Université François-Rabelais de Tours Master 1
: Sciences Humaines et sociales Mention : Sciences
Historiques Spécialité : Histoire de l'art
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862),
collectionneur
tourangeau.
Volume de texte.
Dossier de recherche présenté par : Brice
Langlois
2015-2016
Sous la direction de France Nerlich
Professeur d'histoire de l'art contemporain.
2
Brice Langlois 14 rue du petit vouvray 37390 Cérelles
0620110187
brice.langlois@etu.univ-tours.fr
3
Sommaire :
Avant-propos 5
Introduction 7
Chapitre premier : Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe notable, érudit et collectionneur. L'étude des interactions
artistiques et culturelles entre une ville de province et la
capitale
artistique du XIXe siècle.
18
I. Un notable tourangeau au contact de l'élite
artistique parisienne. 18
A. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, notable tourangeau.
18
B. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, ami des arts et des
artistes. 23
C. Un amateur d'art au service de la communauté. La
participation du colonel de La Combe
dans les affaires culturelles de Tours. 29
II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, collectionneur
d'art vivant à Tours. 33
A. Tours, un terreau fertile pour la constitution d'une telle
collection ? 33
B. Le nécessaire approvisionnement à Paris. 37
C. La vente aux enchères de la collection de La Combe, un
événement pour les collectionneurs
42
Chapitre deuxième : La collection de La Combe, un
ensemble inédit de la production de
l'école de romantique. 47
I. Quelles orientations Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe a t-il donné pour la constitution de sa
collection ? 47
A. Présentation de la collection du colonel de La Combe.
47
B. Organisation, agencement et sens de la collection dans la
demeure du colonel de La Combe.
51
II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, un amateur de
l'estampe contemporaine. 56
A. Une collection représentative de la production de
l'estampe artistique au XIXe siècle. 56
B. Collection d'estampes ou collection de dessins ?
L'originalité de la collection du colonel de
La Combe. 62
C. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe défenseur de
la lithographie. 67
4
Chapitre troisième : Joseph-Félix Le Blanc
de La Combe « l'historien de Charlet ». 73
I. Un monument à la mémoire de Charlet.
L'ouvrage du colonel de La Combe. 73
A. La popularité de Charlet avant la publication de sa
biographie par le colonel de La Combe. .
73
B. Les sources à disposition pour le colonel de La Combe.
78
C. « Faire connaître à la France un de ses
plus dignes enfants... » L'ambition du colonel de la
Combe pour la mémoire de Charlet. 83
II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe et
Nicolas-Toussaint Charlet, deux destins
indissociablement liés. 90
A. La réception critique de Charlet sa vie, ses
lettres. 90
B. Charlet sa vie, ses lettres. Quels apports pour la
réputation du colonel de La Combe et la
renommée de Charlet ? 94
C. La postérité de Charlet et du colonel de La
Combe. 99
Conclusion 105
Bibliographie : 111
5
Avant-propos
Si l'étude des objets est au coeur de l'histoire de
l'art, il convient également de s'intéresser aux acteurs qui
participent à l'écriture de l'histoire sociale des arts, qu'ils
soient professionnels à l'instar des marchands, commissaires-priseurs et
experts, ou bien amateurs comme c'est le cas du colonel Joseph-Félix Le
Blanc de la Combe (1790-1862). Si la collection de ce dernier a retenu
l'attention de ses contemporains, elle n'a jusqu'aujourd'hui jamais fait
l'objet d'une recherche particulière. Les recherches sur ce personnage
et sur sa collection, correspondent à mes intérêts
personnels, notamment le collectionnisme et la connaissance du marché de
l'art et cela plus particulièrement au XIXe siècle. Si
d'un point de vue esthétique cette période éclectique
correspond à mes goûts, elle est également pour le commerce
de l'art une période charnière.
Proposé par France Nerlich, ma directrice de recherche,
pour répondre à mes intérêts scientifiques, ce sujet
m'a permis de me familiariser avec la recherche mais aussi avec le
marché de l'art. Les recherches menées pour cette monographie sur
le colonel de La Combe m'ont amené à traiter des documents
d'archives dont je n'étais pas encore coutumier. Après avoir
consulté dans les bibliothèques locales la masse bibliographique
la plus importante en rapport avec les thèmes généraux de
ce sujet, je me suis déplacé aux Archives municipales de Tours et
départementales d'Indre-et-Loire. Par la suite, j'ai dû me rendre
à plusieurs reprises dans des bibliothèques parisiennes, à
l'exemple de la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art
(INHA), de la bibliothèque Sainte-Geneviève, et de la
bibliothèque nationale de France (BnF). J'ai enfin cherché des
informations aux Archives nationales avant de terminer cette enquête aux
Archives de la municipalité de Paris.
C'est avec beaucoup de reconnaissance que je tiens à
remercier tout d'abord, France Nerlich, sans qui la réalisation de ce
dossier de recherche n'aurait pu être possible. Ses conseils judicieux,
sa rigueur scientifique constante et le temps qu'elle m'a consacré,
m'ont été précieux tout au long de cette année. Je
désire adresser également mes remerciements à Marc de
Ferrière le Vayer, professeur d'histoire contemporaine à
l'Université François-Rabelais de Tours, qui a pris un vif
intérêt à mon sujet de recherche, et m'a
généreusement donné l'accès à sa base de
donnée Orhibio (Origines et histoire de la médecine et des
biotechnologies en région Centre). Je désire aussi exprimer ma
reconnaissance à Jean-Baptiste Minnaert, professeur d'histoire de
l'architecture contemporaine dans cette même université, pour ses
conseils méthodologiques
6
très utiles donnés dans le cadre de son
séminaire de master. Enfin, je tiens à remercier ma famille et ma
conjointe pour leur soutien constant durant toute cette année
universitaire.
7
Introduction
Né à Lorient le 18 mars 17901 dans
une famille de militaire (ann. 1.1.1), Joseph-Félix Le Blanc de La Combe
réunit une collection riche de plus mille oeuvres. Il la débute
dans les années 1820 à Paris et la complète durant
près de quarante ans jusqu'à sa mort, le 18 mars 18622
(ann. 1.1.2). Un an plus tard, ses héritiers vendent sa collection aux
enchères en l'hôtel Drouot à Paris. Bien
qu'également composée de tableaux anciens des écoles
européennes des XVIIe et XVIIIe siècle et
de peintures françaises du XIXe siècle, la collection
de La Combe se caractérise avant tout par l'ensemble d'estampes, qui
représentent en effet les trois-quarts de la collection et sont
signées des artistes les plus fameux du XIXe siècle,
à l'instar de Théodore Géricault (1791-1824),
Eugène Delacroix (1798-1863), Honoré Daumier (1808-1879) ou
encore Horace Vernet (1789-1863). Mais c'est la réunion complète
de l'oeuvre lithographique de Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845) qui offre
à la collection sa notoriété. Cette partie de la
collection semble rendre compte de l'amitié qui unit Charlet et le
colonel de La Combe. Ils partagent le même attachement à
l'épopée napoléonienne, dont ils ont été
acteurs et dont ils gardent chacun un souvenir impérissable en tant que
soldat. La Combe a ainsi notamment participé aux campagnes d'Allemagne
(1813) et de France (1814).
La Combe entame très jeune une carrière
militaire suivant l'exemple de son père et de son oncle. Fils de
Jacques-Hyacinthe Le Blanc de La Combe (1750-1807), lieutenant-colonel et
inspecteur-adjoint dans l'artillerie de marine, et neveu du vice-amiral Antoine
Jean-Marie Thévenard (1733-1815) ministre de la marine sous Louis XVI de
mai à septembre 1791, il s'engage sur un navire dès l'âge
de neuf ans en tant que mousse, du 15 juin 1799 au 10 novembre
18003. Durant sa carrière militaire de plus de trente ans, La
Combe voit défiler les régimes politiques. Il est fait chevalier
de la Légion d'Honneur le 17 mai 1813, puis promu au grade d'Officier le
1er septembre 1814. Malgré un renversement politique total
par l'avènement de la Restauration, La Combe sert le « nouveau
souverain de la France avec la même fidélité et le
même dévouement » selon son biographe Henri de
Saint-Georges4. De fait, il continue de
1 Acte de naissance de Joseph-Félix le Blanc
de la Combe, [en ligne], Lorient, Archives municipales, cote 1E1/2159,
consulté le 06/11/2015.
2 Acte de décès de Joseph-Félix
Le Blanc de La Combe, Tours, Archives municipales, cote 5E71.
3 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet peint par lui même : étude biographique, Nantes, imp.
Guéraud, 1862, p. 11.
4 Ibid, p. 11.
8
recevoir récompenses et distinctions, parmi lesquelles
la promotion au grade de lieutenant-colonel dans l'artillerie à pied de
la garde royale, et le titre de Chevalier de l'Ordre de Saint-Louis le 20
août 18245. Si sa carrière militaire s'arrête
prématurément en 1830, à la suite des bouleversements de
la Révolution de Juillet et des insubordinations des troupes voisines
entourant la ville de Besançon où le colonel de La Combe est
dépêché, ce dernier en ressort toutefois avec les honneurs
de ses pairs : « j'ai pu tirer des larmes de tous les yeux, et à
mon départ je fus accompagné par les plus anciens de chaque
grade, qui m'ont dit au moment où je montais dans la malle-poste «
«Au nom de nos camarades, nous sommes chargés de vous dire,
colonel, que vous emportez tous nos regrets, toute notre estime, et que votre
place sera toujours vacante au régiment» »6.
Revenu à la vie civile en 1830, le colonel s'installe
la même année à Tours, préfecture d'Indre et Loire,
avec son épouse Rose Isabelle Cécile Thomassa Mathilde de Mons
d'Orbigny7 (1801-1859) (ann. 1.2.1), et ses quatre enfants : Louis
Félix (1822-), Victor Christophe (18231893), Cécile Jeanne Louise
Mathilde (1825-1893), et Mathilde Marie Joséphine (1829-1882).
Originaire de Touraine, la famille de Mons d'Orbigny est présente dans
cette région depuis le XIIe siècle, mais aurait pour
origine exacte la région de Sainte-Maure, pour se développer par
la suite vers Mons, près de Montbazon, ou dans le Poitou à Monts
près de Loudun8. Elle possède notamment le fief de la
Roche d'Enchaille près de Loches. Toutefois la famille s'est
établie aux Antilles depuis deux générations. Mathilde
naît ainsi le 29 août 1801 à Cuba9 du comte
Louis-Hector de Mons d'Orbigny (1770 - 1867) (ann. 1.1.4)10 et de
Cécile-Victoire Basile. L'union du colonel de la Combe avec la fille du
comte de Mons d'Orbigny n'est probablement pas étrangère aux
relations qu'ont dû entretenir les deux pères avant le mariage de
leurs enfants. Effectivement Jacques-Hyacinthe Le Blanc de La Combe
était capitaine au bataillon auxiliaire
5
http://www.saint-louis.info/pages/osl.html,
consulté le 06/11/2015. 6SAINT-GEORGES, Henri de,
L'historien..., op. cit., p. 12-13.
7 Contrat de mariage de Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe et Mathilde de Mons d'Orbigny, Paris, Minutier central,
Archives nationales, cote ML/ET/LV/299.
8 BOISNARD, Luc, Dictionnaire des anciennes
familles de Touraine, Mayenne, Éd. Régionales de l'Ouest,
1992 p. 284. Et Pierre-Louis Lainé, « de Mons », dans
Archives généalogiques et historiques de la noblesse de
France, ou Recueil de preuves, mémoires et notices
généalogiques, Paris, imp. de l'auteur, Vol. 6, 1839, p.
1
9 Acte de décès de Rose Isabelle
Cécile Thomassa Mathilde de Mons d'Orbigny, Tours, Archives municipales,
cote 5E58. Reproduit en annexe 4.
10 Acte de décès de Louis-Hector de
Mons d'Orbigny, Tours, Archives départementales d'Indre et Loire, [en
ligne], consulté le 06/11/2015, cote 6NUM8/122/008.
9
des Colonies en 1781. Quant à Louis-Hector de Mons
d'Orbigny, il naît à Saint-Domingue en 1770, et n'a manifestement
pas quitté cette aire géographique avant de revenir en
métropole avec son épouse et sa fille. Cela peut expliquer une
rencontre précoce des deux familles. La famille de Mons d'Orbigny
s'installe par la suite à Joué-lès-Tours au château
de l'Épan.
Le colonel de La Combe noue en Touraine des liens avec les
élites intellectuelles, scientifiques et politiques. Bien
intégré dans la ville, il joue à l'occasion un rôle
dans les affaires culturelles pour le compte de la municipalité.
Toutefois, La Combe continue d'entretenir des relations avec les artistes
parisiens, dont il collectionne activement les oeuvres. Il se déplace
ainsi régulièrement à Paris, où la dynamique
artistique est plus importante qu'à Tours.
La pratique de la collection du colonel de La Combe fait
écho à l'essor du collectionnisme, qui tend à toucher un
plus large public entre 1830 et 1860. Pierre Larousse dans son Grand
dictionnaire universel du XIXe siècle, écrit
à la notice collection : « Le goût des arts et la manie des
collections, qui en est le résultat, sont les privilèges des
peuples civilisés et des époques de paix et de
prospérité »11. Si la paix n'est pas toujours
d'actualité en cette France des révolutions, la pratique de la
collection semble toutefois s'apparenter à l'otium des latins.
Le terme désigne en effet un loisir studieux12. Cette
réunion d'objets d'art ou de curiosité engage le collectionneur
à une réflexion permanente. À partir de ses goûts et
de ses intérêts, il propose une ligne directrice, à
laquelle il se doit de répondre constamment, pour la constitution de sa
collection. Plus tard et au fur de ses acquisitions, l'amateur s'engage dans le
classement des objets qui composent son intérieur. Cette activité
éclairée reçoit un statut privilégié, mais
se voit réservée dans les faits aux élites intellectuelles
et financières - les deux vont de pair généralement - qui
ne composent finalement qu'une part infime de la population.
La presse, et plus particulièrement les revues
spécialisées participent à l'émancipation du
collectionnisme au XIXe siècle. Ainsi, sont
documentées les collections anciennes et contemporaines les plus
fameuses. Par ailleurs, l'intérêt de la population pour le
collectionnisme devient durant cette période l'un des thèmes
favoris de la littérature réaliste. Honoré de Balzac en
particulier, brosse le portrait de ce microcosme de la société
française. Il livre avec Le Cousin Pons, qu'il publie sous la
forme d'un feuilleton dans Le Constitutionnel
11 LAROUSSE, Pierre, « Collection »,
Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris,
Administration du Grand dictionnaire Universel, 1869, p. 597.
12 GAFFIOT, Félix, « Otium »,
Dictionnaire français-latin, Paris, Hachette, 1934, p. 1098.
10
en 1847, une étude sur le collectionnisme d'une part et
sur les protagonistes qui le constituent d'autre part. Si Sylvain Pons, le
personnage principal de l'intrigue, conserve des liens familiaux avec les
individus de la société mondaine, ce vieux musicien
apparaît néanmoins comme un marginal. De surcroît, Balzac
manifeste un esprit d'avant-garde lorsqu'il fait publier son ouvrage en
utilisant le terme « collection », pour qualifier la «
bric-bracomanie » à laquelle s'adonnent ses contemporains et
lui-même 13 . Par ailleurs Balzac participe de ce fait
à l'enrichissement de la langue française. Outre la
définition du Grand dictionnaire universel du XIXe
siècle en date de 1869, celles des dictionnaires plus anciens
semblent brèves pour définir ce qu'est une collection, comme le
fait remarquer Françoise Hamon14. En somme, le sens du mot
collection ne s'avère pas évident pour l'homme de ce milieu du
XIXe siècle.
À partir du Cousin Pons, qui
s'appréhende comme la première étude sur le
collectionnisme, d'autres auteurs se sont essayés à
définir sociologiquement les profils des collectionneurs et du
marché de l'art dont ils participent. Henri Rochefort15, mais
également Jules Champfleury16 analysent ces individus dans
deux ouvrages consacrés à l'hôtel des ventes de Paris.
On a conté déjà bien des histoires sur
les collectionneurs, leurs manies, leur détachement de toute affection,
leur attache au moindre fétiche, leur rapacité, leurs joies
particulières, les privations qu'ils s'imposent, leur aveuglement en
tant de cas, leur clairvoyance si rare, leur ignorance pour toute chose qui
échappe à leur spécialité, leurs profondes
connaissances en matières qui n'en valent pas la peine, les voyages
qu'ils entreprennent pour des misères, leur contemplation de
Siméon Stylite en face d'un objet aimé17.
S'ils se montrent plutôt acerbes à l'égard
des acteurs du collectionnisme, ils s'emploient toutefois à mettre en
lumière la diversité des profils des personnages qui composent ce
milieu en proposant des catégories, à l'exemple des amateurs de
gravures, amateurs boutonnés, ou
13 MOZET, Nicole, « Le passé au
présent. Balzac ou l'esprit de la collection », Romantisme,
n° 112, 2001, p. 8394.
14 HAMON, Françoise, « Collections : ce
que disent les dictionnaires », Romantisme, n°112, 2001, p.
95-108.
15 ROCHEFORT, Henri, Les petits mystères de
l'hôtel des ventes, Paris, E. Dentu, 1862.
16 CHAMPFLEURY, Jules, L'Hôtel des
commissaires-priseurs, [Paris, E. Dentu, 1867], Paris, Hachette Livre BNF,
2013.
17 Ibid, p. 3.
11
encore amateurs enthousiastes18. Il est important
de souligner que ces études faites sur les collectionneurs entrent dans
une observation plus large qui concerne aussi le commerce de l'art.
Collection et transaction sont en effet intrinsèquement
liées. L'amateur ne peut effectivement enrichir sa collection
qu'à partir d'oeuvres mises en vente. Il passe pour cela par l'artiste
lui-même, par un marchand, ou bien par un commissaire-priseur. Le terme
de marché de l'art, au même titre que celui de collection est
soumis à une définition mouvante au XIXe
siècle. La diffusion se fait autant sinon plus par des réseaux de
collectionneurs, par des liens d'amitié entre artistes et amateurs et
par les réussites au Salon, que par les marchands promoteurs de l'oeuvre
d'un artiste.
Le fonctionnement combiné de ces deux champs, le
collectionnisme et le marché de l'art, a engendré une
littérature importante et un vaste périmètre
bibliographique. Les publications sur le sujet deviennent effectivement
pléthoriques dès les années 1990. Ce sont les auteurs
anglophones qui sont intervenus les premiers, tels que le couple Harrison et
Cynthia White19, Francis Haskell20, ou encore Linda
Whitheley son élève21. Ils ont pour l'essentiel
consacré leurs recherches à l'exemple français en
général, et au marché de l'art parisien en particulier.
Dans un premier temps en effet, c'est sur Paris et ses grands collectionneurs
que tous les regards se sont portés, et cela durant une quinzaine
d'années à partir des années 1990. Les actes du colloque
Collections et marché de l'art en France 1789-1848,
réunis par Monica Preti-Hamard et Philippe Sénéchal
témoignent de cet engouement pour l'étude conjointe du
collectionnisme et du commerce de l'art22. On peut noter qu'à
cette heure les chercheurs se sont moins intéressés à
l'économie de l'art durant la période romantique, soit les
années 1820-1860, mais davantage aux périodes qui la
précèdent et lui succèdent : la fin du XVIIIe
siècle où se développe un véritable marché
de la peinture avec notamment l'étude de la communication au travers
des
18 Ibid., p. 3-14.
19 WHITE, Harrison et Cynthia, La
carrière des peintres au XIX ème siècle : du
système académique au marché impressionniste, (s.l.,
trad. de l'anglais par Antoine Jaccottet, 1991), Paris, Flammarion, 2009.
20 HASKELL, Francis, Rediscoveries in Art :
Some Aspects of Taste, Fashion, and Collecting in England and France, 1976
(La Norme et le Caprice : Redécouvertes en art, aspects du goût et
de la collection en France et en Angleterre, 1789-1914, trad. de l'anglais par
Robert Fohr, Paris, Flammarion, 1986).
21 WHITELEY, Linda, Painters and dealers in
Nineteenth-Century France,1820-1878, with special reference to the form of
Durand-Ruel, Thèse de doctorat, Université d'Oxford,
1995.
22 PRETI-HANARD, Monica (éd.),
SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), Collections et marché
de l'art en France 17891848, actes de colloque, Rennes, décembre
2003, Presses universitaire de Rennes/Institut national d'histoire de l'art,
2005.
12
premiers catalogues de vente, et la période
impressionniste dont la figure de Paul Durand-Ruel a été
très étudiée notamment par Linda Whiteley, ou plus
récemment par Sylvie Patry, directrice de la publication du catalogue de
l'exposition Durand-Ruel, qui s'est tenue au musée du
Luxembourg à Paris23.
Il semble que les publications concernant le commerce de l'art
durant la période romantique sont moins nombreuses. Elles
développent particulièrement les questions de la location de
tableaux24 et la perception de la pratique de la
collection25 en plus d'études monographiques sur des
collectionneurs privés 26 . Elles insistent en particulier
sur la démocratisation et l'entichement des bourgeois pour les arts en
se fondant notamment sur l'exemple du Cousin Pons27. Si les
recherches antérieures sur le marché de l'art et la collection au
XIXe siècle ont déjà bien exposé les
enjeux et les faits relatifs à ces thèmes, il reste encore du
travail pour mieux appréhender par exemple la diffusion des oeuvres, ou
les relations entre les collectionneurs avec les autres acteurs du monde de
l'art. Il convient également d'ouvrir la focale sur les comportements en
province du marché de l'art et du collectionnisme, thèmes que
notre étude vise à mettre en lumière. « En province
le goût des collections n'est pas moins développé
[É] » écrit un rédacteur du Magasin Pittoresque
de 184128. Pourtant, ce n'est que récemment, que le
commerce de l'art dans les régions françaises a été
étudié au cours du colloque Marché(s) de l'art en
province29.
23 PATRY, Sylvie (éd.), Paul Durand-Ruel
le pari de l'impressionnisme, cat. exp, Paris, musée du Luxembourg,
Réunion des Musées Nationaux, 2014.
24 ROTH-MEYER, Clothilde, Les marchands de
couleurs à Paris au XIXe siècle, thèse de doctorat,
sous la direction de Bruno Foucart, Université de Paris-Sorbonne,
2004.
JACQUINOT, Amélie, « Étudier l'art moderne,
les marchands et la location de tableaux dans la pratique de la copie 1820-1850
», BONNET, Alain (éd.), NERLICH, France (éd.), Apprendre
à peindre. Les ateliers privés à Paris 1780-1863,
Tours, Les Presses Universitaires François-Rabelais, 2013.
25 HAMON, Françoise, « Collections : ce
que disent les dictionnaires », Romantisme, n°112, 2001, p.
95-108. POMIAN, Krzysztof, « Collection : une typologie historique »,
Ibid., 2001, p. 9-22.
VOUILLOUX, Bernard, « Le discours sur la collection »,
Ibid., p. 95-108.
26 NERLICH, France, La peinture
française en Allemagne 1815-1870, Paris, Éditions de la
Maison des sciences de l'homme, 2010, p. 281-287, p. 325-335.
27 PETY, Dominique, « Le personnage du
collectionneur au XIXe siècle : de l'excentrique à l'amateur
distingué », Romantisme, n°112, 2001, p. 71-81.
28 Le Magasin pittoresque, 1841, p. 381.
29 HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion
(éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de
l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque
municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses
Universitaires de Bordeaux, 2010.
13
Au cours de nos recherches, nous avons constaté que des
études avaient déjà été menées sur le
marché de l'art et les collectionneurs de Touraine, surtout dans le
cadre de travaux universitaires menés en histoire et histoire de l'art
contemporaine à l'université de Tours. C'est ainsi qu'en 1992
Martine Augouvernaire défriche la première le terrain en
retraçant les collections d'un ensemble de protagonistes
tourangeaux30. Elle s'emploie notamment à définir les
motivations et les profils des collectionneurs de Touraine du XIXe
siècle, en les classant par catégories sociales. Toutefois, le
mémoire ne rend compte qu'à de rares occasions du dynamisme
économique de l'art dans la ville. Anne Peltier complète les
recherches en 1999 avec un mémoire sur l'histoire des
commissaires-priseurs de Tours au XIXe siècle31.
Si elle s'efforce de retracer d'une part l'histoire de la profession comme le
fait en 2013 Isabelle Rouge-Ducos32, son travail est d'autre part
une source importante en ce qui concerne l'état du marché de
l'art à Tours.
Malgré son importance, le colonel de La Combe n'est
guère cité dans ces mémoires s'intéressant à
l'histoire locale. Ce n'est donc pas au travers des ouvrages consultés
que les connaissances sur cet individu sont les plus importantes, mais bien
à partir des sources primaires à savoir les archives manuscrites
et imprimées. La connaissance de la carrière militaire de La
Combe repose en partie sur la biographie posthume que livre Henri de
Saint-Georges (17991875) en mémoire de son ami. L'historien de
Charlet peint par lui-même, qui paraît en 1862, est une
succession de lettres du colonel recueillies et publiées par
Saint-Georges. L'ouvrage est destiné aux proches du colonel et par
conséquent « n'a été imprimé qu'en un petit
nombre d'exemplaires, dont aucun n'[a été] mis en vente
È33. L'activité de collectionneur n'est que peu
renseignée, mais l'auteur présente les liens que La Combe
entretenait avec les artistes parisiens, à l'instar de Nicolas-Toussaint
Charlet, Hippolyte Bellangé (1800-1866) ou encore Jean-Louis Canon
(1809-1892). Si le livre de Saint-Georges est une porte d'entrée facile
pour l'étude de la biographie du colonel de La Combe, il est
nécessaire de ne pas en rester là. Bien qu'elle offre
30 AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs,
Amateurs, et curieux au XIXème siècle en Indre-et-Loire,
mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la
direction d'Isabelle Brelot, Université François-Rabelais de
Tours, 1992.
31 PELTIER, Anne, Les commissaires-priseurs et
les ventes à Tours au XIXème siècle, mémoire
de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Sylvie Aprile,
Université François-Rabelais de Tours, 1999.
32 ROUGE-DUCOS, Isabelle, Le Crieur et le
Marteau. Histoire des commissaires-priseurs de Paris (1801-1945), Paris,
Belin, 2013.
33 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p.2.
14
des informations intéressantes et souvent de
première main, la proximité entre le biographe et son sujet
biaise à l'évidence le récit et incite l'historien
à l'envisager avec prudence.
Les connaissances que nous avons de cette collection reposent
également sur des documents d'archives. Paradoxalement, c'est à
la mort de son propriétaire que la collection se fait connaître.
Notre première démarche a alors été de retracer
l'écho dans la presse de la vente de la collection. Cette recherche
s'est révélée féconde, et nous a permis de trouver
plusieurs articles faisant référence à la vente de la
Combe dans la presse régionale, mais surtout dans la presse nationale
spécialisée. En effet si le Journal d'Indre-et-Loire ne
publie qu'un seul article sur la vente34, d'autres plus
spécialisés dans le domaine des arts, comme
L'Artiste35 ou La Chronique des Arts et de la
Curiosité36 se révèlent plus loquaces. Ces
deux journaux rendent compte de manière circonstanciée,
évoquant aussi bien l'ambiance à Drouot lors de la vente, que les
résultats d'adjudication des enchères, et l'identité de
certains acheteurs. Si seulement un article est publié dans les
chroniques de L'Artiste, sept signés par Philippe Burty
(18301890), le spécialiste du marché de l'art de l'époque,
remplissent les colonnes de la Chronique des Arts et de la
Curiosité.
C'est également Philippe Burty qui rédige la
préface du catalogue de vente. Réalisé en collaboration
avec Me Victorien Louis Jean-Baptiste Delbergue-Cormont (1816-1888),
commissaire-priseur, Francis Petit (-1877), expert en tableau ancien et
aquarelle, et Louis Clément (-1886), marchand d'estampes de la
Bibliothèque impériale, le catalogue est une source importante
d'informations sur les objets. Il renseigne notamment sur l'auteur de l'oeuvre,
son titre (générique ou non), sa date, ses dimensions, suivis le
plus souvent, pour les tableaux, d'une description. Si, à la grande
majorité, ces informations sont précises, elles ne permettent
34 BRAINNE, Ch., « Correspondance parisienne,
2 février 1863 », Journal d'Indre et Loire, n°29, 4
février 1863, p. 01, Tours, Archives municipales (cote 121 C48).
35 DAX, Pierre, « Chronique »,
L'Artiste, t. I, 15 février 1863, p. 95.
36 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de
la Curiosité. Vente de la collection de feu le colonel de la Combe de
Tours », La Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I,
n°10, 25 janvier 1863, p. 93-95.
BURTY, Philippe Ibid., p. 117.
BURTY, Philippe, Ibid, p. 122-124. BURTY, Philippe,
Ibid., p. 131-134. BURTY, Philippe, Ibid., p. 138.
BURTY, Philippe, Ibid., p. 156-157. BURTY, Philippe,
Ibid., p. 163-165.
15
pas toujours d'identifier avec certitude les oeuvres mises en
vente. Aussi sommes-nous passés par les catalogues raisonnés pour
les artistes les plus connus37, l'Inventaire du fonds
français38 pour les estampes et par les bases de
données Joconde39 et Collections40 qui
répertorient les oeuvres conservées dans les collections
publiques pour retracer le plus précisément possible les oeuvres
qui composent la collection de La Combe.
Rappelons par ailleurs que les catalogues de vente sont
édités en grand nombre pour la promotion des objets. Aussi, nous
nous sommes employés à collecter plusieurs exemplaires, à
l'instar de celui de l'Institut national d'histoire de l'art41
(INHA), de la Bibliothèque nationale de France42 (BnF) et du
Rijksmuseum43 afin de comparer les annotations (prix, achats en
lots, nom des acquéreurs) et réaliser un catalogue complet,
publié dans les annexes de ce dossier de recherche (ann. 2.1). De
surcroît, nous avons aussi eu recours aux procès-verbaux de la
vente (ann. 1.2.5) qui malgré les difficultés de lecture, nous
ont permis de confirmer les prix inscrits dans les différents catalogues
de vente44.
Reste à présenter la dernière source la
plus importante pour connaître la collection du colonel de La Combe :
l'inventaire après décès (ann. 1.2.2)45. Il est
« un acte qui a pour but de constater en détail la nature et le
nombre des effets mobiliers, titres, papiers dont il importe
37 DELTEIL, LoØs, Eugène
Delacroix, The Graphic Work. A Catalogue Raisonne, (Traduit du
français et complété par Susan Strauber), San Francisco,
Alan Wofsy Fine Arts, 1997.
DELTEIL, LoØs, Théodore Géricault,
The Graphic Work. A Catalogue Raisonne, (Traduit du français et
complété par Susan Strauber), San Francisco, Alan Wofsy Fine
Arts, 2010.
38 LARAN, Jean, ADHÉMAR, Jean,
LETHIÈVE, Jacques, GARDEY, Françoise, Inventaire du fonds
français après 1800, t. I à XIV, Paris,
Bibliothèque nationale, 1939 à 1967.
39 Base de données Joconde :
http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/pres.htm,
consulté le 03/03/2016.
40 Base de données Collection :
http://www.culture.fr/Ressources/Moteur-Collections,
consulté le 03/03/2016.
41 PETIT, Francis et alii, Catalogue des
tableaux anciens & modernes, aquarelles & dessins, lithographies,
eaux-fortes, estampes et livres à figures, composant le cabinet de feu
le colonel De La Combe [Joseph-Félix Le Blanc de la Combe], Paris,
Bonaventure et Ducessois, 1863. Exemplaire conservé à Paris,
INHA, cote VP 1863/12. Reproduit en annexe 5.
42 PETIT, Francis et alii, Ibid.,
Exemplaire numérisé du Gallica, [en ligne],
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3802127
, consulté le 12/09/2015.
43 PETIT, Francis et alii, Ibid.,
exemplaire numérisé sur Art Sales Catalogues Online,
http://asc.idcpublishers.info.ezproxy.inha.fr:2048/protected/pdf/14201/
, consulté le 13/09/2015.
44 Procès verbaux de la vente de la
collection de tableaux, aquarelles et de dessins après le
décès de M. de La Combe, Paris, Archives de la
municipalité, cote D60E3 11.
45 Inventaire après décès des
biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, Tours, Archives
départementales, cote 3E4/643.
16
d'assurer la conservation au mieux. Cet acte descriptif et
estimatif a pour but de constater tous les faits susceptibles d'établir
les charges et les valeurs d'une personne, d'une succession, d'une
communauté »46. Dressé pour les successions
conséquentes, l'inventaire du patrimoine du colonel de La Combe est
constitué durant neuf jours à partir du 25 mars 1862, soit une
semaine après son décès qui intervient le 18 mars (ann.
1.1.2)47. Ce document nous renseigne sur le mode de vie qu'avait le
colonel de La Combe, et s'appréhende en définitive comme la
source qui rend le mieux compte du quotidien du collectionneur et de sa
relation avec les oeuvres.
Si la biographie du colonel de La Combe reste lacunaire et
repose principalement sur des documents d'archives administratives, il convient
aussi de s'intéresser à sa pratique d'amateur
éclairé et d'auteur. En publiant en 1856 une monographie
consacrée à Charlet, Charlet sa vie, ses lettres, suivie
d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique, La Combe
gagne une notoriété et une autorité certaines dans le
monde de l'art48. Avec cet ouvrage, le colonel de La Combe laisse
non seulement dernière lui un hommage à la mémoire de son
ami, mais il forge aussi les fondements du catalogue raisonné de
l'artiste. Le succès éditorial de ce livre induit une certaine
reconnaissance pour La Combe qui se voit durablement associé à
Charlet comme en témoigne le récent catalogue de l'exposition
Charlet aux origines de la légende napoléonienne de
200849.
Sujet inédit touchant à l'histoire tourangelle,
l'étude de la collection de La Combe est à situer
également dans un champ géographique, historique et disciplinaire
plus vaste. En partant de ce personnage particulier, nous cherchons en effet
à fournir une étude aux thématiques plurielles. C'est dans
ce sens que nous proposons plusieurs hypothèses auxquelles nous
tâcherons de répondre dans la suite du développement. La
constitution d'une collection est-elle la conséquence d'une
volonté de reconnaissance sociale ? Peut-on envisager cette collection
comme une forme de portrait de son propriétaire ? Est-il possible de
parler de collection inédite lorsque nous sommes confrontés en
majorité à une réunion d'estampes ? Par quels moyens et
46 SCHWEITZ, Arlette, La maison tourangelle au
quotidien, façons de bâtir, manière de vivre 1850-1930,
Paris, publication de la Sorbonne, 1997, p. 29-30.
47 Acte de décès de Joseph-Félix
Le Blanc de la Combe, op. cit.
48 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix,
Charlet, sa vie ses lettres, Tours, imp. J. Bouserze, 1856.
49 BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT,
Hélène (éd.), Charlet aux origines de la
légende napoléonienne 1792-1845, cat. exp., La
Roche-sur-Yon, musée municipal, Boulogne-Billancourt,
Bibliothèque Paul Marmottan, Paris, B. Giovanangeli, 2008.
17
comment La Combe se pose-t-il comme le spécialiste de
Charlet ? En quoi se distingue-t-il des autres collectionneurs, dont la mode ne
fait qu'accroître le nombre ?
Nous débuterons tout d'abord par l'étude des
relations dans le domaine des arts entre Tours et Paris, au travers de la
figure du colonel de La Combe. S'il est un notable de Touraine qui entretient
des relations avec l'élite intellectuelle de Tours, il est aussi reconnu
à Paris, principalement dans le domaine artistique. Ainsi nous
présenterons les amitiés qu'il lie avec les artistes de
l'école romantique, et particulièrement avec Charlet et les
protagonistes de son atelier. À la suite, nous ferons un rapide constat
de l'état du commerce de l'art à Tours, et à Paris entre
1830 et 1860. Cela nous permettra de montrer par quels moyens La Combe a pu
constituer sa collection. Enfin, nous clôturerons cette partie par la
présentation générale de la vente de la collection du
colonel de La Combe.
Poursuivant le fil de notre étude, nous nous
intéresserons davantage à la collection. Il sera d'abord question
de la présenter comme un ensemble, un tout homogène, avant
d'imaginer et proposer une interprétation de la relation qui devait unir
La Combe à ses objets. Ensuite, nous traiterons plus spécialement
la question de la collection d'estampes, en mettant en lumière les
spécificités de ce médium. Ceci fait, nous exposerons
l'originalité de la collection de La Combe et la participation du
colonel dans le débat pour la reconnaissance de la lithographie en tant
que véritable médium artistique.
La dernière étape de cette étude sera
consacrée à l'activité d'écrivain du colonel de La
Combe à travers la publication de son livre sur Charlet. Nous
débuterons cette partie par la réalisation d'un bilan
historiographique sur Charlet, pour discuter ensuite de l'impact qu'a eu
l'ouvrage sur la réception critique de l'artiste. Nous mettrons par la
suite son activité d'écrivain, et d'historien en perspective de
l'intérêt commun des auteurs de cette période pour les
biographies, et spécialement celles consacrées aux artistes. Nous
conclurons enfin sur les conséquences que la publication de l'ouvrage a
eues sur la notoriété du colonel Joseph-Félix Le Blanc de
La Combe, éminent collectionneur tourangeau aujourd'hui
oublié.
