Les tiers-lieux culturels, un outil
pour la démocratisation culturelle ?
Démarche comparative
07/09/2018
Emeline PESCHAUD
Encadrement : Luc MARCENAC
|
Master 2 Développement culturel et Valorisation des
patrimoines 2017-2018
2
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Sommaire
Remerciements 3
Résumé 4
Mots-clefs 4
INTRODUCTION 6
Partie 1 : DU TIERS-LIEU COMME FABRIQUE CITOYENNE À
FORT ANCRAGE
TERRITORIAL (...) 12
Chapitre 1 : L'aménagement du territoire et les
tiers-lieux culturels : une réappropriation (...) 13
Chapitre 2 : (...) par ces tiers-lieux culturels
créées par et pour les citoyens (...) 17
Chapitre 3 : (...) en réponse à la
paupérisation du champ culturel. 21
Partie 2 : (...) VERS LE TIERS-LIEU INSTITUTIONNEL, OUTIL DE
LUTTE CONTRE LA
SÉGRÉGATION CULTURELLE (...) 24
Chapitre 4 : Le tiers-lieu culturel institutionnel : quand
l'institution montre au citoyen (...) 26
Chapitre 5 : (...), quand le marketing s'appuie sur le
tiers-lieu culturel pour le dynamisme culturel
et territorial (...) 32
Chapitre 6 : (...), quand enfin les institutions s'emparent du
tiers-lieu culturel pour lutter contre les
zones blanches culturelles et pour légitimer davantage
les politiques culturelles. 35
Partie 3 : (...) JUSQU'À LA RECHERCHE D'UN
ÉQUILIBRE. 39
Chapitre 7 : Ré-envisager, apporter du sang
neuf dans le champ culturel (...) 41
Chapitre 8 : (...) Pour ensuite s'accorder autour de
partenariats, de réseau(x), d'objectifs communs
(...) 46
Chapitre 9 : (...) et parvenir à l'équilibre.
52
CONCLUSION 55
Sigles 60
Bibliographie 61
Table des matières 69
3
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Remerciements
Je tiens à remercier M. L. MARCENAC pour m'avoir suivie
et aiguillée durant la préparation de ce mémoire de
recherche.
Je tiens aussi à remercier particulièrement les
directions culture, sport et tourisme de GPS&O, I. LANDRY QUINETTE, Z.
ALRHAM, E. EVANO, E. ROUILLE, A. PERCHEC, A. CRICHTON, I. DRICHEMONT, V.
ALVERNY, C. PARIS MESSLER, A. PETIT, R. PEYROT-DES-GACHONS, C. FERNANDEZ, C.
ACOSTA, E. BOURRE, V. FIZAMES, E. POILANE, P. GREGE, V. BASSANESE, A. DE
ZUTTER, S. CAMPOS, et l'équipe de coordination du CLEA, L. MAHFOUF, N.
BILUKIDI, K. VAN ETTINGER, C. GAUTIER, J.-F. BLOMME LEVENNEUR, A. RAULT, pour
m'avoir accompagnée et motivée durant tout mon stage.
Merci également à mes proches, parents PESCHAUD,
A. PESCHAUD, N. COUCHOT, A. COUCHOT, A. VARILLON, B. NAIDENOV, pour leur aide,
leur relecture et leur soutien moral.
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Résumé
Les tiers-lieux culturels sont aujourd'hui ces nouveaux
espaces hybrides, au concept un peu flou, avec une diversité incroyable
de projets. Ils sont parfois issus d'initiatives citoyennes, ou au contraire
nés d'acteurs publics et parfois d'un peu des deux.
L'avènement du numérique ainsi que d'autres
facteurs font évoluer les contextes sociaux, économiques et
culturels. Les tiers-lieux culturels peuvent intégrer à leurs
objectifs la démocratie et la démocratisation culturelles. Qu'en
est-il ? Est-ce un modèle viable ou voué à l'échec
? Comment appréhender l'hybridation dans le champ culturel ?
4
Mots-clefs
Ascendance, citoyen, collectivités publiques,
démocratie culturelle, démocratisation culturelle, descendance,
éphémère, équilibre, expérimentation,
gouvernances, hybridation, innovation, modèles, pérenne,
tiers-lieux, tiers-lieux culturels.
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
INTRODUCTION
De tous temps, la cité des Hommes a toujours
créé des lieux dédiés à l'innovation :
laboratoires, observatoires, expériences, études des langues,
réservés aux « chercheurs, savants et ingénieurs du
monde entier »1. Les villes les plus illustres de cette
innovation sont Babylone, Athènes, Bagdad, Pékin ... Les acteurs
de ces espaces dédiés étaient isolés du reste de la
population2, comme en témoignent les monastères du
Moyen-Âge3 mais aussi les modèles plus récents
des « campus universitaires » et des « technopôles »
: « On retrouve l'idée de créer des espaces de savoir
isolés, auto-suffisants et éloignés des tourments de la
vie moderne »4. Avec la mutation du monde tel que nous
commençons à le vivre aujourd'hui, avec notamment la
hausse de la place du numérique dans la vie quotidienne, les espaces de
savoirs, d'expérimentation et d'innovation évoluent eux aussi.
Nous sommes aujourd'hui dans un monde qui se tourne de plus en plus vers une
économie de la connaissance5. C'est le cas par exemple de
l'hybridation des lieux en notamment tiers-lieux. Ces tiers-lieux
souvent positionnés au coeur des villes, cherchent à s'ouvrir,
à diffuser et à partager les innovations et les connaissances
avec le reste de la Cité6.
Ainsi, récemment, la chaîne de café
états-unienne Starbucks a été l'une des premières
à mettre en place le wifi gratuit pour accueillir des travailleurs, mais
aussi à proposer des espaces aménagés pour être
« favorables à l'échange et à la discussion tout
comme à la lecture et au travail »7. On parle alors de
tiers-lieu : un lieu qui n'est ni le domicile, ni le lieu de
travail8,9. Instinctivement, un tiers-lieu se
définit comme un espace hybride, dans lequel les relations
hiérarchiques ne sont pas présentes comme au travail, lieu de
diffusion des connaissances, de pluridisciplinarité, d'incitation au
do it yourself10 et à l'apprentissage11,
lieu d'expérimentation et d'innovation. Il existe plusieurs natures de
tiers-lieux, dont les tiers-lieux culturels : « notre hypothèse est
que nous assistons à l'émergence d'une nouvelle catégorie
de tiers-lieux, les tiers-lieux culturels »12. Par ailleurs, A.
BURRET mentionne le fait qu'un tiers-lieu peut être créé de
toute part artificiellement, pouvant être aussi bien physique que
virtuel,
1 Les tiers-lieux, une notion à
expérimenter et co-construire, R. BESSON
2 IBID
3 IBID
4 IBID
5 Les tiers lieux culturels - Chronique d'un
échec annoncé, R. BESSON
6 IBID
7 Les tiers-lieux, espaces d'émergence et
de créativité, P. GENOUD, A. MOECKLI
8 The great good place Ray OLDENBURG
9 Annexe 1 : portrait de R. OLDENBURG
10 Faire soi-même (traduction)
11 Les églises protestantes haïtiennes
de Martinique : des tiers lieux d'éducation et d'intégration ?,
M. BLAISE
12 Supra 5
6
7
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
comme les réseaux sociaux sur Internet13.
Nous choisissons ici de ne mobiliser que les tiers-lieux culturels
physiques.
Il est donc légitime d'aborder ce nouvel objet culturel
(ou non) qu'est le tiers-lieu et de s'interroger sur sa potentialité
à devenir un outil de démocratisation culturelle, ou non,
à l'ère de la révolution numérique.
La littérature scientifique s'intéresse à
l'aspect social des nouveaux lieux culturels, comme les friches industrielles
et autres lieux qui n'étaient pas originellement dédiés
à la création. Toutefois, la recherche universitaire et
scientifique autour de ces lieux reste assez floue et peu fournie14.
Quelle est donc la définition d'un tiers-lieu si les différents
acteurs qui y sont liés ne tendent que difficilement à s'accorder
sur sa définition ? Cette notion englobe tous les lieux qui ne sont pas
consacrés à une seule activité, avec des
caractéristiques communes. Les tiers-lieux peuvent avoir une multitude
de formes : un FabLab qui mobilise surtout la notion de do it yourself, un
makerspace ou un espace de coworking, espaces consacrés au travail ou
encore naître de la mutation d'une friche en tiers-lieu. Les tiers-lieux
peuvent être vus comme des outils répondant à diverses
vocations : l'agriculture, l'économie, le social etc. Le tiers-lieu
n'est donc pas uniquement à vocation culturelle15. L'une des
spécificités du tiers-lieu est le croisement des disciplines :
« les tiers-lieux ne sont pas restreints à un secteur particulier
». L'horizontalité des relations entre les personnes
fréquentant ces lieux caractérise les tiers-lieux. Ainsi, la vie
en communauté et la réduction voire la suppression des relations
hiérarchiques fait partie de l'innovation sociale du lieu. Les
tiers-lieux sont des espaces d'échanges, des lieux différents des
autres lieux publics de passage comme une gare16.
Ces « espaces inédits »17 n'ont
pas encore de terminologie propre puisque les politiques culturelles actuelles
ne parviennent pas à s'accorder sur une nomenclature. On parle alors de
friches culturelles, de friches industrielles, de lieux intermédiaires,
de lieux alternatifs etc. Ces lieux permettent davantage de création et
d' « expression citoyenne ».
La question d'institutionnaliser les lieux alternatifs se pose
aujourd'hui à des collectivités publiques : comment sortir des
« schémas institutionnels »18 classiques ? La
singularité des projets semblent être l'un des principaux
obstacles à cette reconnaissance par les politiques publiques
culturelles de ces nouvelles formes d'expressions dans des lieux `alternatifs'.
De plus, les artistes ont tendance à s'approcher de ces lieux pour
acquérir une certaine forme de liberté, et pouvoir être
indépendants et
13 Refaire le monde en tiers lieu, A.
BURRET
14 Annexe 16 : entretien avec R. BESSON
15 Annexe 10 : infographie sur la création de
tiers-lieux
16 Les tiers-lieux, espaces d'émergence et
de créativité, P. GENOUD, A. MOECKLI
17 Introduction Culture & Musées :
Friches, squats et autres lieux : les nouveaux territoires de l'art ?, E.
MAUNAVE
18 IBID Questions à F. LEXTRAIT
8
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
autonomes pour émettre une critique de la
société. Ces tiers-lieux sont aussi un moyen de
réintégrer leur environnement en côtoyant les des
populations, qui peuvent alors à leur tour exprimer leur propre culture.
Ce phénomène de nouveaux lieux touche à la fois l'espace
urbain et l'espace rural.
Afin de poursuivre cette étude des tiers-lieux
culturels et leur aspect d'outil à la démocratisation culturelle,
des choix dans la définition de notre objet d'étude ont dû
être effectués. Ainsi, A. IDELON19 restreint sa liste
des lieux pouvant être qualifiés de tiers-lieux culturels,
à la différence de « faux amis »20 : «
[...] ateliers, résidences, squats d'artistes, friches culturelles,
lieux intermédiaires et `nouveaux territoires de l'art' » , «
ni galerie, ni musée, mi espace de création, mi lieu de
diffusion, ces espaces hybrides peuvent emprunter les traits
caractéristiques des tiers-lieux sans en être pour autant
»21. Cependant, R. BESSON22 considère que les
friches peuvent être intégrées dans la catégorie des
tiers-lieux23. A cela peut s'ajouter la citation d'A.
BURRET24 dans Tiers lieux et plus si affinités
(2015) : « [...] être plus précis serait prendre le
risque d'exclure », ainsi qu'une référence à l'ancien
Tiers-Monde qui regroupait des éléments
hétérogènes sous un tout25. Cette autre
remarque de R. BESSON est à noter : « leur
spécificité réside dans leur capacité à les
articuler et à intégrer les trois dimensions essentielles de
l'innovation : la dimension spatiale des coworking spaces, la dimension
sociétale des Living Labs et la dimension productive des Fab Labs
»26. Deux conditions sont requises, toujours selon R. BESSON :
la communication et le travail coopératif entre les membres du
tiers-lieu, mais aussi vers l'extérieur (d'autres tiers-lieux), afin de
stimuler les interactions sociales et l'interrogation de la
production27 (« le processus prime sur le résultat
»28). Le choix est donc arrêté de
considérer comme des tiers-lieux l'ensemble des lieux hybrides, nouveaux
et innovants, hors des modèles institutionnels ou classiques. Ce choix
pourra être contredit/discuté lorsque la recherche des sciences
humaines sur cet objet aura avancé.
19 Co-fondateur du collectif curatorial BLBC à
Manchester, Arnaud IDELON travaille auprès de nombreux tiers-lieux
culturels du Grand Paris (Station-Gare des Mines, le 6b, DOC...). Il a
fondé Ancoats, coopérative d'entrepreneurs culturels et de
consultants en fundraising, afin d'accompagner des tiers-lieux dans leur
développement économique.
20 Tiers- lieu : enquête sur un objet encore
bien flou (1/2), A. IDELON
21 IBID
22 Expert en socio-économie urbaine et docteur
en sciences du territoire (laboratoire PACTE, université de Grenoble).
En 2013, il fonde "Villes Innovations", un bureau d1études
localisé à Madrid et Grenoble, spécialisé sur les
thématiques des villes innovantes et créatives et des Tiers-
Lieux. Rattaché au laboratoire PACTE, ses travaux de recherche portent
sur les stratégies d'innovation urbaine, les politiques
socioéconomiques et culturelles.
23 Annexe 16 : entretien avec R. BESSON
24 Doctorant en socio-anthropologie et l'un des
créateurs de la Poc Foundation et de Movilab
25 Tiers- lieux et plus si affinités,
A. BURRET, p.73
26 Les tiers-lieux, une notion à
expérimenter et co-construire, R. BESSON
27 IBID
28 Pratiques artistiques en renouvellement,
nouveaux lieux culturels, Y. PADILLA
9
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Comme cela a été mentionné, il sera
question d'une recherche autour des tiers-lieux culturels, et de leur lien
potentiel avec la démocratisation culturelle, la démocratie
culturelle mais aussi la lutte contre les zones blanches
culturelles29.
La démocratisation culturelle et la démocratie
culturelle sont deux locutions proches. La démocratisation culturelle
concerne la volonté de donner accès à la culture
remarquable au plus grand nombre ; la démocratie culturelle, c'est
l'égalité de toutes les cultures et leur droit à
s'exprimer et à être diffusées. Les zones blanches
culturelles se définissent comme suit : « [...] zones blanches du
service public culturel. Il s'agit de 86 bassins de vie dans lesquels il y a
moins d'un équipement culturel public, 1 pour 10 000 habitants. Le
ministère en fera des « territoires culturels prioritaires »,
vers lesquels seront déployés de nouveaux moyens au service d'une
politique publique de circulation des artistes et des oeuvres
»30.
Par innovation, ici, s'entend l'introduction de
nouveautés dans des processus, des organisations, des marchés,
dans le but d'une amélioration des biens et services. L'innovation peut
ainsi être sociale, technique, économique, organisationnelle par
exemple. La notion de nouveauté est prépondérante dans sa
définition31. L'hybridation des activités d'un lieu
peut entrer dans cette définition, ainsi que le nouveau rapport des
artistes à la société32, des citoyens à
la culture et à l'art33. L'innovation est aujourd'hui
fortement liée au numérique. Dans le secteur culturel, le
numérique est un nouvel outil pour produire des oeuvres34 ou
réinterpréter des oeuvres35, en plus d'être un
moyen de communication et de diffusion de la culture36. Il sera
également question de la fracture numérique à laquelle la
population est parfois confrontée. Elle « désigne le plus
souvent l'inégalité d'accès aux technologies
numériques, (dont principalement l'ordinateur,) et parfois le clivage
entre " les info-émetteurs et les info-récepteurs "
»37. Nous verrons quels sont les liens possibles entre la
culture et cette fracture numérique/digitale, ainsi qu'une
possibilité de solution.
Ainsi, plusieurs questions doivent être soulevées
: comment la Culture est-elle appréhendée par le citoyen et par
l'institutionnel, dans sa conception sacralisée ou sanctuarisée ?
Quels sont l'importance et l'impact de l'ancrage territorial d'un tiers-lieu ?
Quels sont les liens entre le public/privé/associatif pour faire vivre
un tel lieu ? Comment les acteurs culturels se sont-ils accaparé ce
nouvel outil/objet ?
29 Plan Culture près de chez vous OEuvres
et artistes sur les routes de France, Ministère de la Culture
30 IBID
31 Définition innovation
toupie.org
32 Partie 2 et 3
33 Partie 1
34 Annexe 2 : OEuvre numérique (Château
Ephémère, Carrières-sous-Poissy)
35 Annexe 3 : Exposition Imagine Van Gogh
36 Annexe 4 : Application smartphone Louvre
37 Définition fracture numérique
techno-science.net
10
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Les réponses à ces questions permettent de
tenter d'apporter un retour à une interrogation plus globale : comment
un tiers-lieu culturel, citoyen ou institutionnel, peut-il devenir un outil de
la démocratisation et de la démocratie culturelle ?
La recherche a été menée selon trois
méthodes de travail qui se sont avérées
complémentaires.
? La littérature (scientifique, de presse Internet, de
blogs, d'entretiens réalisés par d'autres, d'ouvrages etc.). La
lecture, tout le long du travail de réalisation, a permis
d'étudier le sujet, d'affiner la problématique, d'affûter
les notions mobilisées, de creuser des propos ;
? L'étude de terrains. C'est se rendre sur des
tiers-lieux et se positionner en tant qu'observateur. C'est relever ses propres
impressions, les consigner et les analyser. Les terrains observés ont
été le Centquatre de Paris, le Château
Ephémère de Carrières-sous-Poissy, Les Grands Voisins de
Paris38, la Médiathèque aux Mureaux, principalement.
Les sorties de terrain se sont déroulées soit dans le cadre d'une
visite personnelle soit durant les visites de presse organisées par les
sites. Pour des raisons logistiques et géographiques, il ne m'a pas
été possible de me rendre dans un tiers-lieu culturel citoyen
;
? Les entretiens. Ils permettent d'interroger un panel
d'acteurs culturels et de croiser leurs regards sur les tiers lieux culturels.
Ont été interrogés dans le cadre de ce travail de
recherche ; R. BESSON, B. RIDOUX, J. LECORBEILLER, L. KHARJA, M. ROBERT, H.
BEUNON, S. CAMPOS.
Pour répondre à cette interrogation, une
démarche comparative de différents lieux a été
menée. Elle consiste en l'évocation de plusieurs exemples de
tiers-lieux culturels. L'avantage de l'étude comparative permet de faire
le lien entre la typologie et la théorie. A l'issue du travail de
recherche, la théorie voudrait que justement, les typologies de
tiers-lieux et la théorie exposée (sur la démocratisation
culturelle) coïncident39. Ainsi, l'enquête (à la
fois sur le terrain et dans les lectures) permettra de « mettre en regard
divers cas empiriques »40. Le but de la comparaison est surtout
qu'une généralisation soit mise en exergue autour de la question
initiale : la démocratisation culturelle est-elle possible par les
tiers-lieux culturels, « tout en rendant compte des
spécificités de chaque cas »41 ? Cette
démarche peut rencontrer des difficultés notamment sur la
collecte des données et la mise en relation
38 Annexe 24 : visite guidée/de presse par le
personnel : la visite m'a fait prendre conscience que ce lieu est surtout un
tiers- lieu social puisque son activité d'origine et principale est
consacrée à l'hébergement de personnes qui sont dans le
besoin.
39 De l'étude de cas à
l'analyse comparative fondée sur une typologie : le `typological
theorizing', D. BAYART
40 S'inscrire dans une démarche comparative
L. VERDALLE, C. VIGOUR, T. LE BIANIC
41 IBID
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
de celles-ci42. Il est nécessaire de
dépasser la production de monographies : la comparaison fait ressortir
des similitudes et des différences pour aboutir à une
montée en généralité.
L'échantillon étudié est relativement
faible (onze lieux et un réseau détaillés) mais reste
cependant représentatif. De nombreux points communs sont relevés,
et ce, même parmi les tiers-lieux culturels qui auront été
mis de côtés durant la recherche et l'écriture de ce
mémoire43. Le tiers-lieu culturel est un espace qui prend des
formes diverses ; le terme hétéroclite convient à
cette recherche autour de la démocratie culturelle et des moyens mis en
place pour y parvenir ou pour tenter d'y parvenir. Les cas choisis l'ont
été pour trois raisons principales : leurs sites Internet
officiels sont complets, ils sont représentatifs de leur
`catégorie' et finalement, sont intéressants à
étudier.
La réponse à la problématique autour du
lien tiers-lieu culturel/démocratisation culturelle, s'articule en trois
axes.
Dans un premier temps, le tiers-lieu comme fabrique citoyenne
avec un approfondissement sur les apports de ces nouveaux lieux aux pratiques
culturelles. Dans un second temps, le tiers-lieu plus institutionnel vu parfois
comme un outil répondant à une difficulté
rencontrée par les pouvoirs publics (Etat et collectivités
territoriales principalement). Enfin, la recherche d'un équilibre entre
ces deux modèles de tiers-lieux, faisant un focus sur les conditions
nécessaires des tiers-lieux culturels pour qu'ils
fonctionnent.
11
42 S'inscrire dans une démarche comparative
L. VERDALLE, C. VIGOUR, T. LE BIANIC
43 Annexe 28 : tableaux comparatifs de
différents tiers-lieux (culturels) (section D)
12
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 1 : DU TIERS-LIEU COMME FABRIQUE CITOYENNE À
FORT ANCRAGE TERRITORIAL (...)
Les lieux réunis sous le terme de tiers-lieux culturels
sont souvent le fruit d'une initiative citoyenne. Ils sont en quelque sorte les
héritiers des anciens foyers d'éducation populaire et des jeunes.
Ils permettent aux citoyens initiateurs d'exprimer dans un premier temps leur
possible manque de reconnaissance dans les autres lieux dédiés
à l'art et à la culture : « c'est plutôt une forme
d'inadéquation avec les institutions (formelles et informelles)
»44. En effet, le poids des tiers-lieux est visible dans
l'espace, dans l'aménagement des quartiers45 mais aussi dans
la vie politique locale (principe de démocratie
participative46) : « [...] que les citoyens puissent
s'impliquer dans le design des politiques publiques
»47. Les tiers-lieux culturels citoyens cherchent aussi
à lutter contre la distance grandissante entre « les élites
politiques et administratives, et la société civile
»48. Ainsi, les tiers-lieux culturels citoyens investissent
leur espace de vie, leur espace vécu. À cela s'ajoute le constat
que les lieux investis par les citoyens ont une mémoire forte pour
l'ancrage territorial.
Deux points principaux peuvent être
développés ici pour saisir l'importance de tels lieux dans la vie
citoyenne : tout d'abord, l'aménagement du territoire par le citoyen
autour de l'émergence de tiers-lieux culturels ; ensuite, la position
centrale du citoyen dans les projets. Ces deux points conduisent à
produire une réponse citoyenne à la paupérisation du champ
culturel en raison du retrait des politiques publiques dans ce domaine.
44 Tiers-lieux et plus si affinités,
A. BURRET (p.73)
45 La caisse des dépôts souhaite
savoir comment un tiers-lieu peut changer « la face d'un quartier »
(à Guéret) (annexe 18 : entretien B. RIDOUX)
46 « Ensemble des dispositifs et procédures qui
permettent d'augmenter l'implication des citoyens dans la vie politique et
d'accroître leur rôle dans les prises de décisions »
(définition
toupie.org)
47 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
48 Les laboratoires citoyens madrilènes :
la fabrique des « communs urbains », R. BESSON
13
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 1 : L'aménagement du
territoire et les tiers-lieux culturels : une
réappropriation (...)
L'aménagement d'un territoire, à
l'échelle locale, peut se définir ainsi : « les
sociétés humaines aménagent l'espace dans lequel elles
vivent, produisent, échangent. (...) L'aménagement est l'une des
formes de l'appropriation d'un territoire »49.
L'un des objectifs des tiers-lieux est de créer du lien
social entre les différents individus qui fréquentent un
même espace, un lieu qui leur est propre et qui est bien plus qu'un
simple lieu de passage : « Ces lieux ne sont pas les espaces publics
habituels (aéroports, gares, parcs) qui voient passer une foule
hétérogène. Ce sont des endroits plus localisés et
dont l'espace, favorisant les liens et les échanges, a été
accaparé par les individus »50. C'est une réponse
au contexte de crise qui a une nette tendance à creuser les
inégalités sociales entre les individus51. R. BESSON a
mis en lumière le cas des Laboratorios ciudadanos52
madrilènes53, lieux « d'innovation citoyenne
»54, qui ne sont pas nés des volontés
d'aménagement du pouvoir public, intégrant de manière
« systématique les dimensions artistiques et culturelles
»55. Autre exemple de projet du même type, le projet
Archipel 2156 : « le projet Archipel 21 de l'artiste Pierre
Estève se présente comme « un laboratoire pour repenser le
monde. On y étudie et questionne des sujets sociétaux disruptifs
avec la perspective d'expérimenter et d'imaginer des solutions
citoyennes concrètes favorisant l'inclusion, l'innovation, l'autonomie,
la durabilité et la résilience dans une perspective
systémique globale. »57.
Ces lieux nouveaux, comme les Laboratorios ciudadanos
de Madrid, ont profité d'espaces laissés « vacants
» et « n'ont pas fait l'objet d'une stratégie de planification
de la ville »58 : ils sont davantage issus de «
l'élan spontané de citoyens ordinaires et de collectifs souvent
très qualifiés »59. Le travail commun avec la
complémentarité de différentes compétences autour
du projet est un aspect primordial60.
Ainsi la naissance de ces lieux permet de mettre en place une
nouvelle manière de répondre aux besoins d'aménagement
émis par les citoyens. C'est aussi une nouvelle manière de
combiner ensemble l'aménagement et la culture (pratique et diffusion).
Cela donne à voir que les villes sont construites
49 Définition aménagement du
territoire
geoconfluences.fr
50 Les tiers-lieux, espaces d'émergence et
de créativité P. GENOUD A. MOECKLI
51 Les laboratoires citoyens madrilènes :
la fabrique des « communs urbains », R. BESSON
52 Annexe 26 : carte de la typologie et localisation
des Laboratorios ciudadanos dans Madrid
53 Supra 51
54 IBID
55 IBID
56 Cet exemple à nuancer, puisqu'Archipel 21
est issu d'un réseau, c'est un modèle de projets type
one-shot.
57
http://artscience21.org/archipel-21/
58 Les laboratoires citoyens madrilènes :
la fabrique des « communs urbains », R. BESSON
59 IBID
60 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
14
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
par des personnes61. On peut noter ici la
réhabilitation et/ou la rénovation d'espaces laissés
vacants par la crise comme un outil de réappropriation. Prenons ici
l'exemple du Café Boissec à Larbey (dans les Landes).
