules die, The Georgetown Law Journal vol.93, 2005, p. 939-940. Disponible
à l'adresse :
https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?
abstract_id=752987 consulté le 17/05/2020
31
transgressent ce principe représente un argument de
plus dans la théorie de la caducité de la Charte.
Néanmoins, force est de constater que la
majorité de la communauté internationale dénonce et
proteste contre chaque transgression de l'interdiction du recours à la
force par un Etat. Ainsi, par exemple, l'emploi de la force par l'OTAN contre
la Serbie a été fortement contesté en 1999 lors d'un
débat organisé par l'AG des NU à ce sujet98. De
la même façon, plusieurs Etats membres de l'OTAN, conscients de
leur action en marge de la légalité, n'ont pas souhaité
que la guerre du Kosovo serve de précédent pour de futures
interventions humanitaires. Ainsi, le ministre français des Affaires
étrangères de l'époque, Hubert Védrine, a
déclaré qu'il s'agissait «d'une conjonction exceptionnelle
qui interdit d'affirmer que la gestion de la crise au Kosovo a
été un précédent »99. De même
pour ce qui est de la guerre en Irak, à l'exception des Etats-Unis et du
Royaume-Uni, les autres membres de la coalition ont reconnu agir en marge de la
légalité100.
De plus, l'Etat, qui, sans l'autorisation du CS décide
tout de même d'employer la force, cherche la plupart du temps à
justifier cette action du point de vue du droit. La CIJ101
considère ainsi que si les Etats commettent des violations à
l'égard du principe d'interdiction du recours à la force, ils
prennent toutefois toujours le soin de justifier juridiquement ces atteintes,
ce qui confirme plus que n'affaiblit sa valeur, et cela que l'attitude de cet
Etat puisse ou non se justifier en fait sur cette base. Les Etats cherchent
également le soutien des Nations unies dans leur action armée ce
qui place l'ONU au centre des rapports inter-étatiques et comme instance
de légitimation. En définitive, ces différentes atteintes
au principe du recours à la force ne sauraient remettre en cause la
positivité de cette règle. Plusieurs auteurs dénoncent
ainsi la théorie de la caducité de la Charte de Glennon en
rappelant que « la pratique violatrice, même quand elle est
persistante, ne défait pas nécessairement la règle, si
celle-ci a été consolidée et blindée par la
volonté sociale (ou collective) des Etats »102. Comme
démontré au sein de la première section, il est vrai que
la communauté internationale reconnaît dans son ensemble la
règle de l'article 2§4 de la Charte des Nations unies. Certes, il
est trop prématuré pour annoncer la mort du principe de
l'interdiction du recours à la force mais un juste-milieu peut
être trouvé.
Les nombreuses transgressions de la Charte doivent
inquiéter et interpeller les internationalistes. La reconnaissance
globale au sein de la société internationale ne suffit plus
à se conforter dans l'idée que la Charte perdure et
représente une norme fondamentale respectée de tous. Il semble
indéniable qu'un Etat (surtout un membre permanent du CS à
l'instar des Etats-Unis) s'il pense agir afin de défendre ses
intérêts, ne réfléchira pas par deux fois afin de
transgresser l'interdiction du recours à la force.
98 Ce débat eut lieu du 6 au 11 octobre 1999. V. les
documents : A/54/PV.27 à A/54/PV.33 (séances
plénières de la 54e session de l'Assemblée
générale des Nations Unies). Disponible à l'adresse :
https://research.un.org/fr/docs/ga/quick/regular/54
consulté le 11/06/2020
99 Interview réalisé par Le Monde, 25
mars 2000 cité par Nouvel Yves. La position du Conseil de
sécurité face à l'action militaire engagée par
l'OTAN et ses Etats membres contre la République fédérale
de Yougoslavie. In: Annuaire français de droit international, volume 45,
1999. pp. 292-307.
100 Sur ce point : T. Gazzini, The Changing Rules..., op.
cit., p. 84 et s. De manière générale pour une analyse
détaillée de la pratique et de l'opinio juris des Etats : ibid.,
p. 82 et s.
101 Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua, op.cit.
102 Abi-Saab G., intervention in La pratique et le
droit international, Colloque SFDI Genève, Paris, Pedone, 2004, 308 p.,
p. 120.
32
Cette transgression sera ainsi confortée par la suite
par l'absence de réaction du Conseil de sécurité comme
nous pourrons le remarquer au sein du second Chapitre de cette première
partie. En ce sens, il semble juste de définir la Charte comme en
détérioration de par les transgressions
répétées du principe de l'interdiction du recours à
la force. Ces violations du principe apparaissent comme facilitées par
les défaillances du système onusien (CHAPITRE
II).
33
CHAPITRE II
Les violations du principe de l'interdiction du
recours à la force facilitées par les défaillances du
système onusien
Avec l'effondrement de l'Union soviétique et la
disparition d'un climat de guerre froide, le monde a été
complètement modifié. Cette nouvelle ère a
entraîné l'apparition de nouvelles menaces qui se sont
substituées aux anciennes. Selon Pierre Du Bois, il s'agit toutefois
plutôt d'anciennes menaces renouvelées103. Les experts
de l'Union européenne en distinguent cinq types : le terrorisme,
religieux en particulier, la prolifération des armes de destruction
massive (armes atomiques, biologiques, chimiques), les conflits
régionaux, la déliquescence de l'Etat et la criminalité
organisée. En tout état de cause, la réflexion suppose une
approche élargie du concept de menace non prévue par la Charte
(Section 1). Le Conseil de sécurité, sous la
mutation du concept de menace contre la paix, est apparu comme
complètement dépassé par les événements. La
terminologie utilisée dans ses résolutions favorise le flou et
l'incertitude, sans toujours éprouver le besoin de mentionner le
fondement de ses actions. La souplesse dont le Conseil fait preuve peut
être un point positif afin de pouvoir constamment s'adapter aux
nouveautés cependant, le revers de la médaille apparaît
comme étant un manque de cohérence total dans l'ensemble des
décisions prises. En cela, le Conseil de sécurité fait
preuve d'une désinvolture juridique dangereuse (Section
2). Enfin, les nombreuses transgressions au principe de l'interdiction
du recours à la force semblent être exacerbées par la
paralysie et les défaillances du Conseil de sécurité lors
de conflits internationaux. Ce dernier est remis en cause par son manque de
représentativité, par ses décisions politiques plus que
juridiques et enfin par le droit de veto dont bénéficie les cinq
membres permanents du CS. Toutes ces critiques convergent vers une
réformation du système de l'ONU afin de palier au
déséquilibre fonctionnel du CS (Section 3).
103 Du Bois P., Anciennes et nouvelles menaces : les enjeux de
la sécurité en Europe, Relations internationales 2006/1
(n°125) p.5-16, disponible à l'adresse :
https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2006-1-page-5.htm#re1no1
consulté le 11/06/2020
34
Section 1 : La mutation de la notion de menace contre
la paix telle que représentée dans la Charte des Nations
unies
Pendant des années, le CS a adopté une approche
plutôt classique de la notion de menace contre la paix. Il a
utilisé la notion afin d'adresser des situations de véritable
conflit international inter-étatique comme lors du conflit armée
en Palestine en 1948104, ou l'invasion du nord de Chypre par la
Turquie en 1974105. Le concept de menace contre la paix a
néanmoins connu une extension par le CS (Paragraphe I)
depuis les années 1990 en l'appliquant de plus en plus à des
situations qui ne se fondent pas directement sur l'existence d'un conflit
armé entre Etats. Sous l'apparition de nouvelles menaces, les limites
des textes de la Charte ont également émergé
(Paragraphe II). L'ONU s'est ainsi vue obligée de
prendre des mesures palliatives qui visent à combler son insuffisance
institutionnelle.
Paragraphe I- L'élargissement de la notion de
menace contre la paix
Jean Combacau dans le pouvoir de sanction de l'ONU
soutenait « qu'une menace pour la paix au sens de l'article 39 est
une situation dont l'organe compétent pour déclencher une action
de sanctions déclare qu'elle menace effectivement la paix
»106. Il poursuit en analysant cette définition comme
illustrant « l'entière discrétion du Conseil de
sécurité en ce qui concerne l'interprétation du concept de
menace à la paix »107. Cependant, comme
précisé dans le Chapitre 1, la Charte ne retient pas de
définition de la notion de « menace contre la paix ». Cette
dernière reste donc très vague ce qui donne à l'organe en
charge de l'interpréter, une marge de compétences encore
supérieure. Étant donné que les notions de « menace
» et de « paix » ne sont nullement définies dans la
Charte, il est difficile de conclure à ce que les constituants
entendaient par cette notion. Cependant, il est communément admis
qu'à l'origine, ses pères fondateurs en avaient une conception
essentiellement négative ou restrictive à l'esprit,
c'est-à-dire le « silence des armes ».
Dans les années 1990 après l'effondrement du
bloc soviétique, le CS décide d'interpréter cette notion
de manière beaucoup plus large que ce qui était alors le cas. Le
concept de « paix » se dote ainsi d'une dimension large, positive et
structurelle, que l'on entend généralement comme «
l'établissement de conditions propices au développement
politique, économique et social des Etats »108. Cette
nouvelle dimension de la paix découle d'une lecture dynamique de la
Charte comme l'analyse Pierre-Marie Dupuy109 et comme le confirme
l'ONU dans la déclaration commune du 31 janvier 1992. Dans cette
104 Résolution du CS des NU n°54 op.cit
105 Résolution du CS des NU n°353 du 20 juillet
1974 S/RES/353 (1974) disponible à l'adresse :
https://digitallibrary.un.org/record/93470?ln=fr
consulté le 11/06/2020
106 Combacau J., Le pouvoir de sanction de l'ONU,
Pédone, Paris, 1974, p.100
107 Ibid.
108 Rawls J., A Theory of Justice (1971), section 15,
tel que cité par Goldmann M., Sovereign Debt Crises as Threat to
Peace: Restructuring under Chapter VII of the UN Charter?, Goettingen
Journal of International Law, 2012, p. 169 : « basic civil rights and
socio-economic conditions which enable a life in self-determination».
109 Dupuy P.-M., Sécurité collective et
organisation de la paix R.G.D.I.P., 1993, pp. 617-627
35
déclaration, le CS demande au Secrétaire
général (SG) de préparer un rapport sur les données
nouvelles de la sécurité collective en prenant en
considération le fait que : « La paix et la sécurité
internationale ne découlent pas seulement de l'absence de guerre et de
conflits armés. D'autres menaces de nature non-militaire à la
paix et à la sécurité trouve leur source dans
l'instabilité qui existe dans les domaines économique, social,
humanitaire et écologique»110. C'est ainsi que
l'Agenda pour la paix du SG en 1992111 voit le jour. Cette
publication inclut dans la sécurité et la paix les notions de
respect des droits de l'Homme, l'exercice des libertés fondamentales et
le respect des principes démocratiques à tous les niveaux. Comme
l'explique Sale Thieraud dans sa thèse112, ces propos sont
ensuite confirmés et soutenus par le rapport du groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et les
changements du 2 décembre 2004 dans lequel on considère que
« Tout événement ou phénomène meurtrier qui
compromet la survie et sape les fondements de l'Etat en tant
qu'élément de base du système international constitue une
menace contre la sécurité internationale»113.
Ainsi, ces différentes volontés d'inclure des
domaines autres que les conflits armés dans la notion de menace contre
la paix dénote la profonde mutation intervenue dans la période
post bipolaire. C'est ainsi que de nombreux cas de conflits internes ont
été regardés comme menaces contre la paix. Bien que les
troubles qui ont suivi l'indépendance du Congo en 1961 avaient
déjà été qualifiés par la résolution
161 de « menace à la paix et la sécurité
internationale »114, le début des années 90 et la
fin de la guerre froide marque une explosion de conflits internes
internationalisés. Le CS a ainsi qualifié les conflits en
ex-Yougoslavie115 et Somalie116 de « menaces
à la paix ». De plus, en 1993, le CS adopte une résolution
dans laquelle il explique que les activités militaires et la situation
économique en Angola constituent également une menace contre la
paix : le CS « condamne l'UNITA en raison du fait qu'elle continue de
mener des actions militaires qui accroissent les souffrances de la population
civile angolaise et nuisent à l'économie du pays [...]
»117. Ainsi, le CS introduit le caractère
économique d'un Etat dans le champ de ses compétences
d'intervention. La crise au Burundi au cours des années 2000 est un
autre exemple de l'extension de cette notion puisque le CS déclare
être « préoccupé par la dégradation de la
situation économique au Burundi dans le contexte du conflit, et
reconnaît que toute amélioration de la sécurité
devrait
110 Ibid.
111 Agenda pour la paix, diplomatie préventive,
rétablissement de la paix, maintien de la paix, ONU, A/47/277 ;
S/24111
112 Thieraud S., Le droit international et la pratique de
l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit.
Université Nancy 2, 2009, France.
113 Rapport du groupe des personnalités de haut niveau
sur les menaces, les défis et les changements, 2 décembre 2004,
A/59/625 p.2.
114 Résolution du CS des NU n°161 du 21
février 1961. S/RES/161 (1961) disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-1961
consulté le 12/06/2020
115 Résolution du CS des NU n°713 du 25 septembre
1991. S/RES/713 (1991) disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-1991
consulté le 12/06/2020.
116 Résolution du CS des NU n°751 du 24 avril
1992. S/RES/751 (1992) disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/sanctions/751
consulté le 12/06/2020. Pour plus d'informations sur la crise Somalienne
voir : Gayffier-Bonneville A-C., L'intervention en Somalie 1992-1993,
Revue historique des armées, 263 | 2011, 93-103. voir aussi : Sorel
J-M., La Somalie et les Nations Unies. In: Annuaire français de
droit international, volume 38, 1992. pp. 61-88.
117 Résolution du CS des NU n°864 du 15 septembre
1993. S/RES/864 (1993) disponible à l'adresse :
http://unscr.com/en/resolutions/864
consulté le 12/06/2020.
36
s'accompagner de progrès économiques et sociaux
tangibles pour la population »118. La crise ivoirienne
représente un autre exemple de cet élargissement aux
considérations économiques d'un Etat par le CS119,
tout comme le suivi du CS après le conflit haïtien en
2004120.
Ainsi, comme l'explique Lloyd Axworthy en 1999 dans son
article La sécurité humaine : la sécurité des
individus dans un monde en mutation121, la
sécurité de la majorité des Etats s'est
améliorée avec la fin de la guerre froide, mais celle des
individus a eu tendance à se détériorer, notamment en
raison du nombre grandissant de conflits internes. L'objectif premier de la
sécurité collective de l'ONU consistait à préserver
l'intégrité territoriale des Etats et la souveraineté
politique contre des agresseurs externes. Avec la fin de la guerre froide, les
préoccupations ont changé, la menace d'une guerre
inter-étatique bien que toujours présente est moindre. L'auteur
en 1999 déclarait que « Dans un monde chaque jour plus
interdépendant, la vulnérabilité-quoi que
inégale-nous est commune. L'ouverture des marchés, la croissance
du commerce mondial et la révolution des communications
présentent des grands avantages, mais elles rendent aussi les
frontières plus perméables à de multiples dangers. Un
nombre croissant de menaces pour la santé des populations- du transport
de polluants à grande distance aux maladies infectieuses- sont des
phénomènes mondiaux, tant par leur origine que par leurs effets.
Des bouleversements économiques dans une partie du monde peuvent
rapidement provoquer des crises dans une autre, entrainant des
conséquences désastreuses pour la sécurité des plus
vulnérables »122. Cet auteur ne pouvait pas toucher plus
juste, aujourd'hui la notion de menace contre la paix ne représente plus
seulement le risque d'une guerre entre différents Etats souverains. En
cela, le CS a réagi de manière rapide et a su inclure les menaces
post-bipolaires au sein de ses compétences garanties par l'article 39 de
la Charte. Cependant, qu'en est il des notions de souveraineté et
d'intégrité territoriale ? De nombreux conflits internes ont
été qualifiés par le CS comme étant des menaces
contre la paix et ont déclenché une intervention coercitive sans
le consentement de l'Etat hôte. La ligne entre une intervention
légale et légitime a souvent été franchie par le CS
malgré le caractère subjectif de chaque intervention
légitime. Une pratique dangereuse du Conseil a d'ailleurs
émergé lors de l'élargissement de la notion de «
menace contre la paix » du fait de certaines limites dans les dispositions
de la Charte en matière de recours à la force (Paragraphe
II).
Paragraphe II- Les faiblesses textuelles de la Charte des
Nations unies en matière de recours à la force
Comme décrit dans le premier chapitre, le CS a la
possibilité de prendre des
118 Résolution du CS de l'ONU n°1545. S/RES/1545
(2004), du 21 mai 2004, douzième considérant du
préambule.
119 Résolution du CS de l'ONU n°1528 du 9 mars
2004 dans laquelle il se dit « profondément préoccupé
par la dégradation de la situation économique en Côte
d'Ivoire, qui pèse lourdement sous l'ensemble de la sous région
».
120 Résolution CS de l'ONU N°1542 du 30 avril
2004, il « [p]rend note de l'existence de problèmes qui
compromettent la stabilité politique, sociale et économique
d'Haïti et estim[e] que la situation en Haïti continue de constituer
une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la
région »
121 Axworthy L., La sécurité humaine : la
sécurité des individus dans un monde en mutation. In:
Politique étrangère, n°2 - 1999 - 64?année. pp.
333-342.
122 Axworthy. La sécurité humaine : la
sécurité des individus dans un monde en mutation. op.cit. p.
334 à 335
37
mesures coercitives de type militaire avec l'article 42 de la
Charte au moyen de « forces aériennes, navales ou terrestres
», « si le Conseil de sécurité estime que les mesures
prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se
sont révélées telles »123. L'article
43124 indique qu'il faut au préalable que le CS ait
signé des accords spéciaux avec les Etats en vue de
réaliser le contingent militaire nécessaire au maintien de la
paix, et de la sécurité internationale. Or, le CS n'a jamais
conclu de tels accords lors des différentes actions militaires
déployées comme le démontre Monsieur Alassani dans sa
thèse125. Ainsi, l'ONU s'est vue obligée de prendre
différentes mesures afin de palier cette insuffisance institutionnelle.
Le CS a fait le choix de différer ces prérogatives sur les Etats
membres en les autorisant à user de tous les moyens nécessaires
afin de restaurer la sécurité et la paix internationale. Une
partie de la doctrine rejette cette technique de l'autorisation du recours
à la force octroyée par le CS aux Etats car elle n'a pas de
fondement juridique expresse dans la Charte. Cependant, il est possible
d'argumenter le fait que le CS détient la responsabilité
principale de maintenir la paix au sein de la communauté internationale
et en cela, il peut, s'il l'estime nécessaire, sous-traiter ce
rôle à un Etat sous couvert de contrôle adapté.
Ainsi, comme le précise Pierre-Marie Dupuy : « Le droit des Nations
Unies, certes, c'est avant tout la Charte; mais c'est aussi la façon
dont, depuis (...) cinquante ans, elle a été
interprétée, appliquée, voire complétée par
une pratique particulièrement riche, à laquelle ont
participé les organes principaux (...), mais aussi tous les Etats
membres »126. Au lieu de créer une armée
internationale, la Charte a plutôt prévu en son article 43 que ce
soient les Etats membres de l'ONU qui mettent à la disposition du
Conseil les contingents militaires nécessaires, sur la base d'accords
spéciaux.
Afin d'éviter la paralysie, et bien qu'en
dérogeant à la lettre de la Charte, le CS a commencé
à déléguer l'usage de la force à des Etats. Il
s'agit ainsi de la théorie des « pouvoirs implicites » du CS,
traditionnellement appliquée au droit des Etats fédéraux.
La notion des pouvoirs implicites s'entend des pouvoirs dont disposent les
organes des
123 Article 42 de la Charte des Nations unies : «Si le
Conseil de sécurité estime que les mesures prévues
à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont
révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces
aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales. Cette action peut comprendre des
démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations
exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres
de Membres des Nations Unies. Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/index.html
Consulté le 12/06/2020
124 Article 43 de la Charte des Nations unies :
« §1- Tous les Membres des Nations Unies, afin de
contribuer au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil
de sécurité, sur son invitation et conformément à
un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces
armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de
passage, nécessaires au maintien de la paix et de la
sécurité internationales.
§2- L'accord ou les accords susvisés fixeront les
effectifs et la nature de ces forces, leur degré de préparation
et leur emplacement général, ainsi que la nature des
facilités et de l'assistance à fournir.
§3- L'accord ou les accords seront
négociés aussitôt que possible, sur l'initiative du Conseil
de sécurité.. Ils seront conclus entre le Conseil de
sécurité et des Membres de l'Organisation, ou entre le Conseil de
sécurité et des groupes de Membres de l'Organisation, et devront
être ratifiés par les États signataires selon leurs
règles constitutionnelles respectives. » Disponible à
l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/index.html
Consulté le 12/06/2020
125 Alassani Z., L'évolution du droit de recourir
à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite.
op.cit p.149.
126 Dupuy P-M., La souveraineté de l'Etat et le
droit des Nations Unies, dans Souveraineté de l'Etat et
interventions internationales, Roland DRAGO (dir), Académie des Sciences
Morales et Politiques, Fondation Singer-Polignac, ed Dalloz, Paris, 1996,
p.23
38
organisations internationales qui « n'étant pas
expressément énoncés dans le traité, y sont
sous-entendus parce qu'ils s'avèrent nécessaires à la
réalisation des buts ou à l'exercice des fonctions
expressément prévues » 127. La théorie des
pouvoirs implicites a été formulée pour la première
fois par la jurisprudence constitutionnelle de la Cour Suprême des
Etats-Unis dans l'affaire Gibbons vs. Ogden (1824)128. Au
niveau des NU, la reconnaissance de cette théorie est née de
l'Avis consultatif de la CIJ dans l'affaire de la Réparation des
dommages subis au service des Nations Unies129. Du fait de la
persistance de cette pratique, le CS a fini par créer une coutume qui en
droit international, constitue un mode de formation conventionnel du droit.
En revanche, la technique de l'autorisation implicite est elle
plus problématique en ce qu'elle accorde aux Etats de prendre «
toutes les mesures nécessaires » afin de rétablir la paix.
Cette autorisation est devenue le seul moyen pour le CS de se
ré-approprier le Chapitre VII des NU pour obtenir le respect de ses
décisions et maintenir la paix et la sécurité
internationale. Néanmoins, les conditions de validité de cette
autorisation posent problème car le CS se doit de maintenir un certain
contrôle dans de telles conditions, ce qui n'est pas toujours le cas.
C'est encore à partir des années 1990 qu'une pratique dangereuse
apparaît à cause des défaillances de la Charte pour assurer
un véritable pouvoir coercitif. Le CS à la suite de la guerre
froide prend de l'assurance dans ces autorisations et passe de la formule de
« recommande aux Membres de l'Organisation »130 à
celle d' « autorise les Etats membres à employer tous les moyens
nécessaires »131. Le Conseil dépasse ainsi la
simple recommandation et durcit ses décisions. Il
généralise également ces autorisations en
privilégiant au fur et à mesure des résolutions avec des
termes généraux et larges qui apparaissent comme dangereux
puisque les Etats peuvent interpréter ses résolutions de la
manière dont ils le souhaitent. En effet, notamment lors de la
résolution 678 du CS132 concernant l'Irak, le CS autorise les
Etats membres des NU à utiliser de « tous les moyens
nécessaires si la résolution 660 n'est toujours pas
respectée ». Cette résolution ne fixe aucune limite quant
aux moyens à employer ce qui pose problème étant
donné que le CS délègue son pouvoir de coercition aux
Etats membres. En cela, il devrait poser des règles strictes ainsi qu'un
cadre réglementaire précis.
Cette autorisation implicite, comme nous le verrons en seconde
partie de la recherche, a posé un problème car son usage a
ensuite été présumé par les Etats afin de justifier
leurs recours unilatéraux à la force. En cela, de par les limites
de la Charte de ne pas avoir doté le CS d'un pouvoir coercitif
indépendant, une pratique dangereuse a émergé et
créé des justifications aux transgressions du principe
d'interdiction du recours à la force. Les défaillances de la
Charte facilitent ainsi les violations de l'article 2§4 et il en est de
même pour le manque de rigueur juridique des résolutions du
Conseil de sécurité (Section 2).
127 Salmon J. Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles, Bruylant, 2001 p.859
128 Disponible à l'adresse :
https://supreme.justia.com/cases/federal/us/22/1/#tab-opinion-1923815
Consulté le 12/06/2020
129 CIJ Affaire de la réparation des dommages subis au
service des Nations Unies. 11 avril 1949 op.cit.
130 Comme lors de la guerre de Corée en 1950 avec la
Résolution 83 du Conseil de sécurité
131 Comme lors de la guerre du Golfe avec la résolution
665 du Conseil de sécurité
132 Résolution 678 du CS de l'ONU du 29 novembre 1990,
S/RES/678 (1990) disponible à l'adresse :
https://undocs.org/pdf?symbol=fr/S/RES/678(1990)
Consulté le 12/06/2020
39
Section 2 : Le manque de rigueur juridique dans les
résolutions du Conseil de
sécurité
L'ONU et plus particulièrement le CS sont des
institutions politiques produisant des règles juridiques
internationales. En cela, ils doivent jongler entre des rapports de force
différents, entre des impératifs de sécurité et les
normes juridiques du droit international. Comme le décrit parfaitement
Michel Voelckel, « le rôle éminent et la
responsabilité principale du Conseil n'est cependant pas le respect du
droit international mais le maintien de la paix et la sécurité
internationale. Celui-ci, peut-il toujours et entièrement se concilier
avec celui-là ? (...) Et y a-t-il toujours une équivalence entre
maintien de la paix et maintien de la sécurité ?
»133. Le CS, afin de réaliser son but de «
préserver les générations futures du fléau de la
guerre » a ainsi tendance à privilégier une pratique
diplomatique à la règle de droit (Paragraphe I).
Cette pratique diplomatique est possible grâce aux incertitudes de la
Charte et à une souplesse juridique dans les résolutions qui
apparaît comme étant à double tranchant pour le maintien de
la paix et de la sécurité internationale (Paragraphe
II).
Paragraphe I- Une pratique diplomatique
privilégiée à la règle de droit
L'ONU est une institution politique ayant pour but de
résoudre de manière la plus pacifique possible les grandes crises
que traverse la société internationale et à être
utilisée dans les grandes manoeuvres auxquelles se livrent les
puissances sur la scène mondiale. Vouloir étudier cette
organisation avec un angle strictement juridique serait passer à
côté de l'aspect politique de sa fonction et donc aboutir à
des conclusions erronées ou trompeuses. Bien que cette section critique
le manque de rigueur juridique du CS, il est important de rappeler que cet
organe est soumis au jeu intense et anarchique des forces politiques, dans le
sens ou la puissance des intérêts en jeu et la gravité de
leurs affrontements font que ces forces n'ont guère été
apprivoisées par le droit. Celui-ci ne vient ainsi qu'à un rang
assez bas dans les motivations des acteurs qui les incarnent134.
Cependant, le droit est constamment présent au sein du
CS dans chaque résolution qu'il produit, comme dans tout pouvoir
politique. La Chef de Cabinet du Secrétaire général de
l'ONU l'a rappelé dans une recommandation adressée en 2018 au CS
en vue de passer à une ère de prévention et pour une vraie
responsabilisation face aux crimes internationaux les plus
graves135. La Chef de cabinet a d'abord rappelé la
contribution indéniable du CS à la promotion du droit
international, citant notamment la création des deux tribunaux
pénaux internationaux TPIY (pour l'ex Yougoslavie) et pour le Rwanda
(TPIR). Le Président de la Pologne a ensuite insisté sur la
nécessité d'une définition cohérente des concepts
du DI applicable face aux défis de la paix : « Si nous appelons un
acte d'agression un `conflit' sans déterminer qui est la victime et
l'agresseur, si nous appelons une menace un `défi' sans définir
sa source, alors nous
133 Voelckel M., Guerre, Répertoire de droit
international, op.cit. Paragraphe 9
134 Analyse produite par Virally M., dans L'ONU devant le
droit, Le droit international en devenir essais écrits au fil des
ans, Journal du droit international, Clunet, vol 99, 1972, Ed. Techniques,
Paris p.241270
135 Lettre datée du 3 mai 2018, adressée au
Secrétaire général par la Représentante permanente
de la Pologne auprès de l'Organisation des Nations Unies
(S/2018/417/Rev.1) Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2018/cs13344.doc.htm
Consulté le 14/06/2020
40
serons incapables d'adopter les mesures juridiques
adéquates pour y remédier»136. Ce dernier
remémore ainsi le paradoxe des Etats dans le Droit international en
considérant que coexistent à la fois un système juridique
international solide et dans le même temps, la tentation de placer la
« force au-dessus du droit ».
Même si toute intervention militaire à
l'initiative de la Communauté internationale reste le fruit d'intenses
tractations menées au sein du CS, ces dernières restent
tributaires du bon vouloir des grandes puissances. Le CS semble ainsi n'agir
que lorsque les intérêts propres de ses membres permanents sont en
jeu. Philippe Moreau Desfarges affirmait à ce propos : « Le Conseil
de sécurité, qui pourrait être l'enceinte de la mise en
oeuvre du droit d'ingérence, rassemble des Etats avec leurs
intérêts propres de puissance ; toute décision du Conseil
est un compromis entre ces intérêts et reflète plus ou
moins l'équilibre politique du moment »137. En effet,
comme l'inaction choquante du CS pour les crises du Kosovo ou pour le
génocide rwandais le prouvent, lorsque l'intervention armée sur
un territoire met en péril les intérêts d'un membre
permanent du CS, ce dernier se retrouve complètement bloqué par
un veto ou par la pression politique et diplomatique qu'il reçoit.
Ainsi, on peut douter du bien-fondé de chaque
intervention ou non-intervention en ce que les grandes puissances ne mettent
pas la nécessité de ces dernières au premier plan. Au lieu
de cela, ils effectuent plutôt un calcul rationnel des
intérêts politiques en jeu. De nombreux conflits meurtriers (comme
au Congo) ont eu lieu sans provoquer la moindre réaction de la
communauté internationale, et donc du Conseil de Sécurité.
Cela atteste que l'action de celui-ci est presque uniquement dictée par
les intérêts économiques des cinq permanents. Les conflits
intervenant dans les régions pauvres de la planète auraient moins
d'importance que ceux du Moyen-Orient riche en pétrole. En ce sens,
l'intervention libyenne de 2011 et la résolution 1973 du
CS138, d'abord perçues comme une avancée majeure dans
le fonctionnement du CS à cause du non-usage du veto, a
été ensuite largement critiqué, à juste titre,
à cause du dépassement du mandat par les Etats coalisés.
Au lieu de se limiter à la mise en place d'une zone d'exclusion
aérienne comme demandé par le CS, les Etats coalisés ont
fini par engager des hélicoptères de guerre pour se rapprocher du
sol libyen et les forces de l'OTAN se sont appliquées à assister
militairement les insurgés au lieu de protéger la population
civile. Il en est de même pour la résolution 1975 du
CS139 et l'intervention en Côte d'Ivoire du 30 mars 2011.
Cette résolution autorise notamment l'ONUCI (Organisation des Nations
Unies en Côte d'Ivoire) à « prendre toutes les mesures
nécessaires » et donc employer la force afin de restaurer la paix
et de protéger la population civile de la guerre civile. Le mandat du CS
a de la même façon qu'en Libye, clairement été
outrepassé puisque la France a participé à l'attaque
menant à l'arrestation de l'ex Président de la Côte
d'Ivoire, Laurent Gbagbo aux côtés des troupes du Président
Ouattara.
136 M. Andrzej Duda, le Président de la Pologne est
venu en personne présider ce débat- 8262E séance du CS 17
mai 2018.
137 Desfarges P-M., L'ordre mondial, Paris, Armand Colin,
2ème édition, 1998, p.168 cité par Alassani Z.,
L'évolution du droit de recourir à la force : vers une
reconnaissance de l'autorisation implicite. op.cit p.269.
138 Résolution du CS des NU n°1973 du 17 mars 2011
S/RES/1973 (2011) disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-1973
consulté le 14/06/2020
139 Résolution du CS des NU n°1975 du 30 mars
2011. S/RES/1975 (2011) disponible à l'adresse
https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-1973
consulté le 14/06/2020.
41
À l'instar de ces deux exemples, le Droit international
est souvent mis de côté au profit de considérations
politiques et diplomatiques et des intérêts égoïstes
des Etats souverains. Cependant, aucune sanction n'a été
émise par le CS au regard de l'interprétation extensive de ces
mandats puisque les résolutions en tant que telles n'étaient pas
précises et contenaient des dispositions générales afin de
laisser une certaine marge de manoeuvre aux Etats. Il s'agit d'une pratique
extrêmement dangereuse juridique qui laisse libre champ à la
volonté des Etats et aux violations du DI. C'est ainsi que le second
paragraphe porte sur la souplesse juridique à double tranchant des
résolution du CS (Paragraphe II).
Paragraphe II- Une souplesse juridique à double
tranchant
Virally considère que la souplesse juridique dont le CS
fait preuve dans ses résolutions permet une adaptation constante aux
besoins du maintien de la paix et rend compte de la double nature politique et
juridique du CS140. Il n'est, en effet, pas toujours évident
de rattacher juridiquement une opération de maintien de la paix à
l'un ou l'autre des chapitres de la Charte. Une partie de la doctrine emploie
le terme Chapitre VI bis pour décrire ces mesures qui n'appartiennent
pas à un fondement spécifique de la Charte. Ces mesures sont, en
ce sens, prises en fonction des besoins, de manière pragmatique et dans
l'urgence. Le CS ne mentionnant pas systématiquement le fondement
juridique de ses actions afin d'accéder à un éventail plus
large de possibilités, une même opération peut voir se
succéder différents types de mesure dans un temps restreint.
Dans ce sens, Y. Petit identifie trois situations
différentes 141:
- La première est l'utilisation combinée et
simultanée des deux chapitres VI et VII comme au Liberia, en Haïti,
en Angola, au Rwanda ou en ex-Yougoslavie.
- La deuxième situation se réfère
à l'utilisation des chapitre VI bis et VII en alternance ou de
façon concomitante sous forme de séquence (en Somalie, au Rwanda,
en Haïti ou au Timor-Oriental) avec la force multinationale pouvant
prendre le relais de l'opération de maintien de la paix comme lors de
l'opération « Restore Hope » avec l'Opération des
Nations unies en Somalie (ONUSOM) ou de l'opération « Turquoise
» avec la Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda (MINUAR II et
III).
- Enfin, la dernière catégorie dépeint
l'utilisation fusionnée des Chapitres VI bis et VII donnant naissance
à une opération de maintien de la paix (ONUSOM II,
l'Opération des Nations unies pour la restauration de la confiance en
Croatie, ONURC, à la suite du refus de la Croatie de prolonger le mandat
de la Force de protection des Nations unies en ex-Yougoslavie.
Ces classifications ne sont mentionnées nulle part dans
la Charte mais sont dégagées de la pratique du CS. Certes, ainsi
le Conseil dispose d'un arsenal de mesures à prendre et d'un champ de
compétences élargi mais, il agit également sans fondements
juridiques et sans créer de cadre cohérent et récurrent
dans leur utilisation. Cet aspect-là pose d'avantage problèmes.
Étant donné que le CS détient un pouvoir
discrétionnaire de qualification des crises et de choix dans les mesures
à prendre suite à cette qualification,
140 Virally M., L'ONU d'hier à demain, 1961,
Seuil, p. 21
141 Petit Y., Droit international du maintien de la
paix, 2000, LGDJ, p. 56 et 57
42
il semble important qu'il s'en tiennent aux dispositions de la
Charte. Sans cela, le pouvoir que détient le CS, un organe politique
plaçant la diplomatie avant la règle de droit, est trop important
pour être entre les mains d'un seul organe. Il semble que le
fonctionnement de l'ONU est bien trop dépendant du CS et de ses membres
permanents disposant d'un pouvoir discrétionnaire pour l'ensemble des
mesures ayant attrait au recours à la force. Il serait alors
préférable qu'un organe juridique et indépendant soit
chargé de la mission de qualification du conflit international ou que ce
dernier détienne un certain pouvoir de contrôle sur les mesures
que prend le CS.
La terminologie du CS dans ses résolutions favorise le
flou et l'incertitude préférant des périphrases aux mots
d'« agression » ou de « recours à la force »
jugés trop lourds de sens et trop rigoureux dans leurs
effets142. Ainsi, comme mentionné dans le premier Chapitre,
l'invasion de l'Irak en 2003 a été qualifiée «
d'illégale » par le secrétaire général des
Nations unies (Kofi Annan)143 au sens de la Charte sans pour autant
que celui-ci ou le CS l'ait qualifié « d'agression ». Les
contours de chacune des situations sont relativement flous et la pratique du
Conseil manque sans doute de cohérence. Toutefois, ce manque de rigueur
juridique dans les résolutions du CS entraîne également une
pratique dangereuse de la part des Etats puisqu'ils se nourrissent du
caractère trop général de la terminologie du Conseil pour
interpréter à leur manière les résolutions. Comme
il le sera expliqué dans la deuxième partie, la plupart des actes
unilatéraux des Etats sont tirés d'interprétation de la
Charte ou surtout des résolutions vagues du CS. Il semble qu'une rigueur
juridique plus marquée avec des champs d'action clairement
définis pour les Etats et pour une mission spécifique diminuerait
les abus d'interprétation des Etats. Bien sûr, il est aussi
possible qu'avec un changement dans les termes employés, les Etats qui
veulent s'adonner à des pratiques unilatérales trouveront tout de
même un moyen tiré d'un autre fondement juridique. Cependant, les
défaillances à la fois de la Charte et du CS semblent renforcer
ces comportements illégaux.
En plus, des faiblesses juridiques de l'ONU, le
déséquilibre fonctionnel et institutionnel de l'Organisation
représente une énième lacune facilitant les comportements
unilatéraux de ses Etats membres (Section 3). En effet,
le droit de veto représente une pratique incapacitant l'ONU et qui doit
être modifiée. Une meilleure représentativité entre
les Etats membres doit ainsi apparaître afin de créer une
réelle Organisation universelle.
Section 3 : Le déséquilibre fonctionnel
du Conseil de sécurité des Nations unies
L'efficacité du CS repose sur l'entente et la
volonté d'intervenir des cinq membres permanents, en cela, le CS est
complètement déséquilibré et peut, devenir
totalement inefficace dans certaines situations comme lors du conflit syrien.
Le pouvoir donné aux membres permanents par le biais du veto
représente une menace pour le
142 Il s'agit également du point de vue de Voelckel M.,
dans Guerre, Répertoire de droit international, op.cit. Et de
celui de SAAB A., La deuxième génération des
Opérations de maintien de la paix: quelques réflexions
préliminaires, Le trimestre du monde 1992, no 20. 87.
143 Semo, M. (2003, 19 mars). « Une guerre
illégitime et illégale ». Consulté 14 juin 2020,
à l'adresse
https://www.liberation.fr/planete/2003/03/19/une-guerre-illegitime-et-illegale_459029
43
système entier de l'ONU (Paragraphe
I). Le Conseil de sécurité qui dispose normalement de
tous les moyens nécessaires pour autoriser une intervention coercitive
et rétablir la paix se retrouve bloqué par des
intérêts étatiques égoïstes. En cela, le
pouvoir des cinq membres permanents apparaît comme tout-puissant, et
l'autorisation du recours à la force en pratique, semble détenu
par les « vainqueurs » de la seconde guerre mondiale. De nombreuses
propositions de réforme ont vu le jour au fil des blocages, cependant le
vote positif des cinq membres permanents du CS est indispensable pour une
révision du texte de la Charte. Par conséquent, il semble
difficile d'imaginer une telle réalisation. Il semble cependant
intéressant d'étudier les possibilités de réforme
et de les comparer à l'état d'avancement actuel du CS
(Paragraphe II).
Paragraphe I- La paralysie du CS par le biais du droit
de veto
Afin d'assurer l'engagement et l'investissement des grandes
puissances au sein de la sécurité collective, le droit de veto
proposé par le président américain Franklin D. Roosevelt
à Yalta a été accepté par les « petits »
Etats. Serge Sur souligne que sans veto, l'ONU n'aurait probablement jamais vu
le jour, en cela, il le décrit comme un « principe fondateur de la
Charte »144 et non comme une anomalie. Ainsi, au sein
même de l'ONU qui représente déjà un contrat social
entre les Etats pour créer l'Organisation, un second contrat a
émergé afin de garantir aux « vainqueurs » de la
Seconde Guerre mondiale un droit de blocage en échange d'une
responsabilité de garantir la sécurité collective. Ce
contrat semble aujourd'hui très déséquilibré
puisque les cinq membres permanents (USA, Royaume-Uni, Fédération
de Russie, Chine, France) utilisent leur veto à la moindre
contrariété et ne semblent pas placer la sécurité
collective au centre de leur processus de décision. Ce droit de veto
apparaît comme anti-démocratique comme le dénonce Mr
Zambelli dans son article : « Un vestige d'une époque
révolue » qui n'a que « déjà trop longtemps
survécu au coeur même de l'architecture institutionnelle de l'ONU
»145. Serge Sur considère également ce droit de
veto comme une « prérogative exorbitante reconnue aux seuls membres
permanents, qui fait du Conseil leur otage tout en les plaçant au-dessus
de la Charte »146. Les intérêts
égoïstes des Etats membres n'ont rien à faire au centre du
processus décisionnel d'une Organisation internationale garantissant la
sécurité collective.
Les Etats se tourneront toujours vers leur propre
intérêt sur le plan international et garantir l'autorisation du
recours à la force à cinq d'entre eux représente un
blocage inévitable. Si, à l'époque il s'agissait de la
seule solution pour les 51 Etats membres afin d'inclure les grandes puissances
dans la création de l'ONU, aujourd'hui, au sein des 193 Etats membres,
ce droit doit être révoqué de toute urgence. La situation
géopolitique actuelle ne justifie en effet plus la reconnaissance d'un
tel droit147. En effet, dans les relations internationales
contemporaines, certains membres permanents bloquent systématiquement
toute résolution en défaveur des Etats qui sont sous leur
protection qu'elle que soit la raison ou les violations du droit international.
Ainsi, les Etats-Unis opposent toujours leurs droits de veto lorsqu'il s'agit
de voter une résolution à l'encontre d'Israël148.
A l'opposée du globe, la Russie et la Chine posent leur veto de
manière quasi-
144 Sur S., Le Conseil de sécurité : blocage,
renouveau et avenir, Pouvoirs, 109, 2004, p.62
145 Z a m b e l l i M . , L e temps, 2 8 avril 2 0 0 5 ,
disponible à l'adresse :
https://www.letemps.ch/opinions/privilege-droit-veto-conseil-securite-aboli
consulté le 14/06/2020
146 Sur S., Le Conseil de sécurité : blocage,
renouveau et avenir, Pouvoirs, op.cit.
147 Voy. B. Fassbender, UN Security Council reform and the
Right of Veto, La Haye, Kluwer, 1998, pp. 263-266.
148 A titre d'exemple, le CS lors de sa 5565ème
séance avait soumis un projet de résolution du Qatar en
44
systématique lorsqu'il faut adopter une
résolution concernant ses alliés comme lors de la situation au
Myanmar qui faisait subir des « attaques armées contre les civils
»149. Outre la paralysie problématique du système
de sécurité collective, l'impunité des Membres permanents
s'avère également dangereuse. Lorsque l'un des Big five
viole les règles du droit international et recours à la force de
manière unilatérale comme les Etats-Unis en Irak ou la Russie en
Syrie, aucune mesure de sanction ne peut être prise à son encontre
puisqu'elle nécessiterait un vote du CS. En cela, il est
indéniable que les membres permanents détiennent en pratique la
prérogative de l'autorisation du recours à la force.
