UNIVERSITE DE DOUALA
THE UNIVERSITY OF DOUALA
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
FACULTY OF LETTERS AND SOCIAL SCIENCES
*******
ECOLE DOCTORALE
PHILOSOPHIE, SCIENCES HUMAINES ET SCIENCES
SOCIALES
********************
UNITE DE FORMATION DOCTORALE : SCIENCES
HUMAINES, LITTERATURE ET COMMUNICATION
********************
LABORATOIRE DE RECHERCHE :HISTOIRE ET SCIENCE DU
PATRIMOINE
LE REGIMENT DES TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD
(RTS-T) ET LA CONSOLIDATION DE L'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS : de sa
création et de son déploiement au Kamerun entre 1910 et
1918
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
Diplôme de Master en Histoire Spécialité :
Histoire Politique, Etat et Relations Internationales
Rédigé Par : Samuel
DJEGUEMDE Matricule : 17L93639
Licencié en Histoire
Sous la direction de SOULEYMANOU Amadou
Chargé de cours
Année académique 2021-2022
i
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS iii
SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES v
LISTE DES GRAPHIQUES vi
LISTE DES TABLEAUX vii
LISTE DES PHOTOS viii
LISTE DES ANNEXES ix
RÉSUMÉ x
ABSTRACT xi
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
CHAPITRE I : LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD ET LES
FONDEMENTS DE LA
MISE EN PLACE DU RTS-T. (1889-1910) 25
CHAPITRE II : STRUCTURATION ET TRAITEMENT DU REGIMENT DES
TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T) (1910-1914) 46
CHAPITRE III : LA CAMPAGNE DU RTS-T AU KAMERUN PENDANT LA
PREMIERE
GUERRE MONDIALE (1914-1918) 75
CHAPITRE IV : LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA
GRANDE GUERRE AU KAMERUN ET PLAIDOYER POUR LA
PATRIMONIALISATION DE CE REGIMENT 96
CONCLUSION GÉNÉRALE 116
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 119
ANNEXES 128
TABLE DES MATIÈRES 142
ii
A
Ma tante Rolel Omega ;
Mon frère ainé Sanguem Bertrand ;
Et à
Mon ami Ali Dandjar Koibé
« Car, l'amour est plus fort que la mort
».
iii
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce Mémoire a été
une entreprise qui n'aurait pas pu voir le jour, sans le soutien scientifique,
financier et moral de diverses personnes physiques et morales.
De ce fait, mes remerciements s'adressent tout
particulièrement au Dr Souleymanou Amadou qui a dirigé ce
travail. Sa rigueur scientifique, ses conseils et sa disponibilité sont
autant de facteurs qui ont conduit à l'épilogue de cette
recherche. Qu'il trouve au terme de ce Mémoire ma profonde gratitude
pour tout ce qu'il m'a apporté tant sur le plan intellectuel que
humain.
Au Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines (FLSH) de l'Université de Douala le Pr Kwang Kwang Robert et
à tout le corps enseignant du Département d'Histoire qui a
contribué à notre formation. Je pense notamment aux Professeurs
Tchumtchoua Emmanuel, Ndjock Isidore Pascale Nyobe, Messina Mvogo Ernest, Ngo
Nlend Nadeige Laure, Nzogue Jean-Baptiste, Melingui Ayissi Norbert,
Batenguené Raphael et aux Docteurs Zoa Yves Ateba, Onana Ngah Ferdinand,
Oumarou Gnebora, Abissi Rose, Njoumou Yonkeu Arlette, Mpacké Paul et
à tous ces enseignants que nous n'avons pas mentionnés.
Aux responsables des Archives National du Tchad (ANT) et du
Centre de Formation pour le Développement (CEFOD),
particulièrement à Mahamat Dagal et Nekarmbaye Rosine qui ont mis
à notre disposition des documents de première main. Nous tenons
également à remercier notre ami Ngandjui René
Stéphane qui, depuis Paris nous a fait parvenir des Archives du Service
Historique de Vincennes (SHV). Merci également au Secrétaire
Générale de l'Office Nationale des Anciens Combattants et victime
de guerre (ONACVG) de N'Djaména en la personne de Ahmat Hassan. Un grand
merci aux Anciens combattants, militaires et à toutes les personnes
ressources que nous avons eu l'honneur de rencontrer à la maison des
Anciens Combattants de Moundou et de N'Djaména. Nos nombreux entretiens
ont permis à la réflexion portant sur ce travail de grandir.
À ma famille, qu'elle puisse trouver au terme de ce
travail une réponse à sa fameuse question « Quand est-ce
que tu finis ton école ? » Sa patience et ses encouragements
multiformes dont nous avons bénéficié mérite toute
reconnaissance. Toutefois, c'est aussi l'occasion de leur rappeler qu'il y'a
encore du chemin à parcourir. Ainsi, que mes parents Dionyo Jean et
Nemadjileyo Virginie, mon oncle Gademian Severin, mes frères Dionlar
Hector, Naibé Albert, et mes soeurs Ndonoudji Sylvie et
Dénékoudou Denise soient gratifiés. Nous
tenons aussi à remercier notre cousin Massede Ernest
qui nous a offert toute l'hospitalité possible durant nos investigations
à N'Djaména entre Novembre et Décembre 2021.
À la communauté des Frères du
Sacré coeur qui, nous a ouvert les portes de leur congrégation et
mis à notre disposition un cadre de travail aussi bien au Cameroun qu'au
Tchad. De ce fait, que les frères Yoramngone Christophe, Allarabeye
Bertrand, Fara Patai, Guikedamsi Noel, Mbaigolmen Laurent, Tatoloum Honde
Francis, Bérangare Grégoire, Adoue Stéphane et Riopel
Marcel trouvent en ce travail nos sincères remerciements.
A l'Association des Jeunes Dynamiques de Douala (AJD) qui
s'est avérée être une seconde famille. Merci à ses
membres pour nos innombrables moments de partage, de fraternité mais
surtout d'apprentissage.
Nous ne saurions clore nos obligeances sans remercier nos amis
et camarades du Département d'Histoire de l'Université de Douala.
Je pense notamment à Ngnonang Bamen Fortune Gaëlla, Djomo Nana
Merveille, Apôtres Paltangou, Mbaillassem Valéry, Ndaranel
Olivier, Baounga Boum Parfait, Bayi Joseph, Nnanga Agnès Rosie, Mekeu
Saurele Laure, Mou'awia Salahoudine, Mbaihamdingui Bruno, Nguetchuée
Siémeni Michèle, Bessong Léonie Ghislaine, Beledeoudje
Victor, Moussinga Alex, Maguy Mbolo Margueritte, Soppo Priso, Yodja Borice,
Kampoer Vanilla, Ndikwé David et enfin merci à Némadjilem
Arline qui, sait tout ce que je lui dois, sans elle ce mémoire n'aurait
jamais peut être pu être écrit. Il est un peu le sien,
aussi.
iv
Sans vous tous, il aurait été difficile d'y
parvenir. Merci une fois de plus.
v
SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES
AEF : Afrique Equatoriale Française
ANT : Archives Nationales du Tchad
AOF : Afrique Occidentale Française
BC : Bataillon du Chari
BNT : Bibliothèque Nationale du
Tchad
CAC : Comité de l'Afrique Coloniale
CEFOD : Centre de Formation pour le
Développement
CFA : Communauté Financière
Africaine
DGM : Deuxième Guerre Mondiale
FCFA : Franc de la Colonisation
Française Africaine
FFB : Force Franco-Britannique
FLSH : Faculté des Lettres et Sciences
Humaines
JO : Journal Officiel
JORF : Journal Officiel de la
République Française
MNT : Musée National du Tchad
ONACVG : Office National des Anciens
Combattants et Victimes de Guerre
PGM : Première Guerre Mondiale
PPT : Pays et Protectorat du Tchad
RAC : Régiment d'artillerie
coloniale
RMT : Régiment de Marche du Tchad
RTS-T : Régiment des Tirailleurs
Sénégalais du Tchad
SDN : Société des Nations
SHD : Service Historique de la
Défense
SPA : Section photographique de
l'armée
TMT : Territoire Militaire du Tchad
TOE : Théâtre d'Opération
Extérieure
vi
LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1: Budgets locaux de l'AEF de
1910-1912 31
Graphique 2: Hiérarchisation du RTS-T
déployé au Kamerun entre 1914 et 1918 87
vii
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: Chant de guerre en Barma 38
Tableau 2: Les instructions militaires
enseignées aux tirailleurs sénégalais 60
Tableau 3: Les porteurs alloués aux
officiers métropolitains et aux tirailleurs du Tchad 65
Tableau 4: Listes des postes militaires en
AEF entre 1910 et 1919 70
Tableau 5: Les différents centres de
santé sur le territoire du Tchad de 1902 à 1918. 71
Tableau 6: Les différentes compagnies
du RTS-T déployées à l'Extrême-Nord Kamerun entre
Aout-Septembre 1914 82
Tableau 7: Liste des militaires ayant servis
au Tchad entre 1900 et 1920 99
viii
LISTE DES PHOTOS
Photo 1: Couverture de la Bande dessinée
les Sao de Adji Moussa 36
Photo 2: La caserne principale du RTS-T à
Fort-Lamy 43
Photo 3: L'insigne du Régiment des
Tirailleurs Sénégalais Tchad (RTS-T) 44
Photo 4: L'uniforme des tirailleurs
sénégalais 62
Photo 5: Le fusil à Baïonnette
Rosalie utilisé par le RTS-T 63
Photo 6: Le coupe-coupe des tirailleurs
sénégalais 63
Photo 7: Porteurs de la tribu Sara 67
Photo 8: Une opération médicale
sur un tirailleur sénégalais 72
Photo 9: Stationnement des protagonistes
à la veille de la PGM au Kamerun 79
Photo 10: Les différentes voies de
déploiement du RTS-T et des alliés lors de la PGM au
Kamerun 88 Photo 11: Des tirailleurs
sénégalais et des porteurs assurant le transport du Gouverneur
français
Lucien Fourreau le 28 Juin 1918. 91
Photo 12: L'Hôtel de France de Douala
sécurisée par les tirailleurs sénégalais 92
Photo 13: Patrouille des tirailleurs
sénégalais dans la ville de Yaoundé en 1917 93
Photo 14: Carte du territoire du Tchad
après 1920 102
Photo 15: Représentation du tirailleur
sénégalais de 14-18 en France 109
Photo 16: Commémoration du centenaire de
la PGM au cimetière français de N'Djaména en
2014 112
ix
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1: Rappel du 160e anniversaire de la
création du corps des tirailleurs sénégalais par
Napoléon III dans la Revue Plombières-Les-Bains.
129 Annexe 2: Brochure d'engagement et de rengagement des
soldats métropolitains dans les
troupes coloniales. 130
Annexe 3: Extrait du français
enseigné aux tirailleurs sénégalais 131
Annexe 4: Les conditions d'engagement et de
réengagement des métropolitains au sein des
troupes coloniales 132 Annexe 5:
Décret du Commandant du territoire militaire du Tchad relatif
à l'affectation du
Sultan Mohamed Acyl. 133
Annexe 6: Bulletin d'examen de perfectionnement
des tirailleurs sénégalais 134
Annexe 7: Les Sanctions disciplinaires
liées à l'ivrognerie des tirailleurs sénégalais
135
Annexe 8: Le tirailleur « tchadien »
Karim Nadji 136
Annexe 9: Rapport de l'étude de cas des
tirailleurs sénégalais de la période 1935-1939 137
Annexe 10: Affiche de propagande de recrutement
pour Européens au sein de l'armée coloniale
138 Annexe 11: Rapport du médecin
commandant le TMT des sénégalais du RTS-T rapatriés au
Tchad en 1918. 139 Annexe 12:
Présentation de l'origine militaire du RMT lors du colloque militaire de
Strasbourg
en 2014. 140
Annexe 13: Hôpital pour militaire
européens dans la ville de Douala en 1916. 141
x
RÉSUMÉ
La présente étude aborde la question de la
création du régiment des tirailleurs sénégalais du
Tchad (RTS-T) et de sa mise à contribution dans le processus de
consolidation de l'Empire colonial français. Elle met en lumière
les origines et les mobiles de l'implantation de la France sur le territoire du
Tchad, de la création du RTS-T et de son déploiement au Kamerun
sur une période allant de 1910 à 1918. Ce travail scrute par
ailleurs, les différents mécanismes qui ont permis à la
France de mettre en place une armée d'infanterie coloniale vouée
à la défense mais aussi à l'extension de son domaine
colonial. Elle s'inscrit dans un contexte de velléités
expansionniste, dont la mise en place du RTS-T et son usage fut une occasion
idoine pour la France de se positionner comme une grande puissance
conquérante disposant d'un réservoir d'hommes de grande
envergure. Toutefois, ayant eu recours à une démarche
transdisciplinaire, ce travail allie à la fois une démarche
analytique, descriptive et déductive afin de donner une orientation
nouvelle à ce sujet qui, a déjà attiré l'attention
des chercheurs. Toutefois, la mise en évidence de notre
problématique tient compte du contexte de tension de l'époque et
entend inscrire ce travail dans l'historiographie de l'Histoire militaire du
Tchad longtemps minorée. Il importe enfin de préciser que, ce
mémoire entend mettre à jour un ensemble d'éléments
susceptibles de renchérir la connaissance du RTS-T et les objectifs de
sa création.
Mots clés : Régiment,
Tirailleur sénégalais, Empire colonial, Première Guerre
mondiale, Tchad, Kamerun.
xi
ABSTRACT
The present approach studies the question of Senegalese
Regiment Tugger of Chad (RTS-T) and it's contribution to the consolidation
process of the French colonial empire. It also put into light the origins and
motives of France implementation in the Chad territory, the creation of (RTS-T)
and it's deployment in Kamerun by 1910 to 1918. In another way, it's to examine
the different mechanisms who permitted France to put in place a devoted
infantry colonial army at the defence but also it's extension of its colonial
sphere thus the Big War in Kamerun was a catalyst. Meanwhile, this study
inscribes in the expansionist intention, hence the installment of RTS-T and his
usage was an adequate occasion for France to subscribe like a big conqueror
power having a span man power reserve. Although having had to appeal with a
transdisciplinary measures, this work allie's other analytics measures,
descriptive and deductive so as to give a new orientation to this topic who had
once gotten the attention of researchers. Again, the evidence to our
problematic takes into consideration the tension contexts of the era and having
subscribe this work in the historiography of Chad military history longtime
minor. It's important to precise that, this work is to bring out touchy
elements to enrich the RTS-T knowledge and the objectives of it's creation.
Keywords: Regiment, Senegalese Rifleman,
Colonial Empire, First World War, Chad, Kamerun.
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
1-Presentation du sujet
Le but de ce travail est de mettre en évidence la
dynamique autour de la constitution et du déploiement du régiment
des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) au
Kamerun1 dans le but de consolider le domaine colonial
français entre 1910 et 1918. Autrement dit, il s'agit de scruter
pourquoi et comment la France a levé, instruit, puis
déployé le RTS-T sur ce qui fut jadis le protectorat allemand au
Kamerun.
Cette thématique est en fait le résultat d'une
maturation d'idées qui entend questionner la genèse des
activités qui alimentent les débats au Tchad : celles des
multiples interventions militaires « tchadiennes » aux
côtés de la France dans le cadre des opérations dit de
« stabilisations » en Afrique2. C'est effectivement en
questionnant ces faits d'armes récents qui, contrastent par ailleurs
avec la situation économique précaire de ce pays que, nous sommes
parvenus à élaborer ce sujet qui s'inscrit dans le champ de
l'Histoire militaire.
Partant de là, il y'a matière à constater
que, la présence de la France au Centre de l'Afrique remonte à la
fin du XVIIIe siècle et au début du XIXème siècle
dans le cadre de l'expansion coloniale. Mais, celle-ci a dû faire face
aux royaumes et empires centre africains voire, aux autres puissances
européennes afin d'étendre son domaine coloniale3.
C'est dans cette mouvance qu'une fois l'entame de la « pacification »
du Sud et du Centre du territoire du Tchad amorcée en 1889,
l'administration coloniale française se mis alors à
échafauder d'ambitieux projets d'implantations et d'extensions dont la
constitution des forces supplétives locales était l'une des
trames4.