L'association Sac de billes a ré ouvert ce lieu en 2012 après
avoir entièrement rénové cet ancien café de la
commune qui était jusqu'alors le lieu de rendez-vous des habitants de la
commune. Il a été successivement une boulangerie, un restaurant,
une station essence et vide. Il appartient depuis des générations
à une famille de particuliers. L'un des objectifs de l'association qui
l'a réinvesti est l'éducation populaire, c'est-à-dire
l'éducation de chacun par chacun, une éducation qui ne s'apprend
pas dans les universités par exemple62. L'association
souhaite également mettre en place une éducation culturelle et
durable pour tous. Concernant le bâtiment qui accueille actuellement le
tiers-lieu culturel, Sac de billes a souhaité investir un lieu
historique de la commune, plutôt que de construire de toutes
pièces un nouvel espace63. D'ailleurs, le nom du café
est le même depuis 1885. En somme, ce Café Boissec est
réellement implanté localement puisque c'est l'un des enjeux
sous-jacents de l'association : « c'était important de montrer
qu'on ne vient pas là faire la révolution et changer toutes les
coutumes de Larbey et des environs. On souhaitait proposer des choses en
fonction de ce que les habitants avaient envie »64. La
réhabilitation65 du café (c'est-à-dire son
amélioration du point de vue du confort, de son économie
d'énergie etc.) lui a permis de conserver la mémoire forte du
lieu.
Bien souvent, la réhabilitation de lieux, de
bâtiments, est liée au patrimoine industriel66. Ce
patrimoine particulier et récemment reconnu, est synonyme d'abandon en
raison des contextes économiques et sociaux difficiles. Les anciens
sites industriels, tels que les moulins, les gares ont
bénéficié d'une protection patrimoniale. Cette idée
d'abandon se recoupe avec l'idée de la fin de l'Etat Providence des
années 1970. Jusqu'alors, l'Etat et les travailleurs étaient en
synergie67 : accompagnement social et sanitaire afin de propulser
l'essor industriel du pays tout entier. Cet Etat se positionne donc comme le
garant du bien-être minimum des populations. Le retrait de l'Etat de
certains sites industriels contribue fortement au sentiment d'abandon tout en
laissant de forts souvenirs dans les lieux de travail avant leur fermeture. On
peut évoquer l'exemple de l'usine Michelin dans le
61 IBID
62 Quand des jeunes font revivre des territoires
ruraux : le Café Boissec et l'Eco-lieu Jeanot
https://www.youtube.com/watch?time
continue=540&v=bpD-iiZnlBk
63 IBID
64 IBID
65 La réhabilitation fait qu'un bâtiment
conserve son aspect extérieur.
66 Définition : « Le patrimoine industriel
comprend les sites, les constructions, les complexes, les territoires et les
paysages ainsi que les équipements, les objets ou les documents qui
témoignent des procédés industriels anciens ou courants de
production par l'extraction et la transformation des matières
premières ainsi que des infrastructures énergétiques ou de
transport qui y sont associées. Il exprime une relation étroite
entre l'environnement culturel et naturel puisque les procédés
industriels anciens ou modernes dépendent de ressources naturelles,
d'énergie et de voies de communication pour produire et distribuer des
biens sur les marchés. Ce patrimoine comporte des dimensions
immatérielles comme les savoir-faire techniques, l'organisation du
travail et des travailleurs ou un héritage complexe de pratiques
sociales et culturelles résultant de l'influence de l'industrie sur la
vie des communautés et sur la mutation des sociétés et du
monde en général. » (
culture.gouv.fr)
67 Pourquoi parle-t-on de crise de l'Etat
Providence ?,
vie-publique.fr
15
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Puy de Dôme. Cette usine de pneus parfois
qualifiée d'usine paternaliste, a créé des cités
ouvrières pour les employés, une école pour leurs enfants
et même une clinique. Cela montre que les lieux industriels ont une
histoire avec les travailleurs, que ces lieux ont été investis
au-delà du simple travail. Aujourd'hui68 le site a ouvert un
musée au public afin de retracer son Histoire.
Cependant, cette protection induit des coûts au(x)
propriétaire(s) en entretien et en fonctionnement. Pour les citoyens,
ils sont comme des toiles vierges, notamment pour des citoyens qui
possèdent une idée de projet mais qui n'ont pas l'espace
nécessaire pour le réaliser. Peut alors se poser la question
suivante : pourquoi ne pas réhabiliter, rénover, plutôt que
restaurer ? La réhabilitation permet parfois de passer au-dessus du
sentiment d'abandon, généré par la transformation en
friche industrielle urbaine69 d'un site. En un mot, les anciens
sites industriels ayant cessé leurs activités sont en recherche
de nouveaux usages70 qui ne soient pas synonymes de crise ni de
difficultés. Une fois encore, la ville de Madrid fournit un bon exemple
d'aménagement du territoire par une initiative citoyenne autour d'un
espace laissé vacant par la crise. En effet, il semble possible
d'affirmer que le vide effraie, qu'un espace ne peut rester sans
occupation ni activité durant trop longtemps. Depuis 2003, La
Tabacalera, ancienne fabrique de tabac est sous la gestion du
Ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports. Ce site
est l'un des premiers exemples architecturaux industriels de Madrid avec une
très forte connotation sociale, puisque une grande partie de la
population de Lavapiés y a travaillé71. En 2007,
l'Etat espagnol décide de créer un Centre national des Arts
visuels ; le projet n'aboutira jamais en raison des coûts trop
élevés et de la crise économique. Il faut toutefois noter
qu'avant la prise en main par l'Etat, des activités culturelles de
toutes sortes étaient déjà présentes, comme le
street art: « tout le monde pouvait faire plus ou moins ce qu'il voulait
dans cet espace » 72 . Le tissu associatif du quartier de Lavapiés
va alors entrer en contact avec les collectivités afin d'obtenir
l'autogestion d'au moins une partie du bâtiment. L'association Tabacalera
de Lavapiés devient alors le programmateur culturel et social du
lieu73, bien que l'atmosphère de « squat artistique
» créée par les citoyens, ne soit plus tout aussi
présente qu'à la création du lieu. La Tabacalera à
Madrid est également perçue et façonnée à
l'image d'un laboratoire citoyen ouvert. Ce lieu se veut être accessible
à tous : « LTBC ne peut pas être la ressource de quelques
personnes bien connectées ou privilégiées
»74. C'est de la « culture libre » qui
prédomine dans ce centre, ce tiers-lieu culturel.
68 Michelin 120 ans d'aventures industrielles,
D. BASTIEN
69 « [...] aujourd'hui la ruine des bâtiments et des
maisons ouvrières, décrépitude qui accentue le sentiment
d'abandon et de vide. » La France du vide, R. BETEILLE
70
Apic.com chapitre 2
71 La Tabacalera de Lavapiés: Welcome to
Madrid's Most Culturally Diverse Space, J. JONES (traduction
Anglais/Français)
72 IBID
73 Les laboratoires citoyens madrilènes :
la fabrique des « communs urbains », R. BESSON
74 http://latabacalera.net/
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Comme cela a été mentionné à
plusieurs reprises, le tiers-lieu culturel implanté dans un ancien site
industriel joue de la forte mémoire du lieu et de son ancrage
territorial75 et bien souvent social.
Le tiers-lieu permet donc une réappropriation de son
espace vécu, avec une dimension culturelle et artistique. La
démocratie participative ainsi que la démocratie culturelle, qui
sera davantage développée par la suite, sont les deux notions
liées à l'aménagement du territoire (urbain ou rural ou
même périurbain et rurbain par ailleurs). Ces lieux permettent
à la participation citoyenne d'opérer et d'être visible
dans le paysage des habitants de l'espace vécu. Ces derniers peuvent
d'ailleurs, par leurs propres initiatives et projets, le façonner
à leur gré.
Cette idée de à l'image des citoyens
conduit à entrer plus au coeur du tiers-lieu culturel, le lieu par
lui-même.
16
75 Chapitre 2
17
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 2 : (...) par ces tiers-lieux
culturels créées par et pour les citoyens (...)
L'idée de la réappropriation de leur espace
conduit les citoyens vers l'envie de décider de leur propre chef de leur
manière de faire/produire de la culture. Ainsi, comme
l'introduction le mentionne, le tiers-lieu a pour condition la mise en avant du
do it yourself, d'activités directement proposées et
conçues pour la population de proximité, de la mise en commun de
toutes sortes de choses (aussi bien palpables que de connaissances),
l'entre-aide notamment face à une société de plus en plus
numérique. En un mot, le tiers-lieu est la promotion d'une culture
ascendante. Ces tiers-lieux, à l'image de La MYNE (Villeurbanne),
deviennent des « laboratoires citoyens ouverts »76, «
au service de l'expérimentation et du développement de projets de
recherche citoyens »77. Ce tiers-lieu est davantage un lieu de
travail qu'un espace dédié au champ culturel, avec la
présence d'un espace de co-working en réseau, d'un hacklab. Pour
autant, « les projets supportés78 par La MYNE sont
à l'interface entre technique, technologie, art, science et
société ». Le secteur culturel est lié directement ou
indirectement à La MYNE et aux projets qui y sont
développés notamment par l'aspect open source ou bien encore par
la volonté de développer l'apprentissage entre
pairs79. Le projet de La MYNE est aujourd'hui `dirigé' par un
conseil collégial suite à la dissolution du conseil
d'administration en 2015 ; la gouvernance du tiers-lieu se veut « ouverte
», avec la possibilité pour tous les projets d'être
présentés au conseil collégial. Le poids des citoyens dans
le façonnage du projet de La MYNE est réellement important
puisqu'elle est « en constante mutation car elle est
ré-appropriable par tout nouvel arrivant »80. La MYNE,
au moment de sa création, a été le réceptacle des
activités de l'association Paillasse de Saône.
Pour en revenir au do it yourself81, c'est une
technique liée à l'utilisation de plus en plus
démocratique des nouvelles technologies et techniques, notamment dans le
milieu de la création. Cette notion est née du mouvement punk
dans les années 1970, en opposition avec la société de
consumérisme82. Ce même mouvement est
dérivé du mouvement de l'underground, qui date des années
1960. En effet, les personnes se revendiquant comme appartenant à ces
mouvements luttaient contre la culture de masse à grande échelle,
souhaitaient alors pouvoir jouer leur musique hors des scènes
traditionnelles « pour assurer la liberté de performance
»83. Plus que du simple bricolage et
débrouillardise, le do it yourself incarne une véritable
philosophie. En effet, dans le champ culturel, le
76
https://www.lamyne.org/about/
77 IBID
78 Annexe 7 : exemples de projets supportés
à La MYNE
79 La MYNE : pour une capacité d'agir
citoyenne, Entretien avec B. CHOW-PETIT et C. CHOW-PETIT, Propos
recueillis par L. PIGNOT
80 IBID
81 Partie 3, chapitre 7
82 Article do it yourself, wikipedia
83 IBID
18
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
citoyen devient non plus consommateur passif mais acteur de la
culture lors de son passage dans le tiers-lieu : « [...] l'inclusion de
l'utilisateur tout au long de la chaîne de création de valeur.
Celui-ci passe d'un rôle purement passif à un rôle plus
actif dans lequel il devient un acteur de la création des produits, des
contenus et des services qu'il désire utiliser »84.
Généralement, les tiers-lieux culturels proposent des
activités de do it yourself tournées autour de techniques ou des
nouvelles technologies85. Par exemple, le Café Boissec
propose des ateliers tournés autour du bricolage et du travail du bois.
Ce sont des ateliers qui sont à la fois guidés, selon l'envie, ou
libre d'accès pour les plus expérimentés.
L'accompagnement (médiation) dans les tiers-lieux
culturels passe donc essentiellement par l'envie de rendre le spectateur acteur
dans la création, à la différence d'autres lieux qui se
donnent davantage la mission de donner l'accès à la culture et
non de produire la culture86 : « les nouveaux laboratoires
citoyens ne se donnent pas comme fonction principale de donner accès et
propager des initiatives, mais plutôt de se concentrer sur une offre de
plateformes qui facilitent la participation des usagers dans les processus
d'expérimentation de et de développement de projets
»87. Ce nouveau type d'accompagnement conduit à
l'innovation sociale voulue et souhaitée dans les tiers-lieux citoyens,
à l'innovation d'inclusion ouverte88. Pour autant, ni La
MYNE, ni le Café Boissec ou La Tabacalera ne mentionnent directement
l'idée de médiation89 ; c'est quelque chose qui leur
est naturel, qui peut se retrouver dans l'idée de « culture pour
tous/démocratie »90. La médiation est ici
l'équivalent de l'accompagnement du citoyen au sein du tiers-lieu.
Le tiers-lieu culturel évite donc le rôle passif
que peut jouer un visiteur de musée ou d'exposition. Cela passe par
l'insertion du citoyen dans la création et par la médiation
auprès de lui. D'ailleurs, cette médiation peut permettre de ne
pas ressentir un sentiment de honte91 lorsque l'on est face à
une oeuvre que l'on ne comprend pas. Chacun peut créer ou être
témoin du processus de création lors de son passage dans le
tiers-lieu. Le processus de création est parfois plus important
que la diffusion en elle-même92. Une des actions que le
citoyen peut mener est la diffusion sur les réseaux sociaux d'une oeuvre
découverte dans le tiers-lieu culturel.
L'un des aspects et l'une des conditions de création
d'un tiers-lieu culturel est l'ancrage territorial dans l'espace. Un tiers-lieu
culturel se veut proche des populations de proximité (proximité
par rapport à la mesure de distance géographique et non sociale).
Le lieu doit s'adapter et être adapté à son contexte
géographique, il peut même être construit par le territoire
et pour le territoire. C'est une nouvelle fois
84 Les tiers-lieux, espaces d'émergence et
de créativité, P. GENOUD A. MOECKLI
85 IBID
86 Partie 2 et Partie 3
87 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
88 IBID
89 Annexe 28, tableau A3
90 IBID, tableau A9
91 Partie 2
92 Partie 3
19
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
un rappel de la démocratie culturelle. Cela conduit
à l'innovation sociale, car l'ensemble des personnes habitant aux
alentours doivent pouvoir se retrouver dans cet espace. Il peut y avoir une
relation à double sens : faire exister le lieu par le territoire et
faire exister le lieu grâce à son territoire d'implantation.
Les tiers-lieux culturels tendent généralement
à développer ce qu'on appelle l'économie circulaire,
c'est-à-dire consommer moins, jeter moins, tout en réussissant
à produire. La notion de recyclage est très liée à
ce type d'économie. On peut aussi relier l'économie solidaire
à l'innovation. C'est la mise en place d'un cercle vertueux de la
consommation, entre le tiers-lieu culturel et les citoyens qui visitent et qui
contribuent à la vie du site et plus largement à la vie de la
Cité. L'économie circulaire est un exemple d'innovation sociale
créée dans les tiers-lieux culturels.
De manière plus générale, les tiers-lieux
culturels sont destinés à être des « lieux de forte
inclusion sociale »93, souhaitant « permettre une
participation citoyenne la plus large possible », comme c'est le cas des
Laboratorios ciudadanos madrilènes. La participation citoyenne peut se
distinguer de certains lieux parfois considérés comme des
tiers-lieux culturels tels que les squats94, dans la mesure
où ils ne sont pas réservés à des experts : ce sont
des « espaces ouverts » à tous95. C'est
également valable pour les projets, puisque tout citoyen doit être
en mesure de participer d'une manière ou d'une autre à ces
projets ouverts. Cela tient de l'innovation organisationnelle.
Chaque citoyen est contributeur de la culture
présentée et créée dans le tiers-lieu culturel
qu'il fréquente. Les pratiques culturelles se veulent à
l'échelle locale : on produit/diffuse des locaux96
plutôt qu'une culture qui ne ressemble pas aux communautés de
proximité.
Les populations sont donc mises à contribution dans les
projets de tiers-lieux culturels, fabriques citoyennes. Cette mise à
contribution recoupe l'idée de mise en commun des connaissances des
citoyens, afin de construire un projet global qui leur ressemble : «
chacun peut être en capacité d'exprimer sa propre culture
»97. Les exemples mobilisés, le Café Boissec, la
MYNE et la Tabacalera, veulent être des lieux de partage d'espace. La
MYNE et la Tabacalera vont même jusqu'à le préciser dans
leurs descriptions de fonctionnement : « Il s'agit de catalyser les
savoirs (être et faire) et compétences de chacun
»98, « un centre culturel qui comprend la culture comme
une notion qui englobe les capacités créatives et sociales des
citoyens »99. Ce partage de l'espace permet un brassage des
différentes personnes qui composent la communauté du tiers-lieu
et met en place de l'émulation
93 Les laboratoires citoyens madrilènes :
la fabrique des « communs urbains », R. BESSON
94 Tiers lieu culturel, refonte d'un modèle
ou stratégie d'étiquette ?, A. IDELON
95 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
96 Partie 3
97 Pratiques artistiques en renouvellement,
nouveaux lieux culturels, Y. PADILLA - paragraphe sur l'implication des
populations.
98
https://www.lamyne.org/about/
99
http://latabacalera.net/c-s-a-la-tabacalera-de-lavapies/
20
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
pour la création d'idées, la coopération
: « les méthodes de créativité des Tiers-Lieux
permettent en outre de favoriser les pratiques collectives et le partage des
connaissances »100. Le tiers-lieu culturel a vraiment dans son
ADN la volonté de créer des sortes d'écosystèmes
citoyens, pour mettre en place des projets collectifs et collaboratifs, dans
lesquels chaque citoyen peut et doit trouver sa place sur la chaîne de
production. La mise en commun au sein des tiers-lieux culturels passe aussi par
la transversalité de différents champs de connaissances. Ainsi
des scientifiques peuvent rencontrer des artistes, chose qui a tendance
à être réduite, puisqu'un fossé est né entre
la culture et la science. Le tiers-lieu joue alors le rôle de vecteur
entre ces deux domaines qui sont à première vue aux antipodes :
« les laboratoires citoyens tentent de répondre à deux des
grands défis de notre temps. [...] l'autre est de connecter
différents domaines de connaissance, en fournissant un environnement qui
facilite les liens entre divers mondes: artistique, scientifique et
technologique, professionnel et amateur, académique, social et activiste
»101. On peut donc être en capacité d'affirmer que
la mise en commun des savoirs est créatrice de lien social (et cela
correspond à l'évocation du lien social présent dans
chacun des cas étudiés102). Rendre la connaissance de
chacun accessible à tous (et gratuitement) montre l'évolution par
rapport à l'Histoire103, qui souhaitait alors que seuls
quelques membres de la Cité aient accès aux connaissances. La
diffusion à large échelle est l'un des enjeux de la mise en
commune au sein des tiers-lieux culturels. Mais par diffusion, ici c'est
surtout une référence à la démocratie culturelle
plutôt que la démocratisation culturelle. En effet, chacun
possède une culture propre et qui est légitimement diffusable
à d'autres personnes qui ne sont pas du même groupe social,
religieux, ethnique, générationnel etc. Et chaque citoyen peut
être récepteur de la culture des autres pour élargir ses
propres connaissances.
Les tiers-lieux culturels citoyens sont donc voués
à créer une culture venant des citoyens, de l'underground. Cela
répond à une logique d'ascendance. Les cas des laboratoires
citoyens de Madrid, comme la Tabacalera, en sont de bonnes illustrations. Ils
sont dans la logique de « faire avec plutôt que de penser à
la place de »104. C'est une motivation que doivent avoir les
citoyens : prendre des « initiatives ascendantes »105 pour
participer au projet du tiers-lieu. Ainsi, le tiers-lieu culturel n'est pas
préconçu par des personnes étrangères au lieu,
comme des élus ou des experts, il permet aux citoyens formant la
communauté d'être libres dans la fabrique de leur culture.
100 Tiers lieux et fabrique des villes contemporaines,
R. BESSON
101 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
102 Annexe 28 : tableau A3
103 Introduction
104
https://www.lamyne.org/about/
105 Une notion à expérimenter et à
coconstruire, R. BESSON
21
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 3 : (...) en réponse à la
paupérisation du champ culturel.
Plusieurs exemples de tiers-lieux culturels ont
été évoqués et mobilisés
précédemment : La MYNE à Villeurbanne, le Café
Boissec à Larbey et la Tabacalera à Madrid principalement. Ces
trois exemples permettent de dégager des similitudes entre des
tiers-lieux culturels considérés comme citoyens et de
servir de points d'appui quant à la potentielle réponse à
la paupérisation du champ culturel. Par paupérisation, on entend
ici la baisse des soutiens publics en termes de financement et également
la baisse des fréquentations du public des lieux
culturels106. Le comparatif107 des lieux permet d'avoir
un premier aperçu du croisement des caractéristiques des tiers
lieux culturels citoyens : certaines se retrouvent dans l'ensemble des tiers
lieux étudiés tandis que d'autres non. Chaque projet de
tiers-lieu est unique, puisqu'il est né à un instant t,
avec une communauté pré existante ou non, dans un pays X ou Y,
avec des moyens qui diffèrent.
Qu'en ressort-il ? La notion de « dimension sociale
» peut ainsi être recoupée avec le critère «
donner à faire au visiteur/au citoyen », qui définissent
ensemble le tiers-lieu. Ce sont de véritables lieux de
création/production et de diffusion en parallèle avec la
volonté de devenir de véritables lieux de vie pour le territoire
sur lequel le site est implanté. La volonté de démocratie
culturelle est prégnante. Rappelons-le, chaque citoyen est spectateur
mais est aussi intégré dans le processus de création,
comme cela semble être surtout le cas à La Tabacalera. On veut
faire de la culture avec chacun. Autre similitude : les tiers-lieux citoyens
cités en exemple ici ne semblent pas appartenir à des
réseaux de tiers-lieux.
Les différences concernent davantage les
activités : tous les lieux évoqués ne sont pas
orientés vers le numérique, comme le Café Boissec, ou vers
l'envie d'être un véritable outil pour le territoire, comme La
MYNE.
On remarque également que ces trois tiers-lieux ne
possèdent pas de Fablab : on peut imaginer que cette technologie a un
coût trop important pour de telles structures culturelles et que par
conséquent le Café Boissec, La MYNE et La Tabacalera trouvent
d'autres moyens pour produire, innover et expérimenter en incluant les
citoyens. C'est une recherche de production culturelle, ou non, grâce
à des moyens alternatifs. Ils pallient aux difficultés
financières des structures culturelles citoyennes qui n'ont pas
nécessairement d'argent à investir dans les technologies mais
plutôt dans d'autres pôles, comme le développement de
l'aspect convivial. Par ailleurs, cette recherche de financement n'est pas
fixe, puisque le Café Boissec n'impose pas de prix
prédéterminé pour une participation aux soirées
organisées.
106 Partie 2
107 Annexe 28 : tableaux comparatifs de tiers-lieux culturels
22
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
L'analyse de ce comparatif nous permet, malgré le
faible échantillon, de nous acheminer vers l'idée que chaque
projet de tiers-lieu culturel est unique, que ces tiers-lieux culturels
répondent véritablement à une problématique propre
à la communauté d'usagers ainsi qu'à l'importance de
l'ancrage territorial. On peut aussi évoquer la notion
d'adaptabilité du lieu au contexte. Ainsi, la mise en place du
Café Boissec est absolument différente en comparaison de la
création de La Tabacalera. Le premier est implanté en zone rurale
tandis que le second est en zone urbaine. Le Café Boissec souhaite
redonner une dynamique à un territoire, tout en respectant les «
traditions locales » tandis que la motivation de la création de La
Tabacalera relève de l'aménagement du territoire suite à
la faillite d'un précédent projet culturel soutenu à ce
moment-là par la municipalité. De plus, ces deux tiers-lieux
culturels ne se situent pas dans le même pays : des différences de
cultures mais aussi de juridiction peuvent impacter la création
de tels lieux. Les moyens mis à disposition, les flux de citoyens, les
réseaux sont donc différents en fonction du degré
d'urbanité dans lequel s'est implanté le projet de tiers-lieu
culturel.
Pour en revenir à la paupérisation du champ
culturel, les tiers-lieux culturels peuvent mutualiser les ressources de
chacun, notamment les connaissances et les savoirs comme c'est le cas à
La MYNE ou à La Tabacalera. Comme le mentionne le rapport d'Y.
PADILLA108, ces nouveaux territoires de l'expérimentation,
notion présente dans chacun des cas d'étude de cette partie,
permettent à la culture de s'exprimer ailleurs que dans les lieux
prévus : « offrant des lieux de fabrication ponctuels, des espaces
de diffusion et des modes de production inventifs ». Chaque tiers-lieu
culturel citoyen semble posséder son propre modèle d'implantation
et de développement, et par conséquent répondre aux
besoins spécifiques de chaque communauté, chaque individu animant
le tiers-lieu.
Ces modèles de tiers-lieux culturels citoyens
permettent également à tous les individus de s'exprimer et
surtout d'avoir accès à la culture d'autres citoyens qui peuvent
être des voisins ou de simples visiteurs de passage, puisqu'en plus de la
création, la diffusion est l'une des activités communes (La
Tabacalera et le Café Boissec). Les lieux culturels et le soutien aux
projets culturels par les collectivités territoriales publiques
subissent une sorte de retrait des pouvoirs publics, se traduisant par une
réduction des subventions accordées ; le tiers-lieu culturel peut
alors être qualifié de lieu alternatif. En effet, deux des trois
lieux étudiés ne reçoivent pas de subventions
publiques pour leur fonctionnement et leur investissement (La MYNE, le
Café Boissec). Bien que dans la recherche aucun tiers-lieu culturel n'en
ait fait l'objet, la paupérisation peut se contourner par le
système du crowdfunding109. Ainsi, à La
Roche-de-Rame (Hautes Alpes), l'association Les Croquignards a pour ambition de
créer un « lieu culturel et social autogéré » en
rénovant une bâtisse110. Si le projet aboutit
108 Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux
culturels, Y. PADILLA
109 « Le crowdfunding est un terme anglais pour
désigner un « financement participatif ». Cela signifie qu'un
grand nombre de personnes sont amenées à participer à
l'élaboration, en termes économiques et financiers, d'un projet.
»
https://www.crowdlending.fr/le-crowdfunding-definition-reglementation-avantages-et-inconvenients/
110 Création d'un lieu culturel et social
autogéré. Par LES CROQUIGNARDS
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
(donc si les dons provenant de sources privées et
généreuses sont suffisants pour financer le projet global), il
devrait y avoir entre autre : une « salle de vie avec un café
associatif, lieu convivial de proximité et de rencontres et son coin
enfants », « une bouquinerie, avec des livres militants, des livres
d'occasion de tous horizons et un accès à des médias
libres numériques », « une résidence d'artistes, pour
développer la création culturelle dans les Hautes Alpes »,
... Il serait alors possible de compléter la liste des tiers-lieux
culturels citoyens avec ce projet. Car on remarque que de nombreux termes
utilisés font partie des caractéristiques des tiers-lieux
culturels et de la définition d'un tel lieu (dans la mesure où
cette définition existe111). On notera ici que la mise en
place d'une cagnotte via un site Internet montre que les tiers-lieux culturels
sont en capacité de surfer sur la vague du numérique,
malgré l'absence notable d'un Fablab par exemple.
En conclusion, les tiers-lieux culturels citoyens sont
façonnés à leur image et répondent à leurs
besoins directs en termes de culture. La démocratie culturelle est la
réponse à la paupérisation, dans le sens où les
finances publiques diminuent, et est même une réponse (autre
débat) au manque de reconnaissance de toutes les cultures112.