Depuis la création de l'ONU en 1945, le recours au
droit de veto « a été utilisé de façon
extensive, et par tous les membres permanents même si c'est de
façon inégale »150. Selon Chloé
Maurel151, il aurait été utilisé plus de 265
fois depuis 1945 jusqu'à 2017. Le conflit syrien représente un
exemple probant de la paralysie du CS à cause du droit de veto des
membres permanents. Selon l'ONU152, le conflit en Syrie a fait plus
de 310 000 morts, des centaines de milliers de blessés et douze millions
de réfugiés et déplacés. Pourtant, l'ONU, en sept
ans de guerre et avec le veto constant de la chine et de la Russie
protégeant leur allié syrien, n'a pas pu intervenir malgré
« les besoins humanitaires urgents »153. En effet, la
Russie a opposé au moins huit fois son veto au CS et la Chine au moins
six fois. Cette situation a plus que jamais mis en lumière
l'incapacité de l'ONU dans de telles circonstances. Certes, tout au long
de la crise, il y a eu quelques succès occasionnels comme la
résolution 2118 concernant l'élimination de l'arsenal d'armes
chimiques154, mais le fait de se réjouir de la mise en place
d'une résolution qui devrait être le fonctionnement normal de
l'ONU est inquiétant. Les actions unilatérales
représentent alors le seul moyen pour répondre à de telles
violations des droits de l'homme et du droit international.
Ainsi, le droit de veto ne pourrait être remis en cause
que si les deux tiers des
2006 qui condamnait les opérations militaires
menées par Israel dans la bande de Gaza. Les opérations
militaires en question ayant fait des morts au sein de la population civile et
causé des destructions massives d'infrastructures essentielles et de
biens palestiniens, n'ont pas permis de faire adopter ledit projet à
cause des Etats-Unis ayant voté contre (véto). Information
figurant sur le site du Centre d'actualité de l'ONU, 2007, disponible
à l'adresse :
https://news.un.org/fr/story/2006/07/94992
Consulté le 14/06/2020. Cité par Alassani Z.,
L'évolution du droit de recourir à la force : vers une
reconnaissance de l'autorisation implicite. op.cit p.262.
149 Communiqué de presse du CS/8939 du 12 janvier 2007
: Le conseil de sécurité rejette le projet de résolution
sur le Myanmar à la suite d'un double vote négatif de la Chine et
de la Fédération de Russie, 5619ème séance,
disponible à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2007/CS8939.doc.htm
consulté le 14/06/2020. Cité par Alassani Z., L'évolution
du droit de recourir à la force : vers une reconnaissance de
l'autorisation implicite. op.cit p.263
150 Sur S., Le Conseil de sécurité : blocage,
renouveau et avenir, op.cit.
151 Maurel, C. (2017, 19 mars). Suspendre le droit de veto
à ; l&rsquo ; ONU lors des discussions sur les crimes de masse.
Consulté 14 juin 2020, à l'adresse
http://www.slate.fr/story/140321/suspendre-le-droit-de-veto-lonu-lors-des-discussions-sur-les-crimes-de-masse
152 Point.Fr, L. (2020, 14 mars). Syrie : plus de 380 000
morts en neuf ans de conflit. Consulté 14 juin 2020, à
l'adresse
https://www.lepoint.fr/monde/syrie-plus-de-380-000-morts-en-neuf-ans-de-conflit-14-03-2020-2367140_24.php
153 Reuters, L. M. A. A. E. (2016, 6 décembre). Moscou et
Pékin mettent leur veto à une résolution de l'ONU sur une
trêve à Alep. Consulté 14 juin 2020, à l'adresse
https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/12/05/syrie-veto-de-moscou-et-pekin-a-une-resolution-de-l-onu-demandant-une-treve-a-alep_5043852_3218.html
154 Résolution 2118 du CS de l'ONU adoptée le 27
septembre 2013 en séance n°7038. S/RES/2118 (2013) disponible
à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2013/CS11135.doc.htm
consulté le 14/06/2020
45
membres de l'AG donnaient leur accord en plus des cinq membres
permanents du CS, il est de ce fait peu probable que cela se fasse puisque ces
derniers perdraient leur privilège sur la scène internationale.
Plusieurs possibilités de réforme ont néanmoins
émergé à la suite des nombreux blocages
(Paragraphe II).
Paragraphe II- Les différentes possibilités
de réforme afin d'aboutir à une meilleure efficacité du
Conseil de sécurité
Les propositions de réforme n'ont pas manqué
depuis 1965. Il s'agit sûrement de l'un des sujets qui est resté
le plus longtemps à l'ordre du jour mais par intermittence. Le
débat sur la réforme du CS a réapparu plus
particulièrement dans les années 80-90 alors que l'ONU subit une
nouvelle augmentation du nombre de ses membres. En 1992, le débat a
été relancé par la résolution A/47/62
intitulé « Question de représentation équitable et
d'augmentation de la composition du Conseil de sécurité
»155. L'AG dans cette résolution se déclare
« consciente du rôle de plus en plus crucial qui revient au Conseil
de sécurité dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationales, (...) Consciente également que
la situation internationale a changé et que le nombre de Membres de
l'Organisation des Nations unies a considérablement augmenté,
atteignant désormais cent-soixante-dix-neuf au total (...) estimant
qu'il faut poursuivre le processus de revitalisation et de restructuration de
certains organes de l'Organisation »156. Suite à cette
résolution, le SG des NU produit un rapport le 20 juillet 1993 ce qui
amena à une nouvelle résolution A/48/26157 par
laquelle l'AG créa un groupe de travail chargé d'étudier
la problématique en 1994 et tenter de résoudre la
problématique qui permettrait un consensus entre tous les Etats membres
sur cette question. Les travaux de ce groupe de travail n'ont cependant
guère fait avancer la question. Le SG en 2002 relance une nouvelle fois
le débat et met en place un groupe de personnalités de haut
niveau chargé de rendre un rapport sur la question de la réforme
de l'ONU dans son ensemble. Ce dernier a rendu son rapport à l'AG le 8
décembre 2004158 consacrant un chapitre entier à la
réforme du Conseil de sécurité159. Le rapport
décrit un certain nombre de réforme envisageable, comme par
exemple élargir le Conseil de sécurité en tenant compte de
deux critères160 :
- « Associer davantage à la prise de
décision ceux qui contribuent le plus à
l'Organisation sur les plans financier, militaire et
diplomatique (...) ». Ce premier critère semble viser le Japon
(premier donateur au monde d'aide publique au développement et
deuxième contributeur du budget des Nations Unies) et l'Allemagne
(troisième contributeur du budget des Nations Unies) ;
155 Résolution de l'Assemblée
Générale des Nations unies du 11 décembre 1992, A/47/62,
Disponible à l'adresse :
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N93/082/53/IMG/N9308253.pdf?
OpenElement Consulté le 15/06/2020
156 Ibid. page 1.
157 Résolution de l'Assemblée
Générale des Nations unies du 10 décembre 1993, A/48/26,
Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/french/documents/ga/res/48/fres48.shtml
consulté le 15/06/2020
158 Résolution de l'Assemblée
Générale des Nations unies du 2 décembre 2004, A/59/565 (2
décembre 2004) : Rapport du Groupe de personnalités de haut
niveau sur les menaces, les défis et le changement. Voir article de
l'auteur, « L'ONU ou la réforme perpétuelle », Annuaire
français de droit international, 2004, p. 535-544.
159 Chapitre XIV, points 244-260 Disponible à l'adresse
:
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/602/32/PDF/N0460232.pdf?OpenElement
consulté le 15/06/2020
160 Vincent, P. (2005, 1 janvier). Pour une meilleure
gouvernance mondiale : la réforme du Conseil de sécurité
des Nations unies.
consulté 15 juin 2020, à l'adresse
https://journals.openedition.org/pyramides/365#ftn22
46
- « faire une place dans la prise des décisions
à des pays qui soient plus représentatifs de l'ensemble des
membres, et en particulier du monde en développement ». Ce
deuxième critère ouvre la voie à un élargissement
à des pays du Sud (Brésil, Inde et groupe africain).
Sur la base de ces deux critères, le Rapport fait deux
propositions de réforme avec une division du monde en quatre pôles
géographiques : Afrique, Amérique, Asie et Pacifique, Europe. La
composition du CS serait ainsi de 34 membres, six par groupe
géographique, suivant deux modalités différentes :
- Formule A : Création de six sièges permanents
(deux pour l'Afrique, deux pour l'Asie, un pour l'Europe et un pour
l'Amérique) sans droit de veto et de trois nouveaux sièges non
permanents (Un pour l'Afrique, un pour l'Asie, deux pour l'Amérique,
l'Europe en perdant un) :
![](La-multiplication-de-lusage-unilateral-du-recours--la-force-par-les-membres-de-lONU2.png)
Tableau 1: Illustration de la Formule A, proposition de
réforme du Rapport des
personnalités du 8 décembre 2004.
Créé par Vincent, P. (2005, 1 janvier). Pour une meilleure
gouvernance mondiale : la réforme du Conseil de sécurité
des Nations unies.
- Formule B : Création de huit sièges avec des
mandats de quatre ans, deux pour chaque continent. Le nombre de sièges
avec un mandat de deux ans passerait de dix à onze (quatre pour
l'Afrique, trois pour l'Asie et l'Amérique, un pour l'Europe) :
![](La-multiplication-de-lusage-unilateral-du-recours--la-force-par-les-membres-de-lONU3.png)
Tableau 2: Illustration de la Formule B, proposition de
réforme du Rapport des personnalités du 8 décembre 2004
créé par Vincent, P. (2005, 1 janvier). Pour une meilleure
gouvernance mondiale : la réforme du Conseil de sécurité
des Nations unies.
La première formule semble être la plus
réaliste et réalisable, elle tend de ce fait, depuis des
années à être la base des négociations. Cependant,
ce Rapport ne répond pas à de nombreuses questions telles que les
procédures de vote au CS. Le rapport ne
47
préconise pas l'octroi du droit de veto aux nouveaux
membres permanents, dans l'hypothèse ou la première solution
serait suivie. Le deuxième critère ouvre la voie à un
élargissement des pays du Sud. Pour limiter l'emploi du veto aux membres
permanents actuels, le Rapport propose l'institution d'un « vote indicatif
». Un membre du CS pourrait alors demander à chaque membre de
prendre position avant un vote. Le Rapport espère ainsi qu'un Etat
souhaitant faire usage de son droit de veto, se voyant ainsi isolé, y
renoncerait à l'occasion du vote officiel. Ce dernier point de vue
semble néanmoins irréaliste, la pression diplomatique
n'apparaît pas comme fonctionnant sur les membres permanents actuels
lorsque leurs intérêts sont mis en jeu. De plus, l'attribution de
nouveaux sièges permanents ne ferait -il pas que repousser la
problématique ? En cela, la seconde formule est peut-être plus
souple que la première puisqu'elle évite la question de l'octroi
du droit de veto aux nouveaux permanents et rétablit un semblant de
représentativité.
Comme le propose Chloé Maurel161, il
faudrait plutôt suspendre le droit de veto lors de certaines discussions
comme lors des discussions sur les crimes de masse. Cette alternative semble
plus réalisable et également elle pourrait être d'avantage
acceptée par les membres permanents. Cette solution avait
déjà été proposée par Kofi Annan en 2006 et
2013 et par la France162 au vu des nombreux vetos et constatant
l'inertie de l'ONU en Syrie. Le Conseil de sécurité
représente aujourd'hui, par sa composition, moins de 8 % des 192 Etats
membres de l'Organisation163. Le manque de
représentativité et son corollaire, le trop-plein de pouvoir
entre les cinq Etats, ne sont plus adaptés à la configuration
internationale du XXIe siècle.
Quoi qu'il en soit pour qu'un projet de réformation
aboutisse, il faudrait l'aval des cinq membres permanents actuels ce qui
apparaît comme peu probable. Si ces derniers venaient à accepter
un quelconque changement ce serait car ils ne perdraient pas en pouvoir de
décision et donc la réforme ne serait pas efficace puisqu'il
s'agit du premier problème. À l'instar de la crise en Syrie, la
paralysie du CS entraîne une remise en cause certaine de cet organe. Il
est compréhensible alors que certains comportements unilatéraux
apparaissent.
161 Maurel C., Suspendre le droit de veto à l'ONU lors
des discussions sur les crimes de masse, op.cit.
162 La France a porté cette résolution
elle-même depuis 2013, l'a réitérée en 2015, puis en
2016. Cette initiative est également soutenue aujourd'hui par une
centaine de pays, soit la majorité des Etats Membres de l'ONU.
163 Novosseloff, A. (2006). L'élargissement du Conseil
de sécurité : enjeux et perspectives. Relations internationales,
128(4), 3-14. doi:10.3917/ri.128.0003.
48
Conclusion première partie
La première partie a pour but de décrire le
système onusien à la fois de par son texte fondateur (La Charte
des Nations unies) et de par sa pratique actuelle. De nombreuses faiblesses
émergent et expliquent en partie la montée de
l'unilatéralisme du recours à la force.
La Charte pose un principe fort, fondamental et
respecté par la grande majorité des Etats et de la doctrine
d'interdiction du recours à la force. Dans les textes, les exceptions au
principe (la légitime défense et la sécurité
collective) sont strictement encadrées malgré l'absence de
certaines définitions des termes au sein de la Charte, tel que la notion
d'agression. De plus, la Charte, lors de sa création aurait pu
être présentée comme un document résumant les
principes coutumiers et les regroupant au sein d'un même texte de telle
façon que les conditions d'exercice autour de la légitime
défense collective et individuelle auraient par exemple pu être
décrits et éclaircis une bonne fois pour toute.
Le pouvoir de qualification et la possibilité de
sanctionner les transgressions du recours à la force données au
CS doivent être appliqués de manière récurrente,
cohérente, et plus rigoureuse lorsqu'une situation de crise
apparaît. En ce sens, il semble intéressant de créer un
organe juridique de contrôle afin de garantir cela et de
transférer une partie du pouvoir discrétionnaire du CS à
un organe autre que politique.
De plus, les mesures du CS qui tendent à autoriser
à un Etat membre de recourir à la force afin de palier les
faiblesses de la Charte concernant les moyens coercitifs dont dispose l'ONU,
doivent être strictement encadrés et définis. Le CS doit
expliquer clairement les missions et le mandat à l'Etat en question et y
appliquer un suivi régulier. Beaucoup d'Etats ont profité du
caractère trop général de ces résolutions afin
d'outrepasser les mandats et de transgresser ses missions.
De manière positive, le CS a élargi sa notion de
menace contre la paix afin de se plier aux changements de la
société, l'ONU devrait ainsi continuer sur cette lancée et
abroger le droit de veto anachronique et antidémocratique des membres
permanents du CS. Il semble s'agir cependant d'une peine perdue étant
donné que les détenteurs d'un tel droit n'accepteront jamais une
telle révision.
Ainsi, le système de sécurité collective
créé par la Charte des Nations unies apparaît comme
dégradé et remis en cause. Une partie de la doctrine
déclare même que le principe d'interdiction du recours à la
force est mort en raison d'une pratique contraire récurrente. Même
si nos propos ne sont pas si véhéments, le système des
Nations unies semble réellement à bout de souffle. Des
révisions de la Charte doivent être apportées prochainement
afin d'éviter que le système onusien ne devienne
complètement obsolète dans les futures crises mondiales. L'ONU
peut peser dans la balance en tant qu'organisation universelle disposant de la
personnalité juridique internationale. Elle doit ainsi se séparer
de l'influence des Etats qui l'ont créés pour réaliser les
missions qui lui ont été confiées. En pratique, les
nombreux blocages et défaillances facilitent l'unilatéralisme des
Etats membres qui se servent de l'incertitude juridique de la Charte et des
résolutions pour justifier leurs actions. Cependant, la seconde partie
de l'analyse prouve que ces justifications étatiques sont contraires
à l'esprit et la lettre de la Charte des Nations unies et donc
illégales en droit international (SECONDE PARTIE).
49
PARTIE II
Des justifications étatiques contraires
à l'esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies
50
Les conflits de ce XXIe siècle, notamment les guerres
d'Afghanistan et d'Irak, et celle de la fin du XXe siècle au Kosovo ont
soulevé des questions quant à leur légalité en
vertu des dispositions de la Charte des Nations unies et du recours à la
force. Les justifications données par les Etats afin de légitimer
leurs actions ne s'inscrivent pas selon la légalité de la Charte
et du droit international. Nombreux sont les Etats membres de l'ONU qui ont
tiré parti d'interprétations facilitées par les
incertitudes de la Charte et ont recherché des accommodements avec la
légalité ou tout du moins ont essayé d'atténuer la
portée de leurs actions. Ainsi, l'une des exceptions au principe
d'interdiction du recours à la force, la légitime défense,
a été interprétée extensivement et illicitement par
les Etats souverains. Ces derniers ont également invoqué les
notions d'intervention humanitaire et de responsabilité de
protéger afin de justifier leurs interventions coercitives. Ces
justifications étatiques dénaturent ainsi les principes
fondamentaux portés par le système de sécurité
collective de l'ONU (CHAPITRE I). Les Etats transgressant le
principe de l'interdiction du recours à la force ont fondé des
techniques juridiques qui visent soit à étendre soit à
créer des modalités exceptionnelles du recours à la force.
Ainsi, l'argument des interventions illégales mais légitime a
été soumis devant la communauté internationale lors de
l'intervention au Kosovo ou en Irak. Ce genre de registre fragilise et dilue le
droit dans une sorte de justification à dominante émotionnelle en
vue de créer ou de consolider une adhésion à une
intervention illégale. Il en est de même pour la théorie de
l'autorisation implicite ou celle de la légalisation à
postériori. Ainsi, les Etats interprètent les règles de la
Charte à leur manière avec des argumentations bancales et
créent de nouvelles pratiques quasi -normatives dans le but de
dissimuler leurs interventions unilatérales et illégales. Dans ce
contexte, il est important de prouver que ces pratiques et justifications ne
s'insèrent pas dans le cadre de la Charte, de son esprit et dans le
Droit international (CHAPITRE II).
51
CHAPITRE I
La dénaturation par les Etats souverains des
principes du système de sécurité collective de l'ONU
Les conflits armés sont omniprésents dans
l'actualité, pour autant, tout recours à la force n'implique pas
forcément une violation de l'article 2§4 de la Charte des Nations
unies. Le principe de légitime défense est une exception
acceptée en droit international et dans la Charte comme décrit en
son article 51. Cependant, depuis notamment les attentats du 11 septembre 2001,
certains Etats se prévalent de leur droit de légitime
défense afin d'engager des actions armées contre un autre Etat.
Il s'agit ainsi d'un élargissement illicite de la notion de
légitime défense tel que défini dans la Charte
(Section 1). Le terme illicite est employé car la
notion de légitime défense a été
dénaturée par les Etats afin de justifier leur transgression du
recours à la force et de les faire rentrer dans un cadre légal
légitime. Depuis le début des années 1990, la doctrine de
l'intervention humanitaire s'est érigée en principe fondamental
et les actions au nom de ce principe se sont également
multipliés. À titre d'exemple, les frappes aériennes
menées par l'OTAN en 1999 afin de répondre à la
catastrophe humanitaire au Kosovo représentent une intervention de type
humanitaire. La légalité de ces interventions repose sur leur
légitimité ce qui peut paraître dangereux d'un point de vue
du droit puisque la légitimité est subjective et donc ce qui est
légitime pour un Etat peut apparaître comme une agression pour un
autre. En cela, certains Etats se sont engouffrés dans cette zone grise
afin de justifier des interventions dans leur propre intérêt mais
au nom du droit d'intervention humanitaire. Il s'agit dans ces cas d'une
utilisation abusive du concept d'intervention humanitaire (Section
2). Enfin, un concept de substitution est donc apparu à la
suite de l'intervention humanitaire devenue trop controversée à
la suite de graves déconvenues sur le terrain. Cette nouvelle approche
devait permettre « d'établir un équilibre entre la
souveraineté de l'Etat et la protection des droits de l'Homme qui,
depuis la fin des années 1990, fait figure de référence
pour l'action collective en cas de menaces massives contre les populations
civiles »164. Cependant, le nouveau principe de la
responsabilité de protéger, apparaît comme étant un
échec flagrant en pratique (Section 3).
164 Kherad R., La souveraineté de l'Etat et
l'émergence d'une conception globale de la sécurité,
SFDI, dans l'Etat dans la mondialisation, Paris, Pedone, 2013, p.223
52
Section 1: L'élargissement illicite de la notion
de légitime défense
Au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, le CS adopte
deux résolutions déterminantes pour la suite des
évènements. Ces deux résolutions associent le droit
inhérent de légitime défense aux attaques terroristes
commis par Al-Qaïda et qualifie ces actes de menace à la paix et
à la sécurité internationale. En partant de ces
résolutions et du principe de légitime défense de la
Charte des Nations unies, les Etats-Unis, à la suite des attentats, vont
adopter une interprétation extensive de ce droit (Paragraphe I)
en attaquant l'Afghanistan. Juridiquement, le postulat de cette
recherche place l'intervention militaire en Afghanistan comme des
représailles armées et non un exercice de légitime
défense. Dans le sillage de la lutte contre le terrorisme, de nombreux
Etats vont s'appuyer sur l'après 11 septembre pour justifier leur
recours unilatéral à la force. Certains iront même
jusqu'à argumenter le droit à une légitime défense
préventive ou préemptive afin de justifier de la force
armée contre un autre Etat (Paragraphe II).
Paragraphe I- L'interprétation extensive du droit
de légitime défense à la suite des attentats du 11
septembre 2001
En raison de leur ampleur, les attentats terroristes du 11
septembre 2001 contre les tours jumelles de New York et le pentagone de
Philadelphie ont posé avec acuité les questions de la
définition et de la prise en compte du terrorisme par la
communauté internationale. S'il n'existe pas de définition
unanimement acceptée, selon G. Guillaume165, trois
éléments la caractérisent : un élément
matériel consistant en des actes de violence de nature à
provoquer la mort ou à causer des dommages corporels importants, un
élément intentionnel qui consiste à créer la
terreur dans le public et un élément méthodologique
puisque les actes terroristes nécessitent une entreprise individuelle ou
collective pour la perpétration de ces actes. Au lendemain des actes
terroristes commis par Al-Qaida, une entité non-étatique, le CS
adopte une résolution 1368 qui assimile « tout acte de terrorisme
international » à « une menace à la paix et à la
sécurité internationales », tout en reconnaissant « le
droit inhérent à la légitime défense individuelle
ou collective conformément à la Charte »166 . Ces
termes sont encore une fois trop généraux et imprécis,
puisque invoquer le droit à la légitime défense implique
que les Etats-Unis ont été victimes d'une agression armée
(condition sine qua non de ce droit167). Toutefois, le CS
choisit la qualification « menace contre la paix » et non «
agression armée » puisque dans le cadre onusien, l'agression
s'applique seulement à l'action menée par un Etat contre un autre
Etat168. Ainsi, cette qualification juridique des faits
soulève des interrogations puisque le CS semble avoir effectué
une application hybride du Chapitre VII. Le débat ne se porte pas ici
sur le caractère de l'agression armée en tant que telle
puisqu'une attaque d'une telle ampleur sur le sol
165 Guillaume G., Terrorisme et droit international,
RCADI, t.215 (1989-III) p.299
166 Résolution 1368 du CS des NU du 12 septembre 2001,
séance n°4370, S/RES/1368 (2001) Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-2001
Consulté le 15/06/2020
167 Cf Article 51 de la Charte des Nations unies op.cit.
168 Pour qu'il y ait agression, plusieurs conditions doivent
être remplies, notamment celles dictées par la résolution
3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 (op.cit) à savoir l'emploi de la
force armée par un Etat agissant le premier contre un autre Etat.
53
américain constitue sans le douter un acte d'agression,
comme le décrivent Eisemann169 ou Dupuy170.
Seulement, le droit international oblige l'imputation d'une agression
armée à une autorité étatique uniquement. En cela,
si le CS considère dans sa résolution que la légitime
défense peut être utilisée par les Etats-Unis et donc
qu'une agression armée a bien eu lieu, cela dégage deux
hypothèses :
- La première est qu'Al-Qaida est un Etat car seulement
un Etat peut agresser un autre Etat dans le droit international.
- La seconde est que cet acte terroriste a été
orchestré par l'Afghanistan (autorité étatique) qui
contrôle les Taliban ou se fait contrôler par les Taliban (Etat
défaillant).
Il est intéressant d'analyser cette résolution
car il s'agit de savoir si les Etats-Unis étaient dans leur droit de
répliquer et d'effectuer une intervention armée en Afghanistan
(opération « liberté immuable » 6 octobre 2001) ou s'il
s'agit d'une transgression du principe d'interdiction du recours à la
force et d'une sur-interprétation de cette notion de légitime
défense. Ainsi, il convient d'analyser la première
hypothèse en accord avec les règles de droit international.
Même s'il n'existe aucune définition conventionnelle et
universellement acceptée de l'Etat en droit international, la doctrine
de manière quasi-unanime considère que l'Etat est une personne
morale et dispose d'une population permanente, d'un territoire défini et
d'une autorité politique ayant la capacité d'entrer en relation
avec d'autres Etats171. Pour répondre à la
qualité d'Etat, l'entité doit également
bénéficier de la souveraineté. Ainsi, sans pousser
l'analyse plus loin, il est évident qu'Al-Qaida est uniquement une
organisation avec des groupuscules présents dans différents Etats
du monde (Afghanistan, Irak, Etats du Maghreb, Yémen, Somalie, Inde et
Arabie Saoudite...) et non uniquement sur un territoire donné. De plus,
Al-Qaida ne dispose d'aucune population permanente puisqu'en 2001 leur nombre
d'adeptes était estimé en 500 et 1000. Enfin, aucun autre Etat du
monde ne reconnaît Al-Qaida comme une entité étatique ce
qui conclut et réfute la première hypothèse
énoncée.
La seconde hypothèse n'est pas non plus juridiquement
recevable en raison du manque de preuves d'un lien de rattachement entre
Al-Qaida et le régime des Taliban. Or, selon la Commission du droit
international, l'imputabilité de l'action d'une personne ou d'un groupe
de personnes à un fait de l'Etat ne peut être admise que « si
cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en
fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de cet
Etat »172. De ce fait, le soutien apporté par le
régime des Taliban au réseau Al-Qaida ne peut pas avoir le
caractère d'une agression, confirmant la jurisprudence de la CIJ dans
Nicaragua c/ Etats-Unis173. Il
169 Eisemann considère dans son article qu'il «
serait oiseux de contester qu'un aéronef aux réservoirs remplis
de kérosènes utilisé pour provoquer le maximum de
destruction n'ait pas été une arme par destination ». Dans :
Eisemann P-M., Attaques du 11 septembre et exercice d'un droit naturel de
légitime défense, dans Le droit international face au
terrorisme, Paris, Pedone, Cahiers Internationaux, 2002, p.242
170 Dupuy est du même avis que Eisemann puisqu'il
écrit « la violence destructrice des attaques terroristes du 11
septembre peut (...) à priori faire penser que les Etats-Unis se sont
trouvés, et pour la première fois de leur histoire sur leur
propre sol, victimes d'une véritable agression ». Dans Dupuy
PM., Droit International Public, Paris, Dalloz, 7ème
édition, 2004, p.617
171 Ailincai M., Cours de Master 1 de Droit international
public, Faculté de Droit de Grenoble-Alpes, 2018-2019
172 Daudet Y., La Commission du Droit international des
Nations Unies. In: Annuaire français de droit international, volume
21, 1975. pp. 598-615.
173 La CIJ ne pense pas « que la notion d'agression
armée puisse recouvrir (...) une assistance à des
54
n'est pas non plus admissible de considérer que cette
action armée soit justifier par le financement du terrorisme par
l'Afghanistan et les autres Etats de la région, en raison du manque de
preuves d'une telle opération financière.
Par conséquent, et en application du droit existant au
moment des faits, on peut déduire que les attentats du 11 septembre ne
peuvent être considérés comme une agression
étatique174. Quelle que soit l'hypothèse
invoquée, la possibilité pour les Etats-Unis de se
prévaloir de la légitime défense ne peut se faire que par
une interprétation extensive des différents critères
conditionnant cet exercice175.
Pour résumer, le juge Gilbert Guillaume, ancien
président de la CIJ déclare : « Après les
événements du 11 septembre 2001, de nouvelles théories se
sont développées pour démontrer que ces
événements marquaient une agression armée contre les
Etats-Unis justifiant l'exercice du droit de légitime défense.
Que ces événements aient eu la dimension d'une agression
armée, j'en conviens volontiers, mais il n'a jamais été
établi qu'ils trouvaient leur source dans l'action d'un Etat ; ils
trouvaient leur origine dans l'action d'Al-Qaida qui bénéficiait
d'un certain soutien, d'une certaine complicité du côté de
l'Afghanistan et du régime des Talibans, mais il n'a jamais
été prétendu que c'étaient les Talibans qui avaient
envoyé les avions dans les tours de New York. Peut-on considérer
dans ces conditions qu'on se trouvait en face d'un cas d'application de
l'article 51 ? Ce serait, me semble t-il, extrêmement dangereux parce que
si l'on considère qu'un événement de ce genre,
c'est-à-dire une agression armée par une organisation non
gouvernementale - après tout, Al-Qaida est une ONG d'un type particulier
- peut justifier l'exercice du droit de légitime défense, cela
veut dire que l'Etat qui s'estime agressé a le droit d'intervenir par la
force armée sur le territoire d'un autre Etat, ou se trouve
éventuellement cette ONG. Ce serait donc justifier l'action
unilatérale des Etats par le recours à la force à
l'étranger même en l'absence d'agression par un autre Etat
dès lors que leur sécurité a été
menacée par des organisations de type Al-Qaida. Les dangers d'une telle
théorie sont considérables »176.
Ainsi, l'action unilatérale des Etats-Unis en
Afghanistan se traduirait plus comme des représailles armées,
bannies du champ d'application de l'Article 2§4 de la Charte des Nations
unies. En 1980, Roberto Ago distinguait les représailles armées
de la légitime défense en expliquant que les représailles
armées ont pour but de réprimer et d'obtenir une exécution
forcée alors que la légitime défense empêche
seulement un acte
rebelles prenant la forme de fourniture d'armements ou
d'assistance logistique ou autre. On peut voir dans une telle assistance une
menace ou en emploi de la force, ou l'équivalent d'une intervention dans
les affaires intérieures et extérieures d'autres Etats ».
Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, CIJ, 1986 op.cit
174 V. en ce sens : B. Stern, « Rapport introductif. Le
contexte juridique de l'après 11 septembre 2001 », in K. Bannelier,
Th. Christakis, O. Corten, B. Delcourt (dir.), Le droit international face au
terrorisme, Paris, Pedone, 2002, 356 p., p. 3-32, p. 20 ; Th. Garcia, «
Recours à la force et droit international », Perspectives
internationales et européennes, n° 1, juillet 2005, 14 p., p. 9.
[
http://revel.unice.fr/revues/pdf?r2rrep=pie&r2rid=46&r2rname=addslashes
175 Le Floch, G. (2009, 1 juin). Le principe de l'interdiction
du recours à la force a-t-il encore v... Consulté 16 juin 2020,
à l'adresse
https://journals.openedition.org/droitcultures/1218?lang=en#ftn34
176 Guillaume G., L'ONU en 2005, Association Pour la Fondation
ResPublica, Colloque du 6 Juin 2005, p.37-38.
55
d'agression177. La CIJ178 et la
CDI179 bannissent également tout acte de représailles
armées. Il apparaît clairement que l'action armée
entreprise par les Etats-Unis contre l'Afghanistan à la suite des
attentats du 11 septembre se présente sous la forme de
représailles armées et non d'une légitime défense.
L'intervention en Afghanistan est donc illégale en droit international
car contraire à la Charte des Nations unies. En pratique cependant,
l'intervention des Etats-Unis n'a guère été
contestée, d'autant plus que la résolution du CS du 12 septembre
2001 apparaît comme confuse et trop générale. Aussi, afin
de justifier l'opération « liberté immuable », les
Etats-Unis et leurs alliés se sont appuyés sur les termes de la
résolution « droit inhérent à la légitime
défense individuelle ou collective » en interprétant cette
résolution comme une extension du concept de légitime
défense face à des entités non-étatiques. Cette
interprétation est illégale au regard de la lettre de la Charte
et du principe de la légitime défense énoncée en
son article 51.
Toutefois, si la résolution 1368 du CS entraîne
un débat sur l'interprétation de ses termes, la théorie de
la légitime défense préventive ou préemptive
argumentée en 2003 est elle, complètement illégale
(Paragraphe II).
Paragraphe II : La théorie illicite d'une
légitime défense préventive ou préemptive
La légitime défense préventive trouve ses
fondements dans les résolutions 1368 (2001)180 et 1373
(2001)181 qui ont consacré tout acte de terrorisme
international comme une menace à la paix et à la
sécurité internationales et aussi réaffirmé le
droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective des
Etats. Pour les défenseurs de cette théorie, en demandant aux
Etats de collaborer d'urgence pour prévenir et réprimer les actes
de terrorisme, et ce, par tous les moyens, le CS a autorisé
indirectement les Etats à faire usage de la force, même en cas de
suspicion de menace. Dans cette optique, les Etats auraient un devoir moral
d'intervenir de manière coercitive afin d'empêcher une attaque
terroriste, ce qui resterait dans le cadre de la Charte des Nations unies
puisque supposément admis par le CS.
En droit international, il existe deux types de
défenses principales avant le déclenchement d'un conflit : la
défense préventive et celle préemptive. Le qualificatif
« préemptif » a rarement été employé par
un Etat car il s'agit d'attaquer en premier un Etat qui se prépare
à la guerre. En cela, l'action préemptive est
déclenchée lorsque la perspective d'une attaque est imminente. En
revanche, le qualificatif « préventif » a lui connu une action
plus récurrente puisqu'il s'agit d'une attaque initiée avec la
croyance qu'un conflit futur est inévitable quoique non-imminent. Ainsi,
comme le résume Monsieur Alassani dans sa thèse : « une
défense préventive se distinguerait de celle préemptive,
par le fait que la préventive est lancée pour détruire une
menace naissante et potentiellement incertaine, alors que la préemptive
est lancée en prévision d'une
177 Ago R., Intervention au cours de la 1619ème
séance de la C.D.I, 1980, à la page 174.
178 Détroit de Corfou, op.cit p.35,
Nicaragua c/ Etats-Unis, op.cit, p.127, Licéité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, op.cit p.246.
179 Rapport CDI commentaire de l'article 50, Doc A/56/10 aout
2001 Commentaire de la Commission du droit international sur le projet
d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement
illicite : « pour pouvoir être admises en tant que circonstances
excluant l'illicéité, les contres mesures ne doivent pas
impliquer l'emploi de la force ».
180 Résolution 1368 du CS des NU du 12 septembre 2001
op.cit
181 Résolution 1373 du CS des NU du 28 septembre 2001.
S/RES/1373 (2001) disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-2001
consulté le 16/06/2020
56
agression immédiate »182. Pour autant,
comme l'écrit Stephen Van Evera, le choix se fait entre « la guerre
maintenant » ou « la guerre plus tard »183. Et quoi
qu'il en soit, une action qu'elle soit préventive ou préemptive
est toujours un recours à la force qui rompt la paix et donc
illégale en droit international.
Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis se sont
lancés dans une guerre contre le terrorisme, une guerre menée de
façon préventive selon la célèbre formule de
Machiavel : « Vous ne voulez pas être subjugué ? Alors,
subjuguez rapidement votre voisin, tant que sa faiblesse vous en donne
l'occasion »184. Le 20 mars 2003, une coalition de 49 Etats,
menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, est intervenue militairement
en Irak afin d'attaquer avant d'être attaquée et d'arrêter
les « Etats voyous »185 qui forment « l'axe du mal
»186. Le président des Etats-Unis, George W. Bush, lors
de son discours à l'AG du 23 septembre 2003 a d'ailleurs
déclaré que « The deadly combination of outlaw regimes and
terror networks and weapons of mass murder is a peril that cannot be ignored or
wished away. If such a danger is allowed to fully materialize, all words, all
protests, will come too late. Nations of the world must have the wisdom and the
will to stop grave threats before they arrive »187. En cela, il
justifie la légitimité d'une attaque sur une autre entité
étatique et donc la transgression du recours à la force avec la
théorie de la légitime défense préventive.
Cependant, l'état du droit positif en ce sens est clair, l'article 51 de
la Charte nécessite une agression armée afin d'enclencher le
processus de légitime défense d'un Etat.
Pourtant, les Etats-Unis se consacrent le droit de recourir
à la force contre tous ceux qui représentent ou pourrait
représenter une menace pour leur sécurité sans même
l'accord du CS. Afin de justifier cette théorie, les Etats-Unis ont
invoqué plusieurs arguments notamment celui du droit coutumier
antérieur à la Charte qui consacrerait ce droit de
légitime défense préventive. On trouve les fondements de
cette argumentation au sein du document intitulé The National
Security Strategy of the United States of America publié par la
Maison Blanche le 17 septembre 2002188 : « For centuries,
international law recognized that nations need not suffer an attack before they
cal lawfully take action to defend themselves against forces that present an
imminent danger of attack »189. Les partisans de cette doctrine
considèrent que les affaires de la
182 Alassani Z., L'évolution du droit de recourir
à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite. op.cit
p.370.
183 Van Evera S., Causes of war- Power and the roots of
conlict, Ithaca, Cornell University Press, 1999. Dan Reiter, Exploding
the powder keg myth- Preemptive war almost never happen, International
Security, Vol. 20, n°2, Fall 1995, p.40
184 Cité par Van Evera S, ibid.
185 Allocation du Président Bush de West Point du 1er Juin
2002. Cette allocution insiste sur les nouveaux dangers et défis de la
Communauté internationale après la fin de la guerre froide, ses
dangers sont véhiculés par les « rogue states ». Glass,
A. (2019, 29 janvier). President Bush cites `axis of evil,' Jan. 29, 2002.
Consulté 16 juin 2020, à l'adresse
https://www.politico.com/story/2019/01/29/bush-axis-of-evil-2002-1127725
186 Ibid.
187 Discours du président Bush devant la 58ème
assemblée des Nations unies le 23 septembre 2003, Disponible à
l'adresse :
https://www.state.gov/state-gov-website-modernization/
consulté le 16/06/2020
188 The National Security Strategy of the United States of
America, 17 septembre 2002 disponible à l'adresse :
https://2009-2017.state.gov/documents/organization/63562.pdf
consulté le 16/06/2020
189 Ibid p.15
57
Caroline de 1837190 et du Virginius
de 1873191 représentent des précédents qui
autorisent en droit international d'utiliser la légitime défense
préventive même si la Charte ne l'admet pas. Cette argumentation
ne tient pas la route car au XIXe siècle l'état du droit
n'était absolument pas le même que depuis le principe
d'interdiction du recours à la force de 1945. Ainsi, à
l'époque, la notion de légitime défense n'était
qu'un terme générique utilisé en pleine période
d'auto préservation et de libre recours à la force comme le
décrit Anis Ben Flah dans son mémoire192. La CDI a
également souligné que l'incident de la Caroline de 1837 ne
représentait pas un cas de légitime défense : «
faisant en réalité intervenir l'excuse de nécessité
à une époque où le droit régissant l'emploi de la
force ne reposait pas du tout sur les mêmes bases qu'aujourd'hui
»193. Ainsi, l'argument que le droit coutumier à
consacré le principe de légitime défense préventive
avant l'entrée en vigueur de la Charte est infondé et ne peut
être utilisé afin de justifier le recours à la force contre
l'Irak en 2003.
Il n'existe ainsi aucun précédent qui valide la
thèse américaine puisque par exemple, le bombardement par
l'aviation israélienne du réacteur nucléaire irakien
d'Osiraq, le 7 juin 1981, au titre de la légitime défense
préventive a été violemment condamné par le CS.
Cette conception extensive et illicite de la légitime défense
peut encore une fois être assimilée à des
représailles armées en raison de son caractère
préventif et répressif. Quoi qu'il en soit, cette agression
armée contre l'Irak est contraire au droit international tout comme
l'argumentaire visant à la légitimer. Une partie de la doctrine
considère toutefois que la légitime défense est un droit
naturel et en ce sens, peut être utilisée par l'Etat sans
autorisation du CS. Cet argument est dangereux car il laisserait la porte
ouverte à de nombreux abus et il suffit de rappeler qu'aujourd'hui,
l'ONU a la prérogative de l'autorisation du recours à la force et
aucune circonstance ne peut lui échapper. Les Etats membres constituants
l'ont créée dans ce but et ne peuvent aujourd'hui s'en
défaire car ils ont transféré une partie de leur pouvoir
discrétionnaire entre les mains de cette Organisation, il n'existe ainsi
aucun droit naturel inhérent à l'Etat qui lui permettrait de
recourir à la force sans l'autorisation expresse de l'ONU.
Le débat concernant les contours de la notion de
légitime défense a poussé le SG de l'ONU de
l'époque, Kofi Annan à nommer un groupe de personnalités
de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement,
déjà mentionné dans le paragraphe de la mutation de la
notion de menaces contre la paix. Dans son Rapport, ce groupe explique que
« face à des menaces potentielles apparentes omniprésentes,
le risque pour l'ordre mondial et la règle de non-intervention sur
laquelle il reste fondé est trop élevé pour que la
légalité autorise une action préventive
unilatérale, au lieu d'une action collective. Autoriser une action
préventive unilatérale de ce type, c'est les autoriser toutes.
Nous ne sommes pas partisans d'une révision ou d'une nouvelle
interprétation de l'Article 51 »194. Ainsi, il semble
dorénavant clair que le droit international actuel n'autorise pas la
légitime défense préventive ou préemptive et que
les interventions sur cette théorie sont
190 Voir le résumé de l'affaire : Mingashang, I.
(2008, 6 mai). DI-fusion Table of Contents : L'actualité de l'affaire de
la Caroline... Consulté 16 juin 2020, à l'adresse
https://difusion.ulb.ac.be/vufind/Record/ULB-DIPOT:oai:dipot.ulb.ac.be:2013/210494/TOC
191 Voir un résumé de l'affaire à
l'adresse : The Editors of Encyclopaedia Britannica. Virginius affair | United
States history. Consulté à l'adresse
https://www.britannica.com/event/Virginius-affair
192 Ben Flah A., Essai de synthèse des nouveaux modes
de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec
le cadre juridique de la Charte des Nations unies, mémoire,
Université du Québec à Montréal, Juin 2008.
p.105
193 Rapport de la CDI, op.cit commentaire de l'article 21
p.209
194 Ibid p.59
58
de ce fait toutes illégales. Pourtant, cette notion de
légitime défense préventive ne cesse d'être
appliquée. L'action armée sans fondement juridique en Irak semble
alors avoir créé un précédent dangereux et
illégal. Ainsi, à titre d'exemple, le 7 septembre 2015,
François Hollande annonçait des vols de reconnaissance sur le
territoire syrien pour permettre « des frappes contre Daech
»195. Il indiquait également posséder des preuves
que Daech préparait des attentats en France et dans d'autres pays. Ces
frappes aériennes ont eu lieu sans autorisation explicite du CS ou sans
l'autorisation de l'état syrien en question et donc dans la pure
illégalité. En plus du cas français, la Turquie a
également déclaré avoir exercé son droit de
légitime défense en Syrie le 24 juillet 2015 en mettant en
exergue le fait que le régime syrien n'était ni capable ni
désireux de s'opposer à de telles attaques terroristes
émanant de son territoire.
Comme décrit au sein de la première partie de la
recherche, force est de constater l'inadaptation du droit international positif
face aux attaques terroristes et la nécessité de
légiférer dans ce domaine. Les zones grises de la Charte ne
devraient néanmoins pas permettre une telle dénaturation du
principe de légitime défense et de son article 51. Les grandes
puissances utilisent ainsi ce principe dans leur tentative de
légitimation de leur guerre contre le terrorisme et leur recours
à la force sans l'aval de l'ONU. Le même phénomène
est arrivé avec le concept d'intervention humanitaire, faussement
utilisé dans de nombreuses interventions illicites et
unilatérales (Section 2).
Section 2 : L'utilisation abusive du concept
d'intervention humanitaire
L'idée d'une intervention humanitaire est un vieux
principe qui a été remis sur le devant de la scène avec
l'intervention militaire de l'OTAN au Kosovo en 1999. Il renvoie au concept de
« guerre juste »196 décrit en introduction et au
caractère légitime d'une intervention. La question était
ainsi de connaître de la légalité d'une action armée
sur un Etat tiers pour but humanitaire face à l'inaction du CS. Le
débat a particulièrement subsisté en raison de l'absence
de fondement juridique explicite de l'intervention humanitaire dans la Charte
(Paragraphe I). Ce principe a néanmoins connu de
nombreux abus par des Etats se targuant d'agir pour des raisons humanitaires
alors qu'ils agissaient en réalité pour leur intérêt
propre (Paragraphe II).
Paragraphe I- L'absence de cadre légal explicite
dans la Charte des Nations unies
Sans s'opposer à l'existence d'un droit d'intervention
humanitaire, la Charte n'y fait cependant aucune référence
explicite. En cela, les défenseurs de la thèse d'une intervention
humanitaire légale dans la Charte considèrent que si elle ne le
rejette pas
195 Maligorne, C. (2015, 27 septembre). Frappes en Syrie :
comment la stratégie de la France a évolué ;
Consulté 16 juin 2020, à l'adresse
https://www.lefigaro.fr/international/2015/09/15/01003-20150915ARTFIG00403-frappes-contre-daech-en-syrie-comment-la-strategie-de-la-france-a-evolue.php
196 Cette théorie a été
développée depuis l'Antiquité à la Renaissance par
de nombreux auteurs, théologiens, juristes et philosophes comme Grotius
(Du droit de la nature et des gens, VIII, C. V ), pour lui, un droit
d'intervention unilatérale existe lorsqu'un gouvernement viole sur son
territoire les droits de l'humanité par des excès de
cruauté et d'injustice envers sa propre population. Cité par
Rougier A., La théorie de l'intervention d'humanité,
dans Revue générale de droit international public, t. XVII (1910)
p.468
59
expressément, implicitement elle reconnaît donc
l'existence d'un tel droit. En l'occurrence, l'article 2§4 de la Charte
consacrant le principe d'interdiction du recours à la force indique que
« les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la
force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies
»197. Ainsi, les partisans de la thèse de l'intervention
humanitaire considèrent que cette dernière ne viole ni
l'intégrité territoriale, ni l'indépendance politique d'un
Etat ou encore aucun des objectifs qui sous-tendent l'ONU. De plus, pour des
auteurs comme Reisman et McDougal198 la Charte reconnaît comme
valeur fondamentale le respect effectif des droits de l'Homme de par ses
articles 1199, 55 200et 56201. Ainsi, le droit
d'intervention humanitaire serait légalisé par la Charte des
Nations unies en ce qu'il servirait à l'un des buts centraux de l'ONU
à savoir faire respecter les droits de l'Homme. De plus, ne pas
intervenir ne serait-il pas aller à l'encontre de la Charte et ne pas
protéger les populations civiles ? Un autre argument avancé par
les auteurs favorables à cette théorie est de dire qu'en mettant
fin à des violations massives des droits de l'Homme avec une
intervention armée, cela éviterait à un conflit de se
transformer en menace contre la paix et la sécurité
internationales. Ainsi, il serait inexact de dire que l'intervention
humanitaire est prohibée par la Charte mais il n'apparaît pas non
plus qu'elle y soit légalisée puisqu'aucune provision ne l'admet
explicitement. Il s'agit donc d'un entre-deux juridique, une zone grise de la
Charte qu'il convient au CS d'interpréter.
Deux résolutions dans les années 1990 vont
autoriser le recours à la force armée afin d'acheminer une aide
humanitaire nécessaire à des populations en détresse. Il
s'agit des résolutions 770 de 1992202 et 794203 de
la même année respectivement pour les conflits en ex-Yougoslavie
et en Somalie. En 1991, la résolution 688204 pose les
prémisses de cette possibilité en insistant pour que l'Iraq
permette un accès immédiat
197 Article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations unies
disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-i/#:~:text=Article%202,souveraine%20de%20tous
%20ses%20Membres. Consulté le 16/06/2020
198 Reisman Michael W., et McDougal M., Lillich R.,
Humanitarian Intervention and the United Nations, Charlottesville,
University Press of Virginia, 1973 p.177
199 Article 1er de la CNU paragraphe 3 : « Réaliser
la coopération internationale en résolvant les problèmes
internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire,
en développant et
en encourageant le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de
langue ou de religion » Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-i/#:~:text=Article%202,souveraine%20de%20tous
%20ses%20Membres. Consulté le 16/06/2020
200 Article 55 c. CNU : «En vue de créer les
conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour
assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées
sur le respect du principe de
l'égalité des droits des peuples et de leur
droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront : le
respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion» Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-ix/index.html
Consulté le 16/06/2020
201 Article 56 CNU : « Les Membres s'engagent, en vue
d'atteindre les buts énoncés à l'Article 55, à
agir, tant conjointement que séparément, en coopération
avec l'Organisation ». Disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-ix/index.html
Consulté le 16/06/2020
202 Résolution du CS des NU du 13 aout 1992 n°770
concernant la situation en Bosnie-Herzégovine Disponible à
l'adresse :
https://undocs.org/fr/S/RES/770(1992)
consulté le 16/06/2020
203 Résolution du CS des NU du 3 décembre 1992
n°794 concernant la situation en Somalie Disponible à l'adresse
:
https://undocs.org/fr/S/RES/794(1992)
Consulté le 16/06/2020
204 Voir plus d'informations à l'adresse :
http://pellet.actu.com/wp-content/uploads/2016/01/PELLET-2012-Grandes_r%C3%A9solutions_CSNU_Res._688.pdf
Résolution du CS des NU n°688 concernant la situation en Iraq
60
des organisations humanitaires à tous ceux qui ont
besoin d'assistance. Lors de la résolution concernant la
Bosnie-Herzégovine, le CS a considéré que la situation
constituait une menace pour la paix et que l'aide humanitaire représente
un élément important pour le rétablissement de cette paix
et de la sécurité internationale dans la région.
Concerné par cet acheminement de l'aide humanitaire, il enjoint les
Etats à prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la
fourniture de l'assistance humanitaire à Sarajevo205.
S'agissant de la situation en Somalie, le CS se déclare
profondément alarmé par la situation ainsi que les obstacles
opposés à l'acheminement de vivres et d'articles médicaux
indispensables à la survie de la population civile. Il exige ainsi que
toutes les parties prennent toutes les mesures nécessaires pour
faciliter les efforts que déploie l'ONU. Ainsi, le CS décide en
vertu du Chapitre VII de la Charte, d'autoriser les Etats membres à
« employer tous les moyens nécessaires pour instaurer
aussitôt que possible les conditions de sécurité pour les
opérations de secours humanitaires en Somalie »206.
Le CS considère donc que l'emploi de la force est
légal pour les interventions humanitaires qu'il autorise
expressément. Comme l'a souligné le SG dans son rapport de 1992 :
« Il existe un lien dynamique entre le rétablissement de la paix et
l'assistance humanitaire »207.
Les résolutions 770 et 794 ont été
novatrices puisqu'elles ont autorisé un recours à la force afin
d'acheminer des aides humanitaires aux populations civiles. Le CS prend soin de
mentionner le Chapitre VII de la Charte dans chacune d'entre elles, ce qui
démontre un souci de rendre les recours à la force légaux
comme l'analyse Oliver Corten et Pierre Klein208. Cependant,
autoriser le recours à la force afin d'acheminer des aides humanitaires
est différent que d'autoriser une intervention coercitive humanitaire
par les membres de l'ONU au nom du droit d'intervention humanitaire. Cette
intervention peut elle présenter un caractère légal sans
l'autorisation expresse du CS ?
Au cours des années 1990, une nouvelle
génération d'intervention militaire à but humanitaire est
apparue avec les conflits au Kurdistan, en Iraq, en Somalie, en Haïti, en
Bosnie-Herzégovine et au Timor-Oriental. Ces interventions apparaissent
ainsi comme légales puisque le CS avait donné son accord. En
revanche, plusieurs utilisations abusives de cette nouvelle pratique furent
dénotées notamment avec l'intervention de l'OTAN au Kosovo ou
encore lors de la crise syrienne en 2012 (Paragraphe II).
Paragraphe II- L'utilisation abusive du concept
d'intervention humanitaire
Victime de son succès dans les années 1990, le
concept de l'intervention humanitaire va être complètement remis
en cause à la suite de conflits en Tchétchénie, Tibet et
Birmanie qui ont conduit à des massacres, mais également suite
à des usages abusifs dans certaines interventions étatiques comme
l'intervention de l'OTAN au Kosovo. Dans le cas kosovar, la
référence aux droits de l'Homme a été
invoquée de manière répétitive afin de justifier
l'intervention militaire de la coalition. Ces derniers considéraient que
le silence du CS et les violations répétées aux droits de
l'Homme, le recours à la force armée pouvait être
envisagé. Cependant, intervenir sans l'aval du CS
205 Paragraphe 5 et 7 du préambule de la
Résolution et aussi paragraphe 2 de la résolution S/RES/770 du 13
aout 1992 op.cit.
206 Paragraphe 10 de la Résolution n°794 op.cit
207 Rapport du 24 aout 1992 sur la situation en Somalie S/23829,
13
208 Corten O., Klein P., L'autorisation de recourir à
la force a des fins humanitaires : droit d'ingérence ou retour aux
sources ?, Bruylant Ed, Université de Bruxelles 1992
61
et donc en dehors du cadre de l'ONU représente une
intervention illégale même si elle peut s'avérer
légitime aux yeux de certains. C'est cette légitimité qui
a été mise sur le devant de la scène par les membres de
l'OTAN, la légitimité de l'action selon eux, entraînerait
sa légalité.
Cependant, la légitimité détient un
caractère hautement subjectif comme nous le verrons dans le second
chapitre. En cela, justifier une action par la morale et son côté
émotionnel ne rend pas cette dernière légale. La
légalité d'une action est fondée sur une norme juridique
qui exclue tout caractère moral, émotionnel et donc subjectif.
Yves Sandoz n'est cependant pas de cet avis et, dans son article, souligne que
les parties à un conflit ont des obligations qui, lorsqu'elles
échappent à leur assurance, doivent accepter les actions
d'assistance internationale à destination des territoires qu'elles
contrôlent, y compris leur propre territoire, et ce même par
recours à la force. De ce fait, l'action militaire, lorsqu'elle n'a pas
été engagée sur une base légale, peut donc
être justifiée sur la base de la légitimité
morale209. C'est aussi l'avis des Membres de l'OTAN qui ont
mené une intervention militaire au Kosovo en vue « d'interrompre
les violentes attaques perpétrées par les forces armées et
les forces de police spéciales serbes et d'affaiblir leur
capacité de prolonger la catastrophe humanitaire »210.
Bien que cette intervention soit illégale, elle a souvent
été jugée nécessaire et légitime. Le
représentant du Royaume-Uni à l'ONU parle d'ailleurs d'une
nécessité humanitaire, tout comme l'agent Belge devant la CIJ qui
mentionne « une intervention humanitaire armée bien légitime
et compatible avec l'Article 2§4»211. C'est dans ce sens
que cette intervention humanitaire a ensuite été utilisée
pour produire à posteriori une doctrine de l'intervention humanitaire.
Cependant, seulement le CS peut autoriser des interventions humanitaires et
malgré ces nombreux blocages, la légalité d'une
intervention ne peut être approuvée autrement. En cela,
l'intervention au Kosovo est illégale.
Plus récemment, cette doctrine d'intervention
humanitaire a été utilisée afin de légitimer les
Etats intervenant en Syrie sans autorisation du recours à la force par
le CS. Pourtant, dans une résolution 2042, du 14 avril
2012212, le CS indique de manière expresse qu'il n'autorise
pas le recours à la force en Syrie et qu'au contraire, il fallait
respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de
la Syrie, même si les droits de l'Homme étaient atteints. En
effet, au cours de l'été 2013 le régime de Bachar Al Assad
a été suspecté d'avoir utilisé des armes chimiques
contre une partie de sa population. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France
ont alors dit qu'ils procéderaient à des frappes contre le
gouvernement syrien, et cela, même en l'absence d'une autorisation du CS.
Obama annonçait alors en août 2013 que « des
intérêts cruciaux des Etats-Unis sont en jeu, et que les pays qui
violent les règles internationales sur les armes chimiques doivent
rendre des comptes »213. Il en vient à se demander si
les intérêts des Etats-Unis
209 Sandoz Y., Limites et conditions du droit
d'intervention humanitaire. Droit d'intervention et droit international
dans le domaine humanitaire. Vers une nouvelle conception de la
souveraineté internationale. Audition publique de la Commission des
Affaires étrangères et de la Sécurité du Parlement
européen sur le droit d'intervention humanitaire, Bruxelles, 25 janvier
1994
210 Propos du Secrétaire général de
l'OTAN, Javier Solana, juste avant le déclenchement de l'attaque :
Communiqué de presse (1999) 040 du 23 mars 1999 et Communiqué de
presse (1999) 041 du 24 mars 1999 disponibles sur
https://www.nato.int/docu/pr/1999/p99-040f.htm
Consulté le 17/06/2020
211 CIJ, Demande d'indication de mesures conservatoires faites
par la RFY dans l'affaire sur la Licéité de l'emploi de la force,
du 9 mai 1999, CR 99/15
212 Résolution du CS des NU du 14 avril 2012
N°2042 disponible à l'adresse :
https://onu.delegfrance.org/14-avril-2012-Conseil-de-securite
consulté le 17/06/2020
213 Afp, L. M. A. (2013, 30 août). Syrie : après
le refus britannique, Washington n'écarte plus une action
unilatérale. Consulté 17 juin 2020, à l'adresse
https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/08/29/le-
62
n'étaient pas en jeu dans le conflit, la
réaction aurait-elle été si véhémente ?
Le 27 septembre 2013, le CS adopte une
résolution214 afin de réaffirmer son autorité
et de rappeler que seulement lui pouvait prendre des mesures coercitives dans
le cadre du Chapitre VII de la Charte. Pourtant, cela n'a pas convaincu les
trois Etats puisqu'en raison d'une « cause juste », ils interviennent
militairement en Syrie depuis le 22 septembre 2014 et chaque année
jusqu'en 2018 sans l'aval du CS215.
Ainsi, sous couvert d'intervention humanitaire, les Etats
interviennent unilatéralement et illégalement à
l'intérieur de territoires souverains et afin de protéger leur
propre intérêt. Se demander si les conflits sont légitimes
n'est pas vraiment la question car légitime ne veut pas dire
légal. Au niveau juridique, toutes les interventions militaires
produites sans l'autorisation expresse du CS sont illégales en droit
international. Les interventions humanitaires ne peuvent être
mentionnées comme telles que lorsque le CS donne son aval en amont de la
procédure, autrement, il s'agit d'un usage abusif de ce concept. La
notion d'intervention humanitaire semblait néanmoins vouée
à l'échec bien avant que son utilisation abusive se propage en
raison de son cadre légal trop controversé, flou et sans base ni
définitions juridiques comme Christian Nadeau le
dénonce216. Le concept de « responsabilité de
protéger » a émergé dans les années 2000 en
réponse aux nombreuses critiques portant sur l'intervention humanitaire.
Pourtant, cette dernière connaît un échec flagrant en
raison de son efficacité limitée (Section 3).
Section 3 : L'échec flagrant dans l'application
du principe de la responsabilité de
protéger
L'intensité des débats entourant l'intervention
de l'OTAN au Kosovo et les controverses qu'elle a suscitées sur la
scène internationale ont donné naissance à la Commission
internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE)
suite à une proposition du Canada. Ses réflexions ont fait
émerger un nouveau concept « la responsabilité de
protéger » en réalité très semblable à
celui de l'intervention humanitaire (Paragraphe I), bien qu'il
se définisse comme plus éthique. L'application de ce principe a
encore une fois mené à de nombreux abus notamment avec les
interventions incontrôlées en Libye et en Côte d'Ivoire avec
des Etats intervenants qui ont largement outrepassé les limites de leur
mandat. En cela, la mise en oeuvre du principe de protéger
s'avère répréhensible (Paragraphe II).
parlement-britannique-debat-d-une-possible-intervention-en-syrie_3468570_3214.html
214 Résolution du CS des NU du 27 septembre 2013
n°2118, pour plus d'informations :
https://www.un.org/press/fr/2013/CS11135.doc.htm#:~:text=Les%20Ministres%20am%C3%A9ricain
%2C%20britannique%20et,s'est%2Dil%20exclam%C3%A9. Consulté le
17/06/2020
215 F. (2018, 14 avril). Syrie : ce que l'on sait de
l'opération militaire menée par les Etats-Unis, la France et le
Royaume-Uni. Consulté 17 juin 2020, à l'adresse
https://www.francetvinfo.fr/monde/revolte-en-syrie/syrie-ce-que-l-on-sait-de-l-operation-militaire-des-etats-unis-de-la-france-et-du-royaume-uni_2705570.html
216 Christian Nadeau ira jusqu'à dénoncer
l'ingérence humanitaire comme un concept « impérialiste,
puisqu'elle remet en cause la souveraineté des Etats ». Nadeau C.,
Ingérence humanitaire et jus post bellum, Aspects, 2008, N°2,
p.55
63
Paragraphe I- Un nouveau concept semblable à
celui d'intervention humanitaire
La Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des Etats (CIISE) susmentionnée avait comme
tâches de réfléchir sur le concept de l'intervention
humanitaire et surtout, de le réconcilier avec les dispositions de la
Charte relatives au recours à la force. Ses travaux ont abouti à
l'adoption d'un rapport intitulé « La responsabilité de
protéger »217. Dans ce rapport, la Commission
déclare que « L'intervention humanitaire a toujours suscité
des controverses, que ce soit par sa présence ou par son absence. Les
événements de 1994 au Rwanda ont exposé au grand jour
toutes les horreurs auxquelles peut conduire l'inaction »218.
Elle poursuit en considérant que « les termes des débats
passés opposant partisans et adversaires d'un droit d'intervention par
un État sur le territoire d'un autre sont dépassés et de
peu d'utilité. Nous préférons parler non pas d'un droit
d'intervention, mais plutôt d'une responsabilité de
protéger »219. En changeant la terminologie, la
Commission espère centrer le débat moral et juridique non plus
sur la notion d'intervention mais plutôt de protection. Ainsi, les
débats seront toujours les mêmes et resteront controversés
car subjectifs seulement, ils seront centrés sur la
responsabilité de protéger. Même si les objectifs sont
louables, il semble que le problème ne soit pas dans la terminologie de
la notion (quoi que le terme d'intervention renvoyait trop à un principe
d'ingérence), mais à ce que les Etats en font dans la pratique.
En cela et afin de palier à ces abus, il faut que le CS exerce un
réel pouvoir de contrôle dans les missions qui sont
délégués aux Etats et que ces dernières soient
clairement définies en des termes précis, de manière
positive (obligation de faire quelque chose...) et négative
(interdiction de prendre part au conflit civil et politique d'un Etat).
La Commission ne manque pas cependant de rappeler le
rôle majeur que détient le Conseil de sécurité
puisqu'il doit se présenter comme l'initiateur de l'autorisation d'un
recours à la force car ce dernier détient « une
autorité universelle acceptée pour valider ces opérations
220». Toutefois, dans les cas où le Conseil ne «
peut pas ou ne veut pas assumer le rôle qu'il était censé
jouer, on peut difficilement écarter complètement toute
possibilité de recours à d'autres moyens d'assurer la
responsabilité de protéger lorsqu'il rejette expressément
une proposition d'intervention alors que des questions humanitaires et de
droits de l'Homme se posent très clairement, ou qu'il ne donne pas suite
à cette proposition dans un délai raisonnable
»221. Dans ce cas-là, l'une des solutions
proposées par la Commission est de déléguer à une
organisation régionale ou sous-régionale le soin de mener
l'action collective. Cette proposition est risquée car elle inclut
d'autre organismes que l'ONU afin de gérer les actions coercitives et de
plus, cela arriverait en dehors du cadre de la Charte de l'ONU censée
être le cadre réglementaire en la matière. Le but principal
de cette Commission étant de concilier une intervention pour but
humanitaire avec les dispositions de la Charte et en cela, elle a
échoué car les blocages du CS avec le droit de veto des membres
permanents ne peuvent être contournés sans
217 Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des Etats, « La responsabilité de
protéger », Centre de recherches pour le développement
international, Ottawa, décembre 2001. Disponible à l'adresse :
https://diplomatie.belgium.be/sites/default/files/downloads/rapport%20intern
%20comm%20inzake%20interv%20en%20soev%20staat%20over%20beschermingsver_fr.pdf
Consulté le 17/06/2020
218 Ibid p.10
219 Ibid p.12
220 Ibid p.53
221 Ibid p.57
64
sortir de ce cadre. Toutefois, la proposition faite par la
Commission aux membres permanents du CS de ne pas exercer leur droit de veto
lorsque leurs intérêts ne sont pas en jeu est intéressante.
Il serait cependant très compliqué d'établir des bases
juridiques dans ce sens-là puisque comment jaugerait-on de ce qui
représente un intérêt étatique digne ou non de
représenter un réel intérêt. La seule solution afin
qu'une telle responsabilité de protéger soit utilisée de
manière légale par le CS serait de soumettre les membres
permanents à un vote à la majorité avec interdiction de
veto puisque ces décisions représenteraient un droit
supérieur dans un but d'intérêt général mais
les Etats occidentaux ne sont pas prêts d'accepter de perdre leur pouvoir
si aisément. La Commission précise enfin qu'en aucun cas, un Etat
ne peut unilatéralement sous couvert « humanitaire »
intervenir unilatéralement sur le territoire d'un autre Etat et aucune
intervention militaire ne peut être le fait unilatéral d'un Etat
sans être considérée comme un crime d'agression. En effet,
seule l'ONU a la responsabilité de défendre les objectifs
fondamentaux prévus par la Charte.
