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Etude des parcours de vie polyamoureux


par Clémence Gay
Université d'Evry - Maîtrise de sociologie parcours Image et Société: documentaire et sciences sociales 0000
  

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Conclusion de ces premières recherches

À travers la lecture de ces différentes enquêtes, j'ai remarqué que peu de recherches détaillaient les raisons amenant à devenir polyamoureux. La plupart des études sont de nature plutôt pédagogique qu'analytique ou sociologique, et traitent de la manière dont s'organisent les modes de vie polyamoureux, des différentes formes de polyamour, ou de la perception du polyamour par la société ou les polyamoureux eux-mêmes. Il existe très peu de données quantitatives fiables, que ce soit pour le polyamour (ce qui est assez compréhensible au vu de la "nouveauté" du sujet et du fait qu'il ne concerne aujourd'hui qu'une part très réduite de la population) ou encore pour l'infidélité (paradoxalement ici de par sa conception assez tabou et universellement connue de tous, posant la problématique de la pertinence de sa définition exacte).

En outre, il n'y a quasiment aucune donnée qualitative scientifique traitant des raisons et des trajectoires de vie amenant à devenir et se revendiquer polyamoureux, alors que le polyamour est avant tout une réflexion résultant de trajectoires de vie et d'expériences significatives (Sheff, 2014 : «Polyamory is not usually the first step outside of the box», soit la première «sortie de la norme» pour un individu). Ainsi l'objectif de mes recherches sera d'enrichir et consolider l'investigation scientifique de cette mouvance en étudiant les trajectoires de vie et les raisons amenant à devenir polyamoureux; soit répondre à la problématique suivante : quels sont les parcours de vie des personnes polyamoureuses ?

5 «We estimated the prevalence of polyamory when it was defined as: 1) an identity, 2) relationship beliefs/preferences, 3) relationship status, and 4) relationship agreements.» (Rubel, 2018)

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Cadrage méthodologique : la notion de «parcours de vie»

Une notion importante se dégage de cette problématique : celle du «parcours de vie». Cette notion définit ici un concept sociologique étudiant les événements, les étapes et transitions vécues par les personnes dans différents domaines de la vie. Le déroulement de la vie humaine s'inscrit dans un cadre socio-économique, historique et culturel; s'intéresser aux trajectoires et aux transitions biographiques permet de penser le parcours de vie en temps que fait social, «un ensemble de règles qui organise une dimension clé de la vie dans une société et un temps historique donnés» (Cavalli, 2013). Ainsi, se questionner sur l'existence d'»un» parcours de vie polyamoureux permettra de comprendre le façonnement de cette identité chez les individus, et ce à travers 5 axes principaux qui articulent notre conception et récolte des données :

- Le temps historique et le contexte

Les individus sont issus d'un contexte, évoluant au sein de structures sociales et institutionnelles. En fonction de l'âge et des générations, les facteurs socio-historiques et les normes n'auront pas le même impact. Les normes et injonctions dites «mononormatives» impacteront et marqueront différemment les discours et les trajectoires individuelles en fonction de l'époque de leur injonction.

- La temporalité des événements

Un événement ne sera pas perçu et vécu de la même manière en fonction de l'âge des sujets. Par exemple, se mettre en couple (qu'il soit ouvert ou non d'ailleurs) à 15 ou 30 ans n'aura pas le même sens et la même portée sur la personne concernée.

- Les vies liées

L'Homme, en temps qu'animal social, évolue au sein d'un réseau de relations sociales interdépendantes. L'existence de ce réseau implique la naissance de nouvelles opportunités ou au contraire, de nouvelles contraintes, pouvant se répercuter sur le parcours de vie des personnes. Cette composante est d'autant plus capitale étant donné que le polyamour se construit avant tout à travers ses rencontres.

- Le développement tout au long de la vie

Le polyamour, tout comme les autres formes d'orientation relationnelle, est un apprentissage. Celui-ci peut se construire notamment à travers la socialisation secondaire d'un individu, au fil de ses expériences et de ses déconstrutions de la norme (bien que nous le verrons, le polyamour prend également ses racines dans l'enfance des individus). Cette partie nous mène d'ailleurs au dernier axe d'analyse : l'intentionnalité.

- L'intentionnalité

Nous le verrons, le parcours d'un polyamoureux se compose de longues phases introspectives, de remise en question de sa destinée et de ses agissements. L'agentivité des

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polyamoureux renvoie ici à une dimension plus individualiste des parcours de vie, où les individus disposent en eux-mêmes d'une certaine marge de manoeuvre leur permettant d'agir au-delà des structures sociales et sociétales déterminantes.

D. Hypothèses

Différentes hypothèses se sont construites au cours de mes recherches. Elles structureront ce mémoire ainsi que ma grille d'entretien pour permettre d'amorcer des pistes de réflexion répondant à ma problématique.

Le polyamour est, entre autres, une façon de répondre à la question de l'infidélité et de la jalousie. Cette hypothèse se base notamment sur le fait que les partisans du polyamour croient que cette orientation relationnelle peut résoudre de nombreuses contradictions dans les relations intimes se posant dans la conjoncture historique actuelle (Anapol, 2010).

La définition de soi comme «personne polyamoureuse» n'est pas centrale dans la trajectoire des individus du fait d'une absence de référentiel au départ des parcours.

J'avais auparavant dans l'idée que les personnes polyamoureuses avaient une conscience forte de leur identité, ainsi qu'un véritable sentiment d'appartenir à une communauté polyamoureuse (répondant ainsi à leur sentiment de marginalité). Cependant, au fil du cadrage de ce sujet et des entretiens exploratoires, j'ai pu remarquer que les individus avaient de grandes difficultés à se représenter comme étant polyamoureux; par méconnaissance du terme, ignorance de ce qu'est le polyamour, voire par volonté de ne pas s'enfermer dans une catégorie trop fermée.

Les communautés polyamoureuses sont généralement d'abord liées à une ou plusieurs communautés LGBT et/ou ayant des idéologies religieuses et/ou politiques dites alternatives (paganistes, féministes, anticapitalistes), qui influeront la structure de leur orientation relationnelle.

En effet, il existe à ce jour plusieurs analyses liant les communautés polyamoureuses et d'autres identités, notamment BDSM, asexuelles, transgenres, queer, anarchistes ou féministes (Bauer, 2010). Deux explications majeures sont alors avancées. L'une avance que le fait de remettre en question certaines normes, telles que l'hétéronormativité, rend plus facile la remise en question de la monogamie obligatoire. L'autre explication souligne qu'il existe un certain nombre de valeurs culturelles partagées entre ces communautés - l'accent mis sur la communication et la négociation par exemple (Bauer, 2010). Mon hypothèse ici s'inscrit donc directement dans un courant déterministe, en affirmant que les structures sociales dans lesquelles s'inscrivent les personnes vont déterminer le type d'orientation polyamoureuse qu'elles adopteront et revendiqueront (anarchie relationnelle, polyamour solo,

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polyamour hierarchique, triade... Nous définirons également ces notions au cours de ce mémoire).

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard