MASTER 2 Mémoire de fin d'étude
Spécialiste de l'intégration communautaire et de la
politique européenne de voisinage
Année universitaire 2017-2018
L'influence des groupes d'intérêt
privé auprès des institutions européennes : le cas
du glyphosate
Présenté par : Célia BAUVAIS
Directeur de mémoire : Mme Fabienne MARON
Université de Reims Champagne Ardenne UFR Droit et
Science politique 57 rue Pierre Taittinger 51096 Reims Cedex
1
Remerciements
Je tiens à adresser mes remerciements aux personnes
suivantes :
Madame Maron, ma directrice de mémoire,
Monsieur De la Brosse, Directeur du Master SICPEV,
Monsieur Matuszewicz, pour ses conseils avisés,
Jean Marie Beaupuy, ancien député européen,
avec qui j'effectue actuellement un service civique au Mouvement
Européen Marne, qui m'a apporté une aide précieuse dans
l'élaboration de ce mémoire.
Un merci particulier à Mathieu, pour son aide à la
relecture et à la correction de mon mémoire ainsi que son soutien
moral.
2
SOMMAIRE
ACRONYMES 3
INTRODUCTION 4
Introduction à la problématique 4
Approche conceptuelle 9
Approche théorique 12
Approche méthodologique 15
I. Mise en perspectives de l'affaire du glyphosate
16
a) Monsanto : une multinationale connue de tous 18
b) Le point d'ancrage de la crise : bataille d'experts 21
c) Les pratiques douteuses de Monsanto 23
d) Acteurs de l'interaction dans la crise 24
II. Les répercussions de l'affaire dans l'UE
26
a) L'impasse décisionnelle 26
b) L'influence des lobbies dans l'élaboration des textes
européens 29
c) Les mesures correctives adoptées 33
d) Les préoccupations européennes et
internationales 35
III. Les autres secteurs du lobbying 40
a) Le secteur pharmaceutique 41
b) Le secteur de l'énergie 42
c) Le secteur de la banque et de la finance 44
d) Le secteur du tabac 45
e) Le secteur de la défense et de la
sécurité 47
f) Les convergences et divergences de pratiques de lobbying
selon les secteurs 48
MISE EN PERSPECTIVES 50
Bibliographie et autres sources 54
ANNEXE I 65
ANNEXE II 66
ANNEXE III 67
ANNEXE IV 68
3
ACRONYMES
A.M.M : Autorisation de mise sur le marché
ANSM : Agence Nationale de Sécurité du
Médicament et des produits de santé
ANIPLA : l'Association nationale de l'industrie pour la
protection des plantes
Alter UE : Alliance for Lobbying Transparency and Ethics
Regulation
BCE : Banque Centrale Européenne
BFR : L'Institut fédéral allemand pour
l'évaluation des risques
CDU : Union Chrétienne Démocrate allemande
CEO : Corporate Europe Observatory
CETA : Comprehensive Economic and Trade Agreement - accord
économique et commercial global
CIRC : Centre International de Recherche contre le Cancer
ECHA : l'Agence européenne des produits chimiques
EFSA : l'Agence européenne de la sécurité
des aliments
EPA : l'Agence américaine de protection de
l'environnement
ERT : la Table ronde des industriels européens
FDA : Food and Drug Administration
FNSEA : Fédération Nationale des Syndicats
d'Exploitants Agricoles
GTF : Glyphosate Task Force
ILSI : International Life Science Institute
MEDEF : Mouvement des Entreprises de France
OGM : Organisme génétiquement modifié
OLAF : Office européen de lutte contre la fraude
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONG : Organisation non gouvernementale
PAC : Politique agricole commune
PCB : Polychlorobiphényle
PEV : Le Parti Vert polonais
REACH : enRegistrement, Evaluation et Autorisation des
produits Chimiques
SPD : Parti socialiste démocrate allemand
TTIP : Transatlantic Trade and Investment Partnership -
partenariat transatlantique de commerce et
d'investissement
TAFTA : Transatlantic Free Trade Area- traité de
libre-échange transatlantique
UE : Union européenne
USDA : Ministère de l'Agriculture des
États-Unis
4
INTRODUCTION
Introduction à la problématique
Les décisions prises par les institutions
européennes ou les gouvernements nationaux, sont le résultat
d'influences extérieures, notamment portées par de grandes
entreprises à travers les groupes d'intérêt qu'elles
recrutent. Ces groupes d'intérêt, ou lobbies, désignent des
réseaux de personnes dont le but est de défendre des
intérêts publics ou privés en exerçant une pression
sur les instances législatives. Ils usent pour cela de leurs ressources
financières, sociales et sociétales. Leur rôle est
essentiel car ils apportent une expertise aux décideurs politiques dans
des domaines précis et techniques que ces derniers ne pourraient
affronter seuls. Ainsi, ils se sont développés au fil des
années de manière très importante, à Bruxelles
notamment.
Cependant, un déséquilibre s'est formé
entre le secteur privé et public. Les représentants
d'intérêts privés sont plus nombreux, ils ont notamment
davantage de moyens financiers et de facto plus d'influence que les
représentants d'intérêts publics. Cet écart de
représentativité est vivement critiqué par de nombreux
observateurs, en plus des méthodes modernes employées par
certains et du manque de transparence entourant les actions de lobbying. En
effet, les stratégies utilisées ont évolué au fil
du temps. Elles sont aujourd'hui remises en question dans la mesure où
elles sont élaborées au profit d'intérêts
privés et ne prennent pas ou peu en considération
l'intérêt général. Les critiques sont d'autant plus
renforcées par la multiplication de scandales liés à ces
pratiques, comme celui du « Dieselgate » de Volkswagen, celui de la
reconversion de Manuel Barroso, ancien président de la Commission
européenne, recruté par Goldman Sachs ou encore celui du
glyphosate.
Nous avons d'ailleurs saisi l'opportunité de cette
crise actuelle autour du glyphosate pour analyser le jeu des lobbies à
l'échelle européenne. Elle permet en effet de mettre en avant
l'évolution du rôle des groupes d'intérêt
privés au fil du temps et d'en faire ressortir les vecteurs principaux,
à savoir les personnes impliquées dans cette crise, les
différentes pratiques employées, les réactions
institutionnelles, les conséquences à l'échelle locale,
européenne et internationale. En outre l'étude du cas du
glyphosate permettra d'éclairer la
5
problématique actuelle liée au poids des groupes
d'intérêts privés et leur influence sur le processus
d'élaboration des textes européens à travers l'exemple du
géant industriel qu'est Monsanto.
Dans un premier temps, afin de mieux comprendre l'exercice de
cette pratique du lobbying à Bruxelles, il est intéressant
d'analyser son apparition et sa reconnaissance dans l'Union européenne
(UE). D'après Daniel Guéguen1, le
phénomène du lobbying s'est développé en quatre
étapes :
? Étape de construction : le lobbying fusionnel
entre 1957 et 1970 avec l'émergence de la Politique Agricole Commune
(PAC) et la Politique commerciale.
Le mastodonte du lobbying européen est né en
1958, peu de temps après la création de la Communauté
économique européenne : d'abord sous le nom de UNICE, l'Union des
Industries de la Communauté européenne, pour devenir
BusinessEurope, la Confédération des entreprises
européennes, à partir de 20072. Depuis les
premières années de la construction européenne, ce groupe
d'entreprises européennes défend les intérêts de ces
dernières dans les domaines de la croissance et la
compétitivité à l'échelle de l'UE.
? Étape de reflux : entre 1971 et 1987, dans une
période forte de définition et de partage des compétences
nationales et communautaires.
Dès les années 1980, certains réseaux
d'influence ont émergé, notamment la Table ronde des industriels
européens (ERT) qui regroupait une quarantaine de leaders du
marché économique. Plusieurs directeurs des plus grandes
entreprises européennes se sont ainsi réunis pour rédiger
des rapports sur les changements éventuels à apporter dans l'UE.
C'est ainsi que l'avènement de l'UE en tant que grand marché est
née d'une décision influencée par l'ERT. D'ores et
déjà, certains dénonçaient des pressions
exercées par les lobbies sur la mise en oeuvre du marché
unique.
? Étape de lobbying stratégique : Age d'or
du lobbying
1 GUEGUEN Daniel, Le Lobbying
Européen, Edition Europolitique, Avril 2007
2 BusinessEurope, le plus puissant lobby de
Bruxelles, Corporate Europe Observatory, Novembre 2017
6
C'est entre 1985 et 1993 que le lobbying s'est vu
développer une importance croissante suite au Livre blanc sur
l'achèvement du marché intérieur de Jacques Delors. L'Acte
Unique européen signé en 1986 et la mise en oeuvre du programme
annexé au Livre blanc sur la gouvernance européenne de 2001 ont
intensifié le lobbying auprès de la Commission et du Parlement.
En effet, plus l'Union européenne acquérait de nouvelles
compétences dans des domaines techniques (environnement, consommation,
affaires sociales...), plus les institutions européennes avaient besoin
d'informations et de données techniques. Après la signature du
Traité de Maastricht, les activités de lobbying ne visaient plus
seulement à contraindre les décideurs mais à
développer une présence accrue au niveau des instances
européennes pour amplifier l'influence sur le long terme. Cette
période correspond à la mise en place des grandes techniques de
lobbying encore employées aujourd'hui.
? Étape de lobbying transversal : depuis 2006
Les différents élargissements ont mené
à un changement de la notion même du lobbying qui est devenu plus
sophistiqué, plus concurrentiel et multidimensionnel. La politique
d'élargissement de l'UE a d'ailleurs favorisé le lobbying.
L'auteur précise en outre que les stratégies ne
se sont pas succédées dans le temps, elles se sont
superposées. Les deux dernières étapes ont mené
à des pratiques misant sur la coalition, la communication, les relations
avec la presse, plutôt que sur la représentativité.
Bien sûr, les institutions européennes ont
participé à l'évolution du lobbying dans ces
différentes étapes. En 2008, en inscrivant le rôle du
lobbying dans une communication, le Parlement donne l'accréditation
à des milliers de groupes d'intérêts. Il reconnaît
ainsi officiellement que ces derniers influent sur la prise de décision
au sein de l'UE. Pour ce qui est de la Commission européenne, à
partir de 1993, elle a souhaité la mise en place d'un dialogue ouvert et
structuré avec ces groupes d'intérêt. Elle a ainsi
juridiquement intégré la notion de « contre-pouvoir »
dans les processus de décision communautaire, c'est pourquoi les
comités consultatifs se composent de représentants de la
société civile et d'un grand nombre d'experts qui donnent leurs
points de vue. De plus, dans le Livre vert sur l'initiative européenne
en matière de transparence de 2006, la Commission considérait que
le lobbying « est une activité légitime dans le cadre du
système démocratique, qu'elle soit menée par des
7
citoyens ou des entreprises, des organisations de la
société civile et d'autres groupes d'intérêts ou par
des entreprises travaillant pour le compte de tiers »3.
Ainsi, le Parlement comme la Commission reconnaissent
l'utilité et la légitimité de ce processus d'influence
extérieure dans le cadre du système démocratique. Il
s'agit donc d'une pratique institutionnelle reconnue au niveau des institutions
européennes, disposée à améliorer la qualité
des processus décisionnels en fournissant aux législateurs et aux
décideurs publics une expertise sur des questions techniques.
D'après une enquête menée par Transparency International,
en 2013, 89% des 600 fonctionnaires et parlementaires européens
interrogés ont convenu qu'un « lobbying éthique et
transparent est bénéfique à l'élaboration des
politiques »4. La notion reste toutefois assez floue de
manière générale, dans la mesure où les
appellations définissant la pratique sont très diverses : le
Parlement européen utilise le terme « Lobbying » ou «
représentant d'intérêts publics ou privés »,
mais de nombreux autres termes sont utilisés comme « affaires
européennes », « affaires publiques », « relations
institutionnelles », ou encore « relations extérieures »
5 . Par ailleurs, le lobbying est en constante évolution, il est donc
nécessaire que la législation qui l'encadre évolue en
conséquence. A titre d'exemple, le lobbying a pris récemment une
nouvelle forme avec la généralisation des réseaux sociaux.
Le but étant d'exercer une nouvelle influence en ligne permettant de
toucher non plus seulement les grands décideurs politiques mais d'une
manière générale le plus grand nombre.
Si l'on peut voir des mises en place encourageantes concernant
l'encadrement du lobbying, elles restent toutefois inabouties et insuffisantes.
Pour en prendre un exemple, le registre de transparence de l'UE, initialement
instauré par le Parlement en 1996, reposait sur l'accréditation
des groupes d'intérêt, sur la base du volontariat. Tous les
groupes d'intérêts qui cherchaient à influer sur
l'élaboration des politiques et des processus décisionnels des
institutions européennes étaient invités à s'y
inscrire. Cette initiative visait à encourager les représentants
d'intérêt à rendre publiques leurs activités,
l'argent consacré, les stratégies d'influence, le personnel
employé ainsi que les domaines politiques d'intervention. En 2011, ce
registre est devenu commun avec la Commission européenne. On ne peut
nier qu'il s'agit là d'une grande avancée mais ce registre
étant facultatif, il ne permet pas de retranscrire véritablement
l'affluence que représentent les lobbies. De plus, il ne permet pas de
garantir
3 Livre vert sur l'Initiative européenne en
matière de transparence, 2006
4 Lobbying en Europe : Influence cachée, accès
privilégié, Transparency France, Mars 2015
5 DELACROIX Xavier, Influencer la démocratie,
démocratiser l'influence, Edition Chiron, Février 2005
8
une transparence totale des activités dans la mesure
où les informations contenues ne sont pas vérifiées. En
effet, les informations qui y sont présentées « sont
fournies par les organisations enregistrées elles-mêmes et
relèvent de leur seule responsabilité »6. Cela
remet en cause la précision et la véracité des
informations dévoilées. Ce sont alors des ONG comme Corporate
Europe Observatory (CEO) ou LobbyControl qui complètent le cadre
législatif en instaurant des mesures complémentaires telles que
la mise en place d'un site permettant de filtrer et de classer les informations
les plus fiables du registre7. Dans le même esprit, un
allemand, Richard Gutjahr, a mis en place un portail internet en tant qu'outil
de surveillance de l'influence des lobbies sur le vote des lois au sein du
Parlement européen8.
Toutefois, la principale controverse qui subsiste repose sur
le but même de ces lobbies, car cette pratique implique une confrontation
directe des différents intérêts. Si l'on part du constat
que plus les groupes privés ont de capitaux et de contacts, plus leur
influence est grande, il est légitime de se questionner sur le fondement
de leur influence. Dans le système actuel, fondé sur une
distribution des richesses inégale, une prise de décision
influencée par un petit nombre de personnes dans leur propre
intérêt et sans consultation des citoyens n'est pas
démocratique. Le lobbying est pourtant dans sa définition
lié au principe démocratique car étroitement lié
à des valeurs universelles comme la liberté d'expression. Les
pratiques de lobbying inéquitables et opaques constituent par
conséquent l'un des plus grands risques de corruption pesant sur
l'Europe, non pas seulement au niveau communautaire mais au sein de chaque
État membre. La majorité des pays de l'UE ne possèdent pas
de réglementation spécifique au lobbying. Selon Transparency
International, sur 19 pays évalués, seulement sept d'entre eux
disposent d'une telle réglementation (Autriche, France, Irlande,
Lituanie, Pologne, Royaume Uni, Slovénie)9. En
conséquence, l'Europe affiche un retard certain face au Canada ou aux
États Unis. Ces faits se ressentent d'ailleurs à l'échelle
des citoyens européens pour lesquels le terme « lobbying »
n'est pas vu de manière positive. Et cela peut s'expliquer en partie
notamment par les différents scandales liés à des faits de
corruption qui ont pu éclater durant les dernières
années.
6 COM (2007) 0127 final - Livre vert Initiative
européenne en matière de Transparence
7 LUNDY David, Petit guide de la lobbycratie à
Bruxelles, Corporate Europe Observatory, Octobre 2017
8 Lobbyplag : plateforme utilisant la bonne
volonté des internautes pour lire des dossiers et comparer les textes de
lois avec les propositions des lobbies.
9 Lobbying en Europe : Influence cachée, accès
privilégié, Transparency France, Mars 2015
9
Au-delà de la menace démocratique, le lobbying
met en question la déontologie, la transparence et l'éthique au
sein de l'Union européenne. Effectivement, l'absence de code unique
entourant la profession de lobbyiste conduit à une déontologie
basée sur le principe de l'autorégulation. De nombreuses ONG se
mobilisent pour évincer ces failles. L'association Alter UE (Alliance
for Lobbying Transparency and Ethics Regulation) par exemple, réunit
plus d'une centaine d'ONG, syndicats et universitaires dans une lutte pour un
lobbying responsable et un renforcement de la déontologie
européenne. Par ailleurs, s'il existe des codes de conduite mis en place
par le Parlement et la Commission, ils ne sont pas toujours respectés.
Les fonctionnaires européens, tout comme les lobbyistes, sont tenus de
respecter certaines règles afin d'éviter tout conflit
d'intérêt. Or, à maintes reprises, ces règles ont
été ouvertement enfreintes.
Alors qu'en 2006, il a été
démontré que 80% des amendements présentés par des
parlementaires à l'occasion de l'examen de projets législatifs
avait une origine de lobbying, il est fondamental de connaître les
limites de cette pratique. Ainsi on en vient à se demander quel est le
poids de ces groupes d'intérêt dans le processus
d'élaboration des réglementations européennes ?
Jusqu'où peuvent-ils aller ? Quelles sont les stratégies
employées ?
Ce travail de recherche est centré sur l'analyse d'un
cas concret : celui du glyphosate. Celui-ci permettra alors de répondre
aux questions posées à travers l'étude des
différentes stratégies utilisées et les
répercussions visibles de ces dernières dans l'Union
européenne. Il en ressortira une comparaison intéressante entre
le pouvoir des institutions européennes et le contre-pouvoir des
lobbies, ainsi qu'un panorama de la capacité de réaction des
institutions pour limiter les failles perceptibles. Enfin, afin d'avoir une
vision plus générale de cette pratique et de ne pas s'enfermer
dans un secteur particulier qui n'est pas forcément
généralisable, les pratiques de lobbying utilisées dans
d'autres secteurs clés seront analysées. Une stratégie
globale du lobbying pourra ainsi être proposée en reprenant les
stratégies les plus couramment utilisées dans chaque secteur
étudié.