Nonobstant ce constat, force est de remarquer que, les
velléités expansionnistes ont été des
éléments catalyseurs de la mise en place du RTS-T. Cette
constitution d'une troupe d'infanterie coloniale revêtait un double
rôle à savoir : assurer d'une part la sécurité
interne du territoire et d'autre part doter la France d'un réservoir
important de soldats susceptibles d'être déployé hors du
territoire en cas de nécessité. Toutefois, on se rend compte que,
le rôle joué par les Africains et/ou la population du territoire
du Tchad dans ces tensions entre Européens fut souvent minoré ou
alors analysé à travers des clichés qui sont devenus au
fil du temps des
1 Nous employons l'appellation « Kamerun
» tout au long de ce travail pour désigner le territoire sous
domination allemande et Cameroun lorsqu'il passe sous contrôle
franco-britannique à partir de 1916.
2 En effet, on peut dans ce cas faire mention des
opérations franco-tchadiennes en 2013 au Mali dans le cadre de
l'opération Serval, et celles en République Centrafricaine en
2015.
3 G. Ousmane, 2010, « Le commerce
extérieur du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de
Doctorat Phd en Histoire économique, Université de Strasbourg. p.
11.
4 Ce sont des arguments que soutiennent notamment
Marc Michel, L'appel à l'Afrique 1914-1918, Paris, Karthala,
2003. E. Largeau, 1912, La situation du territoire militaire du Tchad au
début de 1912, Paris, Comité de l'Afrique
française.
3
certitudes tant pour les hommes de l'époque que pour
ceux d'aujourd'hui. Or, il est intéressant de remarquer avec Jacques
Frémeaux que : «les Africains sont des hommes sujets, comme
tous les hommes, ayant marqué à leur façon la
destinée du monde et spécialement celle de leur
continent5».
Ce constat contraste par ailleurs avec la figure imagée
du tirailleur sénégalais dont le rôle lors du processus de
consolidation de l'empire colonial Français a longtemps
été dépeint du seul point de vu occidental. En
dépit de cela, il faut cependant reconnaitre que, la littérature
Ouest-africaine s'était déjà pencher sur l'étude
des tirailleurs sénégalais6. C'est en s'inscrivant
dans cet élan que, Léopold Sédar Senghor dans un recueil
de poèmes questionnait le devenir de ces derniers et leur rendait
hommage en affirmant notamment que : « Qui pourra vous chantez si ce
ne sont vos frères, vos frères de sang, vous tirailleurs
sénégalais, mes frères à la main chaudes,
couchés sous la glace de la mort7».
Ce faisant, ces propos de Senghor nous rappellent bien la
tâche qui attend l'historiographie africaine de façon
générale et tchadienne en particulier concernant l'étude
de « ses tirailleurs ». Conséquemment à tout ceci, loin
d'être exhaustive, la présente étude entend
s'intéresser aux facteurs ayant conduit à la création du
RTS-T, et de sa participation quant à la protection du domaine colonial
français notamment lors de son déploiement sur le territoire du
Kamerun et entend aussi questionner par ailleurs, la mémoire de ce
régiment.
C'est fort de ce qui précède, que nous avons
intitulé ce travail : « Le régiment des
tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) et la consolidation de
l'empire colonial français : de sa création et de son
déploiement au Kamerun (1910 et 1918) ».
2-Les raisons du choix du sujet.
Lors de la constitution des empires coloniaux en Afrique par
les puissances européennes entre la fin du XIXème siècle
et le début du XXème siècle, la mise en place puis
l'utilisation des tirailleurs sénégalais par la France ont
été déterminants dans la circonscription de son empire
africain. Fort de ce constat, il serait question ici de mettre en
lumière les motivations ayant conduit au choix de cette
thématique. Elles sont à la fois objectives et subjectives.
5 J. Frémeaux, 2006, Les colonies dans
la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer,
Paris, Soteca-Edition. p. 170.
6 Nous pouvons notamment évoquer les travaux
de A. Sow, 2017, Les tirailleurs sénégalais se
racontent, Paris, l'Harmattan ; L. S. Senghor, 1948, Hostie noire,
Poème liminaire, Paris, Editions Le Seuil ; P. Ndiaye, 2008, «
Les soldats noirs de la République », L'Histoire, n°337,
décembre 2008 ; S. Sokha, 2008, Le contrôle des armes
à feu en Afrique occidentale française (1834-1958), Paris,
Karthala.
7 L. S. Senghor, 1948, p. 34.
4
S'agissant des motivations objectives, nous pouvons au
préalable mettre en avant le besoin de nous inscrire dans la
continuité des travaux de nos devanciers. En effet, s'il faille
réitérer que l'utilisation des tirailleurs
sénégalais par la France lui a permis de s'affirmer en Afrique,
ce constat a déjà attirer l'attention des chercheurs. Mais, il
faudrait également préciser qu'il y'a une rareté de
documents spécifiques à l'étude du RTS-T et à sa
mise à contribution dans ce sens. C'est donc ce vide historiographique
spécifique au RTS-T et de son déploiement au Kamerun lors de la
Première Guerre mondiale qui, a en premier motivé notre choix
;
Notre choix fut également influencé par la
volonté d'appréhender à travers des mobiles,
l'antériorité de la présence française sur le
territoire du Tchad avant le début de la Première Guerre mondiale
au Kamerun.
Enfin, la présence des casernes des Anciens Combattants
datant de la période coloniale dans les villes de N'Djaména
(ancien Fort-Lamy), Moundou et Sarh (ancien Fort-Archambault) sont autant de
facteurs qui ont animé notre désir de connaitre l'histoire des
hommes pour qui ont été construites ces casernes. In
fine, la dernière motivation réside dans le fait de vouloir
comprendre pourquoi le RTS-T a été le plus gros contingent des
quatre régiments d'Afrique Equatoriale Française
déployé lors de la PGM au Kamerun. Car, à notre sens cela
ne peut pas être anodin.
Quant aux motivations d'ordre subjectives, elles
découlent de trois observations que nous avons faites au Tchad et qui
questionnent de près ou de loin le RTS-T.
La première motivation est la présence au Tchad
de nombreuses bases militaires françaises (le plus grand nombre de toute
l'Afrique Centrale) ce qui laisse très souvent entendre que, depuis la
période coloniale le Tchad a servi de base arrière à
l'armée française8. Ceci dit, l'une des raisons de
cette recherche réside dans le fait de vouloir remonter à la
genèse de cette présence militaire française au Tchad.
La seconde motivation est liée à la
volonté de rendre hommage à ces anciens combattants de la guerre
de « 14-18 » qui, sont à notre sens les lointains acteurs des
« indépendances » africaines et tchadiennes en particulier.
C'est à partir de ces constats que nous avons décidé de
formuler un thème de Mémoire de Master axé sur le RTS-T
dont la finalité vise à construire un discours historique
cohérent tout en souhaitant apporter une contribution à
8 On peut à ce jour répertorier 9
bases militaires françaises sur l'ensemble du territoire du Tchad. Elles
sont présentes dans les villes de N'Djaména, Abécher,
Mongo, Adore, Wour, Mao, Ati, Am Timam, et Faya. Entretien avec Adams Oumar,
Moundou le 09-11-2021.
5
l'historiographie militaire tchadienne. A présent, il
est question de circonscrire l'espace d'étude et la fourchette
chronologique qui encadrent ce travail.
II-LE CADRE SPATIO-TEMPOREL
Les canons méthodologiques en Histoire exigent une
circonscription géographique et chronologique. Ainsi, il est question
ici de déterminer dans un premier temps l'espace d'étude ensuite,
fixer le temps d'étude.
1-Cadre géographique
Le cadre géographique permet à la fois de fixer
les limites du territoire étudié mais aussi les enjeux qui s'y
prêtent. Pour le compte de cette étude, il est question ici de
circonscrire le double cadre géographique de cette recherche : dans un
premier temps le territoire sur lequel a été mis en place le
RTS-T, ensuite, celui de son déploiement tout ceci en tenant compte du
contexte de tensions liées aux frontières.
a-Le territoire du Tchad
Il n'est pas évident de circonscrire avec exactitude le
territoire du Tchad entre 1910 et 1918 du fait des mutations
frontalières opérées dès 1911 et, de son extension
au sortir de la Grande Guerre.
Néanmoins, localisable au coeur du continent africain,
le territoire du Tchad est un espace qui a connu des mutations entre 1911 et
1918. En effet, en 1910, après onze années de colonisation
française, il s'étend sur 850.000 Km2 et est
divisé en 9 circonscriptions dont chacune d'elle dispose d'un contingent
de militaires à la fois métropolitains et locaux9. A
partir de 1911, il est amputé de toute la rive gauche du Logone au
profit du Kamerun (territoire sous domination allemande) soit un peu plus de
2.900 km2 ce qui le réduit à 847.100 km2.
Mais, après la PGM au Kamerun, il connait de nouveau une extension
à partir de 1916 suite au départ des Allemands du Kamerun ce qui
lui permet de retrouver sa superficie d'avant 1911. Cependant, il faut attendre
1919 avec le traité de Versailles pour que soit officiellement
9 C. Largeau, 1912, La situation du territoire
militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de
l'Afrique Française. p. 3.
6
rétrocédé les territoires autrefois
englobés par ce qu'on a appelé le Neu Kamerun ou le
grand Kamerun10.
Le territoire du Tchad a des frontières communes avec
un certain nombre de territoires colonisés qui appartenaient aux autres
puissances européennes (la Libye au Nord, territoire sous domination
italienne, le Nigeria occupé par les anglais, le Kamerun sous
joug allemand au Sud-Ouest, à l'Est le Soudan sous domination anglaise
mais, il fait frontière également avec les autres colonies
françaises à l'instar de l'Oubangui Chari et du Niger au
Sud11. Cette position stratégique lui permet à la fois
d'être un trait d'union entre l'Afrique du Nord, l'Afrique Occidentale et
l'Afrique Equatoriale. En outre, ce territoire est divisé en 3 grandes
zones qui subissent chacune des influences différentes.
Sa partie septentrionale, désertique, échappait
encore au contrôle de la France du fait de la présence de la
confrérie Sénousite12 et des Turcs hostiles par
ailleurs à la présence française13.
Au Centre, la zone est saharienne et abrite de nombreux
royaumes qui se sont mis sous protectorat français aux premières
heures de la colonisation à priori pour faire face à
Rabah. Ce fut notamment le cas du royaume du Baguirmi qui collabora
énormément avec les Français. Cette zone du territoire
reste donc en proie à de nombreuses convoitises dont la France avait du
mal a totalement pacifier. Toutefois, c'est dans ce Centre que la caserne
principale du RTS-T a été installée à Fort-Lamy
(actuel N'Djamena) en 1910. Cet acte traduisait aussi la volonté de la
France de contenir les menaces pouvant venir du Nord et du Kamerun au Sud.
Quant au Sud, c'est une zone totalement sous contrôle de
la France. C'est un véritable carrefour d'ethnies couvert par les
circonscriptions du Moyen Logone, du Moyen Chari et du Mayo-Kebbi14.
La population de cette zone s`élèverait à 1.632.394
habitants selon son administrateur le Victor Emmanuel Largeau15. Ces
arguments justifieraient la facilité avec laquelle la France leva un
nombre conséquent d'Hommes pour y bâtir l'ossature du RTS-T.
10 M. Assileck., 2012, « L'évolution
des frontières du Tchad », Maitrise en Histoire des Relations
Internationales, Université de N'Gaoundéré, pp.62-63.
11 D. Zakinet, 2015, « Des transhumants entre
alliances et conflits, les arabes du Batha (Tchad) 1965 - 2012 »,
thèse de Doctorat en Histoire économique, Aix Marseille
Université, p. 25.
12 C'est une confrérie musulmane qui serait
venue d'Orient et qui s'est installée au Sud de la Libye puis au Nord du
Tchad à partir de 1880. Cette secte a lutté farouchement contre
la colonisation française.
13 J. Ferrandi et H. Perpignant, « Turcs et
Senoussistes au Fezzan », 1920, in Bulletin du comité de
l'Afrique Equatoriale Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930-
Novembre 1935. Supplément de l'Afrique Equatoriale. CEFOD, pp.7-8.
14 Il faut néanmoins rappeler qu'une partie
de cette circonscription sera cédée en 1911 à l'Allemagne
et par conséquent rattachée au Neu-Kamerun. Cet acte
était l'une des résolutions de la crise marocaine d'Agadir en
guise de compensation territoriale.
15 C. Largeau, 1912, p. 41.
7
Car, en plus du nombre, les populations du Sud du territoire
sont majoritairement des cultivateurs et des pécheurs ; une
catégorie de personnes prisées par les recruteurs du fait de leur
morphologie imposante16.
Toute somme, le territoire du Tchad était
segmenté en 3 zones et on constatait une nette différence entre
les parties Nord, Centre et le Sud qui subissaient une dynamique d'influence
différente. Mais, la mise en place du RTS-T fut en parti
influencée par les tensions entre Européens concernant la
détermination de leurs zones d'influence respective. Le territoire du
Kamerun fut de ce fait un espace de grandes rivalités.
b- Le Kamerun
Le territoire du Kamerun est un espace limitrophe au
Tchad dans sa partie septentrionale, dont le fruit résulte de nombreux
accords entre Français et Allemands17. Il fut un enjeu
d'affrontement lors de la Première Guerre mondiale entre forces
alliés (France, Angleterre, Belgique) contre l'Allemagne durant une
année et démi.
Pour mieux comprendre cet état de choses il est
important de mettre en exergue les multiples accords qui ont conduit les
puissances impérialistes, notamment la France et l'Allemagne à
établir leur sphère d'influence dans cette sous-région du
centre de l'Afrique.
Il s'agit notamment des accords franco-allemands du 24
Décembre 1884 et du 15 Mars 1894. Ces accords ont permis dans un premier
temps de fixer les limites entre le Congo français18 et le
Kamerun19.
A cet effet, ils stipulaient dans leur ensemble que le
parallèle situé au Nord du 2e degré, compris
entre le fleuve Congo et le 15e degré, de longitude Est de
Greenwich devient la ligne de démarcation entre le Congo français
et le Kamerun20.
D'autres accords sont venus parfaire ce premier traité.
C'est ainsi qu'en s'inscrivant dans la continuité des accords
précités, la convention franco-allemande du 18 Avril 1908
octroyait l'ensemble de l'extrémité Nord du Kamerun
appelé « bec de canard » à la France.
16 Entretien avec Lamgué Bertrand, Moundou le
5-11-2021.
17 M. Assileck, 2012, « L'évolution des
frontières du Tchad », Maitrise en Histoire des Relations
Internationales, Université de N'Gaoundéré. pp.56-61.
18 Il s'agit ici des quatre colonies du Gabon, de
l'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Tchad qui formaient le Congo
français. Il est par ailleurs l'ancêtre de l'Afrique Equatoriale
Française (AEF).
19 M. Assileck, 2012, p.63.
20A. Aziz Yaouba, 2015, « Les relations
transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20e siècle
», thèse de Doctorat Phd en Histoire, Université de
N'Gaoundéré. p.121.
8
In fine, le dernier accord que nous pouvons mettre en
évidence est celui du 4 Novembre 1911 qui fait suite à la crise
marocaine d'Agadir. Car, il est une révision apportée aux
frontières du Moyen-Congo et du territoire du Kamerun. En
effet, dans l'optique d'éviter un affrontement armée entre la
France et l'Allemagne concernant le Maroc, des négociations s'ouvrent et
conduisent à la signature du traité du 4 Novembre 1911. Celui-ci
permet notamment à la France d'établir son protectorat sur le
Maroc et en contrepartie ce dernier est obligé de céder à
l'Allemagne une compensation territoriale dans son empire de l'AEF. C'est suite
à cela que le Kamerun s'agrandit de 259.000Km2 et
passe de ce fait de 480.000 Km2 à 750.000
Km221.