Le 16 septembre 2005, dans sa résolution
A/RES/60/1222, l'AG consacre la notion de responsabilité de
protéger, concept qui est censé mettre un terme à la
controverse sur la notion d'intervention humanitaire. Ainsi, il appartient
à chaque Etat de faire respecter les droits de l'Homme sur son
territoire, mais, en cas de défaillance, la communauté
internationale peut intervenir et se substituer à lui pour agir sous le
couvert de l'autorisation du CS. Cette résolution a été en
grande partie saluée et présentée comme une avancée
en droit international public. Pourtant, le bilan de sa mise en oeuvre reste
extrêmement mitigé comme l'intervention en Côte d'Ivoire ou
en Libye le prouve (Paragraphe II).
Paragraphe II- Une mise en oeuvre
répréhensible du principe de la responsabilité de
protéger
Afin de démontrer l'application abusive de ce concept
de la part des Etats, deux crises seront évoquées, La Libye et la
Côte d'Ivoire. Dans les deux cas, le CS a autorisé les Etats
à recourir à la force dans le but de protéger les
populations civiles et à chaque fois, les Etats ont outrepassé
leur mandat et pris part aux conflits internes à l'encontre du
gouvernement en place.
La première est l'intervention incontrôlée
de Libye en 2011. En février 2011, en écho à la
révision tunisienne et au printemps arabe, le soulèvement
débute à l'est de la Libye. Cette protestation fut
immédiatement réprimée par les autorités du
régime de Kadhafi. Selon Human Rights Watch, 173 manifestants
ont été tués en seulement quatre jours
d'affrontements223. Dès la fin février, les
insurgés reçoivent le soutien des puissances occidentales
notamment celui de la France qui leur livre ensuite d'importantes
quantités d'armes pendant la guerre civile224. Le 26
février, le CS s'empare de la question et dénonce les violations
flagrantes et systématiques des droits de
222 Résolution adoptée par l'Assemblée
Générale le 16 septembre 2005 Disponible à l'adresse :
https://undocs.org/fr/a/res/60/1
Consulté le 17/06/2020
223 Point.Fr, L. (2011, 20 février). Une foule
énorme enterre les manifestants tués à Benghazi.
Consulté 17 juin 2020, à l'adresse
https://www.lepoint.fr/monde/une-foule-enorme-enterre-les-manifestants-tues-a-benghazi-20-02-2011-1297503_24.php
224 Afp, L. M. A. (2011, 29 juin). La France aurait
livré des armes aux rebelles libyens. Consulté 17 juin 2020,
à l'adresse
https://www.lemonde.fr/libye/article/2011/06/29/la-france-aurait-livre-des-armes-aux-rebelles-libyens_1542584_1496980.html
65
l'Homme225. Il adopte à l'unanimité
la résolution 1970226 dans laquelle il rappelle que les
autorités libyennes ont la responsabilité de protéger leur
peuple. Cela n'arrange rien à la situation qui se dégrade de jour
en jour, comme le démontre la seconde résolution du CS
adopté moins d'un mois après la première dans laquelle il
déplore que les autorités libyennes ne respectent pas la
précédente résolution227. Lors de cette
résolution Alain Juppé, alors ministre des Affaires
étrangères s'exprime afin de convaincre le CS de voter une
résolution franco-britannico-libanaise permettant le recours à la
force afin d'assurer une zone d'exclusion aérienne et de protéger
les populations civiles. Cette résolution est adoptée sous le
Chapitre VII de la Charte et autorise les Etats membres à « prendre
toutes les mesures nécessaires (...) pour protéger les
populations et zones civiles menacées »228. Cette
résolution marque le baptême de feu de la responsabilité de
protéger avec une volonté du CS d'entreprendre une action
collective rapide et décisive.
Cependant certains Etats intervenants ont
interprété « la protection des populations et zones civiles
» comme couvrant des actions visant à faire tomber le régime
de Kadhafi et à apporter un soutien aux forces rebelles opposées
au régime. En agissant de la sorte, ils ont ainsi outrepassé leur
mandat et pris part aux affaires internes d'un Etat souverain ce qui est
illégal dans le droit international.
De la même manière, l'intervention en Côte
d'Ivoire a été interprétée de façon
extensive. L'instabilité de la Côte d'Ivoire remonte aux
années 2000 suite à la tentative de coup d'état
transformée en rébellion armée en 2002. Le
président de l'époque Laurent Gbagbo demande alors de l'aide
à la communauté internationale et notamment l'ONU afin de
rétablir la paix au sein de l'Etat. Selon le rapport de 2003 sur
l'urgence de la situation des droits de l'Homme en Côte d'Ivoire «
Tous les Ivoiriens se tournent vers l'ONU dont ils attendent qu'elle joue un
rôle central dans le processus de paix »229 . C'est ainsi
que l'ONU va être présente sur le terrain, dans un premier temps
afin de rétablir la paix puis ensuite de manière à
superviser les élections présidentielles et parlementaires de
l'Etat. À la suite du second tour le 28 novembre 2010, les deux
candidats s'accusent mutuellement d'intimidations envers certains
électeurs et revendiquent la victoire. D'un côté Laurent
Gbagbo, président sortant et en poste depuis 10 ans et de l'autre,
Alassane Ouattara, 1er ministre de la Côte d'Ivoire de 1990 à
1993. La victoire de ce dernier est officiellement reconnue par la Commission
électorale indépendante mise en place pour l'occasion et
également par la Communauté internationale. Le Conseil
constitutionnel du pays, le 5 décembre 2010, déclare
néanmoins Laurent Gbagbo vainqueur et est investi par la suite. Un
conflit armé débute alors avec d'un côté les Forces
Nouvelles pro-Ouattara contre les troupes loyales à Gbagbo. C'est dans
ce climat de tension que le CS des NU adopte la résolution 1975 du 30
mars 2011230 afin d'alerter sur les violations du droit
international humanitaire en raison de la violence contre les populations
civiles. Cette résolution autorise notamment l'ONUCI à recourir
à la force afin de restaurer la paix et de protéger la
population. Ainsi, le 4 avril 2011 l'ONUCI entame une opération
225 Résolution S/RES/1970 (2011) du 26 février
2011 Conseil de sécurité des NU disponible à l'adresse :
https://www.un.org/securitycouncil/fr/s/res/1970-%282011%29
consulté le 17/06/2020
226 Ibid.
227 Résolution du CS de l'ONU S/RES/1973 (2011) du 17
mars 2011, résumé à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2011/CS10200.doc.htm
consulté le 17/06/2020
228 Ibid paragraphe 4.
229 Rapport d'une mission d'urgence de l'ONU sur la situation
des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, (S/2003/90) du 24 janvier 2003,
pp 27-28
230 Résolution 1975 du CS des NU du 30 mars 2011
résumé à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/2011/CS10215.doc.htm
consulté le 17/06/2020
66
militaire qui conduit à l'arrestation le 11 avril de
l'ex président Laurent Gbagbo par les forces pro-Ouattara, les forces
militaires françaises et l'ONUCI. Le mandat a ainsi encore une fois
été clairement outrepassé, prendre part aux combats
armés afin de procéder à l'arrestation de l'ex
président ivoirien ne figuraient pas dans les missions confiées
à l'ONUCI ou aux troupes françaises.
Ainsi, la responsabilité de protéger s'est
avérée être le même problème que son
prédécesseur, l'intervention humanitaire. Les Etats sur place
lors du conflit ne respectent pas les missions confiées par le CS et
abusent de ce droit. La responsabilité de protéger devrait se
cantonner à la protection et non à intervenir pour le camp que
les Etats estiment légitime. En cela, le principe porté par le CS
a été dénaturé par la pratique étatique.
Afin de justifier leur action unilatérale, les Etats interprètent
les notions du système de sécurité collective de la Charte
tels que la légitime défense, l'intervention humanitaire et plus
récemment la responsabilité de protéger. Comme
justification juridique, les Etats utilisent l'argument de la
légitimité de l'action, d'une autorisation implicite
présente dans les résolutions ou encore d'une légalisation
à postériori. Ces argumentaires ne correspondent pas à
l'esprit de la Charte telle qu'elle fut créée (Chapitre
II). Il n'est pas non plus souhaitable qu'elles engendrent une
pratique coutumière en raison de leur logique dangereuse.
67
CHAPITRE II
Des arguments juridiques incompatibles avec
l'esprit de la Charte et le Droit international
Dans sa thèse sur Le droit international et la
pratique de l'ingérence armée démocratique depuis
1945, Sale Tiereaud231 constate qu'après la guerre
froide, la communauté internationale et les Etats ont opté pour
une interprétation particulière des règles gouvernant
l'interdiction du recours à la force. De nombreux arguments
légaux ont émergé pour justifier les interventions
unilatérales qui apparaissent comme discutables du point de vue du droit
positif. La ré-interprétation des règles est aujourd'hui
malheureusement devenue une constante dans « la perspective de la
recherche d'une sorte de validité normative de comportements
juridiquement discutables»232. L'auteur appelle cette tendance
la déconstruction, qui intervient sur la validité et la
stabilité des structures traditionnelles du droit positif international.
La déconstruction force ainsi la règle admise pour lui donner un
sens en l'espèce et légitimer un comportement illégal.
Cette déconstruction est de plus en plus présente dans
l'époque contemporaine en ce que les Etats recourent à la force
de manière unilatérale sans se soucier du cadre
réglementaire de la Charte. Néanmoins, en essayant de justifier
leur comportement par le droit international, ils démontrent tout de
même une volonté de légitimer leur action. C'est ce que
Serge Sur constatait lors de l'intervention des forces de l'OTAN au Kosovo
« Ce que l'on pensait acquis, et confirmé parfois depuis la Charte,
a été remis en cause sans être remplacé par une
nouvelle interprétation cohérente du droit, ou par une doctrine
qui gouvernerait son application »233. Cette remise en cause du
droit établi passe par un discours de déconstruction
utilisé comme instrument de légalisation des actions
unilatérales. Ce discours inclut les arguments tel qu'une intervention
« illégale mais légitime » (Section
1), c'est-à-dire la conviction générale d'une
majorité distincte de la Communauté qui considère ce
recours à la force juste et acceptable. Cette justification admet un
facteur subjectif dangereux et une idéologie hégémonique
des grandes puissances qui se placent en maîtres du monde. Certains Etats
considèrent également que l'acceptation d'un recours à la
force peut se trouver dans les résolutions du CS et dans des
autorisations implicites de ce dernier. Seulement, la théorie de
l'autorisation implicite n'a pas de fondement légale et apparaît
comme un alibi dangereux pour recourir à la force (Section
2). Enfin, les Etats afin de légitimer leur action ont
également fait émerger la théorie de l'autorisation
à posteriori des actions coercitives. Cet argumentaire, en plus
d'être dangereux juridiquement car il pourrait mener à anarchie,
est inadmissible aussi bien
231 Tiereaud S., Le droit international et la pratique de
l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit.
Université Nancy 2, 2009. Français
232 Ibid. p.343
233 Sur S., L'affaire du Kosovo et le droit international :
points et contrepoints, AFDI, XLV, Paris, 1999, p.286
68
dans la Charte qu'en droit international (Section
3). Le but de ce chapitre est de prouver que les arguments juridiques
employés ne doivent pas devenir pratique courante car ils vont à
l'encontre de l'esprit de la Charte et du droit international. En refusant
d'admettre de telles justifications et en les déclarant
illégales, l'ONU se replacerait au centre du processus de
sécurité collective et permettrait une stabilité et
sécurité juridique certaine.
Section 1: La conception hégémonique de
l'argumentaire « illégal mais légitime » lors d'une
action coercitive
Comme le fait remarquer Rousseau, en principe, on
présuppose que la légalité et la légitimité
coïncident, c'est-à-dire que le droit positif est juste, en
pratique cependant c'est loin d'être toujours le cas.234
Antigone qui désobéit à la loi de Créon en donnant
une sépulture à son frère enfreint le droit au nom de la
justice et admet qu'elle a agi de façon illégale mais
légitime235. Au sein de la communauté internationale,
de nombreux Etats utilisent cet argument et considèrent que si une
majorité distincte adhère à l'intervention alors, cette
dernière peut être considérée comme légale.
Seulement, ce discours de légitimation avec la mise à
l'écart de l'argument légal au profit de l'idée de
légitimité apparaît comme dangereux dans ses
répercussions (Paragraphe I). De plus, le seul organe
habilité à considérer une action comme légitime est
le CS, lorsque les Etats interviennent unilatéralement et utilisent des
arguments de la sorte, ils se placent en position de dictateurs afin de
décider du caractère légitime d'une intervention
(Paragraphe II). Ils ne voient ainsi les possibilités
qu'à travers un prisme hégémonique.
Paragraphe I- la mise à l'écart de
l'argument légal au profit de l'idée de légitimité
lors d'une intervention armée
Il est considéré comme « légal
» ce qui est conforme au droit positif, et comme « légitime
» ce qui est en accord avec la justice en tant que norme du droit. La
justice comme norme du droit est un ensemble de valeurs fondamentales
auxquelles toute législation est supposée se conformer en
principe236. Quand les blocages institutionnels du CS apparaissent
et que le légitime et le légal ne peuvent plus se superposer,
à quel moment est il justement légitime de faire primer ce qu'on
doit faire avec ce qui est légal de faire ?
Cette question se rapproche énormément du
concept d'intervention humanitaire et celui de la responsabilité de
protéger dépeints au sein du Chapitre précédent. En
droit international, est défini comme légitime par les Etats
« la conviction générale d'une
234 Rousseau J-J., Discours sur l'économie politique,
in OEuvres Complètes, t. III (Bibliothèque de la Pléiade),
Paris, 1964, p. 249. Rousseau déclare également ; « la
première des lois est de respecter les lois »
235 Antigone , tragédie de Jean Anouilh (1944),
résumé disponible à l'adresse : A. Antigone (Anouilh) :
Résumé | Superprof. Consulté 18 juin 2020, à
l'adresse
https://www.superprof.fr/ressources/langues/francais/autres-niveaux-fr1/tout-niveau-fr1/antigone-anouilh.html
236 Auroux S., Weil Y., Nouveau vocabulaire des études
philosophiques. Hachette. Et André Lalande, Vocabulaire technique et
critique de la philosophie. P.U.F. Cité par Longeart, M. L. (2020).
Légal /
Légitime. Consulté 1 8 juin 2 0 2 0 , à l
' a d r e s s e
http://www.ac-
grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/reperes/legal.htm
69
majorité distincte de la communauté
internationale que le recours à la force est juste et acceptable
»237. Les Etats se servent de cette légitimité
afin de faire adhérer les autres acteurs de la scène
internationale à leur action. En se justifiant sur le fondement de
valeurs émotionnelles et morales, les Etats placent le droit au
même niveau que la nécessité. La justification de la
légitimité n'est pas nouvelle puisqu'elle renvoie à
l'optique de « guerre juste » de la période antique jusqu'au
XIXe siècle définie en introduction.
Cependant, en dépit des critiques, cette argumentation
peut être tirée du préambule de la Charte des Nations unies
ou les peuples proclament leur foi « dans les droits fondamentaux de
l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine
»238, l'article 55c de la Charte déjà
mentionnée déclare que le respect des droits de l'Homme doit
être universel et effectif. Un Etat interventionniste comme la
France239 va dès qu'elle le peut dans ses interventions,
chercher l'approbation du CS comme le droit international l'exige. En revanche,
lorsqu'elle ne peut s'appuyer sur les dispositions de la Charte pour fonder son
intervention coercitive, le recours à la légitimité pour
conforter l'illégalité de l'attaque est constant. Ainsi,
l'argument du légitime n'est pas utilisé à bon escient.
Bien sûr, les Etats devraient intervenir avec l'aval du CS lorsqu'il
s'agit d'une nécessité mais dans les cas des Etats
interventionnistes, ils utilisent cette nécessité comme objet de
légitimation de leur illégalité. La France, dans sa lutte
contre le terrorisme international, décide de manière
discrétionnaire de recourir à la force ou non en dépit du
cadre réglementaire de l'ONU. En effet, la légitimité de
la lutte antiterroriste est encore plus renforcée par le fait que
celle-ci dispose également d'un volet humanitaire. Intervenir afin de
repousser les groupes terroristes permet aussi de sauvegarder les droits de
l'Homme des citoyens. Ainsi, en Irak et en Syrie, sont dénoncés
des actes d'atrocités avec par exemple des destructions culturelles
massives dénoncées telles que les manuscrits du Centre
Ahmed-Baba240, les mausolées de Tombouctou en
2012241 ou les livres dans les sites de Hatra242 et de
Nimrud243 en Irak en
237 Ortega M., L'intervention militaire et l'Union
Européenne, Cahier de Chaillot 45, Paris, mars 2001, p.17 cité
par Tiereaud S., Le droit international et la pratique de l'ingérence
armée démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2,
2009. Français p.357
238 Préambule de la Charte des Nations unies à
l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/preamble/index.html
consulté le 18/06/2020
239 La France est en effet une puissance interventionniste,
elle est intervenue ces dernières années en Côte d'Ivoire
avec l'opération Licorne (2011), en Libye (Opération Harmattan),
en 2013 au Mali (Opération Serval) et en 2014 en Centrafrique
(Opération Sangaris) et en Irak (Opération Chammal). Cité
par L. Balmond, « La pratique récente de l'emploi de la force par
la France : entre légalité et légitimité »,
paru dans PSEI, Numéro 1, La pratique récente de l'emploi de la
force par la France : entre légalité et légitimité,
mis en ligne le 10 juillet 2015, URL :
http://revel.unice.fr/psei/index.html?
id=89 .
240 Libération. (2013, 30 janvier). « Plus de 90%
» des manuscrits de Tombouctou auraient été sauvés.
Consulté 18 juin 2020, à l'adresse
https://www.liberation.fr/planete/2013/01/30/plus-de-90-des-manuscrits-de-tombouctou-auraient-ete-sauves_877914
241 France Culture. (2019, 12 juillet). Les mausolées
de Tombouctou : constructions et déconstruction. Consulté 18 juin
2020, à l'adresse
https://www.franceculture.fr/architecture/les-mausolees-de-tombouctou-constructions-et-deconstruction
242 Le Journal des Arts. (2020, 19 mars). Le site d'Hatra en Irak
classé patrimoine en péril par l'Unesco - 2 juillet 2015 -
lejournaldesarts.fr.
Consulté 18 juin 2020, à l'adresse
https://www.lejournaldesarts.fr/patrimoine/le-site-dhatra-en-irak-classe-patrimoine-en-peril-par-lunesco-126135
243 Sciences et Avenir. (2016, 18 novembre). Nimroud : la
stratégie du nettoyage culturel. Consulté 18 juin 2020, à
l'adresse
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/archeologie/la-destruction-du-site-archeologique-de-nimroud-en-irak_108253
70
2015. La lutte contre les groupes terroristes apparaît
également comme ayant un consensus universel, comme un ennemi commun
à abattre et en raison de cela, les Etats interviennent
unilatéralement et militairement à la moindre suspicion de
menaces terroristes. D'un point de vue juridique, ces nombreux bombardements ou
autres interventions ne sont pas légales car elles se déroulent
en dehors du cadre admis par l'ONU et la Charte des Nations unies. Il s'agit
cependant d'un argument qu'il est difficile de contester au point de vue de la
morale. Ce qui est contraire à l'esprit de la Charte est d'utiliser
l'argument du légitime afin de justifier une action qui n'avait pas
à la base été entamée pour des
intérêts solidaires. Il est difficile de trouver une
frontière entre des argumentations authentiques et des argumentations du
registre de la justification.
Le droit est ainsi utilisé face au légitime car
ce dernier est trop controversé, subjectif et à la solde des
grandes puissances (Paragraphe II).
Paragraphe II- Les puissances occidentales, dictateurs
des interventions légitimes
La légitimité fait appel à des valeurs
démocratiques, des valeurs partagés par le plus grand nombre.
Cependant, le plus grand nombre représente t-il la norme ? En faisant
appel à l'argumentation du légitime, les Etats portent un
jugement de valeur sur l'orientation des régimes politiques de certains
Etats. Ils hiérarchisent et mettent sur un piédestal la
démocratie comme seule forme possible de gouvernance. Comme expliquait
Rougier en 1910 : « Toutes les fois qu'une puissance interviendra au nom
de l'humanité, elle ne fera qu'opposer sa conception du juste et du bien
social à la conception de cette dernière en la sanctionnant au
besoin par la force »244. En faisant appel au registre du
légitime, cela établit un rapport de force jugé favorable
certes par une majorité mais défavorable pour le reste. Ce qui
est perçu comme une conduite licite par les uns est qualifié de
violation du droit par les autres et comme Hagen Rooke le remarque dans sa
thèse, ce que les uns « considèrent comme une contre-mesure
visant à restaurer la règle de droit, les autres la qualifie de
mesure illicite et déstabilisatrice de l'ordre juridique
»245.
Le discours de légitimation, employé le plus
souvent par les membres permanents du CS, afin de justifier de leur recours
unilatéral à la force apparaît comme ethno-centré.
Par une intervention légitime, ils imposent leur vision de la morale, de
ce qui est juste au sein des pays en conflit. À ce sujet, l'article de
Mansfield et Snyder Democratization in War246 est
éloquent. Les auteurs relativisent ainsi le postulat selon lequel la
démocratie favoriserait une situation de paix. Il s'agit pourtant d'un
principe universel et très consensuel mais les deux professeurs de
Columbia considèrent que faire la promotion du modèle
démocratique démontre une attitude impérialiste des Etats
occidentaux et de l'ONU. Pour eux, la violence et la guerre sont
inextricablement liées à l'émergence d'un régime
démocratique. Dans leur développement, les auteurs constatent que
les Etats en voie de démocratisation ont plus de probabilités
d'entrer en guerre que les Etats ne connaissant aucun changement de
régime. Selon eux, les probabilités s'expliquent par un sentiment
plus poussé de nationalisme. Ils nuancent néanmoins leur
244 Rougier, Les guerres civiles et le droit des gens,
Paris, 1910
245 Rooke Hagen, L'autoprotection et le droit de l'OMC.
Réflexions sur les implications juridiques des comportements
unilatéraux des membres de l'Organisation mondiale du commerce.