Approche conceptuelle
Dans un premier temps, il est important de définir les
termes clés de cette problématique et d'en circonscrire les
concepts. Pour cela, nous nous reposerons sur une revue de littérature
primaire, secondaire et tertiaire afin de dégager une information
précise et complète,
10
notamment à travers les travaux intéressants de
Christian Marcon, Nicolas Moinet ainsi que Pierre Bardon qui mettent en
lumière les différents aspects de cette pratique que nous allons
étudier. Des sources plus officielles, comme des documents
émanent de la Commission européenne et de l'Assemblée
Nationale française, seront également utilisés pour poser
les bases terminologiques de ce mémoire.
Lobby / groupe d'intérêt / groupe de
pression :
Il existe diverses appellations pour caractériser ces
groupes d'influence présents sur une échelle relativement
étendue. Si l'on revient sur la création même du terme
« lobby », plus fréquent car plus largement utilisé
à l'échelle européenne, il s'agit d'un mot d'origine
anglaise (signifiant « couloir » en français). Il est apparu
au XIXe siècle, à la chambre des communes britannique et
désignait le grand hall dans lequel les groupes de pression circulaient
et tentaient de rencontrer les parlementaires.
Lobbying :
Bien qu'il y ait une généralisation du terme
lobbying dans la majorité des pays, cela n'implique pas pour autant
l'existence d'une définition générale le concernant. En
effet, il existe un flou conceptuel entourant la définition même
du lobbying, ce qui en fait une notion complexe et controversée. Si
certains organismes formulent une définition claire sur cette pratique,
on constate qu'elle n'est pas unanime. La notion renvoie à une pratique
changeante en fonction des mécaniques institutionnelles, du contexte
sociopolitique, des positions de l'opinion publique, des ressources
disponibles, etc.
Tout d'abord, la France étant dépourvue d'une
définition officielle du lobbying, l'ONG Transparency France propose la
suivante depuis 2008 : « toute communication, écrite ou orale,
entre un représentant ou un groupe d'intérêts et un
décideur public dans le but d'influencer une prise de décision
»10. Cette définition s'inspire d'une loi
québécoise.
10 Transparence et intégrité du lobbying, un
enjeu de démocratie : État des lieux citoyen sur le lobbying
en France, Transparency France, Octobre 2014
11
Ensuite, si l'on prend la définition de Christian Marcon
et Nicolas Moinet, dans leur ouvrage sur l'Intelligence
économique11, le lobbying consiste « à
influencer une décision en présentant de manière ouverte
les clés d'analyse d'un problème, ses tenants et ses aboutissants
».
Du côté américain, le Sénat
définit le lobbying comme étant « la pratique visant
à persuader le législateur de proposer, adopter ou s'opposer
à la législation ou modifier les lois existantes
»12.
Enfin, la définition communautaire officielle du lobbying
est la suivante : le lobbying représente les « activités qui
visent à influer sur l'élaboration des politiques et les
processus décisionnels des institutions européennes
»13.
Lobbyiste :
Le lobbyiste est l'acteur qui influe sur les décisions
politiques d'un gouvernement (lois, réglementations, normes) au
bénéfice des intérêts d'une entité qu'il
défend. Cette fonction requiert des capacités en communications
et une aisance dans les relations publiques. On rencontre des profils
variés parmi les lobbyistes : ils peuvent travailler pour des
entreprises, privées, des groupes de lobbying patronaux ou sectoriels,
des ONG, des syndicats, des sociétés de conseils, des cabinets
d'avocat, des think tanks, etc.
Toutefois, ici aussi, les définitions sont variables.
Pour n'en donner qu'un exemple, en France, le Livre bleu du lobbying de janvier
2008 posait la définition suivante de la profession de lobbyiste :
« le lobbyiste représente une personne morale, privée ou une
catégorie spécifique d'acteurs publics, au nom desquels il
informe le monde politique »14.
Différents types de lobbies :
Il existe différents types de lobbying dont le lobbying
diplomatique (au niveau des états), le lobbying juridique, le lobbying
de communication, le lobbying financier ou de projet ou encore le lobbying
normatif ou décisionnel. C'est d'ailleurs ce dernier qui va nous
intéresser
11 MARCON Christian, MOINET Nicolas, L'intelligence
économique, 2ème Edition Broché, Septembre
2011, 128 pages
12 BARDON Pierre, le Lobbying, Dunod, Septembre 2012,
128 pages.
13 COM (2007) 127 final - Livre vert Initiative
européenne en matière de Transparence
14 Rapport d'information sur le lobbying,
déposé en application de l'article 145 du Règlement,
enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 16 janvier 2008.
12
tout au long de ce mémoire. Il intervient à
l'occasion de l'adoption ou de la modification d'une directive et
intègre une intervention dans un processus décisionnel avec
apport d'expertise.
En outre, l'importante confrontation à mettre en
évidence ici est celle qui oppose le lobbying mené par des
professionnels au lobbying mené par des citoyens engagés dans un
activisme politique. L'argent constitue leur principal point de divergence et
cela change énormément la donne. Pour mener un lobbying efficace
en continu, il faut des moyens financiers importants.
Objectifs du lobbying :
Les objectifs diffèrent selon le type d'acteur qui
anime son programme de lobbying et le type de lobbying. Pour en citer
quelques-uns :
- Défendre les intérêts de l'entreprise
(protéger l'environnement juridique, politique,
économique de l'environnement national ; promouvoir les
intérêts de l'entreprise
auprès des pouvoirs publics)
- Favoriser les liens avec les décideurs publics
- Anticiper les problématiques des affaires publiques
- Valoriser l'image de l'entreprise
- Réagir aux décisions politiques et publiques
Conflit d'intérêt :
« Toute situation d'interférence
entre un intérêt public et des intérêts publics ou
privés qui est de nature à influencer ou à paraître
influencer l'exercice indépendant impartial et objectif d'une fonction
»15.
Approche théorique
Dans cette partie, nous allons définir quelques
théories entourant le sujet de ce mémoire afin de rendre
compréhensible l'étude de cas qui suivra. Cette partie vise
à mettre en perspective le positionnement du concept du lobbying, son
rôle et ses mécanismes d'influence, ainsi que le modèle de
gouvernance et d'interaction entre les forces en présence au sein de
l'UE et les lobbies. Pour ce faire, le travail de John Stauber et Sheldom
Rampton ainsi que celui de Hans
15 Article 2 de la LOI n° 2013-907 du 11 octobre 2013
relative à la transparence de la vie publique.
13
Magnus Enzensberger mettra en avant l'approche
controversée de la pratique à travers diverses théories.
Puis dans un second temps, les sites officiels de documentation de l'UE
permettront de détailler le processus législatif
européen.
Théories sur le lobby :
Le lobbying est contesté dans ses méthodes. Pour
les américains John Stauber et Sheldom Rampton, il représente
l'industrie du mensonge qui est le titre de leur ouvrage publié en
2004.16
Selon Hans Magnus Enzensberger, « on peut supposer que
les lobbyistes actifs à Bruxelles ont plus d'influence sur les
décisions de la Commission que tous les députés.
»17
Le rôle des lobbies :
Les informations transmises par les lobbyistes sur des sujets
techniques que les législateurs ne maitrisent pas forcément sont
utiles et essentielles. Ils jouent ainsi un rôle important et croissant
dans l'élaboration des décisions publiques.
Le processus de décision :
La prise de décision législative
européenne, dont le processus varie en fonction des domaines, fait
généralement intervenir quatre institutions : le Conseil de l'UE,
le Parlement européen, la Commission européenne, le Conseil
européen. Il s'agit d'un processus complexe car les procédures
dépendent des domaines politiques concernés.
La procédure législative ordinaire est la
manière la plus courante de voter des textes législatifs au sein
de l'UE. Elle se déroule de la façon suivante :
1. La Commission européenne présente une
proposition législative au Parlement européen.18
16 RAMPTON Sheldon, STAUBER John, L'Industrie du
mensonge. Relations publiques, lobbying & démocratie,
Marseille, Agone, coll. « Eléments », 2012
17 ENZENSBERGER Hans Magnus, Le doux monstre de Bruxelles
ou L'Europe sous tutelle (traduit de l'allemand au français par
Bernard Lortholary), Edition Gallimard, Novembre 2011
18 Le Parlement peut demander à la Commission
de présenter une proposition législative, tout comme le
rassemblement d'un million de citoyens à travers une initiative
citoyenne peut demander à la Commission d'étudier une
proposition.
2. 14
Première lecture :
- Le Parlement européen se prononce en première
lecture en donnant son avis sur la proposition.
- Après le Parlement européen, le Conseil de
l'UE se prononce en première lecture. Si le Conseil de l'UE modifie le
texte revu par le Parlement, on procède à une deuxième
lecture. Si le Conseil de l'UE adopte le texte revu par le Parlement, le texte
peut être officiellement adopté.
3. Dans le cas d'une deuxième lecture :
Trois hypothèses pour le Parlement
. ·
- Soit le Parlement accepte le texte revu par le Conseil et
l'acte est réputé adopté.
- Soit le Parlement rejette le texte revu par le Conseil, dans
ce cas le texte est rejeté.
- Soit le Parlement ajoute des amendements à la position
commune adoptée par le
Conseil qui retourne alors vers le Conseil.
Hypothèse pour le Conseil . ·
Le Conseil de l'UE se prononce sur les amendements
ajoutés par le Parlement qui ont préalablement fait l'objet d'un
avis de la Commission. Si le Conseil approuve les amendements à la
majorité qualifiée, l'acte est adopté. Dans le cas
contraire, le comité de conciliation est convoqué dans un
délai de 6 semaines. Cette procédure de conciliation vise
à trouver un compromis entre des représentants du Conseil de l'UE
et du Parlement avec l'aide de la Commission qui se positionne en tant que
médiateur. Si, à terme, les différents acteurs ne
parviennent pas à trouver un accord, le texte est rejeté et
abandonné. S'ils adoptent un texte commun, l'acte est soumis au
Parlement et au Conseil pour une troisième lecture d'approbation.
4. Dans le cas d'une troisième lecture :
Deux hypothèses . ·
- Le Parlement puis le Conseil approuvent le texte commun. Il est
donc adopté.
- Le Parlement ou le Conseil ne se prononcent pas ou rejettent le
texte. Il est alors rejeté.
15
Une fois le texte adopté, les États membres
doivent encore l'appliquer dans leur législation nationale. S'il s'agit
d'un règlement, celui-ci est directement applicable dans les
États membres. S'il s'agit d'une directive, la transposition est
obligatoire mais les États membres disposent d'une marge de manoeuvre.
Enfin, s'il s'agit d'une décision, le texte est directement applicable
dans les États membres concernés.
Il existe par ailleurs des procédures
législatives spéciales dans des cas particuliers comme
l'adhésion de nouveaux États membres, dans le cadre de la
politique fiscale ou de la conclusion d'accords internationaux. Dans ces
procédures, le Conseil de l'UE légifère seul. Le Parlement
voit son rôle limité à la consultation ou l'approbation.
Approche méthodologique
Dans cette partie, nous allons mettre en avant la
méthode choisie pour constituer ce mémoire. La démarche a
été empruntée en fonction du sujet choisi, à savoir
un sujet d'actualité très controversé. Afin de ne pas
sombrer dans la critique et de rester dans une optique objective et
constructive, la méthode de l'étude de cas comme méthode
de recherche paraissait être la plus adaptée et intelligible.
Étude de cas :
L'étude de cas est une méthode courante
utilisée pour analyser en profondeur un phénomène
spécifique dans son contexte. Le recours à cette méthode
qualitative permet alors de mettre en évidence certains aspects pouvant
paraître complexes. Il s'agit donc de décomplexifier l'information
à travers un cas concret, ici en l'occurrence, la crise contemporaine
autour du glyphosate qui a secoué le système décisionnel
européen. L'approche est intéressante car elle permet une
flexibilité dans la hiérarchisation des faits et une emphase sur
certains aspects clés et techniques. Il faut garder à l'esprit
tout de même qu'une étude de cas n'est pas
généralisable, c'est pourquoi une étude comparative
sectorielle sera élaborée dans la dernière partie de ce
mémoire.
Justification du choix :
Le souhait était d'appréhender l'influence des
groupes d'intérêts à travers une approche nouvelle car
nombreuses sont les recherches effectuées à ce sujet. Dès
lors, traiter le sujet par
16
l'étude d'un fait d'actualité semble être
une méthode adaptée pour apporter une nouvelle
réflexion.
Comment en tirer des leçons :
Il est intéressant de pouvoir comparer les
différents types de lobbying selon les secteurs et leur influence
respective. Cette comparaison va constituer la troisième partie de ce
mémoire. Il s'agira de procéder à une conclusion par
induction en vue des leçons tirées lors de l'étude et la
comparaison des autres secteurs de lobbying.
Obstacles :
Le fait de traiter un sujet d'actualité accroit la
quantité d'informations. Il est difficile de maintenir un axe directeur
face à la multitude de sources disponibles à ce sujet. Ainsi,
afin de maximiser la pertinence des informations, la variabilité des
types de sources a été préconisée. Par ailleurs, la
question de l'objectivité est importante dans un sujet comme celui-ci.
Les différents auteurs ont tendance à laisser entrevoir leur
opinion favorable ou non à l'influence des groupes
d'intérêts. Dans ce travail de recherche, il a été
nécessaire de passer outre la subjectivité de chaque auteur afin
d'apporter la vision la plus impartiale possible, le but n'étant pas de
critiquer la pratique du lobbying mais d'en analyser l'influence.
Étude de cas : le glyphosate
I. Mise en perspectives de l'affaire du
glyphosate
La crise qui a éclatée au sujet du glyphosate
est d'envergure mondiale. A l'heure où l'agriculture biologique est de
plus en plus favorisée, dans une situation internationale de
dégradation environnementale, cette crise s'inscrit dans un contexte de
changement de société. Alors que l'usage de produits
phytopharmaceutiques19 est important dans le secteur de
l'agroalimentaire, ils représentent néanmoins un danger pour la
santé de l'environnement et des consommateurs qui se nourrissent des
aliments traités. Ainsi depuis quelques années
19 Les produits phytopharmaceutiques sont des
pesticides principalement utilisés pour protéger les cultures et
empêcher leur destruction par une maladie ou une infestation. Ils
comprennent les herbicides, les fongicides, les insecticides, les acaricides,
les régulateurs de croissance et les répulsifs. Ils contiennent
au moins une substance active. Le terme « pesticide » est souvent
utilisé comme synonyme pour les produits phytopharmaceutiques bien qu'il
couvre un concept beaucoup plus large.
(Source : EFSA -
https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/pesticides,
consulté le 10 juin 2018)
17
maintenant, les milieux agricoles s'efforcent de
protéger l'écosystème et tiennent davantage rigueur de la
qualité des produits commercialisés à travers une
agriculture plus biologique.
En outre, au sein de l'Union européenne, la
commercialisation, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et le niveau
de résidus dans les denrées alimentaires sont régis par
une législation datant de 1991. A travers cette législation,
l'Union européenne vise à harmoniser les règles dans les
différents États membres. Il existe notamment des
règlements européens encadrant la production et l'importation de
produits biologiques.
Par ailleurs, tout produit phytosanitaire utilisé dans
un État membre doit bénéficier d'une autorisation de mise
sur le marché qu'on appelle A.M.M, qui est délivrée pour
une durée maximale de 10 ans dans la limite de validité de
l'autorisation de la substance active20. Il existe un système
en deux étapes21 : dans un premier temps, l'Union
européenne se charge d'évaluer et d'approuver chaque substance
active utilisée dans les pesticides selon des critères
précis. En effet, les substances sont soumises à un processus
approfondi d'évaluation, notamment au sein de l'EFSA avant d'être
validées par la Commission européenne et les États
membres. Dans un second temps, les États membres sont libres
d'évaluer et d'autoriser au niveau national les produits
phytopharmaceutiques eux-mêmes. A noter que, depuis les années
1980, le nombre de substances actives autorisées dans les pesticides a
été divisé par deux.
Pour en revenir au glyphosate, le nom correspond à la
substance active présente dans le Roundup, produit phytopharmaceutique
mis sur le marché en 1974. La molécule N-glycine, qui correspond
au glyphosate, a été synthétisée dans les
années 1950 par un chimiste suisse, Henri Martin, puis reprise par des
scientifiques de la firme américaine Monsanto. Au début des
années 2000, cette molécule pourvue de propriétés
herbicides puissantes, s'est retrouvée dans le domaine public,
permettant à d'autres sociétés de s'en emparer. On
retrouve ainsi le glyphosate dans divers produits phytopharmaceutiques,
utilisés partout dans le monde. En effet, outre le Roundup, on trouve la
molécule du glyphosate dans plus de 750 produits commercialisés
par plus de 90 fabricants répartis dans le monde. Ce produit bon
marché et rentable, sert avant tout aux agriculteurs, étant
principalement utilisé pour les récoltes de
20 Une substance active est un produit chimique, un
extrait de plante, une phéromone ou un micro-organisme (y compris des
virus) qui agit contre les « parasites » ou sur les plantes, les
parties de plantes ou les produits végétaux. (Source :
https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides_en,
consulté le 10 juin 2018)
21 Cf. Annexe 1
18
céréales, de vignes, de fruits, de
légumes et d'olives, mais aussi aux particuliers qui peuvent l'utiliser
dans leurs potagers ou jardinières.
Depuis quelques années maintenant, la question de la
toxicité du glyphosate fait débat. En effet, alors que le produit
était présenté sans danger pour la santé et
l'environnement lors de son apparition, des études ont montré que
la substance active pourrait finalement s'avérer être
cancérigène.
a) Monsanto : une multinationale connue de
tous
Monsanto est une entreprise américaine,
créée en 1901 par John Francis Queeny22, un membre des
Chevaliers de Malte, vétéran de la pharmaceutique. Elle s'est
d'abord spécialisée dans les produits chimiques et les
médicaments industriels, en devenant notamment la plus grande
productrice au monde d'aspirine dans les années 1920.
En 1930, elle a créé sa première semence
hybride de maïs et poursuivi son expansion de détergents, de
savons, de produits de nettoyage industriel, de caoutchouc et matières
plastiques synthétiques, plus ou moins toxiques les uns des autres.
A partir de 1940, elle a débuté des recherches
sur l'uranium et s'est penchée sur le projet Manhattan, portant sur la
constitution de la première bombe atomique. Elle continuait en
parallèle le développement de pesticides pour l'agriculture,
principalement à base de dioxine, substance mortellement toxique.
En 1950, Monsanto a créé plusieurs attractions
pour Disney à base de plastique non biodégradable, contrairement
à ce que la firme avait affirmé. Disney a par la suite
décidé de détruire les attractions en question.