Autrement dit, la frontière ainsi révisée
commence plus au Sud avant de se poursuivre entre le Kamerun et le
Tchad. A cet effet, Adalbert Owona affirme que :
Au terme du traité, la nouvelle frontière devait
partir de la baie de Mondah et se diriger à peu près en ligne
droite jusqu'à Ouesso ; de là, elle devait descendre jusqu'au
Congo près de Bonga, puis, après avoir longé la Sangha,
remonter vers le Nord, en s'attachant au cours de Likouala aux herbes et de la
Bally, emprunter , dans la direction Ouest-Est, la rive droite de la Lobaye
jusqu'à son confluent dans l'Oubangui, pour remonter ensuite vers
Goré et suivre le Logone jusqu'à Fort-Lamy22.
La possession allemande est délimitée au Nord
avec le territoire du Tchad, à l'Est avec l'Oubangui Chari, à
l'Ouest avec le Nigeria, au Sud-Ouest la Guinée espagnole (territoire
neutre lors de la Grande Guerre), le Moyen Congo au Sud-Est et le Gabon au Sud.
C`est donc un territoire pris en étau par les possessions de ses ennemis
occidentaux qui vont l'évincer à la fin de la Première
Guerre mondiale. L'ensemble de ces mobiles à la fois politiques et
géographiques constituent les raisons de sa mise en évidence.
2-Cadre temporel
Ce Mémoire est encadré par une fourchette
chronologique qui s'étend de 1910 à 1918.
1910, borne inférieure de cette étude, marque la
date de la mise en place du RTS-T et de la création de leur caserne
principale à Fort-Lamy23. Cette décision entraine
l'intégration en masse des populations du Tchad dans ce régiment
d'infanterie coloniale mais aussi l'engagement contractuel des militaires
métropolitains. En effet, s'il est acté que dès 1857,
Napoléon III décide de créer le tout premier corps de
tirailleurs sénégalais dans la colonie du
21 E. Mveng, 1985, Histoire du Cameroun. Tome
II, Yaoundé, Ceper, pp. 62-63.
22 A. Owona, 1996, La naissance du Cameroun,
Paris, l'Harmattan, pp. 53-54.
23 Archives National du Tchad, 1910, Journal
Officiel de la République Française, Quinzième coloniale
n°2, Arrêté du Président Armand Fallières
relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs
sénégalais dans les colonies du Tchad, d'Oubangui-Chari, du
Moyen-Congo et du Gabon, p. 315.
9
Sénégal par le décret de
Plombières (Annexe n°1), cette force supplétive
s'étend ensuite au reste de l'empire colonial français au
début du XXème siècle. Cette initiative est due en partie
au Générale Charles Mangin qui entend constituer une armée
coloniale à travers l'empire colonial français.
Ce dernier développe dans un manifeste intitulé
« la Force noire », l'idée de lever une armée coloniale
dans chaque territoire afin de protéger la France contre ses ennemies et
de préserver sa domination dans son empire colonial. C'est suite
à cela que, partout dans les colonies subsahariennes sous domination
française, des régiments parmi lesquels le RTS-T sont
créés après l'émanation du décret du
Président français Armand Fallières datant du 10
Févier 191024. Toute somme, 1910 a été une
année charnière dans la mise en place du RTS-T.
Notre étude prend fin en 1918. Le choix de cette date
est lié à la démobilisation entière du RTS-T
après la Première Guerre mondiale au Kamerun. Car, si la PGM
s'achève au Kamerun le 20 Février 1916 avec la
capitulation de Mora, le RTS-T a été maintenu sur ce territoire
afin d'aider à sa « dégermanisation »25. En
effet, si la Première Guerre mondiale s'achève au Kamerun
après la capitulation de Mora26, seuls 3/4 du RTS-T sont
démobilisés. Et, de ce fait, deux Bataillons de ce
régiment sont maintenus sur ce territoire avec pour objectif de
conforter la présence des nouveaux « maitres » de ce
territoire afin que, la « dégermanisation » s'opère
efficacement jusqu'à la fin totale de la guerre en
Occident27.
Une fois le balisage de ce travail opéré, il
convient à présent de procéder à une clarification
des théories et des concepts utilisés dans ce travail.
III-CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE
La mise en exergue des cadres conceptuels et théoriques
permettent d'avoir une meilleure appréhension de la question
traitée. En effet, si la clarification conceptuelle permet de donner un
sens propre aux mots clés, la mise en exergue des théories quant
à elles permettent d'apporter des réponses théoriques
à partir des faits pratiques.
24 Archives National du Tchad, 1910, Journal
Officiel de la République Française, Quinzaine coloniale
n°2, Arrêté du Président Armand Fallières
relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs
sénégalais dans les colonies du Tchad, du Moyen Congo,
d'Oubangui-Chari et du Gabon, p. 315.
25 G. Aymerich, 1920, La conquête du
Cameroun, Paris, Hachette. p. 196.
26 E. Mveng, 1985, Tome II, pp. 112-114.
27 G. Aymerich, 1920, p. 198.
10
1- Clarification conceptuelle
Dans le souci d`éviter toute confusion, il nous a paru
important de clarifier nos termes majeurs. L'objectif étant
d'éviter toute ambigüité et de marquer une
démarcation par rapport aux notions voisines afin de donner à ces
mots un sens précis dans le cadre de cette étude.
Régiment, étymologiquement, ce
mot vient du latin regimentum qui signifie administration, puis chose
administrée. Il est tiré du verbe regére qui se
traduit par régir. D`après le dictionnaire Le petit
Robert28, un régiment est un corps de troupes composé
de plusieurs bataillons en escadrons dont le chef est un colonel.
Daniel Abwa29 affirme que, le régiment
Pendant la Première Guerre mondiale s'apparente à une troupe de
soldats d`infanterie ayant une mission et des objectifs à atteindre lors
d`une guerre. Lors de la Grande Guerre au Kamerun, il affirme que le
régiment du Tchad était constitué de 10 compagnies
composées de chacune 150 Hommes minimum et dont l`objectif premier
était la prise de Kousseri. Gauderique Joseph Aymerich30 lui
pense que le régiment c`est un corps de soldats en grande
majorité « indigènes » placé sous le
Commandement d`un officier ou d`un sous-officier métropolitains.
Dans le cadre de ce travail, le régiment est
appréhendé comme l'unique corps de militaire sur le territoire du
Tchad. Il est constitué en grande majorité de Noirs qui sont
encadrés par des instructeurs métropolitains. En outre, fort de
plusieurs garnisons, chacune pouvait abriter entre 300 à 1000
tirailleurs. En plus des militaires, il comporte également des dizaines
de milliers de porteurs qui assuraient les déplacements du
matériel de guerre, des blessés et les denrées
alimentaires.
Tirailleur sénégalais,
étymologiquement, il n`est pas facile de remonter à l`origine du
mot tirailleur. Dans une émission télévisée,
Christian Eboulé affirmait que cette appellation est péjorative
car, elle aurait été donnée aux premiers Noirs
engagés dans les troupes coloniales dans le cadre de la gestion des
colonies31. Ce dernier affirme en outre que, les Noirs ne
possédaient pas une maîtrise totale des armes à feu et lors
de leur instruction par les officiers
28 J. Rey Debove, 2014, Le Dictionnaire Le petit
Robert, Paris, Le Robert, p. 383.
29 D. Abwa, 2010, Cameroun : Histoire
d'un nationalisme. (1884-1960), Yaoundé, Clé, 2010, p.
206.
30 G. Aymerich, 1933, La conquête du
Cameroun, Paris, Payot, p. 13.
31 C. Éboulé, TV5 Monde, In Le Journal
de l`Afrique, La Chronique Histoire sur les tirailleurs
sénégalais. 14-Novembre 2017. Consulte le 20 Avril 2021 à
10h25.httpp://www.TV5.Fr.
11
métropolitains, lorsqu'on leur présentait une
cible qu'ils devaient atteindre, ils tiraient ailleurs d`où l`expression
« tir ailleurs » qui s'est transformée en nom de «
tirailleurs ».
Associé à l`adjectif sénégalais,
il a une signification toute autre. Car, c'est une appellation
générique qui ne concerne pas seulement les
Sénégalais mais tous les Noirs levés dans les
regroupements de l'AOF et l'AEF. Cet acte avait pour but de les distinguer des
tirailleurs magrébins et des tirailleurs malgaches. De ce fait, Marc
Michel32, affirme que le terme tirailleur sénégalais
est trompeur, car si les premiers tirailleurs ont effectivement
été levés au Sénégal, cette appellation
s'est étendue à tous les Africains provenant de l'empire colonial
français au Sud du Sahara.
Quant à Zack Mwekassa33, il est plus
descriptif dans sa définition du tirailleur sénégalais. Il
pense que c`est un soldat qui fut levé partout en Afrique noire et qui
arbore un uniforme à col rabattu appelé paletot, un chapeau sous
forme conique de couleur rouge appelé chechia et des bottes
appelées brodequins. En plus de cet équipement qui le
caractérise, il porte comme armes de guerre un coupe-coupe et un fusil
à baïonnette de marque Rosalie.
Dans le cadre de ce travail, le terme tirailleur
sénégalais renvoit tout simplement à celui qu'on connait
aujourd'hui sous le pseudonyme d'Ancien combattant. Et, avec le temps
l'appellation tirailleur Africain ou encore tirailleur du Tchad aurait
été mieux adapté car, la grande majorité de ces
derniers n'étaient plus originaire du Sénégal et provenait
dans chaque territoire sous domination française à l'instar du
Tchad d'où l'appellation « tirailleurs sénégalais du
Tchad »
Empire colonial : le binôme «
empire colonial » est un terme qui, du point de vue historique a
graduellement évolué. Pour Jacques Frémeaux34,
le concept empire dérive du latin imperium et peut être
perçu comme l'imposition d'un ordre associant étroitement pouvoir
civil et pouvoir militaire. Associé au terme colonial, il revêt
une vocation universelle qui ne peut se limiter à un territoire
restreint, ou à une seule nation, mais regroupe, sous une même
domination, une juxtaposition de peuples, très différents les uns
des autres, par leur langage, leurs traditions, leurs modes de vie et leur
couleur de peau.
32 M. Laloui, 1998, « Les Poilus d`ailleurs
», Film documentaire,
https://www.cinemeteque.com.
Consulte le 18-Avril 2021.
33 Z. Mwekassa, 2020, « Les tirailleurs
sénégalais », Film documentaire. Consulté en
ligne le 20-Avril 2021
https://www.cinemeteque.com.
34 J.Frémeaux, 2012, « Les Empires
coloniaux. Une histoire-monde », Revue de Presse, Paris, CNRS
Edition, pp. 15-16.
12
Pour Jean-Baptiste Duroselle35, l'empire colonial
est une structure mise en place par les puissances impérialistes afin
d'effacer les unités politiques de la carte du monde, au profit d'un
Etat puissant celui qui avait pris l'initiative de la rencontre, par
l'imposition d'une civilisation différente et qui devenait, par voie de
conséquence, le seul centre de décision.
Pour ce qui est de ce travail, le terme empire colonial
désigne un regroupement de territoire en Afrique où la puissance
impérialiste avait instauré un ensemble de structures
régulant le contrôle par des organes centraux. Par ailleurs, les
armées locaux à l'instar du RTS-T étaient investis
à la fois d'une mission traditionnelle de sécurité interne
et d'une mission originale d'être le bras séculaire de
développement.
Kamerun: ce nom est issu d'une série
de transformation par les puissances occidentales qui ont tour à tour
côtoyé ce territoire. D'emblée, ce sont les Portugais qui,
au XVe siècle arrivés sur les berges du fleuve Wouri vont
l'appeler Rio dos Camaroes ou rivière de crevettes. Avec
l'arrivée des Espagnols, l'estuaire de ce fleuve va prendre le nom de
Rio de Camarounes. Mais, les Anglais quant à eux
l'appellent Cameroon river ou tout simplement Cameroon. Cette
appellation s'étendit à l'actuelle ville de Douala qui prit le
nom de Cameroon Town et donna même son nom à une
montagne Cameroon Mountain. Néanmoins, lorsque les Allemands
établissent leur protectorat dès 1884, ils la nomment Kamerun et
étendent cette dénomination germanique à l'ensemble du
territoire.
Dans le cadre de cette étude, le terme Kamerun est donc
un territoire sous domination allemande, qui fut l'objet de nombreuses
convoitises de la part des puissances européennes. Ainsi, après
la crise marocaine d'Agadir l'une des résolutions consistait à
céder en guise de compensation territoriale une partie de l'AEF. Cet
acte conduisit à l'extension du Kamerun qui passa de
475.000Km2 à 750.000Km2. Le territoire du Tchad
perdit à cette occasion 2900Km2 soit l'ensemble de Sud-Ouest
de son territoire. Toutefois, cette extension du Kamerun fut l'une des causes
du déclenchement de la Première Guerre mondiale qui a vu la
participation du RTS-T engagé à partir du front Nord.
35 J.-B. Duroselle, 1982, « Tout Empire
périra. Une vision théorique des relations internationales
», Revue Française de Sciences politique, p. 200.
13
2-Le cadre théorique
Philippe Braillard36 définit une
théorie comme une expression qui se veut cohérente et
systématique de notre connaissance de ce que nous nommons la
réalité. Elle exprime ce que nous savons ou ce que nous croyons
savoir de la réalité. En sciences humaines, il existe une
pléthore de théories. Cependant, dans le cadre de ce travail,
trois théories sont mises en évidence. Il s'agit de la
théorie de la stratégie, la théorie des jeux et de la
théorie de la représentation sociale.
De ce fait, le premier paradigme mis en évidence dans
ce travail est la théorie de la stratégie. C'est une
théorie qui a vu le jour grâce au Général
André Beaufre en 1963. Issu de son ouvrage intitulé
Introduction à la stratégie37ce paradigme est
un concept qui appartient au monde militaire comme l'affirme son auteur mais
qui s'est néanmoins importé dans le domaine du management.
Cependant, il faut déjà savoir qu'il existe une différence
entre la stratégie et la tactique. En effet, la stratégie est
globale. Elle s'applique à l'étendu d'un conflit alors que la
tactique est spécifique et est utilisé pour des actions
précises.
La théorie de la stratégie à plusieurs
typologies parmi lesquels : la stratégie de la « lutte
totale», la stratégie de la « pression indirecte », la
stratégie des « actions successives », la stratégie de
la « menace directe » et enfin la stratégie du « conflit
violent ». C'est cette dernière qui sied le mieux à notre
étude car elle a pour objectif la victoire militaire. Force est de
constater que les Alliés, la France notamment ont mené une guerre
offensive contre les positions allemande du Kamerun alors que, cette
dernière se contentait de mener une guerre défensive. Ceci
s'explique notamment par le fait que les Alliés avaient le double des
effectifs que possédait l'Allemagne au Kamerun. Car, les Alliés
avaient eu recours aux tirailleurs de leurs colonies. La France
particulièrement possédait 4 régiments autour du
Kamerun parmi lesquels le RTS-T.
Le second paradigme utilisé est celui des jeux d'Adam
Smith qui a vu le jour en 175938. Étant à la base un
concept propre à l'économie et aux mathématiques, ce
paradigme va néanmoins se faire une place dans les Relations
Internationales. Et, permettre de comprendre les différents enjeux qui
régissent les sociétés humaines surtout en période
troubles.
36 P. Braillard, 1977, Théories des
Relations Internationales, Paris, Presse Universitaire de France, p.12.
37 A. Beaufre, 1963, Introduction à la
stratégie, Paris, Editeur Pluriel.
38 A. Smith, 1957, The theory of moral
sentiments, Londres, University of Cambridge.
14
John Nash apporte un complément à cette
théorie. Il estime que la théorie des jeux à plusieurs
typologies, dans ce travail, la théorie des jeux à somme
nulle39. Elle nous permet de mieux comprendre les desseins des
Alliés à étendre la guerre sur ce protectorat allemand.