(2007). Thèse pour obtenir le grade de docteur de
l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Droit international
public. Editions universitaires européennes. p.665
246 Mansfield E., Snyder J., Democratization in War,
Foreign Affairs, vol.74, n°3, Mai-Juin 1995, pp. 79-97
71
propos en expliquant que la démocratisation des Etats
ne mène pas automatiquement à la guerre mais que cela favorise
leur propagation. Il est aujourd'hui évident que l'interventionnisme
américain de 2003 en Irak a fortement affaibli le pouvoir central en
place et a créé une totale autonomie dans certaines parties du
territoire aux populations locales. Cette intervention a été
justifiée par les Etats-Unis par la défense de la
démocratie et la doctrine Bush. Le document de la Maison Blanche
intitulé The National Security Strategy of the United States of America
mentionne que les Etats-Unis « défendent la paix en combattant les
terroristes et les tyrans »247. Ces actions ont
créé un véritable vivier pour le développement de
l'Etat islamique qui a pu s'emparer des ressources naturelles de ces zones et y
imposer son autorité comme le démontre l'article du professeur
Rey248.
Ainsi, « sauver les pauvres kosovars qui se font
exterminer ou encore les malheureux irakiens qui subissent le régime
sanguinaire de Saddam Hussein, apporter la vraie démocratie dans ces
Etats, sont autant d'arguments qui relèvent du registre de
légitimité »249. Cet argument met en oeuvre
« des phénomènes de mobilisation psychique relevant du
registre de l'emphase et du pathétique »250. La notion
d'intervention « illégale mais légitime »
apparaît ainsi comme ethno-centrée, hégémonique,
subjective et surtout allant à l'encontre de la Charte des Nations unies
et du cadre règlementaire de l'ONU relatif au recours à la force.
La légitimité ne s'acquiert que par l'autorisation du Conseil de
sécurité et elle va de pair en ce sens avec la
légalité. Laisser la liberté aux Etats de définir
ce qui est légitime de manière unilatérale est très
dangereux pour la stabilité du droit international et la
pérennité de la paix. Ainsi, le discours de la
légitimité ne doit pas être une coutume et le CS devrait en
ce sens interdire de tels arguments afin de justifier des interventions
unilatérales. Il en est de même pour la théorie de
l'autorisation implicite énoncée par certains Etats. Cette
théorie ne dispose d'aucun fondement juridique légal et est
utilisée dans l'unique but de rapprocher les actions des Etats avec le
droit international (Section 2).
Section 2 : L'absence de fondement légal pour la
théorie de l'autorisation implicite du recours à la
force
Cet argument a été employé notamment afin
de légitimer l'intervention du Kosovo et l'intervention en Irak. Comme
il est indiqué au sein de la première partie du devoir,
l'autorisation implicite du recours à la force n'a aucun fondement
juridique légal ce qui constitue en soit le motif principal de
l'impertinence de cet argument. Les Etats au vu de certaines résolutions
du CS, argumentent une autorisation implicite du recours à la force
(Paragraphe I). Cet argument est bien sûr irrecevable
car le CS ne peut donner que des autorisations expresses. Dans certains cas
cependant, en raison des zones grises de la Charte et du silence du Conseil,
les Etats justifient leur action coercitive par ce biais-là
(Paragraphe II).
247 The National Security Strategy of the United States of
America, 17 septembre 2002, op.cit.
248 Rey M., Aux origines de l'Etat islamique, La vie des
idées, 17 mars 2015, p.8
249 Tiereaud S., Le droit international et la pratique de
l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit.
Université Nancy 2, 2009. Français p.359
250 Rabault H., Etat et globalisation : vers une
cosmopolitique ?, Revue internationale de théorie du droit et de
sociologie juridique, Droit et Société, LGDJ, Paris, 59/2005,
p.200
72
Paragraphe 1 : L'interprétation étatique
abusive de certaines résolutions du CS
Comme démontré au sein de la première
partie du devoir, le CS manque parfois de rigueur juridique dans ses
résolutions et notamment en ce qui concerne la qualification des faits
ainsi que les missions déléguées aux Etats lorsqu'il
s'agit de recourir à la force. Dans ce sens, le CS peut parfois exprimer
explicitement l'autorisation pour les Etats de « recourir à la
force » ou de manière plus implicite en demandant aux Etats «
d'user de tous les moyens nécessaires ». Cependant, il arrive au
Conseil de ne pas utiliser une telle formule et les Etats, lorsque c'est le
cas, présument à partir de certains indices, une invitation
à recourir à la force dans certaines situations. Il s'agit
toutefois d'une justification pour leurs recours illégaux à la
force puisqu'il est clair que l'habilitation doit être clairement
donnée par le CS avant le conflit comme l'exprime Daniel Dormoy dans son
article251. En ce sens, seulement le CS détient la
légitimité pour autoriser un quelconque recours à la force
et, même s'il n'est pas très rigoureux dans certaines situations.
Les Etats ont ainsi toujours reçu et compris l'information lorsque le CS
autorise un recours à la force armée. S'il faut déceler
des indices qui pourraient indiquer une autorisation, c'est que le CS n'a pas
habilité un Etat pour une intervention coercitive. Les Etats en ont
clairement conscience et essayent seulement de justifier et légitimer
leur action qu'ils savent en illégalité avec le droit
international et la Charte.
En ce sens, les Etats intervenants au Kosovo ont
utilisé ce registre afin de justifier leur intervention militaire. En
effet, entre Mars 1998 et Mars 1999, le CS s'est investi du conflit se
déroulant au Kosovo en adoptant de nombreuses résolutions dans le
cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations unies afin d'arrêter les
violences à l'encontre des Kosovars albanais. C'est ainsi que certains
Etats membres ont essayé de déduire des résolutions
1160252, 1199253 et 1203254, une autorisation
implicite du recours à la force. En l'espèce, ces
résolutions constataient seulement la menace sur le territoire en
question mais elles n'étaient nullement suivi par des mesures
coercitives. Comme l'exprime Olivier Corten, la seule référence
au Chapitre VII dans une résolution du Conseil ne suffit absolument pas
à habiliter les Etats membres à recourir à la
force255. De ce fait, il n'est alors pas possible de déduire
de l'une des résolutions du CS pour la Serbie, une autorisation
implicite de recourir à la force. Cet argument est irrecevable en
l'espèce tout comme pour le cas irakien en 2003. George W. Bush, afin de
justifier la légalité de son intervention en Irak n'a même
pas recouru aux résolutions en l'espèce, il s'est contenté
d'énumérer les résolutions 678 et 687256 datant
de 1990 et 1991. Ils considèrent ces dernières comme « both
still in effect »257 ainsi, les Etats seraient toujours
autorisés à intervenir en Irak afin de supprimer les armes de
destruction massives. Les Etats-Unis maintiennent cette défense puisque
dans un article intitulé
251 Dormoy D., Réflexions à propos de
l'autorisation implicite de recourir à la force, dans Les
métamorphoses de la sécurité collective, Droit pratique et
enjeux stratégiques, pp.223-230
252 Résolution 1160 (1998) du 31 mars 1998 :
S/RES/1160. Communiqué de presse à l'adresse :
https://www.un.org/press/fr/1998/19980923.cs974.html
Consulté le 18/06/2020
253 Résolution 1199 du 23 septembre 1998 : S/RES/1199
Disponible à l'adresse :
https://undocs.org/fr/S/RES/1199(1998)
consulté le 18/06/2020
254 Résolution 1203 du 24 octobre 1998 : S/RES/1203
Disponible à l'adresse :
https://undocs.org/fr/S/RES/1203(1998)
Consulté le 18/06/2020
255 Corten O., Dubuisson F., « L'hypothèse d'une
règle émergente fondant une intervention militaire sur une
`autorisation implicite' du Conseil de sécurité », RGDIP,
2000/4, p. 885
256 Résolutions 678 du 29 novembre 1990 et 687 du 3 avril
1991 op.cit.
257 Discours de George W. Bush sur l'ultimatum du 13 mars 2003
op.cit.
73
Preemption, Iraq and International Law 258
le conseiller juridique du département d'Etat de l'époque William
Howard Taft déclare que la résolution 678 (lors de l'invasion du
Koweït par l'Irak) exige que l'Irak se conforme pleinement à la
résolution 660 et à toutes les autres résolutions
ultérieurement. Ainsi, plus de dix ans plus tard, cette
résolution serait toujours d'actualité et autoriserait les Etats
membres du CS à déployer la force armée afin de leur faire
respecter ces résolutions. Ces résolutions ne visaient cependant
qu'un but précis à l'époque qui était la
libération du Koweït et, une fois cet objectif atteint,
l'autorisation cesse d'exister. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
considèrent également que la résolution 1441, cette fois
adoptée pendant la crise irakienne le 8 novembre 2002259,
détient une autorisation implicite du CS afin de recourir à la
force sur le territoire. Selon l'Attorney General britannique Lord Goldsmith :
« L'autorisation de recourir à la force contre l'Irak existe en
raison de l'effet combiné des résolutions 678, 687 et 1441.
Toutes ces résolutions ont été adoptées sous le
Chapitre VII de la Charte des Nations unies qui autorise le recours à la
force afin de restaurer la paix et la sécurité internationales
»260. Dans cette résolution, le CS ordonne à
l'Irak de respecter les obligations en matière de désarmement
sous peine de sanction. Il n'existe cependant pas de recours à la force
autorisé, ou même de passage ambigu qui pourrait faire douter les
Etats des intentions du CS. Il est donc encore une fois impossible de
déduire de la résolution 1441 une quelconque autorisation du
recours à la force.
Le CS détient le monopole de l'autorisation du recours
à la force en qualifiant le conflit et en décidant des mesures
à prendre en l'espèce. Les arguments invoqués à la
fois par certains membres de l'OTAN pour le Kosovo ou par le gouvernement
britannique et américain pour le cas de l'Irak ne sont nullement
pertinents en droit. Il s'agit uniquement d'une tentative bancale de
justification en vu de se rapprocher de la légalité et du
système réglementaire de la Charte. En plus de chercher une
autorisation implicite au sein des résolutions, certains Etats ont
considéré que le silence du CS était un gage de
consentement et d'autorisation du recours à la force. Cet argument doit
également être rejeté en raison du respect du droit de la
Charte et du droit international (Paragraphe II).
Paragraphe 2 : L'irrecevabilité de l'argument d'une
autorisation implicite du fait du silence du CS
Le silence du CS lorsque des Etats violent les règles
du droit international et le principe d'interdiction du recours à la
force est problématique. Il ne qualifie pas d'illégal des actions
qui, objectivement le sont. Pour Philippe Weckel, l'intervention
anglo-américaine en Irak aurait dû être qualifiée
d'agression mais au lieu de ça est tombé « dans une sorte de
zone grise juridique »261. Pour lui, « ces zones
correspondent à des ambiguïtés juridiques volontairement
créées par les sujets de droit international
»262. Il s'agit d'un entre-deux, « une situation est
maintenue entre deux eaux dans un état
258 Taft W., Buchwald T., Preemption, Iraq and International
Law, A J I L, vol 97-3, 2003 à la page 557.
259 Résolution du CS des NU n°1441 du 8 novembre
2002. S/RES/1441 (2002) Disponible à l'adresse :
https://undocs.org/pdf?symbol=fr/S/RES/1441(2002)
Consulté le 19/06/2020
260 Lord Goldsmith, Attorney General's Advice On The Iraq War
Iraq : Resolution 1441, ICLQ, 2005, vol. 54/3, p. 767-778. Sur une
présentation des différentes interprétations : K. M.
Messen, « Le droit au recours à la force militaire : une esquisse
selon les principes fondamentaux », in Les nouvelles menaces contre la
paix et la sécurité internationales, Paris, Pedone, 2004, 297 p.,
p. 109-128, p. 119.
261 Weckel P., L'usage déraisonnable de la force, RGDIP,
Paris, 2003, p.380
262 Weckel P., Interdiction de l'emploi de la force : De quelques
aspects de méthodes » p.191
74
intermédiaire parce que les qualifications possibles de
cette situation sont considérées comme inadmissibles
»263. Serge Sur se demande si le CS ne serait pas voué
à l'arbitraire avec des situations dans lesquelles il n'agit pas alors
que la sécurité est menacée ou d'autres ou il laisse une
résolution de principe inexécutée comme dans les
différents conflits remettant en cause Israël264.
L'inaction du CS est ainsi plus fréquente que ses débordements.
En effet, il a accepté de nombreuses transgressions à ses
résolutions comme l'intervention de l'OTAN au Kosovo, l'agression
américano-britannique en Irak pour ne citer que les plus « graves
». Il n'a pas cherché à démontrer
l'inadmissibilité des arguments employés après coup et
à juste accepté l'état de fait. Cette position-là
est dangereuse et peut mener à de nombreuses transgressions impunies.
Les 5 membres permanents apparaissent ainsi comme décrits au sein de la
première partie de la recherche, complètement hors d'atteintes.
Ils se justifient avec des arguments juridiques qui n'ont pas de sens ou de
pertinence et le CS reste dans le silence. Ainsi, les Etats intervenants
tentent le plus souvent de valider l'intervention, de faire passer dans le
droit positif des notions comme « zones grises » ou encore «
excès de pouvoir dans le recours à la contrainte
»265. Encore une fois, ces arguments ne représentent que
des tentatives de justification afin d'occulter l'illégalité de
leur intervention. Le CS ne devrait pas laisser ses argumentations s'installer
durablement dans la pratique. Il doit se replacer en tant que pièce
centrale dans le système du recours à la force
multilatéral.
Tous les arguments sur lesquels les Etats tendent à
faire reposer la légalité de l'intervention sur une autorisation
implicite sont problématiques. Il en est de même lorsque le CS ne
se prononce pas sur une question. Dans le cas de l'intervention irakienne, cet
argument a également fait parti de la défense des Etats-Unis et
de la Grande-Bretagne. Le silence du CS se réfère le plus souvent
à son incapacité d'intervenir dû à utilisation du
veto par ses membres et non par une autorisation implicite. Ces
interprétations ne tiennent pas debout et rien dans la pratique aurait
pu ressembler à des précédents sur ce sujet. De plus, la
Charte est très claire en ce sens puisqu'en son article 53 elle
énonce « aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu
d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans
l'autorisation du Conseil de sécurité »266.
Certes, il s'agit d'une disposition spécifique pour les organismes
régionaux mais il est certain que cela s'applique aussi aux Etats. De
plus, la qualification de menace contre la paix et l'utilisation du Chapitre
VII de la Charte par le CS ne veut pas forcément indiquer un recours
à la force. Le CS dispose d'un arsenal de mesures non-coercitives et
qualifier une situation avec l'article 39 de la Charte ne veut en aucun cas
signifier une autorisation de recourir à la force.
Ainsi, l'autorisation implicite ne représente pas un
argument juridique valide afin de légitimer l'unilatéralisme des
Etats en cas de recours à la force. En suivant l'ordre des choses,
l'autorisation devrait précéder une action et non le contraire.
L'approbation implicite post facto a également
été invoquée dans le cas kosovar afin de justifier les
actions de l'OTAN. Il s'agit d'une pratique dangereuse qui pourrait mener
à un anarchisme. C'est pourquoi l'argument de la légalisation
à posteriori d'un conflit ne peut
263 Ibid.
264 Sur, S. (2004). Le conseil de sécurité :
blocage, renouveau et avenir. Pouvoirs, 109(2), 61-74.
doi:10.3917/pouv.109.0061.
265 Weckel P., L'usage déraisonnable de la force, op.cit.
P .195
266 Article 53 de la Charte des Nations Unies, disponible
à l'adresse :
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-viii/index.html#:~:text=Article%2053,coercitives%20prises%20sous%20son
%20autorit%C3%A9. Consulté le 19/06/2020
75
être admissible (Section 3).
Section 3 : L'inadmissibilité en droit
international de la légalisation à posteriori d'un recours
à la force
Le CS lors de certaines opérations interventionnistes a
pu féliciter des organismes régionaux dans leur comportement et
leur action même si ces derniers ont recouru à la force sans
l'autorisation expresse du Conseil. Cette application semble très
dangereuse et doit être abrogée afin d'éviter d'autres
actions unilatérales sur ce fondement. La pratique de la
légalisation ex post facto du CS a émergé lors
des conflits au Liberia et en Sierra Leone (Paragraphe I).
Cependant, l'OTAN a voulu justifier son intervention au Kosovo par une
légalisation à posteriori du CS afin de légitimer leur
action unilatérale (Paragraphe II). Si la
première pratique semble dangereuse, la seconde n'est pas admissible car
aucune légalisation n'a eu lieu lors des résolutions du CS
après l'intervention.
Paragraphe I- L'émergence de la légalisation
ex post facto du CS lors des interventions d'organismes régionaux au
Libéria et en Sierra Leone
Le terme ex post facto désigne une loi
décrétée après un fait mais qui peut s'appliquer de
façon rétroactive. En l'espèce, le CS, après
l'intervention de l'ECOMOG267 au Liberia (1990) et en Sierra Leone
(1991) félicite la CEDEAO268 « des efforts qu'elle fait
pour rétablir la paix, la sécurité et la situation au
Libéria »269 et vote un « soutien sans
réserve aux efforts faits par le Comité de la CEDEAO pour
régler la crise en Sierra Leone et l'encourage à continuer de
s'employer à restaurer pacifiquement l'ordre constitutionnel...
»270. Ainsi, le conseil de sécurité dans les deux
cas ne mentionne rien à propos du recours à la force sans son
aval et au contraire, inclut ses opérations dans le système de le
Charte puisqu'il félicite clairement les actions prises. Pourtant,
conformément à l'article 53 de la Charte déjà
mentionné, le Conseil aurait dû donner son autorisation
préalable, ce qui n'a pas été fait.
L'ECOMOG a été créé à
l'origine pour répondre au conflit du Liberia et maintenir la paix dans
la région. Son but initial étant de faire respecter les
cessez-le-feu signés au sein des pays membre de la CEDEAO. Elle devient
dès 1999, la force armée de l'organisation et mènent des
opérations en son nom. La CEDEAO dès 1990 s'investit dans la
résolution du conflit de guerre civile au Liberia. Le 9 août 1990,
le Nigeria au nom de la CEDEAO prévient le CS de son intention de
conduire une opération militaire au Liberia dans le plus strict principe
de neutralité271. L'ECOMOG intervient ainsi au Liberia le 24
août 1990 sans autorisation expresse du CS mais avec l'autorisation de la
CEDEAO. Plus tard, le CS considère ces opérations post facto
comme étant des opérations de maintien de la paix qui
constataient simplement la situation en cours. Le
267 Economic Community of West African States Cease-fire
Monitoring
268 Communauté économique des Etats d'Afrique de
l'Ouest
269 Cf les Résolutions 856 (1993) du 9 aout 1993, 866
du 21 septembre 1993, 950 du 21 octobre 1994, 1001 du 30 juin 1995, 1014 du 15
septembre 1995, 1020 du 10 novembre 1995, 1041 du 29 janvier 1996, 1059 du 30
mai 1996, 1071 du 30 aout 1996
270 Cf la Résolution du CS des NU 1132 (1997)
S/RES/1132 au paragraphe 3 disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1132(1997)
consulté le 19/06/2020
271 Déclaration du 9 aout 1990 adressée au
Secrétaire Général par le représentant du
Nigéria auprès de l'ONU, S/21485, p.3
76
CS dans sa résolution 788 adoptée le 19 novembre
1992272 approuve ainsi l'opération de cette organisation
régionale plus de deux ans après qu'elle soit engagée sans
son accord. En agissant de la sorte, il a voulu légitimer l'action de la
CEDEAO post facto avec un effet rétroactif. De la même
façon la situation en Sierra Leone a été
légalisée à posteriori de l'intervention.
Dans le cas sierra-léonais, sans être
autorisé expressément à recourir à la coercition
militaire, la CEDEAO va donner à l'ECOMOG la possibilité «
d'user tous les moyens nécessaires »273 pour appliquer
les sanctions prises à l'encontre du régime. Cette
décision a été prise encore une fois sans autorité
quelconque donnée par le CS. Le CS pourtant, lors de sa
résolution 1132 déclare soutenir « sans réserve les
efforts de la CEDEAO pour régler la crise en Sierra Leone et l'encourage
à continuer de s'employer à restaurer pacifiquement l'ordre
constitutionnel»274. De plus, le Conseil dans cette
résolution autorise clairement post facto la CEDEAO à
veiller au bon fonctionnement de l'embargo : « Agissant également
en vertu du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, autorise la CEDEAO,
en coopération avec le gouvernement démocratiquement élu
de la Sierra Leone, à veiller à la stricte application des
dispositions de la présente résolution touchant la fourniture de
pétrole, de produits pétroliers, d'armements et de
matériel connexe de tous types (...) »275. Ainsi, le
Conseil, par cette résolution, autorise de manière
rétroactive l'intervention en Sierra Léone par la CEDEAO. Une
fois encore il considère l'opération menée par l'ECOMOG
comme une opération de maintien de la paix. Il semble bien dangereux
d'accepter la possibilité pour une intervention armée, de rentrer
dans le champ réglementaire de la Charte à posteriori. La CEDEAO,
jusqu'à ce que le CS intervienne, était en situation
d'illégalité avec le droit international et quand bien même
le CS, au pied du mur, n'avait pas d'autre choix que d'autoriser
l'intervention, ce dernier aurait du rappelé la procédure de
l'article 53 de la Charte à l'organisme régional. Le CS, admet
par ce biais, une autorisation ex post facto pour les interventions
d'organismes régionaux et interprète l'article 53 de la Charte de
manière très extensive. Le CS apparaît comme souhaitant
reprendre en main une situation qui lui échappe, mais en autorisant un
tel comportement, il ne fait qu'ouvrir la porte à d'autres
transgressions et abus. Comme le démontre Thieraud dans sa thèse,
« la validation ex post vise à réaffirmer la
prépondérance du CS dans les questions de paix et de
sécurité internationales à travers le rattrapage dont il
fait ainsi preuve »276.
Ce comportement apparaît comme irresponsable venant du
CS puisqu'il laisse la porte ouverte à toute sorte d'abus et de
justifications sur ce principe. Le CS et la CEDEAO ont ainsi justifié
ces habilitations par l'autorisation de l'Etat hôte, et le principe de
légitime défense. Cependant, l'OTAN s'est servie de ces
précédents afin de justifier de son intervention au Kosovo
malgré qu'elle soit dans l'illégalité (Paragraphe
II).
Paragraphe II- L'inapplicabilité d'une autorisation
à postériori dans le cadre de l'intervention au Kosovo et en
Irak
272 Résolution du CS des NU du 19 novembre 1992 ;
S/RES/788, disponible à l'adresse :
https://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/788(1992)
consulté le 19/06/2020
273 Cf lettre du représentant nigérien à
l'ONU adressée au CS le 8 septembre 1997. S/1997/695. Disponible
à l'adresse :
https://undocs.org/S/1997/695
consulté le 19/06/2020
274 Résolution 1132 du CS des NU du 8 octobre 1997.
S/RES/1132 (1997)
275 Ibid p.3
276 Tiereaud S., Le droit international et la pratique de
l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit.
Université Nancy 2, 2009. Français p.326
77
Dans le cas kosovar, il n'apparaît pas que le Conseil de
sécurité ait accepté l'intervention militaire de l'OTAN en
l'insérant dans le cadre réglementaire de la Charte. En effet,
les Etats argumentent une légalisation à posteriori de
l'intervention en raison de la résolution 1244 prise par le Conseil de
sécurité du 10 juin 1999277. Le CS prend ainsi note
des conséquences de l'intervention mais ne dit rien sur sa
légalisation. Pour Philippe Weckel278, la résolution
en l'espèce ratifie certes la situation issue de la confrontation
militaire, mais elle ne valide pas l'emploi de la force par l'OTAN. Le CS ne
fait qu'organiser la suite des évènements et ne commente pas
réellement sur l'opération. En effet, il n'y a aucune disposition
relative à l'OTAN ou à l'opération effectuée. En ce
sens, il n'est pas légitime de considérer cela comme une
acceptation à posteriori puisque le CS ne faire que constater la
situation telle qu'elle est au moment de la résolution. Il ne qualifie
pas l'intervention comme illégal, mais ne la légalise pas non
plus afin de rentrer dans cette situation de zone grise. Interpréter
cela comme une approbation ne serait pas juste légalement
puisqu'à aucun moment le CS a expressément approuvé cette
intervention. Créer une pratique en ce sens est dangereux puisque cela
reviendrait à mettre le CS au pied du mur pour chaque recours
unilatéral à la force. La seule règle qui puisse exister
et être pérenne en droit international est celle d'une
autorisation expresse et en amont d'une intervention et uniquement de la part
du CS. Une intervention différente de celle-ci ruinerait l'esprit de la
Charte des Nations unies. Il semblerait ainsi que le CS interprète au
cas par cas les situations qu'il souhaite autoriser ex post facto. Il
semble encore une fois que les arguments en faveur d'une telle
légalisation relèvent de l'ordre de la justification. Serge Sur
s'interrogeant sur la légalité de l'intervention au Kosovo,
résume a écrit « La question n'est pas ici de savoir si le
recours à la notion d'intervention d'humanité était en
l'occurrence justifié, mais si l'intervention pourrait servir de
précédents dans des hypothèses plus convaincantes. (...)
Trois arguments se présentent à l'encontre de cette thèse.
D'abord, le Pacte Atlantique, pacte de défense collective de ses
membres, ne donne pas compétence à l'OTAN pour décider de
telles actions. Ensuite, il ne peut être utilisé pour
méconnaître la Charte des Nations Unies, qui l'emporte en vertu de
ses propres dispositions sur tout autre traité international (...) Pour
que l'OTAN dispose de semblables compétences, comme de la
possibilité d'intervenir plus largement hors de l'hypothèse de la
légitime défense collective, il faudrait que sa charte
constitutive soit modifiée, et qu'elle devienne une organisation de
sécurité collective - mais alors que le sens et
l'intérêt de l'ONU et du Conseil de sécurité
seraient remis en cause et gravement altérés
»279.
Cette analyse est aussi valable pour l'intervention en Irak et
ses nombreuses tentatives de justification. Les résolutions 1483 du 22
mai 2003280 et 1511 du 16 octobre 2003281 sont les bases
juridiques de cette argumentation et pour certains ces dernières
277 Résolution 1244 du 10 juin 1999. S/RES/1244 (1999)
Disponible à l'adresse :
http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/2478~v~Resolution_1244
__deploiement_de_pre
sences_internationales_civiles_et_de_securite_au_Kosovo_-_S_RES_1244__1999_.pdf
consulté le 20/06/2020
278 Weckel P cité par Tiereaud S., Le droit
international et la pratique de l'ingérence armée
démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2, 2009.
Français p.325
279 Sur S., Le recours à la force dans l'affaire du
Kosovo et le droit international, Notes de l'IFRI, Institut Français de
relations internationales, 2001, disponible à l'adresse:
http://www.sergesur.com/Le-recours-a-la-force-dans-l.html
280 Résolution 1483 du 22 mai 2003. S/RES/1483
Disponible à l'adresse :
https://digitallibrary.un.org/record/495555?ln=fr
consulté le 20/06/2020
281 Résolution 1511 du 16 octobre 2003. S/RES/1511
Disponible à l'adresse :
procèdent à une légalisation de
l'intervention. Pourtant, ces arguments ne semblent pas pertinents car, comme
pour le cas kosovar, le CS apparaît comme essayant de reprendre en main
la situation en qualifiant uniquement le conflit tel qu'il est au moment de la
résolution. L'OTAN et les Etats-Unis utilisent cette pratique flou afin
de légitimer leur action et de trouver des justifications au fait qu'ils
sont intervenus en dehors du cadre réglementaire de la Charte. En cela,
l'intervention en Irak n'a pas été légalisée et
apparaît encore comme une action unilatérale, une agression de la
souveraineté d'un Etat.
78
https://digitallibrary.un.org/record/504316?ln=fr
consulté le 20/06/2020
282 Sur, S. S. (2004). Le Conseil de sécurité :
blocage et renouveau. Et maintenant ? - Serge SUR.
79
Conclusion seconde partie
La seconde partie a pour but de démontrer que les
justifications employées par les Etats afin de légitimer leur
action unilatérale ne sont pas légales et n'entrent pas dans le
cadre réglementaire de la Charte des Nations unies. En ce sens, la
dénaturation des principes de la Charte ou les arguments juridiques
employés pour justifier ces actions ne peuvent pas être
considérés comme une pratique pérenne du droit
international, au risque de voir celui-ci complètement désuet.
En effet, pour commencer par la légitime
défense, il s'agit de la seule exception autorisée par la Charte
des Nations unies qui entraîne pour conséquence la réaction
d'un Etat de manière unilatérale pour un temps
déterminé. En cela, de nombreux Etats ont essayé de
dénaturer ce principe ou en tout cas de l'interpréter de
manière à ce qu'il inclut de nombreuses interventions. Cependant,
malgré l'incertitude du Conseil de sécurité dans ses
résolutions, cela n'est pas suffisant afin d'admettre une intervention
de légitime défense en Afghanistan à la suite des
attentats du 11 septembre 2001. Les preuves n'étant pas suffisantes afin
de rattacher les crimes d'Al-Qaida à l'Etat afghan et de permettre une
intervention de légitime défense aux Etats-Unis et ses
alliés.
Il est cependant certain que la menace terroriste suite aux
attentats a permis de démontrer que le système de
sécurité collective de l'ONU n'était pas à la
hauteur afin de répondre adéquatement à de telles attaques
d'entité non-étatiques. La Charte a été
conçue de manière à répondre à une attaque
d'Etat à Etat et non face à des groupuscules terroristes. En
cela, l'ONU doit dégager une pratique claire et précise avec peut
être un qualificatif propre à ces attaques au lieu de rassembler
toutes les menaces dans un même panier « menaces contre la paix et
la sécurité collective » qui facilite les
interprétations abusives des Etats.
En revanche, la doctrine de la légitime défense
préventive ou préemptive représente uniquement une
théorie illicite pour le droit international et la Charte des Nations
unies. En effet, chaque intervention ne bénéficiant pas d'une
habilitation expresse et préalable apparaît comme illégale
pour la lettre et l'esprit de la Charte. En ce sens, la légalisation
à posteriori et la théorie de l'autorisation implicite n'ont pas
non plus leur place au sein du cadre réglementaire de l'ONU. Ces
derniers se placent davantage dans le registre de la justification que d'une
réelle argumentation d'une nouvelle pratique internationale du recours
à la force.
Les concepts d'intervention humanitaire et de
responsabilité de protéger sont également
controversés car ils présentent un caractère subjectif. En
cela, ils apparaissent comme dangereux dans une communauté de droit. La
seule possibilité pour qu'ils subsistent est si le CS, seul organe
légitime, accepte une intervention armée en ce nom. Cet argument
peut paraître difficile à faire entendre d'un point de vue moral
puisque si des populations civiles sont en danger, une intervention quelle
qu'elle soit, semble bien entendu appropriée. Cependant, trop
d'interventions ont eu lieu sur ces considérations et ont
créé des instabilités durables au sein des Etats en
conflit. Ces actions pour « l'intérêt général
» disposent d'un caractère trop ethnocentrées et
hégémoniques. En ce sens, laisser le CS décider des
interventions humanitaires semble légitime puisqu'il serait le fruit
d'intenses discussions et négociations. Comme Serge Sur le
décrit, malgré les blocages institutionnels, le « Conseil
est à l'image de la société internationale, il est un
instrument au service des grandes puissances et non une vigie ou un vigile de
la justice et de la légalité internationales. Cela le
définit sans l'invalider »282.
80
Conclusion générale
La Charte des Nations unies a une importance capitale au sein
du système juridique international depuis 1945. L'ONU et surtout le
Conseil de sécurité ont été chargé par cette
dernière de maintenir ou de rétablir la paix et la
sécurité internationale. La clé de voûte de ce
système représente l'interdiction du principe du recours à
la force définit à l'article 2§4. Les Etats renoncent ainsi
à leur droit souverain d'exercer un recours à la force et
transfèrent cette compétence au sein du Conseil de
sécurité doté de pouvoirs par la Charte.
Conformément à la Charte et au Droit
international, le recours à la force des Etats est donc proscrit mis
à part dans l'éventualité de l'autorisation du Conseil de
sécurité et de la légitime défense. Mais depuis
plusieurs années la pratique de certains Etats et notamment des membres
permanents du Conseil de sécurité invite à s'interroger
sur une obsolescence de la Charte.
En effet, outre la pratique des Etats dans laquelle nous
reviendrons, l'ONU est constamment paralyser par le droit de véto des
cinq membres permanents au Conseil de sécurité. Ces blocages,
couplés à l'incapacité de l'ONU de disposer d'une force
coercitive propre à l'organe influent sur les remises en question de la
Charte et du système de sécurité collective. Le
modèle multilatéral étant également critiqué
dans la société internationale au profit d'un retour à
l'Etat et des relations régionales, cela entraine une volonté
grandissante de réforme profonde. Le CS de par ses pouvoirs de
qualification et de sanction lors de crises internationales, fait
privilégier la diplomatie aux règles de droit et manque ainsi de
rigueur juridique au sein de ses résolutions. Cela a pour
conséquence de créer des zones grises et des faiblesses
textuelles que les Etats utilisent à leur avantage dans leur
interprétation et leur action.
Cependant, dans la société internationale, les
intérêts particuliers l'emportent de loin sur les
intérêts collectifs et il n'est alors pas étonnant de
remarquer que les Etats utilisent chaque faiblesse de la Charte et de l'ONU
afin de tourner la situation à leur avantage et de recourir à la
force de manière unilatérale. Toutes les lacunes sont ainsi
exploitées et tous les moyens sont bons pour essayer de rapprocher leur
action aux règles de la Charte des Nations unies et ainsi les
légitimer.
L'apparition de nouveaux concepts tels que la légitime
défense préventive, l'intervention humanitaire et la
responsabilité de protéger sont utilisés par les Etats
uniquement dans un objectif de justification. Il est difficile de trouver ne
serait-ce qu'une intervention armée des Etats qui ne soit pas
guidée par des considérations égoïstes à
l'inverse de ce qu'ils proclament.
C'est pour cette raison que la seule intervention
légale réside dans celle acceptée par le Conseil de
sécurité. Ce dernier détient des faiblesses certes, mais
il est le seul organe universel capable de fédérer et
d'interpréter les principes de la Charte. En cela, toute argumentation
juridique concernant le recours à la force dans la société
internationale doit se faire dans le cadre de la Charte et donc sous
l'égide du Conseil de sécurité. Il semble néanmoins
impératif de s'activer sur une réforme profonde du système
des Nations unies et d'enlever les privilèges de véto d'un temps
révolu au risque de bloquer complètement cet organe.
Consulté le 23 juin 2020, à l'adresse
http://www.sergesur.com/Le-Conseil-de-securite-blocage-et.html#2
81
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· Comité spécial pour le renforcement de
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relations internationales, AG, 42ème sess, Suppl. N°41 (A/42/41),
20 mai 1987.
· Déclaration du 9 aout 1990 adressée au
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· Agenda pour la paix, diplomatie préventive,
rétablissement de la paix, maintien de la paix, ONU, A/47/277 ; S/24111,
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· Lettre du représentant nigérien à
l'ONU adressée au CS le 8 septembre 1997. S/1997/695.
· Commission internationale de l'intervention et de la
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· Rapport d'une mission d'urgence de l'ONU sur la
situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, (S/2003/90) du 24
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· Rapport du groupe des personnalités de haut
niveau sur les menaces, les défis et les changements, 2 décembre
2004, A/59/625.
· Communiqué de presse du CS/8939 du 12 janvier
2007 : Le conseil de sécurité rejette le projet de
résolution sur le Myanmar à la suite d'un double vote
négatif de la Chine et de la Fédération de Russie,
5619ème séance
· Lettre datée du 3 mai 2018, adressée au
Secrétaire général par la Représentante permanente
de la Pologne auprès de l'Organisation des Nations Unies
(S/2018/417/Rev.1)
Jurisprudence internationale
· 89
CIJ, Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du
90
Nord c. Albanie) , Arrêt du 9 avril 1949
· CIJ, Affaire de la réparation des dommages au
service des Nations unies, dite « affaire Bernadotte », avis
consultatif 11 avril 1949.
· CIJ, Affaire des activités militaires et
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Arrêt 27 juin 1986
· CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires, avis consultatif, 8 juillet 1996
· CIJ, Demande d'indication de mesures conservatoires
faites par la RFY dans l'affaire sur la Licéité de l'emploi de la
force, du 9 mai 1999, CR 99/15
· CIJ, Affaire des Plates formes
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· CIJ, Activités armées sur le territoire
du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
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Publications et discours gouvernementaux
· Allocation du Président Bush de West Point du 1er
Juin 2002
· The National Security Strategy of the United States of
America, 17 septembre 2002
· Discours du président Bush devant la 58ème
assemblée des Nations unies le 23 septembre 2003
Webographie
· Site officiel des Nations unies (ONU) :
https://www.un.org/fr/
· Site officiel de la Cour internationale de justice :
https://www.icj-cij.org/fr
· Site officiel du Comité de la Croix-Rouge :
https://www.icrc.org/fr
· Site officiel de l'OTAN :
https://www.nato.int/cps/fr/natohq/index.htm
· Site officiel du journal le Monde :
https://www.lemonde.fr/
https://www.lemonde.fr/libye/article/2011/06/29/la-france-
Articles utilisés :
-
aurait-livre-des-armes-aux-rebelles-libyens_1542584_1496980.html
91
-
https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/08/29/le-
parlement-britannique-debat-d-une-possible-intervention-en-syrie_3468570_3214.html
-
https://www.lemonde.fr/proche-
orient/article/2016/12/05/syrie-veto-de-moscou-et-pekin-a-une-resolution-de-l-onu-demandant-une-treve-a-alep_5043852_3218.html
-
https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/06/vers- une-nouvelle-ere-du-protectionnisme_6041959_3234.html
-
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/10/l-
organisation-mondiale-du-commerce-depose-les-armes_6022296_3234.html
· Site officiel du journal Libération :
https://www.liberation.fr/ Articles utilisés :
-
https://www.liberation.fr/planete/2003/03/19/une-guerre- illegitime-et-illegale_459029
-
https://www.liberation.fr/planete/2013/01/30/plus-de-90- des-manuscrits-de-tombouctou-auraient-ete-sauves_877914
· Site officiel de France culture :
https://www.franceculture.fr/ Article utilisé :
-
https://www.franceculture.fr/architecture/les-mausolees- de-tombouctou-constructions-et-deconstruction
· Site officiel du Journal des Arts :
https://www.lejournaldesarts.fr/ Article utilisé :
-
https://www.lejournaldesarts.fr/patrimoine/le-site-dhatra- en-irak-classe-patrimoine-en-peril-par-lunesco-126135
· Site officiel de Sciences et Avenir :
https://www.sciencesetavenir.fr/ Article utilisé :
-
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo- paleo/archeologie/la-destruction-du-site-archeologique-de-nimroud-en-irak_108253
· Site officiel du journal Le point
:https://www.lepoint.fr/ Articles utilisés :
-
https://www.lepoint.fr/monde/une-foule-enorme-enterre- les-manifestants-tues-a-benghazi-20-02-2011-1297503_24.php
-
https://www.lepoint.fr/monde/syrie-plus-de-380-000- morts-en-neuf-ans-de-conflit-14-03-2020-2367140_24.php
· Site officiel du journal Le Monde Diplomatique :
Article utilisé :
-
https://www.monde-
diplomatique.fr/2016/08/MASON/56082
· 92
Site officiel du journal Le Temps :
https://www.letemps.ch/ Article utilisé :
-
https://www.letemps.ch/opinions/privilege-droit-veto-
conseil-securite-aboli
· Site officiel du magazine Slate :
http://www.slate.fr/ Article utilisé :
-
http://www.slate.fr/story/140321/suspendre-le-droit-de- veto-lonu-lors-des-discussions-sur-les-crimes-de-masse
93
Table des matières
Introduction 9
Première partie : La détérioration
du système instauré par la Charte
des Nations unies 15
Chapitre I- La réglementation de l'usage de la
force par la Charte
des Nations Unies remise en cause par une pratique contraire
17
Section 1 - Le principe fondamental de
l'interdiction
du recours à la force dans la Charte des Nations Unies
18 Paragraphe I- La réaffirmation constante du principe
de l'interdiction du recours à la force 18 Paragraphe
II- La valeur juridique du principe de
l'interdiction du recours à la force 19
Section 2 - Un principe tempéré par des
exceptions
strictement encadrées 21 Paragraphe I-
L'exception de la légitime défense
conditionnée 21 Paragraphe II- L'action collective du
Conseil de sécurité en cas de menace ou rupture de la paix
et d'acte d'agression 23
Section 3- La montée de l'unilatéralisme au
sein de
l'institution multilatérale par excellence
27 Paragraphe I- L'unilatéralisme proclamé des
Etats-Unis au sein de l'ONU 27 Paragraphe II- La doctrine
d'une révision informelle
de la Charte en raison de sa pratique contraire récurrente
29
Chapitre II- Les violations du principe de l'interdiction du
recours
à la force facilitées par les défaillances
du système onusien 33
Section 1- La mutation de la notion de menace
contre
la paix telle que représentée dans la Charte
des Nations Unies 34 Paragraphe I- L'élargissement de la notion
de
menace contre la paix 34 Paragraphe II- Les faiblesses
textuelles de la
Charte des Nations unies en matière de recours à la
force 36
Section 2- Le manque de rigueur juridique dans les
résolutions du Conseil de sécurité
39 Paragraphe I- Une pratique diplomatique privilégiée
à la règle de droit 39 Paragraphe II- Une
souplesse juridique à
double tranchant 41
94
Section 3- Le déséquilibre fonctionnel du
Conseil de sécurité
des Nations unies 42 Paragraphe I- La paralysie du CS
par le biais
du droit de veto 43 Paragraphe II- Les différentes
possibilités de
réforme afin d'aboutir à une meilleure
efficacité
du Conseil de sécurité 45
Conclusion de la première partie 48
Seconde partie : Des justifications étatiques
contraires à l'esprit et la
lettre de la Charte des Nations Unies 49
Chapitre I- La dénaturation par les Etats
souverains des principes
du système de sécurité collective de l'ONU
51
Section 1- L'élargissement illicite de la notion
de
légitime défense 52 Paragraphe I-
L'interprétation extensive du droit de légitime défense
à la suite des attentats
du 11 septembre 2001 52 Paragraphe II : La théorie
illicite d'une légitime
défense préventive ou préemptive 55
Section 2- L'utilisation abusive du concept
d'intervention
humanitaire 58 Paragraphe I- L'absence de cadre
légal
explicite dans la Charte des Nations unies 58 Paragraphe II-
L'utilisation abusive du concept
d'intervention humanitaire 60
Section 3- L'échec flagrant dans l'application de
la
responsabilité de protéger
62 Paragraphe I- Un nouveau concept semblable
à celui d'intervention humanitaire 63 Paragraphe II-
Une mise en oeuvre répréhensible
du principe de la responsabilité de protéger 64
Chapitre II- Des arguments juridiques incompatibles avec
l'esprit de la Charte et le Droit international 67
Section 1- La conception hégémonique de
l'argumentaire
« illégal mais légitime » lors d'une
action coercitive 68 Paragraphe I- la mise à l'écart de
l'argument légal au profit de l'idée de légitimité
lors d'une
intervention armée 68 Paragraphe II- Les puissances
occidentales, dictateurs
des interventions légitimes 70
95
Section 2- L'absence de fondement légal pour
la théorie de l'autorisation implicite du recours
à la force 71 Paragraphe 1 : L'interprétation
étatique abusive
de certaines résolutions du CS 72 Paragraphe 2 :
L'irrecevabilité de l'argument d'une
autorisation implicite du fait du silence du CS 73
Section 3- L'inadmissibilité en droit
international
de la légalisation à postériori d'un
recours à la force 75 Paragraphe I- L'émergence de la
légalisation
ex post facto du CS lors des interventions d'organismes
régionaux au Libéria et en Sierra Leone
75 Paragraphe II- L'inapplicabilité d'une autorisation à
postériori dans le cadre de l'intervention
au Kosovo et en Irak 77
Conclusion de la seconde partie 79
Conclusion générale 80
Bibliographie 81
Table des matières 93
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