22 Né en 1859, décédé
en 1933. John Francis Queeny était un homme d'affaire américain
et le fondateur de l'entreprise Monsanto, qui porte le nom de sa femme, Olga
Monsanto.
19
En 1960, la firme a produit conjointement avec DOW
Chemical23, l'Agent orange à base de dioxine, qui a servi
d'arme chimique dans l'invasion du Vietnam par les États Unis. Plus de 3
millions de personnes ont été contaminées, un demi-million
de civils vietnamiens ont perdu la vie, un demi-million de bébés
vietnamiens sont nés avec des malformations congénitales, des
milliers d'anciens combattants de l'armée américaine souffrent
encore aujourd'hui des effets de ces substances. Monsanto avait vendu au
gouvernement une substance qu'elle savait toxique, en fournissant des
études concluant que la dioxine ne présentait pas de risque pour
la santé.
En 1970, alors que Monsanto a introduit avec d'autres
entreprises partenaires, l'aspartame, une neurotoxine mortelle dans la chaine
alimentaire, des questions ont fait surface quant à la toxicité
de cette substance. De nombreuses études ont été fournies,
prétendant que l'aspartame était sans danger alors que des
recherches prouvaient le contraire. Pour atténuer les accusations,
Monsanto a racheté des entreprises, constitué de nouvelles
filiales ou tenté de corrompre des instituts nationaux scientifiques.
Elle est finalement parvenue à semer le trouble au sein des services
gouvernementaux comme la Food and Drug Administration (FDA)24.
En 1990, ce sont des millions de dollars qui ont
été dépensés par Monsanto pour combattre les
législations fédérales et nationales, ce qui
représente peu face aux milliards de dollars de bénéfices
dont ils disposent.
En 1994, une nouvelle hormone de croissance bovine
synthétique a été introduite par Monsanto, nommée
rBGH, produite à partir d'une bactérie
génétiquement modifiée, ce qui représentait
déjà un risque. Ces produits génétiquement
modifiés ne nécessitent d'ailleurs d'aucune intervention
naturelle car les cultures peuvent « s'auto-polliniser ». Ainsi,
leurs produits sont conçus de manière à ce que les oiseaux
ou les abeilles ne puissent s'en approcher sous peine de mourir
d'empoisonnement.
23 Société et multinationale américaine
créée en 1897. Géant mondial dans le domaine de la
fabrication et de la distribution de produits chimiques. Son siège se
situe à Midland, au Michigan. (site officiel :
https://www.dow.com/en-us,
consulté le 10 juin 2018)
24 Il s'agit d'une agence américaine,
créée en 1906, sous la présidence de Théodore
Roosevelt. Elle a pour responsabilité la pharmacovigilance, c'est
à dire l'étude, le contrôle et la réglementation des
médicaments avant leur commercialisation. (site officiel :
https://www.fda.gov,
consulté le 10 juin 2018)
20
Au milieu des années 1990, la société a
décidé de s'orienter vers le contrôle de
l'approvisionnement alimentaire mondial par le biais de la biotechnologie
artificielle. Elle s'est donc focalisée sur son herbicide Roundup et a
racheté des compagnies de semences pour éliminer les concurrents.
C'est ainsi qu'en 2000, Monsanto avait le contrôle de la plus grande part
du marché mondial des OGM. Elle ne s'est pourtant pas
arrêtée là. Elle a fusionné en 2000 avec Pharmacia
& Upjohn et a formé un partenariat avec DuPont25, son
grand rival.
Aujourd'hui, Monsanto est une compagnie à vocation
essentiellement agricole qui souhaite investir dans la recherche pour une
agriculture durable. Pourtant, comme on a pu le voir, à ses
débuts, elle produisait des produits assez diversifiés comme de
l'aspirine, des savons et détergents industriels ainsi que du phosphore,
des produits plastiques contenant des PCB (Polychlorobiphényle) ou
encore des engrais à base de dérivés
pétrochimiques. Sans prendre en compte les antécédents de
production de Monsanto, il reste difficile d'accorder le statut d'ambassadeur
de l'agriculture durable à la firme en raison de certains
éléments qui ont fait et font encore polémique.
En effet, la société semble ne se soucier que
très peu des risques présentés par les produits qu'elle
commercialise. Les polychlorobiphényles, par exemple, qui ont connu un
grand succès pour leur composition imperméable à la
dégradation et autres nombreux avantages, sont considérés
aujourd'hui comme l'une des plus graves menaces chimiques pour la
planète alors qu'ils ont été utilisés pendant plus
de 50 ans jusqu'à leur interdiction. S'ils sont interdits aujourd'hui,
il n'en reste pas moins qu'ils sont toujours présents dans le sang et
les tissus cellulaires d'un nombre élevé d'animaux et d'humains
à travers le monde. Des documents présentés par Monsanto
ont révélé que cette dernière était au
courant des effets mortels et les a volontairement dissimulés face au
succès des produits.
Or, alors même que le premier produit26
commercialisé par la firme était critiqué et remis en
question sur sa toxicité, Monsanto est toujours parvenue à
contourner les plaintes déposées à son encontre et
à s'en sortir « indemne ». A partir du moment où elle a
constaté que la
25 Son nom complet est : E.I. du Pont de Nemours et
compagnie. C'est une entreprise américaine, fondée en 1802. A
l'origine, elle était spécialisée dans la fabrication de
poudre à canon, puis elle est devenue l'un des plus grands groupes
industriels de chimie. (site officiel :
http://www.dupontdenemours.fr
consulté le 10 juin 2018)
26 Il s'agissait de la saccharine chimique, vendue
à la marque Coca-Cola comme édulcorant artificiel (selon l'ONG
Combat Monsanto)
21
dissimulation de documents et la commercialisation de produits
soupçonnés comme étant toxiques ne donnaient pas lieu
à des répercussions fatales, la firme a poursuivi cette
même méthode tout au long de son histoire, notamment pour le cas
du glyphosate.
b) Le point d'ancrage de la crise : bataille
d'experts
Alors qu'il est utilisé dans plus de 700 produits pour
l'agriculture, la foresterie, les usages urbains et domestiques, l'emploi du
glyphosate s'est multiplié avec l'arrivée notamment des cultures
OGM. La majorité des plantes génétiquement
modifiées cultivées dans le monde sont résistantes au
glyphosate. Ainsi, cela permet de tuer toutes les plantes à l'exception
des OGM.
Le 26 décembre 2015, Anthony Jack McCall,
âgé de 69 ans, est décédé des suites d'un
cancer du sang rare, appelé lymphome non hodgkinien. Ce fermier
n'utilisait que très peu de pesticides, à l'exception du
célèbre Roundup, dont la toxicité était
revendiquée comme étant extrêmement faible et
biodégradable. Ainsi, Teri McCall, la veuve du défunt a
décidé de poursuivre Monsanto. Elle n'est d'ailleurs pas la
seule, nombreux sont les plaignants qui accusent l'entreprise d'actes
répréhensibles. Des procès ont été
intentés en Californie, en Floride, au Missouri, au Delaware, à
Hawaï. Comme McCall, nombre des plaignants travaillaient dans le milieu
agricole et étaient exposés régulièrement au
glyphosate. Toutefois, Monsanto continue de nier toute association entre le
glyphosate et des maladies comme le lymphome non hodgkinien.27
Il est cependant difficile de s'appuyer sur les études
scientifiques pour connaître la véritable toxicité de la
substance car ces dernières se contredisent. En effet, la question de la
toxicité du glyphosate a donné lieu à une véritable
bataille d'experts scientifiques. Nous nous contenterons de citer les
principales études émanant d'organismes d'envergure
européenne ou internationale, mais il en existe bien d'autres encore.
L'étude à l'origine de la polémique
actuelle est celle réalisée par le Centre international
de Recherche contre le Cancer (CIRC), rattaché à
l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), en mars 2015. En effet,
l'agence a classé le glyphosate comme « cancérogène
probable » pour
27 GILLAM Carey, What Killed Jack McCall? A California Farmer
Dies and a Case Against Monsanto Takes Root, Huffingtonpost, Juin 2016
22
l'Homme en se reposant sur des études scientifiques
publiées dans des revues internationales et établies à
partir d'expériences sur des animaux. A noter que l'ensemble de ces
études appartient au domaine public.
En novembre 2015, l'Agence européenne de la
sécurité des aliments (EFSA) a pourtant conclu que le
glyphosate n'était pas nocif pour l'homme mais refusait de divulguer ses
études. L'agence s'appuyait essentiellement sur des études
confidentielles expérimentales réalisées par la firme
industrielle de Monsanto qui ne sont accessibles qu'aux agents.
L'Institut fédéral allemand pour
l'évaluation des risques (BFR), chargé de
l'évaluation pour toute l'Union européenne des produits
chimiques, ainsi que l'Agence européenne des produits chimiques
(ECHA), avaient quant à eux également affirmé que
le glyphosate n'était pas cancérigène. C'est notamment sur
la base de cette étude que la Commission a relancé le 16 mai 2017
une procédure en vue de réautoriser pour 10 ans la substance.
On constate que seul le CIRC a travaillé sans consulter
Monsanto, en se fiant uniquement à des résultats obtenus en
laboratoire, suite à des expériences effectuées sur des
rats. L'accès des trois agences à des données
confidentielles de la firme remet en question leur fiabilité, car il
s'agit d'études qui ne relèvent pas du domaine public. C'est
d'ailleurs ce que des organisations indépendantes comme
Générations Futures ou Greenpeace et des élus comme
l'eurodéputée Europe Écologie, Michèle
Rivasie28 leur reprochent. Les experts de l'EFSA, recrutés
à travers l'Europe, doivent en outre remplir des «
déclarations publiques d'intérêts » dans lesquels ils
renseignent leurs éventuelles collaborations avec des firmes
privées. L'ONG Corporate Europe Observatory29 et la
journaliste d'investigation Stéphane Horel30 se sont
penchées sur ces documents et les conclusions étaient les
suivantes : 60% des experts étaient en situation de conflit
d'intérêt.
28 Femme politique française, membre du
parti Les Verts, députée européenne Europe Écologie
sur la circonscription Sud Est depuis 2009.
29 Il s'agit d'un groupe de recherche dont la
mission est d'analyser et de dénoncer l'accès
privilégié et l'influence dont jouissent certaines entreprises et
leurs groupes de pressions dans l'élaboration des politiques
européennes.
30 Journaliste indépendante et documentariste. Depuis
2012, elle enquête sur le lobbying autour de la réglementation des
perturbateurs endocriniens par la Commission européenne. Ce travail est
raconté par écrit dans son ouvrage Intoxication (La
Découverte, 2015 ; nominé au prix Albert Londres 2016) et dans le
rapport A Toxic Affair (avec Corporate Europe Observatory, Mai 2015, en
anglais).
23
Les problèmes qui se posent ici sont donc : dans un
premier temps, le non-respect de l'impartialité des organismes qui sont
supposés éclairer la Commission européenne sur les
substances à autoriser. Cette impartialité provient du fait que
les scientifiques ne peuvent se contenter de financements publics pour leurs
recherches et se tournent alors vers des allocations privées auxquelles
elles deviennent dépendantes. A noter que l'EFSA et l'ECHA sont
initialement des organismes indépendants. On assiste donc à
l'apparition d'un véritable conflit d'intérêt. Dans un
second temps, les lobbies industriels sèment le doute scientifique. Aux
États-Unis, la charge de la preuve de la toxicité d'un produit
revient au fabriquant, tandis qu'en Europe, le principe de précaution
est prédominant. Pourtant, le CIRC a annoncé que le produit
était potentiellement cancérigène pour l'homme et le
principe de précaution ne s'est pas appliqué.
c) Les pratiques douteuses de Monsanto ?
Controverse médiatique
Les spots publicitaires et les étiquettes d'emballages
de l'herbicide Roundup mentionnaient initialement les termes «
biodégradables » et « respect de l'environnement »,
laissant penser qu'il s'agit d'un produit écologique sans danger. Or,
plusieurs études ont démontré que le glyphosate, substance
active du produit, n'est pas biodégradable et présente des effets
fortement nocifs pour la santé et l'environnement.
Suite à ces découvertes, de nombreuses plaintes
ont été déposées pour publicité
mensongère, notamment en provenance du procureur général
de l'État de New York en 1997. En conséquence, la firme de
Monsanto s'est vu contrainte de retirer de ses annonces les allégations
« biodégradables » et « écologiques » et de
payer 50 000 dollars de frais de justice à l'État. Par ailleurs,
en 1998, 225 000 dollars ont été réclamés à
la firme pour avoir imprimé 75 mentions inexactes sur les
étiquettes des produits Roundup. Les étiquettes
déconseillaient l'entrée dans les zones traitées pendant
quatre heures, au lieu de douze heures minimum selon les lois
américaines sur les pesticides et la sécurité du travail.
Il ne s'agit que d'un mince aperçu de la série de condamnations
encourues par Monsanto aussi bien aux États Unis que dans les pays du
monde entier.
24
? La désinformation autour du
glyphosate
Plus récemment, Monsanto a dû faire face à
un l'important scandale des « Monsanto Papers » en 2015, après
la première divulgation de documents internes (courriels, notes,
rapports relatifs au glyphosate...), révélant les manoeuvres
douteuses de la firme pour défendre son herbicide. Le géant de
l'agrochimie a de ce fait été contraint de rendre public ces
documents suite à des procédures judiciaires engagées aux
États Unis. De nouveaux documents sont dévoilés
progressivement par séries et les derniers ont levé le voile sur
des pratiques jusqu'alors méconnues de Monsanto.
L'une des grandes pratiques utilisées par Monsanto est
le ghostwriting, qui consiste à agir en « auteur fantôme
». Autrement dit, les employés de Monsanto rédigent des
textes et études, puis demandent à des scientifiques sans lien de
subordination avec la société de les endosser en les signant. Par
cette simple signature, les scientifiques apportent le prestige de leur
réputation au texte en question.
Une autre pratique commune de la firme est le recours à
des consultants extérieurs. Ces derniers sont
rémunérés pour rédiger des travaux sur mesure.
C'est ainsi qu'en 2016, plusieurs articles rédigés par des
consultants du cabinet Intertek et stipulant que le glyphosate n'est pas
cancérigène, ont été publiés dans la
revue Critical Reviews in Toxicology. Ces consultants ne sont
aucunement des scientifiques, ils sont simplement missionnés par
Monsanto pour divulguer des informations en échange d'une certaine somme
d'argent.
Par ailleurs, il a également été
révélé à travers un mail datant de 2015 que
Monsanto était en contact avec un expert de l'Agence américaine
de protection de l'environnement (EPA), Jessie Rowland, qui aurait tenté
d'aider celle-ci à dissimuler les études en cours sur le
glyphosate au sein du département de la santé et des services
sociaux. Ces travaux n'ont d'ailleurs effectivement jamais vu le jour.
d) Acteurs de l'interaction dans la
crise
Si l'affaire du glyphosate a fait débat dans le monde
entier, c'est parce que son envergure est mondiale. Elle a en effet des
répercussions au niveau de la société civile, c'est
d'ailleurs pourquoi des ONG et des associations luttent pour l'interdiction du
glyphosate ; au niveau
25
national puisqu'il revient au 28 États membres de
l'Union européenne d'adopter une décision concernant
l'approbation de la substance ; et également au niveau international car
la santé de la population mondiale et le commerce international sont en
jeu.
On retrouve donc une pluralité d'acteurs dans cette
crise. D'abord l'acteur privé, avec bien évidemment la
multinationale Monsanto et les lobbies qui la représentent ; ensuite,
l'acteur public qui est présent à travers les ONG et les
associations ; et enfin l'État.
En parallèle avec cette multiplicité d'acteurs,
il existe actuellement une véritable situation d'impasse concernant le
glyphosate car il ne s'agit pas là d'un simple conflit
d'intérêt mais de multiples conflits d'intérêts
concernant ce même sujet.
Si l'on se positionne d'un point de vue du respect de
l'environnement et de la santé des consommateurs, on tend à
adopter une position défavorable envers les substances actives
présentant des risques potentiels, et donc envers le glyphosate. Selon
des analyses effectuées par Génération
Futures31, il est fréquent que des résidus de
glyphosate se retrouvent dans les aliments du quotidien tels que les
céréales pour petit-déjeuner, les légumineuses et
les pâtes. En effet, l'ONG a acheté en supermarché 30
produits alimentaires et demandé à un laboratoire
spécialisé d'en examiner les résidus de glyphosate et
éventuellement de son métabolite. Au total, 16
échantillons sur 30 contenaient du glyphosate. Il n'y a cependant pas de
quoi tomber malade mais à terme, d'après l'association, cela
pourrait contribuer à contaminer le tube digestif. Par ailleurs, l'ONG
Amis de la Terre Europe a notamment réalisé une enquête
révélant la présence de traces de glyphosate dans des
urines collectées auprès de volontaires dans 18 pays
européens.32
Pourtant, il est important de prendre également en
considération le point de vue des utilisateurs de pesticides, soit les
agriculteurs majoritairement, qui vivent de leurs récoltes agricoles
grâce à ces produits. En effet, il y a une importante
dépendance aux pesticides qu'on ne peut ignorer. Il est compliqué
d'interdire du jour au lendemain un pesticide sur lequel reposent des
rendements importants qui profitent autant aux agriculteurs qu'aux
consommateurs. Dans un premier temps, il faut donc trouver des substituts
durables aux
31 Générations Futures est une association de
défense de l'environnement agréée par le ministère
de l'Écologie depuis 2008 (renouvellement obtenu en 2014), et reconnue
d'intérêt générale.
32 BERTRAND Marie Noëlle, Les secrets bien gardés
du glyphosate, L'Humanité, Septembre 2016
26
pesticides et encourager l'agriculture biologique, il faut
former les utilisateurs de ces substances à une utilisation prudente et
responsable. Le conflit d'intérêt qui s'impose ici est d'envergure
importante. La santé de l'environnement et des consommateurs
relève d'une nécessité vitale et rend urgent le besoin
d'assainissement ; d'autre part la production agricole des utilisateurs est
mise en péril face à une interdiction brutale de substances
toxiques.
Néanmoins, la santé des agriculteurs rentre
également en jeu car ils sont largement exposés à ces
substances. Cela créé donc un second conflit
d'intérêt entre les agriculteurs plaignants et les agriculteurs
favorables aux pesticides.