18
Chapitre premier : Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe notable, érudit et collectionneur. L'étude des interactions
artistiques et culturelles entre une ville de province et la capitale
artistique du XIXe siècle.
I. Un notable tourangeau au contact de l'élite
artistique parisienne. A. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, notable
tourangeau.
À son arrivée en Touraine en 1830,
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe a dû à l'évidence
s'installer dans un quartier bourgeois de Tours, en adéquation avec sa
fortune et son statut social. L'acte de mariage de sa fille Cécile
Jeanne Louise Mathilde mentionne l'adresse du 3, rue de la Préfecture
(ann. 1.1.5)50. Il semblerait que le colonel de La Combe ait
habité cette maison avant de s'installer au 12, rue Buffon à
Tours (ann. 3.1) qu'il loue au violoncelliste Auguste-Joseph Franchomme
(1808-1884)51, au plus tard, de janvier 1851 jusqu'à sa mort.
Un acte d'obligation passé le 2 janvier 1851 entre La Combe et son
épouse avec Louis Pierre Sorin, propriétaire demeurant à
Tours, corrobore cette date d'installation rue Buffon52. Le colonel
de La Combe s'installe donc dans un quartier en pleine expansion. En effet, la
rue Buffon est percée en 1843, sous l'impulsion du général
Pommerez, alors préfet du département
d'Indre-et-Loire53. Les enfants ayant quitté le domicile
familial, Joseph-Félix Le Blanc de la Combe vit seul avec son
épouse. Le couple est toutefois assisté de trois domestiques qui
logent en leur demeure54. Leur présence témoigne des
moyens considérables dont jouit le couple. Retraité de
l'armée, le colonel touche 3 114 francs de pension annuelle et 250
francs de traitement de la Légion d'honneur55. Il
possède également avec son épouse une ferme à
Neuillé-Pont-Pierre,
50 Acte de mariage de Jules Maillard de la
Gournerie et de Cécile-Jeanne-Louise-Mathilde Le Blanc de la Combe,
Tours, Archives départementales, [en ligne], cote 6NUM8/261/172.
Reproduit en annexe 7.
51 Inventaire des biens de Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe, op. cit., f 3 et 43.
52 Obligation passée entre
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe et Mathilde de Mons d'Orbigny de La
Combe et Louis Pierre Sorin, Tours, Archives départementales, cote
3E4/605.
53 GAèSCUEL, Geneviève, Les noms des
rues de Tours, Montreuil-Bellay, Editions C. M. D., 1999.
54 Liste nominative de recensement de 1856, Tours,
Archives départementales, [en ligne], cote 6NUM5/261/120.
55 Inventaire après décès de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 41
19
qui leur rapporte un revenu constant56. Enfin,
Mathilde de Mons d'Orbigny détient une rente de 80 000
francs57 (ann. 1.2.4).
Proche des boulevards Béranger et Heurteloup, de la rue
Royale et de l'Archevêché - aujourd'hui les rues Nationale et
Émile Zola -, la maison des La Combe se situe dans un quartier où
réside la bourgeoisie de la ville. À partir de la liste de
recensement de l'année 185658, nous avons pu comptabiliser le
nombre d'habitants de la rue Buffon et recenser également leur
profession (tab. 1). Ainsi sur les 143 habitants qui peuplent la rue, 60% sont
des propriétaires ou personnes ayant un statut comparable. À
l'inverse, près de 40% des habitants sont des domestiques ou personnes
appartenant à la famille de l'un d'eux. Cela représente une
moyenne de 0,6 domestiques par propriétaire. Le colonel de La Combe et
son épouse sont donc au-dessus de la moyenne, puisqu'ils emploient trois
domestiques, ce qui représente 1,5 domestiques par
propriétaire.
Le colonel de La Combe entretient des relations avec les
notables de la ville. Il fréquente probablement Henry-Armand-Alfred Mame
(1811-1893) bien qu'il n'habite pas avant 1872, l'hôtel particulier
éponyme situé dans la rue de l'Archevêché (ann.
3.1). L'éditeur semble partager avec le colonel de La Combe
l'intérêt pour l'art contemporain, voire un même goût
puisqu'il achète à la vente posthume du colonel de La Combe,
La voiture du cantinier de Charlet pour 550 francs, et un dessin
préparatoire pour le Déluge de Géricault pour 150
francs59. Il est possible que Mame ait vu ses deux oeuvres dans
l'intérieur de La Combe. Par ailleurs, Alfred Mame est le cousin et
beau-frère d'Ernest Mame (1805-1883), maire de Tours à partir de
1849, qui confie en 1854 à La Combe, une mission pour la
municipalité, sur laquelle nous reviendrons dans la suite de ce
chapitre. Le colonel fréquente également le docteur
Pierre-Fidèle Bretonneau (1778-1862), médecin-chef de l'hospice
général de Tours depuis le 15 janvier 1815 60 .
Professeur d'Alfred Velpeau (1798-1867) et d'Armand Trousseau (1801-1867),
56 Contrat de vente de la ferme des Cartes par M.
de La Combe et ses enfants à M. Robin, Tours, Archives
départementales, cote 3E4/641.
57 Tables de successions et absences de
l'année 1856, f62, Tours, Archives départementales
d'Indre-et-Loire, [en ligne], cote 6NUM3/021/012.
58 Liste nominative de recensement de 1856, op.
cit.
59 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 13
et 20. Exemplaire numérisé du Gallica, [en ligne],
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3802127
, consulté le 12/09/2015
60 WATIER, Hervé, « Bretonneau »,
base de données ORHIBIO,
http://www.orhibio.org/wiki/index.php?title=Bretonneau,
consulté le 01/04/2016.
20
Bretonneau est un acteur important des progrès de la
médecine, notamment par l'invention du tube capillaire appelé
aussi « tube Bretonneau ». Avec ses élèves, il
s'intéresse particulièrement à la question de la
propagation des maladies qui ravagent la population, à l'instar de la
fièvre typhoïde et de la diphtérie. Il est par ailleurs l'un
des premiers à mettre en évidence les principes de contagion par
les germes. Nous avons connaissance de l'amitié qui unit La Combe au
docteur Bretonneau, grâce à une lettre du colonel adressée
à Hippolyte Bellangé datée de décembre 1855 :
« J'ai eu les soins intelligents et affectueux de deux bons chirurgiens,
dirigés en partie par mon ami le grand docteur Bretonneau, aujourd'hui
le plus habile médecin de France et de Touraine »61. Si
les soins dispensés sous la direction de Bretonneau au colonel de La
Combe peuvent expliquer leur rencontre, la proximité des habitations des
deux hommes peut l'expliquer également. Bretonneau habite en effet en
1846 le 4, rue Buffon (ann. 3.1), qui est perpendiculaire à la rue de la
préfecture où réside le colonel de La Combe à cette
époque62. Il est donc probable que La Combe fréquente
aussi le château de Palluau, la demeure de Bretonneau à St-Cyr sur
Loire. Ce château construit au XVe siècle voisine
également la petite Grenadière de Pierre-Jean Béranger
(1780-1857), le grand chansonnier du XIXe siècle.
Béranger se lie d'amitié avec le docteur Bretonneau, son
médecin. Si La Combe possède les Sermons et
Panégyriques de Béranger63, il est aussi fort
probable qu'il ait eu l'occasion de le rencontrer par l'intermédiaire de
Bretonneau, même si nous n'avons aucune preuve pour confirmer cette
hypothèse. Le biographe de La Combe, Henri de Saint-Georges
présente aussi dans sa biographie l'intimité qui lie le colonel
avec Claude-René Bacot (1782-1853), un militaire qui a effectué
une carrière brillante sous le règne de Napoléon,
après avoir effectué le Grand Tour sur les deniers de son
père. Néanmoins, c'est à la Restauration que Bacot a
véritablement construit sa carrière, nommé dès
juillet 1815 préfet du département du Loir-et-Cher, puis
d'Indre-et-Loire la même année, à la suite de manipulations
politiques contre Alexandre Étienne Guillaume Hersant-Destouches
(1773-1826), son collègue alors préfet de Touraine64.
En 1821, il est anobli par Louis XVIII (1755-1824 ; 1815-1824) et devient
baron
61 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p. 19.
62 Liste nominative de recensement de population de
1846, Tours, Archives départementales, [en ligne], cote 6NUM5/261/19, f
70.
63 Inventaire après décès de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 22.
64 BERGERON, Louis (éd.),
CHAUSSINAND-NOGARET, Guy (éd.) et alii, Grands notables du Premier
Empire Loir-et-Cher, Sarthe, Maine-et-Loire, Morbihan, Paris, Éd.
du Centre National de la Recherche Scientifique, 1983, p. 63-65.
21
de Romand. Bacot réside à Tours au 10, rue du
Cygne (ann. 3.1) mais possède également une maison à
Vernou-sur-Brenne. Il semble que le colonel de La Combe ait
régulièrement séjourné à la campagne dans la
demeure de son ami65. De surcroît, les deux hommes paraissent
si liés, que La Combe conserve une partie de ses vins dans la cave de
Bacot, et que ce dernier prête à La Combe la somme
considérable de 20 000 francs66.
Le rayonnement social du colonel de La Combe semble passer
également par les unions de ses enfants. Si le fils cadet, Victor
Christophe Le Blanc de La Combe, chevalier de la Légion
d'honneur67, propriétaire du château de la
Bretèche, semble rester célibataire, son frère
aîné Louis Félix Victor se marie le 2 mai 1854, avec
Isabelle Sidonie de Contades-Gizeux (1831-) fille du marquis Camille Auguste de
Contades-Gizeux (1791-1861) et d'Isabelle de Maille de la Tour-Londry
(1805-1884)68. Arrière-petite-fille d'un baron de l'Empire,
Louis-Gabriel de Contades-Gizeux (1759-1825), et fille d'un officier de
cavalerie, elle est un parti intéressant pour le fils du colonel de La
Combe. Le couple s'installe à Brion dans le Maine-et-Loire, au
château de la Mothaye construit en 1830. La fille aînée du
colonel de La Combe, Cécile Jeanne Louise Mathilde se marie le 17 juin
1845 à Tours, avec Jules Antoine René Maillard de la Gournerie
(1814-1883), ingénieur des Ponts et Chaussées, fils de
Jacques-Antoine Maillard de la Gournerie (1770-1839) et Marie Julie Catherine
de Talhou`t-Gratiommaye (1776-1866), originaires de Nantes69. La
Combe conserve ainsi des contacts avec l'élite de sa Bretagne natale.
D'une famille de militaire, le vicomte Jules Antoine René Maillard de la
Gournerie intègre en 1830 l'École navale en tant que major de
promotion. Après des différends avec ses supérieurs, il
entreprend une carrière d'ingénieur, en intégrant en 1833
l'École Polytechnique. Il sort en 1835 de l'École des Ponts et
Chaussées70. Il entame sa carrière par la construction
du phare de l'île de Bréhat et prend part également
à la construction de la jetée du Croisic et du bassin à
flot
65 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien, op. cit.,
p. 55.
66 Inventaire après décès des
biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f 42.
67 Procès verbal d'individualité pour
servir à l'inscription des membres de l'ordre national de la
Légion d'honneur sur les registres matricules, Paris, Archives
nationales, [en ligne], base Léonore, dossier LH/1516/23.
68 Acte de mariage de Louis-Félix-Victor Le
Blanc de La Combe et d'Isabelle-Sidonie de Contades-Gizeux, Tours, Archives
départementales d'Indre-et-Loire, [en ligne], cote 6NUM8/112/049.
69 Acte de mariage de Jules Maillard de la
Gournerie et de Cécile-Jeanne-Louise-Mathilde Le Blanc de la Combe,
op. cit.
70 LAUSSELADAT, A., « Vicomte
Jules-Antoine-René Maillard de la Gournerie », Livre du
Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1898, [en ligne] :
http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers
maillard.htm, consulté le 02/04/2016.
22
du port de Saint-Nazaire. Maillard de la Gournerie est fait
Chevalier de la Légion d'honneur le 21 décembre 1847, puis
Officier le 14 août 186571. Avec son épouse, il
s'installe à Paris au 36, rue de Varennes, puis au 77, boulevard
Saint-Michel. Quant à Mathilde Marie Joséphine, la cadette de La
Combe, elle épouse en 1853, Jean-Baptiste Alphonse Eugène de
Frévol d'Aubignac (1810-1855), comte de Ribains, mais seulement deux ans
après leurs noces, l'époux décède. La veuve habite
près de la demeure parentale au 15, rue des Minimes72.
La réputation de La Combe est confirmée à
son décès, par la nécrologie qui paraît le lendemain
de sa mort dans le Journal d'Indre-et-Loire : « Nous avons le
regret d'annoncer la mort de M. de La Combe, colonel d'artillerie en retraite.
Noble coeur, esprit distingué et plein de bienveillance, M. de La Combe
s'était concilié dans notre ville de nombreuses et vives
amitiés, et laisse derrière lui les plus sincères et plus
unanimes regrets. Aimant les arts, qu'il cultivait lui-même, il
était pour les artistes un protecteur aussi chaleureux
qu'éclairé dont l'appui ne manquait pas. M. le colonel de La
Combe a publié, il y a peu d'années, sur l'oeuvre de Charlet un
volume qui a obtenu un remarquable succès, et au mérite duquel un
juge assurément des plus compétents, notre grand peintre, M.
Eugène Delacroix, rendait récemment un éclatant hommage
» 73.
Au regard de son réseau important, il paraît
s'intégrer facilement dans le cercle de l'élite
tourangelle74. Le périmètre social, urbain et
géographique dans lequel évolue le colonel de La Combe lui permet
de tisser des liens avec une part importante de l'élite locale. Il est
possible que son grade de colonel participe également à sa
reconnaissance sociale au sein de cette société influente.
Toutefois, la biographie de La Combe dépasse la micro-histoire
tourangelle. En effet, c'est avec les artistes de Paris, que le colonel de La
Combe semble entretenir des rapports plus nombreux et plus intéressants
pour l'histoire de l'art.
71 Reconstitution des matricules de
Jules-Antoine-René Maillard de la Gournerie, Paris, Archives nationales,
[en ligne], base Léonore, dossier LH/1693/44.
72 Inventaire après décès des
biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f°
2.
73 [ANONYME], « Chronique locale »,
Journal d'Indre et Loire, n°64, 19 mars 1862, p. 01. Tours,
Archives municipales, cote 121 C47.
74LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne en
Touraine au temps de Balzac, Paris, Hachette, 1980, p. 258. Le pourcentage
indiqué est valable pour l'année 1849.
23
B. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, ami des arts et
des artistes.
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe manifeste un double
intérêt pour la musique et les arts plastiques. Mais à la
différence de nombreux amateurs, il participe pleinement de la
scène artistique en entretenant des relations amicales avec nombre
d'artistes.
S'il ne semble pas avoir une pratique de la peinture, du
dessin ou de la gravure, le colonel de La Combe est musicien. En effet,
Saint-Georges mentionne la participation du colonel dans les salons de
Mme Orfila (-1853) et de Camille Erard (1813-1889), épouse du
facteur d'instrument Pierre Erard (1794-1855)75. Toutes deux
participent de la vie musicale parisienne, en invitant des musiciens
professionnels ou amateurs à venir jouer dans leurs salons76.
La pratique musicale du colonel de La Combe est confirmée par
l'inventaire après décès (ann. 1.2.2). Il possédait
en effet deux cors d'harmonie et une collection importante de partitions de
« musique vocale et instrumentale contenant diverses partitions pour piano
seul : Don Juan, Figaro, Freschoutz, Gazza-Ladra, Barbier, Osthelle, Marguerite
d'Anjou et autres - des trios, des quatuors et de quinttets : de Mozart,
Cremont, Reicha, Fescha, Weber, Dauprat, Beethowen et autres
»77. Par ailleurs, Paul Scudo (1806-1864) fait
référence à la qualité de musicien du colonel de La
Combe dans sa revue musicale du 1er novembre 1858 de la Revue
des Deux Mondes.
Un de ces hommes de goût et de coeur comme il y en a peu
malheureusement, un ami de Charlet, qui a raconté la vie du peintre en
un livre plein de faits intéressants et d'une émotion
communicative,
M. de Lacombe, ancien colonel d'artillerie, dont le beau
talent sur le cor est connu et apprécié depuis longtemps, me
disait, en parlant des Noces de Figaro : «Si la musique des plus
beaux opéras que nous connaissons est l'oeuvre du génie, celle de
Mozart est l'inspiration d'un Dieu»78.
Le colonel de La Combe semble porter un intérêt
particulier à la musique de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791).
Néanmoins, ce sont surtout les relations qu'il entretient avec les
artistes contemporains qui sont intéressantes. Il fréquente
notamment Anton Reicha (17701836) et Eugène Vivier (1817-1900), deux
personnalités importantes de la scène musicale de ces
années, aujourd'hui en grande partie oubliées. Reicha entame son
éducation musicale à
75 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p. 50.
76 CHANTAVOINE, Jean, GAUDEFROY-DEMONBYNES, Jean,
Le Romantisme dans la musique européenne, Paris,
Éditions Albin Michel, p. 523.
77 Inventaire après décès des
biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f27.
78 SCUDO, Paul, « Revue musicale », Revue des Deux
Mondes, t. 18, Paris, imp. J. Claye, livraison du 1er novembre 1858, p.
225.
24
partir de 1781 à Bonn, où il a pour condisciple
Ludwig van Beethoven (1770-1827). Il rejoint Paris en 1808 après
s'être établi à Hambourg, puis à Vienne. C'est
à l'évidence entre 1808 et 1818, que Reicha fait la connaissance
du colonel de La Combe, qui semble devenir sinon son mécène, au
moins son protecteur.
Il m'est arrivé pour l'un d'eux de faire quelque chose
d'analogue à ce que je fais pour Charlet. Quand je fis sa connaissance,
et que je pus apprécier son immense mérite, il était bien
malheureux. Successivement, je l'ai fait nommer professeur d'harmonie au
Conservatoire [É] Enfin, je l'ai conduit jusqu'à
l'Institut79.
Reicha est nommé professeur au Conservatoire en 1818,
puis il est élu à l'Institut en 1829 en remplacement de
François-Adrien Boildieu (1775-1834)80. En remerciement pour
son soutien, Reicha aurait dédié au colonel de La Combe l'un de
ses vingt-quatre quintettes à vent81. Malheureusement
l'intervention de La Combe n'est pas confirmée par un document
d'archives, hormis la lettre publiée dans la biographie de Saint-Georges
précédemment citée. Eugène Vivier ne
bénéficie pas quant à lui d'une réputation aussi
positive, comme en témoigne la notice de la Biographie universelle
des musiciens et bibliographie générale de la musique, dans
laquelle il est mentionné comme un « virtuose excentrique et
bruyant »82. Joueur de cor, Vivier est invité
à Tours par le colonel de La Combe qui « voul[ait] l'entendre et le
juger à [son] aise »83. À l'évidence, La
Combe en a fait profiter ses amis Tourangeaux, qui l'élisent ensuite
à la tête de la société philharmonique de
Tours84.
Si le colonel de La Combe est un mélomane
éclairé entretenant des relations avec les musiciens de sa
génération, il ne donc pas un hasard qu'il loue sa maison du 12,
rue Buffon au compositeur et violoncelliste parisien Auguste
Franchomme85. En grande partie oublié de nos jours,
Franchomme est pourtant un personnage important de la scène musicale de
la génération romantique. Premier prix de violoncelle au
Conservatoire de Paris en 1826, puis professeur
79 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p. 53.
80 HONEGGER, Marc, Dictionnaire de la musique,
Paris, Bordas, 1993, p. 1042.
81 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p. 52.
82 FÉTIS, F.-J., « Vivier Albert-Joseph
», Biographie universelle des musiciens et bibliographie
générale de la musique, Mesnil, Firmin-Didot, 1837, p. 632.
L'auteur présente la biographie d'Albert-Joseph Vivier (1816-1903), mais
fait référence à Eugène Vivier par ce
commentaire.
83 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p. 53.
84 Ibidem.
85 Inventaire des biens de Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe, op. cit., f 3 et 43.
25
vingt ans plus tard, Franchomme entretient également
une riche correspondance avec Frédéric Chopin (1810-1849) avec
qui il passera en 1833 un séjour à la Croix-en-Touraine chez ses
mécènes les Forest. Franchomme et Chopin donnent à
l'occasion de leur venue en Touraine un concert à la chapelle des
Capucines à Tours, auquel il est probable que le colonel de La Combe ait
assisté.
Si la musique rythme le quotidien du colonel de La Combe, les
arts plastiques lui sont davantage associés. Par ses correspondances
épistolaires et ses voyages à Paris, La Combe entretient de
véritables amitiés avec les artistes de l'école
romantique, et particulièrement avec Nicolas-Toussaint Charlet. Avec ce
dernier, il partage un certain nombre de points communs, à l'instar de
sa carrière militaire et son affection pour l'épopée
napoléonienne. Les raisons et motivations de leur rencontre sont
inconnues, et il est difficile de confirmer à partir de quelle
année Charlet et La Combe se fréquentent. Toutefois leur
rencontre doit intervenir entre 1824 et 1830. En effet, Francis Petit fait
remarquer dans le catalogue de vente, que Charlet avait offert au colonel de La
Combe en 1824 l'aquarelle du Chasseur au Moyen-Âge86.
Saint-Georges propose pour sa part l'année 1830, en s'appuyant sur une
lettre du colonel de La Combe.
Ceci est pour vous faire sentir que j'ai le coeur assez bien
placé pour comprendre Charlet, homme de coeur avant tout. Quoique je
l'aie connu seulement depuis 1830, et que nos relations aient même
été interrompues pendant son paroxysme de juste
milieu87.
Né le 20 décembre 1792 d'un père dragon
de la République et d'une mère fervente bonapartiste, Charlet
étudie au lycée Napoléon avant d'être
embauché comme commis dans une mairie de Paris. Licencié pour
bonapartisme, il entreprend une formation artistique dans l'atelier de
Charles-Jacques Lebel (1772-1830), un ancien élève de
Jacques-Louis David (17481825). Il intègre en 1817 l'atelier
d'Antoine-Jean Gros (1771-1835) - une pépinière d'artistes
romantiques - et y rencontre notamment Paul Delaroche (1797-1856), Richard
Parkes Bonnington (1802-1828), Hippolyte Bellangé (1800-1866), Robert
Fleury (1797-1890), Camille Roqueplan (1800-1855), Eugène Lami
(1800-1890), ou encore Antoine-Louis Barye (1797-1875), qui tous sont
représentés dans la collection du colonel de La Combe. Bien que
placé sous la tutelle de David, l'atelier de Gros fait émerger
les jeunes talents de la génération
86 PETIT, Francis et alii, Catalogue des tableaux
anciens & modernes, op. cit, p. 5.
87 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de
Charlet, op. cit., p. 31.
26
des enfants du siècle88. Charlet semble
avoir présenté à La Combe l'ensemble des protagonistes de
son cercle artistique. Ainsi, La Combe se lie d'amitié avec une partie
de ces artistes. Il est particulièrement proche de Bellangé, ce
qui ressort de la correspondance publiée en partie par Henri de
Saint-Georges. Le portrait du colonel par Bellangé (fig. 1)
publié dans l'historien de Charlet peint par lui-même
témoigne également de leur amitié. Manifestement
l'artiste le réalise à titre posthume, puisqu'il est
imprimé chez Aubry en 1862. Cherchant à rendre hommage à
son ami, Bellangé met en lumière dans ce portrait
l'érudition du colonel de La Combe. Il le représente
accoudé sur un livre, qui est probablement un exemplaire de la
biographie de Charlet. De surcroît le spécimen de L'historien
de Charlet peint par lui-même conservé à l'INHA est
dédicacé à l'épouse de
Bellangé89, ce qui confirme les liens qui unissaient La Combe
à la famille de l'artiste. Rappelons-le, ce livre est avant tout
dédié à ceux qui ont partagé l'intimité du
colonel de La Combe.
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe entretient aussi des
liens avec les artistes de la génération suivante et
principalement avec les élèves de Charlet. Il les rencontre
probablement dans l'atelier du maître lors de ses voyages à Paris.
Il fréquente notamment François-Hippolyte Lalaisse (1812-1884) et
Jean-Louis Canon (1809-1892). Ces derniers deviennent à la suite de leur
formation les amis de Charlet, mais également ses adjoints à
l'École polytechnique où il enseigne le dessin depuis 1838. Une
certaine complicité semble unir La Combe à ces jeunes artistes.
Lalaisse envoie par exemple au colonel de La Combe des lithographies illustrant
la Bretagne, qui font probablement allusion aux origines du
collectionneur90 . De surcroît, l'épisode du «
sauvetage » d'une toile de Charlet rend compte également de la
complicité de La Combe et des jeunes artistes : « en même
temps que Charlet me présentait le résultat de son coupable
enthousiasme, Canon me faisait signe, et me montrait un tableau achevé
sur le chevalet du maître, puis me tirant à part : "Emportez-le,
me dit-il, car ce soir il n'existerait plus", et je me mis le conseil à
profit »91. Il serait trop fort de parler de relation filiale
entre les élèves de Charlet et La Combe. Néanmoins il faut
considérer que le colonel de La Combe porte une attention
particulière à la carrière de Canon. De 1833 à
1835, La Combe accueille Canon en
88 GARCIA, Clémentine, « Jacques-Louis
David, Antoine-Jean Gros, Paul Delaroche et Charles Gleyre une
généalogie d'atelier ? », in NERLICH, France (éd.),
BONNET, Alain (éd.), Apprendre à peindre les ateliers
privés à Paris 1780-1863, Tours, Presse Universitaire
François-Rabelais, 2013, p. 209-217.
89 Ibid. p.1. Exemplaire conservé
à l'INHA sous la cote 8Y253.
90 PETIT, Francis et allii, p. 104.
91 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op.
cit. p. 76-77.
27
Touraine et informe Charlet des travaux et des progrès
de son élève92. Au moins sept oeuvres de Canon -
datées, localisées et signées - faisant partie de la
collection du colonel de La Combe témoignent de ce séjour en
Touraine. Canon continue d'y suivre l'exemple de son maître en
réalisant des scènes de genre, à l'instar du
Pouilleux, de La mendiante, de L'escalier, et de
La prière93. Il s'adonne également à
la copie d'oeuvres conservées au musée des Beaux-Arts de Tours,
à l'exemple de La vierge tenant l'enfant Jésus dans ses
bras94. Néanmoins son activité de copiste ne peut
être vérifiée, puisque le musée des Beaux-Arts de
Tours ne conserve pas de registre de copistes. Enfin, Canon semble
s'intéresser au dessin de paysage sur le motif, en représentant
les bords du Cher et de la Loire à la sépia et à
l'aquarelle95.
C'est aussi dans le cercle des amateurs de Charlet que La
Combe va trouver des amitiés durables, à l'instar de celle qui le
lie à Henri de Saint-Georges. Auteur prolifique, Saint-Georges partage
avec La Combe des origines bretonnes, mais surtout son goût pour la
collection des oeuvres de Charlet. L'origine de leur relation remonte
manifestement à l'année 1856, date de la publication de
Charlet sa vie, ses lettres suivies d'une description raisonnée de
son oeuvre lithographique, comme le rappelle de manière quelque peu
emphatique l'auteur du catalogue de vente après décès
d'Henri de Saint-Georges :
Quelques trente ans plus tard, un livre paraît, sans
bruit, sans réclames, dont un exemplaire vient tomber dans ses mains. Il
le lit ; non il le dévore, prend aussitôt la plume et écrit
à l'auteur : - Ò Monsieur, en vous lisant, j'ai senti redoubler
l'admiration, je devrais dire le culte, que depuis plus de trente ans je
professe pour notre grand, pour notre bon Charlet. [É] Combien d'un
autre côté, sous cette écorce rabelaisienne, sous cette
sève du vieil esprit gaulois, respire de bonté, de franchise, de
sensibilité vraie ! ...» - Cette déclaration à
brûle-pourpoint, adressée à M. De La Combe, ne pouvait
manquer d'être payée de retour. Dès lors s'établit
entre ces deux coeurs une correspondance intime, dont la correspondance par
lettres n'était que l'épanchement naturel96.
L'amitié entre La Combe et Saint-Georges paraît
presque fraternelle, bien qu'elle soit relativement tardive. Ensemble, ils
entreprennent à partir de 1860 la réalisation de la seconde
92 Ibid, p. 69.
93 N°59, 61, 69, 70, in PETIT, Francis et alii,
Catalogue des tableaux anciens & modernes, op. cit, p. 8 et 9.
94 N°54, ibid., p. 7.
95 N°55 et 87, ibid., p. 7 et 11.
96 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis
Jean-Baptiste, CLÉMENT, Louis, Catalogue des dessins et aquarelles,
quelques tableaux, lithographies et eaux fortes moderne, OEuvre de Charlet,
Estampe ancienne et portrait composant le cabinet de feu M. Henri de
Saint-Georges, Paris, 1865, p. 7-8.
28
édition de l'ouvrage sur Charlet. Par ailleurs, c'est
à l'évidence par l'intermédiaire de Saint-Georges, que le
colonel de La Combe est présenté au peintre Eugène
Delacroix. Le colonel de La Combe et Delacroix semblent entretenir une courte
correspondance à partir de la fin de la décennie 1850. Delacroix
partage en effet l'intérêt de La Combe pour les oeuvres de
Charlet. Ainsi, il rend honneur à l'ouvrage du colonel de La Combe dans
un article sur Charlet, publié dans la Revue des Deux Mondes en
janvier 186297. À l'annonce du décès du colonel
de La Combe, Delacroix répond ainsi à Saint-Georges.
Mes relations encore récentes avec M. de la Combe ne me
donneraient pas le droit de me dire son ami, et il me semble pourtant que je
sens briser un de ces liens qui nous attachent au monde. C'est qu'il ne fallait
qu'un instant pour apprécier cette riche nature, dans laquelle le coeur
et l'esprit allaient de pair. Hier encore, je m'occupais de chercher une
pièce rare qui lui manquait et que j'eusse été si heureux
de lui offrir : je l'ai trouvé enfin, voilà que ses yeux ne
s'ouvriront plus98 !
Si l'on ne peut confirmer le fait que Delacroix ait
trouvé la pièce dont le colonel de La Combe était à
la recherche, il est intéressant néanmoins de noter que la
proximité du collectionneur avec les artistes lui permettait de les
missionner pour compléter sa collection ou l'aider dans la constitution
de la seconde édition de son catalogue raisonné de l'oeuvre
lithographique de Charlet, comme le fait Henri de Saint-Georges depuis Nantes.
De surcroît la participation de Delacroix - qui est alors à
l'apogée de sa carrière et considéré comme l'un des
grands maîtres de l'art vivant - dans la quête du colonel de La
Combe confirme le statut important de celui-ci et montre que La Combe se
distingue de la majorité des autres amateurs.
Si le colonel de La Combe apparaît comme un personnage
intéressant pour la vie musicale du XIXe siècle,
l'historiographie retient principalement ses relations avec les artistes du
cercle de Charlet. En effet, c'est par l'intermédiaire de cet artiste
que La Combe est introduit dans ce milieu artistique, dans lequel il semble
s'investir profondément. Il entretient en effet une correspondance
importante avec les artistes, qui nous est connue grâce à la
transcription d'une partie de ses lettres dans Charlet sa vie, ses lettres
et dans L'historien de Charlet peint par lui-même. Il
rencontre aussi régulièrement les peintres à Paris.
Personnage de confiance, La Combe devient pour certain un véritable
mécène et protecteur, en suivant leur carrière et les
invitant dans sa demeure tourangelle. La Combe tisse ainsi des liens entre
Tours et Paris : Tours profite
97 DELACROIX, Eugène, « Charlet »,
Revue des Deux Mondes, t. XXXVII, 1er janvier 1862, p. 234-242.
98 DELACROIX, Eugène, lettre du 21 mars
1862 adressée à M. Henri de Saint-Georges, in BURTY,
Philippe, Lettres de Eugène Delacroix, Paris, A. Quintin, 1878,
p. 353.
29
du rayonnement social du colonel de La Combe et les
édiles locaux lui confient des missions dans les affaires culturelles de
la ville. La Combe entre de cette manière au service de la
communauté.
C. Un amateur d'art au service de la communauté. La
participation du colonel de La Combe dans les affaires culturelles de Tours.
Il semble que le colonel de La Combe soit connu pour ses
relations avec les collectionneurs et les artistes de la capitale. Sa
collection - dont l'élite tourangelle a manifestement connaissance - lui
donne la qualité d'amateur éclairé dans le domaine des
Beaux-Arts. Aussi, la municipalité n'hésite-t-elle pas à
lui confier des responsabilités, pour apporter une nouvelle dynamique
culturelle.
En 1852, le colonel de La Combe est
dépêché à Paris par la municipalité
tourangelle pour participer à l'affaire du legs de la collection Clarke
de Feltre. Cette collection de soixante-dix-sept tableaux des grands
maîtres de l'école française, à l'instar d'Hippolyte
Flandrin (18091864) et Paul Delaroche, de quatre dessins et trois bustes en
marbre, a été constituée par les frères Alphonse
(1806-1850) et Edgar Clarke de Feltre (1799-1852). Fils d'Henry Jacques
Guillaume Clarke de Feltre (1765-1818), duc de Feltre et ministre de la guerre
de Napoléon Ier de 1807 à 1814, Alphonse et Edgar ainsi que leur
frère Arthur (1802-1829) avaient entamé une carrière
militaire. À la mort d'Arthur, ses deux frères décident de
prendre congé de l'armée et entreprennent ensemble la
constitution d'une collection de peinture. Avec leur ami le colonel de La
Combe, qu'ils fréquentent depuis leurs carrières militaires
passées, ils partagent ce goût pour les oeuvres des artistes
vivants. Ils décident qu'à leur mort la collection sera
léguée entièrement à un musée pour ne pas la
disperser aux enchères. Le comte Alphonse Clarke de Feltre meurt en
1850. Edgar décède deux ans plus tard, le 30 mars 1852. Ils
lèguent dans un premier temps leur collection au musée du
Louvre.
Conformément au désir que nous avons toujours
eu, mon frère et moi, d'éviter la dispersion de notre collection
de tableaux, je donne et lègue au Musée national du Louvre, tous
les tableaux, sans exception [É] Ce legs n'est fait par moi qu'à
la condition expresse pour ledit Musée du Louvre de réunir ces
tableaux dans une seule et même salle, ou dans deux salles attenant et
bien éclairées, convenables, et jugées comme telles par
mon exécuteur testamentaire, et portant l'inscription de Collection
Clarke de Feltre. En cas de non-acceptation de la part du dudit Musée de
ce legs, ou de non-exécution par lui des conditions ci-dessus, je charge
mon exécuteur testamentaire de disposer de tous les tableaux composant
le legs ci-dessus en faveur de telle autre collection de tableaux (collection
publique) qu'il choisira, soit en France, soit même à
l'étranger, pourvu qu'elle accepte
30
ce legs avec les conditions formelles et absolues que j'y
attache, et les remplisse, sous peine de nullité pour elle du
legs.99.
Les dons d'oeuvres d'art faits aux musées de France
sont encouragés par la politique culturelle du XIXe
siècle. Ils permettent d'enrichir les collections et montrer la
vitalité des musées100. Toutefois les exigences des
collectionneurs, poussent certains musées à refuser ces legs,
à l'instar du musée du Louvre dans le cas de la collection Clarke
de Feltre. Le choix de ce musée n'est pourtant pas anodin. Premier
musée de France et d'Europe, le Louvre symbolise pour les donateurs la
reconnaissance de leur goût, et les pose comme l'élite des
collectionneurs d'oeuvres d'art101. Refusée par
l'administration du musée, le legs Clarke de Feltre est proposé
à l'ensemble des musées de France à partir du 7 juin 1852.
Les villes de Nantes, Tours et Nancy se portent volontaires. Malgré les
nombreuses exigences du testateur, ce legs est pour ces musées de
province une aubaine pour leur réputation et l'enrichissement de leurs
collections. Le musée de Nantes conserve déjà un nombre
important d'oeuvres de qualité. Il a effectivement
bénéficié d'envois de l'État depuis 1801
grâce à l'arrêté Chaptal. Le fonds a également
été augmenté par le legs de la collection
Fournier102.
Le musée des Beaux-Arts de Tours semble jouir d'une
réputation mitigée comme le rappelle Paul Mantz dans ses articles
consacrés aux musées de France qui paraissent dans L'Artiste
: « malgré tant de fortunes heureuses, le musée ne
possède que quelques échantillons des maîtres des
écoles étrangères. Seules, l'école française
y montre une série de tableaux qui, s'il étaient disposées
dans un ordre plus logique, pourraient donner aux Tourangeaux quelques notions
sur l'histoire de l'art dans notre pays »103. Sous la direction
de Jean-Charles Henri Raverot (1793-1869), conservateur du musée de 1841
à 1859, l'accrochage demeure serré et ne paraît pas suivre
un ordre chronologique, malgré l'espace important dont dispose le
musée depuis son installation sur les quais de Loire depuis 1828. De
surcroît, la municipalité tourangelle ne débourse
annuellement que 1 400 à 2 500 francs pour le fonctionnement du
99 Testament d'Edgar Clarke de Feltre du 12
février 1852, in SAINT-GEORGE, Henri de, « Notice historique sur le
musée de peinture de la ville de Nantes d'après des documents
officiels et inédits », Revue des Provinces de l'Ouest,
n°5, 1857, p. 525.