Par ailleurs, elle permet de comprendre les réels enjeux qui ont
amené ces derniers à vouloir évincer les Allemands de leur
possession. En effet, les velléités expansionnistes des
occidentaux sont à l'origine de la Première Guerre mondiale en
Afrique et au Kamerun en particulier. La France avait besoin de
consolider son empire colonial et de ce fait, le territoire du Kamerun
avec son ouverture à la mer était vital pour elle. En outre,
elle souhaitait également récupérer les territoires
cédés à l'Allemagne après la crise Marocaine
d'Agadir de 1911. La Belgique quant à elle espérait tirer profit
de cette guerre pour acquérir de nouveaux territoires. C'est ainsi
qu'elle eut pour butin de guerre les ex Afrique Orientale Allemand du
Ruanda-Urundi. La Grande Bretagne quant à elle, pu aisément
former son projet d'axe allant du Cap au Caire. En outre, elle avait
reçu de la Société des Nations (SDN) le droit de mandater
conjointement le Kamerun avec la France. Tout ceci nous permet de
comprendre le jeu de chaise musicale qui s'est opéré entre
nations européennes après la guerre au Kamerun.
Enfin, la théorie de la représentation sociale
est le dernier paradigme mis en évidence. On la doit au sociologue Emile
Durkheim qui l'a conceptualisé en 189840. Elle permet de
questionner la mémoire d'un évènement et de ses acteurs.
Dans le cadre de ce travail, ce paradigme a permis de nous imprégner de
l'image et des représentations du tirailleur sénégalais de
façon général et en particulier sur celui venu du Tchad et
ayant pris part à la Grande Guerre au Kamerun.
IV-REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE
Introduire une approche historique des faits qui ont eu lieu
il y a un peu plus d'un siècle impose que nous consultions les travaux
de nos devanciers. Dans le but d'atteindre cet objectif, nous avons
trouvé nécessaire de consulter des ouvrages, des thèses,
des articles, des Mémoires liés de près ou de loin avec
cette thématique.
Anthony Guyon auteur de nombreux travaux sur les troupes
coloniales estime dans un article41 que, les tirailleurs
sénégalais ont servi malgré eux les desseins
français et, n'ont pas eu
39 Dans les jeux à somme nulle, ce qu`un
joueur ou un acteur des Relations Internationales gagne, son adversaire le
perd.
40 E. Durkheim, 1898. « Représentations
individuelles et représentations collectives » In, Revue de
Métaphysique et de morale, 6, 273-302. Consulté en ligne le
13-10-2021.
41 A. Guyon, 2014, « Du sauvage au soldat :
les tirailleurs sénégalais dans les imaginaires entre 1914 et
1930 », 14/18 le scandale par les imaginaires, 11e colloque de
Serrée, 26, 27, 28 février 2014.
15
en contrepartie la reconnaissance qu'ils auraient dû. En
outre, il estime que l'épanouissement et la prospérité des
sociétés précoloniales africaines ont peu à peu
disparu avec l'implantation des structures coloniales. D'ailleurs, à ce
sujet, l'auteur note que l'une des trames de ces aspiration consistait à
transformer des Africains de façon générale en parfaits
soldats à la solde de la France. Ainsi pour le compte de ce travail cet
article a permis d'appréhender à la fois la dénaturation
des sociétés du fait de la colonisation mais aussi saisir le
sentiment parfois insipide lié à l'imaginaire du tirailleur
sénégalais en Métropole.
Dans sa thèse, Guyon42 met en exergue
l'évolution des tirailleurs sénégalais au sein des forces
supplétives françaises entre 1919 et 1940. Dans cette
étude, l'auteur décrit avec assiduité les conditions de
recrutement et d'incorporation des soldats noirs au sein des troupes
d'infanterie. L'auteur arrive à la conclusion que, la France s'est noire
comme bouclier afin de minimiser les pertes blanches au sein des compagnies
d'infanterie.
En outre, il met un accent sur la formation
supplémentaire des tirailleurs dans les centres de perfectionnement
à l'instar de celui de Fréjus Saint Raphael en métropole
mais, s'attarde également sur les relations colons colonisés dans
le cadre de leur coopération au sein d'une armée commune.
Cependant, pour le compte de notre travail, cette thèse nous a permis de
saisir le contexte lié à la mobilisation et le perfectionnement
des tirailleurs sénégalais. Des activités qui les
occupaient pendant les périodes de stabilisation. Mais, cette
thèse se consacre exclusivement aux tirailleurs sénégalais
déployés en occident sans jamais évoquer leurs faits
d'armes sur leur continent.
Abdou Sow43 dans son ouvrage dresse un tableau des
tirailleurs sénégalais en plein champs de batailles et de leur
ressenti dans le cadre de la Première Guerre mondiale en Afrique et en
Occident. Il estime par ailleurs que, si les instructions militaires
étaient inculquées aux tirailleurs sénégalais en
Afrique lors de leur enroulement au sein des régiments, ceux-ci
ignoraient très majoritairement les arcanes des guerres avec les armes
à feu. En dépit de cela, leur courage et leur abnégation
ont faits plier l'ennemi à maintes reprises malgré des pertes
très importantes dans leur rang.
Dans le cadre de cette étude, cet ouvrage demeure un
récit historique qui, tient plus de la globalité que du
particulier, il nous laisse ainsi un vide sur les méthodes d'enroulement
des
42 A. Guyon, 2017, « De l'indigène au
tirailleur sénégalais : Approche anthropologique et
prosopographique », thèse de Doctorat en Histoire militaire,
Université Paul Valéry Montpellier 3.
43 A. Sow, 2017, Les tirailleurs
sénégalais se racontent, Paris, l'Harmattan.
16
tirailleurs et sur les questions de pécules
après leur engagement ou leur réengagent au sein des
différentes régiments.
Brice Douffet44 dans sa thèse met en exergue
la représentation sociale du soldat 14-18. Il analyse la perception
globale de ce dernier dans la mémoire collective particulièrement
du « poilu » ou soldat métropolitain. Il y développe
l'idée selon laquelle la matérialisation de
l'évènement est un pont qui permet de quitter du passé
pour le présent. Mais, comme nous l'avons souligné, cette
étude ne prend en compte que le souvenir du soldat métropolitain
de la PGM par ricochet, omet le souvenir lié aux tirailleurs
sénégalais qui ont pourtant été des acteurs majeurs
dans ce conflit.
Dans son étude consacrée aux Anciens
combattants, Antoine Prost45 pose les bases de toute histoire de la
commémoration de la Première Guerre mondiale. Dans une section de
son travail intitulé « Mentalités et idéologies
» il soulève la problématique lié aux manifestations
collectives des Anciens Combattants et aux commémorations des morts de
la guerre, avec le souci de déchiffrer comme un langage symbolique
auquel communient les participants. Ce travail nous a permis d'orienter notre
quatrième chapitre sur les questions mémorielles et des enjeux
qu'elles impliquent.
Antoine Champeaux46 revient sur la formation du
premier régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad et de
son legs patrimonial aux forces actuelles. Il affirme que, le Régiment
de marche du Tchad (RMT) qui fut mis sur pied par le Général
Leclerc au sur le territoire du Tchad et ayant pris part à la
Deuxième Guerre Mondiale (DGM) est l'héritier direct du RTS-T. La
confirmation de ces propos selon l'auteur est apercevable sur le fanion du RMT
sur lequel sont marqués leurs principaux faits d'armes. Dans le cadre de
ce thème, il nous renseigne sur l`influence qu`a eu le RTS-T sur le
RMT.
Zakinet Dangbet47, dans une partie de sa
thèse, scrute les enjeux de la conquête du territoire du Tchad et
les étapes de celle-ci. Il estime que, l'entité administrative du
Tchad est une création coloniale à l'instar de la
quasi-totalité des pays du continent.
44 B. Douffet, 2021, « Le souvenir s'en
va-t'en guerre : mémoires et représentations sociales du soldat
de 14-18 » thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université
de Lyon.
45 A. Prost, 1977, « Les anciens combattants
et la société française (1914-1939), Paris, Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques.
46 A. Champeaux, 2013, « Le patrimoine de
tradition des troupes indigènes ». Open Edition.
47 Z. Dangbet, 2015, « Des transhumants entre
alliances et conflits, les Arabes du Batha (Tchad) 1965-2012 »,
thèse de doctorat, Aix- Marseille université.
17
En effet, l'existence d'homogénéité
territoriale administrative étant absente, les sociétés du
Tchad précoloniale évoluaient de façon disparate. Il, note
en outre que, Jules Ferry, partisan ardent de la colonisation faisait partie de
ceux qui estimaient que l'expansion coloniale de la France en Afrique,
même dans des zones jusque-là inconnu était vitale pour
cette dernière. Le discours de ce dernier en 1885 est resté
célèbre car, il pensait que les colonies serviraient comme lieux
d'approvionnement, d'abris, de ports de défenses pour la
métropole. Il estimait par-dessus tout que, la grandeur de la France
devait passer par la grandeur de son domaine colonial.
Concernant notre sujet, son travail nous a permis d'avoir une
idée assez globale sur le Tchad précoloniale et des
différentes mutations administratives qu'il a connu entre 1889 et 1920.
Il nous a en plus permis, de comprendre l'intérêt que la France
avait pour ce pays pourtant doublement enclavé au coeur du
continent48.
British Jacques49, dans son ouvrage soulève
l'importance stratégique du territoire du Tchad aux yeux de la France.
L'auteur s'appesantit notamment sur la position centrale de ce territoire qui,
permet à la fois de côtoyer l'Afrique Occidentale, l'Afrique
Equatoriale et le Kamerun. Dans le cadre de notre travail, cet ouvrage permet
de comprendre la facilité avec laquelle la France a pu déployer
sur le territoire du Kamerun ces régiments de tirailleurs
particulièrement le RTS-T à partir du front Nord.
Engelberg Mveng50 analyse le Kamerun sous
domination étrangère avant, pendant et après la Grande
Guerre. Il scrute les 30 années durant lesquelles les allemands ont
administré le territoire après avoir délimiter ses
frontières longues de 478.000 km2. Frontières qui
s'élargissent à 750.000km2 après la crise
marocaine d'Agadir. Mveng renseigne également sur la composition des
troupes Alliés ayant été déployées au
Kamerun et, dont celles du RTS-T ou de la colonne du Nord. Mais, l'auteur a une
approche globale et ne fait guère mention des différentes phases
de déploiement de ces troupes engagées dans cette guerre ni
même du contexte lié à leur démobilisation.
Michael Growder51 analyse les stratégies
mise en place par les protagonistes et les moyens par lesquels les troupes
étaient levées. Il estime par ailleurs que ce sont les soldats
48 Le territoire du Tchad est dit doublement
enclavé pour deux principales raisons : la première est
liée à son inaccessibilité à la mer et la seconde
raison relève du retard en matière du développement des
voies de communication censées le connecter au monde
extérieur.
49 B. Jacques, 1989, La mission Fourreau Lamy
et l'arrivée des français au Tchad, 1898-1900, Paris,
l'Harmattan.
50 E. Mveng, 1985.
51 M. Growder, 1987, « La première
guerre mondiale et ses conséquence », In A. Du Boahen,
Histoire générale de l'Afrique. Tome VII. L'Afrique sous
domination coloniale. 1880-1935, Paris, UNESCO.
18
Africains qui ont été au coeur de la campagne
militaire au Cameroun. Le document nous montre également les moyens par
lesquels les troupes étaient levées. Il s'agissait du
volontariat, de la conscription et des recrutements forcés.
L'ouvrage, dans l'élaboration de ce travail, nous livre
les mobiles pour lesquelles les Alliés ont dès le début
des hostilités neutralisés les principaux ports d'Afrique. Il
nous permet aussi de comprendre pourquoi l'Allemagne a opté pour une
guerre défensive en Afrique et au Kamerun en particulier.
Néanmoins, le document ne fait guère mention de la structuration
des régiments des tirailleurs sénégalais ni même de
leur matériau de guerre.
Dans leur ouvrage collectif, Emmanuel Tchumtchoua, Albert
François Dikoumé et Jean Baptiste Nzogue52 relatent
certains aspects occultés de la Grande Guerre au Kamerun. Dans
le cadre de notre étude, ils nous renseignent sur le rôle
joué par les milliers de porteurs qui assuraient la logistique et
particulièrement sur les 4000 porteurs permanent du RTS-T. En outre, ils
renseignent également sur la longue durée des hostilités
dues en partie aux aléas climatiques et à la résistance
farouche des Allemands. Mais, force est de constater que l'ouvrage
détaille très peu les conditions dans lesquelles étaient
levés les troupes dit indigènes ou encore sur la formation qui
leur était assigné.
Charles Mangin53 lui, soutiens l'idée selon
laquelle si la France eu recours aux Africains pour faire face à
l'Allemagne, c'était pour trois principales raisons: la crise
démographique, les prédispositions naturelles qui
caractérisaient les Noirs et enfin la dette que les Africains avaient
vis à vis de la métropole.
Déjà, il mettait en avant le fait que la
métropole accusait un retard démographique par rapport aux autres
grandes puissances d'Europe telles que l'Allemagne ou encore la
Grande-Bretagne. L'autre raison qu'il avançait, c'est qu'il
considérait que le Noir disposait des aptitudes physiques
nécessaires pour être enroulé dans des corps
expéditionnaires afin de servir la métropole. Et enfin, il estime
que la France qui a généreusement octroyé la civilisation
aux Noirs, ces derniers avaient le devoir de la servir.
Ces raisons avancées par un administrateur colonial
nous permettent de comprendre l'acharnement de la France à vouloir
recruter des hommes dans ses colonies. Cependant, Mangin occulte le fait que
ces tirailleurs étaient engagés en première ligne dans les
différents
52 E. Tchumtchoua, A. F. Dikoume, J. B, Nzogue,
2019, Douala et le Cameroun dans la grande guerre, Histoire, mémoire
et héritages, Yaoundé, Clé.
53 C. Mangin, 1910, La force noire, Paris,
Hachette.
19
théâtres d'opérations. Son ouvrage occulte
également le rôle assez important qu'ont joué les porteurs
dans la Grande Guerre en Afrique.
Marc Michel54 met en avant dans son ouvrage les
conditions de recrutement des tirailleurs sénégalais et leur
armement. Dans le cadre de notre travail, il nous a permis d'avoir une
idée précise sur les uniformes des tirailleurs constitués
d'un ensemble bleu ou Kaki et coiffé d'une chechia55.
Cependant, l'ouvrage ne soulève pas l'impact sur le plan administratif
des colonies africaines après la guerre. Ni dans les colonies où
a eu lieu la guerre ni même encore sur les territoires impliqués
dans ce conflit comme le Tchad.
V- PROBLÉMATIQUE
Selon Michel Baud56, la problématique est un
ensemble construit autour d'une question centrale, des lignes
d'hypothèses et des techniques d'analyse qui permettent de traiter le
sujet.
Ce thème s'intéresse à la mise en place
du RTS-T et à son déploiement au Kamerun dans le cadre de la
Grande Guerre. En effet, étant d'origine européenne, le conflit
qui débute en Europe va s'étendre sur tous les continents et
l'Afrique n'y échappe pas. Compte tenu des rivalités qui avaient
lieu en Afrique, cette guerre se déploya également au
Kamerun.
La perception globale qu'on se fait des
velléités expansionnistes, c'est qu'elle a opposé
uniquement les puissances européennes. Et pourtant, force est de
constater que les Africains avaient été intégrés
parfois de force, dans les armées coloniales et préparés
à défendre les intérêts des puissances
colonisatrices dès la première moitié du XIXe
siècle. Toutefois, leur rôle lors de la PGM en Afrique a souvent
été minoré ou très mal mis en évidence. Ce
constat nous a donc amené à nous poser la question de savoir :
dans quel contexte a été créé le RTS-T et
quel fut son rôle dans la Première Guerre mondiale au Kamerun pour
la consolidation de l'empire colonial français entre 1910 et 1918
?
A cette question centrale découle plusieurs questions
subsidiaires à savoir.
Quels étaient les enjeux de la présence
française sur le territoire du Tchad et de la mise en place du RTS-T
?
54 M. Michel, 2003, L'appel à
l'Afrique.1914-1918. Paris, Karthala.
55 Sorte de chapeau de couleur rouge qui couvre la
tête.
56 M. Baud, 1985, L'art de la
thèse, Paris, La Découverte. p. 47.
20
Quels ont été les différentes
stratégies mises en place par la France pour structurer le RTS-T?
Comment s'est opérée la dynamique du
déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918?
Quelles ont été les répercussions de la
Première guerre mondiale au Kamerun pour le Tchad et, quelles traces
garde-t-on du RTS-T ?
