CHAPITRE V. DISCUSSION DES
RESULTATS
Dans notre étude, la fréquence de
l'automédication a été de 46,6%. En République
Démocratique du Congo, la prévalence de l'automédication a
été estimée à 49% en 2017 sur l'ensemble de la
population (J. Eva, 2017) et à 57% à Goma en 2013 (E.
NtabeNamegabe, 2013). Nos résultats sont légèrement
supérieurs à ceux de 41% trouvés Cameroun par Ana Karina
M et al (2020). De sa part, SANON Valérie Marcella dans son
étude sur les facteurs associés à l'automédication
lors d'un épisode du paludisme grave nous rapporte une fréquence
d'automédication de 41,6% (SANON V.M., 2014). En Haïti, selon les
résultats de Leive Alexandre, la fréquence de
l'automédication était estimée à 26,1% (Leive A.,
2008). Au Bénin, 59% des béninois déclarent utiliser des
médicaments sans ordonnance de temps en temps (Aboubacar, 2010). En
parcourant ces différents résultats, nous avons constaté
que la fréquence de l'automédication dans la prise en charge du
paludisme grave varie d'un continent à un autre, d'un pays à un
autre, d'une province à une autre et dans la même province d'une
zone de santé à une autre.
Notons également que sur un total de 104 sujets ayant
fait l'automédication, 86,5% avaient utilisé les produits
modernes et 13,5% avaient fait recours aux produits traditionnels.
D'après l'OMS, 80% de la population mondiale fait recours aux plantes et
aux autres produits modernes avant l'hospitalisation. La phytothérapie
est très populaire, en Afrique. Elle gagne, de plus en plus, d'adeptes,
comme partout dans le monde. Malheureusement naturel n'est jamais synonyme
d'anodin puisque les plantes renferment dans leur composition chimique, des
substances aussi puissantes que celles des médicaments conventionnels
(OMS, 2019). Selon médecine sans frontière France, lorsque les
doses habituelles d'emploi ne sont pas respectées, ou chez certains
sujets fragilisés, des effets secondaire peuvent donner lieu à :
une atteinte du système nerveux central avec convulsion,
excitabilité, et même anxiété : sauge ; des
troubles digestifs comme des diarrhées ; des modifications des
fonctions rénales, avec albuminurie et hématurie ; des troubles
hématologiques avec thrombo-cytopénie (quinquina) et des
phénomènes d'allergie, voire de choc anaphylactique (MSF, 2020).
Selon une étude menée par Alphonse Shabani à Bukavu (RDC),
près de 65% de la population utilisent des plantes médicinales en
cas de paludisme (Shabani Alphonse, 2015). Pour sa part, le docteur
Jérôme Munyangi encourage l'usage des plantes médicinales
pour le traitement du paludisme, c'est ainsi qu'il a proposé comme
remède au paludisme, l'artemisiaannua issue de la
pharmacopée chinoise traditionnelle après l'avoir
expérimentée avec succès sur lui-même lors d'une
crise de malaria. Pour lui, alors que 99% des médicaments
antipaludéens consommés en Afrique centrale viennent d'Inde et de
Chine, la production et l'utilisation d'artemisia rendrait à l'Afrique
sa souveraineté médicale (Jérôme Munyangi, 2020).
Les résultats de cette étude ont montré
une prédominance du paludisme chez les sujets dont l'âge est
compris entre 15 et 24 ans (47,1%). Nos résultats diffèrent de
ceux de Pierre Aubry en 2007 qui avaient aussi trouvé que, dans les
régions les plus touchées par le paludisme, le pic d'incidence
survient parmi les personnes les plus âgées (Aubry, 2007). Quant
à l'étude menée par Gédéon Mbongopasi, sur
l'impact épidémio-clinique du paludisme dansla ville de
Boma ;la tranche d'âges la plus atteinte était située
entre 35-70 ans, avec 61,2% (Mbongopasi, 2009). Selon une
étude menée par l'organisation mondiale de la santé en
2009, dans les régions d'endémie au plasmodium,
le taux d'infection est d'environ 25 fois plus important chez les patients
séropositifs pour le VIH sida que chez les patients
séronégatifs, ce dans la tranche d'âge de 35 ans et plus
où il est d'environ soixante fois plus important que dans la population
générale (OMS, 2009).
Par rapport au sexe, l'étude a indiqué une
prédominance masculine (57,0% ) chez les sujets ayant souffert du
paludisme dans notre milieu d'étude. La prédominance masculine du
paludisme dans notre étude s'expliquerait par le fait que les hommes
passent beaucoup de temps au salon en train de regarder la
télévision pendant les heures tardives où ils sont
piqués par les moustiques favorisant ainsi la transmission du
plasmodium. Nos résultats corroborent ceux d'une autre étude
réalisée en 2007 par l'organisation mondiale de la santé
qui avait trouvé un sexe ratio supérieur à 1,3 indiquant
que le nombre d'hommes est supérieur à celui des femmes.