100 BERTINET, Arnaud, Les musées de Napoléon
III une institution pour les arts (1849-1872), Paris, Mare et Martin,
2015, p. 473.
101 LONG, Véronique, « Les collectionneurs
d'oeuvres d'art et la donation au musée à la fin du XIX
siècle : l'exemple du musée du Louvre »,
Romantisme, n° 112, 2001, p. 45.
102 CLÉMENT DE RIS, Louis, « Le musée de
Nantes », L'Artiste, 5ème série, t. III, 1849, p.
180.
103 MANTZ, Paul, « Les musées de France. Tours
», L'Artiste, t. II, 15 novembre 1857, p. 170.
31
musée, ce qui apparaît relativement peu et
n'incite probablement guère sa direction à améliorer le
parcours des visiteurs104.
Quant au musée de Nancy, il est jugé très
rapidement trop éloigné de Paris pour recevoir cette donation.
Les villes de Tours et de Nantes reçoivent chacune les exécuteurs
testamentaires : le marquis de Cubières et M. Aubry. Ils sont accueillis
à Tours par la comtesse Louise-Mathilde de Flavigny (1811-1883),
nièce du testateur, et par le colonel de La Combe105.
À l'issue cette visite, la ville de Tours est favorite.
Néanmoins, Alphonse François, le président de la
Commission de surveillance du musée de Nantes, est missionné
à Paris pour retourner la situation. Il obtient le legs en faveur de son
musée. M. de Cubières envoie les explications de ce choix au
colonel de La Combe dans une lettre du 15 août 1852.
Je viens d'adresser à M. le Maire une lettre par
laquelle je lui donne avis de la décision prise relativement à la
collection de Feltre, décision qui, malheureusement, n'est pas favorable
à la ville de Tours. Cette déclaration n'est
irrévocablement arrêtée que depuis quelques jours, c'est
à dire depuis que la ville de Nantes et le Préfet de la
Loire-Inférieure ont déclaré accepter les conditions dont
je leur avais envoyé la note détaillée. L'attachement que
vous aviez voué à mes excellents amis, la bienveillance si grande
dont vous avez bien voulu m'honorer moi-même, me font un devoir,
Monsieur, de vous expliquer les raisons qui m'ont fait donner la
préférence à la ville de Nantes ; et cela, je puis le
dire, tout fait contre mon attente, j'ajouterai même contre mon
inclinaison personnelle. Ceci est tellement vrai, que j'avais
déjà annoncé ma décision en faveur de Tours
à M. Aubry, et que j'étais occupé à écrire
dans ce sens à M. le Maire de votre ville, et à rédiger la
série des conditions auxquelles j'attachais mon choix en faveur de
Tours. [É] En effet, la ville de Nantes s'engageait (entre autres
choses, car il serait trop long de tout énumérer) à faire
exécuter en marbre les bustes d'Edgar et d'Alphonse de Feltre, qui
seraient placés dans la salle destinée à recevoir la
collection. La ville donnera tous les ans un grand concert de bienfaisance,
dont le programme sera composé en notable partie d'oeuvres d'Alphonse de
Feltre, dont le buste sera placé, en outre, dans la salle de concert de
la Société des Beaux-Arts, etc., etc.106.
Cette donation au musée des Beaux-Arts nantais a
manifestement bénéficié de l'influence du comte
Émilien de Nieuwerkerke (1811-1892), directeur des Musées
impériaux, comme le tend à prouver sa réponse au maire de
Nantes au sujet de l'envoi d'un reliquaire d'Anne de
104 BENÂTRE, Nathalie, Un musée de Province
au XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours des origines
à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine,
sous la direction d'Alain Corbin, Université François Rabelais de
Tours, 1988, p. 51.
105 BENÂTRE, Nathalie, ibid. p. 113.
106 Lettre de M. Cubières au colonel de La Combe en
date du 15 août 1852, in SAINT-GEORGES, Henri de. « Notice
historique sur le musée... », op. cit., p. 531-532.
32
Bretagne pour l'aménagement des salles de la colonnade
en 1852 : « je vous engage à plaider la cause du musée des
souverains comme j'ai plaidé celle du musée de Nantes à
propos de la collection Feltre »107. La salle consacrée
à la collection de Feltre est inaugurée à Nantes le 15 mai
1854. L'ensemble reçoit un accueil en demi-teinte de la part des
Nantais. Le coût considérable de 36 402 francs consacré
à l'aménagement de la salle108, l'absence de
chefs-d'oeuvre des écoles anciennes et la comparaison avec le don de la
collection Urvoy de Saint-Bedan qui intervient deux plus tard, contribuent
à jeter une lumière - injustement - défavorable sur la
collection Clarke de Feltre.
Plus tard, le colonel de La Combe semble avoir
participé à la vie culturelle de Tours en présidant la
Société philharmonique à partir de 1858. Un temps
inactive, cette société fondée en 1838 est
ressuscitée à l'initiative de plusieurs habitants sous la
direction de La Combe.
Le besoin se faisait sentir ici de la reconstitution d'une
société philharmonique ; et comme on ne l'avait pas satisfait
encore, il y a eu comme une émeute musicale. Le peuple s'est
rassemblé sur la place publique, et, par acclamation et à
l'unanimité, m'a nommé dictateur, me confiant tous les
109
pouvoirs d'organisation, de nominations, de commissions, etc.
De manière quelque peu déclamatoire, La Combe
fait part à Bellangé de sa nouvelle activité au sein de la
cité tourangelle. Il est en effet peu probable que le peuple se soit
réuni sur la place publique pour le nommer directeur de la
société, comme il l'indique. Néanmoins, hormis cette
lettre reproduite dans l'ouvrage de Saint-Georges, aucune archive ne peut
confirmer cette déclaration. Ni la bibliothèque musicale de
Touraine, ni la société archéologique, ni même les
archives départementales d'Indre-et-Loire ne conservent de documents
relatifs à cette société110. Seules les
Archives municipales de Tours détiennent un règlement de
1870111. Toutefois, il est probable que le colonel de La Combe ait
joué un rôle dans cette société savante de Tours,
tant sa qualité de musicien devait être connue des amateurs de la
ville.
107 Lettre de Ferdinand Fabre à Nieuwerkerke,
1er juillet 1852, note manuscrite de Nieuwerkerke pour
réponse dans l'angle en haut à gauche. (AMN, MS2 Administration
du musée et restitutions après sa suppression, 18521892, 14 juin
1871, inventaire des envois de 1852) in BERTINET, Arnaud, op. cit, p.
213.
108 SAINT-GEORGES, Henri de. « Notice historique sur le
musée... », p. 539.
109 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op.
cit., p. 54-55.
110 Sociétés savantes de Tours, Tours, Archives
départementales d'Indre-et-Loire, cartons T1250 et T1488.
111 Règlement de 1870 de la Société
philharmonique de Tours, Tours, Archives municipales, série 2R5 AM.
33
À l'évidence, le colonel de La Combe joue un
rôle important dans le paysage culturel de Tours. Son caractère
dévoué, son réseau et sa connaissance du monde artistique
engagent les édiles et les notables de la ville à lui confier des
responsabilités. Ses missions semblent participer à
accroître sa reconnaissance sociale en Touraine. Cependant, à
l'exception de la société philharmonique, La Combe n'est membre
d'aucune autre société savante qui pourtant animent la vie
intellectuelle de Tours à l'exemple de la société
archéologique de Touraine fondée en 1840 à l'initiative de
l'abbé Manceau (1805-1855), Noël Champoiseau (1795-1859), Henri
Gouïn (1782-1861) et Ernest Giraudet, ou encore la Société
d'agriculture, sciences, arts et Belles Lettres créée en 1799. Il
semblerait que les préoccupations de ces sociétés ne
convergent pas avec les intérêts du colonel de La Combe qui le
portent à collectionner l'art vivant et fréquenter les artistes
de son temps.
II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, collectionneur
d'art vivant à
Tours.
A. Tours, un terreau fertile pour la constitution d'une
telle collection ?
À Tours qui fut capitale sous le règne des
Valois au XVe siècle puis sous le règne d'Henri III
entre 1584 et 1588, l'histoire semble régir l'évolution et la vie
des habitants. Malgré ce passé glorieux, Tours souffre en ce
milieu du XIXe siècle de la comparaison avec Paris, le
siège du pouvoir gouvernemental mais surtout la capitale artistique
internationale. Ainsi, à Tours les artistes et les institutions
culturelles sont à l'évidence moins nombreux, à l'instar
du marché de l'art qui y est moins dynamique. Les moyens
d'approvisionnement pour les amateurs y sont en effet moins abondants. En ce
sens, il est possible de se demander si cette ville permettait de constituer
une collection aussi importante que la collection de La Combe ? Il peut
être intéressant de relever ici l'ensemble des pôles
d'activités du marché de l'art de la ville que le colonel de La
Combe avait à disposition pour alimenter sa collection.
Il est probable que le colonel de La Combe ait
fréquenté les ventes aux enchères des
commissaires-priseurs tourangeaux. Officiers ministériels, ils sont
habilités à tenir la police de leurs ventes directement au
domicile des vendeurs, dans les salles des ventes, sur les places publiques ou
dans diverses salles pouvant accueillir un public nombreux. Toutefois, le lieu
de la vente est révélateur des objets mis aux enchères. En
effet, le linge ou les bestiaux sont vendus presque exclusivement en place
publique, tandis que les objets d'art sont proposés en salle des ventes.
Aucun document ne permet de connaître la date d'installation de la salle
des ventes de
34
Tours. Néanmoins, sa création est soumise
à l'autorisation du procureur du Roi près du tribunal
d'instance112. La salle des ventes tourangelle se situe au 3, rue de
la Harpe (aujourd'hui rue des Halles, ann. 3.1). Elle est partagée par
les trois études de commissaires-priseurs de la ville113. Si
la salle des ventes de Tours accueille les objets d'art des notables et des
collectionneurs tourangeaux, elle ne peut tenir la comparaison avec
l'hôtel des ventes de Paris. Anne Peltier remarque effectivement que les
tableaux à Tours ne dépassent que très rarement les 100
francs, et que les grandes ventes réalisant un montant supérieur
à 5 000 francs sont minoritaires114. De surcroit, le
goût des Tourangeaux semble se porter principalement sur la peinture
ancienne des écoles hollandaise et flamande. Bien qu'il en conserve
quelques exemples dans sa collection, La Combe s'oriente davantage vers l'art
vivant. Chez les commissaires-priseurs tourangeaux, La Combe a pu
compléter sa bibliothèque et meubler sa maison. Les bibliomanes
sont effectivement nombreux en Touraine. Ils représentent selon Martine
Augouvernaire près d'un cinquième des collectionneurs, soit 17%
des amateurs qu'elle a recensé dans le cadre de son étude sur les
collectionneurs tourangeaux115. Les meubles en acajou que La Combe
possède sont aussi assez proches de ceux recensés par Anne
Peltier116. Par ailleurs, c'est à Tours et non à Paris
que les héritiers de La Combe décident de vendre le mobilier.
Me Félix-Alexandre Duboz, qui a réalisé
l'inventaire après décès de La Combe, vend en plusieurs
sessions de novembre à décembre 1862, les meubles pour une somme
totale de 11 908,07 francs117. Vendre le mobilier à Paris
n'avait à l'évidence que peu d'intérêt, puisqu'il
correspondait finalement au marché tourangeau et que son transport
aurait entrainé des coûts importants au contraire de sa collection
d'art pour laquelle le marché parisien semblait plus pertinent.
La Combe a cependant acquis à Tours une partie des
oeuvres de sa collection, à l'exemple des cinq dessins et aquarelles de
l'artiste tourangeau, Gaëtan Cathelineau (1787-1859.) Après des
études à Paris sous la direction de David et des expositions au
Salon à partir de 1819, Cathelineau était revenu à Tours
en 1828, où il enseigna le dessin et la peinture de 1835 à
1848
112 PELTIER, Anne, op. cit, p. 65.
113 Annuaire historique, statistique et commercial du
département d'Indre et Loire 1831, Tours, Ad. Mame, 1831, Paris, BNF, 8
LC30-199, p. 178.
114 PELTIER, Anne, op. cit., p. 37.
115 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. p. 131.
116 PELTIER, Anne, op. cit. p. 73.
117 Double répertoire des actes reçus par Me
Félix Alexandre Duboz commissaire priseur à Tours, au cours de
l'année mil huit cent soixante deux, Tours, Archives
départementales d'Indre-et-Loire, série 8U154.
35
au Collège Royal. À Tours, Cathelineau
réalise nombre de portraits de notables comme en témoigne le
Portrait du docteur Louis-Eugène Giraudet (1827-1887) (fig. 2)
conservé au musée des Beaux-Arts de Tours. Cette pratique du
portrait bourgeois lui rapporte des commandes et un revenu régulier. Il
s'illustre par ailleurs dans les portraits des classes sociales les plus basses
comme en témoigne la Vieille paysanne, le Jeune
garçon vêtu de bleu, et les Petits orphelins
conservés dans la collection de La Combe118. Il est
probable que le colonel de La Combe ait acheté ses cinq oeuvres de
Cathelineau directement à Tours dans l'atelier de l'artiste. Il est en
effet aussi probable que Cathelineau et le colonel de La Combe se soient connus
à Tours, voire qu'ils aient entretenu une relation suivie. Cathelineau
est un acteur important des manifestation culturelles locales, à
l'instar de l'Exposition des produits des arts et de l'industrie de 1841, ou de
l'exposition de tableaux et objets d'art qui se tient dans l'église des
Minimes en 1847119. Par ailleurs, Cathelineau tout comme La Combe
est collectionneur, même s'il s'intéresse davantage aux
maîtres anciens et qu'il fait don de sa collection en 1858 au
musée des Beaux-Arts de Tours, à la différence du colonel
dont la collection est vendue aux enchères à sa mort.
Peut-être que le colonel de La Combe n'avait pas pris la
précaution de rédiger un testament à son
décès ? À l'évidence, ses héritiers
décident de vendre les biens de leur père pour combler les dettes
qu'il avait contracté comme semble l'indiquer l'inventaire après
décès120.
Parmi d'autres objets de sa collection, le colonel de La Combe
a très probablement acheté à Tours son Plat de
reptiles de Charles-Jean Avisseau (1796-1861)121. D'origine
tourangelle, Avisseau installe son propre atelier rue Saint-Maurice à
Tours en 1843 (aujourd'hui rue Lavoisier). Il reçoit malgré les
attaques parfois violentes des critiques, de très nombreuses commandes
de la part des habitants de la ville mais aussi des souverains
européens, à l'exemple de la princesse de Talleyrand (1762-1834)
qui lui passe la commande d'une large assiette pour le roi de Prusse,
Frédéric-Guillaume IV (1795-1861).
Les amateurs tourangeaux peuvent compter également sur
les quelques boutiques de marchands de couleurs, dont le plus connu est sans
conteste le bazar turonien tenu par Jacques
118 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 11.
119 MIOCHE, Laura, Gaëtan Cathelineau (1787-1859) :
Artiste, collectionneur et donateur tourangeau, mémoire de master
d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich,
Université François-Rabelais de Tours, 2010, p. 24.
120 Inventaire après décès des biens de
Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f 42-45.
121 Ibid., f 8.
36
Delahaye. Situé au 6, rue neuve Saint-Martin (ann. 3.1)
- aujourd'hui rue des Halles, le magasin est bâti sur les ruines de
l'ancienne abbaye de Saint-Martin démolie en 1797122. Le
bazar turonien mêle vente de fournitures pour les artistes et commerce de
« quelques centaines de tableaux qui se renouvellent fréquemment,
et parmi lesquels les amateurs sont toujours assurés d'y trouver des
maîtres des meilleures écoles ; une réunion
d'antiquités et de curiosités dans tous les genres, tels que
meubles de boule, sculptures en bois, marbres, bronzes, médailles,
toutes les productions des trois règnes de la nature, livres, manuscrits
et gravures »123. Le magasin semble aussi diversifier ses
activités, en proposant des ateliers pour les travaux de restauration,
dorures et sculptures sur marbre, en plus d'un théâtre pouvant
accueillir jusqu'à 250 spectateurs. La multiplicité des
activités de ce magasin s'inscrit dans le courant de diversification des
fonctions des marchands de couleurs qui résulte de l'abolition des
corporations en 1793. À l'exemple d'Alphonse Giroux (1776-1848) qui se
forme dans l'atelier de David, des individus ayant reçu une formation
artistique ouvrent des échoppes de fournitures pour les
peintres124. Plus que des marchands de couleurs, ils deviennent de
véritables galeristes avant l'heure qui développent le commerce
de l'art, mais aussi sa location. S'il ne semble pas fournir d'oeuvres à
la location, le bazar turonien apparaît néanmoins comme une
véritable institution culturelle de Tours, comme en témoigne les
quelques références dans la France
pittoresque125 ou dans la Suite aux lettres
vendéennes ou relation du voyage de S. A. R. Madame la Duchesse de Berry
: « S. A. R., accompagnée de M. Giraudeau, maire de la ville,
de MM. Bellanger-Cartau et Viot-Prudhomme, ses adjoints, et de plusieurs
membres du conseil municipal, est allée visiter le bazar Turonien.
Là, S. A. R. a tout examiné avec l'intérêt et
l'amour éclairé des arts qui la caractérise ; son
attention s'est surtout fixée sur les beaux tapis de la manufacture de
MM. Duboy-Bellanger » 126.
122 KILIAN, A.-J., Dictionnaire géographique
universel contenant la description de tous les lieux du globe
intéressants sous le rapport de la géographie physique et
politique, de l'histoire, de la statistique, du commerce, de l'industrie, etc,
t. X, Paris, A.-J. Kilian et Ch. Picquet éditeurs, 1833, p. 119.
123 Annuaire historique, statistique et commercial du
département d'Indre et Loire 1831, op. cit., p. 179.
124 ROTH-MEYER, Clothilde, « Le phénomène
de la location de tableaux par les marchands de couleurs parisiens au XIX
», Histoire de l'art, n°58, 2006, p. 58.
125 HUGO, Abel-Joseph, France pittoresque ou Description
pittoresque, topographique et statistique des départements et colonies
de la France..., t. II, Paris, Delloye, 1835, p. 103.
126 WALSH, Joseph-Alexis, Suite aux lettres
vendéennes ou relation du voyage de S. A. R. Madame Duchesse de Berry
dans la Touraine, l'Anjou, la Bretagne, la Vendée et le Midi de la
France, Paris, L. F. Hivert, 1829.
37
En connaissance de ces quelques exemples, le marché de
l'art tourangeau semble finalement insuffisant pour entreprendre une collection
aussi importante que celle du colonel de La Combe. De plus, la majorité
des objets vendus en cette ville ne correspondent vraisemblablement pas au
goût de ce collectionneur. Si La Combe trouve à Tours quelques
oeuvres auprès des artistes, des commissaires-priseurs et des marchands
de couleurs locaux, il est plus probable qu'il complète en
majorité sa collection lors de ses déplacements à
Paris.
B. Le nécessaire approvisionnement à Paris.
Distant de 205 kms à vol d'oiseau de Tours, Paris reste
relativement accessible pour le colonel de La Combe. Il peut effectuer ses
déplacements grâce à un service de diligences qui relie
quotidiennement les deux villes à raison de deux trajets par jour au
départ de Tours, tandis qu'au départ de Paris la liaison est
assurée une seule fois tous les deux jours127. En vue de
moderniser les transports, l'État finance l'ouverture d'une ligne de
chemins de fer entre Tours et Orléans à partir de 1830.
Après des tensions liées aux expropriations et un
désintérêt presque général de la part des
Tourangeaux, la ligne est inaugurée le 26 mars 1846.
L'embarcadère est construit en bordure des boulevards Heurteloup et
Béranger par la compagnie des chemins de fer d'Orléans. L'apport
de ce nouveau moyen de locomotion est bénéfique, puisque le temps
de déplacement entre Tours et Paris est largement réduit. Il
passe en effet de plusieurs jours à une moyenne contenue entre 6h40 et 8
heures128. De surcroît, la gare est facilement accessible pour
le colonel de La Combe. Elle se trouve à proximité de son
habitation.
Comme il le fait probablement à Tours,
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe complète sa collection en
recourant aux différents acteurs du marché de l'art : les
artistes, les marchands et les commissaires-priseurs. Les ateliers des artistes
sont effectivement une source importante d'approvisionnement pour La Combe,
puisqu'il peut y trouver des oeuvres inédites, qui ne sont encore jamais
passées sur le marché. C'est à l'évidence de cette
manière que le colonel de La Combe s'est procuré des esquisses et
dessins préparatoires des artistes contemporains. En effet, du vivant
des artistes ces croquis sont davantage perçus comme des outils de
travail que des oeuvres destinées à la vente. Il est possible de
citer entre autres la Portière dans sa loge lisant
127 Annuaire historique, statistique et commercial du
département d'Indre et Loire 1831, op. cit., p. 199.
128 LAURENCIN, Michel, op. cit., p. 235.
38
son journal de Canon129, la Tête
d'un vieux paysan de Charlet130 ou encore le Vieux premier
de Lalaisse131. Si La Combe a vraisemblablement acheté
dans les ateliers une partie de sa collection, aucune preuve d'achat ne peut
à ce jour corroborer cette hypothèse. Il est cependant possible
de constater que ce collectionneur reçoit des dons de ses amis artistes
à l'occasion de ses déplacements à Paris. Charlet est sans
nul doute celui qui a le plus donné au colonel de La Combe. Si le don du
Chasseur au Moyen-Âge a déjà été
cité précédemment, d'autres oeuvres sont offertes par
Charlet au colonel de La Combe. Artiste prolifique, Charlet semble se
désintéresser rapidement des oeuvres en cours d'exécution
pour se consacrer aux suivantes. C'est probablement ainsi qu'il donne plusieurs
oeuvres inachevées au colonel de La Combe, à l'instar de la
Voiture du cantinier qu'il lui offre en 1841 : « Tenez, me
dit-il, rendez-moi le service de me débarrasser de ceci. Vous le mettrez
dans un de vos cartons de rebut. C'eût été un dessin
d'artiste, si j'avais pu le terminer. Je vous le donne pour ces enfants et ces
arbres du fond » 132. La nonchalance de Charlet pour certaines
oeuvres non terminées semble profiter à la collection du colonel
de La Combe. En effet, La Combe à l'instar de la Voiture du
cantinier conserve quelques oeuvres préparatoires de l'artiste. Le
don de Charlet illustre également l'amitié des deux hommes.
S'il est un collectionneur de tableaux et de dessins, le
colonel de La Combe est avant tout un amateur d'estampes et
particulièrement de lithographies. Ce medium demande la participation
d'au moins deux individus : l'artiste et l'imprimeur. La Combe semble avoir
noué des liens avec les imprimeurs de Charlet, comme le rappelle
Philippe Burty dans le catalogue de la vente de La Combe : « Lié
personnellement, non-seulement, avec les artistes et les éditeurs, mais
encore avec les imprimeurs, Villain, Motte, Bry, etc., M. de La Combe a pu
recueillir de ces pièces qui, par un caprice du maître ou les
hasards du tirage, n'ont quelques fois qu'une épreuve
»133. Toutefois nous n'avons aucun exemple attesté de
ses achats ou « récupérations » chez les imprimeurs. Il
paraît probable pourtant qu'une partie des épreuves les plus
rares, puisqu'éditées avant la lettre et en petit nombre,
proviennent directement de cette source, à l'exemple des
Consignés prenant les armes. En effet, ces pièces n'ont
été tirées qu'en
129 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 11.
130 Ibid. p. 18.
131 Ibid. p. 24.
132 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 177.
133 BURTY, Philippe, op. cit., p. XII.
39
quelques épreuves d'essai selon La Combe dans sa
Description raisonnée de l'oeuvre lithographique de
Charlet134, et n'ont donc pas reçu une diffusion
importante chez les marchands.
Ne pouvant manifestement pas recueillir l'ensemble des
pièces de sa collection auprès des sources primaires - les
artistes et les imprimeurs -, La Combe a dû probablement se rendre
régulièrement chez les marchands et les galeristes parisiens. Les
boutiques d'objets d'art sont nombreuses et leur nombre ne fait
qu'accroître entre 1830 et 1860 comme le montre Nicholas Green en
s'appuyant sur l'Annuaire général du commerce : en 1821,
37 marchands sont répertoriés, alors qu'en 1850 ils sont
67135. En douze ans leur nombre a presque doublé, ce qui
explique que le marché de l'art soit en pleine expansion.
Installées dans les quartiers bourgeois de la capitale, les boutiques
ressemblent à celles de la rue Lafitte décrites par
Théophile Gautier en 1858136. Le colonel de La Combe a sans
doute fréquenté les magasins d'Alphonse Giroux, des frères
Susse, ou de Jean-Marie Fortuné Durand-Ruel (-1865). Ces marchands
s'intéressent en particulier à l'école française
contemporaine. Ils vendent ainsi des oeuvres de Nicolas-Toussaint Charlet et de
ses élèves, mais aussi d'Eugène Delacroix, Honoré
Daumier ou encore Antoine-Louis Barye. En sus, ils participent à la
diffusion des artistes étrangers, à l'exemple des aquarellistes
anglais comme Bonington. La maison Durand-Ruel s'intéresse très
tôt à ces artistes qui représentent une manne
financière importante, puisque leurs oeuvres se vendent facilement et
attirent un large public. En 1845, Durand-Ruel fait publier un Recueil des
spécimens les plus brillants de l'école moderne pour montrer
le dynamisme de son jeune commerce et confirmer sa
réputation137. Ainsi, nous retrouvons dans ce catalogue un
certain nombre des artistes de la collection de La Combe. Charlet est
représenté notamment par Le maître d'école,
Alexandre Gabriel Decamps (1806-1860) par les Mendiants, et Denis
Auguste Marie Raffet (1804-1860) par Napoléon en 1813. De
surcroît, ce recueil comporte des illustrations que l'on retrouve dans la
collection d'estampes du colonel de La Combe, à l'instar d'Hamlet
de Delacroix et de la Suissesse (fig. 3) de Léopold Robert
(1794-1835). Ainsi, il est
134 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 225.
135 GREEN, Nicholas, « Circuits of Production, Circuits
of Consumption: The Case of Mid-Nineteenth-Century French Art Dealing »,
Art Journal, vol. 48, n° 1, Nineteenth-Century French Art
Institutions, 1989, p. 30. Cette information est reprise dans MARTIN-FUGUIER,
Anne, La vie d'artiste au XIXe siècle, Paris, Louis Audibert,
2007, p. 173.
136 GAUTIER, Théophile, « La rue Laffitte »,
L'Artiste, 3 janvier 1858, p. 10.
137 Galerie Durand-Ruel, Spécimens les plus brillants
de l'école moderne, Paris, Imprimerie Paul Renouard, 1845.
40
fortement probable qu'il ait acquis une partie de sa
collection chez les marchands parisiens. Il serait donc intéressant de
vérifier si le nom de La Combe apparaît dans les registres et
livres de compte de ces marchands pour confirmer ou infirmer les
hypothèses que nous venons de proposer.
À Paris, le colonel de La Combe fréquente
manifestement l'hôtel des commissaires-priseurs, qui est implanté
en différentes localités au cours de la première
moitié du XIXe siècle. Les ventes aux enchères
se déroulent en l'hôtel Bullion de 1817 à 1832, puis de
1832 à 1854 dans un nouveau bâtiment construit à l'angle de
la rue de la Bourse et de la rue Notre-Dame-des-Victoires. L'hôtel des
ventes finit par investir sa localisation actuelle en 1852, en raison de
l'augmentation constante du public et de l'accroissement des
affaires138. La Compagnie des commissaires-priseurs réalise
en effet un capital de 16 millions de francs d'adjudication en
1853139. Il est pour les amateurs un pôle capital du
marché de l'art, puisqu'il brasse un flux considérable de
marchandises. À l'évidence, La Combe suit depuis Tours les ventes
parisiennes, grâce aux articles publiés dans la presse, et
notamment dans l'Artiste auquel il semble être l'un des plus
anciens abonnés comme l'indique Pierre Dax dans son article sur la vente
posthume de la collection de La Combe en 1863140. Il est probable
que le colonel de La Combe se rende à Paris pour les ventes importantes
dans lesquelles il peut compléter sa collection. Il achète par
exemple en décembre 1840 à la vente de dessins anciens et
modernes de la collection Poterlet, trois sépias de Delacroix
représentant l'histoire de Faust : Faust et Wagner devisant assis
dans la campagne, Le duel de Faust et de Valentin, et Marguerite
à l'église141. Le colonel de La Combe participe
également à la vente posthume de l'atelier de Charlet qui se
déroule à l'hôtel Drouot en quatre vacations les 30 et 31
mars et 1er et 2 avril 1846 sous la police de Me
Bonnefons de Lavialle (1806-) et Me Valéry Auguste Rollin
(1816)142. La Combe semble avoir joué à cette occasion
un rôle important pour faire monter les
138 ROUGE-DUCOS, Isabelle, op. cit. p. 49-50.
139 BURTY, Philippe, « L'hôtel des ventes et le
commerce des tableaux », Paris guide par les principaux
écrivains et artistes de la France, t. II, Paris, Librairie
internationale/ Bruxelles, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie éditeurs,
1867, p. 954.
140 DAX, Pierre, op. cit. p. 95.
141 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 19.
142 BONNEFONDS DE LAVIALLE, ROLLIN, Valéry Auguste
DEFER, Pierre, Catalogue des tableaux, esquisses peintes, dessins,
aquarelles croquis de M. Charlet, Paris, Imprimerie et lithographie de
Maulde et Renou, 1846.
41
enchères et défendre l'oeuvre de son ami
Charlet143. Il achète également plusieurs oeuvres
parmi lesquelles le Pont de pierre de Charlet pour la somme de 17
francs144, mais aussi des croquis aquarellés de Piotr
Michalowsky (1800-1855) pour 25 francs145. Francis Petit fait
référence dans le catalogue de vente de la collection de La Combe
de ces achats par le colonel à la vente de l'atelier de
Charlet146. D'autres oeuvres de la collection de La Combe
proviennent peut-être de cette vente à l'instar des Brigands
espagnols ou du Philosophe lisant. Toutefois, il n'est pas
possible de le confirmer avec certitude puisque le catalogue de 1846 ne livre
que des descriptions lacunaires. De surcroît, les titres de ces oeuvres
sont souvent génériques et leurs sujets sont fréquemment
traités par Charlet et ses élèves. En effet dans la
collection de La Combe deux aquarelles de Charlet sont intitulées La
drogue147.
Le colonel de La Combe enrichit nécessairement sa
collection à Paris. En effet, les moyens d'acquisitions sont plus
abondants, les flux plus importants et les opportunités plus
récurrentes qu'à Tours. Les ateliers des artistes et les
imprimeries sont des sources à ne pas négliger pour La Combe. Il
doit y trouver en effet des oeuvres inédites que les artistes
réservent à leurs meilleurs collectionneurs. Les marchands sont
nombreux et proposent quant à eux une large gamme de marchandises
susceptible de plaire au colonel. Enfin, chez les commissaires-priseurs, La
Combe peut trouver des oeuvres importantes au noble pedigree lorsqu'elles
proviennent de collections fameuses. Ses déplacements à Paris
sont pour lui l'occasion d'entretenir son réseau et sa
réputation. Il se lie ainsi avec d'autres collectionneurs de Charlet. Il
paraît probable que le colonel de La Combe ait effectué des
échanges, mais aucune preuve ne permet de corroborer cette
hypothèse. À la dispersion de sa collection en 1863, les
collectionneurs importants et les amis du colonel de La Combe semblent
cependant répondre présents. Cela confirme l'importance du
colonel de La Combe dans le domaine de la collection de l'art vivant.
143 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op.
cit., p. 41-42.
144 BONNEFONDS DE LAVIALLE, ROLLIN, Valéry Auguste,
DEFER, Pierre, op. cit., p. 13. Exemplaire consulté sur Gallica
:
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58428205.r=catalogue%20vente%20Charlet
, le 10/04/2016.
145 Ibid, p. 18.
146 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 17 et p. 25.
147 Ibid., p. 14.
42
C. La vente aux enchères de la collection de La
Combe, un événement pour les collectionneurs
« Il pourra vous arriver, si c'est le jour de vente et
surtout d'exposition réservée d'une galerie, d'un cabinet
célèbre, de coudoyer, comme à une première
représentation, l'élite de la société intelligente
de Paris : des ministres du dernier règne, des critiques d'art et de
théâtre, des financiers bilionnaires, des chanteurs en
disponibilité, des dames du meilleur monde et de l'autre aussi, des
marchands arrivés tout exprès de Londres, d'Amsterdam, de Vienne,
des amateurs à qui vous offririez une de vos vieilles redingotes et
possèdent pour un million de tableaux, des lords du Parlement et des
princes allemands médiatisés tout de frais, des membres de
l'Institut et des peintres de toutes écoles »148.
L'ambiance décrite par Philippe Burty dans son article
sur l'hôtel des ventes parisien semble pouvoir s'appliquer à la
vente de la collection du colonel de La Combe en 1863. Et pour cause, cette
dispersion est un événement pour le marché de l'art. En
effet, 1025 lots de tableaux, aquarelles, dessins, estampes et livres sont
proposés à cette vente qui se déroule sur cinq jours, du
lundi 2 au vendredi 6 février 1863, à l'hôtel Drouot.
La vente est confiée à des personnalités
dominantes du marché de l'art par les héritiers du colonel de La
Combe. Me Delbergue-Cormont « qui a une réputation de
probité »149 est missionné à partir du 23
juillet 1862150. Ce commissaire-priseur organise assez
régulièrement de prestigieuses ventes d'estampes, à
l'instar de la vente de la collection Parguez en 1861151.
L'arrangement du 31 janvier 1863 mentionne l'expertise de Francis Petit et
Louis Clément. Delbergue-Cormont s'entoure ainsi des meilleurs
spécialistes, ce qui confirme le prestige de la collection et la
qualité des oeuvres proposées à la vente. Le trio est
rejoint par Philippe Burty à qui le commissaire-priseur confie la
rédaction de la préface du catalogue de vente. Cet ouvrage
répertorie l'ensemble des oeuvres mises en vente. S'il renseigne les
collectionneurs, il a aussi pour fonction de faire la promotion de la vente. Il
est distribué en effet à l'occasion de l'exposition qui se
déroule le dimanche 1er février à l'hôtel
Drouot. Ami du colonel de La Combe, Burty est connu comme le spécialiste
du marché de l'art de l'époque. Sa présence ajoute
148 BURTY, Philippe, « L'hôtel des ventes et le
commerce des tableaux », op. cit., p. 954.
149 ROCHEFORT, Henri, op. cit., p. 14.
150 Vente de tableaux, aquarelles, litho à
l'hôtel après le décès de M le colonel de La Combe,
Minute de Me Delbergue-Cormont, Paris, Archives municipales, cote D60E311.
151 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIÈRES, Jean-Eugène, Collection Parguez, lithographies,
oeuvres complets de Géricault, Charlet, et H. Vernet, Paris,
Bonaventure et Ducessois, 1861.
43
à la forte médiatisation de la vente. En effet,
Burty tient depuis 1861 la Chronique des arts et de la curiosité
dans laquelle il publie et analyse les résultats des ventes, signe
de l'importance qu'elles ont pris sur le marché de l'art. À
l'évidence, c'est par lui que passe le battage médiatique fait
sur la collection de La Combe dans ce journal. Pendant deux semaines à
partir du 11 janvier 1863, la vente de la collection est en effet
annoncée dans les ventes à venir152. Cette publication
relativement précoce est le signe d'une vente remarquable. De
surcroît, Burty fait paraître le texte de la préface du
catalogue de vente dans le numéro du 25 janvier 1863153. La
promotion de la vente de La Combe passe également dans un quotidien non
spécialisé dans le domaine artistique. En effet, Burty relaie
dans la Presse le déroulement et les résultats des
oeuvres phares de la vente, tout en faisant la promotion des vacations à
venir.
La vacation d'hier, qui ne renfermait que des aquarelles, a
été plus brillante encore que la précédente. Les
deux vacations réunies ont produit au delà de 22 000 fr. Voici
quelques-uns des principaux prix atteints : Louis Canon, le curé de
Meudon, 110fr [É] Aujourd'hui, demain et après-demain, les
lithographies154.
La vente profite également d'une publicité
visuelle. Le commissaire-priseur fait en effet éditer des affiches pour
les placarder sur les portes de l'hôtel Drouot (fig. 4). Le nom de la
collection est indiqué par des caractères gras surlignés.
Les divers médiums réunis dans cette vente sont tous
mentionnés suivant l'ordre des vacations : tableaux et dessins modernes,
tableaux anciens, aquarelles, eaux-fortes, lithographies, oeuvre complet de
Charlet, livres à figures. Cette affiche semble insister sur la vente
des tableaux, des aquarelles puis des lithographies. Effectivement, les
caractères en gras accentuent leur visibilité. L'information
paraît suivre la hiérarchie des genres toujours
d'actualité, ainsi que l'intérêt et le goût des
collectionneurs. En sus, il faut noter que la vente de l'oeuvre de Charlet est
désignée, ce qui indique que la dispersion de cette partie de la
collection est l'une des forces et attractions de la vente.
La vente semble intéresser un large éventail de
collectionneurs. En effet, ils sont nombreux à faire le
déplacement depuis la province, à l'instar des notables
tourangeaux Alfred
152 [ANONYME], « Ventes prochaines », La
Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I, n°8, 11 janvier
1863, p. 80.
Ibid, 18 janvier 1863, p. 88.
153 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la collection de feu le colonel de la Combe de Tours
», op. cit., p. 93-95.
154 BURTY, Philippe, « Beaux-Arts », La Presse,
5 février 1863, p. 2.
44
et Paul Mame (1833-1903) ainsi que Charles de Langalerie
(1806-1870), grand collectionneur orléanais et directeur du musée
d'Orléans155. Les Mame achètent en plus du
Déluge de Géricault et de la Voiture du cantinier
de Charlet, les Deux convalescents pour 410 francs, et
L'autoportrait de Charlet dans son atelier (fig. 5) pour 82
francs156. Langalerie achète quant à lui pour sa
collection personnelle la Mort du cuirassier de Charlet (fig. 6) pour
520 francs157 et Napoléon en campagne aussi de
Charlet pour 500 francs158, dont une lithographie (fig. 7)
conservée au château de Malmaison semble donner l'illustration au
vu de la description proposée dans le catalogue de vente de la
collection de La Combe159.
Les experts de la vente achètent aussi. Philippe Burty
achète par exemple les Ânes sous le toit de Decamps pour
26,5 francs, la lithographie de deux prêtres causant dans un jardin
de Bonington pour 5,50 francs et des lithographies de Francia pour 3,50
francs160. Francis Petit acquiert par exemple Les petits
orphelins Cathelineau161. Quant à Louis Clément,
il est l'expert qui achète le plus d'oeuvres à cette vente. Il
acquiert notamment l'intégralité des eaux-fortes de Delacroix et
une grande partie des lithographies de ce même artiste162.
S'il est possible qu'ils achètent pour enrichir leurs propres
collections, il est également probable qu'ils acquièrent pour
revendre. En effet, nous n'avons pas retrouvé les oeuvres provenant de
la collection de La Combe achetées par Burty dans les multiples
catalogues de vente de sa collection.
Les artistes ayant partagé l'intimité du colonel
de La Combe assiste aussi à la vente. Bellangé achète la
Maîtresse d'école de Charlet pour 300 francs et un dessin
d'un officier supérieur également de Charlet pour 100 francs.
Pierre-Jules Mêne (1810-1879) fait quant à lui l'acquisition de la
copie de l'Entrée d'Adelphi (fig. 8) de Géricault par
Léon Cogniet (1794-
155 Catalogue des livres, tableaux, estampes, dessins,
tableaux et objets de curiosité composant la bibliothèque et le
cabinet de feu M. Charles de Langalerie, Orléans, Herluisson, 1870,
f 1.
156 Procès-verbal de la vente de La Combe, Paris, Archives
municipales, cote cote D60E311.
157 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 12. Exemplaire
de la BnF.
158 Procès-verbal de la vente de La Combe, op.
cit.
159 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 4.
160 Ibid., p. 83. Exemplaire de la BnF.
161 Procès-verbal de la vente de La Combe, op.
cit., f 13.
162 Ibid., f 20-21.
45
1880) pour 7 francs et le premier état du Combat du
Giaour et du Pacha (fig. 9) de Delacroix pour 50 francs163.
Signalant le caractère exceptionnel de la collection du
colonel de La Combe, Philippe Burty interpelle les institutions culturelles
dans sa préface du catalogue de vente. Il soumet à l'État
l'importance de la collection lithographique de Charlet, et l'incite à
l'acquérir. Il demande également au musée du Louvre de
prendre conscience de la qualité de certaines pièces.
Espérons que ce bel ensemble [lithographie de Charlet]
ne sera pas dispersé : l'expert, avant de le détailler, le mettra
sur table dans son entier, à un prix déterminé. Il n'est
pas de collection publique ou à l'étranger, qui ne doive tenir
à honneur de posséder l'oeuvre de Charlet, du colonel de La
Combe. Mais puisque nous venons de prononcer ce mot de « collection
nationale, » espérons aussi que le Louvre qui ne possède de
Charlet que des croquis insuffisants, voudra exposer dans ses galeries,
à côté des aquarelles de Géricault cette aquarelle
si noble et si touchante, la Mort du Cuirassier ou cet important
paysage, la Voiture du cantinier164.
Le souhait de Philippe Burty semble être à
moitié exaucé. L'ensemble lithographique de Charlet est acquis en
un lot par le collectionneur Lafaulotte pour la somme de 5 300
francs165. Une vingtaine d'années plus tard, l'oeuvre complet
de Charlet est revendu le 12 avril 1886 à l'hôtel Drouot, pour 3
350 francs166. Quelques lithographies ont cependant
été extraites à l'évidence de ce lot important
à en croire le catalogue de l'exposition Charlet aux origines de la
légende napoléonienne. En effet, Marianne Grivel fait
remarquer que quelques lithographies de la collection de la Combe entrent dans
les collections publiques par l'intermédiaire de certains amateurs.
Quelques jours après la vente, le 20 février 1863, Honoré
His de La Salle (1796-1878) fait don au cabinet des Estampes de la Forme
avant la lettre et du Général Bonaparte à cheval
de Charlet167. Muret donne aussi à
Bibliothèque nationale le 20 octobre 1865 le Portrait de Denon
fils (fig. 10) semblant provenir de la collection de La Combe. Si le
musée du Louvre et le cabinet des Estampes de la Bibliothèque
nationale ne réagissent pas à
163 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 82 et 87.
Exemplaire de la BnF
164 BURTY, Philippe, op. cit. p. X.
165 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°12, 8 février 1863, p. 117.
166 CHEVALLIER, Paul, BOUILLON, Jules, Catalogue des
estampes et livres dépendant de la collection Lafaulotte, Paris,
Imp. De l'Art E. Ménard et J. Augry, 1886, p. 4. Exemplaire du cabinet
des estampes de la BnF, numérisé sur Gallica :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1244088b/f4.item.r=Charlet.
167 GRIVEL, Marianne, « On demande en vain à la
Bibliothèque de la nation l'oeuvre de Charlet », in BOCHER,
Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT, Hélène (éd.), op.
cit., p. 133.
46
l'appel de Burty et n'enrichissent à cette occasion
leurs collections que grâce aux dons des amateurs, le musée des
Beaux-Arts d'Orléans achète quant à lui le Christ en
croix d'après Rubens de Cathelineau pour la somme de 60
francs168.
La vente de la collection du colonel de La Combe
apparaît donc comme un événement important pour le
marché de l'art en 1863. Un public nombreux se déplace pour y
assister. Les amateurs y voient notamment l'occasion de compléter leur
collection, tandis que les artistes semblent présents pour rendre un
dernier hommage et emporter un souvenir de leur ami le colonel de La Combe et
du cercle d'amis auquel il appartenait. La vente n'aurait à
l'évidence pas eu le même retentissement si elle s'était
effectuée à Tours. Les moyens de communication mis en place
témoignent du caractère exceptionnel de la vente et des enjeux
financiers qui reposent sur elle. L'ensemble des vacations de cette vente
réalise un produit de 40 237 francs, soit quatre fois la somme de la
vente du mobilier vendu à Tours en novembre et décembre 1859.
Complétée à la marge à Tours, principalement
à Paris, conservée à Tours, vendue à Paris, la
collection du colonel de La Combe s'inscrit finalement dans un rapport de
déséquilibre et de complémentarité entre une ville
de province française et la capitale, que nous proposions de
présenter en début de ce chapitre.
168 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°14, 22 février 1863, p.131
47
Chapitre deuxième : La collection de La Combe,
un ensemble inédit de la production de l'école de
romantique.
I. Quelles orientations Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe a t-il donné pour la constitution de sa collection ?
A. Présentation de la collection du colonel de La
Combe.
Riche de plus de mille oeuvres, la collection de La Combe est
à l'évidence un ensemble rare et peu ordinaire qui mérite
d'être étudiée. En effet, peu de collectionneurs
réunissent alors autant d'oeuvres d'art et surtout autant de
pièces de qualité. Nous avons déjà
évoqué au cours du chapitre précédent, cette
collection de tableaux, dessins, estampes, livres, instruments et partitions de
musique. À partir du catalogue de vente et de l'inventaire après
décès, nous nous emploierons dans cette partie à
présenter la collection de manière plus précise, pour
tenter de discerner les goûts et motivations du colonel de La Combe, sans
pour autant entrer dans une lecture psychologique du personnage.
À partir du catalogue de vente, nous avons
constitué une base de données recensant l'ensemble des tableaux
et oeuvres sur papier de la collection de La Combe vendues aux enchères
en 1863. Faute de temps, il n'a pas été possible de recenser les
estampes de la même manière. Cette base de données est
complétée des oeuvres mentionnées dans l'inventaire
après décès non vendues à l'hôtel Drouot. Il
est possible que ces oeuvres aient été partagées entre les
héritiers, ou qu'elles aient été vendues à Tours en
1862. Nous ne pouvons confirmer cette hypothèse, puisque nous n'avons
pas retrouvé le procès-verbal de cette vente, mais seulement le
double de répertoire de Me Félix-Alexandre Duboz. La
base de données recense environ 214 tableaux et dessins. Il n'est pas
possible d'affiner davantage ce chiffre, puisque quelques numéros de la
vente sont des lots comprenant plusieurs objets. De surcroît,
l'inventaire après décès livre en majorité des
descriptions génériques qui ne permettent pas dans bien des cas
d'identifier précisément les oeuvres. Enfin, il peut y avoir dans
d'autres circonstances des erreurs d'appréciation entre le
commissaire-priseur tourangeau et les experts parisiens, à l'exemple du
Portrait de Benjamin Franklin. Ce dernier est identifié par
Me Duboz comme une copie d'après le Portrait de
Franklin (fig. 11) réalisé par Jean-Baptiste Greuze
(1725-1805) en
48
1776169. Francis Petit est quant à lui moins
précis en l'associant seulement à l'école française
sans même mentionner la datation170. À partir de cette
base de données, nous nous sommes efforcés de traiter - à
des échelles relativement simples - ces données sérielles.
Nous avons ainsi constitué des tableaux de pourcentage sur les
différentes périodes de création, la répartition du
nombre d'oeuvres par artiste, sur les différents médiums
conservés dans la collection, les différentes techniques
artistiques et sur les genres, qui offre matière à
réflexion. Ces tableaux seront mis à profit dans le
développement de cette partie.
Comme nous l'avons déjà présenté,
le colonel de La Combe porte un intérêt particulier à l'art
contemporain. La moyenne des années de naissance de tous les artistes de
la collection de La Combe, peintre dessinateur et graveur, se situe autour de
1774 tandis que la moyenne des décès intervient en 1840.
Néanmoins, ces chiffres ne sont pas parlants pour montrer la part
importante des artistes de la génération romantique. En effet,
ces moyennes prennent en compte les artistes des écoles anciennes
à l'instar Hendrik Goovaerts (1669-1720) ou Jakob Philip Loutherbourg
(1698-1768), ce qui influence considérablement les chiffres. Nous nous
sommes donc employés à réaliser des intervalles de
naissance (fig. 12). Sur les 110 artistes dont nous avons retrouvés
toutes les informations (130 recensés), 11 sont nés avant 1700, 5
entre 1700 et 1750, 12 entre 1750 et 1755, 39 entre 1775 et 1800, 41 entre 1800
et 1815 et 2 après 1815. Ainsi, la plus forte moyenne des naissances se
situe entre les années 1800 et 1815 (37,2%). Cet intervalle comprend
notamment la naissance d'Hyppolite Bellangé en 1804. Cette
première échelle est suivie de très près par
l'intervalle 1775-1800 (35,4%), qui inclut par exemple la naissance
d'Eugène Delacroix en 1798. Ensuite l'intervalle des naissances entre
1750 et 1775 comprend 11% des effectifs des artistes de la collection du
colonel de La Combe. Les artistes nés avant 1700 représentent 10%
des effectifs, tandis que ceux nés après 1815 ne
représentent que 1,8% de l'effectif total. Ces pourcentages confirment
ainsi que le colonel de La Combe collectionne principalement les oeuvres des
artistes de sa génération, comme Charlet.
Le colonel de La Combe semble s'intéresser
particulièrement aux artistes de l'école française (tab.
2). Pour la seule collection de peintures et de dessins, 193 oeuvres
proviennent de l'école française sur les 214
répertoriés. Ainsi, les oeuvres françaises
représentent près de 90% de l'effectif total. Elles sont suivies
de très loin par les oeuvres des écoles flamandes
169 Inventaire après décès de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit, f29.
170 PETIT, Francis, op. cit, p. 2.
49
(6,54%), puis italiennes (1,4%), anglaises (0,9%) et allemande
(0,46%) qui toutes pièces anciennes. Faute d'informations biographiques,
il reste toutefois un artiste - Ulrich - qui ne rentre dans aucune
école. De surcroît, cette répartition des artistes dans des
écoles n'est pas forcément facile à définir, en
conséquence des parcours personnels et des transferts artistiques. Pour
exemple Michalowsky est d'origine polonaise mais s'est formé en France
dans l'atelier de Charlet, avant de revenir en Pologne produire la
majorité de son oeuvre. Nous avons néanmoins décidé
de l'inscrire dans l'école française en connaissance de sa
formation dans l'atelier de Charlet. De surcroît, il a manifestement
réalisé en France les oeuvres conservées dans la
collection de La Combe. Au vu de ces résultats, il semble que les
oeuvres des écoles étrangères soient des oeuvres
anciennes, tandis que les oeuvres de l'école françaises soient
presque exclusivement des pièces réalisées par des
artistes vivants.
Sur l'ensemble des artistes français de la collection
de La Combe, Charlet est à l'évidence l'artiste le plus
représenté (tab. 3). En effet, le colonel de La Combe
possède l'oeuvre lithographique complet de Charlet, tandis qu'il ne
conserve de certains artistes comme Narcisse Virgile Diaz de la Peña
(1807-1876), seulement quelques estampes. Charlet est aussi pour la collection
de peintures et de dessins l'artiste le plus présent. La Combe conserve
71 tableaux et dessins de son ami, à l'instar du Donneur d'eau
bénite (fig. 13) aujourd'hui conservé au musée des
Beaux-Arts de Lille depuis son legs par Mme Rouze-Desoblains en
1909171. Charlet est suivi des ses élèves Canon et
Lalaisse. Ensuite, le colonel de La Combe ne possède que quelques
oeuvres de chaque artiste, à l'instar de Louis Boulanger (1806-1867)
dont il conserve une aquarelle intitulée La chasse à
l'ours.
La collection du colonel de La Combe est composée
principalement d'estampes. En prenant pour support le catalogue de vente, nous
avons déduit que 78% des lots mis en vente en 1863 sont des estampes,
contre 22% de tableaux et d'oeuvres sur papier. Faute de temps et au vu d'un
corpus trop important, nous n'avons pas fait de distinction entre les
différentes techniques d'estampes, comme les eaux-fortes, les
lithographies ou encore les aquatintes. De surcroît, il n'aurait pas
forcément été opportun de réaliser cette
distinction, puisque le colonel de La Combe semble s'intéresser
majoritairement à la lithographie plus qu'à toutes autres
techniques d'estampes. Nous pouvons observer également une grande
disproportion entre le nombre d'oeuvres sur papier et de tableaux (tab. 4). Sur
les 214 oeuvres peintes et dessinées, La
171 Base Joconde,
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde
fr consulté le 24/05/2016.
50
Combe ne possède que 39 tableaux (18,2%), alors qu'il
détient au moins 175 oeuvres sur papier, qui représentent 81,7 %
de cette partie de la collection. Le coût plus important des tableaux et
leur accrochage explique sans doute qu'ils soient moins nombreux dans la
collection du colonel de La Combe. Les oeuvres sur papier comprennent diverses
techniques (tab. 5) dont le colonel de La Combe semble privilégier les
techniques humides à l'instar de l'aquarelle et de la plume. Les
techniques humiques représentent 67% de la collection d'oeuvres sur
papier contre 33% de techniques sèches. Les aquarelles sont les oeuvres
sur papier les plus collectionnées par le colonel de La Combe. Il en
possède 98, ce qui représente 56% des oeuvres dessinées de
cette collection. Il possède aussi une collection importante de
sépias, qui représente 34% des oeuvres sur papier. Il
détient par exemple des sépias illustrant l'Histoire de Faust
de Delacroix172, une sépia représentant des
Membres de chevaux Géricault173, ou encore
représentant des Chevaux de halage de Lalaisse174.
Il semble aussi porter de l'intérêt aux dessins à la plume,
dont il possède une Étude de tête de
David175, ou encore une série de croquis par Charlet et
Canon.
Le catalogue de vente permet aussi d'appréhender les
oeuvres par les courtes descriptions qui y sont proposées, bien qu'une
partie considérable des objets n'ait pas été
retrouvée. Nous avons donc essayé de comprendre les goûts
du colonel de La Combe en nous efforçant de quantifier l'ensemble des
genres des tableaux et des dessins. Pour cela, nous avons réalisé
un tableau dans lequel les différents genres sont recensés (tab.
6) : historique, religieux, portrait, genre, paysage, animalier, nature-morte.
Nous avons aussi ajouté une cellule pour les oeuvres dont les sujets ne
peuvent être définis, comme les Divers croquis de Charles
Le Courtois176. Il semblerait que La Combe porte un
intérêt particulier aux scènes de genre. Elles
représenteraient 45% de la collection de peintures et d'oeuvres sur
papier. Néanmoins, il faut émettre quelques réserves quant
au résultat de ce tableau. Il pose des questions de classification en
catégorie. Il est en effet bien difficile à partir de certains
titres de définir le genre auxquels les oeuvres appartiennent, à
l'instar du Vieux amateur de Canon177, qui peut appartenir
soit au genre du portait, soit à la peinture de genre si le personnage
est placé dans une scène. Pour notre part,
172 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 19-20.
173 Ibid., p. 20.
174 Ibid., p. 22-24.
175 Ibid., p. 3.
176 Ibid., p. 24.
177 Ibid., p. 10.
51
nous avons décidé de l'inscrire dans la seconde
proposition. Il semblerait ensuite que le colonel de La Combe collectionne
suivant cet ordre : les paysages (10,8%), les représentations militaires
(10,7%), les portraits (9,4%), les scènes religieuses (5,6%), les
scènes historiques (5,1%) et les représentations
animalières (5,1%). En ce sens, ce collectionneur semble suivre la
production contemporaine, qui se tourne davantage vers les
représentations de genre que les grandes compositions historiques qui
ont marqué la Révolution puis l'Empire.
Le catalogue de vente ne mentionne aucune sculpture alors que
le colonel de La Combe possède quatre bronzes de Mêne, l'un des
grands sculpteurs animaliers de la seconde moitié du XIXe
siècle. Ces statuettes représentent une biche couchée
(fig. 14), deux levrettes, une jument et un poulain, ainsi qu'un groupe de
plusieurs gibiers178. Ces pièces sont alors très
à la mode et sont tirées en de nombreux exemplaires à
l'instar des estampes. Les éditions à petits tirages et les
premières épreuves d'un moule sont à l'évidence de
meilleure qualité que celle fondue avec un moule usé. Les
exemplaires de la collection du colonel de La Combe sont à
l'évidence des premières épreuves, comme peut le faire
penser le témoignage de Philippe Burty : « Mêne lui envoyait
ses plus jolis bronzes et les signait au burin : Au colonel de La Combe
Mêne son élève »179.
Au travers des données sérielles
référencées dans notre base de données, nous avons
pu étudier la collection du colonel de La Combe dans sa globalité
et de manière quantitative. Ainsi, nous avons pu mettre en
lumière certains aspects caractéristiques de cette collection,
à commencer par le nombre important d'oeuvres d'artistes de
l'école française. Si dorénavant, les goûts du
colonel de La Combe nous sont plus familiers, il serait intéressant de
connaître sa façon d'habiter pour appréhender sa relation
avec sa collection.
B. Organisation, agencement et sens de la collection dans
la demeure du colonel de La Combe.
Consistant en l'acquisition de nouveaux objets, le
collectionnisme est aussi une activité de perpétuel classement
qui se déroule en la demeure du collectionneur. Bien que privée,
la maison est le cadre privilégié de l'amateur pour y exposer sa
collection. À l'évidence l'accrochage ne tient pas du hasard,
puisqu'il distingue les parties publiques des parties privées
178 Inventaire après décès de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op.cit. f 7.
179 BURTY, Phlippe, « Préface », in PETIT,
Francis, op. cit., p. VIII-IX.
52
de la maison. Dans ce sens le collectionneur adapte
l'accrochage des oeuvres en fonction des pièces de la maison. Nous nous
intéresserons dans cette partie à la vie du colonel de La Combe
dans son intérieur, et plus particulièrement à
l'organisation de sa collection dans les différentes pièces de la
maison. Nous pourrons de cette manière proposer un sens à
l'accrochage et à la répartition des oeuvres dans sa demeure.
Pour ce faire, nous nous appuierons sur l'inventaire après
décès, qui se présente comme la source la plus
révélatrice de l'intimité de ce collectionneur.
La maison des La Combe semble correspondre au statut social de
ses habitants. Bien située dans la ville, cette demeure est un cadre
agréable pour abriter la collection du colonel de La Combe. En effet, La
Combe ne semble pas manquer de place pour exposer son importante collection.
Outre les pièces réservées aux domestiques, au service et
à l'hygiène ; le cellier, la cuisine, les deux chambres de la
mansarde, la cave, et le cabinet de toilette ; la demeure du colonel de La
Combe se prête aisément à la mise en scène de sa
collection.
Une première partie de sa collection est exposée
dans les pièces de sociabilité, qui sont de toute évidence
particulièrement adaptées à recevoir une collection
d'oeuvres d'art. Le salon et la salle à manger sont en effet des
pièces de réception pour le colonel de La Combe. C'est dans ce
cadre bourgeois qu'il reçoit ses convives. Le salon est meublé de
onze fauteuils, sièges et méridiennes, ainsi que de
guéridons et tables de milieu, qui permettent de réunir une
petite assemblée. Cet ensemble apparaît néanmoins
hétéroclite, puisqu'il mêle les styles et les
époques. Un fauteuil de forme gothique côtoie un fauteuil Voltaire
ou une chaise gondole caractéristique du style Empire. Quant à la
salle à manger, tout semble être organisé autour de la
table en acajou et des huit chaises en palissandre. Dans son salon, La Combe
présente dix tableaux, dont une majeure partie de sa collection de
peinture ancienne. Les tableaux anciens s'appréhendent finalement comme
des éléments conventionnels d'un intérieur bourgeois ou
aristocratique. Si le foyer des La Combe est socialement composite Ð
Mathilde de Mons d'Orbigny est à l'évidence
héritière d'une famille nobiliaire plus ancienne Ð il semble
que les traditions de représentation soient préservées et
qu'elles côtoient des pratiques plus bourgeoises.
Ce sont essentiellement des tableaux de genre qui sont
exposés dans le salon. Nous y retrouvons en effet des
représentations de joueurs de cartes, ou de scènes de
pêche180. Ainsi, La
180 Inventaire après décès des biens de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f27.
53
Combe propose à ses visiteurs des
représentations plaisantes, qui s'inscrivent dans la tradition picturale
des XVIIe siècles français et flamand. Il semble ainsi
témoigner d'un goût relativement bourgeois. Outre les deux
paysages de Loutherbourg et Balthazar Paul Ommeganck (17551826), La Combe
présente également trois oeuvres de Charlet181. Il est
le seul artiste du XIXe siècle dont les oeuvres soient
accrochées dans cette pièce. De Charlet, le colonel de La Combe
expose une scène de genre ; Les brigands espagnols, une
représentation militaire ; La marche des cuirassiers, et un
portrait, Napoléon Ier à cheval (fig. 7). Au
travers de ces trois oeuvres, La Combe semble résumer la carrière
de l'artiste. L'atmosphère bourgeoise du salon est renforcée par
la présence des statuettes de Mêne, très
appréciées pour leur qualité
décorative182. Enfin, le salon paraît abriter une
collection de porcelaine de Saxe, de Sèvres et de Chine183.
Aucun document ne fait référence à cette collection de
porcelaine hormis l'inventaire après décès (ann. 1.2.2).
Peut-être est-elle la propriété et le loisir de
l'épouse du colonel de La Combe ? Nous ne pouvons pas le confirmer. Cela
étant, la famille de La Combe a pu fréquenter Charles Gabriel
Roux, propriétaire demeurant au 15, place de l'Archevêché
(ann. 3.1), et collectionneur important de céramique à Tours
ainsi qu'avocat de Victor Christophe Le Blanc de La Combe pour la succession de
ses parents. L'intérêt pour la céramique de ce membre de la
société archéologique de Touraine184, nous est
fourni par le mémoire d'Anne Peltier, qui relate la vente de cette
collection à Tours, le 31 mars 1869185.
Pour ses visiteurs les plus intimes, le colonel de La Combe
met à disposition une chambre d'amis. Cette pièce qui se trouve
à l'ouest de la maison dispose d'un mobilier relativement simple. En
effet, l'estimation totale du mobilier de cette pièce est de 459 francs.
Il semble que le colonel de La Combe et son épouse n'exposent pas au
hasard les oeuvres accrochées dans cette pièce. À
l'exception d'une collection de dix médaillons représentants des
Césars et deux tableaux d'histoires de l'école d'Antoine Coypel
(1661-1722) figurant pour l'un la charité romaine et pour l'autre Arria
et Paetus, l'ensemble des oeuvres illustrent des sujets religieux : le jugement
de Salomon, les trois croix, un supplice, un portrait de la Vierge, et saint
Georges terrassant le dragon, ce dernier traité en émaux
limousins par l'un des artistes de la dynastie des
181 Ibid., f 27.
182 Ibid., f 7.
183 Ibid., f 7-9.
184 Mémoire de la société
archéologique de Touraine, t. VII, 1855, p. 6.
185 PELTIER, Anne, op. cit., p. 52.
54
Laudin186. Il est probable que les hôtes au
travers de cette réunion d'objets d'art cherchent à mettre en
scène leur hospitalité. Les deux tableaux d'histoire renforcent
de surcroît le caractère édifiant de l'ensemble. Si la
représentation du suicide d'Arria sauvant son époux Paestus est
un symbole de courage, la Charité romaine est aussi une
illustration d'une scène exemplaire de l'antiquité. Elle est
relatée par Pline l'Ancien (23-79) ou encore Valère Maxime.
Emprisonné, Cimon, le père de Péro, est condamné
à mourir de faim. Néanmoins, il reçoit la visite de sa
fille, qui pour l'empêcher de mourir le nourrit de son sein. Sous la
forme d'une métaphore, le colonel de La Combe illustre son
hospitalité. Il emploie donc à dessein sa collection pour
signifier à ses convives les fonctions des pièces publiques de sa
demeure.
Les pièces accueillant les visiteurs comportent
finalement un nombre assez limité d'oeuvres d'art en comparaison des
pièces privées. Ainsi, La Combe semble réserver sa
collection aux pièces de la maison qui lui sont les plus personnelles.
Sa chambre et son cabinet abritent en effet près de 97% de la
collection187. Ce chiffre exceptionnellement élevé est
donné par l'inventaire après décès (ann. 1.2.2). Le
colonel de La Combe conserve dans sa chambre la totalité de sa
collection d'estampes et de lithographies. Néanmoins, pour des raisons
évidentes de place et de conservation, ces oeuvres ne sont pas
encadrées, ni même exposées d'une quelconque
manière. Les gravures sont rangées dans des portefeuilles et des
cartons contenant jusqu'à 94 estampes188. La chambre semble
aussi être la pièce réservée à la collection
d'oeuvres sur papier. Malgré les problèmes de conservation
qu'entraine une exposition des dessins à la lumière, il semble
que ces derniers soient plutôt accrochés que déposés
dans des portefeuilles. Effectivement, Me Lebaron, le notaire de la
succession, signale l'ouverture de meubles, quand des dessins y sont
conservés. En conservant ses estampes et ses dessins dans sa chambre, le
colonel de La Combe présente des analogies avec les collectionneurs
tourangeaux de la fin du XVIIIe siècle, qui réunissent
également dans leurs chambres et cabinets leurs collections d'arts
graphiques189. Les collectionneurs semblent plus proches de leurs
estampes qu'ils ne le sont de leurs tableaux.
186 Inventaire après décès des biens de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 29-30.
187 Ce pourcentage a été obtenu par l'addition
de toutes les oeuvres se trouvant dans le salon et la chambre d'amis (28), que
nous avons divisé par 1007, le numéro du dernier lot d'oeuvres
d'art de la vente de la collection de La Combe.
188 Inventaire après décès de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 32.
189 DIDELOT, Emmanuelle, Les petites heures d'un
marché de l'art dans une ville de province à la fin du XVIIIe
siècle : vendeurs d'objets de collection, amateurs d'art et
collectionneurs à Tours sous le règne de Louis XVI :
55
Dans ces pièces plus intimes, le colonel de La Combe
confronte les époques et particulièrement dans son cabinet de
travail, où il partage à part égale les tableaux anciens
et contemporains. Cette pièce comporte en effet quatorze tableaux, dont
sept oeuvres anciennes et sept contemporaines. Il expose uniquement dans cette
pièce des oeuvres de genre et des scènes religieuses, à
l'instar de La tentation de Saint-Antoine de Juhel190, dont
Charlet semblait apprécier particulièrement la
composition191. Le colonel de La Combe réunit principalement
dans sa chambre des tableaux de genres, qui sont pour la plupart des oeuvres de
Charlet. Onze oeuvres sur les trente conservées dans cette pièce
sont effectivement de l'artiste. Se présentant comme la pièce la
plus intime de la maison, la chambre est évidemment destinée
à accueillir les oeuvres de Charlet, qui arborent un registre plus
populaires. Manifestement, elles n'ont pas la même portée
symbolique que les oeuvres anciennes exposée dans le salon, ou les
tableaux d'histoires accrochés dans la chambre d'amis. C'est à
l'évidence pour des questions de convenance que La Combe réserve
à sa chambre les tableaux de Charlet.
Manifestement le colonel de La Combe adapte l'accrochage de sa
collection à la destination des pièces de sa maison. Dans les
pièces de sociabilité, hormis le Portrait de Napoléon
à cheval (fig.7) par Charlet avec lequel il paraît
évoquer son affection à l'Empereur, il fond dans un décor
bourgeois des oeuvres de genre et de paysage, qui n'ont que peu de valeur
symbolique si ce n'est être agréable à ses visiteurs. Il
présente alors un goût conventionnel en rapport avec son entourage
tourangeau et son statut de notable. La Combe n'affiche finalement aucune
prédilection pour une esthétique particulière dans ces
pièces de représentation. Néanmoins, il semble adapter
l'accrochage de ses oeuvres en fonction des pièces de la maison. Il
présente en effet dans la chambre d'amis, qu'il destine à ses
visiteurs les plus intimes, des oeuvres à sujets religieux et historique
illustrant son caractère vertueux et son hospitalité. Le colonel
de La Combe réserve presque entièrement sa collection à sa
chambre et son cabinet, ce qui fait dire à Philippe Burty que «
l'un des charmes de ce cabinet, c'était qu'au-dessus du carton qui
renfermait l'oeuvre gravé à l'eau-forte ou lithographié
d'un maître, était accroché au mur quelqu'une de ses
peintures ou quelqu'un de ses dessins »192. Conservant
l'essentiel de sa
1774-1792, mémoire de master, sous la
direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de
Tours, 2007, p. 120.
190 Inventaire après décès des biens de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 28.
191 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 30.
192 BURTY, Philippe, op. cit, p. X-XI.
56
collection de tableaux et de dessins et la totalité de
sa collection d'estampes dans ces deux pièces, le colonel de La Combe
semble apprécier l'intimité d'un cabinet d'amateur dans lequel il
se réverse le droit de classer, ranger et accrocher les oeuvres qui
composent son micro musée de l'art vivant.
II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, un amateur de
l'estampe contemporaine.
A. Une collection représentative de la production de
l'estampe artistique au XIXe siècle.
Le mot « estampe » a un sens générique
qui désigne toute reproduction d'une image sur papier.
Étymologiquement, l'estampe implique l'idée de reproduction par
pression d'une matrice sur une feuille quelle que soit la technique
employée, gravure en creux, lithographie ou
sérigraphie193.
Si Joseph-Félix Le Blanc de La Combe collectionne
toutes les formes d'estampes, c'est principalement les lithographies qui
semblent retenir son attention au vu de leur nombre important. Après
avoir rappelé brièvement l'origine de cette technique d'estampe
et présenté comment elle devient de plein droit un médium
artistique, nous nous focaliserons sur quelques exemples de lithographie de la
collection de La Combe. Nous nous emploierons ainsi à montrer comment
cette collection est représentative de la production lithographique de
la première moitié du XIXe siècle.
Le passage entre le XVIIIe et le XIXe
siècle se présente comme une période charnière pour
la production de l'estampe en France. L'invention de la lithographie en 1796
est décisive, bien que les premiers essais du munichois AloØs
Senefelder (1771-1834) n'aient aucune vocation artistique. Auteur dramaturge,
Senefelder cherche un moyen peu coûteux pour imprimer et diffuser sans
intermédiaire ses propres écrits. Si la légende veut que
la découverte se soit opérée à la suite d'une
reproduction involontaire d'une note de blanchisserie sur une pierre
calcaire194, l'exécution, bien qu'un peu plus
délicate, est somme toute relativement simple. La création d'une
lithographie ne demande que trois étapes. D'abord l'auteur dessine
à l'encre grasse sur une pierre calcaire parfaitement lisse. Il la
plonge ensuite dans un bain d'acide pour fixer le dessin. Enfin, il ne lui
reste qu'à encrer la planche pour imprimer la composition.
193 BEDEL, Jean, Dictionnaire des antiquités,
Paris, Larousse, 1999, p. 238.
194 ROGER-MARX, Claude, La Gravure originale au
XIXe siècle, Paris, Éditons Aimery Somogy, 1962,
p. 37.
57
Cette nouvelle technique ne tarde pas à s'implanter en
France, mais connaît un début difficile. Ayant l'ambition de faire
commerce de ce nouveau moyen d'impression, Friedrich André, l'un des
associés de Senefelder installe en 1802 à Paris une imprimerie
lithographique. Si cette première tentative ne remporte pas
l'adhésion du public, elle a toutefois réussi à susciter
de l'intérêt et des vocations chez quelques protagonistes. En
1804, Pierre-Nolasque Bergeret (1782-1863) établit à Paris la
première imprimerie lithographique française qui ferme cependant
rapidement ses portes à cause du peu d'intérêt des
amateurs195. Le général Louis-François Lejeune
(1775-1848) conseille à Napoléon de participer au
développement de la lithographie. Lejeune se rend dans l'atelier de
Senefelder en 1806, à l'instar des imprimeurs français Charles
Philibert de Lasteyrie (1759-1748), François Séraphin Delpech
(1778-1825) et Godefroy Engelmann (1788-1839). À la chute de l'Empire,
ce trio installe presque simultanément en 1815 des imprimeries
lithographiques à Paris. Ils participent à la
démocratisation du procédé, mais surtout invitent les
artistes à s'intéresser davantage à la lithographie. Par
la possibilité de diffusion offerte par les imprimeurs et les
éditeurs ainsi que par l'enthousiasme des artistes, la lithographie
devient un médium artistique, qui tend à se développer en
cette première moitié du XIXe siècle.
L'année 1815 peut être considérée comme
l'avènement de la lithographie d'art.
À partir de l'intérêt des artistes
peintres, la lithographie s'envisage comme un médium artistique et non
plus seulement comme un moyen de reproduction économique. De
surcroît, les lithographies de reproduction ne doivent pas être
perçues comme des copies formelles, mais bien comme des oeuvres de
réinterprétation dont le colonel de La Combe extrait quelques
pièces à la fin des numéros de l'Artiste, comme
son épreuve de Delacroix représentant un jeune tigre jouant avec
sa mère196. Il arrive par ailleurs, que les artistes
réinterprètent eux-mêmes les oeuvres qu'ils ont
déjà réalisées, à l'instar de
Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), qui revoit en 1825 (fig. 15) la
composition de sa Grande Odalisque, réalisée en 1814 et
présentée au Salon en 1819. Il modifie ici quelque peu la
composition en remplaçant le fond sombre par des cousins à motifs
floraux. La Grande Odalisque semble l'influencer durablement durant sa
carrière, puisqu'il la traite une nouvelle fois en grisaille entre 1824
et 1834197.
195 DELTEIL, LoØs, Manuel de l'amateur d'estampes des
XIXe et XXe siècles, Paris,
Dorbon-Ainé, 1925.
196 PETIT, Francis, op. cit., p. 90.
197 Jean-Auguste Dominique Ingres, La Grande Odalisque,
grisaille, 1824-1834, huile sur toile, New-York, Metropolitan Museum of
Art.