VI- MÉTHODOLOGIE
Pour mener à bien cette étude, nous avons
consulté une pléthore de sources parmi lesquelles ; des Archives,
les ouvrages, les thèses, les articles, témoignages oraux et
traditions orales. Dans l`optique d`arriver à nos fins, nous avons
également usé de la collecte des données via un
questionnaire.
1- La collecte des données.
La spécificité des sciences historiques est de
faire appel à une pléthore de sources pour essayer de retracer
les faits au mieux tels qu`ils se sont déroulés. Afin
d`éviter de tomber dans les pièges de la discipline, nous avons
effectué des investigations sur le terrain via un questionnaire.
Cette démarche nous a permis d`entrer en possession des
données liées de près ou de loin à notre
thème. De façon globale, deux types de sources ont
été mis en évidence au profit de ce travail : les sources
primaires et les sources secondaires.
Les sources de première main sont pour l'essentiel ici
constituées des archives et des données orales. En effet, les
archives dont nous avons fait usage ont été un guide et occupe
une place quasi indispensable pour l'élaboration de ce travail. Car,
l'ancienneté de la thématique nous a « contraint »
à consulter ces documents datant de la période coloniale.
Et, pour se faire, nous les avons consultés aux
Archives Nationale du Tchad (ANT), au Centre de formation pour le
développement (CEFOD), aux Archives du service historique de
Défense (SHD) que nous avons pu obtenir en ligne. Pour l'essentiel, ces
documents sont constitués des Journaux Officiels, des Rapports
administratives, des décrets, des lois et des carnets de marche
d'officiers métropolitains.
21
Quant aux sources orales, nos travaux sur le terrain ont
consisté en la collecte d`informations sur la base de nombreux
entretiens individuels avec un guide d`entretien. Ces investigations nous ont
permis de donner une approche socio-historienne à ce sujet.
C`est d`ailleurs pourquoi Jean Copans57
déclare que : « les entretiens offrent au chercheur une
possibilité de discussion, d`accumulation d`informations et de
connaissances ». Pour ce qui est de ce travail, nos investigations ont
été faites à la Maison des Anciens Combattants de Moundou,
à la Maison de la Culture de Moundou, au Musée de Moundou,
à la Maison des Anciens Combattants de N`Djamena et enfin, au Service
des Anciens Combattants et Victimes de Guerre à N'Djamena (SACVG).
In fine, les dernières sources primaires mises
en évidence dans ce travail, ce sont les données iconographiques.
Au point de vue méthodologique, l'utilisation des images constitues des
sources primaires comme celles précitées. C'est dans cet
élan que Anne Marie Grannet Abisset58 pense que l'image est
entrée dans le discours de l'historien, du contemporain comme source de
premier plan. Quant à cette thématique, ce sont des
clichées qui ont été pris lors de nos investigations et
des images obtenues via des sites spécialisés à l'instar
du site du Musée de l`Armée de France et celui
Ces données iconographiques sont pour l`essentiel
représentatifs des tirailleurs et des porteurs ayant été
engagés lors de la Première Guerre Mondiale en Afrique et au
Kamerun.
Quant aux sources de seconde main, elles sont pour
constituées de documents imprimés. Il s'agit entre autres des
ouvrages généraux et spécifiques, des articles, des
thèses, des mémoires. Nous les avons consultés dans divers
centres de documentation tels que : l'Institut français du Cameroun
(IFT), à la Bibliothèque Afrik Avenir, à la
Bibliothèque du Cercle d'Histoire et du Patrimoine de
l'Université de Douala (CEHIPAUD), à la Bibliothèque
Nationale du Tchad (BNT) à l'Institut Français du Tchad (IFT),
à la Bibliothèque du Centre de Développement pour le
Développement (CEFOD).
D'autres données obtenues en ligne sont venues parfaire
la compréhension de ce travail ; il s'agit ici principalement des revues
de presse, articles scientifiques que nous catégorisons ici comme
sources électroniques.
57 J. Copans, 1996, Introduction à
l`ethnologie et à l`anthropologie, Paris, Nathan, p. 19.
58 A. Marie Grannet, 1995, « L'historien et le
photographe », In Le monde alpin et rhodanien, 2e et
3e trimestre, p. 22.
22
2-Les techniques d'analyse des données
Dans le cadre de ce travail, nous avons opté pour une
méthode reposant sur une analyse descriptive des données qui nous
a amené à bâtir notre construction historienne. Elle nous a
en outre permis de mieux comprendre l'ossature du RTS-T, leur formation mais
surtout l'usage de ce corps de troupe à des fins militaires. En plus de
cela, l'usage de la transdisciplinarité a été d'un apport
considérable. En effet, l'histoire étant au carrefour des
sciences humaines, nous avons eu recours à la sociologie,
l'anthropologie maïs surtout à la psychologie pour mener à
bien ce travail. Autrement dit, nous nous sommes penchés sur les
débuts de l'impérialisme français au Tchad et en avons
déduit les réelles motivations de cette présence sur ce
territoire enclavé au coeur du continent.
3-Les difficultés rencontrées
La production de ce travail ne s'est pas faite sans que nous
ne rencontrions des obstacles sur notre chemin. Surtout, pour une étude
qui date d'aussi longtemps qui s'appesanti sur un corps de troupe coloniale,
les difficultés ne peuvent pas manquer. Les problèmes qui se sont
dressés sur notre chemin dans le cadre de cette étude sont
nombreux.
La première difficulté à laquelle nous
avons fait face relève de la destruction de certains archives lors des
guerres civiles des années 1970, 1980 et 1990 au Tchad et principalement
les Archives Nationales de N'Djaména. En effet, les affrontements
à répétition le plus souvent pour le pouvoir dans la ville
de N'Djaména ont conduit les hommes à détruire parfois
inconsciemment ces documents de première main de l'histoire du Tchad.
La seconde difficulté est liée au contexte
d'instabilité sociale et politique du Tchad qui entrave les
investigations de tous chercheurs. Car, lorsqu'on évoque des sujets
ayant trait aux métiers liés aux armes la population se montre
souvent réticente. Cette situation s'est d'autant plus
détériorée avec la mort du Président Idriss Deby
Itno.
La troisième difficulté relève des
sources orales. En effet, l'étude du RTS-T nécessite d'interroger
une catégorie de personnes d'un certain Age le plus souvent des anciens
combattants ou des personnes à qui ont été
légués leur histoire. De ce fait, le problème majeur avec
ces Anciens Combattants est qu'ils se jettent très souvent des lauriers
et ont tendance à surfaire leurs anecdotes ; ce qui peut parfois
prêter à confusion.
23
4-Les résultats obtenus
Après une analyse de nos données, nous pouvons
retenir un certain nombre d'éclairages qui ont permis de mieux
comprendre notre problématisation.
Primo, la présence française au Tchad
et la mise en place du RTS-T entre la fin du XVIIIème siècle et
le début du XIXème siècle ne sont en fait que la
résultante d'une situation antérieurement motivée par un
contexte de tension entre européens sur l'expansion du domaine
coloniale.
Secondo, nous avons pu mettre en lumière la
structuration et la gestion des effectifs du RTS-T. Cela résulte du
constat fait sur l'hétérogénéité dans la
structure de ce corps et le besoin de la France d'en faire des «
frères d'armes » le temps des hostilités malgré la
différence dans le traitement de pécule ou du choix du corps
à intégrer.
Tercio, le déploiement du RTS-T au Kamerun
avait pour finalité d'occuper au profit des alliés principalement
la France ce territoire sous joug allemand. Il est ici intéressant de
noter que, le front Nord a constitué le premier lieu du
déploiement du RTS-T. Ce déploiement fut rendu possible par la
proximité géographique entre le territoire du Tchad et la partie
septentrionale du Kamerun. Après ce déploiement, au Nord, le
RTS-T a progressé jusqu'à atteindre Yaoundé.
Quarto, nous avons remarqué une disparition
progressive dans la mémoire collective du RTS-T et de leur campagne au
Kamerun. En effet, l'absence de sites ou des musées au Tchad
susceptibles de rappeler la mémoire du RTS-T sont autant de facteurs qui
concourent à la disparition de la mémoire collectif de ce
régiment d'infanterie coloniale.
Tous ces éléments visent à situer le
travail dans un renouveau de la bibliographie de l'histoire coloniale, dans les
débats actuels sur l'armée nationale tchadienne et de son
engagement auprès l'Armée française à travers le
Sahel. Mais surtout d'appréhender le tirailleur sénégalais
du Tchad dans une perspective plus large sans anachronisme tout en restant
fidèle au plan qui suit.
5- Le plan du travail
Grâce aux données que nous avons recueillies,
nous avons bâti un plan de travail constitué de quatre chapitres.
Ces chapitres font état de la dynamique de la constitution du RTS-T et
de son déploiement dans le cadre de la Première Guerre mondiale
au Kamerun. Mais, dresse également un bilan et entend revisiter
la mémoire du RTS-T de cette période coloniale.
Le chapitre premier présente les mobiles de l'expansion
coloniale française au Tchad et les facteurs responsables de la mise en
place du RTS-T.
24
Le second chapitre s'attarde sur la structuration et la gestion
du RTS-T.
Le troisième chapitre renseigne sur les différentes
phases du déploiement du RTS-T au Kamerun dans le cadre la
Première Guerre mondiale contre les allemands entre 1914 et 1918. Le
dernier chapitre soulève la problématique de la mémoire du
RTS-T.
25
CHAPITRE I : LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD ET
LES FONDEMENTS DE LA MISE EN PLACE DU RTS-T. (1889-1910)
26
La présence des Européens en Afrique entre la
fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle se justifiait
à la fois pour des raisons économique, hégémonique,
géostratégique, commerciale et militaire.
C'est dans cette mouvance que, le Centre du continent qui
jusque-là était connu partiellement par les puissances
Européennes devint un centre d'intérêt important mais
surtout stratégique au vu de la montée des tensions qui
opposaient les puissances coloniales59.
Parallèlement à cela, la France qui accusait un retard
dans le domaine économique, au détriment des autres puissances
industrielles à l'instar de l'Angleterre ou encore de l'Allemagne
s'était retrouver néanmoins à la tête du second plus
grand empire colonial africain à l'issu d'un long processus de
conquête militaire60.
Malgré ces rivalités, il fallut attendre la
seconde moitié du XIXème siècle pour assister à la
pénétration et à l'occupation effective du Centre du
continent par ces puissances impérialistes. A ce sujet, il est
intéressant de constater que, vers la fin du XIXe siècle, et le
début du XXème siècle, les Européens avaient
montré un intérêt grandissant pour l'Afrique comme le
souligne Albert Adu Boaden en affirmant que : « jamais, dans l'histoire de
l'Afrique, des changements ne se sont succédés avec une aussi
grande rapidité que pendant la période qui va de 1880 à
193561 ».
C'est partant de ces constats qu'on remarque que, les missions
françaises de reconnaissance du continent ont débouché
à l'implantation de cette dernière au Moyen Congo dans un premier
temps puis, à l'ensemble de l'Afrique Equatoriale
Française62. C'est ainsi qu'on est arrivée à
l'occupation par la France d'un certain nombre de territoires parmi lesquels le
territoire du Tchad dont l'emplacement se révéla doublement
stratégique surtout lorsque les tensions entre Européens avaient
atteint son paroxysme.
Eu égard de tout ce qui précède, ce
premier chapitre entend mettre en exergue les débuts de la
présence française au Tchad, ensuite aborder les
différents mobiles ayant occasionné la main mise française
sur ce territoire, enfin, scruter les éléments responsables de la
mise en place du RTS-T.
59 Avant le XIXe siècle, la majeure partie
de l'intérieur de l'Afrique en générale et celle du Bassin
du Lac Tchad était mal connue par les Européens. Mais il avait
été sillonné par les explorateurs et des chroniqueurs
arabes qui avaient donné une description de ce centre africain. Voir J.
Ki-Zerbo, 1986, « Méthodologie et préhistoire africaine
» in Histoire Générale de l'Afrique Tome I, Unesco,
Paris, p.81.
60 A. Abakar Kassambara, 2010 « La situation
économique et sociale du Tchad de 1900 à 1960 »,
thèse de Doctorat en Histoire économique, Université de
Strasbourg, p. 4.
61 A. Boaden, 1987, « L'Afrique face au
défi coloniale », In Histoire générale
de l'Afrique Tome VII : L'Afrique sous domination coloniale,
Paris, Unesco, pp. 21-25.
62 En effet, les bases de ces territoires furent
jetées essentiellement par les militaires comme Pierre Savorgnan de
Brazza pour l'AEF.
27
I- LA GENESE ET LES MOBILES DE LA PRESENCE FRANCAISE SUR
LE TERRITOIRE DU TCHAD.
Loin de nous l'idée de vouloir retracer les
différentes phases de la conquête du « Tchad » par la
France, cette partie du travail entend axer la réflexion sur la
genèse de l'occupation par la France de territoire et les
différents mobiles qui l'ont conduit à conquérir cet
espace puis, de s'y installer afin d'y faire une base arrière
militaire.
Ainsi, pour mieux cerner ces motifs, il faudrait au
préalable rappeler la genèse de cette présence, puis,
ressortir successivement les raisons d'ordre politique, économique et
enfin celles d'ordre stratégique et militaire justifiant la
présence française au Tchad à partir de la seconde
moitié du XIXème siècle.
A- Missions exploratrices et premiers contacts de la
France avec le territoire du Tchad
Si, la présence allemande sur le territoire du Tchad
est postérieure au partage du continent qui eut lieu, lors de la seconde
conférence de Berlin de 1885, les prémices par contre de la
présence française sur ce territoire débute à
partir de 1890, et sont marqués par une série de missions
initiées par le comité de l'Afrique colonial
(CAC)63.
En effet, si les navigateurs allemands Heinrich Barth et
Gustave Nachtigal ont donné une description plus ou moins exacte des
abords du Lac Tchad, à la suite de leurs voyages à travers le
Sahara, c'est paradoxalement la France qui, entreprit d'étendre son
domaine colonial sur ce grand ensemble Sahélien surtout après
l'entérinisation des accords de ladite conférence.
Ainsi, pour véritablement matérialiser cette
genèse, il convient de prendre ancrage sur quelques documents manuscrits
laissés par les acteurs responsables du début de présence
française au Tchad64.
C'est dans ce sens que Jean Dybowski estimait que, l'opinion
publique française qui était restée très
réservé aux expéditions coloniales, entrepris dès
lors des excursions vers des contrées nouvelles. Il pense en outre que,
la France avait compris que sa survie en tant que grande puissance
dépendait de la constitution d'un immense empire colonial. C'est dans
cette optique que, la mission Crampel dont l'objectif était de signer
avec les royaumes au Centre de
63 V. Deville, 1898, Partage de l'Afrique,
exploration, colonisation et état politique, Paris, Librairie
africaine et coloniale, p. 6.
64 Il s'agit notamment des écrits de : J.
Dybowski, 1893, La grande route du Tchad, du Loango au Chari, Paris,
Librairie du Firmin-Didot ; E. Gentille, 1901, La chute de Rabat, le tour
du monde, Paris, Hachette ; A. Duchenne, 1899, « La France au Tchad
», Question diplomatique et coloniale, Tome VIII,
Troisième année.
28
l'Afrique des contrats de protectorat fut mise sur pied par le
comité de l'Afrique française et atteignit le Lac Tchad en
189065.
Mais, dans le but de parfaire la mission Crampel, dès
l'année suivante, une seconde mission ayant pour but de supplier la
mission Crambel est menée par Dybowski et atteint le Tchad après
plusieurs escales au Sénégal et au Congo. Malheureusement,
Dybowski se rendit compte que la pénétration de ce territoire
serait difficile du fait de la présence des
Sénousites66 qui avait par ailleurs mis un terme à la
mission Crambel67.
Il poursuit néanmoins son voyage et parvint à
identifier la ligne de partage entre les bassins de l'Oubangui et celui du
Chari, en outre, il créa des postes et y laissa ses compagnons de routes
et rentra en France car semble-t-il atteint de maladie68. Cependant,
pour parfaire sa présence sur ce territoire, le comité de
l'Afrique décida de lancer une troisième mission cette fois ci
dirigé par Claude Maistre.
Ce dernier est celui qui a conclu de nombreux accords avec les
autorités locaux et permit notamment à la France d'avoir des
voies d'accès au Soudan centrale et la possibilité d'avoir
accès également au Lac Tchad par la côte occidentale de
l'Afrique69.
Ces trois missions mises en évidence permettent
d'appréhender les débuts de la présence française
au Tchad mais, il convient à présent d'étudier les enjeux
de cette présence.
B- Les enjeux de l'occupation et de l'expansion coloniale
française au Tchad
Etant donné que le territoire du Tchad est situé
au coeur du continent, il est nécessaire de rappeler brièvement
l'exploration de cet espace, chose qui a conduit aux décisions
politiques en France d'occuper cette aire qui fut la colonie la plus vaste mais
aussi la plus démunie des quatre que comptait l'Afrique
Equatoriale70.
1- Les aspirations politiques.
La présence de la France sur le territoire du Tchad
s'inscrit dans un contexte de course vers l'Afrique et remonte au début
du XIXe siècle, cela a été possible grâce aux
renseignements
65 V. Deville, 1898, p. 18.
66 C'est une confrérie musulmane née
en Orient au XIVème siècle et installée en Lybie depuis le
XVe siècle. De par son opposition à la colonisation occidentale,
cette secte a été le principal obstacle à l'expansion
coloniale française sur le territoire du Tchad surtout sur sa partie
septentrionale.
67 J. Dybowski, 1893, La grande route du Tchad, du
Loango au Chari, Paris. Librairie du Firmin-Didot, p. 29.
68 Ibid., p. 179.
69 C. Maistre, 1889, « La mission Maistre »,
In Bulletin de l'Afrique Française, n°6, p. 11.
70 ANT, Journal officiel de l'Afrique Equatoriale
Française, Annuaire du Tchad 1910, CEFOD, Fonds Dalmais, Cote, Fond TCH
B 1604, p. 18.
29
laissés par les chroniqueurs arabes et aux nombreuses
missions menées par les explorateurs occidentaux.
Dès lors, les français qui avaient accusé
un retard dans l'exploration du bassin du Lac Tchad au détriment des
autres puissances Européennes (Anglaise et Allemande) décida de
se jeter à cette course vers le Lac Tchad. Concomitamment, cette
entreprise fut très tôt initiée et encouragé par
Jules Ferry qui, dès 1885 était favorable à la
conquête du plus grand nombre de territoires en Afrique. Car, estimait-il
: « Les possessions nouvelles peuvent éventuellement servir de
centre de ravitaillement, d'approvisionnement mais surtout être un moyen
pour la France de compter parmi les grandes nations
»71.
En effet, l'Europe particulièrement la France
connaissait de véritables problèmes économiques et
démographiques en ce temps-là72. C'est dans cet
élan que Louis Garon pense pour sa part que l'entreprise coloniale
française en Afrique ne consistait en fait qu'à combler les
pertes françaises d'Alsace-Lorraine de 1870 et la reculade de Fachoda de
189873.
Toutefois, on constate néanmoins que les possessions
françaises en Afrique était coupé par le Sahara et donc il
était difficile de faire une jonction entre les différentes
colonies. Et, de ce fait, le territoire du Tchad constituait un trait d'union
entre les colonies française Ouest-africain et celles de l'Afrique
Equatoriale.
Ces arguments découlant des motivations d'ordre
politique avaient pour finalité de redorer le blason de la France et lui
redonner son prestige d'antan. En effet, les fondements de la politique
d'expansion coloniale française sur le territoire du Tchad ont
permettrait selon ses initiateurs d'avancer un pion de la Métropole sur
cet espace au coeur du continent délaissé par le passé. En
outre, dans ce contexte où la puissance des grandes nations
dépendait fortement de leur représentation d'outre-mer, il
était hors de question que, la France reste spectatrice du
dépeçage du continent noir.
Toutefois, d'autres arguments ont permis de renforcer le
processus colonial notamment ceux d'ordre économique.
2- Les raisons d'ordre lucratives : entre marasme
économique et nécessité d'expansion
L'occupation du territoire par la France qui allait plus tard
former ce que nous connaissons sous le nom de Tchad aujourd'hui répondit
à des préoccupations politiques mais
71 J. Ferry, 1885, « Les fondements de la
politique coloniale du 28 juillet 1885 », In Journal Officiel de la
République Française. Consulté en ligne le 13-10-2021.
https://www.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/jules-ferry-28-juillet-1885.
72 E. Anceau, 2003, Introduction au XIXe
siècle. Tome I. Paris, Edition-Belin, p. 43.
73 L. Garon, 2001, A la naissance du Tchad,
1903-1913, Paris, SEPIA, p. 9.
30
aussi économiques malgré son enclavement au
coeur du continent. Ainsi, deux tendances liées à l'aventure
coloniale française au Tchad se sont dégagées : d'une
part, l'idée d'un abandon de toute initiative de conquête du Tchad
et d'autre part, la volonté de faire du Tchad une pièce maitresse
dans ses desseins d'expansion coloniale.
En effet, ce territoire a été diversement
perçu par la France et le Ministère en charge des colonies qui
furent parfois hésitant quant à la colonisation dudit territoire.
Car, les avis des administrateurs coloniaux concernant l'occupation de cet
espace a été ambigüe et divers.
Pour ce qui est de l'abandon du territoire du Tchad, les
premières impressions liées au délessage de cet espace
avait été très tôt mis en évidence par les
premiers administrateurs coloniaux. A l'instar de Charles Lenfant et d'Emmanuel
Largeau. Ils le considéraient comme une terre « difficilement
exploitable et peu rentable », D'ailleurs, Charles Lenfant favorable
à cette idée pensait que l'enjeu économique lié
à la conquête du Tchad était minime et ce territoire
présentait très peu de matières exploitables comme dans
les colonies du Gabon ou du Moyen-Congo74. C'est en allant dans le
même fil d'idée qu'Emmanuel Largeau75 fit dès sa
prise de fonction au Tchad un inventaire de la situation économique de
ce territoire. Il le présenta comme un territoire exsangue aux
potentialités peu élogieuses qui devaient demander beaucoup de
sacrifices à Paris76.
En effet, s'il faille reconnaitre que, contrairement aux
autres colonies françaises de la sous-région qui sont
traversé par l'immense forêt équatoriale dans lesquelles
les matières premières pilules, elles ont été
rapidement mises en évidence au détriment du Tchad. Allant dans
le même sens, le Ministère des colonies avait mis en garde le
Président Emil Loubet deux ans juste après le début de la
conquête du Tchad des risques que cela en courait. Selon le
Ministère, il n'était pas nécessaire d'intensifier les
opérations militaires vers le Nord du territoire du Tchad car, elles
seraient inutilement couteuses pour la Métropole.
Ces raisons d'ordre économiques avaient quelque peu
jeté un regard empreint de sarcasme sur l'implantation de la France au
Tchad. Mais, en dépit de ce constat qui faisait obstacle à
l'expansion coloniale française, certains administrateurs coloniaux
encouragés par quelques officiers et sous-officiers coloniaux essayaient
par contre de démontrer tout l'intérêt stratégique
de ce territoire.
74 C. Lenfant, 1905, La grande route de Tchad :
mission de société de géographie, Paris, Hachette,
pp.187-189.
75 Victor Emmanuel Largeau fut un administrateur
colonial français, il a administré le territoire du Tchad durant
de nombreuses années. Il a servi au Tchad entre 1902-1904 ; 1911-1912 ;
1913-1915.
76 E. Largeau, 1913, p. 12.
31
En effet, certains apôtres du colonialisme
français gardaient néanmoins espoir que les régions du Lac
Tchad constituaient des promesses de grandeur future77. C'est ainsi
que le Comité de l'Afrique crée dès 1889 se pencha vers
l'annexion de la cuvette du Lac Tchad et militait pour l'expansion du domaine
français jusqu'au Tchad.
Allant dans le même sens, certains groupes
expansionnistes français étaient également favorables aux
avantages économiques que pourraient générés cette
zone encore mal connue. Parmi eux, Henry Haris estimait que cette région
du continent était semblable à un « éden
africain78 », il affirmait d'ailleurs à ce sujet que :
« grâce à la fécondité du sol et la
fécondité de la flore, le bassin du lac Tchad, les vallées
et les plaines qu'arrosent le Chari deviendront peut-être un jour la
partie la plus prospère des indes africaines79».
Ce discours empreint d'espoir fut un motif suffisant pour que
la Métropole se lance à la conquête de cette zone.
Néanmoins, on est en droit de penser que ces espoirs placer sur ce
territoire n'a pas toujours rempli les promesses placées en lui
d'où la réticence de la Métropole d'y investir des fonds
comme ce fut le cas dans les autres colonies de la sous-région ainsi que
le rappel le graphique ci-dessous.
Graphique 1: Budgets locaux de l'AEF de
1910-1912
28%
16%
21%
35%
Gabon
Moyen Congo Tchad
Oubangui Chari
Source A. Abakar Kassambara, 2010 « La
situation économique et sociale du Tchad de 1900 à 1960 ».
Thèse de Doctorat en Histoire économique, Université de
Strasbourg. P.181.
77 En France, il y'avait pas unanimité
autour des questions de conquête, l'opinion était divisée
au sujet des expéditions dans les zones inconnues d'Afrique
subsaharienne car jugé trop dangereuses et extrêmement
couteuses
78 H. Haris, 1891, A la conquête du
Tchad, Paris, Librairie Hachette, p. 49.
79 Ibid. p. 200.
32
Au vu de ce graphique, on constate que l'AEF avait un budget
inéquitablement reparti entre 1910 et 1912. Si, le Gabon se retrouve
avec le plus grand budget soit 35% de la somme allouée, le Tchad quant
à lui se voit doté du plus petit budget soit 16% du budget. Ceci
peut notamment s'expliquer par le fait qu'en ce temps, l'économie de ce
territoire reposait essentiellement sur l'impôt de capitation qui,
croissait au fur et à mesure de l'expansion coloniale
française.
C- Les motivations stratégiques
La présence militaire française sur le
territoire du Tchad est un fait lié à l'histoire coloniale de ce
territoire. De ce fait, plusieurs auteurs à l'instar de Gilbert
Maoundonoudji considèrent cet espace comme une base arrière
Française depuis les premières heures de sa
colonisation80. Ainsi, les raisons stratégiques de la
colonisation française au Tchad trouvent ses fondements dans les deux
phrases qui la caractérisent.
La première phase de la colonisation de ce territoire
se situe entre 1889 et 1910. Elle s'est faite de façon violente et
rapide, car marqué par des incursions et des batailles dont l'un des
moments charnière reste la bataille de Kousséri qui a
opposé les Français à Rabat le 22 Avril 1900. C'est
après cette rivalité entre ces protagonistes que, la France pu
s'adjuger le Centre et le Sud de ce territoire qui lui permettait directement
d'être en contact avec les possessions des autres puissances tels que le
Nigeria ou encore le Kamerun. D'ailleurs il est intéressant de constater
avec Emil Gentile qui, estimait après la bataille de Kousséri que
: « la position du Tchad est une aubaine qui permettrait à la
France d'avoir une influence au Centre de l'Afrique81».
C'est en cela qu'il qualifiait l'acquisition de ce territoire de « fait
glorieux » car, malgré l'enclavement de ce territoire, il
était tout de même un carrefour et un trait d'union entre
l'Afrique Equatoriale Française (AEF) et l'Afrique Occidentale
Française (AOF).
C'est en s'inscrivant dans cet élan d'idée que,
le Commandant Gourou était surpris par certains avis qui prônaient
l'abandon du Tchad, car il considérait que la Métropole y avait
déjà payé un lourd tribut et devait tirer avantage de
cette position stratégique du Tchad. Il pensait d'ailleurs que, la
France avait déjà fait le plus dures lorsqu'il affirme que:
« Allons-nous abandonner nos morts ? Tous ceux qui sont tombés
sur les routes du Tchad pour réunir dans un dernier effort les
français de Dakar et ceux de Brazzaville82».
80 G. Maoundonoudji, 2013, « L'intervention
militaire tchadienne au Mali : enjeux et limites d'une volonté de
puissance régionale » Science Po,
https://www.sciencespo.fr/.Consulté
en ligne le 02-02-2021.
81 E. Gentille, 1901, La chute de Rabat, le tour
du monde, Paris, Hachette, pp. 62-65.
82 G. Gourou, 1944, Zinder Tchad souvenir d'un
africain, Paris, Plon, p. 222.
33
Au-delà de ces raisons évoquées, le
territoire du Tchad à travers le Lac Tchad, était une zone
transfrontalière où se limitait l'influence allemande du
Kamerun du côté Sud et celle Anglaise du Nigeria à
l'Ouest. Cette position clé était stratégique pour la
France. Elle lui permettait de sécuriser ses autres possessions et
d'être aux contacts des autres puissances colonisatrices
européennes.
La seconde phase va de 1900 à 1920 et est marqué
par des faits majeurs tels que la mise en place du RTS-T et, son
déploiement au Kamerun entre 1914 et 1918 dans le but de consolider le
domaine colonial français. Cette seconde phase de la conquête du
territoire du Tchad a permis de confirmer l'hypothèse de la position
stratégique de ce territoire.
Mais par-delà la conquête militaire du Tchad,
sommeillait en réalité un projet d'annexion au-delà des
« frontières tchadiennes » orienté vers la possession
allemande du Kamerun surtout après la première
décennie d'annexion du Tchad83.
En ceci, il est évident que la position du Tchad fut
stratégique du simple fait que, le fleuve Chari, cette ligne de
démarcation entre le chef-lieu du territoire militaire du Tchad
(Fort-Lamy), est en face de Kousseri. En somme, le territoire du Tchad est un
carrefour de route qui a permis de sécuriser l'AEF et d'attaquer le
front Nord du Kamerun lors de la Grande Guerre.
De ce qui précède, force est de constater que la
région du Lac Tchad a constitué un ancien carrefour africain
positionné en lointaine périphérie des quatre États
qui se la partagent aujourd'hui et qui ont jadis lancé des offensives au
Kamerun entre 1914 et 1916 afin de consolider l'Empire Africain de la
France.
Toutefois, outre la position stratégique du territoire
du Tchad, de nombreux autres facteurs ont permis la mise en place du RTS-T.
II- LES FONDEMENTS DE LA MISE EN PLACE DU RTS-T
Plusieurs éléments ont été
responsables de la constitution du RTS-T. Ces facteurs sont à la fois
endogènes et exogènes au territoire du Tchad. Ainsi, en ce qui
concerne les éléments internes à la création du
RTS-T, il s'agit notamment du l'héritage patrimonial Sao, de la culture
de certains peuples et du caractère guerrier des royaumes comme celui du
Baguirmi. Pour ce qui est des facteurs externes ayant entrainé la
création du RTS-T, figure en bonne place les querelles entre
Européens, mais, surtout l'impact du plan Mangin à travers
l'empire colonial français.
83 J. Kouffan, 1996, « Les relations entre le
Kamerun et l'AEF : Chronique d'une annexion avortée : 1916-1921
», Thèse de Doctorat en Histoire, Université de Strasbourg,
p. 6.
34
A- Les facteurs endogènes de la constitution du
RTS-T
Les éléments qui permettent d'appréhender
la mise en place du RTS-T sont de premier ordre propre à ce territoire.
Il s'agit premièrement de l'histoire de sa population,
deuxièmement des menaces turco-sénoussiste sur sa partie
septentrionale et enfin, le rayonnement des grands royaumes comme celui du
Baguirmi.
1- Le legs patrimonial des Sao et les rites
initiatiques
Si, à partir des populations du Tchad la France a pu y
bâtir un corps de troupes locale, ce fut en partie grâce à
la transmission patrimoniale des Sao mais surtout, du fait des cultures
guerrières de ces peuples. Outre cela, certains rites d'initiation
à l'instar du Yo-ndo ont également facilité la
mise en place du RTS-T.
a- L'héritage Sao
Il est important de rappeler que le Tchad en tant qu'Etat est
une création de l'autorité coloniale. Il n'existait pas une
homogénéité territoriale administrative avant 1900. Par
ailleurs, il est attesté que le facteur de développement
principal d'un peuple c'est avant tout sa population car il est l'essence
même de la société. Ainsi, la population qui vit donc sur
ce vaste ensemble saharien est régit par un long passé marquer
par des hommes aux potentialités parfois
démesuré84.
Le caractère physiologique d'une grande majorité
de la population de cet ensemble territorial leur a très certainement
valu d'être sollicité dans le cadre de la constitution d'une
armée locale. En effet, lorsqu'on évoque le Tchad, il est
difficile de l'appréhender sans parler des Sao. C'est en confortant
cette idée que, André Malraux estimait que, les Sao sont les
lointains ascendants des tchadiens en déclarant que : « les Sao
sont les Gaulois des tchadiens85».
Ce peuple de légendes dont les échos sont «
incroyables » ont d'une manière ou d'une autre influencés la
société précoloniale et coloniale « tchadienne
». D'ailleurs, Charles Seignobos dans son recueil était assez
élogieux envers ce peuple et ne tarissait pas de superlatif pour parler
d'eux en déclarant notamment que:
Les Sao étaient si hauts de taille que leurs bois d'arc
étaient faits de palmiers entiers, que leurs gobelets, grands comme des
jarres funéraires, pouvaient contenir deux hommes assis. Ils
pêchaient sans filet en barrant de leurs mains les rivières. Ils
prenaient à la main les hippopotames et les dévoraient comme des
poulets. Ils annonçaient en criant d'une cité à l'autre
leur tour de pêche et leur voix roulait jusqu'au Tchad comme un tonnerre,
faisant fuir tous les oiseaux des arbres. Leurs ongles étaient si
84 B. Jacques, 1966, Histoire du Tchad et de
Fort-Archambault, Paris, Scorpion, p. 43.
85 J. Chapelle, 1986, Le peuple tchadien : ses
racines, sa vie quotidienne et ses combats, Paris, l'Harmattan, p. 31.
35
épais qu'ils ont résisté à la
pourriture et qu'on en déterrerait aujourd'hui dans les
buttes86.
C'est dans la même mouvance que, la littérature
tchadienne porté dans ses premières heures par Joseph Brahim Seid
a perpétué cette légende autour des Sao. Il y écrit
d'ailleurs dans son recueil que les Sao pouvaient porter d'une main un
Hippopotame87.
En dépit de cette fascination de Seignobos pour les Sao
qui fut conforté et entretenue par les contes et légendes des
peuples du Tchad, l'ethnologue allemand Raoul Hartweg88 quant
à lui est un peu plus réservé et pense que les Sao certes,
ont été des hommes de tailles relativement grandes mais, que les
légendes ont énormément contribué à
amplifier les mérites. Il y ressort d'ailleurs de ses recherches
après l'analyse d'un fémur retrouvé et appartenant
à priori à un Sao qu'il mesurait environ 1,70m à
1,80m.
C'est pourquoi Mbainarem Gédéon89
pense que, l'étude des Sao doit être faite avec beaucoup de
réserve même si ces derniers ont sans doute légué
leur héritage matériel et immatériel à de nombreux
peuples parmi lesquels les Massa, les kotoko, les Bouduma
les Mandara et une partie des Kanuris.
L'affiche ci-dessous s'inspire des contes et légendes
véhiculées par la tradition orale des Kotoko du Tchad sur les
Sao. Elle met en évidence un géant qui, à priori est
terrifiant pour ses contemporains. Son auteur est Adji Moussa et, cette affiche
date de 2011.
86C. Seignobos, 1978, « Les systèmes de
défense végétaux précoloniaux : Paysages de parcs
et civilisations agraires (Tchad et Nord-Cameroun) » In Annales de
l'Université du Tchad, N'Djaména, Série Lettres, Langues
Vivantes et Sciences Humaines, numéro spécial, p.78.
87 J. Brahim Séid, 1962, Au Tchad sous les
étoiles, Paris, Présence Africaine, p. 15.
88 R. Harweg, 1942, « Les squelettes humains
anciens du village de Sao », in, Journal de la Société des
Africanistes, tome 12, p. 6.
89 Entretien avec Mbainarem Gédéon,
N'Djamena le 22-11-2021.
36
Photo 1: Couverture de la Bande
dessinée les Sao de Adji Moussa
Source : Manga Makrada Maïna, 2017,
« La problématique des Sao : Entre civilisation, mythologie et
construction de l'histoire », Thèse de Doctorat en Histoire, Paris,
Université Panthéon 1 Sorbonne. P.259
Cette Bande dessinée est un formidable moyen de
s'apercevoir que même plusieurs siècles après leur
disparition, la légende autour de ce peuple n'a pas vraiment
changé. Car, il met en évidence des géants qui font
paniquer leur contemporaine et sont capable de transporter à priori
d'une seule main des animaux de tailles adultes.
Avec tous ces atouts quand bien même «
légendaire », force est de remarquer que les prouesses des Sao ont
pesé dans la décision des colons de lever la plus grande
armée de l'AEF à partir des populations du Tchad
héritière directe des Sao. Cependant, il faut noter que, l'aspect
culturel de la population du Tchad fut également un mobile de la
constitution du RTS-T.
b- La culture comme vecteur d'exaltation : l'exemple du
Yo-ndo90
L'un des éléments ayant contribué et
renforcer le sentiment français de constituer des régiments de
tirailleurs sénégalais en Afrique et particulièrement au
Tchad fut le caractère
90 Rite initiatique en pays Sara qui concourt
à la formation et à la transformation de l'homme. A l'issu du
rite, les néophyte changent de nom et sont considérés
comme Homme accompli.
37
cultuel des « Tchadiens ». Ainsi, pour illustrer nos
propos, il est question dans cette section de mettre en évidence le
yo-ndo des Sara.
Le yo-ndo ou le passage de l'enfance à la
maturité. C'est un rite initiatique qui concerne tous
les Sara étant à cheval entre l'adolescence et l'âge
adulte. En fait l'opération à la base se déroulait une
fois chaque 7 ans et les futurs initiés étaient amenés en
brousse durant 3 mois pendant laquelle ils leurs étaient
véhiculés la dignité humaine et la fonction d'homme dans
la société91.
Ainsi, loin d'être une partie de plaisirs, l'initiation
en pays Sara comporte plusieurs incommodités pouvant causer la mort des
plus faibles. Virginie Nemadjileyo92 va plus loin et estime que, le
yo-ndo a été institué en pays Sara pour
identifier les leaders, les hommes sélectionnables pour défendre
les leurs durant les attaques ennemies. C'est, en confortant cette
pensée que, Jacques Boisson pense que, ce rite initiatique est
caractéristique des peuples dit kirdis93, et
déclare dans ce sens que, « les hommes qui s'y prêtent
sont une belle race et ne redoutent plus le danger au sortir de
l'initiation94 ».
Certes, le rite initiatique Yo-ndo se pose comme une
formation à une philosophie de vie très structurée qui
permet aux initiés d'outrepasser la mort. Mais, en
réalité, l'initiation Sara contribue juste à
l'édification et au courage de ses adeptes ; les candidats au yo-ndo
sont censés « mourir » pour être re-infantés
par Yo-ndo afin d'appartenir à un cercle très restreint
détenteurs du « secret » de la vie95.
Mais, dans le cadre de cette étude, il s'avère
que, ce rite a à l'instar de la fête du coq chez les toupouris
façonné la témérité et la vocation
guerrière de la population. Ce qui a permis un nombre conséquent
d'engagement de ces hommes au sein du RTS-T.
2- Les grands royaumes précoloniaux : l'exemple
du Royaume du Baguirmi
Les royaumes qui étaient logés au Tchad à
l'instar du royaume du Baguirmi ont également influencé la
constitution du RTS-T sur le territoire du Tchad.
S'il est notoire qu'avant l'occupation du territoire du Tchad
par la France, les sociétés évoluaient de façon
disparate et saccadé. Force est de constater que, lors du Moyen-Age
91 R. Jaulin, 2011, « La mort Sara, l'ombre de
la vie ou la pensée de la mort au Tchad », Paris, Edition CNRS, in
Cahiers d'études africaines. URL : Consulté le
12-11-2021,
http://journals.openedition.org/etudesafricaines
92 Entretien avec Larlem Augustine, Douala le
31-03-2021.
93 Terme employé pour désigner les
populations distinctes des musulmans vivant généralement au Sud
du territoire.
94 J. Boisson, 1966, La construction du Tchad et
de Fort-Archambault, Paris, Scorpion, p. 53.
95 E. Djomniyo Kantiebo, 2004, «
Musiques, corps et objets dans les rites et dans les danses des Sara
du Sud Tchad », thèse de Doctorat Phd en Histoire économique
et sociale, Université de Strasbourg, p. 31.
38
Africain qui rime avec l'époque des grands Empires, le
royaume du Baguirmi se démarqua par sa structuration à tous les
niveaux.
En effet, ce fut l'un des royaumes les plus prospères
et organisés du Tchad précolonial qui, grâce à son
armée a effectué des conquêtes et des razzias notoires sur
le territoire96. C'est aussi le royaume qui a résisté
aux assauts répétitifs de Rabah à partir de 1887 avant que
leur roi, le Mbang Garouang ne décide de le mettre sous
protectorat français en 198997.
En parlant de son armée, un chant de guerre
appelé communément le ka way constitue même la
source de motivation de l'armée du Baguirmi tel que livrée par
Nepidimbaye Géneviève.
Tableau 1: Chant de guerre en Barma
La version française
|
Version baguirmienne
|
1-Si je fuis, que Dieu m'étrangle
|
1-Mun jam may gana allah ge tol@m
|
2- Si je fuis, que le prophète me tue
|
2-Mun jam may gana nibi g@
TOL@ma
|
3-Jana, si je fuis, que le prophète m'écrase
|
3-Jana jo mun jam gana nibi g@ Tolem
|
4-Jana si je fuis...
|
4-Jana jo mum jam maya
|
5-Jana est décidé à mourir
|
5-jana ob royi kas god mbay yo
|
6-Mais la mort ne veut pas l'emporter
|
6-dag yo toly yeli
|
7-Jana veut mourir mais la mort tarde à l'emporter
|
7- jana ge yo dag yo mba diya
|
8-Il tient à offrir son corps aux charognards
|
8-nob royi god marlo
|
9-Mes frères tombent sous les coups de lances
|
9-ngan kuyumge yinga sà ga
|
10- Mes propres frères, les lances les ont
emportés
|
10- ngan kuyuma yinga sà ga
|
11- Mes frères morts sont abandonnés aux
charognards
|
11-ngan kuyumge jà marlo
|
12- La mort des autres me ferait moins mal
|
12- won kwi mad@mna ga koyim tag.
|
|
Source : Entretien avec Nepidimbaye
Geneviève. Moundou, le 03-02-2022.
De ce qui précède, on peut affirmer qu'il est
évident que ce chant de guerre a à bien d'égards
été un catalyseur dans la fortification du caractère
guerrier des baguirmiens. Malgré
96 A. Ngaré, 1994, « Histoire
structurale du royaume du Baguirmi. Des origines à l'occupation
coloniale : XVIe-Début XXe siècle », thèse de
Doctorat en Histoire, Université Paul Valéry- Montpellier, pp.
62-66.
97 Ibid., pp. 104-109.
39
le fait que, ce royaume ait disparu au début du
XXème siècle, cet héritage légué à la
postérité mais surtout le lien diplomatique qui le liait à
la France a favorisé l'enroulement des baguirmiens au sein du RTS-T. En
effet, étant jadis sous protectorat de la France, il était
d'autant plus facile pour cette dernière de tirer avantage de ce legs du
royaume du Baguirmi pour y constituer une armée locale.
Mais, il est également important de remarquer que, le
patriotisme et l'attachement à la royauté expliquent la
détermination et le courage des soldats baguirmiens que ni leur
adversaire, ni encore la mort ne faisaient peur. Du moins, en bravant le
danger, le soldat Baguirmien certes s'expose à la mort, mais mourir pour
son royaume et les siens était pour lui une mort juste et digne.
Cependant, il faut également noter que cette
armée baguirmienne est hiérarchisée et au sommet se trouve
le Mbang qui est le roi, il est secondé par le Paja
qui est le commandant en chef de l'armée, ce dernier fait
également figure de Ministre de la défense du
royaume98. En temps de guerre, l'armée peut disposer
d'environs 450 à 600 soldats mais en temps de paix, seule la garde
royale exerce et peut disposer de 150 à 300 soldats. Mais, ce sont les
griots qui sont détenteurs du Ngah dal99.
Tout ceci témoigne bien le caractère guerrier du
Tchad précolonial ; chose qui permit notamment à la France d'y
lever la plus grande armée de l'AEF afin de l'utiliser pour renforcer
son influence quant à la protection de son Empire. Mais, d'autres
facteurs ont néanmoins aussi pesé sur la décision de
mettre en place le RTS-T à l'instabilité provenant du Nord et
menaçant la présence française sur ce territoire.
3- Les menaces Ottomane et sénousite au Nord du
territoire (BET)
Les zones actuelles du Borkou, de l'Ennedi et du Tibesti ont
durant les premières heures des conquêtes été
âprement discutées entre Français, Sénoussistes et
Turcs100. Et, de ce fait, la partie septentrionale du territoire du
Tchad qui est frontalière avec la Tripolitaine, territoire alors sous
domination italienne fut l'objet de convoitise de part et d'autre.
98 A. Ngaré, 1994, pp. 219-221.
99 Sorte de tambour sacré que les Barma
sortent à l'occasion des guerres, il est joué pour annoncer,
reprendre ou mettre fin à la guerre.
100Archives CEFOD, J. Ferrandi, H. Perpignant,
« Turcs et Senoussistes au Fezzan », In Bulletin du comité de
l'Afrique Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930- Novembre
1935. Supplément de l'Afrique Equatoriale. Cote TCH B 0319, pp. 3-7.
40
Or, la confrérie Sénousites101
faisant face au prolongement du domaine français s'érige en
véritable menace pour la colonisation française avec l'appui Turc
et italien contre la France qui essayait d'assoir son autorité dans
cette zone.
Cependant, pour mieux cerner la présence ottomane au
Nord du Tchad lorsque les appétits des autres puissances colonisatrices
grandissaient notamment celle de la France, il est important de comprendre
comment cet empire s'installa sur le continent jusqu'à influencer le
Nord du Tchad.
D'emblée, il est important de rappeler que la dimension
africaine de l'impérialisme ottoman continue d'être absente des
discussions et parfois de l'historiographie africaine. Or, la présence
ottomane fut attestée au Tchad dès le XVIe siècle bien
avant la présence des Français102. Mais, plusieurs
auteurs à l'instar de Nora Nafi considèrent la colonisation
ottomane plutôt comme une simple occupation ayant
précédé l'ère coloniale103. Ceci se
justifierait par l'absence de véritables colonies ottomanes en Afrique
qui pourraient contredire cette thèse. Mais, en réalité il
s'agissait tout simplement d'un impérialisme différent des
autres.
C'est d'ailleurs dans ce sens que Michel Le Gall estimait que,
l'impérialisme ottoman s'est manifesté dans une rhétorique
de panislamisme prompt à islamiser l'ensemble du territoire
tchadien104. Ceci lève une équivoque et permet de
comprendre le soutien ottoman aux Sénousites face à la
colonisation française : il s'agissait en réalité d'un
conflit d'intérêt qui opposait la France à l'Empire
ottoman. Ceci était l'un des mobiles apparemment suffisants pour
justifier la constitution et le déploiement du RTS-T.
Mais, force est de constater que seuls des mobiles intra au
territoire du Tchad n'ont pas été responsables de la mise en
place du RTS-T. Car, à côté de ceux-ci, figure
également des facteurs externes.
B- Les facteurs exogènes de la création du
RTS-T
Il s'agit ici de mettre en évidence des facteurs
provenant hors du territoire du Tchad qui ont eu un impact sur la
création du RTS-T. Il est question ici du plan Mangin et de l'acte
politique du Président Armand Fallières lié à la
volonté de mettre en place dans l'ensemble de l'AEF le corps des
tirailleurs sénégalais.
101 Il s'agit d'une confrérie musulmane qui
était basée à l'Est de la Lybie et au Nord du Tchad
où elle a tenu une résistance à la colonisation
française entre 1880 et 1920.