Enfin, comme cité précédemment, les
autorités sanitaires internationales et européennes ont abouti
à des résultats différents concernant la toxicité
du glyphosate, créant alors un troisième conflit
d'intérêt dans cette crise. Alors que le CIRC accuse l'EFSA de
s'être mise au service des industriels, cette dernière critique la
prise en compte d'études non évaluées par le CIRC. Si la
dernière critique reste à prouver, la première a
été confirmée par certaines enquêtes du Corporate
Europe Observatory révélant qu'il existe au sein même de
ces organismes des conflits d'intérêt entre les experts et les
industriels.
II. Les répercussions de l'affaire dans
l'UE
Alors qu'on entend souvent que les régulations
européennes sont les plus strictes au monde, les études
réalisées pour l'approbation de certaines substances actives sont
pourtant très controversées. Le cas du glyphosate en est le
parfait exemple. Si l'on tient compte du fait que le nombre de substances
actives approuvées dans les pesticides a été divisé
par deux au sein de l'UE, il en reste toutefois plus de 500 parmi lesquelles
certaines présentent des risques.
a) L'impasse décisionnelle
Les différents conflits d'intérêts ont
rendu particulièrement difficile la décision des États
membres concernant le renouvellement de l'approbation de la substance active du
glyphosate au sein de l'Union européenne. Effectivement, ce
renouvellement nécessite un accord de la majorité des
États membres pour être validé. Alors que la licence
d'autorisation de la
27
substance expirait en décembre 2017, après les
quinze années d'autorisation habituelles des substances actives, les
pays se sont retrouvés dans une situation inconfortable face à
l'hostilité de l'opinion publique, y compris les scientifiques et les
ONG, et la pression des agriculteurs.
Le 27 novembre 2017, la décision a finalement
été prise. Avec une très faible majorité
qualifiée de 65,7% et 9 pays ayant voté contre, la
dernière proposition de la Commission est finalement passée,
à savoir un renouvellement de l'approbation pour cinq ans. Cette
question a été examinée de manière rigoureuse par
la Commission et notamment au sein de collèges de commissaires afin de
trouver une décision qui recueille le plus large soutien possible de la
part des États membres. De plus la Commission a suivi une
procédure scientifique dans le cadre de laquelle des évaluations
scientifiques ont été rendues publiques. Toutefois, cette
décision n'a pas été prise facilement, ni rapidement en
raison du désaccord des pays au sujet du glyphosate. En effet, le vote a
été repoussé à plusieurs reprises, les États
membres ne réussissant pas à se mettre d'accord à la
majorité sur la durée de renouvellement de la licence
d'autorisation du glyphosate.
Communément, la Commission propose une durée
d'autorisation de quinze ans des substances actives, lorsque tous les
critères d'approbation sont remplis. Or, le glyphosate représente
un cas inhabituel, c'est pourquoi des facteurs légitimes ont
été pris en compte lors de la détermination de cette
période de renouvellement ainsi que les résolutions non
contraignantes adoptées par le Parlement européen et les
études du CIRC. De plus, l'initiative citoyenne européenne,
intitulée « Interdire le glyphosate et protéger la
population et l'environnement contre les pesticides toxiques
»33 lancée en janvier 2017, a également
été prise en considération pour la décision
finale.
Par ailleurs, il faut garder à l'esprit qu'on ne peut
enlever de la circulation un produit utilisé par un grand nombre
d'usagers. Hormis l'impact très négatif sur le commerce
international, cela aurait également un impact sur les rendements
nationaux. Un délai est nécessaire pour trouver des alternatives.
Concernant le glyphosate, il en existe certaines mais elles nécessitent
plus de travail et un changement de paradigme agricole. En outre, si
l'alternative est la
33 Une initiative citoyenne européenne (ICE)
est une invitation faite à la Commission européenne de
présenter une proposition législative dans un domaine dans lequel
l'Union européenne (UE) est habilitée à
légiférer. Celle-ci concerne l'interdiction du glyphosate et la
protection de la population et l'environnement contre les pesticides toxiques
(selon le registre officiel du site de la Commission européenne).
28
création d'un nouveau pesticide aussi puissant que le
Roundup de Monsanto, l'histoire risque de se répéter car il sera
probablement aussi nocif pour la santé que son
prédécesseur. La meilleure alternative réside finalement
dans l'adoption d'une agriculture durable, traditionnelle ou innovante qui
nécessitera davantage de temps et d'argent.
? Situation de blocage institutionnel
Toutefois, si l'on revient quelques années en
arrière, en 2002, suite à une évaluation de l'EFSA et la
ECHA établissant le glyphosate comme non toxique pour la santé
humaine et animale et l'environnement, le glyphosate a été
autorisé pour une durée de quinze ans, conformément aux
règles européennes sur les pesticides. En raison de l'ajout de
nouveaux critères dans la législation sur les pesticides de 2009,
une nouvelle étude a été menée, pour
vérifier que le glyphosate était conforme aux nouveaux
critères imposés, prenant compte des études
antérieures. Le bilan était toujours le même : le
glyphosate ne présentait pas de risque cancérigène pour
l'humain. Sur ces conclusions, la Commission avait proposé aux
États membres, en 2016, de renouveler la licence d'autorisation du
glyphosate mais aucune majorité n'a été obtenue en raison
de l'étude du CIRC de 2015 pointant du doigt les effets
cancérigènes probables du glyphosate. Il a alors
été demandé à l'ECHA de trancher entre les deux
études en apportant son avis. Cette dernière a conclu, en se
basant sur les informations disponibles, qu'il n'y avait aucune preuve que le
glyphosate soit cancérigène. Elle s'est donc alignée sur
l'avis de l'EFSA.
En mars 2017, en se fondant sur ces dernières
études de l'EFSA, la Commission a réengagé la discussion
sur l'approbation du glyphosate avec les États membres. Le point de
blocage persistant étant la durée de renouvellement de la
substance, la Commission a proposé de réduire la durée de
quinze ans réglementaire à une durée de dix ans. En
octobre, alors qu'aucune majorité n'avait encore été
dégagée, le Parlement européen s'est prononcé en
faveur d'une élimination progressive du glyphosate dans l'UE d'ici 2022.
La résolution qui a été votée à 355 voix
pour et 204 contre avec un total de 111 abstentions, n'était pas
contraignante, mais elle avait pour but de mettre une certaine pression sur la
Commission européenne afin que cette dernière trouve un compromis
rapidement. Après plusieurs sessions de discussions et de
révisions de la proposition, en novembre, les États membres se
sont finalement accordés en faveur de la dernière proposition
faite par la Commission, à savoir un
29
renouvellement de cinq ans. Le 12 décembre 2017, la
Commission a officiellement adopté l'acte de renouvellement de
l'autorisation du glyphosate pour cinq années.
? Union européenne ou États membres : qui
est responsable de quoi ?
Aujourd'hui, le glyphosate est autorisé dans l'Union
européenne mais chaque pays est responsable de l'autorisation et
l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active.
Seule l'approbation des substances actives est décidée au niveau
de l'Union européenne. Cette répartition des
responsabilités est fondée sur le principe de
subsidiarité. Ainsi, les États membres ont des plans d'actions
nationaux différents concernant les pesticides. L'Union
européenne les accompagne toutefois, à travers une directive sur
l'utilisation durable des pesticides notamment qui donne des objectifs et
recommandations aux États membres pour promouvoir une gestion des
pesticides minutieuse et donner la priorité aux méthodes non
chimiques. La Commission travaille par ailleurs avec les États membres
à diffuser des exemples de bonnes pratiques au sein de groupes de
travail et de formations.
Néanmoins, si les pays peinent à s'accorder sur
de telles décisions aujourd'hui, cela n'est pas sans lien avec la
Politique Agricole Commune (PAC) qui n'est plus adaptée aux enjeux
actuels de l'agriculture. Cette politique, prévue par le Traité
de Rome et entrée en vigueur en 1962, n'a pas été
conçue pour la mise en place d'une agriculture durable mais pour
augmenter les rendements et assurer l'autonomie alimentaire européenne.
Ainsi les objectifs sont désormais différents. Bien que la PAC
soit régulièrement réformée, elle manque
d'efficacité et empêche le passage de nouvelles réformes
visant à protéger l'environnement aux niveaux nationaux.
b) L'influence des lobbies dans l'élaboration
des textes européens
? Le lobbying de Monsanto
Au sein de l'Union européenne, la firme de Monsanto a
su créer son réseau d'influence à Bruxelles afin de
persuader au mieux les parlementaires, les fonctionnaires, les scientifiques et
les journalistes. Si elle est parfois représentée par des
associations ou des groupes de
lobbying peu connus du grand public comme l'International Life
Science Institute (ILSI) ou la Glyphosate Task Force34 (GTF), son
influence n'en est pas moindre. Les lobbies sont présents à tous
les niveaux institutionnels et à travers de multiples canaux.
Concernant la GTF, depuis 2012, le groupe a su faire preuve
d'habileté pour défendre les intérêts du glyphosate.
Il multiplie en effet les communiqués pour démontrer le
caractère inoffensif du produit et prône la transparence pour
renforcer sa crédibilité. L'ILSI, quant à lui, a eu un
impact important sur les régulations européennes en
matière d'OGM, notamment de par le lien étroit que l'institut
entretient avec l'EFSA. Cet institut possède des bureaux aux
États Unis, en Asie, en Amérique du Sud, en Europe et il est
avant tout financé par les sociétés membres telles que
Monsanto, Coca-Cola, McDonald, etc. Sa présence au niveau mondiale
décuple sa force d'influence.
La bataille acharnée livrée pour tenter de
convaincre l'opinion publique et les décideurs est en fait menée
par deux camps : les lobbies industriels et les ONG qui représentent
respectivement l'intérêt privé et l'intérêt
public. Le combat est cependant inégal tant les industriels
bénéficient de moyens plus importants. Les industries telles que
Monsanto n'hésitent pas à dépenser des sommes
considérables pour parvenir à leurs fins. A titre d'exemple, la
firme emploie quatre cabinets de communication et débourserait ainsi
près d'un million d'euros par an pour ses activités de lobbying.
Si l'on prend comme point de comparaison Greenpeace qui est la plus importante
ONG de Bruxelles : elle compte quinze salariés et un budget de 1,6
millions d'euros en 2015, soit presque autant que les dépenses de
lobbying de l'industrie de Monsanto (dont le chiffre d'affaires était de
15 milliards de dollars en 201535). En outre, les choses ne se
jouent pas au niveau des campagnes d'influence, mais au niveau des
comités d'expertises où les industries sont les seules à
pouvoir siéger tant le coût du billet d'entrée est
élevé. La balance n'est donc pas équilibrée dans la
mesure où les ONG ne peuvent se permettre les mêmes
dépenses que les industriels.
? Les stratégies d'influence
34 Le GTF est un consortium composé d'une
vingtaine de compagnies privées de l'agrochimie, présidé
par Monsanto en la personne de Richard P. Garnett, responsable des affaires
juridiques.
Source : Le lobbying de Monsanto : une attaque contre
notre planète et la démocratie, (traduit de l'anglais),
Corporate Europe Observatory, Novembre 2016.
30
35 RABREAU Marine, Qui est Monsanto, ce géant
américain aussi puissant que décrié, Le Figaro,
Mai 2016
31
Étant donné qu'il n'existe pas d'obligation de
transparence concernant le lobbying au sein de l'Union européenne, les
grandes firmes peuvent aisément exercer leur influence par des
stratégies plus ou moins douteuses. Les stratégies les plus
fréquentes sont les suivantes : la stratégie de persuasion des
fonctionnaires européens, la stratégie de diversification des
canaux, la stratégie de « l'essuie-glace » aussi
appelée stratégie des « portes tournantes » (de
l'anglais « revolving doors »), la stratégie
d'ingérence dans les études scientifiques, la stratégie de
décrédibilisation ou encore la stratégie de rachat.
Parmi les stratégies citées ci-dessus, la plus
traditionnelle consiste à aller rencontrer les fonctionnaires
européens en charge du dossier concerné - les commissaires dans
un premier temps, les parlementaires dans un second. Les lobbyistes doivent
trouver les interlocuteurs clés en fonction de l'objectif visé.
En premier lieu, ils cherchent les fonctionnaires en charge du texte de
préparation à la Commission afin d'intervenir le plus tôt
possible dans le processus de décision, au stade embryonnaire de la
réflexion. Ensuite, ils repèrent les personnes capables de faire
remonter leurs revendications au Parlement qui, depuis le traité de
Lisbonne, a gagné en pouvoir. Un lobby peut être porteur
d'amendement à chaque étape du processus législatif en
proposant celui-ci à un député européen.
D'après l'ouvrage de Pierre Bardon sur le lobbying36, les
personnes suivantes représentent les « portes d'entrée
» à Bruxelles : députés et assistants, commissions
parlementaires et comités consultatifs et d'experts, groupes politiques,
rapporteurs, coordinateurs. Cette stratégie repose avant tout sur une
capacité de persuasion du lobbyiste qui doit apporter des arguments
techniques. Une autre voie possible est de devenir attaché parlementaire
d'un député européen pour avoir un accès permanent
au Parlement. En complément à cette stratégie
traditionnelle, les plus gros lobbies ont pour habitude de diversifier leurs
canaux de lobbying. Le fait de trouver parmi ses défenseurs
d'intérêts une fédération, un expert, ou encore une
ONG peut multiplier l'influence d'une entreprise sur la prise de
décision. Il s'agit d'un véritable jeu des alliances. On compte
ainsi autant de fonctionnaires européens que de lobbyistes à
Bruxelles.
Beaucoup plus controversée, la stratégie la plus
répandue dans le monde du lobbying est celle de l'essuie-glace, aussi
appelée le « système des portes tournantes ». Cette
méthode consiste à passer d'un poste de haute
responsabilité dans la fonction publique à un poste dans un
cabinet
36 BARDON Pierre, Le Lobbying, 2012.
32
d'influence tout en continuant à suivre les mêmes
dossiers. De ce fait, les cabinets héritent du savoir-faire des
initiés et d'un accès privilégié à certains
contacts clés. L'ONG Corporate Europe Observatory a d'ailleurs
créé un site Internet37 afin de recenser tous les cas
de hauts fonctionnaires qui se sont orientés vers un poste privé.
L'exemple le plus emblématique dans le cas de Monsanto est celui de
Michael Taylor. En effet, à quatre reprises, ce lobbyiste a
alterné des postes publics et privés durant sa carrière.
Il a tout d'abord intégré la Food and Drug Administration (FDA)
avant de devenir avocat pour Monsanto. En 1991, il a de nouveau
travaillé à la FDA puis a intégré le
Ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) de 1994 à
1996. Au sein des deux postes, il traitait le même sujet, à savoir
la régulation des aliments génétiquement modifiés.
En 1996 et jusque 2000, il a de nouveau travaillé pour Monsanto en tant
que Vice-président des politiques publiques. Finalement, en 2009, sous
l'administration d'Obama et la nomination de ce dernier, il a
réintégré la FDA, en tant que Conseiller Supérieur
de l'organisation.
Une autre stratégie utilisée couramment est
celle qui consiste à s'ingérer dans les études
menées par les agences scientifiques indépendantes, afin d'en
modifier leurs résultats concernant l'évaluation de ses
substances. Ces agences sont la proie idéale pour les
sociétés prêtes à tout pour parvenir à leurs
fins. L'autorité européenne de sécurité des
aliments (EFSA) sur laquelle se repose l'Union européenne pour
l'autorisation de substances actives, ne fait pas figure d'exception à
cette coutume. Elle souffre d'un net manque de transparence et
d'indépendance. Selon une étude menée en 2013 par le
Corporate Europe Observatory, presque 60% des experts de l'EFSA ont ou ont eu
un lien avec une société de biotechnologie, de pesticide ou
d'agroalimentaire. Pourtant tous les experts se doivent normalement de remplir
une déclaration de conflit d'intérêt et déclarer
toute relation qu'ils pourraient entretenir avec une quelconque organisation ou
entreprise. En outre, l'indépendance des structures publiques est
menacée par l'utilisation d'études d'évaluations de
risques sanitaires réalisées par les industries
elles-mêmes. Protégées par le secret des affaires et de la
protection des brevets, ces études restent alors dans le domaine
privé. Effectivement l'agence prend en compte toutes les études
scientifiques existantes, y compris celles qui n'émanent pas de
l'industrie en question, toutefois la charge de la preuve repose sur
l'entreprise qui veut introduire son produit sur le marché : cette
dernière doit donc fournir toutes les preuves qui
37 « Revolving Door Watch » est le nom de cette base de
données (
https://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch)
33
montrent que le produit n'est pas dangereux, mais rien ne
garantit que ces preuves soient fiables.
Par ailleurs, si les multinationales ne parviennent pas
à s'ingérer dans ces études, elles s'acharnent contre les
agences scientifiques. La méthode est plutôt brutale. Les
lobbyistes utilisent ainsi tous les moyens à leur portée pour
défendre l'intérêt en jeu et décrédibiliser
l'organisme visé. Dans le cas de Monsanto et du glyphosate, c'est le
CIRC qui a été sujet à ces pratiques et par
conséquent l'OMS, sa maison mère. Les hostilités ont
été ouvertes le 20 mars 2015, date de publication des conclusions
d'enquête du CIRC concernant la toxicité du glyphosate. Dès
lors, afin d'obtenir des données sensibles sur le fonctionnement et les
financements du CIRC, des lobbyistes n'ont pas hésité à se
faire passer pour des journalistes, des chercheurs ou des avocats pour
approcher le personnel de l'agence. Depuis, les experts sont
dénigrés par des rumeurs et harcelés par des avocats, les
financements de l'agence ont été réduits, tout comme sa
crédibilité et son intégrité.
Finalement, la méthode la plus simple pour les
multinationales, en vue de leurs capacités financières, consiste
à racheter des sociétés de semence locales afin
d'élargir leur degré d'influence au sein des associations de
semaines nationales. A titre d'exemple, Monsanto a racheté des
entreprises de semences végétales aux Pays Bas telles que De
Ruiter.
c) Les mesures correctives
adoptées
? Le Règlement REACH
Face aux nombreux scandales survenus, relatifs aux substances
chimiques, l'UE a mis en place un règlement, le REACH, qui s'applique
sans transposition dans tous les États membres de l'Union
européenne et dans les 3 pays appartenant à l'espace
économique européen, à savoir le Lichtenstein, l'Islande
et la Norvège. Le dispositif, entré en vigueur en 2007, vise
à protéger la santé humaine et l'environnement contre les
risques liés aux substances chimiques, en favorisant la
compétitivité de l'industrie chimique de l'UE. Ainsi toutes les
substances chimiques fabriquées, importées et mises sur le
marché européen doivent être recensées,
évaluées et contrôlées selon ce règlement.
Les étapes à suivre sont les suivantes :
34
- L'enregistrement préalable obligatoire dans le
registre pour les substances produites ou importées en quantité
égale ou supérieure à une tonne par an et par entreprise
auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). La
date limite réglementaire de la dernière phase d'enregistrement
étant fixée au 31 mai 2018, après cette date, les
producteurs et importateurs qui n'ont pas enregistré leurs substances ne
pourront pas les introduire sur le marché européen.
- L'évaluation par l'ECHA et par les autorités
nationales des informations figurant dans les dossiers soumis par les
entreprises. Ce sont au total plus de 21 000 substances qui ont
été soumises depuis 2008.38
- L'autorisation ou la restriction selon
l'évaluation.
Le problème qui ressort de ce règlement se
trouve dans le fait de déléguer aux acteurs industriels cette
responsabilité de fournir des informations sur les risques chimiques
pour l'humain et l'environnement. Les industries sont-elles réellement
les mieux placées pour juger objectivement des risques encourus ? Il est
à noter par ailleurs que cette implication des industries empêche
le fonctionnement du principe de transparence car l'ECHA ne peut
révéler ses études protégées par le domaine
privé.
? Les réactions de la Commission
européenne
La nouvelle Commission Juncker a annoncé en 2015, un
projet d'accord interinstitutionnel avec le Parlement européen et le
Conseil de l'UE visant la création d'un registre des
représentants d'intérêts couvrant les trois institutions.
Toutefois, ce registre resterait facultatif. Cette nouvelle Commission a
notamment opéré des changements concernant la transparence des
fonctionnaires européens : depuis le 1er décembre 2014, les
commissaires, membres de leurs cabinets et directeurs généraux
doivent publier des informations relatives aux rencontres avec des
représentants d'intérêts en précisant les dates,
lieux, ainsi que les sujets abordés. Pour être réellement
efficace, cette mesure devrait impliquer notamment les entreprises et/ou
directeurs généraux qui emploient ces représentants
d'intérêts.
Les initiatives en faveur de davantage de transparence au
niveau des institutions européennes restent tout de même peu
fréquentes, elles se présentent généralement en
réponse aux pressions de la société civile. En
décembre dernier par exemple, la Commission européenne a
38 REACH registration result since 2008 selon le site
de l'ECHA.
35
répondu à l'initiative citoyenne
européenne élaborée en 2016 à l'heure où les
débats autour de la réautorisation du glyphosate dans l'Union
européenne ont débuté. Elle a ainsi annoncé des
mesures visant à rendre plus transparent le processus d'autorisation, de
restriction ou d'interdiction de l'utilisation des pesticides. Sur cette base,
la Commission doit présenter incessamment sous peu une proposition
législative en vue de renforcer la transparence et la qualité des
études utilisées aux fins de l'évaluation scientifique de
substances. En attendant, le Parlement européen a mis en place au
début de l'année une commission spéciale sur le
système de validation des pesticides par les instances
européennes.
En outre, tandis que l'UE est accusée par
Foodwatch39 de ne pas suffisamment résister aux lobbies et de
ne pas appliquer le principe de précaution, la Commission tente de
trouver de nouvelles solutions pour faire face aux lobbies de l'industrie qui
sèment le doute scientifique. Le Président de la Commission, Jean
Claude Juncker, a d'ailleurs décidé de renforcer le code de
conduite qui s'impose aux commissaires européens ainsi qu'à
lui-même le 1er février 2018. Les changements
concernent les délais de carences avant de reprendre une activité
professionnelle, allongé de 18 mois à 2 ans pour les commissaires
européens et de 3 ans pour le président. En cas de reprise
d'activité, ils doivent le signaler à la Commission. A noter que
les professions en lien avec le lobbying sont proscrites afin d'éviter
tout type de conflit d'intérêts.
La Commission a, par ailleurs, décidé
d'interdire aux employées de Monsanto l'accès au Parlement
européen en septembre 2017, alors que l'entreprise avait
décidé de ne pas se présenter devant l'institution suite
à une convocation de cette dernière en lien avec les Monsanto
Papers. La multinationale reprochait alors à l'UE de politiser le sujet.
Cette interdiction reste toutefois symbolique puisque Monsanto restera
présent par le biais des nombreuses organisations professionnelles dont
l'entreprise est membre ou de cabinets de conseil qu'elle
rémunère pour défendre ses produits.
d) Les préoccupations européennes et
internationales
39 Critique faite par la Directrice
générale de l'ONG Foodwatch, Karine Jacquemard.
Source : Glyphosate : "L'Union européenne ne
résiste pas suffisamment aux lobbies" estime Foodwatch, par France
Info, Octobre 2017.
36
La difficulté de prise de décision des
États membres concernant le renouvellement de la licence du glyphosate
traduit clairement le désaccord de ces derniers à ce sujet.
Tandis que certains voudraient le voir totalement interdit, comme l'Italie,
d'autres souhaiteraient une disparition plus progressive afin de trouver un
produit de substitution. Au total, ce sont 18 pays qui ont voté pour, 9
pays qui ont voté contre et un pays s'est abstenu40. Mais le
problème va bien au-delà car le désaccord n'est pas
seulement entre les États membres eux-mêmes, il est aussi
présent à l'intérieur de ces États. D'un
côté les agriculteurs militent pour la prolongation de
l'homologation du glyphosate, de l'autre, la population est de plus en plus
sensible aux risques sanitaires des pesticides.
Il en ressort ainsi que le lobbying qui s'exerce auprès
des institutions communautaires est notamment le fait d'intérêts
nationaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une Initiative citoyenne
européenne a été lancée pour faire davantage
entendre la voix des citoyens européens plutôt que celle des
représentants des États membres. Ce texte appelle à
l'interdiction du glyphosate mais aussi à des changements dans les
procédures européennes d'évaluation scientifique des
pesticides. De plus, au-delà de l'échelle européenne,
cette crise entraine des conséquences à l'échelle
mondiale, notamment en Amérique du sud où Monsanto investit
énormément mais également dans tous les continents du
globe.
Ainsi nous allons analyser dans un premier temps la position
démarquée de trois pays face au vote de renouvellement de la
licence du glyphosate : La France car elle s'est fermement opposée
dès le début de la crise et jusqu'au vote final à ce
renouvellement ; l'Allemagne car elle a fait basculer le vote final en
changeant d'avis et le Portugal car il figurait seul dans la liste des
abstentions du vote final. Dans un second temps, nous verrons l'impact
engendré par la crise à une échelle plus poussée,
autrement dit au niveau mondial.
? France
Tout d'abord, la France est le premier pays utilisateur de
pesticide au niveau européen et le troisième au niveau mondial,
l'agriculture étant fortement dépendante des produits
phytosanitaires. Ce sont au total 9 000 tonnes de glyphosate
pulvérisées chaque année. Pourtant, l'hexagone faisait
partie des pays opposés à la proposition de la Commission
européenne de renouveler pour dix ans la licence du glyphosate. Il
s'avère en effet que depuis
40 Cf. Annexe 3
37
des décennies, le pays cherche à réduire
l'usage des pesticides. En 2008, par exemple, le ministre de l'Agriculture
français, Michel Barnier, présentait au gouvernement un plan
ambitieux41 visant à réduire de moitié l'usage
des pesticides et à introduire un nouveau modèle agricole. Le
bilan n'est pas positif : entre 2009 et 2013, l'utilisation de ces produits a
augmenté de 5%. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait que ce plan
soit basé sur un principe de « bonne volonté » et que
l'agro-business freine les possibilités de changement et
d'évolution.
Concernant le renouvellement du glyphosate, suite au vote de
renouvellement de la licence pour cinq ans, Emmanuel Macron avait promis qu'il
serait interdit en France dès que des alternatives seraient
trouvées, au plus tard dans 3 ans. Les traités européens
autorisent en effet les États membres à refuser ou émettre
des restrictions quant à la commercialisation de certains pesticides en
fonction des circonstances agricoles et environnementales
nationales42. La France pourra ainsi bannir l'utilisation sur le sol
français en ciblant les produits contenant la substance active et en
faisant prévaloir le principe de précaution.
Il est à noter toutefois que l'utilisation du
glyphosate en France est partiellement encadrée depuis le 1er
janvier 2017 conformément à la loi relative à « la
transition énergétique pour la croissance verte ». Ainsi les
il est interdit pour les collectivités territoriales, les
établissements publics et l'État d'utiliser des produits
phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, des forêts, de la
voirie ou des lieux publics. Cette loi semble bien reçue par les
communes, certaines ayant même décidé d'aller
jusqu'à adopter une démarche « zéro phyto ».
L'utilisation par les particuliers quant à elle sera interdite à
partir du 1er janvier 2019. En effet, cette autre mesure reposera
sur l'interdiction de commercialiser et de détenir des produits
phytosanitaires à usage non professionnel.
? Allemagne
Le contexte politique allemand fin 2017 n'étant pas
favorable en raison d'une division au sein du gouvernement entre la CDU et les
sociaux-démocrates du SPD, l'Allemagne n'avait pas
41 Le plan « Ecophyto 2018 »
élaboré à la demande de Nicolas Sarkozy.
42 En France, la procédure d'autorisation
est menée par l'Anses qui vérifie que les produits soient
composés de substances autorisées pour l'usage qui va en
être fait. L'organisme contrôle notamment leur efficacité et
leur innocuité sur la santé humaine et animale et sur
l'environnement. Depuis le 1er juillet 2015, selon les dispositions de la loi
d'orientation agricole de 2014, l'Anses est également responsable de la
décision de mise sur le marché. (cf. Annexe 1)
38
émis d'avis définitif au sujet du glyphosate et
s'était jusque-là abstenue au cours des séances de vote.
En décembre dernier, elle s'est finalement ralliée à la
dernière proposition de la Commission européenne, en imposant
toutefois un certain nombre de conditions sur l'usage privé du produit
et le respect de la biodiversité. Selon l'eurodéputée
Europe Ecologie les Verts, membre de la Commission environnement, santé
publique et sécurité alimentaire au Parlement, Michèle
Rivasi, le changement de position de l'Allemagne a été
déterminant dans ce vote. Ce changement de position n'est sans doute pas
sans lien avec la fusion de Monsanto et Bayer, société chimique
et pharmaceutique allemande, qui va former un nouveau géant de
l'agrochimie. Il se peut également qu'il y ait des raisons politiques
derrière ce choix dans la mesure où il y avait
précédemment une coalition entre le CDU et le Parti des Verts qui
n'est plus d'actualité.
Cependant cette décision a été vivement
critiquée au sein même du gouvernement allemand. La ministre de
l'environnement Barbara Hendrick, qui s'était entretenue avant le vote
avec son collègue ministre de l'agriculture Christian Schmidt, accusait
ce dernier de ne pas avoir respecté la décision qu'ils avaient
convenue au préalable, à savoir une nouvelle abstention de la
part de l'Allemagne.
? Portugal
Le Portugal, qui représente 2,02% de la population
européenne, avait maintenu une position de réserve en s'abstenant
lors des votes sur la réautorisation du glyphosate, à l'instar de
l'Allemagne. Le Ministre de l'Agriculture portugais a cependant interdit
l'usage de la substance dans les espaces publics, notamment les espaces
liées à l'alimentation.
Toutefois, le pays n'échappe pas au désordre
populaire engendré par le débat sur le glyphosate. Le Parti Vert
portugais (PEV) a déclaré ne pas soutenir le choix d'abstention
du gouvernement. Quant à l'Association nationale de l'industrie pour la
protection des plantes (Anipla) qui défend l'usage du glyphosate, la
position neutre du Portugal est « préoccupante et injuste pour
l'ensemble du secteur agricole portugais »43.
? Préoccupation internationale
43 D'après un tweet de Remo Hess,
correspondant suisse à Bruxelles. Ce dernier a également
comptabilisé sur Twitter les pays ayant voté pour et les pays
ayant voté contre.
39
Par ailleurs, si ce débat européen a pris une
envergure mondiale, ce n'est pas sans raison. Le commerce international s'en
est retrouvé menacé, c'est pourquoi le renouvellement de
l'autorisation du glyphosate en Europe est suivi de près par l'ensemble
des puissances agricoles du monde. Effectivement, le bannissement de cette
substance active qui, pour rappel, est le principal actif de l'herbicide le
plus utilisé au monde, aurait un impact conséquent pour les
grands exportateurs de matières premières agricoles. C'est la
raison pour laquelle le Brésil, l'Argentine, le Canada, le Chili, la
Nouvelle Zélande ou encore l'Australie ont interpellé Bruxelles
pour faire part de leur inquiétude44. Le Ministre de
l'agriculture argentin est même allé jusqu'à s'adresser
directement aux commissaires européens à l'Agriculture et
à la santé pour partager ses craintes concernant les exportations
de soja.
Pourtant ces pays sont parmi les plus affectés par les
effets négatifs des pesticides et par les pratiques douteuses de
Monsanto. En effet, ne bénéficiant pas d'un climat adapté
à l'agriculture, ces pays favorisent les plantations
génétiquement modifiées qu'ils abreuvent d'engrais
chimiques et de pesticides toxiques. Par ailleurs, entre 2010 et 2011, Monsanto
a apporté son soutien financier à certains pays comme le
Brésil, l'Indonésie, le Mexique, le Kenya, le Paraguay. La
question est de savoir si la multinationale a versé ces fonds par
solidarité ou pour profiter de la défiscalisation qui en
découlait. La réponse penche sans doute davantage vers la
deuxième option. En 2012, Monsanto a été suspendue
à deux reprises du Registre national argentin des Céréales
car cette dernière ne payait pas les taxes nationales. En outre,
l'entreprise avait déclaré verser des sommes d'argent fictives
à des sociétés installées dans des paradis fiscaux
(Monsanto Panama, Monsanto Bermudes) dans le but de payer moins d'impôts
sur ses bénéfices45. Ce n'est qu'un exemple parmi
d'autres machinations opérées par Monsanto pour préserver
ses bénéfices.
Par ailleurs, les nouveaux accords de libre-échange en
cours de finalisation comme l'Accord de commerce entre l'Union
européenne et le Canada (CETA) se sont trouvés freinés par
le sujet. Le CETA vise à harmoniser les normes sanitaires, sociales et
environnementales des parties prenantes et à soumettre au
préalable les différents projets aux autorités de
44 MARKS Simon, PARAVICINI Giulia, Fears grow that EU
glyphosate ban could disrupt global trade, Politico, Octobre 2017.
45 NOISETTE Christophe, OGM en Argentine : l'enfer du
décor, Inf'OGM, Décembre 2014
40
réglementations. Cependant il n'apporte aucune garantie
spécifique en matière de respect du principe de
précaution. Les pays signataires de cet accord se sont engagés
pour que les évaluations soient fondées sur des preuves
scientifiques et qu'elles ne soient pas maintenues sans preuves scientifiques
suffisantes. Dans le cas du glyphosate, nombreuses sont les preuves
scientifiques garantissant que la substance n'est pas dangereuse. Ainsi,
puisque l'interdiction pure et simple du glyphosate relève des
compétences communautaires, si l'un des États membres prend une
telle décision, il donnera la possibilité aux investisseurs
canadiens de les poursuivre pour exiger des compensations à hauteur du
manque à gagner estimé. Le Canada est d'ailleurs
déjà sur la défensive, accusant l'Italie d'utiliser le
dossier du glyphosate à des fins de protectionnisme. Utilisant le
blé canadien pour la fabrication des pâtes, l'Italie est le
premier importateur du Canada, donc son plus gros client. En somme, en vue des
conséquences majeures d'une interdiction éventuelle du glyphosate
dans l'un des États membres, notamment sous les accords de
libre-échange en cours, peu de pays sont susceptibles de s'engager dans
cette voie.
III. Les autres secteurs du lobbying
L'Union européenne oriente l'évolution des
industries européennes dans divers secteurs avec la mise en place de
taxes, d'impôts, de la concurrence, de standards européens qui
peuvent s'avérer être une source de contrainte ou entrainer une
baisse de chiffre d'affaires. C'est pourquoi, dans chaque secteur, des milliers
de lobbyistes sont engagés pour influer sur les décisions
européennes.
Les plus grandes firmes globales de relations publiques
oeuvrent en effet pour des multinationales de différents secteurs. Par
exemple, Fleishman Hillard, possédant un réseau de 111 bureaux
dans le monde, compte parmi ses clients plusieurs géants du secteur
bancaire dont BNP Paribas, du secteur pétrolier, dont Total, du secteur
de l'agroalimentaire, dont Monsanto, du secteur agro-alimentaire. Au niveau
européen, on peut citer BusinessEurope, la plus grande
confédération des entreprises européennes,
implantée dans 34 pays européens. Elle représente une
quarantaine d'organisations et d'entreprises nationales qui sont
elles-mêmes des lobbies et des entreprises privées telles que
Bayer, BMW, BP, Google, Microsoft, Total, Shell, Volkswagen... D'après
le CEO, certaines positions adoptées par l'Union européenne
(concernant les échanges commerciaux, la politique industrielle, la
politique
41
numérique et la protection des données, la
politique énergétique...) ressemblent très souvent
à des documents d'orientation politique émanant de
BusinessEurope, ce qui démontre l'influence importante du groupe
à l'échelle européenne. Ainsi les négociations
TTIP, TAFTA, CETA se sont menées avec BusinessEurope à la table
des législateurs.
Il est par ailleurs intéressant de noter que certaines
grandes rencontres organisées par BusinessEurope, telle que la grande
messe annuelle avec la Commission européenne, se déroulent dans
des lieux institutionnels, le cas échéant il s'agissait du
siège de la Commission, au Berlaymont. C'est encore là une preuve
de l'omniprésence des lobbies dans le milieu institutionnel
européen. Il reste à vérifier si dans les faits, les
commissaires, tenus de chercher à trouver un équilibre et une
représentativité adaptés dans leur rencontre avec les
différentes parties prenantes, respectent cet engagement.
Parmi les plus importants lobbyistes européens, sont
fortement représentés à Bruxelles les secteurs de la
pharmacie, de l'énergie, de la finance et de la banque, du tabac, de la
défense. Chacun de ces secteurs a traversé ou traverse
actuellement une crise comparable à celle du secteur de
l'agroalimentaire que nous avons étudié : le secteur
pharmaceutique s'est vu menacé par les scandales sanitaires et les
scandales liés aux médicaments ; le secteur de l'énergie a
dû affronter les crises du pétrole, du nucléaire et des
énergies renouvelables ; le secteur de la banque a dû faire face
à la fameuse crise financière de 2008 ; le secteur du tabac a
traversé diverses crises, dont la plus récente est celle du
« Filtergate » ; enfin le secteur de la défense se
développe avec la crise liée au terrorisme. Voyons à
présent, si les stratégies employées dans ces autres
secteurs diffèrent de celles opérées par Monsanto.
a) Le secteur pharmaceutique
La réglementation sanitaire est l'une des plus
délicates car elle concerne notre santé et notre survie. Pourtant
les industriels n'hésitent pas à faire prévaloir leurs
intérêts privés. En effet, les firmes pharmaceutiques ne
lésinent pas sur les moyens humains et financiers quand il s'agit
d'influencer les décisions européennes. En 2014, leurs
dépenses en lobbying se sont élevées à 40 millions
d'euros46. L'industrie pharmaceutique n'est toutefois pas la seule
à agir :
46 DE VULPILLIERES Eléonore, Lobbies
pharmaceutiques et Commission européenne : l'amour fou, Le Figaro,
Septembre 2015
42
toute la chaine du médicament, de la production des
molécules à la commercialisation fait l'objet d'un lobbying
important à Bruxelles pour améliorer sa rentabilité.
La menace pesant sur le secteur pharmaceutique depuis
l'entrée des brevets principaux dans le domaine public, la concurrence
des médicaments génériques, les évolutions
technologiques et l'épuisement de la pharmacie traditionnelle, ont
d'ailleurs contribué à renforcer ce lobbying. Pour faire face aux
dangers grandissants, les lobbies employés dans ce secteur ont mis en
place une stratégie redoutable consistant à s'infiltrer à
tous les niveaux du système public de santé, leurs contacts
privilégiés étant les médecins. On peut par exemple
citer l'industrie Big Pharma qui finance à elle seule l'OMS, la
formation continue des médecins après l'obtention de leur
diplôme, l'ANSM soit l'organisme sensé vérifier
l'efficacité des médicaments en France, les universités,
les revues médicales, etc.47 Cette omniprésence
intègre en outre la stratégie des portes tournantes, impliquant
des allers retours entre l'industrie pharmaceutique et les organismes
d'autorité publique.
A travers ce large spectre d'influence, certaines grandes
firmes auraient été jusqu'à inventer des maladies à
soigner pour relancer l'industrie pharmaceutique. Dans cette même
stratégie, les industries mettent en oeuvre les moyens
nécessaires pour conserver une image de sauveur de l'humanité en
finançant des fondations, des associations humanitaires, des ONG par
exemple. En réalité, elles s'appuient sur ces organismes publics
pour faire pression sur les décideurs publics et la
société civile.
Selon Claire Séverac, il existerait même un
complot mondial entre le secteur pharmaceutique et le secteur agroalimentaire.
En effet, les industries de l'agroalimentaire qui fabriquent des engrais et
pesticides se déversant sur nos sols participent à la
détérioration de la santé de la population à
travers ces produits chimiques. La santé humaine étant
menacée, l'industrie pharmaceutique peut ainsi produire et
commercialiser des médicaments. L'auteur dénonce également
le fait que les acteurs provenant de l'industrie agroalimentaire sont parfois
les mêmes acteurs que ceux de l'industrie pharmaceutique.
b) Le secteur de l'énergie
47 SEVERAC Claire, Complot Mondial contre la
santé, Edition Elie & Mado, 2010
43
Alors que l'UE s'est fixée comme objectif d'assurer
l'approvisionnement énergétique du continent, de maintenir des
prix abordables et de réduire la consommation d'énergie, les
lobbies tentent de faire prévaloir les intérêts
privés des entreprises qu'ils défendent. Si aujourd'hui la
question énergétique se trouve à la tête de l'agenda
européen, cela s'explique par l'urgence de la situation. Et c'est dans
cette urgence que l'on voit se multiplier des sommets et rencontres afin de
trouver des solutions face aux enjeux actuels, auxquels les lobbies de
l'industrie de l'énergie tentent de participer à tout prix.
Durant les dernières années, les quelques milliers de lobbyistes
de l'industrie gazière ont multiplié les rendez-vous
auprès des commissaires européens du secteur de l'énergie
pour les convaincre de privilégier l'énergie fossile et de
financer les grandes infrastructures pour irriguer l'Europe. L'entreprise Total
quant à elle, a dépensé plus de 2,5 millions d'euros de
frais de lobbying et agit directement auprès de la Commission
européenne. Les lobbies sont parvenus, à travers ces liens
instaurés au niveau institutionnel, à faire valoir leurs
positions au plus haut niveau. Face à leurs moyens
déployés, les ONG telles que le CEO, les Amis de la Terre ou
Attac France sont désemparées.
En outre, la réalité géopolitique oblige
l'UE à penser à des moyens de réduire la dépendance
énergétique à l'égard de la Russie. Le
déploiement d'infrastructures gazières semble être la
solution choisie par l'UE sous l'influence des lobbies, pour remédier
à cela en vue des nombreux projets mis en place tels que le projet
MidCat reliant l'Espagne et la France ou encore le projet Galsi reliant
l'Algérie à l'Italie.
Par ailleurs, le secteur de l'énergie n'échappe
pas à la stratégie des « portes tournantes ». Selon un
document intitulé « Revolving doors and the fossil fuel industry
»48, publié par le groupe politique parlementaire des
Verts : à travers 13 pays étudiés, 88 cas de « portes
tournantes » ont été recensés. Pour n'en prendre
qu'un exemple, en 2005, l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder a
été embauché par le géant russe Gazprom pour
conduire le projet du gazoduc Nord Stream. Il est difficile de mesurer l'impact
des portes tournantes sur les politiques européennes, mais il est
toutefois nécessaire de les réguler et les encadrer. C'est
d'ailleurs ce que réclame le groupe politique des Verts : un code de
bonne conduite renforcé applicable à tous les décideurs
publics qui obligerait ces derniers à présenter le détail
de leurs fonctions passées dans le privé.
48 The Greens/EFA Group in the European Parliament,
Revolving Doors and the Fossil Fuel Industry: Time to tackle conflicts of
interest in climate policy-making, Mai 2018
44
c) Le secteur de la banque et de la
finance
Les lobbies bancaires et financiers sont parmi les plus
influents49 : l'Union européenne à sa création
était une communauté avant tout économique. Selon le CEO,
plus de 700 entités employant plus de 1700 lobbyistes
représentent le secteur de la finance à Bruxelles pour des
dépenses allant jusqu'à 120 millions d'euros par an50.
S'il s'agit de l'un des plus puissants lobbies, il s'agit aussi de l'un des
plus critiqués par les ONG qui les accusent de ne pas figurer dans le
registre de transparence de l'UE ou de déclarer des chiffres
erronés dans ce dernier. Pourtant, selon les règles
européennes en vigueur depuis le 1er décembre 2014,
les rencontres entre sociétés et hauts fonctionnaires
européens ne sont autorisées que si les sociétés en
question sont inscrites dans le registre. Cette règle a contraint les
lobbies à faire preuve de plus de transparence.
Dans ce secteur, l'une des stratégies courantes est de
s'ingérer dans les groupes consultatifs qui conseillent la Banque
centrale européenne. La BCE a besoin d'une expertise externe pour mener
à bien la politique monétaire de l'UE, c'est pourquoi 22 groupes
consultatifs sont chargés de fournir des conseils et des recommandations
aux décideurs de la BCE. Selon Wikistrike, sur 517 sièges
disponibles dans les groupes, 508 ont été affectés
à des représentants d'institutions financières
privées, soit plus de 98% des sièges. La question de
l'acceptabilité de l'ingérence des industriels dans les
institutions européennes se retrouve au-devant de la scène une
nouvelle fois. Le CEO a d'ailleurs demandé à la Commission des
affaires économiques et monétaires de mettre en place des
règles sur la composition et le travail des groupes consultatifs.
Par ailleurs, on retrouve dans ce secteur, l'usage
répétitif des portes tournantes. L'ancien président de la
Commission européenne, Manuel Barroso, a été
recruté en 2016 par la banque Goldman Sachs, la plus grande banque
d'investissement au monde, après la période des 18 mois
imposés par le code de conduite des commissaires européens. Son
rôle est de conseiller la banque d'affaires américaine dans la
mise en oeuvre du Brexit. Si cette décision a été
49 Cf. Annexe 4
50 The Fire Power of the Financial Lobby, Survey of
the Size of the Financial Lobby at the EU Level, Corporte Europe Observatory,
Avril 2014
45
fortement critiquée, c'est surtout en raison du fait
que Goldman Sachs était l'un des établissement phares
responsables de la crise des subprimes ou encore qu'elle ait aidé la
Grèce à cacher ses comptes publics au début des
années 2000. Certains fonctionnaires européens ont d'ailleurs
lancé une pétition de protestation qui a recueilli plus de 150
000 signatures. De nombreuses ONG accusent en outre l'ancien président
de ne pas avoir respecté le code de conduite des commissaires
européens. La médiatrice européenne, Emily O'Reilly, s'est
saisie de l'affaire ainsi que le Comité d'éthique de
l'exécutif européen qui a finalement conclu que M. Barroso
n'avait pas violé les règles en vigueur. Par le passé,
d'autres responsables européens comme Mario Draghi51 ou Peter
Sutherland52, avaient déjà travaillé chez
Goldman Sachs avant ou après leur prise de fonction dans l'UE.
d) Le secteur du tabac
L'influence du lobby de l'industrie du tabac auprès des
institutions européennes est très controversée. Il n'en
est pas moins l'un des plus puissants. Alors que ce marché
représentait en 2011 un chiffre d'affaires de 742 milliards de dollars,
ce sont au total six millions de victimes chaque année dans le monde des
conséquences de la consommation de tabac ou du tabagisme passif
d'après l'OMS53. S'il emprunte les mêmes codes que les
autres secteurs, ce lobby est un cas à part car la dangerosité du
tabac sur la santé humaine n'est un secret pour personne. Pourtant,
l'industrie du tabac a longtemps délibérément caché
certaines informations dans le but de protéger ses rendements.
Diverses pratiques ont été menées par
l'industrie du tabac, relativement similaires à celles de Monsanto qui
s'en est vraisemblablement inspirée. En effet, l'industrie, avec l'aide
de ses lobbies, s'est organisée pour semer le doute sur la
nocivité du tabac en rémunérant des scientifiques
influents pour publier des rapports réfutant les recherches et
découvertes d'experts reconnus. Elle s'est de cette manière
attaquée à l'EPA (organisme de protection de l'environnement
américain) ou encore l'OMS (Office Mondiale de la Santé). En vue
de la
51 Économiste, banquier italien et
3ème président de la Banque centrale européenne
depuis novembre 2011. Il a été entre 2002 et 2005
vice-président pour l'Europe de Goldman Sachs.
52 Homme politique et d'affaire irlandais,
commissaire européen à la concurrence entre 1985 et 1989,
président de Goldman Sachs International entre 2005 et 2015.
53 GUERNE-HAMEAU Katia, NIELSEN Elise, SENOUCI Hacène,
TONI Daniel, ESSEC School, Analyse des pratiques de Guerre de l'information
utilisées par l'industrie du tabac pour assurer sa survie et sa
pérennitéì , Février 2013
46
difficulté de défendre cette cause, les
industriels ont finalement opté pour un changement de stratégie :
Philip Morris a ainsi tenté de convaincre la République
Tchèque, en 1998, de ne pas suivre la législation de l'Union
européenne avec une étude prouvant que les décès
précoces de fumeurs permettaient une économie de plus de 17
millions d'euros à l'État sur les retraites, les dépenses
sociales, les logements, etc. Par ailleurs, les industriels se sont
lancés dans des initiatives pour garantir leur responsabilité
sociétale et se sont érigées en donateur auprès
d'oeuvres caritatives afin exercer des pressions indirectement. Toutes ces
méthodes visent au même résultat :
délégitimer les lois anti-tabac et renforcer une image de gardien
de la liberté de choix des consommateurs.
Face à l'influence colossale de l'industrie du tabac,
l'Union européenne tente de poser des réglementations. En 2002,
le Parlement européen a voté pour l'interdiction partielle de la
publicité du tabac. En outre, une directive européenne
adoptée en 2014 54 , devant être transposée dans
les législations au plus tard en mai 2016, établit des
règles sur la fabrication, la présentation et la vente du tabac
et des produits dérivés. Cependant, certains États membres
se sont vu freinés dans la mise en oeuvre de telles mesures par l'action
des lobbies au niveau national. Ces derniers se positionnent alors en victime
face aux gouvernements qui tentent de limiter la consommation du tabac à
travers l'augmentation de taxes sur les produits. Ils mettent alors le doute
sur la cohérence des législations à travers une guerre de
l'information ou s'adonnent à des pratiques de corruption. C'est ainsi
qu'en 2012, selon une enquête menée par l'Office européen
de lutte anti-fraude (OLAF), le Commissaire à la santé de
l'époque, John Dalli était prêt à affaiblir la
directive sur le tabac en échange de 60 millions d'euros55.
Ce scandale est plus connu sous le nom de « Dalligate ».
En outre, les preuves sont de plus en plus nombreuses
concernant l'implication de l'industrie du tabac dans le trafic illégal.
Mais il s'avère que ce commerce illicite fait partie de la
stratégie commerciale de l'industrie du tabac pour s'implanter sur des
nouveaux marchés. Cette contrebande représente une perte
énorme pour l'Union européenne et elle alimente les flux
internationaux qui contribuent au financement du terrorisme. La question
d'une
54 Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du
Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des États
membres en matière de fabrication, de présentation et de vente
des produits du tabac et des produits connexes.
55 KNAEBEL Rachel, A Bruxelles, les lobbies ne jouent pas
tous dans la même cour, Alternatives Economiques Février
2017
47
traçabilité indépendante est en cours au
niveau européen pour régler ce problème depuis septembre
2017.
e) Le secteur de la défense et de la
sécurité
Alors que le lobbying européen de l'industrie de la
défense a concouru à la création de structures
opérationnelles et institutionnelles visant à construire peu
à peu une Europe de la Défense, il a notamment contribué
à se créer un solide réseau d'influence lui permettant
aujourd'hui d'influer sur les décisions relatives à la politique
de sécurité extérieure de l'Europe. A partir de 2008, le
poids des groupes d'intérêts du secteur de la défense s'est
accentué avec la mise en place une Politique étrangère de
sécurité commune par le Traité de Lisbonne,
élargissant le cadre d'action extérieure de l'Union
européenne.
Aujourd'hui, les lobbies de l'industrie de la défense
partent à la conquête de l'Europe avec l'annonce récente de
la création d'un fonds européen de la défense. Alors qu'il
y a quelques années, cela aurait paru scandaleux, l'industrie de
l'armement devient acceptable aujourd'hui grâce au travail d'influence
exercé par les lobbies et au contexte international. En effet, les
lobbies ont su utiliser l'argument de la sécurité
intérieure et de la protection des frontières au bon moment car
il allait de pair avec la menace grandissante du terrorisme. Un
véritable changement de mentalité s'est opéré en
quelques années seulement car le terrorisme engendre une crainte de la
population qui souhaite voir des mesures prises pour lutter contre ce
phénomène aussi bien au niveau national qu'au niveau
européen. Entre 2012 et 2017, le budget du lobbying des dix plus grandes
entreprises d'armement en Europe, dont Safran, Thales, Naval Group ou Airbus, a
doublé pour atteindre 5,6 millions d'euros56 (ce chiffre ne
couvrant que les dépenses déclarées dans le registre). En
outre, les salons de l'armement se font de plus en plus nombreux, les
conférences se sont multipliées à ce sujet.
A l'instar de certains autres secteurs, le secteur de la
défense est un grand bénéficiaire de fonds
européens. Dans le cadre du programme de financement de l'innovation et
de la recherche Horizon 2020 par exemple, les géants français
comme Airbus, Safran, Dassault et Thalès touchent des dizaines de
millions d'euros. Ces fonds dont bénéficient les industries
56 SIMPERE Anne Sophie, Comment l'Europe s'apprête
à déverser des milliards d'argent public en faveur des industries
de l'armement, L'Observatoire des multinationales, Avril 2018
48
leur permettent notamment de financer leur lobbying. Avec la
création du nouveau fonds européen pour la défense, il est
vraisemblable qu'une nouvelle vague de lobbies va apparaître à
Bruxelles pour défendre ce secteur en plein essor. D'ailleurs, la
feuille de route pour le lancement des premiers fonds pour la défense a
été inspirée du rapport d'un groupe de personnalité
créé en 2015, dans lequel on trouvait parmi les membres, des
représentants d'industries de l'armement ainsi que des membres
d'instituts de recherche privés. La Commission a notamment
rencontré à plusieurs reprises les entreprises d'armement pour
élaborer le plan d'action préparatoire. Cela prouve que les
lobbies de l'armement sont déjà bel et bien impliqués dans
les différentes étapes du processus.
f) Les convergences et divergences de pratiques de
lobbying selon les secteurs
Selon la littérature contemporaine sur les
phénomènes de lobbies, on peut voir plusieurs stratégies
similaires ressortir entre les différents secteurs. Afin de
représenter de manière plus compréhensible les
similarités et différences de pratiques, voici un tableau
élaboré en fonction des recherches menées dans cette
troisième partie.
SECTEUR
|
Stratégie traditionnelle
|
Stratégie des portes tournantes
|
Stratégie
d'influence
(corruption)
|
Stratégie de communication/ marketing
|
Stratégie
d'ingérence
dans les études scientifiques
|
Stratégie de décrédibilisation
|
Stratégie de rachat
|
AGROALIMEN- TAIRE
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
PHARMACEU- TIQUE
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
|
?
|
ENERGIE
|
?
|
?
|
|
?
|
|
|
?
|
BANQUE - FINANCE
|
?
|
?
|
|
|
|
|
?
|
TABAC
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
?
|
DEFENSE
|
?
|
?
|
|
|
|
|
?
|
CONSIDERATIONS :
D'une manière générale et dans chaque
secteur, les lobbies travaillant pour le compte d'intérêts
privés ont tous un budget gigantesque pour mener à bien leur
travail d'influence, dépassant les millions d'euros à
l'année. Grâce à ces capacités financières
importantes, ils dépassent largement la représentation des
groupes de citoyens et représentants d'intérêt
général et peuvent faire prévaloir leurs
intérêts privés. La palette d'action de ces lobbies
industriels est par ailleurs extrêmement riche et leurs permet de
façonner la législation européenne au quotidien.