L'engouement citoyen pour ce plus ou moins nouveau type de lieu culturel est
suffisamment important pour être remarqué par les institutions
publiques, les collectivités territoriales et même l'Etat, au
point d'être repris pour leurs propres projets culturels.
23
111 Introduction
112 Partie 2
24
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 2 : (...) VERS LE TIERS-LIEU
INSTITUTIONNEL, OUTIL DE LUTTE CONTRE LA SÉGRÉGATION CULTURELLE
(...)
Par lieu institutionnel et par conséquent
institution113, on entend ici les administrations nationales ou
locales et les collectivités territoriales ; ce sont des pouvoirs qui
relèvent de l'Etat. On parle alors de pouvoirs publics, qui
« déterminent l'action politique »114. De
manière sommaire, ce sont des organes représentant le
gouvernement au pouvoir, gouvernement par ailleurs élu au suffrage
universel et suivant un régime démocratique (on ne parle ici que
du cas de la France).
La culture possède des institutions publiques,
chargées de plusieurs missions, comme par exemple la DRAC qui est
née du mouvement suite à la déconcentration dans les
années 1960. Depuis peu, l'Etat souhaite traiter le défi des
zones blanches culturelles115 et de la lutte contre la
ségrégation culturelle. La ségrégation, ici «
sociale » peut être définie ainsi : « mise à
l'écart d'une population formant un sous-groupe religieux ou racial, qui
subit en outre des discriminations de nature politique, juridique ou
économique »116. Les zones blanches culturelles ont
été identifiées récemment (2018) par le
Ministère de la Culture. Elles s'apparentent aux zones blanches de la
téléphonie, des zones dans lesquelles le débit n'est tout
simplement pas optimal. Ainsi, une zone blanche culturelle est une zone
dépourvue d'équipement culturel public en direction des habitants
de cette zone. Fort de cette constatation, le Ministère de la Culture
souhaite alors travailler autour de ce nouvel enjeu qu'il nomme depuis A.
MALRAUX la démocratisation culturelle. Quelle(s) politique(s)
culturelle(s) est/sont susceptible(s) d'y palier et par quel outil ?
Le tiers-lieu culturel commence à être
identifié par les pouvoirs publics, à différents
échelons. Grâce à sa popularité grandissante
(cela marche), il est maintenant repérable par les pouvoirs
publics. La politique culturelle publique peut parfois se servir de projets de
tiers-lieux culturels afin de diffuser la culture117. On parle dans
ce cas d'upperground, du haut vers le bas (descendance). Cet espace
hybride qu'est le tiers-lieu culturel peut aussi devenir un outil de marketing
pour des territoires en perte de dynamisme. Enfin, le tiers-lieu culturel, de
plus en plus remarqué, commence à se soumettre à un
113 Au moins valable pour le cas de la France.
114 Définition de pouvoirs publics,
toupie.org
115 Plan Culture près de chez vous OEuvres et artistes
sur les routes de France, Ministère de la Culture
116 Définition ségrégation, par D.
PUMAIN,
hypergeo.eu
117 « `La démocratisation de la culture repose sur
deux postulats implicites : seule la haute culture, valeur sacralisée,
mérite d'être diffusée, et il suffit qu'il y ait rencontre
entre l'oeuvre et le public (indifférencié) pour qu'il y ait
développement culturel - Augustin GIRARD Géneviève GENTIL
Développement culturel. Expériences et politique (1972, ouvrage
commandité par l'UNESCO) » La démocratie culturelle : un
autre modèle de politique culturelle, A. CHATZIMANASSIS
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
processus d'institutionnalisation118. Les
différents tiers-lieux culturels qui seront ici évoqués
sont : le concept des Micro Folies (réseau), La FabricA à Avignon
et le Centquatre à Paris.
25
118 La démocratie culturelle : un autre modèle
de politique culturelle, A. CHATZIMANASSIS
26
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 4 : Le tiers-lieu culturel
institutionnel : quand l'institution montre au citoyen
(...)
Le Ministère de la Culture119, à sa
naissance en 1959, sous le nom de Ministère des Affaires Culturelles,
sous A. MALRAUX, s'est octroyé comme mission la démocratisation
culturelle, c'est-à-dire « [...] rendre accessibles les oeuvres
capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre
possible de Français ; d'assurer la plus vaste audience à son
patrimoine culturel ; de favoriser la création des oeuvres de l'art et
de l'esprit qui l'enrichissent ».
Par cette définition, on peut supposer que le «
plus grand nombre possible de Français » comprend les
Français se rendant volontiers sur ces lieux de culture mais
également les Français qui n'y vont pas. On parle alors de
publics empêchés, de non-public et de
non-initiés, pour les personnes qui ne se déplacent pas
vers les lieux dédiés à la culture. Les premiers publics
sont les personnes handicapées, hospitalisées et
emprisonnées. Les deux autres catégories sont les personnes qui
subissent voire même s'imposent d'elles-mêmes une barrière
symbolique : « On peut donc supposer que les « freins », les
obstacles trouvent en partie leur origine dans les représentations de la
culture que construisent les acteurs sociaux »120 . Cette
barrière peut s'expliquer par une certaine appréhension entre soi
et la culture savante, la haute culture. Cette dernière peut
être liée à l'idée d'élitisme. Par
élitisme, on entend l'idée qu'un groupe social est mis en avant
du point de la politique ou ici, de la culture, au détriment d'autres
groupes pouvant appartenir à la classe populaire et à la culture
de masse. Il existerait dans le monde de la culture une hiérarchie des
cultures121 qui tend à muter avec une fois encore,
l'intervention du numérique dans les pratiques culturelles. Il y aurait
une dichotomie entre la haute culture et la basse culture, notamment dans les
sociétés des pays industrialisés comme la France. Chacune
de ces cultures a ses propres valeurs, même si l'existence de
modèle d'opposition semble être aujourd'hui
dépassée122. La démocratisation culturelle
serait le processus qui fonctionne pour ces sphères sociales en
capacité de recevoir cette culture, mais pas de facto l'ensemble de la
population123. La posture des institutions classiques semble
être la culture pour tous et non la culture avec tous, comme le
préconise la démocratie culturelle124.
L'une des raisons évoquées à propos de la
non `participation à la vie culturelle', serait la suivante, si on
mobilise l'exemple des populations immigrées ou des enfants
d'immigrés : tous les groupes
119 Anciennement le Ministère des Affaires Culturelles
120 Le non-public et la culture, Une étude de cas en
banlieue, C. GHEBAUR
121 Peut-on encore distinguer haute culture et basse culture
?, Q. MATARO
122 IBID
123 Le CESE a adopté son avis sur la démocratie
culturelle
124 IBID
27
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
sociaux ne se reconnaissent pas dans les manifestations
culturelles125 organisées par les collectivités. Le
fait d'appartenir à la classe populaire, par opposition ici aux classes
supérieures, peut paraître pour les non-publics une des raisons
les empêchant de participer à des manifestations culturelles mises
en place par leur commune par exemple. Les populations ne se sentent ni
intégrées ni le récepteur de la culture. En 2008, le
Ministère en charge de la Culture a mené une enquête quant
à la fréquentation des classes plutôt populaires (notamment
ouvrières) vers des lieux culturels classiques (salles de
concert pour de la musique classique, musées, monuments historiques...)
et a constaté qu'en 2008, ils étaient 65% contre 54% en
1973126 à ne pas fréquenter ce type de lieux. L'un des
facteurs de cette baisse de la fréquentation est la hausse des
inégalités économiques entre les classes, qui induit un
poids des dépenses `obligatoires' du type logement, alimentation,
charges, plus important dans le budget des classes les plus populaires et qui
réduit par conséquent la part du budget consacrée aux
loisirs et à la culture. En somme, le manque de fréquentation des
lieux qui diffusent la haute culture peut s'expliquer par plusieurs raisons :
raisons physiques (personnes handicapées), raisons économiques
(coûts trop élevés et manque de moyens) et raisons sociales
(pas de mélange des classes).
Conscient de cette réticence à aller vers la
culture et ses lieux de diffusion classiques, l'Etat a mis en place depuis
janvier 2017 le concept de la Micro Folie. Sa prise de conscience le conduit
à mener des activités différentes et ailleurs que dans des
lieux culturels classiques, afin que « rentrer dans un musée, dans
un opéra devienne quelque chose de banal »127. Il en
existe actuellement sept (dont une en Turquie et une en Birmanie) ; environ
deux cents nouvelles devraient être créées durant
l'année 2018128. L'accueil d'une Micro Folie sur un
territoire est à la charge de l'Etat et de la commune accueillante. Le
principe de la Micro Folie est simple : il s'agit d'un « musée
numérique de proximité », à des fins de «
démocratie culturelle129 et d'accès ludique aux
oeuvres des plus grands musées nationaux »130.
L'ensemble des Micro Folies implantées constitue un « projet global
»131, en partenariat avec des établissements culturels
prestigieux, des « grands opérateurs du Ministère de la
Culture (...) »132 : Musée du Louvre, Centre Pompidou,
Musée du Quai Branly-Jacques-Chirac, Festival d'Avignon, Institut du
Monde Arabe, Musée d'Orsay, Opéra national de Paris, Musée
Picasso, Château de Versailles, Philharmonie de Paris, RNM Grand Palais,
Cité des Sciences. Les Micro Folies sont pilotées par La Villette
de Paris. La Villette est un parc parisien situé sur d'anciens abattoirs
dans le 19ème arrondissement. Les Micro Folies se sont
inspirées du style architectural du parc, créé par B.
TSCHUMI dans les années 1980. La programmation du parc se veut
125 Annexe 17 : entretien J. LECORBEILLER : « Il faut amener
des choses de la culture des gens, s'adapter à la demande. Les gens
viennent voir leur culture ».
126 Culture de masse ou cultures de classes ?, N.
DUTENT
127 Le CESE a adopté son avis sur la démocratie
culturelle
128 Les Micro-folies, musées numériques de
proximité : déploiement national,
culture.gouv.fr
129 Sur le site Internet des Micro Folies, on y parle
plutôt de « démocratisation culturelle »
130 Les Micro-folies, musées numériques de
proximité : déploiement national,
culture.gouv.fr
131
http://www.micro-folies.com/les-micro-folies/
132 « [...] et rappelle ainsi leur dimension nationale
»
http://www.micro-folies.com/les-micro-folies/
28
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
pluridisciplinaire : on peut alors émettre
l'idée que le parc de La Villette est presque précurseur des
futurs tiers-lieux culturels institutionnels.
Grâce à la numérisation des oeuvres, les
publics se rendant dans une Micro Folie peuvent découvrir près de
chez eux des oeuvres mythiques, comme La Joconde, l'un des plus
illustres exemples. Ces déploiements de l'art sont
généralement en direction des quartiers défavorisés
(éloignement social de la culture) et des zones rurales
(éloignement plus géographique cette fois) : « Ici, c'est
une autre façon de se réapproprier l'art, de le rencontrer.
L'idée de départ, c'est qu'une partie des populations se sent
coupée de la relation avec les institutions culturelles, et notamment
les jeunes qui vivent dans des quartiers défavorisés
»133. Cela suit la logique suivante : c'est la culture qui
vient à vous. Cela peut aussi avoir pour objectif à plus long
terme de donner aux spectateurs des Micro Folies l'envie et la curiosité
de se déplacer dans ces musées et de voir réellement les
oeuvres de ces lieux.
Lorsque l'on prend connaissance de comment se fait la mise en
place d'une Micro Folie, on se rend compte que ces lieux culturels soutenus par
les pouvoirs publics répondent aux caractéristiques des
tiers-lieux culturels. Ainsi, les Micro Folies possèdent plusieurs
modules qui sont un musée numérique qui vient
d'être évoqué, un Fablab et un café pour la
dimension conviviale du lieu. De plus, les arguments forts sont : «
favoriser la création », « animer les territoires », en
plus d' « offrir les trésors de la nation aux populations
»134 (argument placé en première position par
ailleurs). Comme les tiers-lieux culturels citoyens, les Micro Folies «
sont différentes et s'adaptent aux réalités de chaque
territoire »135. Les deux principales réalités
mentionnées concernent les classes sociales qui seront sensibles au
tiers-lieu culturel et les capacités d'équipement
accueillant136. On peut ajouter le fait que l'innovation est bien
présente : « faire circuler vos initiatives locales avec les
institutions partenaires ». Une autre hypothèse peut être
soulevée à savoir que les musées restent
réservés aux élites tandis que la Micro Folie et ses
modules sont pour les autres classes de la population. La Micro Folie
est un outil de diffusion de la culture qui fait preuve d'adaptabilité
de forme mais pas nécessairement de fond de diffusion.
On l'aura bien compris, en s'emparant d'un nouvel outil
culturel, l'Etat et les collectivités territoriales tendent à
suivre la préconisation de la culture pour tous, qui est par
ailleurs une loi de la Constitution française137 : «
Article 140 : « L'égal accès de tous, tout au long de la
vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux
loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l'exercice
effectif de la citoyenneté. [...] L'Etat, les collectivités
territoriales, les organismes de protection sociale, les entreprises et les
associations contribuent à la réalisation de cet objectif. Ils
133 L. BAYLE, directeur de la Philharmonie
134
http://www.micro-folies.com/les-micro-folies/
135
https://lavillette.com/micro-folie/
- Annexe 8 : dossier de presse de la Micro Folie aux Mureaux
136 La Micro Folie est intégrée
généralement dans un équipement culturel
déjà existant, comme à La FabricA ou bien encore à
la Médiathèque aux Mureaux.
137 Loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la
lutte contre les exclusions
29
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
peuvent mettre en oeuvre des programmes d'action
concertés pour l'accès aux pratiques sportives et culturelles. Au
titre de leur mission de service public, les établissements culturels
financés par l'Etat s'engagent à lutter contre les exclusions
». Pour cela, A. MALRAUX a imposé trois objectifs à son
Ministère des Affaires culturelles : la démocratisation, la
diffusion et la création138.
Après avoir pris connaissance des présentations
officielles de chacune des Micro Folies, on se rend compte que la diffusion est
davantage mise en avant par rapport à la création, et même
à l'innovation et l'expérimentation. On peut ici mobiliser un
autre exemple de tiers-lieu institutionnel, le Centquatre139
à Paris. Ce « laboratoire artistique » est situé sur
les anciennes pompes funèbres de Paris, rue d'Aubervilliers. En 1998, le
site cesse toutes ses activités industrielles autour des pompes
funèbres (menuiserie pour les cercueils, peintres, couturiers etc.). De
1998 à 2004, le bâtiment de quelques 39 000 m2 et
inscrit aux monuments historiques, n'est plus occupé. En 2004, la Mairie
de Paris lance un appel à projet afin de trouver une équipe de
direction du lieu, un lieu culturel dépassant son passé
lié à la mort. En 2009, une fois les travaux terminés et
après son inauguration, l'objectif principal est le suivant, pour ce
nouveau Centquatre : « créer un foisonnement et démocratiser
la culture. Plus qu'un simple lieu de rencontres artistiques, le Centquatre a
pour objet l'insertion sociale à travers l'art »140. Il
est aujourd'hui pensé comme une plateforme artistique collaborative, qui
met en contact le public avec l'oeuvre et la création, en observant des
artistes s'exercer dans les halles. Le Centquatre possède une sorte de
module appelé 104Factory, qui s'avère être une
pépinière d'entreprises. On note aussi la présence d'une
maison pour les petits. Ce lieu est aujourd'hui qualifié de
fabrique innovante tant du point de vue de la culture que de l'art. La
direction, sous J.-M. GONCALVES, souhaite également mettre en avant
l'expérimentation autour de la culture et de l'art. Il y a, selon le
site officiel, une réelle volonté de travailler avec le tissu
associatif présent autour du site. En se rendant au Centquatre, il est
possible de se restaurer, de visiter des expositions, de participer à
des activités de bien-être, de se rendre à des concerts
etc. Les artistes résidents peuvent aussi créer du contact avec
le public en ouvrant les portes de leurs ateliers et « montrer le
cheminement de l'art »141. Au contraire des Micro Folies, la
création libre est fortement présente au Centquatre. Cependant,
les lieux d'expositions restent tout à fait semblables à des
lieux de diffusion classiques142. Et concernant la pratique dans les
halles, les artistes expérimentent, mais le spectateur reste toujours un
spectateur passif et n'a pas de contact avec ces performeurs, il n'y a pas non
plus de médiation autour de ces pratiques artistiques visibles par tous.
Le Centquatre met en avant l'expérimentation grâce à
l'accès libre pour les artistes amateurs de s'exercer dans les halles ou
bien encore de louer des salles de répétition. De plus, le
138 Les politiques culturelles d'André MALRAUX
à Jack LAND : ruptures et continuités, histoire d'une
modernisation, A. GIRARD
139 Parfois orthographié « 104 ».
140 Ce qu'il faut savoir sur le 104, L. BEAUDONNET
141
http://www.104.fr/presentation.html
142 Annexe 16 : visite de terrain `personnelle' lors d'un
vernissage d'exposition
30
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Centquatre met en place des évènements
tournés autour de l'innovation, comme en décembre 2017 :
Pratiquez l'art et l'innovation, avec la présence des start-ups
travaillant dans l'incubateur 104Factory.
Le fait que l'Etat souhaite montrer aux citoyens ce qui est
à voir repose probablement sur son envie de mettre en place et en valeur
une culture, sur un territoire. Cela revient à exercer comme un
contrôle sur les contenus créés et diffusés. L'une
des motivations envisageables est le fait que la France suive la ligne
directrice suivante : favoriser une culture pour les Français, à
la défaveur des cultures locales et ultramarines. On parle dans ce cas
de l'exception culturelle à la française : la mise en avant d'une
culture française unie/unitaire. Ce concept évolue
dorénavant en concept de diversité culturelle. Cependant, on
entend par diversité ici se différencier par rapport à
d'autres nations et territoires. C'est pourquoi les politiques culturelles
publiques rassemblent toute leur énergie pour que la même culture
française couvre l'ensemble du territoire, aussi bien en
métropole que dans les territoires situés en Outre-mer. Prenons
l'exemple de la langue : la France, avec un fort sous-entendu France =
métropole, impose le Français comme langue officielle de
l'administration. Pourtant, certaines populations, par exemple les
Amérindiens de Guyane, ne parlent pas cette langue couramment et luttent
pour s'en imprégner. La langue française devient ainsi un frein
à la culture française. En somme, la France met davantage en
avant la démocratisation culturelle, dans le sens où tous les
Français de son territoire doivent être en capacité de
partager la même culture. Au-delà de cela, la culture est aussi
considérée comme « bien public »143 : c'est
un enjeu pour les pouvoirs publics. Plus précisément, la culture
doit être protégée (contre l'uniformisation des moeurs par
exemple) et doit être transmise. Cela reste possible grâce à
la diffusion de la culture, qui s'apparente dans ce cas à la
démocratisation culturelle jusqu'à, peut-être, lisser la
culture française : « [...] il m'est peu à peu apparu que la
logique de démocratisation culturelle visait surtout à imposer
à tous une certaine culture : la culture classique, celle des
élites, les domaines surtout fréquentés par les classes
supérieures de la population »144. En somme, il est
possible de proposer l'hypothèse suivante : la haute culture a-t- elle
tendance à lisser et à uniformiser les cultures locales et
autochtones ?
Tout comme l'ensemble des lieux culturels nés sous
l'impulsion des pouvoirs publics, les tiers-lieux culturels institutionnels ne
sont pas à 100% libres dans leur programmation. En effet, toute action
visible dans le paysage public est le fruit d'une politique commanditée
par les décideurs politiques. Ils suivent des directives
politiques, qu'ils transforment en objectifs, comme le souligne la
définition des pouvoirs publics. De plus, les tiers-lieux culturels
institutionnels se différencient des tiers-lieux culturels citoyens par
la non spontanéité de montage de projet. Ainsi, le tiers-lieu
institutionnel est déposé sur un territoire, tandis que
le tiers-lieu citoyen émerge du territoire.
143 Décret N°59-889 du 24 juillet 1959, citation
prise dans Limites et possibles de la démocratisation culturelle,
A. COURCHESNE, F. COLBERT
144 La démocratie culturelle : un autre modèle
de politique culturelle, A. CHATZIMANASSUS
31
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Même si les objectifs des instances politiques laissent
peu de place aux idées novatrices ou autres, l'axe « donner
accès à la culture » trouve vraiment réponse avec ce
type de lieu ; grâce aux modules mis en place dans les Micro Folies par
exemple, ou bien grâce au donner à voir au Centquatre. Un
autre exemple de tiers-lieu culturel à venir, La FabricA145 ,
contribue également à soutenir l'axe dont il est ici question
grâce à la volonté d'ouvrir aux publics et cela, même
en dehors des périodes de répétitions des artistes pour le
festival d'Avignon. Concernant La FabricA, il est à noter que le
festival d'Avignon avait tendance à ne valoriser que le
théâtre comme art ; avec l'installation de la Micro Folie en son
sein, d'autres arts et cultures sont exposées aux visiteurs du lieu.
Cela répond donc à une logique de lutte contre la
ségrégation culturelle et l'hégémonie d'un art sur
les autres dans un lieu, et en un sens presque un pas vers la démocratie
culturelle. Avignon est une ville qui attire principalement durant la
période estivale, pour son festival tourné autour du
théâtre depuis 1947 sous J. VILAR. Fondée en 2004, le
tiers-lieu culturel La FabricA permet de mettre en place un espace pour les
habitants, avec l'appui d'une Micro Folie. Géographiquement, le site se
trouve dans des quartiers populaires de la ville, afin d'attirer davantage les
publics qui ne participent habituellement pas au festival. La direction de La
FabricA mène également un travail sur l'éducation
artistique dans ces quartiers. Au moment du festival, le lieu devient l'un des
lieux de représentation grâce à son espace
scénique.
Après avoir constaté la volonté de
démocratisation culturelle au sein des politiques publiques, nous
verrons que le marketing territorial autour des tiers-lieu culturels est une
des stratégies mise en place pour atteindre celle-ci.
145 Chapitre 5 : présentation du lieu ; La FabricA sert de
lieu de répétition pour les artistes qui se produiront durant le
festival d'Avignon.
32
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 5 : (...), quand le marketing
s'appuie sur le tiers-lieu culturel pour le dynamisme culturel et territorial
(...)
Les territoires, aussi bien à l'échelle des
quartiers qu'à l'échelle nationale et internationale, subissent
aujourd'hui des concurrences de captation de flux de toutes natures
(économiques, de connaissances, de migrations de populations, ...). En
effet, aujourd'hui, les territoires tendent à devenir des marques comme
tout objet marketing, souhaitant communiquer sur une image de modernité
et d'attractivité, mais aussi sur leur identité territoriale afin
de rayonner et devenir visible. On peut alors parler de marketing territorial,
ce qui relève d'une véritable mise en place de stratégies.
Le marketing territorial pourrait se définir comme une volonté de
valorisation du territoire. Il est en direction des publics, donc des usagers
d'un espace. Cette approche du territoire est purement géographique et
est généralement commanditée par des acteurs publics. Le
marketing territorial est lié à la communication autour de
l'attractivité d'un territoire. L'un des objectifs est d'impulser le
développement au sein du territoire, par l'implantation de nouvelles
entreprises par exemple, de retenir la classe créative146.
Les tiers-lieux culturels et l'idée de modernité
qu'ils véhiculent peuvent faire partie des stratégies des
collectivités territoriales pour se donner l'étiquette de
territoire attractif : « les tiers-lieux sont en train de devenir un outil
marketing »147. Se donner une image de marque permet
d'accroître la concentration géographique d'individus
créatifs sur un même territoire, donc d'augmenter le
développement local par l'installation, par la suite, d'entreprises et
donc d'améliorer la compétitivité du territoire dont il
est question148.
La culture au sein d'un territoire est liée à la
communication : elle en est dépendante pour pouvoir rendre perceptibles
ses évènements mais permet aussi de contribuer à la
visibilité d'un territoire à large échelle. En effet,
si culturel il y a sur un territoire, alors naît assez
rapidement et intuitivement l'idée que ce territoire est vivant. La
communication autour de la culture développée par un territoire
permet de mettre en avant sa différenciation par rapport à
d'autres territoires, de procurer un sentiment d'être unique et
au-delà, un sentiment d'identité. Les réseaux sociaux sont
un vecteur du développement des stratégies de marketing
territorial et reposent sur un principe de démocratie
participative149.
146 De la communication publique vers le marketing des
territoires : approche microsociologique de la fabrication de l'image de
marque, C.-E. HOULLIER-GUIBERT
147 La coopérative Tiers Lieux : peut-on faire
école des tiers lieux ?, L. AIGRON L. MANUEL
148 Supra 146
149 De la communication publique vers le marketing des
territoires : approche microsociologique de la fabrication de l'image de
marque, C.-E. HOULLIER-GUIBERT
33
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Durant plusieurs années, la compétence Culture
était rattachée au Ministère de la Culture et de la
Communication, de 1997 à 2017. Ainsi, les institutions porteuses de
projets culturels souhaitent communiquer autour de leurs
évènements ; la communication évènementielle est
l'une des stratégies du marketing territorial. Plus la communication
touche des populations, parfois à un échelon plus large que le
territoire, plus on comptabilise des personnes sensibles à la culture
proposée. On comprend donc que la communication autour des tiers-lieux
culturels se fait à large échelle et doit rayonner, sans toucher
uniquement des publics spécifiques puisque dans le cas du marketing
culturel et des tiers-lieux culturels, l'objectif est d'attirer le plus de
personnes possibles venant de tous horizons.
La culture peut parfois, de manière superficielle,
donner l'impression d'être dans l'air du temps. Ainsi, les
tiers-lieux culturels institutionnels souhaitent probablement attirer les
publics les plus influents. C'est le cas du Centquatre, qui d'ailleurs a connu
des crises et polémiques en raison du manque de fréquentation du
lieu durant la première direction. Le vernissage150 d'une
exposition semble être un lieu de rendez-vous pour « être vu
et pour voir » pour certaines catégories sociales ; en revanche, ce
n'est visiblement pas le lieu de rendez-vous des personnes habitantes du
quartier. De plus, la carte du restaurant par exemple propose des menus
très attrayants avec une cuisine à la mode.
Accueillir un lieu nouveau et culturel comme un tiers-lieu
implique plusieurs aspects, toujours liés au marketing territorial :
« [...] lorsque le projet est porté par un acteur public, le choix
du lieu `totem', sa localisation et son apparence répondent à des
enjeux de développement et d'attractivité territoriale,
d'aménagement, voire de marketing territorial »151.
Ainsi donc, l'ancrage territorial du tiers-lieu est déterminant ;
celui-ci doit être en capacité d'être accueilli par le
territoire (ici, à petite échelle) et doit vivre pour que le
projet ne soit pas un échec. Un échec de tiers-lieu culturel
pourrait communiquer sur l'idée que les politiques publiques n'ont pas
su appréhender les demandes et attentes des populations dans lequel le
tiers-lieu culturel a été monté. Il faut pour cela que le
lieu puisse attirer ; sans doute cela passe-t-il par des démarches de
diagnostic territorial, avec un questionnement sur les habitudes culturelles
des habitants, leurs besoins en termes de culture etc.
Les acteurs publics sont aujourd'hui conscients de ce que peut
être pour leur territoire l'implantation d'un tiers-lieu culturel :
« [...] c'est tout aussi valorisant pour une commune de pouvoir se
prévaloir de posséder ce type de structure »152.
Cette réponse provient d'une élue questionnée sur la
motivation d'avoir un tel lieu sur son territoire. Des communes, comme
Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), pâtissent parfois d'une image de
mauvaise presse, ce qui tend à empêcher des personnes
extérieures à la commune à se rendre sur place. C'est un
manque économique potentiel. Ainsi, le tiers-lieu culturel peut devenir
une source d'attractivité et sur le long terme, une manne
économique. Pour cela, le tiers-
150 Annexe 22 : visite de terrain `personnelle' lors d'un
vernissage d'exposition
151 Le tiers lieu en territoire rural : un lieu unique aux
impacts multiples, S. PLION, V. LECOMPTE
152 Annexe 15 : entretien L. KHARAJA
34
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
lieu culturel doit diffuser la culture qui peut sensibiliser
bien plus que les populations de la commune ; il faut potentiellement
être en capacité d'attirer des élites sur son
territoire.
Il est intéressant de savoir que les DOC des
collectivités territoriales intègrent la volonté de
développer un projet de tiers-lieu culturel sur leur territoire, lors de
la présentation aux acteurs de la politique culturelle de ces
collectivités153. La connectivité est un axe sur
lequel les politiques publiques peuvent s'appuyer afin de toucher le plus grand
nombre grâce au numérique. Un territoire éloigné de
Paris peut par exemple se vanter de posséder des oeuvres
remarquables grâce à la numérisation de ces
dernières. La culture numérique des tiers-lieux culturels
institutionnels devient alors un outil politique.
En résumé, la communication autour de la culture
permet de la rendre tangible pour le plus grand nombre, de toucher
différents publics selon les axes stratégiques de communication
choisis. Ces derniers se dirigent vers l'axe suivant : « donner
l'accès au plus grand nombre, à tous ». Evoquons ici
à nouveau l'exemple de La FabricA souhaitant s'ouvrir aux publics du
quartier dans lequel elle est implantée, l'intégration d'une
Micro Folie pour augmenter les jours et horaires d'ouverture.
La combinaison de l'upperground et du marketing territorial
autour des tiers-lieux culturels sont les faire-valoir de la lutte contre la
ségrégation culturelle. En effet, être gestionnaire de tels
lieux contribue à repenser le maillage du territoire en
équipements culturels publics.
153 Ou dans leur réseau d'équipements culturels
communautaires (24/05/18, Présentation officielle du Grand Pari
culturel de GPS&O aux acteurs culturels du territoire).
35
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 6 : (...), quand enfin les
institutions s'emparent du tiers-lieu culturel pour lutter contre les zones
blanches culturelles et pour légitimer davantage les politiques
culturelles.
L'Etat et l'ensemble des pouvoirs publics semblent avoir pris
conscience de l'engouement autour des tiers-lieux culturels, des lieux hybrides
de diffusion, de création, d'apprentissage. Par conséquent, des
collectivités ont décidé de lancer des projets de
tiers-lieux culturels sur le territoire français (et même à
l'étranger) : les Micro Folies, le Centquatre et La FabricA notamment,
qui servent d'exemples concrets de tiers-lieux culturels institutionnels. Ces
deux lieux et réseau ont des modèles de projets
différents, tout comme les tiers-lieux culturels citoyens d'ailleurs.
Ainsi, les Micro Folies forment un concept de lieux accueillis par des communes
au sein d'un lieu culturel déjà existant (par exemple la Micro
Folie intégrée à la Médiathèque aux Mureaux)
; le Centquatre est un site ouvert toute l'année et la FabricA est une
sorte d'annexe du Festival d'Avignon qui rassemble les professionnels de la
culture et les citoyens. Ces deux établissements et ce réseau
sont sous gestion publique et possèdent des financements publics ; la
programmation culturelle dépend donc d'acteurs publics. Leur
activité tourne autour de la production, et de la diffusion (sauf pour
La FabricA), avec la volonté d'être des espaces conviviaux. Il
faut noter que ces deux lieux et ce concept, qui forment l'échantillon
(faible), ne mentionnent aucune fois le terme de laboratoire à
la différence d'autres tiers-lieux culturels avec divers modèles
de fonctionnement. En plus de cela, la médiation auprès des
publics ne semble pas être une priorité154. Ainsi, les
activités sont en direction des publics mais sans obligation de faire
avec les publics (au Centquatre les artistes citoyens viennent
librement s'exercer, peuvent louer des salles mais sans médiateurs du
site ; à La FabricA, ce sont surtout des artistes qui viennent
répéter en juillet, en vue de leurs prestations au festival
d'Avignon). Ces deux lieux et réseau se situent dans des zones urbaines
et périurbaines. Ils sont destinés à perdurer, ce qui
laisse suggérer que ce sont des investissements territoriaux et non des
lieux de transition155. Etant subventionnés, ces tiers-lieux
culturels institutionnels obtiennent peut-être plus facilement les moyens
financiers de développer des activités autour du
numérique, avec notamment des Fablabs (Micro Folies, qui ont en plus de
cela un musée numérique dans leurs modules, et La FabricA par
conséquent) ; le Centquatre organise une conférence sur le
numérique Le Rendez-Vous des métiers du numérique
en novembre 2018. Il y a donc une volonté de créer des lieux
attractifs, qui peuvent toucher une grande partie de la population grâce
au numérique, malgré l'existence de la fracture
numérique156. Cela se traduit par une volonté de
donner accès aux nouvelles technologies à tous, de familiariser
les publics à ces outils du numérique.
154 Partie 2 : choix de la Médiathèque aux Mureaux
comme tiers-lieu équilibré - Annexe 19 : entretien avec M. ROBERT
- Annexe 28 : tableau B3
155 Partie 3, urbanisme transitoire
156 Partie 3
36
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Les pouvoirs publics ont pris conscience de
l'hétérogénéité de la répartition des
établissements culturels sur le territoire français
(métropole et territoires ultramarins), mais aussi de la
répartition de l'argent consacré par citoyen pour la culture :
« en Île-de-France, le ministère de la Culture dépense
10 fois plus qu'en région soit 139 euros par habitant et par an contre
15 euros par habitant et par an hors Île-de-France »157.
L'inégalité de la répartition est souvent liée
à l'inégalité des ressources des territoires en termes de
financements consacrés à la compétence culture
principalement. Par exemple, la Région Île-de-France lance durant
l'été 2018 un appel à projet pour le développement
de tiers-lieux en zone francilienne, suite au constat du manque
d'égalité entre la capitale, la petite couronne et la grande
couronne158. Les zones politiques de la ville tendent aussi à
subir les inégalités de développement de lieux culturels
et de tiers-lieux, malgré la volonté d'implanter des Micro Folies
dans ces territoires.
Mettre en place de nouveaux lieux culturels (diffusion et
création) est une solution potentielle pour les territoires, notamment
ruraux, qui sont en déperdition de dynamisme culturel : « ils [les
tiers-lieux] renforcent l'attractivité du territoire auprès de
certaines catégories d'actifs, ce qui pourra se traduire indirectement
par une contribution au maintien d'équipements et de services publics
(exemple : l'ouverture de classes) »159 ; « Ils
apparaissent comme des points névralgiques pour (ré)activer les
ressources des territoires ruraux et ancrer de nouvelles formes d'innovation et
de développement, en dehors des contextes métropolitains. Plus
fondamentalement, les tiers-lieux sont conçus par les pouvoirs publics
comme de nouveaux outils au service de la régénération des
territoires de faible densité (CGET 2015) »160. Pour les
institutions, ces tiers-lieux culturels permettent de diffuser la culture,
d'évoluer dans leurs formes. De plus, les lieux de la lecture publique,
médiathèques et bibliothèques, sont aussi des tiers-lieux
culturels, voire troisièmes lieux, qui sont les plus
institutionnalisés et qui peinent encore à produire leurs propres
contenus culturels (bien que certains établissements tentent d'aller
au-delà de la simple diffusion d'information). Les tiers-lieux culturels
offrent l'idée d'être des espaces avec des moyens de diffusion de
la culture, peut-être celle considérée comme la
culture diffusable.
Les tiers-lieux, et notamment les tiers-lieux culturels, sont
des lieux hybrides. Cet aspect hybride se traduit souvent par la
transversalité des projets, la pluridisciplinarité, la
présence de plusieurs modules. Pour le cas des lieux institutionnels,
s'ajoute la transversalité des ministères porteurs de politiques
différentes161 qui peuvent se retrouver dans les tiers-lieux
culturels. Ainsi, les Micro Folies sont
157 Plan Culture près de chez vous OEuvres et artistes
sur les routes de France, Ministère de la Culture
158 « De plus, le déséquilibre dans la
répartition géographique des tiers-lieux se traduit par une
inégalité d'accès à cette offre. » Appel
à projet de la région Île-de-France
159 Le tiers lieu en territoire rural : un lieu unique aux
impacts multiples, S. PLION, V. LECOMPTE
160 La régénération des territoires
ruraux par les tiers lieux. Le cas des tiers lieux creusois, R. BESSON
161Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux
culturels, Y. PADILLA : « l'hybridation passe aussi par la
transversalité entre les politiques qui dépendent alors de
différents ministères ».
37
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
portées par le Ministère de la Culture, mais
sont à destination de quartiers dits prioritaires, quartiers
politiques de la ville, avec donc un aspect social plus
développé que si seule la culture avait été le
moteur du projet. Ainsi, le concept de la Micro Folie162 semble le
plus abouti pour lutter contre la ségrégation culturelle et les
zones blanches culturelles. Ce concept est implantable partout, attire les
publics, à la différence de La FabricA qui peine encore à
trouver son public : « La FabricA est un lieu de vie pour les artistes
mais pas encore pour les habitants du quartier »163. Ainsi, la
Micro Folie devient une couverture pour l'ensemble du territoire, « unique
» et « déclinable » sur tous les territoires.
D'autres dispositifs, assimilables aux tiers-lieux culturels
sans pour autant posséder cette appellation, peuvent être
mentionnés ici. Les institutions intègrent au sein
d'établissements culturels publics des modules innovants comme des
Fablabs ou des moments, des évènements, comme des
Museomix164 ou des hackatons. Un hackaton est un moment de
création intense, souvent en une ou deux journées, durant
lesquelles des équipes pluridisciplinaires s'affrontent pour
développer un projet, en partageant des connaissances et des
compétences (ce qui fait forcément référence
à l'idée des tiers-lieux et d'écosystème autour du
développement et de l'innovation). « Ce processus
d'institutionnalisation se caractérise aussi par le développement
de tiers-lieux au sein d'institutions culturelles, comme des Fablabs et
livinglabs à la Cité des Sciences, les expériences
Muséomix dans de nombreux musées, ou des incubateurs comme celui
mis en place récemment au Centre des Monuments Nationaux
»165. Ainsi, ces dispositifs permettent de démocratiser
la culture en s'approchant d'autres compétences, celles de
professionnels qui ne sont pas issus de ce champ précisément.
Savoir innover, s'inspirer de ce qui se fait hors des sentiers
battus est parfois perçu comme une mutation des politiques culturelles
publiques : « les tiers-lieux apparaissent clairement à la fois
comme un moyen de re-légitimation mais aussi de transformation de
l'action publique [...] »166. Les tiers-lieux culturels peuvent
être un tremplin pour les politiques publiques culturelles afin de
rebondir. C'est ce qui s'est produit avec la première équipe de
gestion au Centquatre : le lieu ne vivait pas et n'attirait pas de visiteurs et
était alors perçu comme un véritable échec. En
2010, Les Inrocks le qualifiaient même de « Titanic culturel
»167. Forte de ce constat, la Mairie de Paris décide
alors de mettre en place une
162 Annexe 29 : schématisation de la diffusion culturelle
par l'Etat
163 La FabricA, un rêve nécessaire,
Entretien avec P. RODIN, propos recueillis par J.-P. SAEZ
164
http://www.museomix.org/accueil/
« Créer de nouveaux moyens de médiation pour les
musées de demain. »
165 Dynamiques organisationnelles, modes de gestion et
institutionnalisation de différents tiers lieux culturels, N.
AUBOUIN
166 La FabricA, un rêve nécessaire,
Entretien avec P. RODIN, propos recueillis par J.-P. SAEZ
167 Le Centquatre à la recherche d'une nouvelle
direction, A. LARTIGUE
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
nouvelle direction afin d'être davantage en phase avec
ses objectifs, comme intégrer le projet à la dynamique du
quartier168.
En conclusion, le tiers-lieu culturel est un outil
accaparé par les politiques publiques (collectivités
territoriales locales et Etat), afin de redorer le blason des territoires en
perte de vitesse, de donner de la visibilité et de l'attractivité
à des territoires. C'est un nouveau maillage territorial, que tous les
échelons souhaitent mobiliser afin que tout le territoire
français soit doté en tiers-lieux culturels169. Avoir
créé le concept de la Micro Folie permet de répondre aux
deux enjeux, ici : être un outil du marketing territorial puisque
celui-ci est lié à de grandes institutions culturelles
françaises connues internationalement, et bien souvent parisiennes ;
mais aussi être un moyen de garder le contrôle sur les contenus
diffusés dans ces espaces. Enfin, les tiers-lieux culturels
institutionnels sont implantés dans des territoires, en quelque sorte
reçus par ces derniers et par les habitants du quartier par exemple
(à la différence des tiers-lieux culturels citoyens qui eux sont
nés par le territoire ou en même temps170).
A l'image des tiers-lieux culturels citoyens qui
répondent à leurs propres attentes, les politiques publiques
montent des projets de tiers-lieux culturels qui répondent à
leurs propres objectifs à atteindre en matière de
démocratisation culturelle et de diffusion de la culture aux
citoyens.
L'étude des tiers-lieux culturels et de leur lien fort
en direct avec les enjeux des droits culturels pour tous et avec tous, de la
démocratie culturelle, de la démocratisation culturelle, pourrait
aboutir à une sorte de dichotomie entre le tout citoyen et le tout
institutionnel. Les territoires devraient alors faire un choix entre ces deux
modèles. Cependant, une troisième forme de tiers-lieu culturel
émerge, qui fait davantage preuve de diversité entre tous les
exemples développés par la suite, mais qui fait tout de
même preuve d'équilibre entre le poids du citoyen et des acteurs
publics concernant le montage du projet et de son suivi.
38
168 Annexe 22 : visite de terrain `personnelle' lors d'un
vernissage d'exposition
169 Le tiers lieu, objet transitionnel pour un monde en
transformation, C. LIEFOOGHE
170 Partie 1
39
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 3 : (...) JUSQU'À LA RECHERCHE D'UN
ÉQUILIBRE.
Nous venons de voir que les tiers-lieux sont des sites
gérés par et pour des citoyens ou bien par les pouvoirs publics,
avec d'une part cette tendance à aller vers la démocratie
culturelle pour les tiers-lieux culturels citoyens, et d'autre part cette
tendance à la démocratisation culturelle pour les tiers-lieux
culturels institutionnels. Il existe un entre-deux qui combine ceci, que l'on
appellera ici les tiers-lieux culturels équilibrés. Ce
sont des lieux relevant du domaine public, par exemple, mais avec une gestion
libre, dans la programmation essentiellement. C'est à nouveau une
recherche d'hybridation, entre la fabrique citoyenne et l'institutionnel. La
meilleure définition revient à R. BESSON : « les tiers-lieux
culturels se positionnent comme des interfaces entre l'upperground des
Institutions culturelles, et l'underground des habitants, usagers et des
sphères culturelles et artistiques émergentes et alternatives
»171. Les exemples sélectionnés pour illustrer
cette partie sont le Château Ephémère (fabrique sonore et
numérique) de Carrières-sous-Poissy, La Quincaillerie de
Guéret, la Condition Publique de Roubaix, la Médiathèque
aux Mureaux et le Medialab Prado de Madrid. Grâce aux similitudes et aux
différences entre ces établissements, mais aussi avec de brefs
rappels des cas évoqués en amont, il sera possible de
dégager des critères, de manière non exhaustive, quant aux
conditions nécessaires au fonctionnement d'un tiers-lieu culturel dans
ses missions de démocratie et démocratisation culturelles. Ces
conditions nécessaires peuvent découler de trois étapes :
(se) réinventer, (s') accorder et (s') équilibrer.
Au préalable, il est nécessaire ici de justifier
le choix de placer une médiathèque dans la catégorie des
tiers-lieux culturels équilibrés. Après avoir pris
connaissance des enjeux liés aux bibliothèques notamment en
milieu rural, on s'aperçoit que la bibliothèque et la
médiathèque sont comme à part. Ce sont des lieux
de vie pour les citoyens, qui sont un point de rendez-vous, d'échanges,
notamment grâce à la fréquentation des jeunes publics et
des personnes plus âgées qui sont toutes proches
géographiquement172. Le personnel de telles structures doit
avoir fait « un énorme travail sur l'accueil et sur sa posture par
rapport à l'usager »173.
La Médiathèque située aux Mureaux est
entrée dans le réseau des équipements culturels de la
Communauté urbaine GPS&O en 2016, lors de la fusion de six EPCI.
Elle se veut structurante du réseau des établissements de la
lecture publique. Plusieurs activités y sont animées, comme la
présence d'un pôle linguistique, des sessions de révisions
pour les futurs bacheliers, des résidences d'auteurs (récemment
Lucie Félix), des initiations en informatique pour les débutants,
des activités pour les jeunes publics ...174 La
Médiathèque existe depuis maintenant une vingtaine
d'années. La gestion de la
171 L'hypothèse des tiers-lieux, R. BESSON
172 Annexe 19 : entretien M. ROBERT
173 Annexe 20 : entretien H. BEUNON
174
http://mediatheque.lesmureaux.fr
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Médiathèque revient en intégralité
à la direction culture de la Communauté urbaine GPS&O. Le
fait que la Médiathèque aux Mureaux puisse entrer dans deux
catégories différentes montre bien le flou qui entoure l'objet du
tiers-lieu culturel. Cet établissement de la lecture publique
possède l'aspect institutionnel descendant offrant des cours
d'apprentissage du français à des personnes désireuses
d'assimiler la culture française175.
C'est également un lieu de vie qui
revitalise176 le territoire, et donc va au-delà du marketing
territorial. De plus, la direction de l'établissement met en avant la
nécessité de la médiation auprès des publics divers
qui fréquentent le lieu, qui échangent avec le
personnel177. Le choix de placer la Médiathèque et la
lecture publique ici plutôt que parmi les tiers-lieux culturels
institutionnels est délibéré. En effet, bien que ces lieux
soient parfois des objets politiques servant d'appui pour le marketing
territorial et pour l'attractivité, et qu'ils soient en posture de
montrer (descendance)178, ils mettent aussi au coeur de
leurs projets d'établissement le citoyen, mutualisent les moyens humains
et techniques et oeuvrent pour le développement du lien social par de
l'apprentissage entre pairs179 : « le fonctionnement des
bibliothèques troisième lieu est centré sur les usagers,
et fait une place significative aux outils numériques et aux nouveaux
modèles d'apprentissage (imprimantes 3D, serious games, plateformes
collaboratives, etc.) »180.
40
175 Annexe 19 : entretien M. ROBERT
176 Les bibliothèques rurales, un enjeu pour la
vitalité des territoires, A. JACQUET
177 Annexe 20 : entretien H. BEUNON
178 Supra 175 : Les primo arrivants recherchent cette position
d'élève/enseignant, notamment dans l'apprentissage de la langue
française et de l'assimilation de la culture française.
179 IBID
180 L'hypothèse des tiers-lieux culturels R.
BESSON
41
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 7 : Ré-envisager, apporter du sang neuf
dans le champ culturel (...)
Donner une nouvelle dimension à la culture est
lié à l'émergence de nouvelles technologies, comme cela a
déjà été mentionné en amont. Les tiers-lieux
culturels équilibrés possèdent souvent de nouvelles
technologies notamment pour la création. Par exemple, le Château
Ephémère possède un FabLab, appelé le
Vanderlab181, et met à disposition des médiateurs. Ces
derniers interviennent à la fois auprès des artistes, en «
les accompagnant dans leur prototypage de dispositifs » et auprès
des citoyens, dans le but de les aider à « acquérir des
compétences artistiques », de les « sensibiliser aux usages
créatifs du numérique », de réduire la fracture
numérique. On peut notamment voir les médiateurs guider le public
dans l'emploi de la découpeuse laser et/ou de l'imprimante
3D182. Leur Un FabLab est une forme de tiers-lieu qui peut entrer
dans la catégorie des makerspaces, c'est-à-dire des tiers-lieux
de fabrication numérique. Au Château Ephémère, il y
a la volonté de lier l'usage de ces technologies à la
création sonore : « le Vanderlab a pour vocation de populariser
l'accès et les usages des nouvelles technologies, tout en ajoutant une
dimension nouvelle liée aux pratiques sonores ». Ouvert à la
fois aux créateurs et au public, on y retrouve la philosophie du do it
yourself : « l'espace est convivial et y règne l'esprit `Do It
Yourself' ». Le Fablab est parfois considéré comme le module
caractéristique du classement du site dans la catégorie des
tiers-lieux183. Les tiers-lieux culturels sont une manière de
« fixer les innovations numériques »184, de
sensibiliser aux usages du numérique. Le Château
Ephémère présente une thématique tournée
vers l'art numérique. Il possède un Fablab mais aussi des studios
d'enregistrement, un restaurant, des aménagements paysagers (potager,
land-art, installations autour des arts numériques et de la botanique).
La gestion de l'établissement est menée par une équipe de
trois personnes quant à la coordination générale et de
cinq personnes formant une équipe permanente. Le projet du Château
Ephémère est issu du projet de réhabilitation du
château de William K. Vanderbilt par l'association Caserne
Ephémère, après le lancement d'un appel à projet
émis par l'ancienne CA2RS en 2012. En partenariat avec l'EPAMSA, la
CA2RS « se dote d'une volonté de transformer le site en espace
culturel multifonction tourné vers les arts numériques
»185. Le Château Ephémère se revendique
comme un « laboratoire de création numérique » mais
également comme un « lieu d'échange qui interroge les enjeux
liés aux nouvelles technologies ». Le bâti, de style
anglo-normand, appartient à la Communauté urbaine GPS&O et le
fonctionnement est assuré par une DSP, ce qui est un équilibre
dans la gestion du tiers-lieu culturel.
Aujourd'hui, il semble qu'une une nouvelle vision de la
culture et du patrimoine émerge ; cette nouvelle vision peut apporter de
nouveaux modèles de lieux culturels, et parallèlement de
181
https://chateauephemere.org/vanderlab/
182 Annexe 21 : entretien S. CAMPOS
183 Annexe 16 : entretien R. BESSON
184 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
185
https://chateauephemere.org/le-projet/presentation-et-acteurs/
42
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
nouveaux modèles de tiers-lieux culturels. Par exemple,
des friches industrielles mutées en lieux culturels tendent à
« défendre une vision dynamique du patrimoine culturel
»186. Cette mutation peut trouver son origine dans les
contextes de « restriction économique et sociale » : «
nouveau concept susceptible de guider l'intervention publique en matière
de culture : la démocratie culturelle, et avec une nouvelle conception
de la culture, moins restrictive, moins élitiste, et moins
hiérarchisée »187. Conception encore au stade
d'hypothèse, les chercheurs tendent néanmoins à penser
qu'une convergence des modèles, des motivations et des objectifs est en
train de s'opérer. D'ailleurs, cela est mis en place à La
Condition Publique puisque son directeur, J.-C. LEVASSOR, a
déclaré : « la contrainte économique et le contexte
urbain et social nous poussent à innover pour réinventer notre
modèle culturel et devenir un lieu de rayonnement, tout en associant le
quartier à notre projet »188. Ce « laboratoire
créatif »189 et lieu de vie, de travail et de diffusion
est un EPCC, dont les membres du conseil d'administration sont des personnels
de la Région Hauts de France, de la Métropole Européenne
de Lille, de la Ville de Roubaix et le département du Nord. Ce lieu
existe depuis maintenant quatorze ans. Avant 2016, il y avait une friche
industrielle « réhabilitée en manufacture culturelle
»190. Le nouveau projet a pour axe principal sa transformation
en un « laboratoire créatif, pluridisciplinaire, au croisement
entre art, créativité, urbanisme et développement durable
». Pour cela, l'établissement s'appuie sur des «
démarches collaboratives avec les acteurs culturels ainsi qu'avec les
acteurs économiques, associatifs, universitaires, écologiques,
sportifs, sociaux ou de l'urbanisme ». La Condition Publique a permis de
mailler le quartier en mettant en place la participation citoyenne, une
économie collaborative, une pépinière d'entreprises, ...
Ce tiers-lieu culturel est intégré dans « le réseau
métropolitain et régional de l'innovation ».
Les mutations des lieux culturels sont en quelque sorte le
reflet de la mutation du monde aujourd'hui : le social, l'économique, la
consommation, l'éthique, les réseaux sociaux, la communication
etc. Cette idée de mutation est appuyée par le propos de
l'élue à la culture de Chanteloup-les-Vignes, L. KHARJA : «
avec la digitalisation et le développement des réseaux sociaux,
la culture entre dans les foyers et n'est plus nécessairement
destinée à une élite »191. On peut citer
ici le Medialab Prado qui met en place des « espaces192 ouverts
de réflexion critique sur les technologies numériques et leur
impact sur la société »193. Les objectifs du
Medialab Prado sont tournés autour du citoyen, autour de la mise en
place de « projets concrets » grâce à la rencontre de
personnes de différents « mondes », « favoriser une
atmosphère de coopération et d'échange » ... Ce
tiers-lieu culturel porte une volonté
186 L'hypothèse des tiers-lieux, R. BESSON
187 La démocratie culturelle : un autre modèle
de politique culturelle, A.CHATZIMANASSIS
188 L'avenir est dans la friche. Etats généreux
de la culture, Y. OREMIATZKI
189 http://www.laconditionpublique.com/
190
http://www.laconditionpublique.com/le-lieu/le-projet/
191 Annexe 15 : entretien L. KHARAJA
192 Annexe 9 : les différents `Labs' du Medialab Prado
193
https://www.medialab-prado.es/medialab/mas-informacion/que-es
43
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
forte sur le numérique, notamment la culture
numérique : « sa vision de la culture numérique est que les
outils et les pratiques numériques de la culture libre peuvent servir
d'inspiration et favoriser une culture accessible et construite par tous
». Il est important de mentionner que le Medialab Prado se voit comme un
laboratoire citoyen, ce qui aurait pu suggérer l'idée ne pas le
considérer comme un tiers-lieu culturel équilibré.
Néanmoins, son lien avec la municipalité de Madrid conduit
à le classer ainsi. En effet, le Medialab Prado doit «
développer des projets transversaux avec d'autres domaines de la Mairie
de Madrid ». Ce tiers-lieu existe depuis 2013 ; la mairie de Madrid a
toujours souhaité faire de ce lieu un espace culturel, avant
l'aboutissement à la forme de tiers-lieu culturel194.
Les bibliothèques et médiathèques se
comptent en effet parmi les meilleurs exemples de ce changement global des
fonctionnalités des lieux culturels et d'apprentissage. La lecture
publique et ses établissements ont « subi »195
l'essor exponentiel du numérique dans le quotidien et dans
l'accès rapide à l'information, à portée de main
(littéralement et concrètement, avec les smartphones devenus
accessibles à tous). Ils ont dû s'adapter, et créer de
nouveaux services aux usagers196. Par exemple, la
Médiathèque aux Mureaux accueille aujourd'hui une Micro Folie
dans son enceinte197.