Contrairement aux enquêtes menées en 2009 dans le cercle de
Bourem, et dans les Districts Sanitaires de Bamako, le sex-ratio était
en faveur des femmes soit 0,9.
Nos résultats, comme ceux d'autres chercheurs
(Lieberman et al., 2014 ;Low & Galbraith, 2017)ontindiqué que la
fréquence du paludismeétait très élevée chez
les cultivateurs/éleveurs (50,2%). Ce résultat n'est que normal
car la province du Haut-Lomami est à vocation agropastorale ;
d'où un nombre important de cultivateurs/éleveur dans notre
étude. Selon l'organisation mondiale de la santé ; certaines
catégories de populations telles que les cultivateurs sont
considérés comme les personnes à risque du paludisme et de
la fièvre typhoïde en raison de leur mode de vie
(promuscuté, mauvaise condition de couchage, mauvaise condition
d'hygiènes. Les habitations froides et humides, mal
aérées, l'ingestion des boissons non traitées sont autant
de causes pré-disposantes (OMS, 2014). Ceci peut être
également témoins de la prédominance de cultivateurs parmi
les patients ayant fait un épisode palustre.
Une relation a été établie entre
l'automédication et le faible niveau d'instruction
«Aucun/primaire » (ORa=21,632 [3,387-138,163] ; paj=0,001).
Ce résultat s'expliquerait par le fait que les sujets non instruits sont
enkystées dans un comportement sanitaire, nutritionnel, vaccinal et
social difficile à faire éclater. Des nombreuses études
mettent en exergue le fait que le niveau d'instruction atteint influence
significativement l'usage des produits modernes ou traditionnels avant
l'hospitalisation.
La mauvaise appréciation sur la qualité des
soins administrés à la formation sanitaire (ORa=2,156
[1,173-3,963] ; paj=0,013). Ce résultat s'expliquerait par le fait
que lorsque la population a une mauvaise perception sur la qualité des
soins administrés dans les FOSA, celle-ci envisagerait de rester prendre
des produits à domicile qu'aller dans une FOSA. Cette notion parait
controverser par d'autres chercheurs Torres-Arreola, Constantino-Casas (2018),
Flores-Hernández, Villa-Barragán (2011) &
Rendón-Macías (2015)qui stipule que la mauvaise qualité
des soins a une influence sur l'accès des populations aux services de
santé dans la ville d'Agboville.
Ce travail a mis en évidence l'existence de la relation
entre l'automédication et le statut socio-économique. Nos
résultats s'expliqueraient par le fait que le faible niveau
socioéconomique diminue la capacité à payer les soins. Une
association significative entre le bas niveau socio-économique et
l'automédication a été rapportée dans les
études antérieures (Hirve & Ganatra, 2014), (Karim &
Mascie Taylor, 2017). Ceci n'est pas étonnant car le
bas niveau socio-économique est souvent la première
barrière d'accès aux services de santé (Siala, Jellouli,
Doghri, & Gaigi, 2019). En effet, l'obligation de payer pour accéder
aux soins de santé a eu et continue d'avoir des conséquences
négatives importantes sur l'accès aux services de santé
(ARENDS-KUENNING, M. et S. DURYEA., 2006). De nombreuses études
menées tout au long des dernières années ont mis en
exergue la chute des taux de fréquentation des structures de
santé et l'augmentation de la fréquence de
l'automédication suite à l'instauration des « user fees
» car les ménages à faible niveau socioéconomique ont
du mal à accéder aux services de santé primaire
(AGHAJANIAN, A.et V. THOMPSON, 2013). Au Burundi par exemple,
l'accessibilité financière des populations aux soins de
santé est un grand défi pour le système de santé
(Traouré V et al., 2011). Selon l'enquête menée en 2004 par
Médecins Sans Frontières, plus de 67% de la population pratique
l'automédication, principalement pour des socioéconomiques (82%
de ces malades ne consultent pas par manque d'argent) (MSF/France, 2004).
Par contre, l'automédication expose 12,390 fois
à l'intoxication médicamenteuse. Ce résultat
s'expliquerait par le fait que, en cas d'automédication, le sujet ne
connait pas la posologie (étant profane) et cela peut conduire au
surdosage qui conduit aussi à l'intoxication médicamenteuse
aboutissant à une atteinte du système nerveux central avec
convulsion, excitabilité, et même anxiété :
sauge ; des troubles digestifs comme des diarrhées ; des
modifications des fonctions rénales, avec albuminurie et
hématurie ; des troubles hématologiques avec
thrombo-cytopénie (quinquina) et des phénomènes
d'allergie, voire de choc anaphylactique (Mainous & Hueston, 2014). Dans la
même veine, Doumbouya (2008) affirme que l'automédication entraine
6,82[1,88-46,9] fois le risque d'intoxication médicamenteuse.
|
|