Il est toutefois préoccupant de constater que les
secteurs les plus offensifs dans leurs pratiques semblent être les
secteurs liés à la santé : agroalimentaire,
pharmaceutique, tabac. Ils figurent par ailleurs parmi les plus puissants. Les
industries dans ces secteurs sont en effet prêtes à
élaborer des stratégies redoutables pour influencer des
décisions susceptibles de mettre en danger la santé et le
bien-être de la population : désinformation, manipulation,
chantage, trafic d'influence... L'ordre des priorités semble
bouleversé.
Finalement, si l'on s'attelait à dresser une
stratégie globale et commune à chacun de ces secteurs, les
critères de l'omniprésence, de la capacité de persuasion
et de l'argent seraient les principaux facteurs d'influence. Les recherches
effectuées démontrent par ailleurs que les industries les plus
voraces, les plus présentes, prêtes à tout pour maximiser
leurs rendements, sont les plus puissantes et les plus influentes auprès
de l'Union européenne. Leur souhait ne s'arrête pas à la
simple défense de leurs intérêts, elles désirent
obtenir une influence à la fois sur les autorités publiques et
sur l'opinion publique pour s'assurer du soutien de l'opinion publique à
laquelle les décideurs sont souvent attentifs.
49
`
50
MISE EN PERSPECTIVES
La crise de l'affaire du glyphosate a eu pour principale
conséquence de remettre en cause le droit fondamental de
sécurité alimentaire et la capacité des États
membres et de l'Union européenne à assurer la protection des
citoyens européens. A travers ce mémoire, il est possible de
comprendre que l'Union européenne, qui régule le marché
unique, n'est pas un acteur indépendant. Les forces externes qui
influent sur les normes et les décisions européennes sont
pourtant bel et bien présentes et importantes, aussi bien en nombre
qu'en degré d'influence : on parle bien sûr des lobbies. On ne
peut reprocher aux lobbyistes d'effectuer ce travail pour lequel ils sont
rémunérés, cependant le point préoccupant dans
cette influence exercée sur les règles, les lois, les directives
européennes se rapporte au fait qu'il vise avant tout à
s'assouvir l'intérêt de leurs membres et non
l'intérêt des 500 millions de citoyens européens.
On décèle en effet une forte remise en cause de
la démocratie représentative tout au long de ce mémoire.
Les institutions européennes ont été créées
pour permettre l'expression des attentes particulières et collectives.
En ce sens, les entreprises doivent pouvoir également exprimer leurs
voix. Il existe d'ailleurs des institutions économiques telles que le
MEDEF, le Conseil économique, social et environnemental, dont le
rôle est de faire entendre les revendications des entreprises. Ce sont
les canaux officiels de retranscription des intérêts des
entreprises. A partir du moment où les intérêts
privés sont représentés par d'autres groupes
privés, à savoir les lobbies, on sort des canaux officiels de
représentation des intérêts. Les méthodes
utilisées sont différentes et tendent à rendre les actions
de lobbying illégitimes.
En outre, l'étude de cas de l'affaire du glyphosate
menée dans le cadre de ce travail de recherche, met en évidence
le fait que les industries, grâce à leurs moyens financiers,
humains et leur capacité d'influence, sont invincibles. Monsanto
illustre en effet parfaitement ce phénomène. Les
différentes stratégies douteuses utilisées par la firme
montrent la nécessité pour l'UE de favoriser la transparence afin
de diminuer les cas de corruption et trafics d'influence. En parallèle,
il est essentiel de renforcer les règles de procédure
exigées pour les lobbyistes et les fonctionnaires européens et de
mettre en place une vérification plus poussée de leur
application, avec la création par exemple d'un organisme
indépendant spécialisé en la matière.
51
En somme, l'étude du lobbying faite dans ce
mémoire retranscrit clairement une nécessité de
transparence, de lutte contre la corruption, de défense et de protection
de la démocratie.
CONSIDERATIONS RECENTES :
L'évolution à venir n'est toutefois pas des plus
rassurantes. Le 21 mars 2018, la Commission européenne a accepté,
sous condition, le projet de rachat de Monsanto par le groupe allemand Bayer
pour 63 milliards de dollars, qui deviendra alors son seul actionnaire. Alors
que cette société non épargnée par les scandales
notamment sur les pilules contraceptives, l'aspirine et autres produits
pharmaceutiques, multiplie les points de ressemblance avec Monsanto, il
s'avère évident qu'il s'agit ici d'une refonte
stratégique. La fusion entre ces deux géants controversés
donne naissance à un géant de l'agrochimie qui contrôlera
un tiers du marché des semences, des engrais et des pesticides. C'est un
leader mondial absolu qui voit le jour. Alors que Bayer a décidé
de faire disparaître le nom « Monsanto », entaché par de
nombreuses controverses, les produits de la firme seront vendus à
l'identique, notamment le fameux RoundUp, dont le principal actif est le
glyphosate. Il semblerait ainsi que ce rachat soit une stratégie
réfléchie permettant à Monsanto de repartir sur un nouveau
départ avec les mêmes produits, sans les scandales qui leurs sont
liés. Alors que les différentes recherches menées au cours
de ce mémoire ont montré que les grandes entreprises
étaient capables de dicter les règles du marché aux
consommateurs et aux institutions supranationales, cette émergence des
oligopoles ou des monopoles ne fera vraisemblablement pas évoluer la
situation.
En outre, récemment, les préoccupations autour
du glyphosate se sont intensifiées. Alors que l'Union européenne
a décidé d'interdire, en avril dernier, trois pesticides
néonicotinoïdes pour les cultures en plein air, les apiculteurs et
défenseurs de la biodiversité en réclament davantage. En
effet, suite à la découverte de traces de glyphosates dans le
miel, un syndicat agricole français a décidé de porter
plainte contre Monsanto pour « administration de substances nuisibles
»57. Ce sont quelques 900 kilos de miel qui ont
été détruits suite à cette découverte, une
perte considérable pour l'industrie française de l'apiculture qui
est déjà relativement sinistrée par l'épandage de
substances chimiques. A titre d'exemple, en 20 ans
57 TOMASOVITCH Geoffroy, Glyphosate dans du miel :
des apiculteurs portent plainte contre Monsanto, Le Parisien, Juin 2018
52
seulement, la production de miel a été
divisée par trois58. Les défenseurs de la
biodiversité espèrent alors qu'une enquête sera ouverte
afin de déterminer le taux de glyphosate retrouvé dans ce miel et
si cette contamination s'avère dangereuse pour la santé des
consommateurs. Ces incidents ont mené à plusieurs manifestations
dans le pays afin de réclamer des aides exceptionnelles et un
environnement plus favorable aux abeilles. Malgré ces protestations, la
situation du pays ne semble pas beaucoup évoluer. Alors qu'Emmanuel
Macron promettait d'interdire le glyphosate en France dans les trois
années à venir, les amendements proposés au Parlement
n'ont pas l'unanimité le 29 mai dernier. L'un des derniers amendements
prévoyant une échéance au 1er mai 2021 avec des
dérogations possibles jusqu'en 2023 a été repoussé,
tout comme l'amendement voté le 29 mai 2018, visant à inscrire
dans la loi la sortie du glyphosate en 2021.
SCENARIOS ENVISAGEABLES :
Certains scénarios peuvent être envisagés
à propos de l'évolution du cadre légal autour du
glyphosate.
? Scénario 1 : Une interdiction du glyphosate dans 5
ans
Les enjeux ici concernent l'avenir de l'agriculture reposant
actuellement sur l'utilisation de cette substance chimique et
l'émergence d'un nouveau système de production alternatif. Les
pays de l'UE doivent trouver des solutions pour remplacer l'herbicide RoundUp
en respectant les attentes des agriculteurs et des consommateurs. Parmi les
alternatives envisageables, la plus communément mentionnée est la
technique du labour consistant à retourner la terre au tracteur pour
enlever les mauvaises herbes. Les agriculteurs sont très
réticents face à cette technique qu'ils qualifient de
désavantageuse en raison de l'utilisation de carburant, impliquant une
augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de
l'érosion des sols. La seconde alternative reposerait sur la viticulture
et la culture sous terre, autrement dit le bio contrôle. Cette pratique
moderne repose sur le recours à un ensemble de mécanismes
naturels de protection des végétaux. Le frein ici se trouve dans
le coût élevé et les incertitudes liées au
rendement.
? Scénario 2 : Une interdiction du glyphosate dans 3 ans
en France
Alors qu'aucune alternative au glyphosate n'a
été trouvée pour le moment, son interdiction dans trois
ans semble compromise, si l'on prend en compte le fait que dix années
sont
58 GOLLA Mathilde, La production de miel
français à l'arrêt, Le Figaro, Octobre 2017
53
nécessaires pour mettre au point un produit
phytosanitaire ou pharmaceutique, de sa conception à son autorisation de
mise sur le marché. Le président français, conscient de la
difficulté de tenir sa promesse, a d'ailleurs intégré une
dérogation à cette interdiction dans trois ans, dans le cas
où il n'y aurait pas d'alternative pour les agriculteurs.
Plusieurs critères sont à prendre en compte dans
ce scénario et le premier concerne le fait que la France est un pays
importateur. Ainsi va-t-elle stopper l'importation de produits contenant du
glyphosate au détriment de l'économie française et des
relations avec ses fournisseurs étrangers ? Va-t-elle envisager des
réglementations sur les importations ?
Les représentants nationaux des entreprises
françaises du secteur de l'agroalimentaire vont pouvoir se saisir de ce
contexte pour tenter de limiter l'importation de produits étrangers et
mettre en avant leurs produits locaux. Les citoyens vont également jouer
un rôle dans ce scénario car leur voix va permettre de faire
pencher la décision : les consommateurs sont-ils prêts à
consommer davantage de produits locaux et à renoncer à certains
produits importés ? Cependant, un nouveau critère entre en compte
ici : celui de la hausse des prix liés à l'abandon du glyphosate.
Les enjeux ici sont donc avant tout sociaux et économiques dans une
crise à la fois environnementale et économique.
Cette recherche a mobilisé l'attention autour de la
problématique sur le glyphosate et les nombreux lobbies prêts
à agir pour faire évoluer les décisions dans leur sens.
Toutefois, quelques questions restent en suspens :
- Quel est l'avenir du glyphosate et de la
sécurité alimentaire en France ? dans l'Union européenne
?
- Quelles sont les conséquences économiques,
environnementales et sociales d'une interdiction totale du glyphosate ?
- Pouvons-nous réellement nous reposer sur les
structures européennes indépendantes chargées
d'évaluer les substances chimiques ?
- L'influence des groupes d'intérêts va-t-elle se
poursuivre dans cette évolution croissance ?
- Les institutions européennes vont elle renforcer
l'encadrement du lobbying et les codes d'éthique des fonctionnaires
européens ?
54
Bibliographie et autres sources
Ouvrages académiques
BARDON Pierre, le Lobbying, Paris, Edition Dunod, 2012,
128 pages
CHALTIEL Florence, Le processus de décision dans l'UE,
Paris, La Documentation Française, 2006, 165 pages
DARIDAN Marie-Laure, LUNEAU Aristide, Lobbying : les
coulisses de l'influence en démocratie, Paris, Edition Pearson
Éducation France, 2012, 256 pages.
DE BEAUFORT Viviane, Lobbying : Portrait croisé,
Paris, Edition Autrement, 2008, 280 pages
DELACROIX Xavier, Influencer la démocratie,
démocratiser l'influence, Paris, Edition Broché, 2004, 239
pages
GUEGUEN Daniel, Le Lobbying Européen, Paris,
Edition Broché, 2007, 140 pages
MARCON Christian, MOINET Nicolas, L'intelligence
économique, Paris Edition Dunod, 2011, 128 pages
MICHEL Hélène, Lobbyistes et lobbying de
l'Union européenne. Trajectoires, formations et pratiques des
représentants d'intérêts, Strasboourg, Edition Presses
Universitaires de Strasbourg, 2005, 352 pages
RAMPTON Sheldon, STAUBER John, L'Industrie du mensonge.
Relations publiques, lobbying & démocratie, Marseille, Agone, coll.
« Eléments », 2012, 364 pages
SEVERAC Claire, Complot Mondial contre la santé, Paris,
Edition Elie & Mado, 2010, 461 pages
Revues académiques
L'Europe sous influence dans la Revue universitaire
Lobbymag.eu de
l'Université Saint Louis, Bruxelles, 2011, 13 pages. Consultée en
ligne le 1 avril 2018 :
http://ie-lobbying.net/wp-content/uploads/documents/Memoire
lobbying Saint-Louis.pdf
COLLI Francesca, KERREMANS Bart, Searching for influence:
interest groups and social movements in the European Union, in Journal of
European Integration, 2017, p.115-121.
ROBERT Cécile, La politique européenne de
transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration
du lobbying, 2017, 156 pages.
Consultée en ligne le 14 juin 2018 :
https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2017-1-p-9.htm
TALLEU Clotilde, Influencer les institutions de l'Union
européenne : le lobbying, dans
55
Cahiers de l'action, 2015, 108 pages Consultée en ligne le
14 juin 2018 :
https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-l-action-2015-1-page-63.htm
Sites internet officiels
Assemblée nationale
Rapport d'information sur le lobbying,
déposé en application de l'article 145 du Règlement,
enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 16 janvier 2008
Consulté en ligne le 3 avril 2018 :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i0613.pdf
Commission européenne
Fiche d'information, MEMO/17/5192, Strasbourg,
Décembre 2017 Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://europa.eu/rapid/press-release
MEMO-17-5192 fr.htm
Policies, Information and services - Food Safety
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides
en
Communiqué de presse, IP/17/28, Bruxelles, 10
janvier 2017 Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://europa.eu/rapid/press-releaseIP-17-28fr.htm
Initiative citoyenne européenne - Registre
officiel
Consultée en ligne le 5 mai 2018 :
http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/initiatives/successful/details/2017/000002/fr
Législation et politique de l'UE Consulté
en ligne le 7 juin 2018 :
https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/planning-and-proposing-law
fr
European Chemical Agency (ECHA)
REACH registration results
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://echa.europa.eu/fr/reach-registrations-since-2008
European Food Safety Authority (EFSA)
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/glyphosate
FDA - US. Food and Drug Administration
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://www.fda.gov
Legifrance
LOI n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la
transparence de la vie publique, Version initiale (article 2)
56
Consultée en ligne le 14 mai 2018 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028056315&categor
ieLien=id
Michèle Rivasi
Site officiel de la députée européenne
Europe Écologie Consulte en ligne le 5 mai 2018 :
http://www.michele-rivasi.eu
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
français
Tout savoir sur les pesticides et leurs autorisations de mise sur
le marché, Avril 2013 Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
http://agriculture.gouv.fr/tout-savoir-sur-les-pesticides-et-leurs-autorisations-de-mise-sur-le-marche
Ministère de la transition écologique et
solidaire français
REACH : un dispositif européen Consulté en ligne le
6 juin 2018 :
https://reach-info.ineris.fr/reach
en detail
Parlement européen
Dossier : Plein feu sur le lobbying en Europe, REF. :
20080331FCS25217, Avril 2008, Consulté en ligne le 03 mai 2018 :
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?language=FR&type=IM-PRESS&reference=20080331FCS25217
Briefing : Registre de transparence de l'UE,
Décembre 2014
Consulté en ligne le 3 mai 2018 :
http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2014/542170/EPRS
BRI(2014)542170 FR.pdf
Publications de l'UE
REACH, la nouvelle législation de l'Union
européenne sur les substances chimiques, publié le
Février 2018
https://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/0fab9018-5080-4415-89d1-d515e3c2ae59/language-fr/format-PDF/source-66702699
Livre vert sur l'Initiative européenne en
matière de transparence, Septembre 2008 Consulté en ligne le
3 avril 2018 :
http://europa.eu/documents/comm/green
papers/pdf/com2006 194 fr.pdf
Registre de transparence
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://ec.europa.eu/transparencyregister/public/consultation/searchControllerPager.do?de
claration=Monsanto&search=search
Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du
Conseil du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des
États
57
membres en matière de fabrication, de présentation
et de vente des produits du tabac et des produits connexes.
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=CELEX:32014L0040
Stéphane Horel
Site officiel de la journaliste, documentariste
indépendante Stéphane Horel Consulté en ligne le 5 mai
2018 :
http://www.stephanehorel.fr/a-propos/
Sites internet
Basta : média d'information en ligne
CHAPELLE Sophie, Comment vérifier si votre ville
respecte l'interdiction des pesticides dans les jardins publics, Janvier
2017
Consulté en ligne le 2 juin 2018 :
https://www.bastamag.net/La-fin-des-pesticides-dans-les-espaces-verts-et-jardins-publics-depuis-le-1er#nb397-1
WEILER Nolwenn, Pourquoi tous les gouvernements
échouent à réduire la présence des pesticides,
Mars 2015 Consulté en ligne le 2 juin 2018 :
https://www.bastamag.net/Pourquoi-la-consommation-de-pesticides-continue-a-augmenter#nb397-1
Bilateral.org
DUPRE Mathilde, Pourra-t-on encore interdire le glyphosate
avec le Ceta ?, Avril 2018 Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://bilaterals.org/?pourra-t-on-encore-interdire-le&lang=en
Combat Monsanto
Chronologie de Monsanto
Consulté en ligne le 21 mai :
https://www.combat-monsanto.org/spip.php?rubrique14
Corporate Europe Observatory
LUNDY David, Petit guide de la lobbycratie à
Bruxelles, Octobre 2017
Consulté en ligne le 21 mai :
https://corporateeurope.org/sites/default/files/lpbrusselsreportfrv6screen.pdf
Le lobbying de l'industrie de l'énergie à
Bruxelles : un monde qui reste trouble (traduit de l'anglais), Mars
2015
Consulté en ligne le 1er mars 2018 :
https://corporateeurope.org/power-lobbies/2015/05/black-out-energy-companies-leaving-us-dark-about-their-eu-lobbying
Le lobbying de Monsanto : une attaque contre notre
planète et la démocratie, (traduit de l'anglais) Novembre
2016.