En somme, la culture aujourd'hui a besoin d'innover pour
« attirer, bien que cela ne soit pas facile »198. C'est un
souhait émis par les pouvoirs publics et par la vie citoyenne que de
faire bouger les systèmes. Ainsi, une coopération entre
les acteurs qui souhaitent réussir la transition est envisageable et
doit être envisagée : « [...] faire évoluer les
systèmes, donc c'est bien d'être dedans pour le faire
»199. On peut alors évoquer l'idée de «
décloisonner et réinventer la culture »200.
Créer de l'art « ailleurs » devient possible dans de «
nouveaux lieux de fabrication » comme les anciennes friches.
La transformation des champs économiques et
sociétaux a des conséquences directes et visibles dans l'espace
et notamment dans les zones urbaines. C'est ainsi qu'est née une
nouvelle forme d'urbanisme : l'urbanisme transitoire. Il est le résultat
des attentes de décisions des pouvoirs publics par rapport à des
espaces vacants et dans lesquels parfois des activités culturelles se
sont installées201. « Pour l'IAU, « l'urbanisme
transitoire englobe toute initiative qui vise, sur des terrains ou
bâtiments inoccupés, à réactiver la vie locale de
façon provisoire, lorsque l'usage du site n'est pas
déterminé ou
194
https://es.wikipedia.org/wiki/Medialab-Prado#Historia
195 Internet et le numérique ont fait vivre une crise aux
bibliothèques puisqu'Internet est un accès direct à
l'information. Or, c'était la mission principale des
bibliothèques ; « face à cet essoufflement, il devenait
essentiel de renouveler le modèle » Les bibliothèques,
des troisièmes lieux culturels à forte valeur humaine
ajoutée, M. SERVET
196 Chapitre 8
197 Partie 2
198 Annexe 17 : entretien J. LECORBEILLER
199 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
200 L'avenir est dans la friche. Etats généreux
de la culture, Y. OREMIATZKI
201 Partie 1
44
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
que le projet urbain ou immobilier tarde à se
réaliser » »202. Ainsi, les tiers-lieux, qui sont
souvent dans ce cas éphémères comme l'Aérosol
à Paris203, trouvent des lieux d'implantation. Ils sont des
« acteurs de la transition »204. Le projet de
l'Aérosol prend à coeur son rôle à jouer dans la
phase de construction du nouveau quartier : « notre objectif est de faire
de cette occupation temporaire sur ce site industriel, un espace permettant
à la fois de s'interroger collectivement sur la manière de
réinventer le quartier, de construire un trait d'union entre La Chapelle
et Rosa Parks afin d'amorcer la transformation en véritable quartier de
ville »205. Les tiers-lieux culturels
éphémères permettent aux acteurs publics de choisir la
mise en place un lieu culturel temporaire afin d'apporter une valorisation
à des quartiers. Dans le cas de l'Aérosol, c'est le thème
de la street culture qui est mis en avant, une culture encore peu
diffusée par les institutions culturelles publiques mais qui est
populaire, dans le sens où une grande partie de la population
française y est sensible. Ce site propose aujourd'hui des
activités autour de l'apprentissage du graff, des visites dans le
musée (dont certaines oeuvres prêtées sont visibles sur le
site Internet de l'Aérosol), un mur de graffitis de libre expression
...
La culture est alors vue sous un angle inédit et
apporte de nouvelles valeurs notamment autour de l'économie de
connaissances. Ainsi, l'innovation dans le domaine culturel qui s'opère
depuis quelques années déjà, a permis aux territoires de
créer de la valeur autour du développement social, culturel et
économique, grâce à « l'exercice de la
citoyenneté » dans les tiers-lieux culturels206. Les
artistes peuvent par exemple prendre une nouvelle position dans la
société207.
Le tiers-lieu est un moyen de réaliser ses «
utopies », « l'utopie qui consistait à croire qu'il y a des
voies hors des chemins battus, l'utopie qui permet de songer que l'on peut
sortir de la compétence ordinaire et juridiquement très
encadrée d'une collectivité [...] »208. La place
à l'expérimentation et au « bidouillage »209
est donc mise en avant pour tous les tiers-lieux culturels
équilibrés : à la Médiathèque (Fablab),
à La Quincaillerie (« montrer qu'il y a d'autres moyens de faire,
c'est l'essence même des tiers lieux »210), au
Château Ephémère (Fablab), au Medialab Prado (« lieu
qui autorise l'expérimentation »211) et à la
Condition Publique. L'expérimentation peut donner naissance à des
« métissages des pratiques culturelles »212,
notamment entre la culture et les sciences213, objectif remis au
goût du jour par les politiques culturelles publiques. Le Medialab Prado
souhaite également
202 Pourquoi l'urbanisme transitoire est à la mode
?
203 Annexe 5 : liste des projets d'urbanisme transitoire de SNCF
Immobillier
204 La coopérative Tiers Lieux : peut-on faire
école des tiers lieux ?, L. AIGRON L. MANUEL
205 http://www.laerosol.com/
206 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
207 Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux
culturels, Y. PADILLA
208 Mot du Président de la Communauté
d'Agglomération du Grand Guéret
209 Les « tiers lieux », des microcultures
innovantes ?, O.CLEACH, V.DERUELLE, J.-L. METZGER
210 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
211 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
212 Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux
culturels, Y. PADILLA
213 Annexe 16 : entretien R. BESSON
45
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
travailler le lien entre les sciences et la culture
grâce à la médiation : « [le Medialab Prado et
d'autres exemples de tiers-lieux culturels cités] réinventent
leurs modèles de médiation aux sciences »214.
C'est une nouvelle fois la volonté de conduire le spectateur à
s'interroger « sur l'apport et les contenus scientifiques
»215 dans la société.
Le tiers-lieu culturel est un « amplificateur et
catalyseur d'initiatives » (R. BESSON) : tous les citoyens peuvent tenter
leur chance pour `réveiller l'artiste qui sommeille en eux'. Ainsi, La
Condition Publique est née en 2004 comme une fabrique culturelle.
Aujourd'hui le directeur veut aller plus loin et en faire un laboratoire, terme
plus propice à l'expérimentation et au faire actif. Les
acteurs et porteurs de tiers-lieux culturels équilibrés mettent
ainsi en place des démarches alternatives afin d'atteindre les objectifs
imaginés et conçus, comme permettre aux citoyens de mieux
appréhender la culture (démocratie et démocratisation
culturelles).
Le renouveau passe par de nouvelles organisations, innovation
organisationnelle, comme c'est le cas au Medialab Prado : « à une
époque de grands changements, de nombreux acteurs font la promotion
d'autres modèles d'institutions dans lesquels les citoyens sont actifs
»216. Ainsi, émerge l'idée que les citoyens sont
plus que des destinataires d'une culture déconnectée de leurs
préoccupations et de leur existence217. Le Château
Ephémère suit également cette piste, de rendre le citoyen
actif pour plusieurs raisons : le partage des connaissances, des savoir-faire,
« et l'émergence d'une culture commune »218. Le
Medialab souhaite faire de la démocratie directe avec le
citoyen219. C'est de l'innovation organisationnelle
expérimentée dans les tiers-lieux culturels. En pratique, La
MYNE220 a dissous son conseil d'administration afin que le lieu ne
soit géré que de manière collégiale (« conseil
collégial »). De plus, les tiers-lieux culturels prônent la
diminution des hiérarchies sociales entre les usagers et entre les
employés.
Une fois la transformation et la mutation de la vision
culturelle des acteurs acceptées, vient le moment de s'accorder autour
des moyens et objectifs à agencer pour les tiers-lieux culturels
équilibrés.
214 L'hypothèse des tiers-lieux culturels
215 IBID
216 « Le Medialab se situe dans ce contexte et veut jouer un
rôle dans la transformation des institutions culturelles »
(traduction Espagnol/Français)
https://www.medialab-prado.es/medialab/mas-informacion/que-es
217 La démocratie culturelle : un autre modèle
de politique culturelle, A. CHATZIMANASSIS
218 Annexe 21 : entretien S. CAMPOS
219 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA Propos recueillis par R.
BESSON traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
220 Partie 1
46
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 8 : (...) Pour ensuite
s'accorder autour de partenariats, de réseau(x), d'objectifs communs
(...)
Dans l'optique de mettre en pratique toutes ces pistes de
nouveautés et d'aboutir à « réinventer les modes
traditionnels d'intervention des collectivités »221, il
est nécessaire pour les acteurs de tous bords, de trouver des axes
communs d'intervention. S'accorder signifie ne pas « nuire au
caractère ascendant » des tiers-lieux culturels citoyens et
signifie élaborer des politiques de soutien aux projets. En effet, un
poids trop important de l'acteur public peut « compromettre la
neutralité politique (au sens politicien) du projet
»222.
Les tiers-lieux culturels à portage public peuvent
devenir des services à part entière, sans tomber dans
l'externalisation des missions de service public. C'est le cas de La
Quincaillerie223. Les salariés du tiers-lieu travaillent pour
le développement territorial et pour l'animation numérique du
territoire, sur l'appui de laboratoire224. Les pouvoirs publics
peuvent émettre le souhait de se doter d'un tel lieu, comme la Friche
Belle de Mai (Marseille), le subventionner mais sans gérer le
fonctionnement, à la différence du Centquatre225. A
l'inverse, des porteurs de projets issus de la société civile ont
la possibilité d'aller à la rencontre des élus locaux pour
proposer un projet culturel, comme Archipel 21.
La coopération entre acteurs et la mutualisation de
ressources est nécessaire pour qu'un tiers-lieu culturel
équilibré s'épanouisse. Ainsi, les
établissements de la lecture publique, dénomination sous laquelle
sont regroupées principalement les médiathèques et les
bibliothèques226, se voient « métissés par
de nouveaux services et irrigués par l'apport de nouvelles
compétences »227, comme l'accompagnement vers
l'insertion numérique. Les médiathèques et
bibliothèques répondent bien à la définition de
tiers-lieu, bien qu'OLDENBURG ne les mentionne pas directement (en revanche, le
sociologue R. PUTMAN le fait)228. Pour aller plus loin, on peut
ajouter que la lecture publique entrerait davantage dans la notion de
tiers-lieu que d'autres sites, si l'on se réfère à
l'article Les bibliothèques, des troisièmes lieux culturels
à forte valeur humaine ajoutée de M. SERVET229.
Les bibliothèques et médiathèques proposent aujourd'hui de
nouvelles « fonctionnalités »230 à leurs
usagers mais aussi avec leurs usagers. Ainsi, nous prendrons ici l'exemple de
la fracture numérique et de l'accompagnement des usagers vers la
maîtrise informatique. Cet apprentissage de l'informatique
221 Les laboratoires citoyens madrilènes : la fabrique
des « communs urbains », R. BESSON
222 Supra 218
223 Annexe 6 : services proposés à La Quincaillerie
de Guéret
224 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
225 Partie 2
226 Bien sûr, il existe des établissements de la
lecture publique qui sont associatifs, mais nous choisissons de
considérer ici les établissements à gestion publique
uniquement.
227 Les bibliothèques, des troisièmes lieux
culturels à forte valeur humaine ajoutée, M. SERVET
228 IBID
229 Observatoire des politiques culturelles, N°52
230 Supra 208
47
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
est possible grâce à la démocratisation de
l'accès aux nouvelles technologies et aux ressources de l'informatique.
Certains établissements, et même des réseaux de lecture
publique, souhaitent accompagner les habitants d'un territoire dans leurs
démarches administratives qui sont la plupart du temps aujourd'hui
dématérialisées. Ainsi, le réseau lecture publique
de GPS&O, avec à sa tête de réseau la
Médiathèque aux Mureaux, propose de mettre en place pour
l'année scolaire 2019-2020 une aide aux personnes souhaitant inscrire
leurs enfants au CRD de Mantes-la-Jolie, autre établissement culturel
(et d'enseignement) de la Communauté urbaine GPS&O. Les
démarches concernant la CAF peuvent aussi faire l'objet d'un
accompagnement étant donné la complexité des
démarches, et surtout la difficulté pour les populations ne
maîtrisant pas la langue française. Par ailleurs, la
Médiathèque a mis en place des cours de français pour
ses/ces populations et les a inscrites en 2017-2018 dans le dispositif
CLEA231.
Les pouvoirs publics ont ainsi pris conscience qu'ils devaient
proposer un outil adapté, un « environnement protecteur »
à l'échelle du citoyen, pour lutter contre des problèmes
de société liés à l'intégration de tous. Il
y a là la véritable vocation à « remettre l'humain
» au coeur des projets d'établissement232. Mise à
part la fracture numérique et l'insertion numérique, les
établissements de la lecture publique peuvent aider à la
recherche d'un travail, être des salles de co-working ou de
télétravail. Du côté des collectivités, la
crise économique et la réforme territoriale poussent à
repenser les services et par conséquent à la « mutualisation
interservices »233.
A. BURRET va plus loin en défendant la position que les
tiers-lieux sont une « nécessité pour les territoires et
pour les générations à venir »234. La
coopération entre acteurs est vitale235 pour les territoires
mais également pour les tiers-lieux eux-mêmes. En effet, les
charges de fonctionnement sont trop importantes pour qu'un acteur privé
les supporte seul236 ; dans ce cas, la coopération se fait
sur plan financier. Du point de vue culturel, les tiers-lieux peuvent permettre
« d'ancrer la culture dans les territoires »237, notamment
par la co-production. La coopération est possible lorsque les
gestionnaires du lieu parviennent à des compromis suite à des
critiques de la politique238, par exemple. « Les liens doivent
être solides avec les investigateurs du projet, donc il y a toujours des
enjeux à être en de bons termes avec les pouvoirs publics
»239.
L'hybridation d'un tiers-lieu culturel équilibré
repose sur un objectif social « affirmé » avec le
mélange de « participation citoyenne » et d'« action
publique ». Ces deux visions permettent alors de
231 Lien avec l'assimilation de la culture française par
les primo arrivants
232 Les bibliothèques, des troisièmes lieux
culturels à forte valeur humaine ajoutée, M. SERVET
233 Les bibliothèques rurales, un enjeu pour la
vitalité des territoires, A. JACQUET
234 Tiers lieux et plus si affinités, A.
BURRET
235 Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux
culturels, Y. PADILLA
236 Le tiers lieu en territoire rural : un lieu unique aux
impacts multiples, S. PLION, V. LECOMPTE
237 Les tiers lieux culturels - Chronique d'un échec
annoncé, R. BESSON
238 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
239 Annexe 21 : entretien S. CAMPOS
48
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
répondre à des enjeux de société
auxquels les acteurs faisant vivre ledit tiers-lieu culturel sont
confrontés. En guise d'exemple, La Quincaillerie souhaite comprendre
quels sont les besoins des associations240, souhait qui est par
ailleurs l'un des moteurs du tiers-lieu et qui est aussi mentionné dans
ses objectifs.
L'urbanisme transitoire241 est un des exemples
concrets qui montre que le tiers-lieu culturel semble apporter une solution
adaptée au cadre de la coopération entre l'action publique et
l'action citoyenne, avec la culture comme vecteur. Une entité publique
mettant à disposition l'un de ses espaces libres pour des actions
culturelles permet d'éviter des squats illégaux ou des frais de
gardiennage. C'est donc bien ce qui s'est passé avec l'Aérosol
à Paris : SNCF Immobilier242 a fait confiance à
Polybrid Production et Maquis'art pour créer un lieu
éphémère. En plus de lieux intermédiaires,
l'urbanisme transitoire donne naissance à de nouveaux métiers,
« qui mettent en relation les propriétaires d'espaces vacants et
les acteurs culturels associatifs »243 .
Ainsi, la culture devient une sorte de prétexte pour
dynamiser le territoire. Le territoire est structuré autour d'acteurs
différents, pour différentes populations. Le tiers lieu culturel
combine les besoins de tous et participe implicitement à la
démocratisation culturelle et à la démocratie
culturelle.
La coopération et le partenariat prennent la forme de
réseaux. Ces réseaux de tiers-lieux culturels maillent les
territoires, avec comme modèle économique l'ESS244.
Une coopération est érigée entre les
tiers-lieux245. Créer un réseau de tiers-lieux est
l'une des volontés de la métropole lilloise, lorsque Lille
était en 2004 la capitale européenne de la Culture. Dans cette
métropole, il existe un tiers-lieu culturel équilibré, La
Condition Publique. Appartenir à des réseaux permet alors la
professionnalisation et la structuration des tiers-lieux246. La
Quincaillerie, quant à elle, est inscrite dans le réseau des
tiers-lieux creusois247 et dans le réseau de La
Coopérative des Tiers-lieux en Nouvelle Aquitaine. Le Medialab Prado de
Madrid est aussi dans cette optique de « réseautage
»248. Cette capacité à intégrer des
réseaux est une des conditions nécessaires pour le
développement voire même pour sa survie : « la
viabilité économique des laboratoires citoyens dépendra de
leur capacité à faire partie de réseaux de collaboration
avec d'autres organisations locales, étatiques et internationales. Pour
cela, le soutien simultané de différentes institutions publiques
et privées est considéré comme important
»249. Les tiers-lieux culturels, modèles et concepts
fragiles, ont la nécessité d'obtenir des financements, et
240 Supra 238
241 Chapitre 7
242 Annexe 5 : liste des projets d'urbanisme transitoire de SNCF
Immobilier
243 Grands Voisins, Halle Papin, 6B... Et le squat devient
fréquentable, E. CHAUDIEU
244 La coopérative Tiers Lieux : peut-on faire
école des tiers lieux ?, L. AIGRON L. MANUEL
245 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
246 AMO pour le développement d'un réseau de
Tiers Lieux à l'échelle métropolitaine, R. BESSON
247 Annexe 27 : carte des tiers-lieux creusois
248
https://www.medialab-prado.es/medialab
249 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
49
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
comme nous l'avons vu, le financement uniquement issu
d'acteurs privés est probablement voué à l'échec en
raison du manque de soutenabilité des lieux. Par conséquent, la
recherche de leur financement se tourne vers les collectivités
territoriales, ce qui « conduit à l'institutionnalisation
»250.
Les politiques confrontées à l'urbanisme
transitoire cherchent donc à leur tour, à redynamiser des
quartiers, ce qui va au-delà de l'activation de l'attractivité
territoriale. Les quartiers prochainement façonnés
intègrent parfois déjà les projets de tiers-lieux, comme
le futur éco quartier dans lequel se situent les actuels Grands Voisins
de Paris251. Le tiers-lieu culturel devient alors un outil
structurant d'un futur quartier, grâce à la démocratie
culturelle possible grâce à l'action menée en plus de la
diffusion culturelle. Certaines entités ont pris conscience de l'impact
d'un tiers-lieu culturel dans un quartier, puisque par exemple la Caisse des
Dépôts souhaite entrer en contact avec le tiers-lieu culturel de
Guéret, La Quincaillerie252. La Caisse des
Dépôts est curieuse de comprendre le fonctionnement de son
développement territorial. Cette structuration territoriale autour de et
par le tiers-lieu culturel est notamment visible dans les zones rurales,
grâce à la « dimension multifonctionnelle et sociale »
de ces tiers-lieux ruraux253. Les bibliothèques et
médiathèques sont aussi des espaces qui contribuent à la
dynamisation et à la mutualisation de moyens au sein des zones rurales.
Lorsque la bibliothèque est portée par la municipalité,
elle peut être la source du soutien du « dynamisme et de
l'économie locale », de « recréation du lien social
»254.
De plus, ces tiers-lieux ruraux, comme le cas de La
Quincaillerie à Guéret255, peuvent être sources
d'innovation pour le territoire, voire même devenir des « points
névralgiques »256 et « palier à la
désertification »257. La Quincaillerie de Guéret
est née en 2012 d'une proposition de projet citoyen soumise au
Président de la Communauté d'agglomération Grand
Guéret, qui a été séduit par ce concept de
tiers-lieu culturel. Monsieur E. CORREIA qualifie cette idée de
départ « d'utopie ». La Quincaillerie est aujourd'hui un
service au sein de cette communauté, proposant lui-même
différents services258 comme de la médiation
numérique, du co-working, un Fablab etc...Ce tiers-lieu culturel
souhaite répondre à différents objectifs, en lien avec une
« approche sociologique »259 du territoire dont «
fédérer autour de ces pratiques innovantes les acteurs locaux de
l'éducation populaire, les médias associatifs et la population
», « croiser les médias associatifs locaux (Polymédia
Local de
250 « Les friches culturelles sont un acte de
reconquête du territoire » Françoise Luchini
(géographe, université de Rouen), H. GIRARD
251 Annexe 28 : tableaux D1 à D9
252 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
253 « Ils sont en effet souvent portés par une
ambition politique de revitalisation des centres-bourgs. » La
régénération des territoires ruraux par les tiers lieux.
Le cas des tiers lieux creusois, R. BESSON
254 Le tiers- lieu en territoire rural : un lieu unique aux
impacts multiples, S. PLION V. LECOMPTE
255 Ou bien la bibliothèque tiers- lieu à Lezoux
(annexe 19 : entretien M. ROBERT)
256 La régénération des territoires
ruraux par les tiers- lieux. Le cas des tiers- lieux creusois, R.BESSON
257 Supra 252
258 Annexe 6 : services proposés à La Quincaillerie
de Guéret
259 https://www.laquincaillerie.tl/
50
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Proximité) [...] Plus globalement, cela permet la
mutualisation de moyens humains techniques et technologiques
»260 ...
En somme, le tiers-lieu est une porte d'entrée aux
nouvelles populations, que ce soit des néo-ruraux261 ou des
primo-arrivants262. Ces tiers-lieux culturels offrent la
possibilité à ces personnes de mieux appréhender le
nouveau territoire dans lequel ils seront amenés à vivre et/ou
travailler.
La somme de tous ces arguments aboutit à l'idée
d'une liberté plus grande, puisqu'un commun accord est trouvé :
autorisation officielle à l'expérimentation et à
la recherche d'expérimentation pour davantage de création de
valeurs. C'est le cas des résidences artistiques accueillies au
Château Ephémère ou peut-être prochainement à
La Quincaillerie263. Les résidences présentent
l'avantage d'avoir moins de fixité dans ce qui est attendu d'une
commande publique plus classique, notamment le 1% artistique. Une
résidence artistique peut se définir comme tel : « l'accueil
d'artistes dans un lieu où sont mis à leur disposition les moyens
et les outils qui leur permettent de mener à bien un travail de
création artistique. Cet accueil se fait dans un désir de partage
de compétences et donc de réciprocité
»264. Les financements publics laissent, dans le cadre des
résidences, plus de place à l'expérimentation. Cela a
été le cas avec un collectif intervenu au sein du CLEA de
GPS&O en 20172018, un collectif issu de l'association Wheeldo,
tournée vers un Fablab. Ce collectif s'est d'ailleurs produit au
Château Ephémère lors d'un temps de diffusion du CLEA,
c'est-à-dire la présentation de leur art au public. Les
résidences ne subissent pas la contrainte des programmations
culturelles.
Le tiers-lieu culturel et sa capacité à
expérimenter dans plusieurs domaines laissent une libre expression
à tous avec comme porteur de projet un acteur public ou privé. De
plus, ce porteur de projet peut potentiellement ne pas relever du domaine
culturel, ce qui laisse une encore plus ample liberté aux artistes.
C'est le cas de la SNCF Immobilier, porteuse de projets culturels,
spécifiquement dans le cadre de l'urbanisme transitoire.
Partager, mutualiser, « créer un vivier
d'échanges »265, se fédérer permettent aux
tiers-lieux culturels de s'assurer une sorte de pérennité en
dépit de leur modèle encore précaire. Les citoyens et les
acteurs publics peuvent ainsi compter les uns sur les autres, pour apporter
chacun leur expertise dans le champ culturel parfois élargi au champ
social. Les partenaires apprennent les uns des autres, à l'image des
volontés ancrées dans les tiers-lieux culturels. Ainsi, combiner
des forces permet de mieux
260 IBID
261 Supra 252
262 Supra 255
263 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX : « avoir une
résidence c'est peut-être dans un plus long terme »
264 Accueillir une résidence, réflexions et
propositions, Le Transfo
265 Annexe 15 : entretien L. KHARJA
51
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
appréhender les difficultés que peuvent
rencontrer certaines politiques et certains projets pour rendre possibles la
démocratie culturelle et la démocratisation culturelle.
52
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 9 : (...) et parvenir à
l'équilibre.
L'équilibre des tiers-lieux dont il est question ici
peut être défini par la citation suivante : « Ces tiers-lieux
se sont inscrits, dès leur origine, dans les interstices des mondes de
l'art, entre lieu public et lieu privé, entre un lieu ouvert et
fermé, à travers des démarches qui portaient à la
fois une dimension politique - comme acteurs agissant pour la vie de la
cité - et artistique »266. Toute l'hybridité y
est mentionnée : entre le public et le privé, entre l'art et le
politique. Le tiers-lieu culturel est donc un lieu stratégique qui
touche l'ensemble de la « Cité ».
Les acteurs publics et les acteurs issus de la vie civile
peuvent donc s'entendre pour développer la culture et son
accès au plus grand nombre, grâce aux tiers-lieux culturels
équilibrés. Cela peut notamment éviter l'entre soi et une
institutionnalisation d'un lieu à fonctionnement entièrement
public. Ceci est visible par exemple au niveau du financement, comme à
La Quincaillerie qui est autonome dans la recherche de partenaires financiers.
Elle est chargée de faire de la veille afin d'obtenir des subventions
à hauteur de 80% ; les 20% restants sont issus de la Communauté
d'Agglomération porteuse du projet267.
Les projets de tiers-lieux culturels tendent ainsi à
réduire les distances entre les institutions publiques et les citoyens,
« en créant un modèle d'établissement proche et
ouvert, dont les communautés se sentent membres »268. Le
Medialab Prado parle de réduction de distance entre les producteurs de
contenu culturel et les récepteurs, mais aussi de réduction de
distance entre l'institution, la culture et le citoyen269. Le
rôle passif du visiteur est évoqué : c'est
dorénavant le but de la politique du Medialab Prado, ancien centre d'art
numérique, que de faire participer le visiteur-spectateur à la
création.
Désormais, la place des tiers-lieux culturels dans les
collectivités dépasse le simple marketing
territorial270, puisque les espaces hybrides ont une « place
centrale dans les politiques culturelles des villes européennes
»271. L'enjeu, s'adapter à la demande272
citoyenne et aux enjeux politiques, est tel que le tiers-lieu culturel semble
être le meilleur compromis équilibré. Savoir écouter
ce qui plaît est un enjeu politique qui participe à la
démocratie citoyenne. En effet, le tiers-lieu concilie l'aspect du lieu
de vie, qui donne à son tour le sentiment de convivialité, et
l'outil de territoire273. Par exemple, le Château
Ephémère organise régulièrement des after-works,
des moments conviviaux ouverts au
266 Dynamiques organisationnelles, modes de gestion et
institutionnalisation de différents tiers lieux culturels, N.