58
L'atelier d'Antoine-Jean Gros est un foyer effervescent de la
génération romantique. Une partie des élèves
fréquentant son atelier font émerger la technique de la
lithographie. Le maître d'ailleurs ne s'y montre pas insensible, en
livrant deux épreuves orientalistes ; Un chef mamelouk à
cheval et l'Arabe dans le désert (fig. 16), que le colonel
de La Combe possède toutes les deux198. La seconde
imprimée en 1817, représente un chef guerrier assis à
l'ombre de son cheval et donnant de l'eau à un soldat. Elle
témoigne de l'intérêt de Gros pour cette technique
d'estampe nouvelle. Son élève Charlet, manifeste encore davantage
de l'intérêt à la lithographie. Il s'intéresse
très tôt à ce nouveau médium, puisqu'il semble
correspondre à sa pratique artistique. La lithographie permet en effet,
d'obtenir rapidement un résultat à la différence de la
peinture ou même de la gravure, qui demandent davantage de travail et de
temps. Bénéficiant de la bienveillance de son maître,
Charlet impose dès sa formation la figure du dessinateur lithographe.
La Combe collectionne les premières lithographies de
Charlet, comme en témoigne cette représentation d'un Hussard
à cheval (fig. 17), sortie de la presse de l'imprimeur
Lasteyrie en 1817. Charlet se présente dès lors, comme
l'un des artistes qui favorise le développement de la lithographie en
France. Il semble influencer toute une génération d'artistes
lithographes intéressés par les scènes militaires. De tous
les sujets d'illustrations compris dans la collection d'estampes du colonel de
La Combe, les représentations militaires sont à l'évidence
le thème qui ressort le plus abondamment. Les épreuves
d'Hyppolite Bellangé ou Auguste Raffet reflètent
l'héritage de Charlet. L'un comme l'autre illustrent dans leurs albums
des scènes de batailles contemporaines et représentent les
costumes des différents corps militaires. Néanmoins, les oeuvres
de ces deux artistes ont à l'évidence une valeur plus
documentaire que ne le sont celles de Charlet. La Garde de
Tranchée (fig. 18) de Raffet conservée dans la collection de
La Combe et extraite de l'album du Siège de Rome de 1850
représente l'assaut français de la nuit du 4 au 5 juillet 1849.
Allongés au sol, les soldats attendent la charge. Cette scène a
manifestement un caractère moins anecdotique que les
représentations militaires de Charlet. Celui-ci s'attache
généralement davantage à représenter le soldat de
façon licencieuse dans ses albums lithographiques, que de montrer une
forme vraisemblable de bataille. Le colonel de La Combe collectionne
également les représentations militaires d'Horace Vernet,
198 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 100.
59
bien qu'il semble attacher une préférence
à celles de Charlet, comme semble le signaler cette citation d'une
lettre du colonel de La Combe adressée à Bellangé le 29
avril 1849.
J'en suis fâché pour M. VÉ ; mais je suis
obligé de dire que lui, comme la plupart des autres, il ne sait pas
faire un soldat. Il est spirituellement dessiné, habillé,
ficelé ; mais c'est un soldat à la façon d'un Scribe, un
comédien en soldat. S'il a mieux réussi dans le troupier moderne,
c'est qu'il n'y a plus là de caractère. Notre jeune armée
est surtout remarquable dans la régularité de sa
tenue199.
Support intéressant pour diffuser à grande
échelle les scènes de bataille contemporaine et entretenir la
ferveur bonapartiste, la lithographie est également un moyen
adapté pour s'amuser des moeurs des contemporains. Le colonel de La
Combe possède en effet quelques exemples de caricature sur les moeurs,
la politique ou les Beaux-Arts. Outre l'illustration des rapports courtois,
La promenade aux Tuileries (fig. 19) de Dominique Bosio (1768-1845)
est une critique humoristique envers les petits bourgeois et leurs
mondanités. Elle représente des hommes en redingote
coiffés de chapeau haut de forme et accompagnés de leurs
épouses. Comme l'indique le titre, ils se promènent dans le
jardin des Tuileries. Mais seuls la sculpture et le vase permettent de situer
la scène. L'homme bedonnant placé au centre de la composition
semble observer attentivement la nature dans sa lunette. Cette caricature de la
bourgeoisie fait écho à La promenade au bois de
Vincennes (fig. 20) de Philibert Louis Debucourt (1755-1832) dont une
épreuve est aussi conservée dans la collection du colonel de La
Combe. Le thème de la promenade est un sujet aisé pour la
critique des loisirs et de la mode bourgeoise. Si la série des
Souvenirs d'un flâneur (fig. 21) d'Eugène Forest (1808-)
est postérieure de quinze ans, elle rit aussi des loisirs des
contemporains, à l'instar du collectionnisme et particulièrement
de la bibliomanie. D'autres encore comme Henri Monnier (1799-1877) avec les
planches des Six quartiers de Paris ou Jean-Jacques Granville
(1803-1847) avec la série Le Dimanche d'un bon bourgeois ou Les
tribulations de la petite propriété, s'amusent des moeurs de
leurs contemporains. Elles correspondent en somme aux études
littéraires des auteurs réalistes, tel la Comédie
humaine de Balzac. Si de ces trois exemples nous pouvons retenir
une forme de caricature convenue se focalisant sur les moeurs, d'autres
lithographies présentes dans la collection du colonel de La Combe se
montrent plus féroces.
Sensible à l'épopée napoléonienne
et fréquentant des personnalités aux sympathies politiques
variées, le colonel de La Combe ne semble pas exprimer d'affection
particulière pour
199 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien..., op. cit. p.
33.
60
les régimes politiques successifs. C'est en ce sens
qu'il paraît collectionner les caricatures lithographiées des
maîtres contemporains, dont Alexandre Decamps, Paul Gavarni (18041866),
ou plus modestement Honoré Daumier. Le colonel de La Combe réunit
ainsi des caricatures contre Charles X (1757-1856 ; 1824-1830), qui supporte en
effet une production de caricature soutenue au cours de ses six années
de règne. Comme le souligne Annie Duprat, le visage de Charles X est
multiforme200. Libertin quand il n'était encore que comte
d'Artois, il semble se convertir et devenir puritain une fois couronné
roi. Charles X ne cesse en effet de s'entourer de jésuites. Decamps
choisit ainsi de le représenter sous sa forme bigote dans sa caricature
intitulée Le pieu monarque (fig. 22). Jouant sur les
mots, Decamps déguise un pieu en souverain couronné portant deux
épaulettes et une épée. Roi des Français,
Louis-Philippe (1773-1850 ; 1830-1848) condamne le genre en censurant, puis
interdisant le 27 août 1835 la publication du journal La Caricature,
fondé seulement cinq ans plus tôt par Charles Philippon
(1800-1861). C'est dans ce journal que Daumier fait publier le portrait de
Louis-Philippe sous les traits de Gargantua. À la suite de cette
publication, Daumier est emprisonné. Le souvenir de
Sainte-Pélagie (fig. 23) présente dans la collection de La
Combe est une illustration de son emprisonnement. Publiée une
première fois dans le Charivari, le 14 mars 1834, cette planche
représente trois détenus dans une cellule, dont un lit à
haute voix le journal républicain La Tribune. La lithographie
entre alors au service de la presse et de l'écrit pour s'opposer au
régime politique.
Le colonel de La Combe dispose d'une importante
bibliothèque, dont les rayonnages sont composés de plus de cinq
cent cinquante ouvrages. À l'évidence, La Combe est un amateur de
livres. La bibliophilie semble finalement très proche de son
intérêt pour la lithographie. Le bibliophile collectionne les
livres soit pour la reliures en maroquin précieux, soit pour les
illustrations, qui mettent le texte en images. Plus que les reliures, se sont
manifestement les illustrations qui nous intéressent dans le cadre de
cette partie. Autour de 1815, la lithographie connaît un
développement grâce à l'enthousiasme des artistes, mais
aussi grâce à l'intérêt de certains éditeurs
et écrivains, qui voient en elle un moyen de diffusion à bas
coût ainsi qu'une technique d'illustration de bonne qualité. Les
recueils de lithographies qui paraissent annuellement ont un lien direct avec
le format codex du livre. Le colonel de La Combe en
200 DUPRAT, Annie, « Le roi a été
chassé à Rambouillet », Société et
représentation, n 12, 2001, p. 37.
61
possède quelques exemplaires de Charlet ou
Théodore Gudin201. De ce dernier, il détient deux
recueils de marine de 1821 et 1828.
Le colonel de La Combe possède des lithographies de
paysages extraites des Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne
France du baron Isidore Justin Taylor (17891879)202.
Entouré des écrivains Charles Nodier (1780-1844) et Alphonse de
Cailleux (17881876), Taylor entreprend la description de la province
française. Ce succès éditorial débute par la
publication en 1820 du premier tome consacré à la Normandie. En
tout, ce sont vingt-trois volumes qui paraissent jusqu'à 1878. Dans la
collection de La Combe, une grande majorité des estampes de Bonington
proviennent de cet ouvrage, à l'instar de la Tour du gros horloge
d'Evreux (fig. 24) ou une Vue d'une rue des faubourgs de
Besançon (fig. 25). Peintre et dessinateur de paysages anglais,
Bonington propose des vues urbaines d'où émergent une expression
sentimentale en introduisant notamment de nombreux personnages habillés
de costumes traditionnels. Cherchant à mettre en lumière la
beauté de ces villes normandes, Bonington applique par exemple dans la
Rue du Gros Horloge une atmosphère vaporeuse, qui semble
préserver le passé médiéval. D'autres artistes
présents dans la collection de La Combe participent aussi à la
représentation des villes de provinces décrites par Taylor,
Nodier et Cailleux, comme Géricault qui illustre l'Église
Saint-Nicolas de Rouen (fig. 26), ou le baron
Louis-Baptiste-Jean-Marie Atthalin (1784-1856) qui dessine La maison des
Templiers203. Le colonel de La Combe possède d'autres
lithographies illustrant des ouvrages littéraires, à l'instar des
épreuves de Delacroix. La carrière d'illustrateur de Delacroix
débute en 1826. Il commence à cette date l'illustration de la
traduction de Faust par Albert Stapfer, qui est publiée en
1828204. Bien que la critique pointe du doigt la physionomie des
personnages, ces premières vignettes sont suivies de l'illustration de
l'histoire de Goetz de Berlichen en 1836 et de l'histoire d'Hamlet
en 1843. Il possède aussi les lithographies d'Horace Vernet qui
illustrent Les fables de la Fontaine205, ainsi que des
épreuves tirées de La vie politique et militaire de
Napoléon d'Antoine-Vincent Arnault publié en 1822.
201 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 100.
202 TAYLOR, Isidore Justin, NODIER, Charles, CAILLEUX,
Alphonse de, Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France,
t. I-XXIII, Paris, Gide fils, 1820-1878.
203 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 26.
204 GOETHE, Johann Wolfgang von, Faust, [1808, trad. De
l'allemand par Albert Stapfer], Paris, Motte, 1828.
205 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 120.
62
S'il n'était pas possible de décrire ou
seulement faire allusion à toutes les lithographies de cette collection,
il nous paraît toutefois que ces quelques pages ont permis de mieux
situer et appréhender la collection d'estampes du colonel de La Combe.
La plus vieille lithographie de la collection date de 1816. Elle est une
représentation d'un lancier de l'ex-garde impériale en vedette
par Horace Vernet206. À l'évidence, les plus
récentes sont datées de la fin de la décennie 1840. Sa
collection répond alors à des barrières chronologiques
très strictes. Elle commence au moment de l'appropriation par les
artistes de la technique lithographique et se conclut à l'époque
de la mise au rebut de la lithographie par les artistes de la
génération suivante. C'est la production d'une
génération, celle des enfants du siècle, que le colonel de
La Combe collectionne assidument. En dépit de
l'hétérogénéité du nombre d'épreuves
en fonction des artistes, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe semble
s'efforcer à réunir les estampes les plus représentatives
de cet échantillon d'artistes. C'est en ce sens qu'il est possible
d'appréhender la collection du colonel de la Combe comme un recueil de
la production lithographique de la première moitié du
XIXe siècle, puisque témoignant des courants, des
modes et des genres de la création estampée de la période
romantique.
B. Collection d'estampes ou collection de dessins ?
L'originalité de la collection du colonel de La Combe.
Si d'un côté Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe s'efforce de former une collection représentative de la production
lithographique des artistes du mouvement romantique, de l'autre il paraît
attacher un intérêt particulier à la qualité des
épreuves qu'il collectionne.
La collection de Monsieur de La Combe était
formée à un tout autre point de vue que celle de M. Parguez ;
Celui-ci avait essayé de réunir les matériaux
figurés d'une histoire de la lithographie ; M. de La Combe n'avait
donné droit de séjour dans ses casiers, qu'aux pièces
intéressant l'art véritable207.
En comparant la collection de lithographies du colonel de La
Combe à celle de François Parguez, payeur de la caisse de Poissy,
Philippe Burty souligne dans le catalogue de vente, combien la collection de La
Combe est rare et originale. Cette collection de lithographies, qui porte
presque exclusivement sur les épreuves réalisées par les
artistes de l'école romantique, comprend un peu moins d'une centaine
d'artistes - quatre-vingt-seize précisément. À la
206 Ibid., p. 117.
207 BURTY, Philippe, op. cit. p. XIII.
63
différence, la collection Parguez est beaucoup plus
étendue. Elle se compose des estampes de cent soixante-dix-huit
artistes, soit quatre-vingt-deux artistes de plus que dans la collection de La
Combe. Seulement quarantaine d'artistes sont identiques entre les deux
collections, à l'instar de Charlet, Delacroix, Vernet ou
Géricault pour ne citer que les plus connus. S'il manifeste de
l'intérêt aux artistes de la génération romantique,
Parguez à la différence de La Combe semble constituer une
collection représentative de l'ensemble de la production lithographique
depuis l'invention de la technique par Senefelder208. Il dispose
d'ailleurs d'un autoportrait lithographié par l'inventeur. Il
collectionne aussi les lithographies dessinées par les imprimeurs
Bergeret, Engelmann et Lasteyrie209, par l'architecte Victor Baltard
(1805-1874) ainsi que les illustrations d'artistes secondaires, qui sont
diffusées profusément chez les marchands d'estampes. La
collection du colonel de La Combe n'est donc pas à appréhender de
la même manière et n'a à l'évidence pas la
même valeur financière et artistique. Le produit de l'ensemble des
vacations de la vente Parguez s'élève à 10 302
francs210. Pour rappel, la vente de la collection de La Combe
réalise un produit total de 40 237 francs - en comptant les tableaux et
les dessins211. De surcroît, la collection d'estampes
romantiques du colonel de La Combe n'est pas seulement à envisager comme
un ensemble représentatif d'une partie de l'histoire de la lithographie.
Elle est aussi une réunion des meilleures épreuves des artistes
de la génération de la décennie 1800. Joseph-Félix
Le Blanc de La Combe se distingue ainsi de François Parguez, par
l'intérêt qu'il porte aux lithographies d'artistes et par la
qualité des épreuves qui forment sa collection.
Le colonel de La Combe semble s'efforcer à rassembler
les plus belles épreuves de lithographie, dont des épreuves
tirées sur Chine et des premiers états. En effet, la collection
de La Combe concentre une proportion importante d'estampes publiées
avant l'inscription de la lettre. Cet état ne fait pas mention du nom du
dessinateur, de celui de l'éditeur et de l'adresse de l'imprimeur. Par
exemple, sur la planche illustrant Méphistophélès dans
les airs (fig. 27) de Delacroix conservée dans la collection de la
Combe, aucune des informations présentes dans le deuxième
état, à savoir en bas à gauche « Delacroix
invt et Lithog », en bas à droite « Lith. de
Charles Motte Paris », et dans la marge « De temps en temps j'aime
à voir le vieux Père, Et je
208 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIÈRES, Jean-Eugène, op. cit., p. 65.
209 Ibid., p. 5, p. 30, p. 52.
210 Procès-verbal de la vente de lithographies de la
collection Parguez les 22, 23 et 24 avril 1861, Paris, Archives municipales,
cote D60E3 9.
211 Procès-verbal de la vente de La Combe, op.
cit.
64
me garde bien de me rompre en Visière... » 212 ne
viennent perturber la lecture de la composition.
[...] la reproduction exacte du dessin du maitre ne peut se
retrouver que dans de premières épreuves pures, transparentes, et
non dans celles que donne une pierre fatiguée, usée, sur laquelle
un crayon a bavé, et ne rend plus la finesse et la couleur du dessin, en
supposant même que quelques parties de ce dessin n'aient pas
disparu213.
Les épreuves publiées avant la lettre sont aussi
et surtout des estampes de très bonne qualité. La pierre
n'étant pas usée à cause des impressions
répétées, la qualité d'impression des lithographies
de premier état n'a pas de comparaison avec celle des épreuves
tirées en grande série de deuxième, troisième voire
quatrième ou cinquième état. Il arrive également,
que le colonel de La Combe possède plusieurs états d'une
même représentation, à l'instar du Siège de
Saint-Jean d'Acre (fig. 28 et 29) de Charlet214. La
Combe détient en effet les trois états différents de la
première pierre et les quatre états distincts de la seconde. Le
colonel de La Combe peut ainsi fractionner les différentes étapes
d'une même représentation. En outre, certaines épreuves
rendent compte du travail préparatoire de l'artiste avant la
publication, comme les illustrations de Delacroix pour le Faust
conservées dans la collection du colonel de La Combe. En marge de
la vignette de Faust et Méphistophélès dans les
montagnes du Harz (fig. 30) de premier état, Delacroix fait des
« croquis de chevaux, de barque à voile, de lézard, etc
»215. Ces esquisses renforcent l'impression
d'immédiateté et témoignent de la réflexion de
l'artiste. Le serpent placé dans la marge se perçoit comme une
esquisse préparatoire à celui se tenant dans la scène
principale. Les premières épreuves semblent en somme assez
proches de l'art du dessin.
La pièce unique est le mirage perpétuel de
l'amateur d'estampes. Une pièce unique devient un tableau. Le rêve
mille fois caressé du fanatique d'estampes, c'est d'anéantir le
tirage entier de toutes les gravures, sauf une seule et unique épreuve,
celle qu'ils possèdent bien entendu216.
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe détient
également quelques épreuves uniques. Selon les auteurs du
catalogue de l'exposition Charlet aux origines de la légende
napoléonienne, La
212 DELTEIL, LoØs, Eugene Delacroix, op. cit., p.
150.
213 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 133.
214 PETIT, Francis, op. cit., p. 41.
215 PETIT, Francis, op. cit., p. 88.
216 ROCHEFORT, Henri, op. cit., p. 225.
65
Combe rassemble une collection de dix unica de
l'artiste217, à l'instar de la Charge de chevaux
légers218. En dehors de cette pièce, nous n'avons
pas relevé dans le catalogue de vente d'autres épreuves uniques
de Charlet. Selon Louis Clément, il paraîtrait que le colonel de
La Combe affirmait qu'il possédait de Géricault la seule
épreuve du Cheval franchissant une barrière : « La
pierre originale de Géricault aurait cassé au second tour de la
presse, et la pièce aurait été copiée
immédiatement par M. Léon Cogniet. Il suffit de la comparer avec
celle que l'on rencontre ordinairement pour être frappé par
l'inimitable science du modelé dont elle est empreinte
»219. Il semble néanmoins que le colonel de La Combe ou
les auteurs du catalogue de vente exagèrent quelque peu sur
l'unicité de la pièce. En 1924, LoØs Delteil affirme dans
le catalogue raisonné de l'oeuvre graphique de Géricault,
qu'après quelques impressions la pierre originale s'est brisée et
que Courtin en aurait fait une copie à la demande de l'éditeur
Charles Villain 220. Il paraît donc vraisemblable que la
pierre originale a imprimé plus de deux lithographies contrairement
à ce que prétendait le colonel de La Combe et le marchand
d'estampes.
La collection d'épreuves de premier état et plus
encore d'unica semble paradoxale au regard des
spécificités du médium. Par essence, une estampe
relève de l'art du multiple, puisque destinée à être
imprimée en de nombreux exemplaires. La posture intellectuelle des
amateurs d'estampes, paraît finalement ambivalente en connaissance des
caractéristiques du format. Ils s'efforcent en effet, à
récolter les pièces les plus rares et les moins diffusées
d'un format qui au contraire se veut populaire. Cela pousse Henri Rochefort
à écrire dans son ouvrage qu'il consacre à l'hôtel
des ventes de Paris :
L'amateur d'estampes n'était, dans le principe, qu'un
diminutif de l'amateur de tableaux ; il se contentait de la menue monnaie des
jouissances artistiques de celui-ci et se résignait au rôle de
doublure. Mais peu à peu les ailes lui ont poussé, l'ambition est
venue, et, à force de découvrir dans
217 GRIVEL, Marianne, op. cit., p. 132.
218 Ibid, p. 51.
219 PETIT, Francis, op. cit., p. 97-98.
220 DETEIL, Loys, Le peintre graveur illustré :
Théodore Géricault, t. XVIII, Paris, Frazier-Soye, 1924,
n° 69. Information recueillie sur :
http://www.britishmuseum.org/research/collection
online/collection object details.aspx?objectId=1429290&par
tId=1&people=104143&peoA=104143-2-61&page=1 consulté le
01/05/2016.
66
les estampes des beautés qu'il n'y soupçonnait pas
d'abord, il s'est posé peu à peu en rival du
tableaumane221.
En recherchant l'estampe originale, le colonel de La Combe
présente des analogies avec les collectionneurs de tableaux et de
dessins - collectionneur que La Combe est également. - comme le fait
remarquer Henri Rochefort. De surcroît, quelques épreuves
lithographiques de premier état atteignent des prix équivalents,
parfois même supérieurs, à des dessins ou des tableaux.
Ainsi la lithographie de Géricault, représentant deux chevaux
gris pommelés se mordant au cou et se cabrant au milieu d'une
écurie, est adjugée à l'expert Louis Clément pour
220 francs à la vente de la collection du colonel de La
Combe222. L'expert indique d'ailleurs dans le catalogue de la vente
de La Combe, qu'une seconde épreuve du même état avait
été vendu en 1861 à la vente Parguez pour 560
francs223. Il semblerait que François Parguez, selon une note
manuscrite dans le catalogue de la vente de sa collection conservé
à la BNF, aurait acheté cette épreuve 1 500
francs224. Ces prix considérables s'expliquent parce que
« la pierre de cette admirable composition aurait été,
suivant l'attestation formelle de l'imprimeur Motte à M. Parguez
brisée après la seconde épreuve. »225.
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe se présente
comme un collectionneur de lithographies d'artistes portant un
intérêt particulier à la qualité des épreuves
formant sa collection. De dix-huit artistes, La Combe collectionne de
nombreuses épreuves de premier état et quelques exemples de
pièces uniques. Son comportement est relativement proche de celui d'un
collectionneur d'oeuvres originales, tels les tableaux ou les dessins, en
cherchant à réunir les estampes les plus rares et les moins
publiées. Cette quête de l'épreuve unique amène les
auteurs satiriques du XIXe siècle à plaisanter sur
l'attitude des collectionneurs d'estampes. Champfleury écrit en 1867
dans L'hôtel des commissaires-priseurs : « La furie de la
collection mène fatalement à des aberrations, et à des
tics. Un amateur de gravures montrant ses portefeuilles, pousse un cri : rre.
Il veut dire que l'épreuve est rare. Une estampe plus rare encore
amène un : rrrrre. Il passe à une épreuve très rare
: rrrrrrrre. L'épreuve est unique :
221 ROCHEFORT, Henri, op. cit., p. 221.
222 PETIT, Francis, op. cit., p. 95. Exemplaire de la
BNF.
223 Ibidem.
224 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIéRES, Jean-Eugène, op. cit., p. 36. Exemplaire de
la BNF.
225 PETIT, Francis, op. cit., p. 95
67
rrrrrrrrrrrrre ! » 226 . Si Champfleury tourne en
dérision le comportement des amateurs d'estampes, d'autres plus
virulents s'opposent à la qualification même de la lithographie
comme médium artistique. Ainsi naît un débat autour de la
lithographie dans lequel le colonel de La Combe semble s'immiscer.
C. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe
défenseur de la lithographie.
La rédaction de la biographie de Charlet est une bonne
occasion pour le colonel de La Combe de participer au débat sur la
lithographie. Né presque concomitamment au développement de la
technique en France par les artistes et imprimeurs autour de 1815-1817, le
débat repose principalement sur la destination matérielle et la
valeur esthétique, voire morale, de ce nouveau médium artistique.
Il convient dès lors de rappeler succinctement l'origine de ce
débat sur la lithographie pour mieux saisir par la suite, la
participation publique du colonel de La Combe.
Si la lithographie connaît un développement
rapide en France, grâce au bon accueil des artistes de la jeune
génération ; Charlet et Vernet en tête, elle est
parallèlement dans la presse un objet de discussion. Comme pour toutes
nouveautés des interrogations subviennent et des doutes se posent, quant
à l'utilité et la destination de cette nouvelle technique
d'estampe. Les rédacteurs se demandent si la lithographie doit
véritablement être considérée comme un nouveau
support de création pour les artistes, ou plutôt,
s'appréhender comme une nouvelle technique de reproduction et
publication économique. Cette question est induite par le double visage
de la lithographie autour de 1820. D'un côté, les artistes de la
jeune école romantique commencent à réaliser leurs
premiers dessins lithographiés, de l'autre « une foule
d'écoliers, séduits par l'idée de voir leurs oeuvres
imprimées et étalées dans les rues, se [mettent] à
griffonner sur la pierre tout ce qui leur pass[e] par la tête »
227. Ces derniers incitent finalement les commentateurs à
discréditer la lithographie, puisque recherchant davantage le profit
commercial que la maîtrise de la technique. Néanmoins, les
observateurs ne reconnaissent pas davantage le travail des artistes, qui au
contraire envisagent la lithographie comme un support artistique favorable et
qui participent à son développement. Effectivement, les
thèmes populaires abordés par les dessinateurs tels Charlet,
Vernet et Géricault ; les scènes de vie quotidienne et
l'évocation d'un souvenir agréable de l'Empire déchu,
amènent les critiques à
226 CHAMPFLEURY, Jules, op. cit., p. 11.
227 Anonyme, « Beaux-Arts », Le Journal des
Débats, 6 février 1823, p. 1.
68
dévaloriser la portée artistique du
médium. Au contraire, la lithographie semble soutenue et
approuvée par les artistes de la génération
néoclassique qui ont acquis un statut important, à l'instar
d'Antoine-Jean Gros et Anne-Louis Girodet (1767-1824). Ces derniers s'essaient
en effet à la pratique de ce récent procédé
créatif. En somme, la lithographie est en quelque sorte victime de sa
popularité en 1820228.
« La lithographie n'est point de la gravure, en tant que
ce dernier mot indique des traits entaillés en creux
»229. Malgré l'article de Quatremère de Quincy
publié en 1817 à l'occasion de la présentation de la
lithographie par Engelmann à l'Institut de France, il semble que
dès le début de la production de ce nouveau médium, une
confusion s'installe quant à son appartenance au genre de la gravure.
Cette erreur est induite par les ressemblances esthétiques des
épreuves des deux techniques. À l'instar de la gravure, la
majorité des lithographies sont tirées en noir et blanc.
Néanmoins, les commentateurs les plus aguerris ne manquent pas de
remarquer des différences entre les deux médiums. De
surcroît, certains s'emploient à mettre en lumière la
supériorité plastique de la gravure sur la lithographie.
Genre de crayon, esquisses légères, et surtout
écritures, plans, géographie et tracés à la plume,
voilà le vrai domaine de la lithographie : dans ce cercle très
vaste, elles peut avoir des succès bien mérités ; mais si
l'amour-propre ou l'ambition l'en font sortir, ce sera pour se
discréditer, se perdre sans retour et se noyer dans les ruisseaux, avec
les caricatures230.
La spontanéité du dessin rendu possible par
l'évolution de la lithographie ne paraît pas remporter la
complète adhésion des commentateurs. La lithographie est alors
perçue comme un médium artistique de second plan, ne pouvant
avoir d'utilité que pour les genres les moins nobles, à l'exemple
de la caricature. À l'évidence, cela s'explique par l'ignorance
de la technique, mais surtout au conservatisme et à la peur de la mise
au rebut de la gravure, comme en témoigne cette citation tirée de
La Pandore du 16 février 1824 : « Vous allez ruiner la
228 BROUWERS, Gervaise, « La lithographie passée
en revue : entre controverses politiques et enjeux esthétiques »,
Sociétés et Représentations, n° 40, 2015, p.
188.
229 QUINCY, Quatremère de, « De la lithographie ou
Extrait d'un Rapport fait à l'Académie des beaux-arts, par une
Commission spéciale, sur un recueil de dessins lithographiés par
M. Engelmann », Le journal des sçavants, janvier 1817, p.
23.
230 JOUBERT, François-Étienne, Manuel de
l'amateur d'Estampes, Paris, l'auteur, 1821, p. 107-108, in BROUWERS,
Gervaise, op. cit., p. 191.
69
gravure, disaient les uns; [..] vous empoisonnez le monde de
prétendus artistes à qui vous aurez donné trop de
facilités, disaient ceux-là »231.
« On ne peut pas dire que la lithographie soit
négligée en France »232 écrit un
journaliste anonyme dans les colonnes de l'Artiste en 1837, en
réponse à la lettre ouverte du lithographe Léon Noël
(1807-1884) dans laquelle il se plaint du peu de faveur du public pour la
lithographie. Si le rédacteur de la revue se montre bienveillant dans la
suite de son article et acquiesce finalement les propos de Noël, il semble
néanmoins qu'à cette époque rien ne change et que se
poursuit dans la presse un débat autour des qualités et des
défauts de la lithographie, qui se prolonge à l'évidence
au moment de la rédaction du premier article du colonel de La Combe sur
Charlet. Dans cette étude publiée en 1854 dans la Revue
Contemporaine, La Combe consacre un chapitre entier à la
lithographie, en plus des évocations morcelées dans l'ensemble du
texte233. Il reprend et complète ce chapitre dans la
première édition de sa biographie sur Charlet en
1856234.
Les propos du colonel de La Combe arrivent à une
période charnière et dans une actualité brûlante
pour la lithographie. D'un côté la production lithographique
romantique s'est essoufflée depuis une dizaine d'années, laissant
derrière elle un corpus innombrable d'épreuves, de l'autre les
amateurs, les collectionneurs et les critiques semblent prendre conscience de
la valeur esthétique et artistique de ces estampes. Les propos sur la
lithographie du colonel de La Combe sont prodigués de manière
constante à travers la figure de Charlet. Retraçant la
carrière de l'artiste, le colonel de La Combe met en évidence son
caractère avant-gardiste par son utilisation de la lithographie. La
Combe adopte tout d'abord une posture d'historien en cherchant à
revaloriser les premières impressions de Charlet, et par
conséquent l'art de la lithographie.
Cette oeuvre a pris naissance en quelques sorte avec
l'invention de la lithographie. Les pierres alors étaient rares, souvent
défectueuses, les procédés incomplets, les tirages
imparfaits. Cependant, malgré l'absence de toute encouragement et en
dépit du défaut d'intelligence de ses éditeurs et de la
231 La Pandore, journal des spectacles, des lettres, des
arts, des moeurs et des modes, 16 février 1824, in BROUWERS,
Gervaise, op. cit., p. 196.
232 Anonyme, « De la lithographie », L'Artiste,
n° 13, 1837, p. 15.
233 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, « Charlet,
sa vie, ses lettres et ses oeuvres », Revue Contemporaine, 31
janvier et 15 février 1854, chp. XXVII, p. 1-54.
234 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.
chp. XXXI, p. 131-135.
70
froideur qui accueille toujours les noms nouveaux dans les
arts, Charlet a su produire des chefs-d'oeuvre. Peu lui importait qu'il
vendît ou ne vendît pas. Pour lui la question n'était pas
là235.
Entonnant un ton presque lyrique, le colonel de La Combe
s'efforce de montrer combien Charlet a été
bénéfique pour la lithographie. Il participe alors en
retraçant la micro-histoire de la carrière de
dessinateur-lithographe de Charlet, à l'écriture de l'histoire
plus large de la lithographie originale. En ce sens, la défense de la
lithographie par le colonel de La Combe passe par une revalorisation du
médium au regard de l'histoire. Il évoque ainsi l'âge d'or
de la lithographie romantique. D'autres avant La Combe ont défendu la
lithographie, en publiant notamment des catalogues raisonnés, à
l'exemple de Bruzard, qui dès 1826 recense les lithographies d'Horace
Vernet236. La Combe s'inscrit néanmoins dans cette
démarche de valorisation, que reprend Henri Delaborde (1811-1899) en
1863237, ou plus tardivement Henri Béraldi (1849-1931) en
1901238.
Le colonel de La Combe répond aussi aux critiques de
ceux qui regarde la lithographie comme un moyen de reproduction à bas
coût et un support artistique de médiocre qualité.
Reconnaissant que la production secondaire à polluer l'ensemble de la
lithographie, il considère toutefois qu'elle est à envisager
comme un véritable médium artistique permettant aux artistes de
diffuser plus massivement leurs dessins, bien qu'elle ne puisse rivaliser avec
l'eau-forte. La Combe fait donc un consensus en reconnaissant la
supériorité de la gravure sur la lithographie.
[É] ne soyons point injustes envers la lithographie. On
a eu pour elle beaucoup trop d'engouement à sa naissance ; on en a
usé, abusé ; mais comme toujours la réaction a
dépassé les bornes. Certes, la lithographie ne peut avoir la
prétention de lutter avec l'eau-forte, ni avec le burin, ni même
avec la gravure sur bois ; mais elle a l'avantage de mettre à la
portée de tous de premières pensées
échappées au maitre, et qui souvent n'auraient plus la même
énergie, la même naïveté, si elles avaient
été réservées pour des oeuvres plus
châtiées. Voila la mission artistique de la lithographie. Le reste
appartient au commerce. Et félicitons-nous que ce procédé
ait pu nous conserver ces dessins si remarquables de Géricault, de
Charlet et de quelques autres dont nous eussions été
privés si ces grands artistes n'avaient eu ce moyen de transmettre
immédiatement leurs pensées.
235 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, « Charlet, sa
vie, ses lettres et ses oeuvres », op. cit., p. 36.
236 BRUZARD, L. M., Catalogue raisonné de l'oeuvre
lithographique de Mr J. E. Horace Vernet, Paris, Imprimerie de J. Gratiot,
1826.
237 DELABORDE, Henri, « La Lithographie dans ses rapports
avec la peinture », Revue des deux Mondes, t. 46, 1863, p.
554-631.
238 BÉRALDI, Henri, Propos d'un bibliophile,
Lille, L. Danel, 1901.
71
Les propos du colonel de La Combe semblent recueillir
l'adhésion des amateurs d'estampes, puisque Delaborbe et Béraldi
arrivent en somme aux mêmes conclusions. Au moment de l'écriture
de l'ouvrage du colonel de La Combe, la lithographie ne paraît plus
recueillir l'affection des artistes, ce qui amène Henri Béraldi
à conclure a postiori que : « plus les peintres
l'abandonnent, plus les amateurs d'art, les collectionneurs et les critiques
s'y attachent »239. Ce dernier a le recul nécessaire
pour affirmer que « la situation de la lithographie en 1860 est
très compromise »240. Ce désintérêt
est à expliquer du fait de la renaissance de la gravure sur cuivre et de
la concurrence de la photographie et l'héliogravure sur la lithographie
de reproduction241. Il est donc probable qu'en revenant au travers
de la biographie de Charlet, sur l'histoire et les progrès du dessin sur
pierre, ainsi que sur ses qualités et avantages, le colonel de La Combe
cherche à prévenir en 1856 de « l'agonie de la lithographie
»242. Peut-être que La Combe s'emploie à susciter
l'intérêt des jeunes artistes pour ce médium ? En tout
état de cause, les publications de catalogues raisonnés sur les
artistes lithographes de la génération romantique - comme le fait
le colonel de La Combe - et les expositions de la fin du siècle sur la
lithographie participent à redynamiser le médium.
Une première exposition est montée en 1887
à la galerie Georges Petit, suivie d'une deuxième à
l'Exposition universelle de 1889 et d'une troisième à
l'école des Beaux-Arts de Paris en 1891243. Toutes les trois
historicisent la lithographie en présentant la chronologie depuis la
production des premiers dessinateurs sous la Restauration, jusqu'aux
productions contemporaines. Il est donc possible de penser, que comme le
faisait modestement le colonel de La Combe, les commissaires de ces expositions
cherchent à redynamiser la production. Cela apparaît encore plus
vrai, quand nous savons que la dernière exposition est
réalisée à l'initiative de la Société des
Artistes lithographes français244. Cela semble porter ses
fruits, puisque la lithographie est de nouveau adoptée à la fin
du XIXe siècle par des artistes tels Odilon Redon
239 BÉRALDI, Henri, op. cit., p. 18.
240 Ibidem, p. 16.
241 ROGER-MARX, Claude, op. cit., p. 62.
242 BURTY, Philippe, « La gravure et la photographie en
1867 », La Gazette des Beaux-Arts, t. XXIII, 1867, p. 253.
243 BÉRALDI, Henri, Exposition
générale de la lithographie au bénéfice de l'oeuvre
l'Union Française pour le sauvetage de l'enfance, cat. exp., Paris,
École des Beaux-Arts, Paris, typ. De G. Chamerot, 1891.
244 ROBICHON, François, « Fortunes et infortunes
de Charlet », in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT,
Hélène (éd.), op. cit., p. 122.
72
(1840-1916) ou Jules Chéret (1836-1932). Ainsi, les
propos de Clément de Ris sont confirmés : « Je ne vois pas
que la lithographie, pas plus que la gravure, aient beaucoup à redouter
du voisinage de la photographie. [É] Graveurs, lithographes et
photographes peuvent donc vivre en paix à côté les uns des
autres »245.
La production lithographique subit la mode artistique
lancée par les artistes, mais également les critiques et les
amateurs. Si elle connaît une réception rapide par les artistes,
elle supporte une critique virulente dans la presse. C'est à contrecoup,
après que le mouvement romantique se soit essoufflé que la
lithographie est historicisée, puis institutionnalisé grâce
aux expositions. Ainsi, la démarche du colonel de La Combe s'inscrit
dans un mouvement général de prise de conscience pour la
protection et la valorisation de l'oeuvre de ces artistes romantiques. En
défendant l'oeuvre de Charlet, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe
se porte comme un défenseur de la lithographie originale de toute une
génération.
245 CLÉMENT DE RIS, Louis, « Salon de 1859.
Gravure et lithographie », L'Artiste, nouvelle série, t.
VII, 12 juin 1859, p. 100.
73
Chapitre troisième : Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe « l'historien de Charlet ».
I. Un monument à la mémoire de Charlet.
L'ouvrage du colonel de La Combe.
A. La popularité de Charlet avant la publication de
sa biographie par le colonel de La Combe.
La carrière et l'oeuvre de Charlet sont ambivalentes et
reflètent en quelque sorte la personnalité de l'artiste. Peintre,
lithographe, graveur, aquarelliste et même imprimeur, Charlet se
présente comme le « touche à tout » de l'art du
XIXe siècle. Cependant l'historiographie semble retenir
principalement de sa carrière, son oeuvre lithographique dans laquelle
il représente le folklore français et exprime son patriotisme.
Pourtant Charlet connaît aussi une carrière officielle, qui
aujourd'hui - peut-être en son heure également - est davantage
négligée. Ainsi, nous nous intéresserons dans cette partie
à la popularité de Charlet avant la publication de l'ouvrage du
colonel de La Combe en nous appuyant sur sa biographie, son oeuvre mais aussi
sur quelques exemples de texte qui lui sont consacrés avant 1854.
Charlet débute sa formation artistique sur le tard en
1817, à l'âge de vingt-cinq ans. Très vite cependant, il
trouve sa voie et entreprend la publication d'abord chez Lasteyrie, ensuite
chez Engelmann, puis Delpech, Motte, Villain, Bry et les frères Gihaut,
d'épreuves lithographiques. Si les débuts sont difficiles, il
rencontre avec la publication du Grenadier de Waterloo (fig. 31) en
mars 1818, son premier succès, attesté par la livraison d'une
seconde pierre chez l'imprimeur Lasteyrie 246 . Charlet impose
l'iconographie du soldat et particulièrement du grognard, ce qui fait
dire à Félix-Sébastien Feuillet de Conches en 1833 que
:
C'est lui, en effet, qui a le mieux ravivé cette
tradition perdue du grognard de l'empire bronzé sous le soleil
d'Egypte, d'Italie et d'Espagne, type du héros à cinq sous par
jour, maraudeur par
246 GRIVEL, Marianne, « La modernité de Charlet
lithographe », in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT,
Hélène (éd.), op. cit, p. 39.
74
excellence, goguenard, spirituel, insouciant, fier surtout et
dominateur, et au demeurant, à ses heures, bon compagnon » 247.
Le grognard est en effet très présent dans
l'oeuvre de Charlet en général et dans l'oeuvre lithographique en
particulier, conséquence de son attachement à l'empereur
Napoléon. Mais très vite l'artiste semble s'intéresser
également aux représentations de scènes de genre pour
toucher un plus large public. Les publications annuelles d'albums de croquis
lithographiques entre 1822 et 1840 confirment cette nouvelle orientation.
Prenant la forme de livre à l'italienne, ils sont composés de
suite de planches sans texte. Le premier album sort le 9 février 1822
chez Villain, sous le titre de Recueil de croquis, à l'usage des
petits enfants, par Charlet. Cette suite de huit planches semble
s'adresser aux enfants comme aux parents. Dans cet univers enfantin, Charlet
propose d'un côté des représentations bienveillantes pour
les enfants où se mêlent les générations, à
l'instar de L'école du soldat, de l'autre il propose des images
au service de leur éducation comme Le croquemitaine. Charlet
devient le dessinateur des familles françaises de la classe moyenne et
remporte l'affection des enfants comme celle des parents. Il vise donc un
double public, ce qui est confirmé par le titre de l'album de 1835 :
Alphabet moral et philosophique, à l'usage des petits et des grands
enfants. Charlet s'inscrit dans le contexte de production des livres
abécédaires à destination des enfants et des adultes, dont
le nombre croît considérablement entre 1830 et 1835,
conséquence de l'application de la censure en septembre
1835248. Outre la représentation des mots qui forment son
abécédaire, les images suivent un ordre symbolique. Au centre de
l'alphabet, Charlet représente « Napoléon » à la
lettre N. Il est entouré de « Misères de la guerre » et
« Ouragan », suivi de « Regrets » puis « Souvenirs
»249. À l'évidence, Charlet fait
référence au retour de la campagne de Russie, qui a
provoqué pour l'Europe un ouragan géopolitique, ainsi que le
retour de la royauté en France et les regrets et souvenirs des anciens
soldats.
Charlet trouve son public en représentant
Napoléon. Il destine manifestement ses dessins à la population
nostalgique de l'Empire et aux anciens soldats de l'empereur, tel le colonel
de
247 FEUILLET DE CONCHES, Félix-Sébastien, «
Charlet », Encyclopédie des gens du monde répertoire
universel des sciences, des lettres et des arts : avec des notices sur les
principales familles historiques et sur les personnages célèbres,
morts et vivants, par une société de savants, de
littérateurs et d'artistes, français et étrangers, t.
V, Paris, Treuttel et Würtz, 1833, p. 535.
248 LE MEN, Solène, « Les albums de Charlet et la
genèse du réalisme », in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno,
JAGOT, Hélène (éd.), op. cit, p. 69.
249 FOUCART, Bruno, « Charlet, premier et primaire
imagier de la légende napoléonienne », in BOCHER, Nathalie,
FOUCART, Bruno, JAGOT, Hélène (éd.), op. cit, p.
92.
75
La Combe et le général Alexandre de Rigny
(1790-1873). Le Napoléon illustré par Charlet est loin des canons
esthétiques qu'ont développé avant lui David, Gros ou
Vernet250. Celui de Charlet est traité de manière plus
simple, peut-être plus populaire, manifestement pour plaire aux amateurs
à qui il destine ses épreuves. À l'exemple de
Napoléon en campagne, Charlet n'hésite pas à le
représenter ; en pied certes, mais seul, de manière statique, le
regard baissé et les bras croisés sur le champ de bataille.
Charlet remporte l'affection du public en jouant manifestement avec sa
sensibilité. Aussi, il n'hésite pas à représenter
l'empereur dans un environnement domestique ou de manière populaire,
tout en accordant également une place non négligeable à
ceux qui le soutiennent. Dans Sire c'est à Austerlitz que j'ai
été démoli (fig. 32) Charlet s'intéresse
davantage à présenter le courage et la fidélité des
soldats à Napoléon, qu'à mettre en lumière la
bravoure de ce dernier. Il ravive ainsi les mémoires des anciens
grognards de l'empereur et remportent leur affection.
Le fait de représenter l'empereur sous la Restauration
induit fatalement à entretenir le souvenir de l'âge d'or de
l'épopée napoléonienne. Il se présente
également comme un acte de résistance, puisque remettant en cause
l'hégémonie du pouvoir royal. Dans ce sens Charlet est aussi
connu en son temps, comme un artiste engagé. Élevé dans le
culte de l'Empire, Charlet n'hésite pas à se rattacher dès
1815 aux idées de l'opposition et détracter par la caricature le
régime de Louis XVIII. Si au début, ses attaques sont
discrètes en se focalisant plus aux personnalités qui entourent
le souverain qu'au souverain lui-même, Charlet finit par s'en prendre
directement à la figure du roi, à l'exemple de Mes chers
enfants je vous porte tous dans mon coeur (fig. 33)251. Charlet
s'emploie par ailleurs à représenter les combats de la
Révolution de 1830, qui opposent les civils et les militaires. Cela
aurait incité Decamps à écrire dans la Revue
républicaine en 1835 : « Prud'hon, Géricault, Charlet,
Béranger, Delacroix, tels sont les noms sur lesquels nous appuyons nos
doctrines ; ce sont les artistes de la nation, ceux qui ont parlé au
peuple et que le peuple a compris »252. Il semblerait que
Decamps inscrit Charlet dans le mouvement libéral qui s'oppose au
régime de Louis-Philippe. Pourtant, Charlet ne désavouera jamais
son attachement à l'Empire. Il profite de surcroît de certains
avantages sous le gouvernement du « roi des Français ».
250 Ibid, p. 89.
251 BOUDON, Jacques-Olivier, « Caricature et politique
à l'époque de la monarchie constitutionnelle », in BOCHER,
Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT, Hélène (éd.), op.
cit., p. 75-77.
252 Ibid, p. 82, in TOUCHARD, Jean, La gloire de
Béranger, t. II, Paris, A. Colin, 1968, p. 106.
76
C'est effectivement à cette période que Charlet
embrasse une originale carrière de peintre. Outre ses nombreuses
aquarelles, qui remportent un certain succès du fait de la « fureur
aquarello-monomanique » 253 du moment et ses quelques tableaux de petites
dimensions, Charlet se présente pour la première fois au Salon,
à l'âge de quarante-quatre ans, en 1836 avec La retraite de
Russie (fig. 34). Grâce à sa grande composition
historique, Charlet reçoit honneur et distinction. Presque à
l'unanimité, les critiques s'accordent sur la qualité du tableau,
à l'instar d'Alfred de Musset qui lui consacre un long paragraphe dans
son article sur le Salon de 1836 de la Revue des Deux Mondes.
La Retraite de Russie, de M. Charlet, est un ouvrage
de la plus haute portée. Il l'a intitulé épisode,
et c'est une grande modestie ; c'est tout un poème. En le voyant on
est d'abord frappé par une horreur vague et inquiète. Que
représente donc ce tableau ? Est-ce la Bérésina est-ce la
retraite de Ney ? Où est le groupe de l'état-major ? Où
est le point qui attire les yeux, et qu'on est habitué à trouver
dans les batailles de nos musées ? Rien de tout cela ; c'est la grande
armée, c'est le soldat ou plutôt l'homme ; c'est la misère
humaine toute seule, sous un ciel brumeux, sur un sol de glace, sans guide,
sans chef, sans distinction. [É] C'est bien une oeuvre de ce temps-ci,
claire, hardie et originale. Il me semble voir une page d'un poème
épique écrit par Béranger254.
Alfred de Musset semble mettre en valeur le réalisme de
la scène proposée par Charlet en attirant l'attention sur le
traitement du soldat en faisant l'analogie aux poèmes de
Béranger. Le succès est attesté par l'achat du tableau par
l'État, qui l'envoie au musée des Beaux-Arts de Lyon.
Malgré la réussite de cette peinture d'histoire au Salon de 1836,
Charlet ne parvient pas à se faire accepter à l'Institut de
France cette même année, conséquence sans doute de
l'ambivalence de sa carrière. Du gouvernement de Louis-Philippe, Charlet
reçoit néanmoins la commande du Passage du Rhin pour le
musée historique de Versailles. S'il ne rencontre manifestement pas le
même succès que La Retraite de Russie (fig. 34)
présentée deux ans auparavant, ce tableau rend compte du
caractère officiel qu'aurait pu prendre la carrière de Charlet,
si celui-ci avait persévéré dans cette veine. Charlet
revient une dernière fois au Salon en 1843, avec le Ravin, qui
reçoit une critique favorable.
En comparaison à son oeuvre lithographique innombrable,
c'est paradoxalement ce corpus de seulement trois peintures qui permet à
Charlet d'obtenir la plus grande reconnaissance de la critique et de
l'administration des beaux-arts. En effet, l'État prend conscience de
son talent de
253 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 86.
254 MUSSET, Alfred de, « Salon de 1836 », Revue des
Deux Mondes, t. VI, 15 avril 1836, p. 153-154.
77
peintre en lui confiant en 1838, la charge de professeur
à l'école Polytechnique. De surcroît, les succès de
Charlet au Salon participent à revaloriser son oeuvre lithographique,
qui jusqu'à présent avait été
dénigrée, puisqu'aucune épreuve n'était
conservée dans les collections nationales. Ainsi, la bibliothèque
du roi fait l'acquisition à la vente de la collection Bruzard, en avril
1839, de huit cent dix-neuf lithographies de Charlet pour la somme de 1 600
francs255.
À cette période, Charlet est à
l'apogée de sa carrière. Il est aussi populaire auprès du
peuple que de l'État, ce qui incite des auteurs à
s'intéresser à la question de sa biographie. Néanmoins, la
carrière de Charlet est difficile à appréhender, puisque
contradictoire. D'un côté, il semble s'efforcer à remporter
l'attachement des classes populaires, de l'autre il participe par intermittence
à la vie artistique officielle et en obtient quelques succès.
À l'évidence, cela induit ses biographes à prendre
position pour l'une ou l'autre partie de son oeuvre. Feuillet de Conches semble
être l'un des premiers à rédiger une notice individuelle
sur Charlet en 1833256. Dans cette dernière, l'auteur
s'attarde longuement sur la biographie de l'artiste en présentant sa
formation et sa rencontre avec Géricault. Il rend compte
également du talent de dessinateur lithographe et d'aquarelliste de
Charlet, mais à l'inverse, ne renseigne pas le lecteur sur sa pratique
picturale. Si celle-ci reste mineure à cette période, son oubli
montre que déjà à cette date l'oeuvre de Charlet est
difficile à appréhender. Il semble que l'ambiguïté de
son oeuvre s'accentue après sa mort, qui survient le 30 octobre 1845. Si
la revue l'Illustration lui consacre le 10 janvier 1846, un
frontispice (fig. 35) qui résume exclusivement son oeuvre lithographique
en convoquant les thèmes qui lui sont chers ; le maître
d'école, les grognards ou Napoléon, d'autres
préfèrent à l'inverse s'orienter vers sa carrière
d'artiste peintre, comme l'auteur anonyme du Journal des Beaux-Arts et de
la littérature, qui titre son article « M. Charlet
(Nicolas-Toussaint) peintre d'histoire »257. D'autres encore,
à l'instar de A. Solvet préfèrent
255 GRIVEL, Marianne, op. cit., p. 131.
256 FEUILLET DE CONCHES, Félix-Sébastien, «
Charlet », Encyclopédie des gens du monde répertoire
universel des sciences, des lettres et des arts : avec des notices sur les
principales familles historiques et sur les personnages célèbres,
morts et vivants, par une société de savants, de
littérateurs et d'artistes, français et étrangers, t.
V, Paris, Treuttel et Würtz, 1833, p. 532-535.
257 Anonyme, « Biographie des artistes. M. Charlet
(Nicolas-Toussaint). Peintre d'histoire », Journal des Beaux-Arts et
de la littérature, 1853, p. 121-124, in Anonyme, Recueil
factice de pièces sur Nicolas-Toussaint Charlet, S. l. n. d..
Conservé à la BnF, cote YB3-601-8.
78
prendre le parti du consensus, en présentant à
la fois son parcours de lithographe et de peintre d'histoire258.
« Sa bonté l'a rendu populaire et son talent l'a
fait aimer » écrit Jules Janin dans les colonnes de L'Artiste
le 4 janvier 1846, quelques mois après la mort de
Charlet259. Pourtant, Charlet ne semble pas remporter sa
popularité si facilement. Par ailleurs, celle-ci paraît pouvoir
s'envisager en deux temps. D'abord, l'artiste est apprécié par
les classes populaires pour ses albums et ses caricatures, ainsi que pour ses
représentations de Napoléon, qu'il diffuse par la lithographie,
ensuite il devient un artiste reconnu par l'État et une grande
majorité de la critique, grâce aux grandes compositions
historiques qu'il présente au Salon. Finalement c'est après sa
mort que sa popularité semble la plus importante et que l'ensemble de
son public se rejoint, en reconnaissant la valeur de ses épreuves
lithographiques et son talent de peintre d'histoire. Charlet suscite alors une
littérature importante. C'est dans ce contexte effervescent autour de la
figure de Charlet, que le colonel de La Combe rédige la biographie de
l'artiste en opposition « aux idées étroites qui ont
dominé ses contemporains »260.
B. Les sources à disposition pour le colonel de La
Combe.
Les publications du colonel de La Combe ; d'abord en 1854,
ensuite en 1856, interviennent près de dix ans après la mort de
Charlet et ne sont donc pas les premières à présenter la
carrière de l'artiste. Jusqu'alors, aucun document ne semble proposer
une étude aussi complète que Charlet sa vie, ses lettres,
suivie d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique
dont l'auteur travaille au plus tard depuis 1849261. La Combe
consacre en effet à l'artiste un ouvrage de quatre cents pages, quant
auparavant Charlet ne faisait l'objet que de courts articles publiés
dans la presse spécialisée. Dans ce sens, Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe exploite plusieurs sources matérielles pour
l'écriture de sa monographie sur Charlet. Outre l'évocation de
souvenirs et la transcription de certaines conversations qu'il a pu avoir avec
son sujet, le biographe paraît entreprendre une démarche
d'historien en tirant parti de la bibliographie, d'un corpus de lettres et des
oeuvres de l'artiste pour rédiger son ouvrage. Il sera
258 SOLVET. A., « Charlet », Écho de la
littérature et des beaux-arts, 1847, p. 34-36 in Recueil
factice de pièces sur Nicolas-Toussaint Charlet, ibid.
259 JANIN, Jules, « Charlet », L'Artiste, IVe
série, t. V, 4 janvier 1846, p. 154.
260 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 5.
261 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 28-29.
79
question ici de nous intéresser à l'ensemble des
moyens qu'avait à disposition le colonel de La Combe pour la
rédaction de Charlet sa vie, ses lettres.
Il semble que la volonté de La Combe à consacrer
un ouvrage à Charlet, lui soit venu de la correspondance qu'il
possédait de l'artiste262. Aussi comme semble l'indiquer le
titre, l'auteur accorde une place importante dans son ouvrage au recueil de
lettres de Charlet, comme sa lettre du 23 février 1849 adressée
à Hippolyte Bellangé le confirme : « Dans l'ouvrage dont je
m'occupe, la partie la plus intéressante, sans doute, et très
originale, sera le recueil de lettres et de documents sortis de la plume de
notre ami »263. À cette date, le colonel de La Combe ne
paraît pas encore avoir constituer son recueil, mais détient
déjà probablement un corpus important de lettres de Charlet,
conséquence de la correspondance qu'il entretenait avec ce dernier.
Marianne Grivel estime à soixante le nombre d'autographes de Charlet que
possédait le colonel de La Combe264. Toutefois, celle-ci ne
mentionne pas la source de son information. Pour notre part, nous avons
relevé dans l'ouvrage du colonel une dizaine de lettres de Charlet lui
étant adressées. S'il est probable que La Combe en détient
davantage, sa seule correspondance ne lui permet certainement pas de rendre
compte de la biographie complète de l'artiste.
Le colonel de La Combe a ainsi récolté des
lettres de Charlet auprès de la famille de l'artiste, de ses amis et de
ses protecteurs. C'est dans ce sens que La Combe fait part à
Bellangé de son intention de faire participer tous ceux qui ont
entretenu une correspondance avec Charlet265. Visiblement, La Combe
semble avoir remporté l'adhésion du cercle de l'artiste, puisque
nous avons distingué au moins vingt-sept destinataires
différents. Ce recensement doit probablement être inférieur
au nombre d'individus qui ont participé à l'entreprise du colonel
de La Combe, puisqu'il semble que l'auteur conserve l'anonymat de certains
protagonistes. Les noms les plus récurrents sont sans conteste ceux des
protecteurs de Charlet, à l'instar d'Alexandre de Rigny, dont nous avons
relevé quatorze lettres ou encore de Musigny, un riche amateur, qui
envoie au moins huit lettres de l'artiste au colonel. Au regard de l'ouvrage de
La Combe, il semble que Charlet entretenait une correspondance plus dense avec
ses amis
262 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 4.
263 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 33.
264 GRIVEL, Marianne, « On demande en vain... »,
op. cit., p. 132.
265 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 34.
80
collectionneurs qu'avec les artistes. Bellangé est
semble-t-il l'artiste qui fournit le plus de lettres. En outre, celui-ci livre
un portrait de Charlet (fig. 36) pour illustrer l'ouvrage de La Combe, comme il
le fera plus tard pour la biographie d'Henri de Saint-Georges en 1862.
Eugénie Charlet266, la veuve de l'artiste, est
également sollicité par La Combe. Elle lui envoie en effet,
quatre lettres de son époux écrites avant leur mariage, ce qui
confirme la proximité du colonel avec la famille de Charlet. La Combe
transcrit également quelques lettres lui étant adressées
par les amis de Charlet, à l'exemple de celle du général
de Rigny, dans laquelle celui-ci présente sa rencontre avec
l'artiste267. La publication de cette correspondance démontre
l'amitié qui lie La Combe aux autres amateurs de l'artiste. Aussi,
montre-elle l'effervescence de l'entreprise du colonel autour de la
revalorisation de l'oeuvre de Charlet. Si elle est à l'évidence
plus modeste, la manière dont procède Henri de Saint-Georges
lorsqu'il rédige la biographie posthume du colonel de La Combe
paraît analogue. Hippolyte Bellangé, Alexandre de Rigny et
François-Joseph Régnier (1807-1885) de la Comédie
Française, lui envoient les lettres qu'ils détenaient de La
Combe. Néanmoins, c'est principalement les lettres du colonel
adressée à Saint-Georges qui sont publiées dans
L'historien de Charlet peint par lui-même.
Il est évident que le colonel de La Combe utilise de la
bibliographie en plus des informations réunies grâce aux archives
manuscrites et à la connaissance des notices publiées
précédemment sur Charlet268. Si à l'instar de
la grande majorité de ses contemporains, La Combe ne propose pas la
liste des ouvrages consultés dans le cadre de ses recherches sur
Charlet, il connaît les récentes publications de la
littérature artistique en citant ponctuellement quelques
références bibliographiques. Il est possible qu'il ait eu usage
pour mener ses recherches de la Bibliographie de la France : ou Journal
général de l'imprimerie fondé en 1811, qui recense
l'ensemble des livres, revues et estampes publiés en France. Plus que
pour y trouver des informations sur Charlet, il semble que son utilisation de
la bibliographie lui sert à nourrir son propos, en complétant le
corps de texte par des citations en note de bas de page. Ainsi, La Combe cite
à propos de l'enseignement de Gros, fondé sur la copie des
maîtres anciens et placé sous l'autorité de David, la
monographie de Feuillet de Conches consacrée à Léopold
Robert, dans laquelle l'auteur revient sur la formation de son sujet : «
Et cependant David disait à ses élèves : «on peut
étudier les grands maîtres ; mais c'est la nature seule qu'il
266 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 39.
267 Ibid., p. 22-23.
268 Ibid., p. 6.
81
faut suivre : on se fait toujours soi-même. Je veux vous
préparer pour vous, pour votre nature, et non contre nature»
»269. La citation de cet ouvrage est à
appréhender comme un contre argument à l'obstination
académique de Gros avec certains de ses élèves, à
l'exemple de Bonington, que présente le colonel de La Combe quand il
s'intéresse à la formation de Charlet dans l'atelier de Gros. En
effet, La Combe utilise le texte de Feuillet de Conches pour justifier la
contradiction de Gros avec les préceptes de l'enseignement de David.
Le colonel de La Combe semble s'aider également de la
bibliographie pour organiser la description raisonnée de l'oeuvre
lithographique de Charlet. Dans ce sens, il ne paraît pas vouloir
reproduire le classement adopté par Bruzard dans le Catalogue
raisonné de l'oeuvre lithographique de Mr J. E. Horace
Vernet270.
Ce n'était pas chose facile que de classer un oeuvre
aussi considérable. Il y a quelques années, M. Buizard [sic.],
connu par un malencontreux catalogue de l'oeuvre lithographique d'Horace
Vernet, l'avait essayé. Son travail est resté inédit. Il
avait adopté un espèce d'ordre par matière. Toutes les
suites, toutes les pensées du maître se trouvaient perdues dans
telle ou telle catégorie ; les militaires, les bourgeois, les enfants ;
puis les militaires et les bourgeois réunis, etc. etc. ; il faisait
même figurer dans ces cadres de simples croquis contenant à peine
quelques indications271.
Il est probable que le colonel de La Combe ait consulté
cet ouvrage en préparation du catalogue de l'oeuvre lithographique de
Charlet. En effet, il est un modèle à ne pas reproduire pour La
Combe, puisque paraît-il séparant trop les thèmes de
représentation et par conséquent ne rendant pas compte de
l'oeuvre lithographique complet de Vernet. Ainsi, préfère-il
réaliser un catalogue divisé en dix sections, qu'il classe
notamment par genre, imprimeur et période de création. À
l'intérieur de ces grandes parties, La Combe propose une
appréciation de la rareté des épreuves lithographiques,
s'inspirant visiblement de la Description des médailles antiques
grecques et romaines, avec leur degré de rareté et leur
estimation de Théodore-Edme Mionnet (1770-1842), dont les
publications s'étendent de 1806 à 1838272. Indiquant
cette source bibliographique en préambule273, La Combe
cherche vraisemblablement à légitimer son travail
269 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op.
cit., p. 11 in FEUILLET DE CONCHES, Félix-Sébastien,
Léopold Robert, sa vie, ses oeuvre et sa correspondance, Paris,
Bureau de la Revue des Deux Mondes, 1848, p. 16.
270 BRUZARD, L. M., op. cit.
271 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 134.
272 MIONNET, Théodore-Edme, Description des
médailles antiques grecques et romaines, avec leur degré de
rareté et leur estimation, t. I, Paris, impr. De Testu, 1806.
273 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 203.
82
en s'appuyant sur un ouvrage de référence.
Ainsi, il utilise les signes déjà en usage pour indiquer le
degré de rareté de ces diverses pièces : « R
désigne une pièce rare ; RR - une pièce plus rare encore ;
RRR - une pièce très-rare »274. À
l'évidence, l'échelle d'appréciation utilisée par
le colonel de La Combe résulte de son expérience de
collectionneur. Par ailleurs, elle n'est pas aussi précise que celle
employée par Mionnet cinquante ans plus tôt. Ce dernier distingue
« jusqu'à R8, qui est la plus grande Puissance,
qu'[il a] donné à cette lettre, et qui indique par
conséquent que la Médaille est d'une extrême rareté
»275. Peut-être que le classement des lithographies de
Charlet ne demande pas une échelle de précision aussi
fragmentée ou bien le colonel de La Combe ne souhaite pas s'attirer
l'ironie de la critique ? La trop grande minutie des amateurs d'estampes pousse
notamment Jules Champfleury à se moquer de leur comportement dans
l'Hôtel des commissaires-priseurs en 1867276.
Comme Mionnet, La Combe entreprend la constitution de son
catalogue à partir de sa propre collection de lithographies de Charlet.
Il semble être l'un des rares amateurs à posséder l'oeuvre
lithographique complet de l'artiste, ce qui lui permet de l'appréhender
dans sa globalité. Néanmoins, la collection du colonel de La
Combe est complète à quelques exceptions, comme l'atteste
Philippe Burty dans la préface du catalogue de vente de la collection de
La Combe : « Et s'il y manquait quelques-unes de ces pièces dont on
ne connaît qu'une épreuve, M. de La Combe obtenait de son heureux
possesseur la permission d'en faire prendre un calque fidèle par l'un
des plus habiles élèves de Charlet, M. L. Canon
»277. À l'évidence, le colonel de La Combe jouit
d'un réseau de sociabilité assez important pour que les autres
amateurs l'autorisent à faire exécuter par Canon, des
fac-similés de leurs épreuves les plus rares. Cette pratique
semble relativement courante dans le cercle d'amateurs que fréquente La
Combe. En effet, François Parguez dispose également de calques de
lithographies de Charlet réalisées par son ami le
général Pierre Claude Pajol278. De surcroît,
certains calques à l'exemple du Jeune garçon qu'on suppose
être le fils de M. Vivant Denon (fig. 10), ont
été réalisé par Canon sous la direction même
de Charlet, comme le confirme Louis Clément dans le catalogue de vente
la
274 Ibidem.
275 MIONNET, Théodore-Edme, op. cit., p. ix.
276 CHAMFLEURY, Jules, op. cit., p. 11. Voir p. 66 de
notre mémoire.
277 BURTY, Philippe, « Préface », in PETIT,
Francis, op. cit., p. X.
278 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIÈRES, Jean-Eugène, op. cit., p. 12.
83
collection de La Combe279. Ainsi, nous avons
relevé quatorze fac-similés de lithographies de Charlet dans la
collection d'estampes du colonel de La Combe, à partir du catalogue de
vente. Dans son intérieur tourangeau où il conserve l'oeuvre
complet de Charlet, La Combe peut donc travailler à son catalogue
raisonné de l'oeuvre lithographique de Charlet, sans avoir besoin de se
déplacer régulièrement puisque conservant l'ensemble des
pièces.
Il semble que La Combe se sert également de sa
collection de peintures, aquarelles et dessins de Charlet, pour
présenter certaines anecdotes dans sa monographie consacrée
à l'artiste. On relève en effet dans Charlet sa vie, ses
lettres, au moins quatre oeuvres de Charlet faisant partie de la
collection du colonel de La Combe : Une classe en insurrection, Les vieux
souvenirs, Un paysage, et La voiture du cantinier. Au travers de
ces quatre oeuvres, La Combe présente davantage le caractère et
les méthodes de travail de Charlet qu'il ne propose une analyse
stylistique. À l'exemple de la Classe en insurrection, La Combe
montre la manière dont Charlet lui a fait don de cette oeuvre. Il semble
ainsi mettre en lumière son importante collection en
s'intéressant ponctuellement à quelques oeuvres lui appartenant
et sur lesquelles il peut également livrer à son lecteur une part
de l'intimité de Charlet.
À l'évidence, la proximité du colonel de
La Combe avec Charlet a facilité son travail de recherche biographique,
puisque possédant déjà de nombreuses informations.
Toutefois à l'instar d'un historien, le colonel de La Combe semble
multiplier les sources d'informations, pour rédiger son ouvrage sur
Charlet et « faire connaître à la France un de ses plus
dignes enfants »280.
C. « Faire connaître à la France un de
ses plus dignes enfants... » L'ambition du colonel de la Combe pour la
mémoire de Charlet.
En ce milieu du XIXe siècle où une
bonne part de la population française ne sait ni lire, ni écrire,
l'ouvrage du colonel de La Combe n'est à l'évidence pas
destiné à toutes les couches de la société. Priant
son lecteur de l'excuser de son « insuffisance, car [il n'est] ni
littérateur, ni critique, ni artiste »281, La Combe
s'adresse néanmoins à un public éclairé dans le
domaine des beaux-arts, à l'exemple d'Eugène Delacroix qui semble
avoir connaissance de l'ouvrage dès la
279 PETIT, Francis, op. cit., p. 34.
280 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 5
281 Ibidem.
84
fin de l'année 1856282, ou encore de
François Parguez qui possède un exemplaire de Charlet sa vie
ses lettres comme en atteste le catalogue de la vente de sa
collection283.
Suivant l'exemple de la biographie de Léopold Robert
par Feuillet de Conches et celle de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
(1732-1779) par Louis de Loménie (1815-1878)284, le colonel
de La Combe paraît amorcer en France la mode de la biographie par la
publication d'un corpus de lettres. Né en Angleterre au début du
siècle comme semble l'indiquer La Combe dans une lettre à Henri
de Saint-Georges285, ce parti narratif se développe
considérablement autour des années 1860-1870 et remporte un
certain succès jusqu'au début du XXe siècle.
Ainsi, le récit se présente comme une alternance entre la
contextualisation des événements par l'auteur, la citation ou
publication de lettres entières en rapport avec les circonstances
préalablement exposées et les commentaires de ces
dernières. La Combe justifie sa probité intellectuelle en
confirmant l'authenticité des lettres de Charlet et en reconnaissant
qu'il a dût en omettre quelques parties : « Si parfois, et à
notre grand regret nous avons dû y faire des suppressions
commandées par divers motifs, jamais nous ne sommes permis d'en modifier
la forme ou l'expression »286.
L'introduction de l'ouvrage semble débuter par un court
bilan historiographique sur Charlet, dans lequel La Combe montre que
jusqu'à présent l'artiste n'a pas été
apprécié à sa juste valeur, hormis par un petit nombre
d'amateurs.
[É] ce grand artiste a été mal
jugé, nous pourrions dire méconnu. Quoique son souvenir soit
encore dans toutes les mémoires, on le regarde comme un artiste d'un
ordre secondaire, sauf un bien petit nombre de juges d'élites qui,
l'ayant vu et étudié de plus près, ont su découvrir
en ses ouvrages le sceau du génie. Pour les autres, Charlet est un homme
d'esprit, sans aucun doute, mais ce n'est qu'un faiseur de caricature
[É]287.
Le colonel de La Combe revient rapidement sur la
réception de l'oeuvre de Charlet en distinguant deux opinions : celle
des défenseurs, qui voient en Charlet un artiste
282 DELACROIX, Eugène, Journal 1855-1863, t. III,
Paris, imp. Plon-Nourrit et Cie, 1895, p. 187.
283 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIÈRES, Jean-Eugène, op. cit., p. 14.
284 LOMÉLIE, Louis de, Beaumarchais et son temps :
études sur la société en France au XVIIIe siècle
d'après des documents inédits, Paris, Michel-Lévy
Frères, 1855.
285 SAINT-GEORGES, Henri de, « Charlet et son historien
», Revue des provinces de l'ouest, n°4, 1856, p. 215.
286 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. p. 5.
287 Ibid., p. 3.
85
pluridisciplinaire de talent, et celle des détracteurs,
qui au contraire ne retiennent que ses épreuves lithographiques, mais ne
les considèrent pas comme des oeuvres d'art. À l'évidence,
La Combe cherche à palier l'incompréhension de l'oeuvre de
Charlet par la publication de son ouvrage. La présentation de la
formation de l'artiste est l'occasion d'insister sur le fait qu'il est
distingué très tôt des autres élèves par son
maître. Gros ne lui impose pas en effet un enseignement strict et
académique, comme il le fait avec Bonington288 : «
Charlet seul, suivant une route à part, fut dès le premier jour
jugé et apprécié dignement par son maître, qui
prédit son avenir. Aussi avec lui ne fut-il jamais question de grands
prix, de concours, de voyages à Rome »289. Dans ce sens,
La Combe semble appliquer à la carrière de Charlet une forme de
prédestination pour la lithographie. De fait, La Combe cite non sans
hasard, les félicitations de Gros à Charlet pour ses
premières lithographies qu'il fait éditer chez Delpech : «
«J'ai vu tel de vos compositions» lui disait-il, «c'est bien,
très bien, continuez...» »290. L'auteur souligne
également l'avant-garde des épreuves de jeunesse de Charlet,
puisqu'appréciées par les artistes de la jeune
génération, à l'instar de Géricault. Avec ce
dernier, Charlet partage en 1820 un voyage en Angleterre pour la
présentation du Radeau de la Méduse. Au cours de ce
séjour Charlet paraît avoir initié son compagnon à
la lithographie.
Les premières études lithographiques de
Géricault prouvent qu'il avait peu l'usage du crayon sur la pierre ; il
a dû consulter Charlet, qui maintes fois lui a apporté sa
collaboration. Deux pièces à la plume, entre autres, lui
appartiennent presque entièrement, quoiqu'elles soient classées
dans l'oeuvre de Géricault, dont, il est vrai, elles en portent pas le
nom291.
Pour preuve du talent précoce de lithographe de
Charlet, La Combe donne en exemple son enseignement de la technique à
Géricault. Néanmoins, il semble difficilement concevable que
Charlet ait eu une grande influence sur la maîtrise de la technique
lithographique de cet artiste292. En effet, Géricault livre
déjà avant son départ pour l'Angleterre des pièces
de grande qualité, à l'instar des Boxeurs (fig. 37) en
1818, dont le colonel de La Combe possède par ailleurs une
épreuve. Aussi, La Combe protège l'oeuvre lithographique de
Charlet en constituant son catalogue, qui recense mille quatre-vingt neuf
épreuves. De cette manière, le catalogue vise
288 Ibid., p. 11.
289 Ibid., p. 12.
290 Ibid., p. 12.
291 Ibid., p. 18.
292 JOBERT, Barthélémy, « Charlet. Une
carrière de peintre de la Restauration à la Monarchie de Juillet
», in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT, Hélène
(éd.), op. cit., p. 31-32.
86
à « réveill[er] chez les uns des souvenirs
et donn[er] aux autres le désir de connaître »293.
En somme, La Combe recherche le consensus entre les défenseurs et les
détracteurs des lithographies de Charlet.
La Combe présente aussi les autres médiums dans
lesquelles s'est illustré Charlet. S'il passe presque sous silence les
quelques dessins à l'eau-forte réalisés en
1828294 ; qui semblent d'ailleurs ne pas avoir été un
franc succès, l'auteur s'intéresse particulièrement aux
sépias et aux aquarelles de Charlet : « En effet, dans ces
magnifiques aquarelles, dans ces sépias si vigoureuses et si
transparentes, indépendamment du mérite du procédé,
du dessin, de la couleur, se trouve celui de la pensée, à un
degré aussi éminent que dans l'oeuvre lithographique
»295. Quand il s'intéresse à un autre
médium, La Combe ne peut s'empêcher de les comparer aux
lithographies. Il insiste notamment sur les thèmes communs des
lithographies et des aquarelles de l'artiste. Pourtant les premières
sont davantage dépréciées que les secondes, qui au
contraire remportent un large succès comme le fait remarquer La
Combe296. La manière de valoriser les oeuvres
dessinées, aquarelles et sépias paraît finalement assez
proche de celle que La Combe emploie pour revaloriser la lithographie. Il fait
effectivement de Charlet l'un des grands protagonistes, si ce n'est le plus
important, du dessin aquarellé en France de la première
moitié du XIXe siècle.
[É] Schroth, un des marchands qui les premiers
comprirent si bien le commerce des dessins, fit connaître en France les
aquarellistes anglais, presque tous paysagistes, il est vrai. Néanmoins
les artistes français eurent à gagner dans ces importations ; ils
virent que, même avec de l'aquarelle, on pouvait être vigoureux et
coloriste ; alors ils ont osé. Mais déjà Charlet, lui
avait osé tout seul : on a pu apprendre beaucoup de lui, il n'a eu
à apprendre de personne ; et on peut même dire qu'il a
inventé les couleurs à l'eau, il a inventé la
véritable aquarelle, et ouvert un chemin dans lequel tant d'autres se
sont précipités sans pouvoir l'atteindre297.
La Combe semble attribuer à Charlet le mérite de
la rénovation de l'aquarelle en France en le présentant comme le
pionnier du dessin aquarellé. Le colonel n'hésite donc pas
à le comparer aux aquarellistes anglais, qui développent
largement le médium à l'exemple de Bonington ou Samuel Prout
(1783-1852), qu'il collectionne également. Charlet manifeste
293 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 135.
294 Ibid., p. 46.
295 Ibid., p. 85.
296 Ibid., p. 90.
297 Ibid., p. 86.
87
comme eux un goût pour le paysage. Cependant La Combe
accorde aux dessins de Charlet une supériorité dans la
précision et dans le rendu du paysage, qui l'incite à les
comparer aux oeuvres de Jacob van Ruysdael (1628-1682) à
l'évidence pour le légitimer298. Enfin, La Combe fait
de Charlet le précurseur des artistes peignant sur le
motif299.
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe semble accorder une
place non négligeable à la carrière picturale de Charlet.
Il lui consacre en effet deux chapitres et y fait ponctuellement
référence dans les différentes parties de son ouvrage.
Néanmoins, le colonel fait remarquer le manque d'expérience et
les difficultés de l'artiste dans ce médium.
« Il attribuait principalement son manque d'adresse dans
l'exécution, à ce que d'abord chez son maître Gros il avait
fait peu d'études peintes d'après nature. Puis il était
trop impatient d'arriver immédiatement à un résultat,
gâté qu'il était par des procédés de la
lithographie, de la sépia et de la l'aquarelle »300.
Il est évident que la pratique de la peinture à
l'huile demande de la patience et de la concentration, que Charlet n'a pas
à l'évidence. Pourtant La Combe insiste sur le fait que Charlet a
du talent dans ce médium, et le justifie principalement dans le chapitre
qu'il consacre presque entièrement à la réception de la
Retraite de Russie (fig. 34) au Salon de 1836, dans lequel il cite en
intégralité l'article élogieux d'Alfred de
Musset301. Aussi, La Combe cherche semble-il à montrer la
manière dont Charlet envisage la pratique de la peinture à
l'huile. C'est dans ce sens que La Combe cite une lettre de Charlet
écrite pendant la création de la toile qui l'a rendu
célèbre, et dans laquelle il s'interroge sur ses motivations :
« «Pourquoi Charlet veut-il faire de la peinture ? il devrait s'en
tenir à ses lithographies. Mon coeur se brise à une idée
pareille» »302. On comprend dès lors que sa
pratique picturale se présente comme un défi. Charlet cherche
probablement aussi la reconnaissance officielle de ses contemporains.
L'ouvrage du colonel de La Combe est autant destiné
à faire connaître l'oeuvre de Charlet, que sa vie personnelle. En
effet, pour l'auteur la vie de son sujet est une perspective aussi
intéressante que son oeuvre, puisque les deux semblent finalement
s'influencer directement.
298 Ibid., p. 87.
299 Ibid., p. 88.
300 Ibid., p. 74.
301 MUSSET, Alfred de, op. cit., in LE BLANC DE LA
COMBE, Josep-Félix, op. cit., p. 91.
302 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 92.
88
On a dit à raison que la meilleure biographie d'un
artiste était l'histoire de son oeuvre et que c'était là
qu'il fallait l'étudier et apprendre à la connaitre. Et,
cependant, on peut croire que pour l'artiste qui procède de
lui-même, sa vie est un commentaire utile de ses ouvrages. Puis on veut
des détails intimes, des anecdotes, des lettres, etc. etc. ; si tout
cela se demande pour les autres, à plus forte raison doit-on l'exiger
pour Charlet303.
L'oeuvre et la vie de l'artiste sont effectivement très
liées. L'ouvrage du colonel de La Combe donne également la
possibilité de connaître le contexte de création de
certaines oeuvres, mais surtout permet de rendre compte des relations
qu'entretenaient Charlet avec ses amis. De nombreux amateurs sont alors
cités, à l'exemple de ses plus fidèles protecteurs, dont
le général de Rigny, François Parguez, Auguste Moufle,
Feuillet de Conches, Hippolyte Lalaisse et évidemment le colonel de La
Combe. Le biographe semble de cette façon rendre hommage à l'ami
plus qu'au peintre, en évoquant le souvenir de leur amitié par la
publication des lettres de Charlet. Cette volonté justifie finalement le
parti narratif adopté par le colonel de La Combe. En effet les lettres
retranscrivent le comportement de l'artiste avec ses amis et participent
à la connaissance de sa personnalité. Grâce au vaste corpus
de lettres réuni par La Combe, Charlet est présenté en
différentes émotions et sous différents angles. Elles le
montrent en effet comme un personnage attentif à ses amis, parfois
mélancolique, mais plus souvent volubile, comme en témoigne les
quelques vers extraits de la lettre du 7 octobre 1833 adressée au
colonel de La Combe lorsque Canon est à Tours.
Pour des rillettes, Et caetara, De mauvaises
lettres On écrira ; Et puis je recevrai tout ça (les
rillettes). Alleluia304.
Par la publication de ces vers en particulier et par
l'édition de ses lettres, La Combe présente le caractère
de son ami. La publication des lettres de l'artiste est aussi l'occasion pour
La Combe de confirmer la qualité d'écrivain de Charlet, qu'il
défend dans son introduction305. Il s'appuie également
sur la citation d'une partie de l'ouvrage de Charlet écrit à
partir de 1839, La Plume causerie artistique, « en guise de
préface à son cours de cinquante-deux dessins à la
303 Ibid.., p. 5.
304 Ibid., p. 70.
305 Ibid, P. 4.
89
plume »306. L'auteur de Charlet sa vie,
ses lettres se distingue ainsi des autres biographes de l'artiste,
puisqu'en effet aucun ne l'avait envisagé comme tel auparavant. La forme
et l'expression de Charlet semblent lui être effectivement
caractéristique. La Combe légitime ainsi le registre de langue
avec lequel s'exprime l'artiste. En effet, les lettres de Charlet sont souvent
rédigées dans un niveau de langue familier. Pourtant « si
c'est être écrivain que de trouver des tours neufs, des formes
originales, des expressions incisives, pittoresques, qui enrichissent la langue
; si c'est être écrivain que de créer des proverbes, cette
sagesse des nations ; certes à tous ses titres, Charlet peut prendre
rang parmi les hommes qui ont écrit »307. Charlet
apprécie en effet les jeux de mots et les calembours. Néanmoins,
cette tonalité familière se retrouve davantage dans sa
correspondance, que dans la Plume ; écrit à destination
de ses élèves de l'école Polytechnique, ce qui
démontre que ses lettres n'étaient pas vouées à
être publiées. À l'évidence, elles relèvent
de son intimité.
Charlet sa vie, ses lettres se présente comme
l'oeuvre d'un ami consacrée à la mémoire d'un ami.
L'auteur paraît avant tout rendre hommage à l'oeuvre, la
carrière et au caractère de Charlet. Dans ce sens, la
démarche de La Combe est relativement similaire à celle du
poète Auguste Moufle, qui en 1839, publie un Épitre à
Charlet. L'auteur narre avec solennité l'oeuvre et la vie de
Charlet depuis son enfance jusqu'à sa carrière de peintre
d'histoire, mais salue aussi le tempérament de l'artiste. En guise de
conclusion, Moufle rédige ces quelques vers :
En écrivant ces vers j'ai formé qu'un voeu :
Puisses-tu les trouver dignes de ton aveu, Applaudir aux effets de ma muse
inquiète, Et du titre d'ami décorer le poète 308!
Si Moufle fait honneur à son sujet en reconnaissant sa
qualité d'artiste et d'ami, il semble par ailleurs avoir pour ambition
d'obtenir la reconnaissance publique de Charlet et probablement aussi celle de
ses lecteurs. Les relations amicales avec les artistes sont en effet
valorisantes pour les amateurs. En publiant les lettres de Charlet qui lui
étaient adressées, La Combe présente ostensiblement leur
amitié. La proximité que révèle leur correspondance
permet ainsi à La Combe de se poser comme le biographe incontestable de
Charlet, ce qui lui donne la possibilité de garantir au lecteur
l'authenticité et la valeur des propos qu'il exprime.
306 Ibid., p. 109.
307 Ibid. p. 4.
308 MOUFLE, Auguste, Épître à Charlet,
Paris, Imprimerie de E. Duverget, 1839, p. 24.
90
II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe et
Nicolas-Toussaint Charlet, deux destins indissociablement liés.
A. La réception critique de Charlet sa vie, ses
lettres.
Lorsque le colonel de La Combe envoie son manuscrit à
deux éditeurs parisiens en vu de sa publication, il semble que ces mots
lui aient été renvoyés: « Cela n'a aucune valeur,
n'aura aucun succès, et ne fera pas ses frais »309. Ce
refus de faire éditer son ouvrage à Paris, paraît inciter
La Combe à entreprendre la publication à ses frais310
chez l'imprimeur tourangeau, J. Bouserez. Toutefois à l'inverse de ce
que prévoyait les éditeurs, le livre connaît un
succès éditorial dès sa parution en octobre
1856311. En effet, cette publication est fortement
médiatisée dans la presse spécialisée, puisqu'au
minimum sept articles lui faisant référence sont
publiés312. À travers l'ensemble des commentaires
parus à l'occasion de la sortie du livre du colonel de La Combe, il
serait intéressant de présenter la réception critique de
Charlet sa vie, ses lettres pour appréhender dans la suite de
la partie, son influence sur la réputation de La Combe et la
renommée de Charlet.
L'ensemble des critiques reconnaît la valeur de
Charlet sa vie, ses lettres et salue à l'unanimité la
démarche de son auteur. Ainsi, Auguste de Belloy écrit dans son
article publié dans La Revue Française que cette
publication est « l'une des plus intéressantes, des plus neuves,
des mieux conduites que l'on ait vues depuis longtemps »313,
tandis qu'Henri de Saint-
309 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 35.
310 Ibid., p 35.
311 Bibliographie de la France ou Journal
général de l'imprimerie et de la librairie, n° 43, 25
octobre 1856, p. 1079.
312 BELLOY, Auguste de, « Charlet sa vie, ses lettres
», Revue Française, s. l. n. d., p. 18-27, in Anonyme,
Recueil factice de pièces sur Nicolas-Toussaint Charlet, S. l.
n. d.. Conservé à la BnF, cote YB3-601-8.
CLÉMENT DE RIS, Louis, « Toussaint Charlet.
Charlet sa vie, ses lettres par M. De Lacombe », L'Artiste,
6ème série, t. II, 2 novembre 1856, p. 262-265.
CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., 9 novembre 1856,
p. 275-278.
DELACROIX, Eugène, « Charlet », Revue des
Deux Mondes, seconde période, vol. 37, 1er janvier 1862,
p. 234242.
GRANDMAISON, Charles de, « Charlet artiste et
écrivain », La correspondance littéraire, n°
5, s. l. n. d., p. 101103, in Anonyme, Recueil factice de pièces sur
Nicolas-Toussaint Charlet, S. l. n. d.. Conservé à la BnF,
cote YB3-601-8.
SAINT-GEORGES, Henri de, « Charlet et son historien
», Revue des provinces de l'ouest, n°4, 1856, p. 193-216.
313 BELLOY, Auguste de, op. cit., p. 19.
91
Georges dans la Revue des provinces de l'ouest
s'efforce de faire « connaître le puissant intérêt
de cette attrayante étude biographique et le remarquable talent de son
auteur »314. Si Louis Clément de Ris, le premier
à commenter La Vie de Charlet, apprécie le style «
simple et naturel »315 du colonel de La Combe, il
reconnaît aussi son travail d'historien. Ainsi, le critique semble
apprécier le mode de narration épistolaire de l'ouvrage pour
l'impartialité qu'elle induit et pour l'apport « d'une masse de
faits assez solides pour permettre d'y baser une appréciation
équitable »316. Il semble que la transcription de la
correspondance de Charlet suscite un intérêt particulier chez tous
les critiques, qui découvrent alors le caractère et la vie
personnelle de Charlet, mais surtout s'étonnent de sa qualité
d'écrivain que La Combe cherchait à mettre en lumière
dès son introduction. Tous font référence à ce
talent caché et s'attardent plus ou moins longuement à ce sujet,
comme Clément de Ris qui lui consacre une partie importante de son
étude.
Ce pieux monument révèle un talent caché
de Charlet d'autant plus intéressant qu'il était à peu
près inconnu jusqu'à ce jour. Je veux dire l'écrivain.
Oui, Charlet était un écrivain, un écrivain de talent
original. Incorrect, débraillé, plein de taches que le goût
réprouve, son style n'est certes pas académique, et je ne le
recommande pas aux faiseurs de cours de littérature ; mais il est
doué d'une personnalité qui n'a rien de bizarre, et n'en est que
plus vive ; il est clair, coloré, non surchargé, animé,
rapide. [É] Oui, j'ai pris un vif plaisir à lire ces lettres.
Ça a été une heureuse surprise dans un genre où les
surprises sont si souvent malheureuse, et à un moment où la
pauvre langue française reçoit de si triste
accrocs317.
Comme en témoigne cette citation, le critique semble
particulièrement sensible à la qualité d'écrivain
de Charlet, en défendant ardemment son style littéraire et
l'intelligence de ses tournures. Peut-être que dans le contexte de
simplification de la langue française, Clément de Ris voit en la
verve de Charlet « l'esprit gaulois »318 auquel le colonel
de La Combe faisait référence. Si cela venait à être
confirmé, il serait probablement envisageable d'appréhender la
sensibilité pour le style de Charlet comme une forme de patriotisme.
Dans une majorité des critiques parus à propos
de cet ouvrage, il semble que la qualité de peintre, graveur et
lithographe de Charlet soit paradoxalement moins retenu que son
intimité,
314 SAINT-GEORGES, Henri de, « Charlet et son historien
», op. cit., p. 215.
315 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., p. 262
316 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., p. 262
317 Ibid., p. 262-263.
318 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 5.
92
comme en témoigne ce court passage de l'article de
Charles de Grandmaison (1824-1903) publié dans La correspondance
littéraire : « On se plaît à étudier ainsi
Charlet dans ses lettres, à connaître ses habitudes et ses
goûts, et vraiment nous avons été charmé de voir
qu'il adorait le bric à brac »319. On constate que ce
sont ses activités en marge de sa carrière d'artiste, ici le
collectionnisme, qui sont principalement mises en exergue. Dans ce sens, il est
possible de s'interroger sur l'ambition du colonel de La Combe à travers
la publication de son ouvrage. L'auteur préférait-il revaloriser
l'oeuvre ou plutôt mettre en évidence le caractère et la
vie quotidienne de Charlet ? Il semble qu'Eugène Delacroix confirme la
seconde hypothèse dans son journal à la date du 26 janvier
1859.
Je ne suivrai pas l'auteur de la Vie de Charlet dans
la partie anecdotique de son histoire. Cette partie y occupe une grande place ;
ami du grand artiste, il a connu une foule de particularités, et il a
fait ressortir comme il le doit les parties honorables de son caractère.
Il s'en est fait en quelque sorte un pieux devoir, et on ne peut que lui donner
des éloges à cet égard, comme pour les parties de son
ouvrage où il fait ressortir les qualités de l'illustre
dessinateur. Telle n'est pas la tâche d'un contemporain de Charlet,
artiste comme lui, qui entreprend de ramener le public à une estime de
ses ouvrages égale à leur mérite. En étalant aux
yeux la partie intime de sa vie, il se trouve en contradiction avec cette
opinion dans laquelle il n'a fait que s'affermir de plus en
plus320.
Delacroix reconnaît à l'évidence le
travail important mené par le colonel de La Combe et l'en
félicite. Mais la « foule de particularités » sur la
vie de Charlet proposée par La Combe, paraît polluer quelque peu
la valorisation de l'oeuvre de l'artiste et semble entretenir selon Delacroix
l'ambivalence de sa carrière et son statut de faiseur de caricature. En
1865, Charles Blanc (1813-1882) rejoint Delacroix sur ce point en reconnaissant
également que la première partie de l'ouvrage du colonel de La
Combe est à l'évidence trop complète et que les trop
nombreuses lettres de Charlet « écrites dans un style qui n'est
jamais sérieux, et qui ne sort pas ou presque du jargon des ateliers et
de l'argot du soldat, finissent par fatiguer le lecteur, et nuisent à
l'idée qu'on se fait de l'esprit du maître »321.
Les réflexions de Delacroix interviennent en amont de son article sur
Charlet publié le 1er janvier 1862 dans la Revue des Deux
Mondes, dans lequel il s'intéresse particulièrement aux
questions de la carrière et de l'oeuvre de Charlet. Delacroix met
à l'évidence moins de sentiment et paraît plus distant que
ne l'était le colonel de
319 GRANDMAISON, Charles de, op. cit., p. 103.
320 DELACROIX, Eugène, Journal 1855-1863, op.
cit., p. 371.
321 BLANC, Charles, « Charlet », Histoire des
peintres de toutes les écoles. École française, t.
III, Paris, Jules Renouard Libraire-Éditeur, p. 210.
93
La Combe, puisque ne citant à aucune reprise la
correspondance de Charlet. Il insiste sur la qualité de dessinateur et
sa facilité à l'exécution, et attire
particulièrement l'attention sur le réalisme des physionomies des
personnages, peut-être pour trouver l'affection de ses contemporains
baignés dans le mouvement réaliste.
À l'instar des autres critiques, Delacroix fait
référence dans son article au « catalogue consciencieux et
parfaitement raisonné »322 de l'oeuvre lithographique de
Charlet dressé par le colonel de La Combe. Tous reconnaissent en effet
la qualité du travail et félicitent notamment la «
description méthodique aussi claire et bien réussie qu'elle
était difficile à mener »323. Toutefois Charles
de Grandmaison et Louis Clément de Ris conseillent à La Combe de
compléter la seconde partie de son ouvrage. Grandmaison propose par
exemple au colonel de La Combe de réaliser le catalogue de l'oeuvre
dessiné de Charlet pour compléter son travail
remarquable324. Si cette tâche semble difficile à mener
en conséquence de la grande dispersion des oeuvres de Charlet, le
conseil de Clément de Ris paraît quant à lui plus objectif
et plus facilement réalisable, en incitant La Combe à rajouter
dans son catalogue les pièces gravées d'après Charlet et
une table chronologique qui permettrait « l'étude comparée
des débuts, des modifications et des progrès de Charlet
»325. Il semble que La Combe ait entrepris cette
démarche l'année suivant la publication de la première
édition en collaboration avec son ami Henri de Saint-Georges. Ainsi La
Combe écrit à Saint-Georges peu de temps avant son
décès, le 27 février 1862 :
Je viens de refondre ma première section, les
Portraits. J'adopte décidément l'ordre alphabétique.
Ceci fait, il ne me reste plus grand'chose [sic.] à dire. Ma table
chronologique est terminée. Dans la table des matières, j'ai peu
de choses à changer. Ainsi, quoi que vous disiez, j'espère que
dans cinq ou six mois je serai prêt, et pourrait commencer l'impression
du livre326.
La Combe semble appliquer les conseils de Clément de
Ris en modifiant d'une part l'organisation de la première section de son
catalogue des lithographies de Charlet, de l'autre en proposant une table
chronologique. À cette occasion, il paraît revoir également
la partie
322 DELACROIX, Eugène, op. cit., p. 240.
323 BELLOY, Auguste de, op. cit., p. 27.
324 GRANDMAISON, Charles de, op. cit., p. 103.
325 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., p. 278.
326 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de CharletÉ,
op. cit., p. 39.
94
biographique327. Peut-être que la
première édition a permis de découvrir d'autres lettres
comme l'espérait La Combe en introduction de son ouvrage328.
L'édition revue et corrigée de Charlet sa vie, ses lettres
devait probablement être imprimée chez Mame sous la direction
d'Henri Fournier (1800-1888), comme semble l'indiquer une lettre du colonel
adressée à Saint-Georges329. Cependant cette seconde
édition ne sera jamais publiée, puisque le colonel
décède le 18 mars 1862, sans que l'ensemble des corrections n'ait
été terminé.
Il semble qu'au travers de la publication de Charlet sa
vie, ses lettres, le colonel de La Combe gagne son pari de : « faire
connaître à la France un de ses plus dignes enfants
»330. Les critiques favorables que reçoivent l'ouvrage
et son auteur montrent qu'en effet un intérêt particulier pour
Charlet est en train d'émerger. Par ailleurs si l'ouvrage avait
l'ambition de faire partager la qualité d'écrivain de Charlet, il
semble de surcroît que sa publication à fait découvrir
également celle du colonel de La Combe, en plus de son talent
d'historien et sa pratique de la collection.
B. Charlet sa vie, ses lettres. Quels apports pour la
réputation du colonel de La Combe et la renommée de Charlet ?
Les années suivants la parution de Charlet sa vie,
ses lettres semblent décisives pour la réputation du colonel
de La Combe et celle de Charlet. C'est à partir de cette période
en effet que l'on retrouve les premières notices biographiques sur La
Combe dans les dictionnaires et encyclopédies, à l'instar de
celle publiée dans le Dictionnaire des contemporains de Gustave
Vapereau (1819-1909) en 1861331. Dans celle-ci, La Combe est autant
présenté pour sa récente carrière
d'écrivain, sinon plus que pour sa carrière militaire. Dans ce
sens, les contemporains du colonel de La Combe paraissent l'associer
irrévocablement à Charlet depuis la publication de son ouvrage.
De cette manière, il serait intéressant d'étudier la
façon dont se traduit la parution de Charlet sa vie ses lettres
sur la réputation du colonel de La Combe de son vivant et sur la
renommée de Charlet.
327 Ibid., p. 38.
328 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 4.
329 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 39.
330 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 5.
331 VAPEREAU, Gustave, « LACOMBE (Joseph-Félix
LEBLANC DE) », Dictionnaire des contemporains, Paris, Hachette,
1861, p. 996.
95
« Le moment où son mérite fut le plus
exalté coïncide avec la publication du catalogue de son oeuvre
lithographié »332 écrit Henri Béraldi en
1886. En effet, il semble que les critiques et les amateurs soient nombreux
à se ré-intéresser à Charlet. Pour preuve, la cote
de ses lithographies paraît remonter considérablement pour
atteindre des prix jusqu'alors inégalés. Pour exemple, rappelons
seulement qu'en 1839 la collection de lithographies de Charlet appartenant
à Bruzard est acquise pour 1600 francs par la Bibliothèque du roi
333 . En comparaison les lithographies de Charlet provenant de la
collection Parguez sont vendues 2 700 francs334, soit près du
double en l'espace de vingt ans, mais surtout peu de temps après la
publication de Charlet sa vie, ses lettres. Néanmoins
l'intérêt pour Charlet depuis la parution de cet ouvrage
paraît irriter certains critiques, à l'instar de Charles
Baudelaire (1821-1867) qui reste sévère envers l'artiste.
En résumé : fabricant de niaiseries nationales,
commerçant patenté de proverbes politiques, idole qui n'a pas, en
somme, la vie plus dure que toute autre idole, il connaîtra prochainement
la force de l'oubli, et il ira, avec le grand peintre [Horace Vernet]
et le grand poète [Pierre-Jean de Béranger], ses cousins
germains en ignorance et en sottise, dormir dans le panier de
l'indifférence, comme ce papier inutilement profané qui n'est
plus bon qu'à faire du papier neuf335.
Ce n'est probablement pas de manière innocente que
Baudelaire publie un réquisitoire cinglant contre Charlet, un an
précisément après la parution de l'ouvrage du colonel de
La Combe. Cela montre que l'opposition perdure entre les défenseurs et
les protecteurs de Charlet. À l'inverse Charlet sa vie, ses lettres
paraît susciter chez quelques critiques de l'intérêt
pour la carrière de l'artiste. Tel est le cas d'Émile Cantrel,
qui en août 1859, publie une chronique sur Charlet dans
L'Artiste336. Après avoir introduit son sujet en
défendant le renouvellement de l'art, Cantrel donne à Charlet une
place considérable dans l'histoire de l'art, peut-être sous
l'influence de La Combe et en réponse à Baudelaire : « Dans
une histoire raisonnée de la peinture, c'est donc à lui, l'homme
de l'Empire et de la révolution de Juillet qu'appartiendrait
332 BÉRALDI, Henri, Les graveurs du XIXe
siècle. Guide l'amateur d'estampes modernes, t. IV, Paris, L.
Conquet, p. 112.
333 GRIVEL, Marianne, op. cit., p. 131.
334 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIÈRES, Jean-Eugène, Collection Parguez, op. cit., p.
12. Exemplaire de la Bibliothèque nationale de France, [en ligne] :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k380103z.
335 BAUDELAIRE, Charles, « Quelques caricaturistes
français », Présent, octobre 1857. Consulté
in : BAUDELAIRE, Charles, OEuvres complètes de Charles
Baudelaire, Paris, Michel Lévy frères, 1868, p. 397.
336 CANTREL, Émile, « Artiste contemporain : Charlet
», L'Artiste, nouvelle série, t. VII, 1859, p. 230-236.
96
la première place »337. Il est probable
que la lecture de l'ouvrage du colonel de La Combe ait influencé quelque
peu son jugement. En effet, avant la publication de cette première
monographique sur Charlet, l'artiste souffrait finalement de son manque d'image
et de l'ambivalence de sa carrière. Cantrel poursuit son étude
sur Charlet en citant de longs extraits de l'ouvrage du colonel de La Combe et
particulièrement la correspondance de Charlet. Le critique semble
privilégier en ce sens la présentation de la vie personnelle de
l'artiste et sa qualité d'écrivain, plus que sa carrière
de peintre et de dessinateur. Il débute en effet son étude
biographique par la lettre à Ludovic Vitet, dit Louis (1802-1873) dans
laquelle Charlet demande un logement à l'école des beaux-arts,
avant de poursuivre par la réponse aux renseignements biographiques
demandés par Feuillet de Conches338. Ce n'est finalement
qu'à la fin de son article que Cantrel donne la source de ses
informations :
Un des amis de Charlet, que je n'ai eu qu'une fois l'occasion
de nommer, M. de la Combe, ancien colonel d'artillerie, a publié un
livre intitulé : Charlet sa vie, ses lettres ; suivi d'une
description raisonnée de son oeuvre lithographique. [É] J'ai
fait plus d'un emprunt à ce livre, j'aurai voulu le citer tout entier, -
mais M. de la Combe ne peut m'en vouloir : - Il sait que l'on emprunte qu'aux
riches339.
Depuis la publication de son ouvrage La Combe se
présente comme l'historien et le spécialiste indiscutable de
Charlet. Outre la chronique d'Émile Cantrel, un autre article sur
Charlet citant aussi longuement l'ouvrage du colonel de La Combe est
publié dans le Magasin pittoresque en 1858340.
Cependant cet article se distingue par l'intégration d'illustrations
d'oeuvres inédites de Charlet conservées dans la collection du
colonel de La Combe : Charlet dans son atelier (fig. 5),
L'Hôpital (fig. 6), Le Cinq Mai (fig. 38) et Le
Paganini de la Grande-Pinte (fig. 39). Si l'article du Magasin
pittoresque ne propose pas une analyse stylistique ni même une
description de chaque oeuvre, il semble néanmoins que les images n'aient
pas été choisies au hasard, puisqu'elles sont
caractéristiques de la vie et de la production de Charlet. Ainsi, la
première illustre les conditions précaires dans lesquels vivait
Chalet et fait écho à la lettre du général de Rigny
adressée à La Combe, dans laquelle il raconte sa visite dans
le
337 Ibid., p. 231.
338 Ibidem.
339 Ibid., p. 236.
340 Anonyme, « Quatre dessins inédits de Charlet
», Magasin Pittoresque, t. XXVI, octobre 1858, p. 321-327.
97
modeste atelier de l'artiste341.
L'Hôpital ou La mort du cuirassier342 (fig.
6) fait à l'évidence référence à
l'attachement de Charlet à la grande armée napoléonienne,
à l'instar du Cinq mai (fig. 38) qui représente un
vétéran assis dans son fauteuil apprenant à la lecture de
son journal la mort de Napoléon à Sainte-Hélène.
Placé au dessus du texte présentant la mort de
Charlet343, le Paganini de la Grande-Pinte ou Le
musicien344 (fig. 39) interprète probablement un requiem
à la mémoire de l'artiste. Le fait de présenter des
oeuvres ayant un rapport direct avec les éléments exposés
dans le texte entretient finalement l'idée du colonel de La Combe,
à savoir la proximité entre l'oeuvre et la vie de Charlet. Aussi,
il est probable qu'il ait eu un échange - direct ou épistolaire -
entre le rédacteur de l'article et le colonel de La Combe pour publier
des illustrations d'oeuvres de sa collection. À l'évidence la
publication de Charlet sa vie ses lettres a profité à la
réputation de la collection du colonel de La Combe, puisque
présentée à l'intérieur de ce livre, mais aussi
dans les différents articles faisant la critique de l'ouvrage, à
l'instar de ceux d'Auguste de Belloy345, de Louis Clément de
Ris346, d'Henri de Saint-Georges347 et même
d'Eugène Delacroix348.
C'est probablement l'importante médiatisation de la
collection dans la presse qui incite Adrien Dauzats (1804-1869), peintre mais
aussi jury pour l'admission des oeuvres d'art à l'Exposition universelle
de Londres en 1862349, à contacter vers la fin de
l'année 1861 le colonel de La Combe pour le prêt de plusieurs
oeuvres de Charlet350. À l'évidence, la demande de
Dauzats se présente comme une reconnaissance officielle pour La Combe,
puisque de cette manière il est consacré comme le
spécialiste de Charlet mais aussi comme son plus important
collectionneur. La demande de prêt de quelques oeuvres de Charlet se
présente également comme une consécration pour l'artiste,
car à l'occasion de l'Exposition universelle Charlet
341 Ibid., p. 321 in LE BLANC DE LA COMBE,
Joseph-Félix, op. cit., p. 22.
342 PETIT, Francis, op. cit., p. 12.
343 Anonyme, « Quatre dessins inédits de Charlet
», op. cit., p. 327.
344 Ibid., p. 17.
345 BELLOY, Auguste de, op. cit., p. 27.
346 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., p. 278.
347 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 215-216.
348 DELACROIX, Eugène, « Charlet », op.
cit., p. 234.
349 Commission impériale, Rapport de
l'administration de la commission impériale sur la section
française de l'Exposition universelle de Londres de 1862, Paris,
Imprimerie de J. Claye, p. 174.
350 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op.
cit., p. 40.
98
défend les couleurs de l'art français aux yeux
de l'ensemble des européens. La Combe entretient Saint-Georges de cette
récente proposition dans sa lettre du 4 janvier 1862 : « il m'en
coûtera beaucoup de me séparer de mes dessins pendant huit ou dix
mois ; mais puis-je me refuser à la gloire de Charlet !
»351. Il semble que la section française à
l'Exposition universelle de Londres réserve en effet une place
relativement importante à l'artiste, puisque La Combe prévoit
d'envoyer une grande composition de seize aquarelles et dessins352
en plus des Soldats jouant aux cartes dans une auberge sous Louis XV
prêtés par « M. Ad. Henee »353 et d'une
série de treize lithographies354. Quinze oeuvres de la
collection de La Combe sont retenues par la commission officielle pour
être exposées dans un même cadre sur la muraille est de
l'Albert's Road355 : L'officier invalide et ses deux enfants
(Le cinq mai356) (fig. 38), Un paysage, Deux
soldats blessés (Les deux
convalescents357), Les petits Savoyards, Paysage, La
Maitresse d'école358, Le Cuirassier mourant
(La mort du cuirassier359) (fig. 6),
Dragon d'élite360, Le Mémoirier, Le
Cuirassier à pied (Cuirassier à pied en grande
tenue361), Un paysage, Les deux ivrognes (Les amis
en goguette362), Le Paralytique , La Prière, Le
vieux Pâtre. Ce sont manifestement les oeuvres les plus importantes
de Charlet qui sont envoyées à Londres. En effet, la majeure
partie de ces pièces font partie des oeuvres vendues les plus chers
à la vente de la collection du colonel de La Combe, à l'instar de
La mort du cuirassier (510 francs) (fig. 6), du Dragon
d'élite (1105 francs) ou du Cinq mai (410 francs) (fig.
38), bien qu'il faut considérer également que leur
présentation à l'Exposition universelle a probablement eu une
influence sur leur cote. La consécration officielle du colonel de La
Combe intervient finalement à titre posthume, puisqu'il
décède peu de temps avant l'envoi de ses oeuvres à
l'Exposition universelle
351 Ibid., p. 41.
352 Ibidem.
353 Commission impériale, Catalogue officiel de la
section française à l'Exposition universelle de 1862,
Deuxième partie, Paris, Imprimerie Impériale, 1862, p. 24.
354 Ibid., p. 41.
355 Commission impériale, Ibid., p. 30
356 PETIT, Francis, op. cit., p. 13.
357 Ibidem.
358 Ibidem.
359 Ibid., p. 12.
360 Ibidem.
361 Ibid., p. 13.
362 Ibid., p. 17.
99
de Londres. Philippe Burty informe les lecteurs de la
Chronique des arts et de la curiosité du décès du
colonel de La Combe en faisant référence à l'envoi de
plusieurs aquarelles de Charlet à l'exposition londonienne.
Une lettre que nous recevons de Tours au moment de mettre sous
presse, nous annonce la mort subite de M. le colonel de La Combe. Par une
singulière et touchante coïncidence, c'est pendant qu'il s'occupait
de l'artiste auquel il avait voué un véritable culte, que
l'historien de Charlet a été frappé par la mort : il
disposait dans des cadres des aquarelles de Charlet, choisies parmi les plus
belles de sa collection, pour les envoyer à l'Exposition de
Londres363.
L'expéditeur tourangeau informant Philippe Burty est
probablement aussi un amateur d'art. Toutefois à l'inverse de ce que
Burty avance, il semble que le colonel de La Combe n'avait pas encore
encadré les oeuvres qu'il devait envoyer, puisque elles sont
retrouvées dans sa chambre, rangés dans un carton, comme en
témoigne l'inventaire de ses biens364. Les oeuvres seront
envoyées à Londres par les héritiers du colonel de La
Combe.
À l'évidence, Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe tient sa réputation de la publication de sa monographie sur
Charlet qui se présente comme la référence incontestable
sur l'artiste. À l'inverse, Charlet doit son ressaut
d'intérêt au colonel de La Combe par la parution de sa biographie.
En somme, il semble que les deux hommes soient redevables l'un de l'autre de
leur succès. Toutefois, on peut s'interroger sur la
postérité des deux amis une fois le colonel de La Combe
décédé.
C. La postérité de Charlet et du colonel de
La Combe.
En 1856 le colonel de La Combe semblait avoir bon espoir pour
la postérité de Charlet : « Nous nous trompons fort, ou
Charlet grandira dans la postérité : Il aura transmis la figure
vraie, si poétique qu'elle soit, du soldat-héros de cette grande
épopée militaire de la République et de l'Empire
»365. C'est peut-être justement cela qui peu de temps
après la mort du colonel de La Combe participe au désenchantement
des amateurs pour la production artistique de Charlet, ajouté à
un désintérêt collectif pour la lithographie. Si les
représentations de l'épopée napoléonienne
héritières du vocabulaire esthétique de Charlet perdurent
notamment sous le pinceau d'Hippolyte Bellangé, il semble
néanmoins que sous le Second Empire, les peintres
363 BURTY, Philippe, « Nouvelles », Chronique des
arts et de la curiosité, n° 17, 23 mars 1862, p. 4.