Consulté en ligne le 1er mars 2018 :
https://corporateeurope.org/fr/food-and-agriculture/2016/11/le-lobbying-de-monsanto-une-attaque-contre-notre-plan-te-et-la-d
58
What the Monsanto Papers tell us about corporate science,
Mars 2018 Consulté en ligne le 1er mars 2018 :
https://corporateeurope.org/food-and-agriculture/2018/03/what-monsanto-papers-tell-us-about-corporate-science
Comité de Recherche et d'Information
Indépendantes sur le génie Génétique
(CRIIGEN)
Glyphosate : comment le lobbying maltraite le Circ
Consulté en ligne le 1er juin 2018 :
https://www.criigen.org/chronique/15/display/Glyphosate-comment-le-lobbying-maltraite-le-Circ
DuPont France
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
http://www.dupontdenemours.fr
Dow
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://www.dow.com/en-us
Euractiv
JOBERT Marine, Le poids écrasant des lobbys gaziers
sur Bruxelles, Novembre 2017 Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://www.euractiv.fr/section/energie/news/le-poids-ecrasant-des-lobbys-gaziers-sur-bruxelles/
Générations futures : Association de
défense de l'environnement agréée par le ministère
de l'Écologie depuis 2008
Résultats exclusifs de recherche de glyphosate dans
des aliments vendus en France, Septembre 2017
Consulté en ligne le 1er mars 2018
:
https://www.generations-futures.fr/actualites/glyphosate-residus-aliments-rapport/
Huffingtonpost.fr
GILLAM Carey, What Killed Jack McCall? A California Farmer
Dies and a Case Against Monsanto Takes Root, Juin 2016 Consulté en
ligne le 2 avril 2018 :
https://www.huffingtonpost.com/carey-gillam/what-killed-jack-mccall-
a b 9852216.html?guccounter=1
PARGNEAUX Gilles, Le lobbying de l'industrie du tabac en
Europe: le scandale du siècle, Décembre 2015
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
https://www.huffingtonpost.fr/gilles-pargneaux/le-lobbying-de-lindustrie-du-tabac-en-europe
b 8853764.html
Du glyphosate trouvé dans plus de la moitié des
aliments testés par l'ONG Générations futures,
Septembre 2017
Consulté le 14 mai :
59
https://www.huffingtonpost.fr/2017/09/14/du-glyphosate-trouve-dans-plus-de-la-moitie-des-aliments-testes-par-long-generations-futures
a 23208583/
Inf'OGM
NOISETTE Christophe, OGM en Argentine : l'enfer du
décor, Décembre 2014 Consulté en ligne le 7 juin 2018
:
https://www.infogm.org/5716-OGM-Argentine-enfer-du-decor#nb7-2
NOISETTE Christophe, UE - Lobby : Monsanto en flagrant
délit de mensonges, Novembre 2017.
Consulté en ligne le 1er mars 2018 :
https://www.infogm.org/6402-europe-lobby-monsanto-flagrand-delit-mensonges
Natura Sciences
COMBE Matthieu, Glyphosate : entre science, lobbies et
principe de précaution, Novembre 2017
Consulté en ligne le 1er juin 2018 :
http://www.natura-sciences.com/agriculture/glyphosate-interdiction-europe.html
Observatoire des multinationales
KNAEBEL Rachel, À Bruxelles, plongée dans le
lobbying au quotidien, Janvier 2017 Consulté en ligne le :
http://multinationales.org/A-Bruxelles-plongee-dans-le-lobbying-au-quotidien
PETITJEAN Olivier, Ces firmes spécialisées dans
le lobbying et les relations publiques qui aident les gros pollueurs à
verdir leur image, Décembre 2015
Consulté en ligne le 21 mai :
http://multinationales.org/Ces-firmes-specialisees-dans-le-lobbying-et-les-relations-publiques-qui-aident
SIMPERE Anne Sophie, Comment l'Europe s'apprête
à déverser des milliards d'argent public en faveur des industries
de l'armement, Avril 2018
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
http://multinationales.org/Discretement-l-Europe-s-apprete-a-deverser-des-milliards-d-argent-public-en
Le Taurillon : magazine des Jeunes
Européens-France
LERAT Charlotte, « Le registre européen n'est
plus qu'un gadget, il faut créer un ordre des lobbyistes
européennes », Novembre 2010
Consulté en ligne le 1 avril 2018 :
https://www.taurillon.org/Le-registre-europeen-n-est-qu-un-gadget-il-faut-creer-un-ordre-des
DREVON-MOLLARD Eric, Glyphosate : Et si l'alternative
à l'agriculture chimique venait d'une refonte de la PAC ?, Novembre
2017
Consulté en ligne le 4 mai 2018 :
https://www.taurillon.org/glyphosate-et-si-l-alternative-a-l-agriculture-chimique-venait-d-une
PARIS Constant, Le glyphosate : l'insipide pesticide ?,
Février 2018 Consulté en ligne 1 avril 2018 :
https://www.taurillon.org/le-glyphosate-l-insipide-pesticide
60
Transparency France
Lobbying en Europe . Influence cachée, accès
privilégié, Mars 2015
Consulté le 14 mai 2018 :
https://www.transparency-france.org/wp-content/uploads/2016/04/Lobbying-en-Europe
Resume-et-recommandations Avril-2015.pdf
Transparence et intégrité du lobbying, un enjeu
de démocratie . État des lieux citoyen sur le lobbying en
France, Octobre 2014 Consulté en ligne le 9 juin 2018 :
https://www.transparency-france.org/wp-content/uploads/2016/04/Rapport-Lobbying-en-France
Octobre-2014.pdf
U.S. Right to Know
Ruskin Gary, Carey Gillam's presentation to European
Parliament glyphosate hearing: Revelations from Monsanto Papers and Other
Research, Octobre 2017
Consulté le 01/03/2018 :
https://usrtk.org/pesticides/carey-gillams-presentation-to-european-parliament-hearing-on-the-monsanto-papers-glyphosate/
Wikistrike
Comment les lobbies financiers ont porte ouverte à la
BCE..., Octobre 2017
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://www.wikistrike.com/2017/10/comment-les-lobbies-financiers-ont-porte-ouverte-a-la-bce.html
Articles de presse :
Alternatives Économiques
ALET Claire, Enquête . Lobbying . les labos
pharmaceutiques ne lâchent rien, Janvier 2018.
Consulté en ligne le 12 juin 2018 :
https://www.alternatives-economiques.fr/lobbying-labos-pharmaceutiques-ne-lachent-rien/00082521
KNAEBEL Rachel, A Bruxelles, les lobbies ne jouent pas
tous dans la même cour, Février 2017
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://www.alternatives-economiques.fr/a-bruxelles-lobbies-ne-jouent-meme-cour/00077345
The Ecologist
TOKAR Brian, Monsanto. A checkered history, Londres,
Septembre 1998
Consulté en ligne le 02 mai 2018 :
https://theecologist.org/1998/sep/01/monsanto-checkered-history
Traduction proposée par Courrier International :
https://www.courrierinternational.com/article/1999/07/01/monsanto-une-histoire-a-facettes
L'Express
DEDIEU Franck et MATHIEU Béatrice, Les lobbies qui
tiennent la France, Avril 2012. Consulté en ligne le 7 juin 2018
:
61
http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-lobbies-qui-tiennent-la-france
1409758.html
Figaro
DE VULPILLIERES Eléonore, Lobbies pharmaceutiques et
Commission européenne : l'amour fou, Septembre 2015
Consulté en ligne le 12 juin 2018 :
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/09/06/31001-20150906ARTFIG00028-lobbies-pharmaceutiques-et-commission-europeenne-l-amour-fou.php
RABREAU Marine, Qui est Monsanto, ce géant
américain aussi puissant que décrié, Mai 2016
Consulté en ligne le 3 mai 2018 :
http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2016/05/21/29006-20160521ARTFIG00007-monsanto-ce-geant-americain-aussi-decrie-que-convoite.php
France info
VASSEUR Quentin, Un document interne de Monsanto
établit un lien entre glyphosate et cancer, par France 3 Hauts
de France, Novembre 2017.
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/document-interne-monsanto-etablit-lien-entre-glyphosate-cancer-1344651.html
Glyphosate : "L'Union européenne ne résiste pas
suffisamment aux lobbies" estime Foodwatch, par France Info, Octobre
2017.
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/glyphosate-l-union-europeenne-ne-resiste-pas-suffisamment-aux-lobbies-estime-foodwatch2404042.html
Humanité
BERTRAND Marie Noëlle, Les secrets bien gardés du
glyphosate, Septembre 2016 Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://www.humanite.fr/les-secrets-bien-gardes-du-glyphosate-615298
Journal de l'environnement
LOURY Romain, Glyphosate : Monsanto trahie par des documents
internes, Journal de l'environnement, Mars 2017. Consulté en ligne
le 21 mai 2018 :
http://www.journaldelenvironnement.net/article/glyphosate-monsanto-trahie-par-des-documents-internes,80655
Libération
FERAUD Jean Christophe, Énergie : les portes du
pouvoir ouvertes à tous les vents du lobbying, Mai 2018.
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://www.liberation.fr/france/2018/05/02/energie-les-portes-du-pouvoir-ouvertes-a-tous-les-vents-du-lobbying
1646907
Mediapart
62
VILMAUVE, Le pouvoir du lobbying au Parlement
européen, Mediapart, Mars 2016 Consulté en ligne le 7 juin
2018 :
https://blogs.mediapart.fr/vilmauve/blog/260316/le-pouvoir-du-lobbying-au-parlement-europeen
YDELANNOY, Pourquoi l'Union européenne autorise-t-elle
le glyphosate pour 5 ans supplémentaires, Novembre 2017.
Consulté en ligne le 1er juin 2018 :
https://blogs.mediapart.fr/ydelannoy/blog/301117/pourquoi-l-union-europeenne-autorise-t-elle-le-glyphosate-pour-5-ans-supplementaires
Le Monde
FOUCART Stéphane, HOREL Stéphane, « Monsanto
papers », Désinformation organisée autour du glyphosate,
Octobre 2017.
Consulté en ligne le 21 mai :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/04/monsanto-papers-desinformation-organisee-autour-du-glyphosate51957713244.html
NUNES Eric, Marketing et lobbying, les stratégies
efficaces de l'industrie du tabac, Novembre 2005.
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://www.lemonde.fr/societe/article/2005/11/01/marketing-et-lobbying-les-strategies-efficaces-de-l-industrie-du-tabac
705262 3224.html
TRAYNOR Ian, FARIZA SOMOLINOS Ignacio, CACERES Javier, ZATTERIN
Marco, Bruxelles, Les lobbies à la manoeuvre, Mai 2014.
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
http://www.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/05/07/bruxelles-les-lobbies-a-la-man-uvre
4412747 4350146.html
FOUCART Stéphane, Glyphosate : Monsanto tente une
dernière manoeuvre pour sauver le Roundup, Octobre 2017.
Consulté en ligne le 1er juin 2018 :
https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/18/glyphosate-monsanto-tente-une-derniere-man-uvre-pour-sauver-le-roundup
5202606 3244.html
Le Point
Roundup : révélations sur le lobbying de
Monsanto, Le Point, Octobre 2017.
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://www.lepoint.fr/societe/roundup-revelations-sur-le-lobbying-de-monsanto-04-10-2017-2162078
23.php
Commission européenne : Juncker veut plus de
transparence, Septembre 2017
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://www.lepoint.fr/europe/commission-europeenne-juncker-veut-plus-de-transparence-15-09-2017-2157159
2626.php
Politico
MARKS Simon, PARAVICINI Giulia, Fears grow that EU glyphosate
ban could disrupt global trade, Octobre 2017.
63
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://www.politico.eu/article/glyphosate-ban-fears-grow-could-disrupt-global-trade/
Reporterre
DOLLBERG Fanny, KEMPF Kempf, Celles qui ont
révélé les « Monsanto papers » racontent comment
Monsanto triche, Octobre 2017.
Consulté en ligne le 21 mai 2018 :
https://reporterre.net/Celles-qui-ont-revele-les-Monsanto-papers-racontent-comment-Monsanto-triche
Sciences et avenir
LOUME Lise, Glyphosate : ce qu'il faut retenir des
révélations liées aux « Monsanto Papers »,
Octobre 2017.
Consulté en ligne le 21 mai 2018 :
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/glyphosate-ce-qu-il-faut-retenir-des-revelations-liees-aux-monsanto-papers117118
Le Télégramme
Glyphosate. L'UE dit oui pour cinq ans, Novembre 2017
Consulté en ligne le 13 juin 2018 :
https://www.letelegramme.fr/economie/glyphosate-l-ue-dit-oui-pour-cinq-ans-28-11-2017-11757443.php
Radio
ZAFIMEHY Marie, Glyphosate : pourquoi l'Union
européenne est dans l'impasse, diffusé par RTL, Novembre
2017. Consulté en ligne le 21 mai 2018 :
http://www.rtl.fr/actu/politique/glyphosate-pourquoi-l-union-europeenne-est-dans-l-impasse-7790901765
Lobby bancaire : la campagne invisible, diffusé
par France Inter, Février 2017.
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
http://multinationales.org/Discretement-l-Europe-s-apprete-a-deverser-des-milliards-d-argent-public-en
Dossiers spéciaux :
L'Europe des lobbies, par le Monde politique,
Mai 2014 Consulté en ligne le :
http://www.lemondepolitique.fr/dossiers/l-europe-des-lobbies
The Fire Power of the Financial Lobby, Survey of the
Size of the Financial Lobby at the EU Level, par Corporte Europe Observatory,
Avril 2014
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
https://corporateeurope.org/sites/default/files/attachments/financial
lobby report.pdf
Le lobbying de Monsanto : une attaque contre notre
planète et la démocratie, rapport publié par
Corporate Europe Observatory, Octobre 2016
64
Consulté en ligne le 10 juin 2018 :
https://corporateeurope.org/sites/default/files/attachments/monsanto
lobbying fr.pdf
The Greens/EFA Group in the European Parliament, Revolving
Doors and the Fossil Fuel Industry: Time to tackle conflicts of interest in
climate policy-making, Mai 2018
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://www.greens-efa.eu/files/doc/docs/3d2ec57d6d6aa101bab92f4396c12198.pdf
Travaux universitaires
GUERNE-HAMEAU Katia, NIELSEN Elise, SENOUCI Hacène, TONI
Daniel, ESSEC School, Analyse des pratiques de Guerre de l'information
utilisées par l'industrie du tabac pour assurer sa survie et sa
pérennitéì, Février 2013.
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
http://bdc.aege.fr/public/Analyse
pratiques Guerre information industrie tabac.pdf
HAABY Adeline, Le lobby agroalimentaire au sein de l'Union
Européenne, 2014-2015 Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
http://www.ie-ei.eu/Ressources/file/memoires/2015/Adeline
Haaby Thesis.pdf
MATHIEU-ELOFFE Sylvain, Le poids du lobbying en France :
quelle place, quel cadre et
quels acteurs au cours de la procédure
législative et décisionnelle, 2012
Consulté en ligne le 7 juin 2018 :
https://memoires.sciencespo-
toulouse.fr/uploads/memoires/2012/DECR/memoire
MATHIEU-ELOFFE-SYLVAIN.pdf
Forum des étudiants de Sciences Po, Les groupes
d'intérêt participent-ils au fonctionnement démocratique de
l'Union Européenne ?
Consulté en ligne le 6 juin 2018 :
http://www.forum-scpo.com/union-europeenne/groupe-interet-participent-fonctionnement-democratique-europeen.htm
Reportage
LOTZ Julie, Soja la Grande Invasion, Reportage de
société, diffusé par France 5, 2017
65
ANNEXE 1
Autorisation de mise sur le marché (AMM) Exemple
français
Source :
http://agriculture.gouv.fr/tout-savoir-sur-les-pesticides-et-leurs-autorisations-de-mise-sur-le-marche
66
ANNEXE 2
Organigramme de Monsanto
Direction de l'entreprise
Source :
http://www.monsantoglobal.com/global/fr/qui-sommes-nous/Pages/direction-de-lenterprise.aspx
67
ANNEXE 3
Position des pays européens sur le renouvellement de la
licence du glyphosate pour 5 ans
Au total, ce sont 18 pays qui ont voté pour (Allemagne,
Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie,
Pays Bas, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Royaume Uni,
Slovaquie, Suède), 9 pays qui ont voté contre (Autriche,
Belgique, Chypre, Croatie, France, Italie, Luxembourg, Malte) et un pays s'est
abstenu (Portugal).
Source :
Glyphosate. L'UE dit oui pour cinq ans, Le
Télégramme, Novembre 2017
https://www.letelegramme.fr/economie/glyphosate-l-ue-dit-oui-pour-cinq-ans-28-11-2017-11757443.php
68
ANNEXE 4
Selon une étude menée par Corporate Europe
Observatory
Tableau 1. Le lobby de l'industrie financière
représente plus de 700 organisations et influence ainsi le processus
décisionnel européen avec cinq fois plus de structures que les
ONG, les syndicats and les associations de consommateurs réunies.
Tableau 2. Le lobby de l'industrie financière a
bénéficié de sept fois plus de visites au sein des
institutions européennes que les ONG, les syndicats et les associations
de consommateurs réunies.
Source :
Who is the Financial Lobby - and how many entities belong to
it?
The Fire Power of the Financial Lobby
https://corporateeurope.org/sites/default/files/attachments/financial
lobby report.pdf
69
Tableau 3. Plus de 140 lobbies actifs de l'industrie
financière sont originaires du Royaume Uni.
Tableau 4. A tous les niveaux, l'industrie
financière dépasse les autres acteurs.
Source :
Who is the Financial Lobby - and how many entities belong to
it?
The Fire Power of the Financial Lobby
https://corporateeurope.org/sites/default/files/attachments/financial
lobby report.pdf
70
Résumé
Des groupes d'intérêts privés
représentants les intérêts des plus grandes multinationales
tentent de s'imposer dans la capitale européenne afin de faire
évoluer la législation européenne dans leur sens. Des
sommes colossales sont dépensées chaque année pour mener
à bien ce travail d'influence. Ainsi à l'heure actuelle, il est
essentiel de se questionner sur le poids que représentent ces groupes
d'intérêt dans l'élaboration des lois
européennes.
Pour répondre à cette problématique, une
étude de cas autour de la crise actuelle du glyphosate a
été élaborée afin d'analyser les différentes
stratégies de lobbying menées par la multinationale Monsanto
auprès des institutions européennes. Cette étude a ainsi
permis de mettre en évidence le degré d'influence des plus
grandes firmes, les déséquilibres de
représentativité au niveau européen et d'en comprendre les
raisons.
Si le lobbying exercé dans le secteur de
l'agroalimentaire est l'un des plus influents dans l'Union européenne,
il n'en est pas moins pour les autres secteurs : pharmacie, énergie,
tabac, finance, défense... En somme, l'étude du lobbying faite
dans ce mémoire retranscrit clairement une nécessité de
transparence, de lutte contre la corruption, de défense et de protection
de la démocratie au niveau national et européen.
|