AUBOUIN
267 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
268 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
269 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
270 Partie 2
271 Ville et création artistique. Pour une autre
approche de la géographie culturelle, B. GRESILLON
272 Annexe 17 : entretien J. LECORBEILLER
273 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
53
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
public, durant lesquels il est possible de visiter le site, de
se restaurer et d'apprécier un évènement
artistique274. De plus, les lieux tels que La Quincaillerie ou le
Château Ephémère autorisent la diffusion et
l'expérimentation. Ainsi, les résidents du Château
Ephémère sont sélectionnés par un comité
composé d'acteurs publics et privés ; on peut en conclure qu'un
consensus entre les différents jurés s'opère au moment des
délibérations.
L'accès à la culture relève de la
compétence des pouvoirs publics, mais est en quelque sorte ancrée
dans l'ADN des tiers-lieux275. Les tiers-lieux culturels, s'ils sont
construits dans l'idée d'un lieu ouvert à tous sans distinction,
inspirent la confiance propice à la démocratie culturelle,
plutôt qu'à la démocratisation culturelle susceptible de
rester une forme de culture sacralisée et sanctuarisée. Entrer en
contact avec une culture qui nous ressemble276 est un moyen de se
cultiver, et le tiers-lieu culturel semble être le meilleur moyen pour y
parvenir. Ainsi, le Medialab Prado, né d'une initiative publique au
début des années 2000 a décidé de mettre en avant
les termes de « laboratoires citoyens » et de bannir d'autres termes,
tels que « éducation », « culture » qui sont pour M.
GARCIA « trop marqués conceptuellement et institutionnellement
»277.
L'underground et l'upperground ont été
cités plus haut ; les tiers-lieux culturels peuvent maintenant
répondre à la logique du dit middleground, une notion
née du milieu économique et du management de
l'innovation278. Ce dernier peut avoir le rôle de «
transfert »279 de connaissances entre les deux autres. Le
middleground est lié à l'idée de la « ville
créative », à la relation qui peut exister entre le formel
et l'informel. Cette notion a été reprise par les
tiers-lieux280. Cependant, les acteurs des tiers-lieux culturels
évoqués ici ne semblent pas encore s'être saisis pleinement
de l'idée du middleground.
Les tiers-lieux culturels permettent la rencontre afin
d'augmenter la créativité de tous les acteurs (« c'est
mélanger l'économique, le social, le culturel
»281), et afin de diffuser des cultures.
Les tiers-lieux culturels équilibrés ne sont pas
des « externalisations de la fonction publique »282 mais
bien des lieux à part entière avec leurs missions qui leur sont
propres. On a ainsi relevé les cas du Château
Ephémère, de La Condition Publique, de La Quincaillerie, la
Médiathèque
274 Annexe 25 : after-work et visite guidée du
Château Ephémère par S. CAMPOS
275 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX : « [...] l'accès
aux droits culturels sans le vouloir, c'est notre nature »
276 Annexe 17 : entretien J. LECORBEILLER
277 Supra 237
278 Annexe 16 : entretien R. BESSON
279 Underground, upperground et middle-ground : les
collectifs créatifs et la capacité créative de la
ville, L. SIMON
280 Supra 278
281 Supra 275
282 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
aux Mureaux et du Medialab Prado. Ces exemples de tiers-lieux
équilibrés présentent de nombreuses similitudes dans leurs
caractéristiques283.
Tous ces tiers-lieux culturels, ou lieux intermédiaires
(c'est ainsi que se définit le Médialab Prado284) sont
ancrés dans leur territoire d'accueil : aussi bien pour le dynamiser
et/ou le structurer que pour mener à bien des projets en direction des
populations de proximité. Et ce, que le lieu soit dans une zone urbaine
ou rurale (voire périurbaine pour le cas du Château
Ephémère). La participation citoyenne est présente ; les
visiteurs de ces cinq tiers-lieux culturels ont la possibilité de
collaborer aux projets de création menés, mais aussi d'assister
à des temps de diffusion (excepté pour le Medialab Prado). On
comprend alors que la dimension sociale est nécessaire pour que le
tiers-lieu devienne un véritable lieu de vie foisonnant et structurant
la vie culturelle des habitants. L'importance du numérique semble
dépendre des affinités que le lieu entretient avec cette notion,
puisque deux lieux sur cinq le considèrent comme important (La
Quincaillerie et le Château Ephémère). Le Château
Ephémère en a même fait sa thématique phare
(Château Ephémère, fabrique sonore et
numérique). Toutefois, ces cinq tiers-lieux culturels soumettent
des projets et des activités orientés vers de
l'expérimentation et se revendiquent comme des laboratoires.
L'étude des tiers-lieux culturels
équilibrés montre qu'ils combinent toute la diversité des
modes de fonctionnement et des objectifs qui puissent exister.
L'équilibre se fait du point de vue du lien qui existe entre
l'autogestion citoyenne et la gestion publique totale. L'objectif de toucher
une diversité de publics proches est commun. Cette prise de conscience
d'aller vers l'équilibre montre la volonté de ces tiers-lieux
culturels de « sortir d'une vision élitiste et diffusionniste de la
culture des savoirs »285. Cela indique bien que, consciemment
ou inconsciemment, la démocratie et la démocratisation
culturelles, et la lutte contre la ségrégation culturelle est
bien inscrite au coeur des projets des tiers-lieux culturels
équilibrés.
54
283 Annexe 28 : tableaux C1 à C9
284 IBID
285 L'hypothèse des tiers-lieux culturels R.
BESSON
55
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
CONCLUSION
Après avoir analysé et comparé plusieurs
exemples de tiers-lieux culturels, il nous est maintenant possible de
répondre à notre problématique de départ, à
savoir comment un tiers-lieu culturel peut jouer un rôle dans la
démocratisation culturelle. L'étude de différents
tiers-lieux culturels (différents par leur fonctionnement, leurs
thématiques, leurs usagers ...) fait prendre conscience que des
caractéristiques communes sont récurrentes, bien que la
diversité des tiers-lieux et de leurs projets soient un enjeu de ce plus
ou moins nouvel objet d'étude pour les sciences humaines. On peut alors
évoquer la mutation des lieux et des contextes286 : « de
nombreux lieux se transforment sous l'effet des mutations du numérique,
de la baisse des finances publiques et du caractère stratégique
des savoirs dans une économie de connaissance ». Ces espaces de
rencontre sont donc intimement liés au numérique et aux nouvelles
technologies, mais aussi aux mutations de l'économie. Ils ont aussi un
lien plus proche avec le citoyen qui est spectateur/visiteur du tiers-lieu.
L'ancrage territorial est mentionné de façon récurrente
dans les descriptions de ces lieux, que ce soit des lieux citoyens ou
institutionnels. Ce sont des lieux d'expérimentation en tous genres :
expérimentation dans la création ou bien encore dans les modes de
gouvernance. Cependant, en fonction du porteur de lieu ou de projet, les
objectifs divergent : on peut aller de la démocratie culturelle au
marketing, de la démocratisation culturelle au do it yourself mais avec
très souvent en filigrane la notion de lien social et de
convivialité. La recherche nous a permis de comprendre que les
tiers-lieux culturels peuvent vivre grâce à la communauté
de personnes, de véritables acteurs de ce lieu social287 :
« ce qui fait tiers-lieu, ce sont les gens qui y vivent: SDF,
réfugiés ET entrepreneurs », « c'est un espace au sens
large avec friction des cultures et lieu social ».
Les tiers-lieux culturels ont d'ailleurs tendance aujourd'hui
à devenir de véritables institutions, notamment grâce ou
à cause de leur reconnaissance par les collectivités publiques :
« alors que les tiers-lieux se situent en rupture avec les cadres
institutionnels, ils deviennent aujourd'hui des institutions à part
entière », « d'abord parce que de nombreux tiers-lieux ont
été reconnus et soutenus par les collectivités
territoriales [...]. »288.
Les tiers-lieux culturels se dévoilent alors comme des
critiques constructives ou des remises en cause de modèles de la haute
culture : « à l'inverse des politiques de diffusion de la culture
et des savoirs vers le `grand public', tout est pensé pour que les
visiteurs s'interrogent sur l'apport et les limites des contenus scientifiques,
technologiques et culturels [...] »289. Ces remises en question
peuvent aussi
286 L'hypothèse des tiers-lieux, R. BESSON
287 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
288 Dynamiques organisationnelles, modes de gestion et
institutionnalisation de différents tiers lieux culturels, N.
AUBOUIN
289 Supra 286
56
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
bien émerger de tiers-lieux culturels citoyens que de
tiers-lieux culturels équilibrés, comme c'est le cas à
Madrid au Medialab Prado290. L'objectif commun est aussi de
réduire cette distance entre les institutions publiques culturelles et
le citoyen, mais aussi de présenter ou de suggérer toutes les
formes de cultures (démocratie culturelle) : « ils [« nouveaux
lieux culturels] opèrent par ailleurs un rapprochement
intéressant entre les cultures écrites, numériques et
techniques des savoirs et une variété de connaissances, qu'elles
soient académiques, tacites, pratiques, expertes ou profanes
»291.
Pour obtenir et exposer de tels résultats de recherche,
il a été nécessaire d'étudier deux modèles
de tiers-lieux culturels qui paraissaient de prime abord antagonistes, à
savoir les tiers-lieux culturels nés d'initiatives citoyennes et des
tiers-lieux culturels créés par des institutions publiques.
Enfin, la recherche a conduit à découvrir qu'il existait des
tiers-lieux culturels en équilibre entre ces deux modèles. En
regard de tout cela, il devient manifeste que tous les différents
modèles (de fonctionnement, d'émergence) sont susceptibles
d'apporter une ou des solutions par différents moyens à la
problématique de la démocratisation/démocratie culturelle,
à ces « politiques culturelles de l'accès ». En effet,
que le citoyen se positionne de manière active face à la culture
et à la création d'art ou bien qu'il lui soit montré sur
son territoire de vie des oeuvres qu'il ne pourrait pas découvrir en
vrai292 est une véritable prise de conscience. Il faut
en conséquence muter les modèles de diffusion, de
médiation en prenant comme appuis principaux le numérique et
l'hybridation des lieux : « de nombreux lieux culturels sortent
progressivement d'une logique d'équipement pour repenser leurs modes de
médiation, s'ouvrir à de nouvelles cultures et fonctions, et
s'inscrire davantage dans la vie de la Cité »293.
Avant de prendre connaissance de l'implantation des
tiers-lieux et plus précisément des tiers-lieux culturels, il
existe une sorte de préconçu qui stipule que ces espaces
d'expérimentation et d'innovation ne se situent que dans les tissus
urbains : « penser le fait culturel comme une composante du fait urbain
»294. L'étude de l'historique de ces lieux, de cas
particuliers comme le café Boissec et des lieux de la lecture publique
(médiathèques et bibliothèques) pousse à
élargir le concept des lieux culturels et par conséquent celui
des tiers-lieux culturels. Se situant dans des espaces de « zones blanches
culturelles »295, ces lieux hybrides peuvent apporter de la
culture dans tous types de territoires, du très urbanisé au plus
rural296.
290 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec Marcos GARCIA, Propos recueillis par
Raphaël BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
291 Les tiers lieux culturels - Chronique d'un échec
annoncé, R. BESSON
292 Publics empêchés et la barrière mentale
sociale
293 Supra 291
294 Ville et création artistique. Pour une autre
approche de la géographie culturelle, B. GRESILLON
295 Plan Culture près de chez vous,
Ministère de la Culture
296 « Les villes moyennes en déclin, le monde
rural trop éloigné des métropoles, les quartiers
défavorisés à fort taux de chômage vont être
dotés en tiers lieux, au nom de la revitalisation mais aussi pour aider
leurs
57
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Cet élargissement volontaire et
sémantique297 vers les bibliothèques et
médiathèques peut bousculer l'idée que les tiers-lieux
culturels se voulaient éphémères, notamment lorsqu'il
s'agit d'occupation temporaire d'espaces vacants dans la ville298.
Cette interrogation est à poser sûrement à la naissance du
projet, sur le modèle (économique), qui sera mis en place. Ainsi,
certains lieux prédisposés à être
éphémères se voient pérennisés tant leur
impact sur le territoire et sur les usagers est important299 ; a
contrario, d'autres resteront dans une logique d'urbanisme
transitoire300. Bien que la recherche n'ait pas porté sur ce
type de tiers-lieux culturels, l'éphémère et le
pérenne peuvent se croiser dans les tiers-lieux culturels lorsqu'il
s'agit d'évènements : « de nouveaux lieux culturels
évènementiels et éphémères se sont
développés au coeur des villes ces dernières années
»301 . L'exemple le plus pertinent reste celui de La FabricA,
à Avignon302.
L'hypothèse selon laquelle le tiers-lieu culturel est
un outil de territoire est vérifiée, particulièrement si
l'on se place du point de vue des pouvoirs publics. En effet, ils peuvent
offrir à certains territoires l'opportunité d'être «
résilients » et ainsi « réussir leur transition
numérique »303 par exemple ; « [...] attirer la
curiosité des pouvoirs publics qui voient dans ces objets hybrides des
outils de développement des territoires »304.
Comme cela est exposé en introduction, le tiers-lieu
culturel est à la fois un espace (physique ou virtuel), un concept et un
modèle. Comme tout modèle et concept, des limites peuvent lui
être attribuées. L'un des risques que pointe R. BESSON concerne
les « promesses » faites par ces espaces hybrides et la «
réalité » de terrain305, puisque leur ambition
est « immense » : « et par conséquent vouée
à l'échec ». R. BESSON mobilise ici l'exemple de
l'Université. L'Université reste dans « des logiques de
diffusion de connaissances scientifiques », sans être un lieu de
dialogue entre scientifiques et citoyens. Elle reste un lieu d'entre soi, entre
les chercheurs enseignants et les étudiants. Or, comme cela a
été dit, le tiers-lieu (culturel et non culturel) cherche
à s'ouvrir à la société civile.
populations à s'adapter culturellement à la grande
transformation écologique et numérique. » Le tiers lieu,
objet transitionnel pour un monde en transformation, C. LIEFOOGHE
297 Tiers- lieux culturels, refonte d'un modèle ou
stratégie d'étiquette ?, A. IDELON
298 Partie 1
299 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX « Les élus
veulent un projet pérenne » / déménagement de La
Quincaillerie vers une friche commerciale qui a été
achetée par la Communauté d'Agglo (1000m2 avec une
« vraie » salle de concert, une salle de spectacle vivant (jauge de
80 personnes assises ou 150 debout, un FabLab en deux parties, un bar
associatif) avec comme intention de « faire évoluer les modules
»
300 Cas de L'Aérosol (annexe 5 : liste des projets
d'urbanisme transitoire de SNCF Immobilier)
301 Les tiers- lieux culturels - Chronique d'un échec
annoncé, R. BESSON
302 La FabricA, un rêve nécessaire,
Entretien avec P. RODIN, propos recueillis par J.-P. SAEZ
303 Le tiers- lieu, objet transitionnel pour un monde en
transformation C. LIEFOOGHE
304 IBID
305 Supra 301
58
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
D'une part, un tiers-lieu culturel pourrait n'être
qu'une sorte de leurre306 au défi de la culture pour tous
mais d'autre part, il pourrait être un outil de transition
voué à être remplacé par un modèle plus
pérenne et moins « fragile », du point de vue de son ancrage
et de son modèle.307
Une autre limite, toujours évoquée par R.
BESSON, concerne l'aspect pluridisciplinaire et l'hybridation des lieux. Ainsi,
les tiers-lieux culturels poussent à la rencontre de toutes les
disciplines artistiques et les croisements avec les sciences. On peut cependant
s'interroger sur la « déspécialisation »308
: à force d'être pluridisciplinaire, le tiers-lieu culturel n'en
devient-il pas un lieu imprécis au point de freiner la
création ? Ce risque tenterait certaines politiques publiques à
s'emparer de cet objet pour se soustraire à leur devoir de service
public309. Elles pourraient utiliser cette locution tiers-lieu
culturel pour en faire une catégorie « fourretout
»310, interprétant le terme tiers, qui comme la
définition du tiers-lieu l'explique, regroupe tout ce qui n'est pas
intégré dans un système « binaire ». Comme
évoqué, le champ culturel subit actuellement des coupes
budgétaires, au niveau des subventions ; c'est pourquoi se cacher
derrière le tiers-lieu peut être une tentation pour les
politiques publiques culturelles311.
Malgré tout l'engouement (fig. 1) que peuvent
manifester le public et les collectivités territoriales pour les
tiers-lieux, le fait que le tiers-lieu devienne un objet de mainstream
peut conduire à un potentiel essoufflement312. En revanche,
ce modèle trouvera sa voie, se stabilisera et diffusera313
son modèle sur d'autres espaces. Ce qui est d'ailleurs remarquable avec
la mise en place des réseaux de tiers-lieux314.
306 « L'action des tiers-lieux culturels se réduit
souvent au développement de solutions adaptatives et partielles aux
défis des transitions culturelles » IBID
307 La coopérative Tiers- Lieux : peut-on faire
école des tiers lieux ?, L. AIGRON, L. MANUEL
308 Les tiers- lieux culturels - Chronique d'un échec
annoncé, R. BESSON
309 « Il ne faudrait donc pas que cela soit perçu par
la municipalité comme un moyen de ne plus assumer certaines missions de
service public. » Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA, Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
310 Tiers- lieu culturel, refonte d'un modèle ou
stratégie d'étiquette ?, A. IDELON
311 Supra 308
312 « Avec le danger, qu'à terme, ils se vident de
leur substance, à l'image des Maisons des jeunes et de la culture (MJC),
qui se sont progressivement éloignées d'une conception civique et
politique de la culture. » IBID
313 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA, Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
314 Exemples de réseaux : Réseau Français
des Fablabs, La Coopérative des Tiers-Lieux
59
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Fig. 1 Evolution de la recherche de termes liés
aux tiers-lieux (culturels et non culturels) sur le moteur de recherche GOOGLE
depuis 2004
Source : Google, 2018
On constate grâce à ce graphique une hausse
importante à partir de 2009-2010 de la recherche sur la notion de
Fablab, hausse correspondant à l'augmentation du nombre de Fablabs
ouverts. Cependant le graphique ne permet pas de savoir si les recherches
effectuées ne concernent que les Fablabs implantés sur le
territoire français. On peut toutefois être en mesure de remarquer
l'intérêt réel porté sur l'objet du Fablab (mais
aussi des espaces de co-working avec une hausse, peut être liée
à la pratique de plus en plus fréquente du
télétravail).
Le tiers-lieu culturel possède les atouts pour devenir
un des outils de la transition des modèles des politiques culturelles,
notamment face aux enjeux du numérique. Les objectifs à atteindre
concerneraient alors la revalorisation des territoires, la stimulation de
l'attractivité de certains lieux et espaces culturels, l'attribution au
visiteur-spectateur d'une nouvelle place plus active face à la culture.
De plus, sa popularité grandissante chez différents acteurs comme
les collectivités ou même les entreprises privées, risque
de remettre en cause les caractéristiques propres aux tiers-lieux, lieux
avant tout de rencontres, de productions diverses, de convivialité. Mais
pour l'heure, le tiers-lieu culturel semble un dispositif encore perfectible
avec cette impression de mouvement toujours sous-jacent.
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
60
Sigles
AMO : Assistant à Maîtrise d'Ouvrage
CA2RS : Communauté d'Agglomération des 2 Rives
de Seine
CAF : Caisse d'Allocations Familiales
CLEA : Contrat Local d'Education Artistique
CRD : Conservatoire à Rayonnement
Départemental
DOC : Document d'Orientation Culturelle
DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles
DSP : Délégation de Service Public
EPCC : Etablissement Public de Coopération
Culturelle
EPCI : Etablissement Public de Coopération
Intercommunale
EPMASA : Etablissement Public d'Aménagement du Mantois
Seine Aval
ESS : Economie Sociale et Solidaire
GPS&O : Grand Paris Seine & Oise
IAU : Institut d'Aménagement et d'Urbanisme
SCIC : Société Coopérative
d'Intérêt Collectif
61
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Bibliographie
Ouvrages
The great good place : Cafes, Coffee Shops, Bookstores,
Bars, Hair Salons, and Other Hangouts at the Heart of a Community, Ray
OLDENBURG - Editions Da Capo Press, 1989, 384 pages
Tiers lieux et plus si affinités, Antoine BURRET
- Editions Fyp, 2015, 175 pages
La France du vide, Roger BRETEILLE - Litec, 1981, 252
pages
Articles scientifiques
Les églises protestantes haïtiennes de
Martinique : des tiers lieux d'éducation et d'intégration ?
Max BELAISE - Revue en ligne Etudes Caribéennes, mise en ligne en
2010,
https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/4600
Introduction, Emmanuelle MAUNAYE - (Fait partie d'un
numéro thématique : Friches, squats et autres lieux : les
nouveaux territoires de l'art ? (sous la direction de Emmanuelle MAUNAYE),
Culture & Musées, 2004, P.13
Les tiers lieux culturels - Chronique d'un échec
annoncé, Raphaël BESSON - Observatoire des politiques
culturelles, N°52 été 2018, P.17
Refaire le monde en tiers lieu, Antoine BURRET-
Observatoire des politiques culturelles, N°52 été 2018,
P.50
La coopérative Tiers Lieux : peut-on faire
école des tiers lieux ? Lucile AIGRON, Léonor MANUEL-
Observatoire des politiques culturelles, N°52 été 2018,
P.65
De l'étude de cas à l'analyse comparative
fondée sur une typologie : le `typological theorizing', Denis
BAYART - AEGIS Le Libellio (
hal.archives-ouvertes.fr),
2007, P.10,
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00281123/document
Les tiers lieux, espaces d'émergence et de
créativité, Patrick GENOUD, Alexis MOECKLI - SEES / Revue
économique et sociale, N°2 juin 2010,
http://www.ot-lab.ch/wp-content/uploads/2010/07/Les
tiers-lieux espaces d emergence et de creativite RES2010.pdf
62
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Les laboratoires citoyens madrilènes : la fabrique
des « communs urbains », Raphaël BESSON -
urbanews.fr, 2016,
https://www.urbanews.fr/2016/01/11/50396-laboratoires-citoyens-madrilenes-fabrique-communs-urbains/
Archipel 21 : un laboratoire pour repenser le monde,
Pierre ESTEVE - Observatoire des politiques culturelles, N°52
été 2018, P.36
Tiers lieu culturel, refonte d'un modèle ou
stratégie d'étiquette ?, Arnaud IDELON - Observatoire des
politiques culturelles, N°52 été 2018, P.27
La MYNE : pour une capacité d'agir citoyenne,
Entretien avec Benjamin CHOW-PETIT et Connie CHOW-PETIT, Propos recueillis
par Lisa PIGNOT- Observatoire des politiques culturelles, N°52
été 2018, P.53
Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec Marcos GARCIA, Propos recueillis par
Raphaël BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ - Observatoire des
politiques culturelles, N°52 été 2018, P.75
Les bibliothèques, des troisièmes lieux
culturels à forte valeur humaine ajoutée, Mathilde SERVET -
Observatoire des politiques culturelles, N°52 été 2018,
P.71
Tiers lieux et fabrique des villes contemporaines,
Raphaël BESSON - Revue en ligne Echo sciences, 2014,
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01726391/document
Une notion à expérimenter et à
co-construire, Raphaël BESSON - Revue en ligne Echo sciences
Grenoble, 2013,
https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/les-tiers-lieux-une-notion-a- experimenter-et-co-construire
Dynamiques organisationnelles, modes de gestion et
institutionnalisation de différents tiers lieux culturels, Nicolas
AUBOUIN - Observatoire des politiques culturelles, N°52 été
2018, P.39
Les politiques culturelles d'André MALRAUX à
Jack LANG : ruptures et continuités, histoire d'une modernisation,
Augustin Girard - Hermès, La Revue 1996/2 (n° 20),P. 27-41
La régénération des territoires
ruraux par les tiers lieux. Le cas des tiers lieux creusois, Raphaël
BESSON -
urbanews.fr, 2017,
https://www.urbanews.fr/2017/09/18/52487-la-regeneration-des-territoires-ruraux-par-les-tiers-lieux-le-cas-des-tiers-lieux-creusois/
La FabricA, un rêve nécessaire,
Entretien avec Paul. RODIN, propos recueillis par Jean-Pierre SAEZ -
Observatoire des politiques culturelles, N°52 été 2018,
P.62
63
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Les bibliothèques, des troisièmes lieux
culturels à forte valeur humaine ajoutée, Mathilde SERVET -
Observatoire des politiques culturelles, N°52 été 2018,
P.71
Les bibliothèques rurales, un enjeu pour la
vitalité des territoires, Amandine JACQUET - Observatoire des
politiques culturelles, N°52 été 2018, P.83
Ville et création artistique. Pour une autre
approche de la géographie culturelle, Boris GRESILLON - Annales de
Géographie, N°660-661 2008, P.179,
https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2008-2-page-179.htm
Les « tiers lieux », des microcultures
innovantes ?, Olivier CLEACH, Valérie DERUELLE, Jean-Luc METZGER -
Revue en ligne Recherches sociologiques et anthropologiques, mis en ligne en
2016,
https://journals.openedition.org/rsa/1526
Le tiers lieu, objet transitionnel pour un monde en
transformation, Christine LIEFOOGHE - Observatoire des politiques
culturelles, N°52 été 2018, P.9
Le non-public et la culture, Cosmima GHEBAUR - Revue
en ligne Terrain, N°58, mis en ligne en 2014,
https://journals.openedition.org/terrain/14684#quotation
De la communication publique vers le marketing des
territoires : approche microsociologique de la fabrication de l'image de
marque, Charles-Edouard HOULLIER-GUIBERT - Revue Gestion et Management
Public, Volume I/n°2, 2012,
https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2012-2-page-35.htm
Underground, upperground et middle-ground : les collectifs
créatifs et la capacité créative de la ville, L.
SIMON - Revue Management International, Volume 13, 2009, p.37-51,
https://www.erudit.org/en/journals/mi/2009-v13-nmi3096/037503ar/
Articles divers (presse, blogs, ...)