364 Inventaire après décès de
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op.cit. f° 33.
365 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.,
p. 3.
100
soient emprunts à de plus hautes ambitions lorsqu'ils
illustrent Napoléon Ier, comme le fait remarquer
François Robichon366. Ainsi il nous semble intéressant
de conclure ce chapitre sur la postérité de Charlet et du colonel
de La Combe qui lui est toujours associée.
Peu de temps après la mort de La Combe la
popularité de Charlet fléchit, comme semblait le pressentir Louis
Clément de Ris dans sa critique sur Charlet sa vie, ses lettres
en novembre 1856 :
Charlet, comme artiste, grandira-t-il dans la
postérité, ainsi que le dit son biographe ? Je ne le pense pas ;
mais il se pourrait qu'ici l'amitié se fût trompé de terme.
[É] Charlet est avant tout un artiste sincère, et, c'est, je
crois, ce mérite qui le distinguera aux yeux de ce juge
sévère invoqué par M. De Lacombe. Il ne grandira pas, du
moins je le crois, mais il se séparera de la foule, il aura une place
bien à lui, et qui, pour ne pas être au premier rang, n'en sera
que plus tranchée dans la foule plus nombreuse qui l'entoure. Charlet a
créé un type : il a fait revivre à nos yeux, sous une
forme aussi héroïque que vraie, ces hommes de fer qui, pendant
vingt ans, ont promené nos drapeaux victorieux sur les routes de trois
mondes. Le soldat de la république et de l'empire, le grognard,
ce bourru bienfaisant militaire, est un personnage qui, grâce à
lui, ne périra plus367.
La pondération de Clément de Ris semble
justifiée. En effet, La Combe n'est à l'évidence pas
impartial lorsqu'il fait publier Charlet sa vie, ses lettres, dans
lequel il présente longuement la vie de Charlet et défend
vivement son oeuvre. Toutefois, Clément de Ris reconnaît l'apport
de Charlet dans la représentation des soldats et particulièrement
des grognards, faisant de ces sujets les thèmes
privilégiés de la carrière de l'artiste. En 1865, soit
près de dix ans après la publication de l'ouvrage du colonel de
La Combe, les soldats de Charlet semblent souffrir également de
l'évolution des goûts, comme en témoigne cet extrait de
l'Histoire des peintres de l'école française de Charles
Blanc.
Ah ! sans doute, il est dans l'oeuvre de Charlet bien des
choses qui n'ont point survécu aux circonstances, bien des
beautés relatives au temps qui passe, aux idées qui changent, aux
sentiments qui se modifient ; et nous même nous n'avons plus ; il s'en
faut pour ses grognards et leurs aphorismes que nous n'en avions dans les
premières années de notre jeunesse [É] mais il est dans
cet oeuvre de Charlet d'une portée humaine, d'une moralité
profonde, des traits de satire
366 ROBICHON, François, « Fortunes et infortunes
de Charlet », in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT,
Hélène (éd.), op. cit., p. 117.
367 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., p. 263.
101
impérissables, des paysages ravissants, des façons
de voir la nature très originales et très vraies, des
beautés enfin que l'on peut dire absolues, car elles ne passeront
point368.
À l'évidence l'oeuvre de Charlet n'est plus
regardé du même oeil par Charles Blanc et ses contemporains. En
effet, les grognards qui ont accompagné toute une
génération paraissent quelque peu désuets au moment
où Blanc rédige sa notice sur l'artiste. Le critique
reconnaît alors des qualités à l'oeuvre de Charlet, qui,
hormis le colonel de La Combe, n'avaient été relevé par
aucun autre commentateur à l'instar du traitement du paysage. Il semble
bien toutefois que ce soit les soldats et les grognards qui permettent à
Charlet d'entrer dans la postérité, comme le faisait justement
remarquer le colonel de La Combe dès les premières lignes de son
introduction. À la chute du Second Empire, l'oeuvre militaire de Charlet
est effectivement regardée par la nouvelle génération de
peintres de bataille, à l'exemple d'Édouard Detaille (1848-1912)
ou d'Alphonse de Neuville (1835-1885) comme une source documentaire importante
pour la retranscription de la vie du soldat. Si comme le fait remarquer
François Robichon l'ouverture de la Troisième République
n'est pas favorable à la légende napoléonienne, les
soldats de Charlet retrouvent leur public grâce au fort sentiment
nationaliste qu'ils dégagent, faisant la « place plus belle au
conscrit plutôt qu'au général »369.
Pourtant peu de temps après les débuts de la
Troisième République, la popularité de Charlet diminue.
À l'occasion de l'Exposition universelle de 1878, Gustave Goetschy
propose le premier l'association de Charlet à son élève
Raffet370. Cette filiation devient rapidement un lieu commun qui
perdure jusqu'au début du XXe siècle au
détriment de Charlet. En effet, la comparaison des deux artistes fait
fortune et se voit reprise en 1888 par Henri Béraldi dans son
Dictionnaire des graveurs du XIXe siècle
écrit à l'intention des amateurs d'estampes modernes :
« Les Raffet sont merveilleux, pour ceux qui savent regarder. Les Charlet
sautent aux yeux »371. Le caractère populaire et les
aphorismes des soldats de Charlet semblent jouer une nouvelle fois au
détriment de sa postérité. Ainsi, l'Exposition
générale de la lithographie de 1891 montée sous la
direction d'Henri Béraldi réserve une place plus importante
à Raffet qu'à Charlet.
368 BLANC, Charles, op. cit., p. 225-226.
369 ROBICHON, François, op. cit., p. 119.
370 GOETSCHY, Gustave, Les jeunes peintres militaires,
Paris, Ludovic Baschet éditeur, 1878.
371 BÉRALDI, Henri, op. cit., p. 101.
102
Soixante-quinze estampes de Raffet sont
présentées contre vingt-sept de Charlet372. Une
seconde exposition sur Raffet est proposée l'année suivante
à la Galerie Georges Petit373. En privilégiant Raffet,
les commissaires de ces expositions éveillent l'opposition des
défenseurs de Charlet qui s'efforcent de rendre justice à
l'oeuvre de cet artiste. C'est ainsi qu'en 1893 s'ouvre une double exposition
sur Charlet et les lithographes contemporains sous l'impulsion de la
Société des Artistes lithographes français à la
Galerie Durand-Ruel (fig. 40), dans l'objectif de récolter des fonds
pour la réalisation d'une statue à la mémoire de Charlet.
À cette occasion, des estampes, des aquarelles et des tableaux de
Charlet sont présentés. Il semblerait que certaines pièces
réunies pour l'exposition proviennent de la collection de La Combe,
à l'instar de la Belle Françoise et du Cinq Mai
(fig. 38) prêtés par Auguste Cain374 (1822-1894) et qui
avaient été acheté par Pierre-Jules Mêne en
1863375. Cette exposition est secondée par la publication
d'une monographie sur Charlet écrite par Armand Dayot (1851-1934). Dans
celle-ci l'auteur interpelle les détracteurs de Charlet :
Jamais artiste ne méritera mieux que Raffet la publique
glorification qu'on lui prépare. Mais ne vous semble-t-il pas qu'en
cette circonstance il eût été possible, qu'il eût
été juste, de joindre au nom de ce grand artiste celui de
Charlet, l'auteur du Grenadier de Waterloo et de la la Retraite de
Russie... le peintre si gaulois du soldat français, le spirituel
humoriste, le profond observateur qu'Eugène Delacroix, un de ses plus
fervents admirateurs, place à côté de Molière et de
La Fontaine ? L'occasion était belle pour rendre du même coup un
public hommage à ces deux glorieux frères d'armes, dont l'un fut
le maître et souvent l'inspirateur de l'autre, et qui vouèrent
également leur vie entière au culte passionné du
même idéal376.
Si Dayot plaide pour l'association des deux artistes et
reconnaît incontestablement la qualité de l'oeuvre de Raffet, il
semble néanmoins qu'il concède à Charlet une
supériorité faisant de Raffet un suiveur. Dans ce sens il
répond à François Lhomme qui avait consacré un an
auparavant un ouvrage à Charlet, dans lequel il se montrait moins
enthousiaste : « Charlet n'est plus aujourd'hui le maître de la
lithographie d'art. Comme peintre des armées il est loin d'égaler
Raffet ; il dessine le soldat, non la bataille ; il sait admirablement le
métier, mais il n'est pas
372 BÉRALDI, Henri, Exposition
générale de la lithographie au bénéfice de l'oeuvre
l'Union Française pour le sauvetage de l'enfance, op.
cit., in ROBICHON, François, op. cit., p. 122.
373 Exposition de l'oeuvre de Raffet, cat. exp., Paris,
Galerie Georges Petit, Lille, Imp. De L. Danel, 1892.
374 Société des Artistes lithographes,
Charlet et la lithographie moderne, cat. exp., Paris, Galerie
Durand-Ruel, s. l., 1893, in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT,
Hélène (éd.), op. cit., p. 149.
375 Procès-verbal de la vente de la collection de La
Combe, op. cit., f 13.
376 DAYOT, Armand, Charlet et son oeuvre, Paris,
Librairies-imprimeries réunies, 1893, p. 11.
103
poète ; il satisfait le goût et il contente
l'esprit, mais il n'ébranle pas l'imagination »377.
Cependant un élément rassemble l'une et l'autre publication : le
colonel de La Combe. Dayot comme Lhomme prennent pour source Charlet sa
vie, ses lettres pour la rédaction de leur ouvrage, dans laquelle
ils trouvent la correspondance de Charlet et en empruntent quelques passages.
Il semble également que le catalogue des lithographies de Charlet
constitué par le colonel de La Combe soit resté une
référence à cette époque, puisque Lhomme le
reproduit sommairement en annexe de son ouvrage378 tout comme
Béraldi, qui quatre ans plus tôt, le reproduisait
entièrement379.
Le passage entre le XIXe et le XXe
siècle est décisif pour la réputation de Charlet et du
colonel de La Combe. Si Charlet est présent à l'Exposition
universelle de 1900, à l'Exposition centennale de l'art français
et à l'Exposition rétrospective internationale des armées
de terre et de mer, l'artiste tombe rapidement dans l'oubli du grand public,
à l'instar de son biographe dont la célébrité ne
survit que par son ouvrage, comme en témoigne sa notice biographique de
l'Encyclopédie universelle du XXe siècle dans
laquelle il n'est présenté que très
brièvement380. Seul les amateurs d'estampes paraissent porter
de l'attention à Charlet et au colonel de La Combe, à l'exemple
de LoØs Delteil dans son Manuel de l'amateur d'estampes,
où il fait de Charlet l'un des plus importants lithographes du
XIXe siècle et présente La Combe comme « l'auteur
enthousiaste du Catalogue de l'oeuvre de Charlet, de nos jours encore
consulté »381. En 1962, Claude Roger-Marx fait aussi
référence au colonel de La Combe, mais cette fois à
travers la vente de sa collection, ce qui prouve le succès retentissant
qu'elle a pu avoir pour que des auteurs la cite un siècle plus tard dans
le cadre d'une présentation générale de la
lithographie382.
En somme comme le montre François Robichon, Charlet
n'est étudié qu'à de rares reprises au XXe. Ce
n'est que beaucoup plus récemment, en 2008 précisément,
que Charlet bénéficie d'un travail monographique complet
réalisé à l'occasion de deux expositions qui lui
377 LHOMME, François, Charlet, Paris, L. Allison
et Cie, 1892, p. 110-111.
378 Ibid., p. 117-118.
379 BÉRALDI, Henri, op. cit., p. 116-134.
380 Anonyme, « LACOMBE, Joseph-Félix LEBLANK
[sic.] DE », Encyclopédie universelle du XXe siècle,
t. VIII, Paris, Librairie Nationale, 1912, p. 26.
381 DELTEIL, LoØs, op. cit., p. 92.
382 ROGER-MARX, Claude, op. cit., p. 80-81.
104
ont été consacrées au musée
municipal de la Roche-sur-Yon et à la bibliothèque Paul-Marmottan
de Boulogne-Billancourt. Ces deux expositions ont donné lieu à un
catalogue sur lequel nous nous sommes souvent reportés. Si ces
expositions et ce catalogue avaient pour ambition de remettre en lumière
l'oeuvre d'un artiste trop souvent négligé, les auteurs semblent
s'être régulièrement appuyés sur l'ouvrage de
référence du colonel de La Combe. Ainsi en ce début du
XXIe siècle, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe se
présente toujours comme « l'historien de Charlet » comme
l'avait surnommé son ami Henri de Saint-Georges.
105
Conclusion
Si la biographie posthume du colonel de La Combe livrée
par Henri de Saint-Georges en 1862 s'est révélée
être une source très utile pour l'exécution de ce travail,
elle résulte toutefois partiellement de l'épanchement du coeur de
son auteur. Dans ce sens, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe ne
bénéficiait pas jusqu'à ce jour d'une étude
impartiale. C'est dans l'objectif de remettre en lumière les
qualités et les caractéristiques de cet individu que nous avons
entrepris cette étude monographique. À l'évidence, ce
n'est pas la carrière militaire du colonel de La Combe qui ici a
été la plus documentée. À l'avenir, des historiens
pourrons peut-être s'intéresser à la question. Pour notre
part, nous avons orienté notre étude sur les relations de La
Combe avec l'élite tourangelle et les milieux artistiques parisiens -
beaux-arts et musique - ainsi que sur sa pratique de la collection, sa
qualité d'écrivain et la vente posthume de sa collection.
Il nous semble que le réseau dans lequel est inscrit le
colonel de La Combe à Tours a été bien mis en valeur. En
Touraine, La Combe semble nouer des liens solides avec les notables, qu'ils
soient scientifiques comme c'est le cas du docteur Pierre-Fidèle
Bretonneau, acteurs politique et économique à l'instar d'Alfred
Mame ou encore héritiers de familles nobiliaires à l'exemple de
son beau-père le comte Louis-Hector de Mons d'Orbigny. Notre travail
s'inscrit finalement - à une échelle plus modeste
évidemment - dans la même démarche que le projet Orhibio
lancé sous la direction de Marc de Ferrière le Vayer et
Hervé Wattier, professeur des universités et praticien
hospitalier au Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de
Tours, qui outre le fait de retracer l'histoire de l'Institut Vaccinal de la
ville, a permis d'apporter de nombreuses connaissances sur des acteurs
médicaux, qui pour certains étaient jusqu'alors oubliés,
et retracer l'un des réseaux de l'élite locale du XIXe
siècle. Nous avons présenté en effet des relations
qu'avaient pu avoir le colonel de La Combe en Touraine et
particulièrement à Tours, où il est reconnu par les
notables pour sa collection, ses liens avec les artistes parisiens et son
ouvrage sur Charlet. Il semblerait que tous ces éléments soient
favorables à son rayonnement social.
Si à l'évidence Joseph-Félix Le Blanc de
La Combe disposait d'un cercle plus étendu que celui exposé dans
le cadre de ce travail, les protagonistes cités semblent
représentatifs du réseau de connaissance qu'il avait à sa
disposition. Ce serait donc une entreprise intéressante que de continuer
à retracer de la manière la plus complète possible le
rayonnement social du colonel
106
de La Combe en Touraine. Cela permettrait probablement de
redécouvrir des personnages qui ne sont pas passés à la
postérité et peut-être d'importants collectionneurs
à l'instar de La Combe, qui malgré sa réputation au
XIXe siècle n'avait été guère
cité dans les travaux universitaires s'intéressant à
l'histoire du collectionnisme et du marché de l'art en Touraine à
cette période383.
Aussi, en prenant l'exemple de Joseph-Félix Le Blanc de
La Combe cette étude se voulait de répondre à
l'idée que l'on peut se faire d'un collectionneur de province et de sa
collection. Riche de plus de mille oeuvres, la collection du colonel de La
Combe n'est en effet pas moins fournie que les plus importantes collections
parisiennes de la même époque. Toutefois, pour comprendre comment
une telle collection avait pu être formée à Tours, nous
avons présenté les différents moyens d'approvisionnement
que le colonel de La Combe avait à sa disposition à l'exemple des
ventes aux enchères, des magasins et des ateliers d'artistes. S'il est
possible que La Combe ait acquis une partie de ses oeuvres à Tours, nous
avons conclu qu'il semble plus probable que le marché de l'art parisien
répondait davantage à ses exigences. Si nous avons
déjà relevé un certain nombre de lieux du marché de
l'art parisien que le colonel de La Combe a pu fréquenter, il serait
intéressant de les confirmer en consultant les registres et les livres
de compte des galeries et marchands de couleurs encore conservés.
Ce champ de recherches nous a permis finalement de tisser des
liens entre Paris et Tours, tout comme la question des interactions du colonel
de La Combe avec les artistes de la génération romantique qu'il
semble fréquenter à partir du début des années
1820. Nicolas-Toussaint Charlet est probablement l'artiste par lequel La Combe
s'est introduit dans le cercle des enfants du siècle. Son amitié
avec ces artistes se traduit par une correspondance abondante dont nous avons
connaissance grâce aux transcriptions publiées dans Charlet sa
vie, ses lettres384 et L'historien de Charlet peint par
lui-même385. Aussi serait-il intéressant de
retrouver la trace d'autres lettres conservées s'il en est dans des
archives privées, peut-être même en possession des
descendants du colonel de La Combe ou d'Henri de Saint-Georges. Cette
correspondance inédite serait une découverte importante pour
enrichir les connaissances que
383 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. PELTIER, Anne,
op. cit.
384 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op.
cit.
385 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit.
107
nous avons des relations qu'entretenait Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe avec les artistes et les amateurs. Elles permettraient de
confirmer sinon réfuter certains points sur lesquels nous avons
seulement émis des hypothèses. Outre notre sujet d'étude,
on peut imaginer que cette correspondance soit aussi essentielle pour
l'enrichissement des connaissances sur les artistes du cercle de Charlet, ainsi
que pour l'histoire du collectionnisme et particulièrement des
collections d'estampes qui comme le fait remarquer Barthélémy
Jobert « est un domaine encore à peu près vierge, et
peut-être plus s'agissant du XIXe siècle
»386.
Si elle comprend des tableaux anciens des écoles
étrangères et des tableaux et dessins des artistes vivants
français, c'est particulièrement les estampes françaises
contemporaines qui caractérisent la collection du colonel de La Combe,
dont l'oeuvre lithographique complet de Charlet participe à sa
reconnaissance. En dehors des pièces de cet artiste, il collectionne
également les lithographies des maîtres les plus importants de
l'école française à l'exemple de Delacroix,
Géricault, Vernet ou Raffet. Dans ce sens, la collection de La Combe se
présente comme une sélection des lithographies artistiques les
plus représentatives du mouvement romantique. La Combe accorde de
surcroît une importance considérable à la qualité
des pièces qui forme sa collection. Il n'est donc pas anodin de
retrouver de nombreuses pièces de premier état et quelques
pièces uniques, qui entretiennent le rapport du collectionneur
d'estampes avec le collectionneur de tableaux et d'oeuvres sur papier. Si nous
avons utiliser une méthode quantitative pour présenter dans sa
globalité la collection de La Combe et proposer des axes de
réflexion, il semble qu'il serait aussi intéressant - bien que la
tâche peut paraître aride - de constituer un recueil sous forme de
catalogue raisonné d'un ensemble d'oeuvres provenant de cette
collection. À l'évidence ce travail permettrait de mieux
appréhender cette réunion d'oeuvres d'artistes vivants dont le
nombre conséquent nous a empêché un traitement exhaustif au
cours de cette année de master.
Par ailleurs, c'est dans un contexte relativement
défavorable à la production de lithographies que La Combe
constitue sa collection. En effet depuis son invention et installation en
France la lithographie souffre d'un perpétuel désaccord entre ses
protecteurs et ses contradicteurs, dont les premiers reconnaissent ses
qualités esthétiques et les seconds l'envisagent uniquement comme
un moyen de reproduction à bas coût. La publication de
386 JOBERT, Barthélémy, « Collections et
collectionneurs d'estampes en France de 1780 à 1880, d'après les
catalogues de vente », in PRETI-HAMARD, Monica (éd.),
SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), op.
cit., p. 243.
108
Charlet sa vie, ses lettres est alors pour La Combe
un moyen de faire entendre sa voix sur le sujet. Il semble qu'en prenant
l'exemple de Charlet, le colonel défend l'ensemble de la production de
l'estampe artistique.
Toutefois, Charlet sa vie, ses lettres est aussi
l'occasion pour le colonel de La Combe de présenter un artiste dont les
critiques ont parfois été sévères et dont la
carrière paraît confuse pour un certain nombre de ses
contemporains. Nous avons donc cherché à établir un bilan
de la popularité de Charlet avant la publication du colonel de La Combe.
Ainsi, nous avons constaté que Charlet se présente comme un
artiste ayant eu à la fois un succès populaire grâce
à ses lithographies de genres mettant particulièrement en
scène les soldats de l'Empire, mais également une carrière
officielle en tant que peintre au Salon et professeur à l'École
polytechnique. Dans ce sens, il était question de mettre en
évidence la façon dont son biographe s'emploie à
revaloriser son oeuvre et sa carrière. Nous nous sommes donc
intéressés en amont aux sources que le colonel de La Combe avait
à sa disposition pour rédiger sa monographie : correspondance de
Charlet et des amateurs, bibliographie et oeuvres d'art provenant de sa
collection. C'est donc à un travail d'historien que La Combe
s'attèle dès 1849. Si l'auteur semble insister autant sur la
carrière de dessinateur lithographe que de peintre alors même que
cette dernière est relativement mineure, il présente
également le talent d'écrivain de l'artiste par la publication de
ses lettres. La transcription des lettres est aussi l'occasion pour La Combe de
brosser le portrait psychologique de Charlet et présenter à ses
lecteurs le comportement de l'artiste avec ses amis et ses protecteurs. Cette
présentation semble susciter la bienveillance et la sympathie du
lecteur. Mais la défense de l'oeuvre de Charlet passe également
par la rédaction du catalogue raisonné de son oeuvre
lithographique pour lequel La Combe a eu principalement recours à sa
collection d'estampes.
Charlet sa vie, ses lettres suivi d'une description
raisonnée de son oeuvre lithographique reçoit un bon accueil
de la part des critiques qui reconnaissent à son auteur des
qualités littéraires et félicitent sa probité
intellectuelle. L'ensemble des commentaires recueillis dans la presse rend
compte également de la nouveauté que représente la
publication de lettres pour servir la biographie d'un personnage et salue au
passage ce parti narratif. Dès lors, La Combe est à
appréhender comme le spécialiste de l'artiste. Il se distingue de
fait de la majorité des amateurs par la publication de son livre,
puisqu'il ne se présente plus seulement comme un collectionneur mais
acquiert un statut d'érudit. Cet ouvrage est donc
bénéfique pour la réputation de son auteur comme pour la
renommée de Charlet. C'est en effet à la suite de sa
109
publication que Charlet semble profiter d'un mouvement de
revalorisation faisant atteindre à ses oeuvres des prix jusqu'alors
inégalés.
La vente de la collection du colonel de La Combe paraît
profiter également de la réputation de son propriétaire.
En effet, si les objets d'art proposés sont pour l'ensemble de
première qualité, la provenance est à l'évidence un
paramètre à prendre en compte dans la réussite de cette
vente. De surcroît, la médiatisation dont elle profite dans la
presse confirme le caractère inédit de la collection et le statut
privilégié qu'a obtenu La Combe dans le champ artistique depuis
ses premières relations avec les artistes jusqu'à la publication
de son ouvrage. Enfin la présence de ses amis artistes à sa vente
posthume confirme combien Joseph-Félix Le Blanc de La Combe était
un personnage investi dans le monde de l'art.
À son échelle, cette monographie sur le colonel
de La Combe a permis de redécouvrir un personnage quelque peu
oublié de l'historiographie en général et des tourangeaux
en particulier. Notre étude s'inscrit dans le champ de l'histoire
sociale de l'art en montrant un certain nombre d'interactions entre les
artistes et les collectionneurs ainsi que les marchands. De manière
relativement modeste, nous avons réussi à proposer quelques
exemples de transferts entre la province et la capitale, à l'instar de
la correspondance que La Combe entretenait avec Charlet, Delacroix ou encore
Bellangé. C'est aussi par l'intermédiaire du colonel que d'autres
personnages importants de la scène artistique ont fait le
déplacement en Touraine. Plus spécialement ce travail cherchait
à définir les comportements du marché de l'art et du
collectionnisme locaux en s'appuyant sur ce personnage précis, qui plus
est joue ponctuellement un rôle pour la municipalité.
Dans une suite logique à cette première
étude, il serait peut-être envisageable de mener des recherches
sur un commerce de l'art tourangeau, à l'exemple du bazar turonien
auquel nous avons fait référence dans le développement de
notre étude. En effet cette boutique inqualifiable tant les
activités sont diverses, ne semble pas bénéficier
jusqu'à ce jour d'une étude particulière. Pourtant au vu
des caractéristiques qui ont été présenté,
ce magasin joue à l'évidence un rôle dans le commerce de
l'art à Tours mais certainement aussi dans l'attraction culturelle de la
ville. Dans un même objectif de présentation de la vie culturelle
de Tours au XIXe siècle, il pourrait être
intéressant également d'étudier le comportement de
l'élite locale dans l'organisation d'expositions. Si des études
ont été déjà mené sur les
sociétés des beaux-arts en
110
province, à l'exemple de la société des
amis des arts de Nantes387, il nous semble que la ville de Tours n'a
bénéficié que de très rares études à
ce sujet. Ces deux hypothétiques sujets de recherche se
présentent comme le prolongement logique de notre présente
étude, puisqu'elles pourraient confirmer ou contester pour le premier
l'approvisionnement du colonel de La Combe au bazar turonien et pour le second
comprendre davantage le dynamisme culturel dans lequel vivait La Combe.
387 BONNET, Alain, « La société des amis
des arts de Nantes : l'action sur le marché de l'art local », in
HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde
(éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province, actes de
colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er
février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p.
31-42.
111
Bibliographie :
I) Sources :
1.1) Sources d'archives :
Lorient, Archives municipales :
Acte de naissance de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe,
[en ligne], cote 1E1/2159.
Paris, Archives municipales :
- Procès verbal de la vente après
décès du colonel Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, cote
D60E3 11.
- Procès verbal de la vente de la collection Parguez, cote
D60E3 9. Paris, Archives nationales :
- Contrat de mariage de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe
et Mathilde de Mons d'Orbigny, cote ML/ET/LV/299.
Pierrefite, Archives nationales :
- Dossier de nomination à la charge de commissaire-priseur
de Me Delbergue-Cormont, cote BB/9/967/1.
Tours, Archives municipales :
- Acte de décès de Joseph-Félix Le Blanc de
la Combe, cote 5E71.
- Acte de décès de Rose Isabelle Cécile
Thomassa Mathilde de Mons d'Orbigny, cote 5E58.
- Règlement de 1870 de la Société
philharmonique de Tours, série 2R5 AM.
Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire :
- Acte de mariage de Louis Félix Victor Leblanc de la
Combe et de Isabelle-Sidonie de Contades-Gizeux, [en ligne], cote
6NUM8/112/049.
- Acte de décès de Louis-Hector de Mons d'Orbigny,
[en ligne], cote 6NUM8/122/008.
112
- Double répertoire des actes reçus par
Me Félix Alexandre Duboz commissaire priseur à Tours,
au cours de l'année mil huit cent soixante deux, cote 8U154.
- Inventaire après décès des biens de
Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, cote 3E4/643.
- Tables de successions et absences : Mathilde de Mons d'Orbigny
[en ligne], cote 6NUM3/021/012.
- Testament de Mathilde de Mons d'Ordigny, cote 3E4/634.
1.2) Sources imprimées : 1.2.1) Divers
- [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial
du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame, 1831 à
1836.
- BÉRALDI, Henri, Propos de bibliophile : gravure et
lithographie, Lille, imp. L. Danel,
1901.
- BURTY, Philippe, « L'hôtel des ventes et le
commerce des tableaux », Paris guide par les principaux
écrivains et artistes de la France, t. II, Paris, Librairie
internationale, 1867, p. 949-963.
- CHAMPFLEURY, Jules, L'Hôtel des
commissaires-priseurs, (Paris, E. Dentu, 1867), Paris, Hachette Livre BNF,
2013.
- COMMISSION IMPÉRIALE, Catalogue Officiel de
l'Exposition universelle de 1862 à Londres. Section française,
Paris, imp. Impériale, 1862.
- DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste,
VIGNIéRES, Jean-Eugène, Collection Parguez, lithographies,
oeuvres complets de Géricault, Charlet, et H. Vernet, Paris,
Bonaventure et Ducessois, 1861.
- DELACROIX, Eugène, Journal 1823-1850, t. I,
Paris, imp. Plon-Nourrit et Cie, 1893. - DELACROIX, Eugène, Journal
1850-1854, t. II, Paris, imp. Plon-Nourrit et Cie, 1893. - DELACROIX,
Eugène, Journal 1855-1863, t. III, Paris, imp. Plon-Nourrit et
Cie, 1895. - DELACROIX, Eugène, Lettres de Eugène Delacroix
(1815-1863) recueillies et publiées par
M. Philippe Burty, Paris, Quantin, 1878.
113
- FEUILLET DE CONCHES, Félix-Sébastien, «
Charlet », Encyclopédie des gens du monde répertoire
universel des sciences, des lettres et des arts : avec des notices sur les
principales familles historiques et sur les personnages célèbres,
morts et vivants, par une société de savants, de
littérateurs et d'artistes, français et étrangers, t.
V, Paris, Treuttel et Würtz, 1833, p. 532-535.
- GALERIE DURAND-RUEL, Spécimens les plus brillants
de l'école moderne, Paris, Imprimerie Paul Renouard, 1845.
- LACROIX, Paul (éd.), « Bio-bibliographie des
peintres et des dessinateurs français », Annuaire des artistes
et des amateurs, n° 3, 1862, p. 343-357.
- LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, Charlet, sa
vie ses lettres, Tours, imp. J. Bouserze, 1856.
- MOUFLE, Auguste, Épître à Charlet,
Paris, Imprimerie de E. Duverget, 1839.
- QUINCY, Quatremère de, « De la lithographie ou
Extrait d'un Rapport fait à l'Académie des beaux-arts, par une
Commission spéciale, sur un recueil de dessins lithographiés par
M. Engelmann », Le journal des sçavants, janvier 1817, p.
21-25.
- ROCHEFORT, Henri, Les petits mystères de
l'hôtel des ventes, Paris, E. Dentu, 1862.
- SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet peint
par lui même : étude biographique, Nantes, imp.
Guéraud, 1862.
- SOULLIÉ, Louis, Les ventes de tableaux, dessins
et objets d'arts au XIX ème siècle (18001895), essai de
bibliographie, Paris, Librairie des catalogues de ventes, 1896.
1.2.2) Catalogues de vente :
- [ANONYME], Catalogue des livres, tableaux, estampes,
dessins, tableaux et objets de curiosité composant la
bibliothèque et le cabinet de feu M. Charles de Langalerie,
Orléans, Herluisson, 1870.
- BONNEFONDS DE LAVIALLE, ROLLIN, Valéry Auguste DEFER,
Pierre, Catalogue des tableaux, esquisses peintes, dessins, aquarelles
croquis de M. Charlet, Paris, Imprimerie et lithographie de Maulde et
Renou, 1846.
- CHEVALLIER, Paul, BOUILLON, Jules, Catalogue des
estampes et livres dépendant de la collection Lafaulotte, Paris,
Imp. De l'Art E. Ménard et J. Augry, 1886.
114
- PETIT, Francis et alii, Catalogue des tableaux anciens
& modernes, aquarelles & dessins, lithographies, eaux-fortes, estampes
et livres à figures, composant le cabinet de feu le colonel De La Combe
[Joseph-Félix Le Blanc de la Combe], Paris, Bonaventure et
Ducessois, 1863.
1.2.3) Périodiques d'époques :
Journal d'Indre-et-Loire (A. M. Tours)
:
- [ANONYME], « Chronique locale », Journal
d'Indre et Loire, n°64, 19 mars 1862, p. 01, (cote 121 C47).
- [ANONYME], « Faits divers », Journal d'Indre
et Loire, n°65, 20 mars 1862, p. 03, (cote 121 C47).
- [ANONYME], « État civil », Journal
d'Indre et Loire, n°66, 21 mars 1862, p. 03, (cote 121 C47).
- BRAINNE, Ch., « Correspondance parisienne, 2
février 1863 », Journal d'Indre et Loire, n°29, 4
février 1863, p. 01, (cote 121 C48).
La Chronique des Arts et de la Curiosité
:
- [ANONYME], « Ventes prochaines », La Chronique
des Arts et de la Curiosité, t. I, n°8, 11 janvier 1863, p.
80.
- [ANONYME], « Ventes prochaines », La Chronique
des Arts et de la Curiosité, t. I, n°9, 18 janvier 1863, p.
88.
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la collection de feu le colonel de la Combe de Tours
», La Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I,
n°10, 25 janvier 1863, p. 93-95.
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°12, 8 février 1863, p. 117.
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°13, 15 février 1863, p. 122-124.
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°14, 22 février 1863, p. 131-134.
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°15, 1er mars 1863, p. 138.
115
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°17, 15 mars 1863, p. 156-157.
- BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la
Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la
Curiosité, t. I, n°18, 22 mars 1863, p. 163-165.
- L., E. B. de, « Nécrologie », La
Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I, n°11, 1
février 1863, p. 107.
L'Artiste :
- CANTREL, Émile, « Artiste contemporain : Charlet
», L'Artiste, nouvelle série, t. VII, 1859,
p. 230-236.
- CLÉMENT DE RIS, Louis, « Le musée de Nantes
», L'Artiste, 5ème série, t. III, 1849, p.
180-185.
- CLÉMENT DE RIS, Louis, « Toussaint Charlet. Charlet
sa vie, ses lettres par M. De
Lacombe », L'Artiste, 6ème série, t.
II, 2 novembre 1856, p. 262-265.
- CLÉMENT DE RIS, Louis, « Toussaint Charlet. Charlet
sa vie, ses lettres par M. De
Lacombe », L'Artiste, 6ème série, t.
II, 9 novembre 1856, p. 275-278.
- COLIGNY, Charles, « Les Beaux-Arts à l'exposition
de Londres », L'Artiste, t. I, 1e juin
1862, p. 233-236.
- DAX, Pierre, « Chronique », L'Artiste, t. I,
1er février 1862, p. 71.
- DAX, Pierre, « Chronique », L'Artiste, t.
II, 1er octobre 1862, p. 159.
- DAX, Pierre, « Chronique », L'Artiste, t. I,
15 février 1863, p. 95.
- DELACROIX, Eugène, Lettres de Eugène
Delacroix (1815-1863) recueillies et publiées par
M. Philippe Burty, Paris, Quantin, 1878.
- LANDRIN, H., « Le musée de Nantes »,
L'Artiste, nouvelle série, t. IX, 1860, p. 104-107,
p. 133-135.
- MANTZ, Paul, « Les musées de France Tours
», L'Artiste, t. II, 15 novembre 1857, p. 170-
172, p. 219-223.
- PAVIE, Victor, « Le musée de Nantes »,
L'Artiste, 5ème série, t. X, 15 avril 1853, p. 81-84,
p. 97-100.
- TEXIER, Edmond, « Collectionneurs et bibliomanes »,
L'Artiste, t. II, 1er septembre 1862,
p. 102-104.
La Presse :
- [Anonyme], « Beaux-Arts », La Presse, 6
février 1863, p. 2.
116
- BURTY, Philippe, « Beaux-Arts », La Presse,
5 février 1863, p 2. - BURTY, Philippe, « Beaux-Arts »,
La Presse, 8 février 1863, p. 2.
Revue des Deux Mondes :
- DELACROIX, Eugène, « Charlet », Revue
des Deux Mondes, t. XXXVII, 1er janvier 1862, p. 234-242.
- SCUDO, Paul, « Revue Musicale », Revue des
Deux Mondes, t. XVIII, 1er novembre, p. 223-230.
Revue des Provinces de l'Ouest :
- SAINT-GEORGES, Henri de, « Charlet et son historien
», Revue des Provinces de l'Ouest, n°4, 1856, p. 193-216.
- SAINT-GEORGES, Henri de, « Notice historique sur le
musée de peinture de la ville de Nantes d'après des documents
officiels et inédits », Revue des Provinces de l'Ouest,
n° 5, 1857, p. 395-543.
II) Ouvrages consultés :
- AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs, Amateurs, et
curieux au XIXème siècle en Indre-et-Loire, mémoire
de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Isabelle
Brelot, Université François Rabelais de Tours, 1992.
- BEDEL, Jean, Dictionnaire des antiquités,
Paris, Larousse, 1999.
- BÉNÉZIT, Emmanuel, Dictionnaire critique
et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Paris,
Gründ, 1976.
- BENJAMIN, René, L'hôtel des ventes,
Bruges, imp. Sainte Catherine, 1914.
- BENåTRE, Nathalie, Un musée de Province au
XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours dès origines
à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine,
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