Tiers lieu : enquête sur un objet encore bien flou
(1/2), Arnaud IDELON - MAKERY, le média de tous les labs, 2017,
http://www.makery.info/2017/10/10/tiers-lieu-enquete-sur-un-objet-encore-bien-flou-12/
Laboratorios ciudadanos: espacios para l'innovación
ciudadana, (pas d'auteur) - Innovación
Ciudadana en Iberoamérica, Laboratorios Ciudadanos,
https://www.innovacionciudadana.org/labsciudadanos/
64
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
La Tabacalera de Lavapiés: Welcome to Madrid's Most
Culturally Diverse Space, Jessica JONES - Culture trip, 2018,
https://theculturetrip.com/europe/spain/articles/la-tabacalera-de-lavapies-welcome-to-madrids-most-culturally-diverse-space/
En do-ocratie, concilier responsabilités et pouvoir
d'agir, dans le même temps, Emmanuelle ROUX,
2017,
https://medium.com/@emmanuelle.roux/en-do-ocratie-concilier-responsabilit%C3%A9s-et- pouvoir-dagir-2aa6aabd7b2c
La démocratie culturelle : un autre modèle
de politique culturelle, Alice CHATZIMANASSIS - Politiques de la culture,
Carnet de recherches du Comité d'histoire du ministère de la
Culture sur les politiques, les institutions et les pratiques culturelles,
publié en 2016 et mis à jour en 2016,
https://chmcc.hypotheses.org/675
Le tiers lieu en territoire rural : un lieu unique aux
impacts multiples, Sylvia PLION Vincent LECOMPTE -
caissesdesdepots.fr, pas de
date de parution,
https://www.caissedesdepots.fr/le-tiers-lieu-en-territoire-rural-un-lieu-unique-aux-impacts-multiples
L'hypothèse des tiers-lieux, Raphaël
BESSON -
epochtimes.fr (version originale de
l'article publiée sur
Theconversation.com), 2018,
https://www.epochtimes.fr/lhypothese-des-tiers-lieux-culturels-218279.html
« Les friches culturelles sont un acte de
reconquête du territoire »Françoise LUCHINI
(géographe,
université de Rouen), Hélène GIRARD
-
lagazettedescommunes.com,
2012,
http://www.lagazettedescommunes.com/120690/%%AB-les-friches-culturelles-sont-un-acte-de-reconquete-du-territoire-%%BB-francoise-lucchini-geographe-universite-de-rouen/
Grands Voisins, Halle Papin, 6B... Et le squat devient
fréquentable, Emmanuelle CHAUDIEU -
telerama.fr, Urbanisme transitoire,
2018,
https://www.telerama.fr/sortir/grands-voisins,-halle-papin,-6b...-et-le-squat-devient-frequentable,n5588351.php
L'avenir est dans la friche, Yohav OREMIATZKI -
telerama.fr, Etats
généreux de la culture, 2016,
https://www.telerama.fr/etats-genereux/l-avenir-est-dans-la-friche,149068.php
Création d'un lieu culturel et social
autogéré. Par LES CROQUIGNARDS
https://www.helloasso.com/associations/les-croquignards/collectes/creation-d-un-lieu-culturel-et-social-autogere-1
La Micro Folie, les nouvelles Maisons de la culture,
Sarah TISSEYRE,
rfi.fr/culture, 2018,
http://snip.ly/3g1e4#http://www.rfi.fr/culture/20180226-micro-folie-maisons-culture-mureaux
65
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Le Centquatre à la recherche d'une nouvelle
direction, Aurore LARTIGUE,
lesinrocks.fr, 2010,
https://www.lesinrocks.com/2010/05/11/arts/le-centquatre-a-la-recherche-dune-nouvelle-direction-1130840/
Peut-on encore distinguer haute et basse culture ?,
Quimera MATARO,
courrierinternational.com,
2010,
https://www.courrierinternational.com/article/2010/09/09/peut-on-encore-distinguer-haute-et-basse-culture
Pourquoi parle-t-on de crise de l'Etat Providence ?,
vie-publique.fr -
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/protection-sociale/etat-providence/pourquoi-parle-t-on-crise-etat-providence.html
Michelin 120 ans d'aventures industrielles, Daniel
BASTIEN,
lesechos.fr, 2012,
https://www.lesechos.fr/20/08/2012/LesEchos/21251-040-ECH_michelin-120-ans-d-aventures-industrielles.htm
Culture de masse ou cultures de classes ? (par Philippe
Coulangeon*), Nicolas DUTENT,
blogs.mediapart.fr, 2012,
https://blogs.mediapart.fr/edition/la-revue-du-projet/article/281112/culture-de-masse-ou-cultures-de-classes-par-philippe-
Ce qu'il faut savoir sur le 104, Laure BEAUDONNET,
lexpress.fr, 2008,
https://www.lexpress.fr/culture/ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-104
586803.html
Pourquoi l'urbanisme transitoire est à la mode ?,
infos.trouver-un-logement.fr,
2018,
https://infos.trouver-un-logement-neuf.com/achat-neuf/dossiers/la-mode-urbanisme-transitoire-6227.html
Histoire du Medialab Prado (Madrid),
es.wikipedia.org,
https://es.wikipedia.org/wiki/Medialab-Prado#Historia
L'hypothèse des tiers-lieux culturels,
Raphaël BESSON,
lagazettesdescommunes.com,
2018,
http://www.lagazettedescommunes.com/577481/lhypothese-des-tiers-lieux-culturels/
66
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Vidéos
Quand des jeunes font revivre des territoires ruraux : le
Café Boissec et l'Eco-lieu -
https://www.youtube.com/watch?time
continue=540&v=bpD-iiZnlBk
Vers la démocratie culturelle - CESE -
https://www.youtube.com/watch?v=tIIf36BCi8M
//
https://www.lecese.fr/content/le-cese-adopte-son-avis-sur-la-democratie-culturelle
Rejoignez Museomix, Nicolas PASCARIELLO -
http://www.museomix.org/accueil/
Sitographie
Définition de Démocratie participative sur
toupie.org -
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie
participative.htm
Définition de Fracture numérique sur
techno-science.net -
http://www.culture.gouv.fr/Presse/Dossiers-de-presse/Culture-pres-de-chez-vous-OEuvres-et-artistes-sur-les-routes-de-France
Définition d'Aménagement du territoire sur
geoconfluences.fr -
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/amenagement-du-territoire
Définition de Patrimoine industriel sur
culture.gouv.fr -
http://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Pays-de-la-Loire/Politique-et-actions/Monuments-historiques2/Patrimoine-industriel-scientifique-et-technique-PIST
https://www.lamyne.org/about/
Définition de Do it yourself sur
fr.wikipedia.org -
https://fr.wikipedia.org/wiki/Do_it_yourself
https://chateauephemere.org/
http://artscience21.org/archipel-21/
http://latabacalera.net/c-s-a-la-tabacalera-de-lavapies/
Définition du crowdfunding sur
crowdlending.fr -
https://www.crowdlending.fr/le-crowdfunding-definition-reglementation-avantages-et-inconvenients/
Définition de pouvoirs publics sur
toupie.org -
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Pouvoirs_publics.htm
67
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Définition de ségrégation par D.
PUMAIN sur
hypergeo.eu
|
-
|
http://www.hypergeo.eu/spip.php?article372
https://lavillette.com/micro-folie/
Les Micro-folies, musées numériques de
proximité : déploiement national -
http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Culture-et-territoires/Plan-Culture-pres-de-chez-vous/Micro-folies
http://www.micro-folies.com/les-micro-folies/
http://mediatheque.lesmureaux.fr
http://www.laerosol.com/
https://www.laquincaillerie.tl/
http://www.laconditionpublique.com/
Divers
Chapitre 2 : Patrimoine industriel : l'exo genèse de
solutions de réhabilitation - APIC315 : Patrimoine
Industriel, pas de date de parution,
http://www.patrimoineindustriel-
apic.com/bibliotheque/universite/dess%20h%20faucher/hf5.pdf
Plan Culture près de chez vous OEuvres et artistes sur
les routes de France, Ministère de la Culture - 2018,
http://www.culture.gouv.fr/Presse/Dossiers-de-presse/Culture-pres-de-chez-vous-OEuvres-et-artistes-sur-les-routes-de-France
Décret N°59-889 du 24 juillet 1959, citation prise
dans Limites et possibles de la démocratisation culturelle,
André COURCHESNE François COLBERT dans HEC
Montréal
Rapport d'activités du Centquatre Paris,
2016,
http://www.104.fr/media/professionnels-culture/rapport-activites-2016.pdf
Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux
culturels, Yolande PADILLA - Rapport commandité par le
Ministère de la Culture et de la Communication, 2003,
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/044000155.pdf
315 Association pour le Patrimoine industriel de
Champagne-Ardenne et du Grand Est
68
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Limites et possibles de la démocratisation culturelle,
André COURCHESNE François COLBERT, HEC
Montréal,
https://www.gestiondesarts.com/media/wysiwyg/documents/Courchesne_Colbert.pdf
Aide à la création de tiers lieux, appel
à projet de la région Île-de-France,
https://www.iledefrance.fr/aides-services/aide-a-la-creation-de-tiers-lieux
AMO pour le développement d'un réseau de Tiers
Lieux à l'échelle métropolitaine, Expertise,
Raphaël BESSON, 2018,
http://www.villes-innovations.com/non-classe/amo-developpement-dun-reseau-de-tiers-lieux-a-lechelle-metropolitaine
Accueillir une résidence, réflexions et
propositions, Le Transfo, non daté,
http://www.fill-livrelecture.org/images/documents/accueillir
une residence transfo.pdf
69
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Table des matières
REMERCIEMENTS
RESUME
MOTS CLEFS
SOMMAIRE
Introduction
Partie 1 : Du tiers-lieu comme fabrique citoyenne à
fort ancrage territorial (...)
Initiatives citoyennes
Chapitre 1 : L'aménagement du territoire et les
tiers-lieux culturels : une réappropriation (...)
Tiers-lieux, plus que des lieux de passage
Requalification d'espaces publics, réponse aux
besoins d'aménagement
Présentation du Café Boissec
Patrimoine industriel, mémoire forte des
lieux
Présentation de La Tabacalera
Chapitre 2 : (...) par ces tiers-lieux culturels
créées par et pour les citoyens (...)
Do it yourself
Présentation de La MYNE
Underground
Accompagnement des visiteurs (médiation)
Ancrage territorial, culture pour tous
Economie circulaire
« Inclusion sociale »
Mise en commun, partages
Gouvernances et culture ascendante
70
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 3 : (...) en réponse à la
paupérisation du champ culturel. Comparaison Café Boissec, La
MYNE, La Tabacalera
Adaptabilité des projets au(x) contexte(s)
Mutualisation des ressources
Partie 2 : (...) vers le tiers-lieu institutionnel, outil de
lutte contre la ségrégation culturelle (...)
Compétence publique
Chapitre 4 : Le tiers-lieu culturel institutionnel : quand
l'institution montre au citoyen (...)
Descendance
Publics empêchés, non-publics,
non-initiés // élitisme
Dichotomie entre les cultures
Baisse de fréquentation
Présentation du concept de la Micro Folie
Diffuser plutôt qu'expérimenter
Présentation du Centquatre
Exception culturelle à la française
Présentation de La FabricA
Chapitre 5 : (...), quand le marketing s'appuie sur le tiers-lieu
culturel pour le dynamisme
culturel et territorial (...)
Marketing territorial
Lien entre la culture, le marketing territorial et la
communication
Attirer
Choix stratégique de l'ancrage territorial du
lieu
Relation culture/politique
71
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 6 : (...), quand enfin les institutions s'emparent du
tiers-lieu culturel pour lutter contre les zones blanches culturelles et pour
légitimer davantage les politiques culturelles.
Comparaison Centquatre, La FabricA, Micro Folie(s)
Répartition hétérogène des
équipements culturels sur le territoire
Réponse à la déperdition de dynamisme,
au niveau des territoires ruraux notamment
Transversalité des ministères
Autres formes d'hybridations
Institutionnalisation du concept de tiers-lieu culturel,
nouveau maillage du territoire
Partie 3 : (...) jusqu'à la recherche d'un
équilibre.
Existence d'un entre deux, entre la fabrique citoyenne et
l'importation d'un projet institutionnel de tiers lieu culturel
Focus sur le cas de la Médiathèque aux Mureaux
(et présentation), et plus largement des établissements de la
lecture publique
Chapitre 7 : Réinventer, mettre un coup de sang neuf dans
la culture (...)
Nouvelles technologies
Présentation du Château
Ephémère
Nouveaux modèles
Présentation de La Condition Publique
Mutation du monde
Présentation du Medialab Prado
Urbanisme transitoire
Présentation de l'Aérosol
Place de l'expérimentation
Innovation(s) organisationnelle(s)
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Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Chapitre 8 : Pour ensuite s'accorder autour de
partenariats, de réseau(x), de mêmes objectifs
(...)
Mission de service public
Mutualisation et coopération entre les acteurs
porteurs de projet
Lecture publique : lutte contre la fracture
numérique
Dynamiser le territoire par l'urbanisme transitoire :
création de l'éphémère culturel
Création de lien social
Présentation de La Quincaillerie
Liberté augmentée, les résidences
artistiques
Chapitre 9 : (...) et finir par être
équilibré
Hybridité : public/privé,
art/politique
Lieu stratégique pour l'ensemble de la «
Cité »
Compromis entre le tout institutionnalisé et
l'entre soi
Réduction de la distance entre les citoyens et les
institutions (culturelles)
Middleground
Lieux à part entière
Comparaison Château Ephémère, La
Quincaillerie, La Médiathèque, MedialabPrado,
l'Aérosol
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
ANNEXES*
73
* Les annexes sont classées par catégories, sans
toujours suivre un ordre chronologique dans le corps du mémoire. Ce
classement par nature d'annexe paraît cohérent pour le lecteur.
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 1 : Les illustrations
Annexe 1
Portrait de Ray OLDENBURG
|
Ray OLDENBURG, sociologue états-unien, a
été le premier a véritablement étudier les
tiers-lieux. Son ouvrage paru en 1989 The great good place lui a
demandé huit années de rédaction. Il considère
l'ensemble des lieux publics propices à l'échange :
bibliothèques, églises, cafétérias d'entreprises
etc. comme des tiers-lieux. Ces lieux sont différents des autres lieux
publics de passage.
|
Source :
www.steelcase.com
|
|
|
Annexe 2
Exemple d'oeuvre numérique (Château
Ephémère à Carrières-sous-Poissy)
Source :
www.chateauephemere.org
75
« Cette oeuvre est une installation interactive. Elle
augmente l'espace physique d'une salle et la relation que le spectateur peut
avoir avec un environnement délicat. Différents types de capteurs
sensoriels discrets transforment les murs, les meubles, le sol de la salle
d'exposition en interface délicatement sensible et réactive.
Cette oeuvre est comportementale et ne se dévoile que si le spectateur
entre dans l'espace en étant à l'écoute de ce qui s'y
passe. Dans cette situation qui mettra en miroir le corps, il s'agira de
dessiner un espace organique dont les passages, les interventions des
spectateurs laisseront des empreintes visuelles et sonores. Le projet et le
travail spécifiquement réalisé au
Château Éphémère. » (Source :
https://chateauephemere.org/la-maison-sensible-maison-empathique-scenocosme-gregory-lasserre-et-anais-met-den-ancxt-lola-and-yukao-meet-lym/)
76
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 3
Exemple d'exposition utilisant le numérique : Imagine
Van Gogh
|
« Pour la première fois, la Grande halle de La
Villette ouvre ses portes à Vincent Van Gogh pour une expérience
immersive qui emmène le spectateur dans un voyage au coeur des toiles de
l'artiste.
IMAGINE VAN GOGH, UN PROJET CULTUREL
UNIQUE » (source :
http://www.imagine-
vangogh.com/page/a-propos/)
|
Source : E. PESCHAUD - La Villette Paris (05/08/17)
|
|
Annexe 4
Exemple d'un musée (Louvre) ayant son application pour
smartphone
|
« Le guide, c'est vous ! Avec l'application mobile
Louvre : ma visite, le guide c'est vous !
-60 000 m2 modélisés en 3D pour une
meilleure appréhension
des espaces -trouvez une oeuvre, une collection ou un
service en suivant
l'itinéraire qui vous sera
proposé -toutes les informations pratiques indispensables et
l'accès à la programmation culturelle (expositions, auditorium,
ateliers, etc.)
- 600 fiches synthétiques d'oeuvres et de salles
historiques du musée
- 600 commentaires sonores sur les oeuvres et les salles
du musée disponibles en achat intégré payant »
(source : description de l'application sur l'Applestore)
|
Source : application pour smartphone Louvre (Applestore)
|
Source : https://www.laquincaillerie.tl/
77
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 5
Liste des projets d'urbanisme transitoire de SNCF Immobilier
Source :
http://www.presse-sncf-immobilier.fr/accueil/sites-artistiques-temporaires/
Annexe 6
Services proposés à La Quincaillerie de
Guéret
78
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 7
Exemples de projets supportés à La MYNE
Source :
https://www.lamyne.org/project/
Annexe 8
Lien du dossier de presse de la Micro Folie aux Mureaux :
http://lesmureaux.micro-folies.com/wp-content/uploads/sites/7/2016/12/DP-MICRO-FOLIE-LES-MUREAUX.pdf
79
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 9
Les différents `Labs' du Medialab Prado
Source :
https://www.medialab-prado.es/en/laboratories
Annexe 10
Infographie sur la création de tiers-lieux
Ce document peut donner une idée au lecteur de la
complexité de l'appréhension de l'objet tiers-lieu en
voyant le nombre de choix à faire pour créer un tiers-lieu ; on
comprend aussi pourquoi chaque projet est unique.
Source :
http://www.cedille.pro/comment-creer-un-tiers-lieu-une-belle-infographie-pour-co-construire-son-projet/
(le document est disponible en format PDF en entier et lisible)
80
81
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 2 : les grilles d'entretiens et les comptes
rendus d'entretiens
Annexe 11
Grille d'entretien pour les responsables/directeur-trices et
personnels de tiers-lieux culturels. Cette grille a pour enjeu de saisir les
modes de fonctionnement des tiers-lieux culturels, leurs objectifs, leur vision
de la culture... grâce à une vision interne.
Acteur interrogé :
Fonction :
Date et lieu de l'entretien :
Qu'apporte/ qu'a apporté ce lieu aux pratiques culturelles
?
Les lieux hybrides sont-ils une manière de contourner
l'aspect sacralisé de la culture et de son accès ? Pourquoi et
comment ?
À quel point l'ancrage territorial est-il
nécessaire pour qu'un tiers-lieu puisse fonctionner et survivre
? Quels sont les critères absolument nécessaires pour qu'un
tiers-lieu se développe ?
Intégrer des réseaux plus
institutionnalisés, est-ce perdre son âme ?
À quel degré un tiers-lieu doit-il créer des
liens avec les institutions et/ou le(s) pouvoir(s) public(s) ?
Annexe 12
Grille d'entretien pour les directeur-trices de services
culturels de collectivités territoriales. Cette grille a pour enjeu de
saisir la vision qu'on les techniciens de la fonction publique territoriale sur
les tiers-lieux culturels et le potentiel intérêt qu'ils y voient
à propos de l'accès aux droits culturels.
Acteur interrogé :
Fonction :
Date et lieu de l'entretien :
Comment qualifieriez-vous un tiers-lieu ?
Votre commune/votre collectivité soutient-elle des lieux
qualifiés de tiers-lieux ?
82
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Votre commune/votre collectivité a-t-elle
déjà pensé à soutenir des lieux qualifiés de
tiers-lieux ? Si oui, de quelle manière ? Partenariat
financier, soutien institutionnel ?
Que pensez-vous des pratiques culturelles qui évoluent
aujourd'hui ? / Comment intégrer dans les politiques culturelles la
notion d'innovation ?
Quelle doit être la motivation pour une entité
publique d'accueillir sur son territoire un lieu hybride tel qu'un tiers-lieu
?
Annexe 13
Grille d'entretien pour les adjoints à la culture de
collectivités territoriales. Cette grille a pour enjeu d'envisager la
dimension politique d'un tiers-lieu culturel sur un territoire et comment est
saisie par la politique de l'enjeu de la ségrégation
culturelle.
Acteur interrogé :
Fonction :
Date et lieu de l'entretien :
Comment qualifieriez-vous un tiers-lieu ?
Votre commune/votre collectivité soutient-elle des lieux
qualifiés de tiers-lieux ? Si oui, y-at-t-il des tiers-lieux
culturels parmi eux ?
Si oui, de quelle manière ? Partenariat financier, soutien
institutionnel, aide en moyens humains ou matériels ?
Que pensez-vous des pratiques culturelles qui évoluent
aujourd'hui ? / Comment intégrer dans les politiques culturelles la
notion d'innovation ?
Quelle doit être la motivation pour une entité
publique d'accueillir sur son territoire un lieu hybride tel qu'un tiers-lieu
?
A quel point un équipement culturel devient-il un objet
politique ?
83
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 14
Grille d'entretien pour les scientifiques. Cette grille a
été élaborée afin d'appréhender la
définition de ce qu'est un tiers-lieu culturel, les enjeux et objectifs
mais aussi de voir comment les sciences humaines s'emparent de cet objet
d'étude.
Acteur interrogé :
Fonction :
Date et lieu de l'entretien :
Existe-t-il un concept unique de ce qu'est le tiers-lieu culturel
?
Est-ce que la vocation d'un tiers-lieu culturel est la même
qu'un autre tiers-lieu ?
Comment l'innovation organisationnelle peut-elle être mise
en place lorsque le tiers-lieu est institutionnel ? Comment s'y inscrit le
citoyen ?
Qu'est-ce que le middleground ?
La lutte contre la ségrégation culturelle est-elle
un enjeu pour les tiers-lieux culturels ?
Annexe 15
Compte-rendu d'entretien avec Latifa KHARJA Acteur
interrogé : Latifa KHARJA
Fonction : Adjointe au maire en charge de la Politique
culturelle et associative de Chanteloup-les-Vignes
Date et lieu de l'entretien : 23/04/18 ; échange de
mails
Le tiers-lieu est un espace de rencontre et d'échanges
entre les différents publics. Grâce aux tiers-lieux, il est
possible de recréer du lien, du partage, et de la solidarité,
« dans une société qui s'individualise ». Il est
cependant difficile à mettre en place dans certaines communes des
projets de tiers-lieux, en raison des difficultés financières par
exemple. Pour autant, il est possible de penser à créer des
maisons des associations afin de créer un vivier d'échanges. Un
projet de tiers-lieu est valorisant pour un territoire : « pouvoir se
prévaloir de posséder ce type de structure ».
84
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Avec la digitalisation et le développement des
réseaux sociaux, la culture entre dans les foyers et n'est plus
nécessairement destinée à une élite. En s'appuyant
sur cette évolution, il serait judicieux d'intégrer toute
nouvelle innovation dans les politiques culturelles via ce mode de
communication.
Annexe 16
Compte-rendu d'entretien avec Raphaël BESSON Acteur
interrogé : Raphaël BESSON
Fonction : Expert en socio-économie urbaine et
docteur en sciences du territoire (laboratoire PACTE, université de
Grenoble)
Date et lieu de l'entretien : 03/05/18 ; entretien
téléphonique
Le tiers-lieu est un concept très flou, puisque les ZAD
peuvent être considérées comme des tiers-lieux. On peut
également mentionner les friches qui tendent à devenir des tiers-
lieux. Pour autant, un tiers-lieu n'est pas forcément quelque chose
d'alternatif. Les porteurs de projets sont très différents, les
montages aussi. Ainsi, la friche du Centquatre se transforme, pour s'inscrire
dans le quartier par une nouvelle entrée. L'essence d'un tiers-lieu
repose sur la capacité d'un lieu à faire cohabiter
différents écosystèmes, faire se rencontrer des
oppositions. C'est du travail avec de l'horizontalité. Il peut y avoir
également l'intégration de start-ups. Le numérique est un
aspect primordial pour les projets de tiers-lieux puisqu'il « rend
l'utopie réalisable » et participe au côté empirique
des tiers-lieux.
La notion de tiers-lieu n'est pas encore une notion
abordée par les scientifiques et par les universitaires. Les
institutions sont en train de stabiliser cette notion, en accordant par exemple
des subventions en regard de certains critères qu'elles posent.
Chaque tiers lieu possède sa vocation. Toutefois, R.
BESSON procède à une hiérarchisation de celles-ci. La
première vocation est le co-working. Il y a quelques 12 000 de ces
espaces à travers le monde. La 2ème vocation concerne
le Fablab afin de produire de l'innovation en temps réel. La vocation
peut concerner le service public, la transition écologique et d'autres
encore. Par exemple, certains tiers-lieux veulent augmenter leur
création de valeur comme Bouygues innovation. Finalement,
l'aboutissement de ces tiers-lieux est de créer des espaces afin d'agir
sur les transitions.
Les tiers-lieux culturels, quant à eux, sont apparus
plus récemment, « ils sont très nouveaux et émergents
».
85
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
La culture scientifique est transformée par les
tiers-lieux. Les institutions s'appuient sur les tiers-lieux afin de
s'approprier de nouveaux modes de travail. C'est d'ailleurs aux institutions de
s'adapter aux tiers-lieux et non l'inverse. Selon R. BESSON, les institutions
doivent s'appuyer sur des tiers-lieux déjà existants,
créer des porosités, et non créer le leur. En Grande
Bretagne, les universités ont essayé de monter leurs tiers-lieux
mais n'y sont pas parvenues.
La notion de middleground vient de l'économie et du
management de l'innovation. Cela concerne des personnes qui sont capables de
faire se rencontrer l'upperground et l'underground afin de créer de la
valeur. Cette notion a été reprise par les tiers-lieux.
Les tiers-lieux culturels ne possèdent pas
forcément un objectif de démocratisation culturelle, ni
même un unique objectif au moment de leur création. Plutôt
que s'intéresser aux objectifs des tiers-lieux, il vaut peut-être
mieux s'intéresser aux moyens d'actions qu'ils mettent en place. Par
exemple : pour faire venir les publics éloignés, les tiers-lieux
peuvent être une réponse mais pas la seule. Par leurs outils, les
tiers-lieux peuvent faire reculer la ségrégation culturelle, leur
donner simplement cet objectif est voué à l'échec. Il faut
accéder autrement à la culture, par exemple en intégrant
le numérique dans les bibliothèques pour le jeune public.
Annexe 17
Compte-rendu d'entretien316 avec Jean LECORBEILLER
Acteur interrogé : Jean LECORBEILLER
Fonction : Elu en charge de la Culture et du Patrimoine de
Rosny-sur-Seine Date et lieu de l'entretien : 13/06/18 ; Mairie de
Rosny-sur-Seine
Le concept de tiers-lieu lui échappe ; une fois
celui-ci expliqué, l'élu comprend qu'il s'agit de lieux hybrides,
aux activités diverses. Selon lui, l'Hospice Saint Charles317
pourrait être un tiers-lieu culturel.
Selon lui, toute la culture a sa place pour être
représentée, autant la culture française que les cultures
issues de l'extérieur. C'est en s'appuyant sur cet apport de
l'extérieur que les gens peuvent s'intéresser à la culture
et venir participer aux manifestations culturelles organisées par
Rosny-sur-Seine. Le fait
316 L'entretien a dévié plusieurs fois entre
l'objectif du mémoire et ma position de stagiaire à ce
moment-là au sein de GPS&O, intercommunalité dans laquelle
est inscrite la commune de Rosny-sur-Seine.
317 Equipement communautaire GPS&O
86
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
que les enfants soient dans les manifestations culturelles est
aussi un moyen d'attirer les parents et autres pairs à ces moments.
Pour lutter contre la ségrégation culturelle, la
ville de Rosny-sur-Seine s'appuie surtout sur la lecture, avec notamment la
mise en place d'un dispositif qui consiste à offrir un livre aux enfants
tous les ans, de 0 à 3 ans. Il faut aussi s'adapter à la demande
des populations, en donnant à voir la culture qui les intéresse.
Cependant, c'est quelque chose de complexe, notamment à Rosny-sur-Seine
puisqu'il y a peu de moyens financiers (par ailleurs la ville a eu une `menace'
de mise sous tutelle de l'Etat il y a peu). L'innovation est aussi un moyen
d'attirer les populations, bien que cela soit difficile à mettre en
place. La ville de Rosny-sur-Seine tente de mettre en place des actions en
direction des publics qui ne viennent pas, de faire des « choses qui ne se
sont jamais faites ». Le numérique est notamment un moyen pouvant
attirer les jeunes.
Rosny-sur-Seine ne soutient pas d'initiatives de projets de
tiers-lieux culturels ou toute autre forme de tiers-lieu. La ville a en effet
des problèmes liés à la mobilité des publics et les
faire adhérer à de tels projets, sans le leur imposer. Une
structure type tiers-lieu pourrait amener des gens à Rosny-sur-Seine,
notamment des touristes. Ces derniers ont tendance à se rendre à
Giverny, sans passer par la commune de Rosny-sur-Seine, qui en pâtit. Un
lieu doit pouvoir proposer différentes activités ; à
Rosny-sur-Seine c'est autour des activités touristiques que la
réflexion se fait.
Annexe 18
Compte-rendu d'entretien avec Baptiste RIDOUX Acteur
interrogé : Baptiste RIDOUX
Fonction : Coordinateur à La Quincaillerie, tiers-lieu
de la Communauté d'Agglomération du Grand Guéret
Date et lieu de l'entretien : 21/06/18 ; entretien
téléphonique
La Quincaillerie à Guéret est un tiers-lieu
culturel soutenu par la Communauté d'agglomération du Grand
Guéret. Le projet a été initié en 2012. Cette
année-là, l'association de La Radio Guéret fêtait
ses 5 ans, mais subissait des problèmes de désertification. Un
travail en bonne intelligence s'est opéré entre l'association et
La Ressourcerie, afin de palier au processus de désertification. Ainsi
est né le projet de créer un nouveau lieu, qui sera La
Quincaillerie. L'idée était de partir d'un lieu associatif. Le
projet a été présenté au Président de
l'agglomération qui a été séduit rapidement par le
projet présenté. Ce tiers-lieu culturel est « atypique
» puisqu'il est né d'une
87
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
association, un collectif citoyen, et constitue tout un
service de la Communauté d'agglomération. Aujourd'hui, trois
salariés de la collectivité travaillent à La
Quincaillerie, pour le développement territorial. Pour autant, ces
salariés ne se sentent pas institutionnalisés car ils n'ont pas
le sentiment d'être « muselés ». Le numérique a
une place prépondérante dans le projet global de La
Quincaillerie, notamment dans l'optique d'être un animateur
numérique du territoire, d'être un laboratoire et un
écosystème de compétences. La Quincaillerie « fixe
les innovations numériques » et prend en parallèle en
considération les besoins des associations. Ce tiers-lieu est
également un lieu de travail partagé.
Le tiers-lieu permet de montrer qu'il y a d'autres moyens de
faire, ce qui est l'essence même des tiers-lieux. Ce qui fait tiers-lieu,
ce sont les gens qu'il y a dedans. Par exemple à La Quincaillerie, il y
a des SDF, des réfugiés et des entrepreneurs. C'est un espace au
sens large, avec une friction des cultures, c'est également un lieu
social.
La Quincaillerie possède un plateau circulaire de
300m2, un espace de médiation pour les séniors, les
enfants ... De nombreux publics se rendent dans ce tiers-lieu. Il y a aussi un
Fablab, comme lieu ouvert à tous pour apprendre aux gens. La
Quincaillerie est un « espace cool » avec des canapés pour
l'aspect de convivialité. Il y a un accueil d'associations, comme par
exemple Radio Guéret. La Quincaillerie organise également des
évènements ; il y a une zone d'exposition (rotation toutes les
trois semaines avec mise en avant d'artistes locaux), des conférences
(souvent sur le numérique), des débats, pour une petite jauge,
des showcases de 60 personnes maximum, des ateliers avec parfois des
contributeurs. C'est ici la notion de biens communs qui est mise en avant.
Les élus veulent faire de La Quincaillerie un projet
pérenne, avec un projet de déménagement. D'ailleurs,
certains d'entre eux fréquentent le lieu. La Communauté d'agglo a
acheté une friche commerciale de 1000m2 avec une vraie salle
de concert, une salle de spectacle vivant d'une jauge de 80 personnes assises
et 150 debout, un Fablab en deux parties, un bar associatif. Il y a la
volonté de faire évoluer les modules.
La Quincaillerie fait partie du réseau des Tiers-Lieux
Solidaires et est soutenu par la Fondation Orange. La Caisse des
dépôts veut savoir comment un tiers lieu peut « changer la
face d'un quartier ».
A La Quincaillerie, l'économique, le social, le
culturel sont mêlés. C'est un véritable lieu de vie, un
vrai outil de territoire. 80% du financement proviennent de subventions, les
20% restants sont à la charge de l'agglo.
C'est un nouveau lieu de diffusion. Il y a une volonté
de faire évoluer les pratiques de la radio et de travailler autour du
numérique.
Les populations savent qu'elles peuvent être
exposées facilement. « Une petite mamie qui avait trop bu de
rosé au bar du coin nous a dit qu'elle peignait et elle a fini par
être exposée à La Quincaillerie. »
88
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
La Quincaillerie donne « accès aux droits
culturels sans le vouloir, c'est notre nature ». Le tiers-lieu travaille
également avec des lieux qui font de la résidence d'artistes.
Avoir une résidence est à voir sur le plus long terme.
Les tiers-lieux sont aussi des portes d'entrée pour
découvrir le territoire pour les néo ruraux. Dans les zones
rurales, les gens se regroupent plus que dans des plus grandes villes.
Un tiers-lieu appartient à la politique au sens noble :
vie de la cité. Ce n'est pas le tiers lieu qui attire, ce sont les
personnes qui y sont qui attirent.
Le tiers-lieu est un outil de développement territorial
avec des liens partout ailleurs. Il y a une notion de réseautage, c'est
tout un vivier de compétences. Il y a un besoin de ressources humaines
pour faire se développer le tiers-lieu.
La Quincaillerie appartient à des réseaux de
tiers-lieux, comme par exemple en Creuse où il y en a treize, ou encore
à la Coopérative des Tiers-Lieux en nouvelle-Aquitaine. Il y a
également le réseau Tela qui est sociétaire de la
Coopérative. Cela permet un échange de compétences entre
les tiers-lieux, de la coopération. Pour l'instant « on ne perd pas
notre âme », même si quelques petits compromis doivent
être faits. Le Président donne carte blanche pour faire
évoluer les systèmes. « Donc c'est bien d'être dans
ces systèmes pour pouvoir le faire ». Le tiers-lieu est un mode de
vie.
Annexe 19
Compte-rendu d'entretien avec Marie
ROBERT318
Acteur interrogé : Marie ROBERT
Fonction : Responsable de la Médiathèque
aux Mureaux
Date et lieu de l'entretien : 07/08/18 ;
Médiathèque aux Mureaux
Pour définir un tiers-lieu, il faut vraiment
réfléchir au modèle, c'est-à-dire répondre
à la question « on met quoi derrière ? ». La
Médiathèque n'est pas tellement un tiers-lieu pour M. ROBERT car
elle n'est pas une réponse à « l'explosion du monde »
notamment face au numérique. Cependant, la bibliothèque à
Vélizy est un tiers-lieu. A propos du numérique, un poste
informatique sur trois (de la Médiathèque aux Mureaux) est
occupé par une personne dans le besoin : aide à la
318 L'entretien a peut-être été biaisé
du fait que M. ROBERT a été ma collègue lorsque
j'étais stagiaire au sein de la Communauté urbaine GPS&O.
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
relecture d'un CV, démarches administratives. Beaucoup
de gens viennent aussi pour l'éducation : apprendre à lire et
à écrire. C'est un lieu d'apprentissage de la citoyenneté,
moins qu'un lieu de culture. La Médiathèque est un lieu pour
changer les modes d'apprentissage. On apprend avec nos pairs, on partage les
savoirs. Ce n'est pas « terrible » à la
Médiathèque (aux Mureaux) pour ce qui est du partage des savoirs
car le public est en demande de la position d'élève face au
professeur, afin d'atteindre l'objectif de l'assimilation de la culture
française.
La culture est quelque chose que l'on construit, c'est aussi
une porte d'entrée ; la médiathèque est l'endroit
institutionnel pour avoir les codes de cette culture. Pourtant, pour M. ROBERT,
la Médiathèque peut être un moyen pour contourner l'aspect
sacralisé de la culture, cet aspect qui peut effrayer les publics. Il
faut pour cela être « le plus accessible possible ». Cela passe
par la médiation, des horaires plus étendus et adaptés. Il
faut noter que la médiation « n'est pas quelque chose de trop
institutionnelle ». Contourner l'aspect sacralisé sera long, cela
prendra peut-être dix ans pour « trouver le bénéfice
», vingt/trente ans « pour que ça change ».
Concernant l'ancrage, il est nécessaire : « c'est
mieux que les gens se connaissent » même si ce n'est que de vue.
Cela aide aussi dans les recommandations entre pairs, les demandes de conseils.
Pour l'apprentissage, les publics doivent être proches
géographiquement ; les personnes âgées et les jeunes
publics ont besoin de cette proximité.
Les établissements de la lecture publique peuvent
être des objets politiques, notamment pour acquérir une certaine
réputation. « En termes d'image, les bibliothèques arrivent
à être novatrices », comme à Lezoux319.
89
319
https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/puy-de-dome/ouverture-lezoux-63-mediatheque-nouvelle-generation-1269389.html
90
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 20
Compte-rendu d'entretien avec Hélène
BEUNON320
Acteur interrogé : Hélène BEUNON
Fonction : Responsable du réseau de la Lecture
publique de GPS&O Date et lieu de l'entretien : 07/08/18 ; échange
de mails
Le tiers-lieu est un lieu d'accueil sans vraiment d'image
précise ; cela permet aux publics de « se sentir chez eux ».
Le personnel d'une telle structure doit avoir fait « un énorme
travail sur l'accueil et sur sa posture par rapport à l'usager ».
Ainsi, les personnels de La Médiathèque n'ont pas la même
posture face aux usagers que dans d'autres bibliothèques « plus
classiques ». De plus, il existe une forme de tension avec
l'administration du type « ce n'est pas dans vos missions » par
rapport à des activités menées au sein de La
Médiathèque. Pourtant, la posture des agents est le
critère primordial pour qu'un tiers-lieu culturel se
développe.
Les tiers-lieux culturels peuvent être un moyen de
contourner l'aspect sacralisé de la culture, bien que cela ne «
résolve pas tout ». Cela est particulièrement difficile en
France, par rapport aux pays anglo-saxons ou nordiques, car la mission
d'intégration sociale ne se « remplit » pas facilement,
même si cela semble se faire « très lentement ».
Les équipements culturels sont des objets de tensions
politiques, « on en a un bel exemple aux Mureaux ». C'est aussi
évident dans l'idée même des tiers-lieux. Pour de
nombreuses villes du territoire de GPS&O, les équipements culturels
sont le reflet de la vision des politiques. « Les payeurs sont les patrons
et on ne fait rien contre eux ».
Un tiers-lieu culturel doit avoir des liens avec les
institutions pour les financements, car il est difficile de vivre de ses
propres revenus. A moins que ce ne soit « pour un public très
ciblé, ce qui est semble-t-il contraire aux tiers-lieux culturels
».
320 L'entretien a peut-être été biaisé
du fait que M. ROBERT a été ma collègue lorsque
j'étais stagiaire au sein de la Communauté urbaine GPS&O.
91
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 21
Compte-rendu d'entretien avec Sébastien CAMPOS Acteur
interrogé : Sébastien CAMPOS
Fonction : Responsable du Château
Ephémère
Date et lieu de l'entretien : 29/08/18 ; échange de
mails
Les médiateurs, notamment dans le Vanderlab jouent
plusieurs rôles : « accompagner les artistes dans leurs prototypages
de dispositifs, ou d'objets etc. », « sensibiliser les habitants aux
usages créatifs du numérique », « réduction de
la fracture numérique (accès aux techno) », «
acquisition des compétences artistiques : développer et aiguiser
ses connaissances et des compétences plastiques et visuelles »,
« favoriser l'estime de soi et sa place au sein d'un groupe », «
l'émancipation (DIYourself), « favoriser les liens
intergénérationnels ».
Le Château Ephémère suit une approche de
rendre le citoyen actif dans les démarches de pratiques culturelles pour
plusieurs raisons : « favoriser l'imagination individuelle et collective,
donc des mises en perspectives originales pour faire progresser la
société », « favoriser l'expression libre et des zones
de dialogues, donc l'émergence d'une culture commune », «
partage des savoirs et savoir-faire ».
Le Château Ephémère accueille des artistes
en résidence. Cet engouement peut s'expliquer par le fait que c'est
« un lieu à part », sans réel équivalent en
France ou même à l'étranger. Les thématiques «
numériques, sonores et musicales » y sont pour beaucoup, ainsi que
les outils mis à disposition ou bien encore « le mode de gestion
rare ou unique ». Le fait que les résidents obtiennent une bourse
en fin de résidence, ou bien encore répondre à un appel
à projet font également partie des motivations à venir en
résidence au Château Ephémère.
Chaque tiers-lieu a son propre modèle de fonctionnement
: « équipe, budget, vision, lien ou pas avec le territoire ».
« Chaque lieu à son modèle économique, structurel, sa
part d'autonomie éco-politique, ses propos, ses règlements
intérieurs, ses chartes etc. ». Les tiers-lieux sont souvent
gérés par des associations, qui ont elles aussi leur propre
modèle de fonctionnement : « démocratiques ou bien
fermés, incluant ou pas de politiques dans leurs bureaux / conseil
d'administration ». Souvent ces lieux sont dans des réseaux
professionnels : ACTIF sur IDF, ou sur des réseaux spé
artistique.
Les tiers-lieux ne sont pas des lieux récents : «
les tiers-lieux de l'ère industriels existent depuis le 19ème
siècle avec notamment les phalanstères ... porté par les
industriels eux-mêmes ». « Depuis la fin des années
1990, il y a surement de grosses mutations, notamment avec la
généralisation de l'outil numérique ou encore de
politiques culturelles en faveur des tiers lieux (rapport Lextrait). »
92
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
L'entre soi est une histoire de réseau restreint ou
fermé, parfois de manque de savoir-faire et d'ouverture, bien souvent
accentué par des réalités sociales du territoire
donné... Il y a effectivement un risque si le lieu par ses offres et
pratiques est mono culturel et cloisonné. Son assise dans le temps offre
plus de chance à une mixité de publics. Un lieu comme le
Château Ephémère a un objectif d'ouverture et de
mixité des publics. Mais compte tenu de sa situation et de sa jeunesse,
« nous savons que cela va nous prendre encore pas mal de temps ».
Les structures gestionnaires sont assez grandes pour tout
mettre en oeuvre pour que le projet demeure cohérent. La
collectivité peut néanmoins offrir un regard extérieur
intéressant, mais il peut aussi compromettre la neutralité
politique (au sens politicienne) du projet.
Le Château Ephémère a apporté
« pluri, multi, transdisciplinaire = rencontre entre praticiens,
collaboration entre artiste parfois, échanges de savoirs et de savoirs
faires » aux pratiques culturelles.
Le tiers-lieu culturel permet de contourner l'aspect
sacralisé de la culture. Il est possible de venir au Château
Ephémère pour faire du jardinage et découvrir la danse
contemporaine japonaise dite BUto. On peut également se rendre au Fablab
pour faire une maquette d'avion et découvrir un dispositif sonore
innovant. « Il y a des rencontres surprises et de l'inattendu du coup...
de cette manière cela contribue à la désacralisation, ce
qui est bien ».
« Hybride = multi activités ou bien
pluridisciplinaire ? Bon, pour les 2 ça marche ».
Concernant l'ancrage territorial, le Château
Ephémère donne une métaphore de l'approche de cette notion
: « technique de l'escargot : ancrage local, même fragile et
progressivement consolider autour de soi ». Cependant,
l'établissement avait déjà une ambition internationale et
même une « petite identification à l'étranger »,
bien qu'il ne soit « toujours pas connu du tiers de la population de sa
ville ».
Plusieurs critères sont nécessaires pour que le
tiers-lieu culturel se développe : « résilience et
enthousiasme de l'équipe, « confiance du propriétaire et des
1ers partenaires », « excellente gestion du budget », «
inventivité et ouverture (open attitude) », « créer de
l'actu régulière, du mouvement ».
Intégrer un réseau institutionnel ne contribue
pas à perdre son âme, tant que « l'on garde son
intégrité, notamment sur l'artistique ». A propos des
relations avec les pouvoirs publics, voici la réponse de S. CAMPOS :
« Les liens avec les institutionnels sont incontournables, que ce soit un
propriétaire privé ou pas. Un maire, c'est le Sherif d'une
ville... on a toujours un vis à vis. Pour ne pas dire besoin, je n'aime
pas être dépendant, mais on l'est toujours un peu. Les liens
doivent être solides avec les investigateurs du projet, donc il y a
toujours des enjeux à être en de bon terme avec les pouvoirs
publics...Maintenant de là à manger à tous les
râteliers, à demander l'aumône et à perdre son
identité sous la pression du politique, je sais ce que j'ai choisi !!
».
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 3 : Les visites de terrains
Annexe 22
Centquatre : Visite de terrain `personnelle' lors d'un
vernissage d'exposition le 19 mai 2018
Impressions
Le bâtiment est incroyablement lumineux et clair. Dans
ce qui semble être une nef, des artistes s'exercent à plusieurs
disciplines : différentes danses, théâtre, arts du
cirque...
Déjeuner au restaurant du site : La carte propose des
plats très à la mode, comme qui dirait
instagrammables321. La clientèle est
âgée entre vingt et cinquante ans.
L'exposition : C'est celle de Vihls, intitulée
Fragments urbains. Ce jour-là, elle est gratuite et deviendra
payante une fois le vernissage passé. Elle semble visitée par des
bobos parisiens, si je me fie à la simple apparence et aux
styles vestimentaires. Les visiteurs donnent l'impression de se montrer et
montrer `qu'ils étaient là'. Tout ceci peut donner la sensation
de se trouver dans un lieu d'exposition parisien tout à fait classique,
voire même me donne l'impression de ne pas être à ma place
parmi eux. L'exposition en elle-même est vraiment intéressante,
avec du travail autour de l'urbanisme, de la vidéo, des visages etc.
Conclusion : Je n'ai absolument pas eu le sentiment
d'être dans un lieu où les barrières sociales sont abolies.
J'ai au contraire ressenti l'aspect sacralisé de la culture. J'ai eu
l'impression de gentrification du quartier autour de ce site : le territoire
(à l'échelle du quartier) est populaire, ce qui paraissait peu
cohérent avec les visiteurs du site. En revanche, on remarque vraiment
l'aspect du processus de création mis en valeur avec des espaces de
pratiques, de répétition ouverts à tous. Le Centquatre ne
présente pas d'éléments sur le processus de construction
de l'exposition Fragments urbains. Une oeuvre de l'artiste est
gracieusement présente dans la nef.
93
321 En lien avec le réseau social Instagram
94
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 23
Centquatre : Visite guidée par le personnel (Sonia) des
relations publiques le 6 juin 2018 Impressions et prises de notes
diverses
Le rendez-vous, organisé spécialement pour les
étudiants (selon le site Internet et la prise de RDV par mail),
s'avère être une visite guidée des lieux. La visite est
assez lissée voire même expéditive.
On apprend tout de même que les murs du Centquatre
appartiennent à la Mairie de Paris, qui verse 8 millions d'euros de
subvention (sans précision sur la fréquence de ce financement).
La gestion se fait en EPCC.
Selon Sonia, le nouveau directeur est libre dans sa programmation
car la mairie est socialiste.
Il y a un nouveau directeur, donc un nouveau projet. Ce nouveau
projet s'ancre dans le territoire (18ème et
19ème arrondissements) et a la volonté de faire de ce
lieu un endroit vivant.
Le Centquatre accueille des résidences, un incubateur de
start-ups, le Cinq, qui est un lieu dans lequel les particuliers louent durant
1h des salles contre 2 euros. C'est un lieu réservé à la
pratique amateure, ce ne sont pas des cours.
Annexe 24
Grands Voisins : Visite guidée/de presse par le
personnel (de l'association Aurore) le 22 juin 2018 Impressions et
prises de notes diverses
La Saison 1 s'est étendue de fin 2014 à
septembre 2015 ; l'ouverture au public s'est prolongée jusqu'en
décembre 2017. Pour la Saison 2, il y a une perte d'emprise sur une
partie du bâti ; il a fallu reloger une partie des personnes habitantes
du site. Cela a provoqué une mobilisation citoyenne qui dénonce
les coupes budgétaires : Sans toit pas sans nous. La Saison 2
devrait se terminer en juin 2020. Elle présente une programmation avec
différentes thématiques.
Trois associations gèrent le site : Yes We Camp, Aurore
et Plateau Urbain. Chaque structure, en plus des autres associations qui y sont
résidentes, a ses propres ambitions par rapport aux Grands Voisins.
Les structures résidentes répondent à un
appel à candidatures. Parmi les critères de sélection on
trouve : « faire des actions en direction des résidents de
l'hébergement », « faire des choses nouvelles ». Il y a
1000 sélectionnés. 45% des présents à la Saison 2
l'étaient aussi à la Saison 1.
95
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Aurore est une « vieille » association qui touche
90% de ses subventions de la part de l'Etat. En effet, elle rappelle que
l'hébergement est à la charge de celui-ci. Les Grands Voisins
repensent les manières de faire du travail social. Il est l'un des seuls
projets à avoir le social et l'insertion en son coeur.
Le projet présente une volonté d'ouverture du lieu
vers l'extérieur, de créer des espaces partagés.
A l'origine, le projet n'envisageait pas de dynamiser le
quartier ; aujourd'hui il « préfigure le futur quartier ». Le
nouveau quartier sera un éco-quartier.
Ce sont tous les usagers du lieu qui ont permis de
développer ses/ces projets. Il y a la volonté de « faire
cohabiter le public », de le « rendre humain ».
Le projet se doit d'être adapté à son
contexte territorial.
Les revenus proviennent des loyers perçus, des recettes
commerciales (bar, restaurant, privatisations). Ces revenus servent à
financer le projet global, comme les salaires par exemples.
Les visiteurs du site viennent pour beaucoup du quartier et de
Paris. Les Grands Voisins sont « identifiés comme un spot cool en
terrasse » le weekend. Cela n'a pas l'air de les ravir. C'est un
problème puisque ces visiteurs viennent faire la fête et ne se
« rendent pas compte que c'est un centre d'hébergement ».
Une équipe de programmation gère
énormément de demandes pour se produire. Une sélection
s'opère donc : il faut que la proposition soit en adéquation avec
la programmation du site. Si ce n'est pas le cas, il est toujours possible de
se produire mais en privatisant un espace et n'est donc pas ouvert au
public.
Conclusion : Ce site est plutôt tourné autour du
social que du culturel, c'est pourquoi il n'a pas été `retenu'
pour faire partie des cas d'études de cette recherche autour des
tiers-lieux culturels.
96
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 25
Château Ephémère : after-work et visite
guidée par S. CAMPOS le 5 juillet 2018
Impressions
L'after-work est un moment très convivial (c'est le
2nd auquel j'ai pu assister dans ce lieu, le premier datant de
l'année dernière). C'est un lieu de rendez-vous pour diverses
personnes, dont le personnel de la Communauté urbaine GPS&O. Une
buvette et un Dj sont installés pour participer à la
convivialité, en plus de la présence de sièges et
mange-debouts.
Le responsable du Château accueille les personnes venant
pour la première fois et propose une visite guidée du
bâtiment. Il commence par raconter l'Histoire du Château puis
comment est né le projet de tiers-lieu et son mode de fonctionnement en
lien avec l'ex CA2RS et le nouveau GPS&O. Le Château possède
entre autre : un Fablab, une imprimante 3D, un espace de co-working pour les
artistes et autres résidents, des studios d'enregistrement
réalisés par des chantiers d'insertion et utilisables par des
citoyens lambda, un restaurant etc.
Conclusion : Ce lieu est agréable, on se sent chez soi
et `en confiance'. C'est un autre lieu de rendezvous plus informel pour
retrouver des collègues de travail. L'after-work organisé ce
soir-là correspondait parfaitement à la définition d'un
tiers-lieu : entre le travail et la maison.
97
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Partie 4 : Les éléments graphiques
Annexe 26
Carte de la typologie et localisation des Laboratorios ciudadanos
dans Madrid
98
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 27
Carte des tiers-lieux creusois
Source : R. BESSON, 2017
Annexe 28
Tableaux comparatifs de différents tiers-lieux
(culturels) [Ces tableaux ont été construits à l'aide
d'informations glanées durant les entretiens, la lecture d'articles de
presse, la consultation des sites Internet des établissements etc.]
Tiers-lieux culturels citoyens
Tableau A1
99
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau A2
Tableau A3
Tableau A4
Tableau A5
Tableau A6
100
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau A7
Tableau A8
Tableau A9
Tiers-lieux culturels institutionnels
Tableau B1
101
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau B2
Tableau B3
Tableau B4
Tableau B5
Tableau B6
102
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau B7
Tableau B8
Tableau B9
Tiers-lieux culturels équilibrés
Tableau C1
103
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau
Tableau C3
Tableau C4
104
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau C5
Tableau C6
Tableau C7
Tableau C8
105
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau C9
Autres Tableau D1
Tableau D2
Tableau D3
106
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau D4
Tableau D5
Tableau D6
Tableau D7
Tableau D8
107
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Tableau D9
Source : E. PESCHAUD, 2018
Annexe 29
Schématisation de la diffusion culturelle par l'Etat
Ce schéma est un moyen de simplifier la lecture de
la diffusion culturelle ; il a surtout permis à la compréhension
du lien entre les institutions et les pouvoirs publics. C'est un
document de travail.
Tiers-lieux exemple : concept des Micro Folies
Publics
empêchés ; non-publics
Diffusion
(( alternative »
Expositions, Musées etc.
MINISTERE DE LA CULTURE
Diffusion
(( classique »
Publics
« avertis »
Pas ou peu de contrôle de l'Etat ou des
collectivités publiques
Tiers-lieux indépendants
Tous types de publics (« avertis »,
empêchés et non-publics)
Source : E. PESCHAUD, 2018
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
Annexe 30
Schématisation des missions du tiers-lieu culturel
Ce document de travail permet de
visualiser quelles sont les missions des tiers-lieux culturels,
vis-à-vis de la diffusion culturelle. Il a été
élaboré en partie grâce à l'article Les
musées nationaux : quelles ressources pour quelles missions
?322 et aux lectures et entretiens effectués en
parallèle. Le schéma a pour but de montrer que les tiers-lieux
culturels vont plus loin dans leurs missions, en comparaison du cas des
musées nationaux.
Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs
ressources
Concevoir et mettre en
oeuvre des actions d'éducation et de diffusion visant
à assurer l'égal accès
de tous à la culture
Rendre leurs ressources accessibles au public le plus
large
Contribuer aux progrès de la connaissance et de
la recherche ainsi qu'à leur diffusion
Participation citoyenne
Mission propre aux tiers-lieux culturels
|
|
Mission des lieux culturels classiques
|
Démocratisation culturelle
Légende :
Démocratie culturelle
Restauration de lieux (dans certains cas, ce n'est pas
systématique)
Source : E. PESCHAUD, 2018
108
322 Rapport d'information n° 574 (2013-2014) de M. Yann
GAILLARD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 4
juin 2014
|