102 S. Deringil, 1990, « Les Ottomans et le partage de
l'Afrique, 1880-1900 », In S. Deringil et S. Kuneralp (ed.), Studies
on Ottoman Diplomatic History, Istanbul, pp. 121-133.
Ibid., pp. 135-146.
103 N. Lafi, 2015, « L'Empire ottoman en Afrique :
perspectives d'histoire critique », Cahiers d'histoire. In, Revue
d'histoire critique, n°128, pp. 59-70.
104 F. Jacques, 1991, La France et l'Islam depuis 1789,
Paris, PUF, p. 36.
41
1- Le plan Mangin
Le corps de tirailleur sénégalais du Tchad ne
s'est pas mis en place du jour au lendemain, ce fut la résultante d'une
conjugaison d'éléments. En effet, en ordonnant la création
sous proposition de Louis Faidherbe du premier régiment des tirailleurs
sénégalais en 1857105, Napoléon III pensait
avant tout à sécuriser grâce à ces derniers les
comptoirs coloniaux. Mais, au vu des tensions grandissantes en Europe mais
aussi en Afrique, le générale Charles Mangin estimait que les
Africains pouvaient susceptiblement constituer une armée «
indigène ». Et, de ce fait, il matérialise ses ambitions par
la publication d'un manifeste intitulé la Force noire.
Dans ce livre, il loue les qualités des Africains et
estime qu'ils peuvent éventuellement servir de réservoir d'hommes
pour la Métropole en cas de besoin. D'ailleurs, il y écrit
à ce sujet que : « l'homme africain possède la
rusticité, l'endurance, la ténacité, l'instinct de combat,
l'absence de nervosité et une incomparable puissance de
choc106 ».
Toutefois, la Métropole étant d'abord
réticente à l'idée de donner son aval sur la mise en place
de cette force noire se résout néanmoins à
accréditer l'idée de Mangin suite aux tensions qui s'accentuaient
entre puissances occidentales mais, aussi à cause de la crise
démographique qui touchait la France. Ce plan consistait à doter
chaque colonie sous joug français d'une force supplétive pour
qu'une fois mise ensemble, elles constituent la plus grande troupe d'infanterie
coloniale. Mais, le mobile principal défendu par le plan Mangin
résidait dans le fait qu'il soutenait l'idée selon laquelle tous
les noirs sauraient être de parfait soldats. A ce propos Charles Mangin
déclarait que :
que ces populations habitent la clairière de la
forêt équatoriale ou la steppe désertique, les
régions montagneuses ou les vallées des grands fleuves, qu'elles
soient groupées ou dispersées, elles ont toujours vécus en
guerre, guerre de race, querelles de villages, chasses d'esclaves. Les luttes
permanentes ont imprimé à la race noire, depuis des âges
les plus lointains, un caractère guerrier qu'elle conservera
forcément pendant de longs siècles107.
Ces propos de Mangin nous amène à penser en fait
que la mise en place des régiments des tirailleurs
sénégalais n'était rien d'autre que la cheville
ouvrière de la conquête coloniale. Car, ce plan avait pour
ambition l'utilisation des Noirs à des fins d'expansion coloniale.
Cependant, il est toutefois intéressant de noter que,
la mise en place des régiments de tirailleurs sénégalais
en AOF et en AEF fut avant tout une initiative consistant à
protéger
105 A. Rivart, 2019, « A Plombières,
Napoléon III crée l'unité française des tirailleurs
sénégalais »,
https://www.vosgesmatin.fr.Consulté
en ligne le 13-03-2021.
106 C. Mangin, 1910, p. 296.
107Ibid. pp. 226-228.
42
l'empire colonial, mais, ce rôle initial fut très
vite dépassé et, plus tard, les tirailleurs
sénégalais interviennent dans les théâtres
d'opération extérieurs (TOE).
Ainsi donc, la création du premier corps de tirailleur
sénégalais du Tchad est une résultante lointaine du plan
de Charles Mangin de faire du continent un réservoir immense de soldats
au service de la France. Mais, le plan Mangin fut concrétisé par
l'entremise des volontés politiques qu'il convient à
présent de mettre en évidence.
2- La matérialisation de l'idée de
création du RTS-T
Si, les querelles entre puissances occidentales à la
fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle ont à
bien d'égard été des motifs qui ont conduit à
l'occupation des territoires en Afrique et à la tracée de leurs
frontières. Il est cependant intéressant de remarquer qu'elles
ont par la même occasion conduis à la création des
armées locales à l'instar du RTS-T sur le territoire du Tchad.
De ce fait, aux premières heures de l'expansion
coloniale française au Tchad, la France avait mis sur pieds une force
locale dès 1902 dénommée Bataillon du Chari
(BDC)108. L'objectif de ce Bataillon était de parfaire les
troupes coloniales mais, aussi de les suppléer lors de la conquête
des zones inexploitées. C'est en cela que, le BC peut être
considérée comme la force « indigène » ayant
précédé le RTS-T. Mais, il convient aussi de rappeler que
le BDC jouait le rôle de « police interne » car, chaque Brigade
de ce Bataillon assurait la sécurité d'un cercle
administratif.
Ce constat sous-tend l'idée selon laquelle les
puissances européennes ont usé de divers moyens pour sauvegarder
chacun leur colonie conquise.
C'est dans ce contexte que, la France décida de
créer des forces supplétives à partir des populations
qu'elle dominait sur son empire africain. De ce fait, s'il est attesté
que l'initiative de mettre en place des régiments de tirailleurs
sénégalais au service de la France trouve son origine chez
Napoléon III, c'est en partie grâce à Charles Mangin que,
cette initiative a été instaurée à l'ensemble de
l'AOF puis à l'AEF. Et, il revenait à Martial
Merlin109 de créer dans les 4 colonies de l'AEF un corps de
tirailleurs sénégalais110.
C'est suite à ces initiatives que naquit le RTS-T
après le décret du 10 Février 1910 émis par le
Président français Armand Fallières.
108 E. Largeau, 1913, La situation du territoire militaire du
Tchad au début de 1912, p. 75.
109 Martial Merlin fut un ancien administrateur colonial
français. Il a servi en Afrique dans un premier temps en AOF puis en AEF
entre 1908 et 1917 comme Gouverneur Générale de l'AEF.
110 SHD, Correspondance du Ministère de la Guerre au
Ministre des colonies et des Affaires Etrangères, Arrêté du
Président Armand Fallières relatif à la création du
corps du régiment des tirailleurs sénégalais dans les
colonies du Tchad, d'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Gabon, Cote GR
6H129-170.
43
C'est à partir de cet acte fondateur que, le 15
Février 1910, Fort Lamy accueillait le tout premier régiment des
tirailleurs sénégalais du Tchad alors fort d'un peu plus de 3000
tirailleurs sénégalais encadrés par 200 Officiers et
sous-officiers métropolitains tous placé sous le commandement
suprême de Victor Emmanuel Largeau111.
Mais, la mise en place du RTS-T visait avant tout à
doter la France de militaires capable de parachever la conquête de
l'intérieur du territoire du Tchad tout en disposant des hommes
résistant aux maladies locales et au climat rude du Sahel.
La photographie ci-dessous est le camp de concentration du
RTS-T à Fort-Lamy. C'est à partir de là qu'ont
été préparés les bataillons qui ont
été déployés au Kamerun à partir de 1914
dans le cadre de la Grande Guerre dont le but visé était de
protéger le domaine colonial français.
Photo 2: La caserne principale du RTS-T
à Fort-Lamy
Source : (c) Eric Déroo.
Cette photographie met en lumière le lieu de
concentration du RTS-T et date de 1913. Elle a la capacité d'abriter
entre 300 à 2800 tirailleurs encadrés par 200 à 300
officiers et sous-officier métropolitains112. Nous remarquons
que son entrée est filtrée à la guérite par
quelques
111 E. Largeau, 1913, p. 43.
112 SHD, Renseignements et compte rendu de la
situation politique et militaire du territoire militaire du Tchad. GR
6H137.
44
tirailleurs armés. Cependant, il convient aussi de
noter que cette caserne fut bâtie sur l'emplacement actuel de la place de
la nation de N'Djamena dans le 1er Arrondissement selon Mariam
Adoum113.
Mais, il faut aussi rappeler que, l'épigraphe à
son entrée témoigne des faits d'armes du Régiment de
marche du Tchad (RMT) en Libye lors de la Deuxième Guerre mondiale
(DGM). Mais, le RTS-T dispose également d'un insigne spécifique
que nous pouvons observer ici-bas.
Photo 3: L'insigne du Régiment des
Tirailleurs Sénégalais Tchad (RTS-T)
Source : (c) Djeguemde, Moundou, le
15-09-2021.
Cette image témoigne d'un emblème assez
particulier. En effet, le dromadaire qui le caractérise est reconnu
comme un animal pouvant supporter les contraintes environnementales les plus
extrêmes. Cela traduit à priori la ténacité
des tirailleurs qui servent sous cette bannière.
Ceci dit, cet insigne est constitué d'une croix de
guerre pour les officiers et sous-officiers métropolitains ayant servi
lors de la Grande Guerre en Europe mais aussi au Kamerun,
113 Entretien avec Mariam Adoum, N'Djamena le 17-12-2021.
cependant, il est rapporté que les tirailleurs de ce
régiment n'ont reçu cette distinction qu'après leur fait
d'armes à Koufra dans le cadre de la Deuxième Guerre mondiale
mené par le Général Leclerc tel que nous renseigne
Nguemadji Dabot114.
En dépit de ces observations, il est fort
intéressant de relever que, la présence française au Tchad
a entrainé la mise en place du RTS-T sensé être une force
supplétive aux ambitions de cette dernière.
Le premier chapitre de ce travail a consisté à
retracer la genèse, les mobiles de la présence française
au Tchad et les éléments responsables de la mise en place du
RTS-T. Au terme de cette analyse, il en ressort que les débuts de
l'ère coloniale française au Tchad résultent de nombreux
éléments entrepris par le comité de l'Afrique à
partir de 1889. Ainsi, trois missions en l'occurrence ont amené la
France à fortifier sa position sur ce territoire autant
stratégique qu'indispensable à la volonté de cette
dernière dans ce contexte de rivalités expansionnistes.
De ce fait, au vu du contexte qui prévalait, ce
territoire fut utilisé comme une base arrière française et
ce rôle se confirma surtout à l'entame de la Grande Guerre sur le
continent africain ; Guerre qui vu le déploiement du RTS-T au Kamerun
notamment à partir du front Nord.
Partant de ces constats, il convient dans le chapitre suivant
de mettre en évidence la structuration et la gestion de ce
régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad.
45
114 Entretien avec Nguemadji Dabot, N'Djaména le
04-02-2022.
46
CHAPITRE II : STRUCTURATION ET TRAITEMENT DU REGIMENT DES
TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T). 1910-1914
47
Dans le but d'avoir des résultats après la mise
en place du régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad,
la Métropole avait pensé à structurer puis à
gérer les effectifs qui la composent. De ce fait, la
hiérarchisation militaire étant l'une des premières
règles de la grande muette, le RTS-T a à l'instar de toute
armée obéit à cette logique.
Partant de ce constat, le présent chapitre entend dans
un premier temps s'intéresser au noyau même du RTS-T ce qui
sous-entend de mettre en exergue la diversité dans les recrutements
autant chez les militaires locaux que, chez les militaires
métropolitains. Car, si, la majorité de l'effectif du RTS-T fut
majoritairement constitué de militaires locaux, force est
également de constater que, un nombre conséquent de militaires
venus de Métropole ont été incorporés à ce
régiment. Suite à cette diversité au sein du RTS-T il
était désormais question pour la métropole de penser la
gestion de ces hommes qui, par la force des choses ont parfois
été qualifiés de « frères d'armes ».
Il s'agit aussi de mettre en lumière la composition de
ce corps car très peu d'études concernant l'ossature de ces
régiments ont été menées. Ainsi, il est important
dès lors de rappeler dans cette première section la composition
du RTS-T ; ce qui sous-entend de revisiter leur différents modes de
recrutement qui l'ont caractérisé puis, aborder la gestion de ce
corps.
I- LA COMPOSITION DES EFFECTIFS DU RTS-T
Avant tout propos, il convient de rappeler que, l'une des
raisons ayant motivé notre choix de nous pencher sur la structuration du
RTS-T est l'hétérogénéité des hommes qui la
composent. Partant de ce constat, il est question ici de mettre en
évidence les différents modes de recrutement au sein de cette
infanterie de troupe coloniale. Dans l'optique d'y parvenir, il est question au
préalable d'aborder tour à tour les méthodes de
recrutement à la fois chez les tirailleurs sénégalais
également chez les militaires métropolitains.
A- Les modes de recrutements au sein du RTS-T
La question de l'armée est à priori
antérieure dans la plupart des colonies africaine à l'occupation
du continent par les puissances impérialistes comme le rappel Marielle
Debos115. Mais, il faut cependant rappeler que les armées
précoloniales étaient surtout constituées de prisonniers
de guerre et d'esclaves dans les royaumes durant le Moyen-Age
africain116.
115 M. Debos., 2003. Le métier des armes au Tchad.
Le Gouvernement de l'entre deux guerre. Paris, Karthala, p. 23.
116 J. Ki-Zerbo, 1972, Histoire de l'Afrique noire d'hier
à demain, Paris, Hatier, pp. 95-103.
48
Avec l'avènement des impérialistes occidentaux,
les populations du continent particulièrement celle du territoire du
Tchad a été diversement réquisitionnée pour
bâtir les régiments de tirailleurs sénégalais
censés défendre la cause française. Partant de là,
il est intéressant de remarquer que certains groupes ethniques du
territoire du Tchad ont été jugées plus aptes à
livrer des guerres à la suite de certains «
stéréotypes coloniaux », qui sous-tendait que, les
populations qui s'adonnaient à l'agriculture au détriment de
l'élevage étaient dotées d'un physique plus imposant et
par conséquent constitueraient de meilleurs soldats117.
C'est en allant dans le même sens que, Marc
Michel118 estimait que les ethnies de savanes étaient
considérées comme plus guerrières que les populations des
zones forestières et côtières et par conséquent
recrutées prioritairement. On constate que ces stéréotypes
ont volé en éclat et ont fait place assez rapidement à la
réalité qu'offraient les velléités expansionnistes,
ce qui a du coup amené la France à mobiliser le maximum d'hommes
dans le but de les déployer sur les TOE. Toutefois, il est question
à présent de voir comment s'est fait les recrutements des
tirailleurs sénégalais on dénombre de ce fait 03 types
d'engagements : le volontariat, le réengagement et la conscription
Le 1er mode de recrutement ; l'engament dit
volontaire fut le premier mode de recrutement pour les populations locale du
territoire du Tchad. En effet, si les mobiles liés à leur
endurance, courage et témérité ont été
très tôt mis en avant pour justifier leur enroulement dans les
corps de troupe coloniale comme le pense Bekiri119. Il convient de
rappeler que c'est en revanche l'ordonnance du Président Armand
Fallières de 1910 qui posait véritablement les bases de leur
incorporation et de leur engagement au sein des troupes d'infanterie
coloniales120. Il fixait les modalités d'engagement
concernant notamment l'âge minimal et maximal des postulants. A
priori, ces derniers devaient être âgés de 18 ans au
moins et 35 ans au plus pour s'engager au sein du RTS-T121.
Mais, cette thèse dénié
d'objectivité n'est pas du tout de l'avis de Djimrabeye Dayanne qui
estime que122, « il est difficile de concevoir le fait que,
nos prédécesseurs aient eu des actes
117 Entretien avec Mbaihormon Narcisse, Moundou le 06-12-2021.
118 M. Michel, 2003, Les Africains et le Grande Guerre.
L'appel à l'Afrique, (1914-1918), Paris, Karthala, p. 15.
119 Entretien avec Bekiri, Moundou le 11-10-2021.
120ANT, JO-AEF, 1910, la Quinzaine coloniale
n°2, Le Gouverneur des colonies, Décret du 15 Décembre 1910,
sur le recrutement des indigènes dans les colonies de l'AEF, p. 31.
121ANT, Arrêté du Gouverneur des
colonies Martial Merlin, Article Premier. Les conditions d'engagement des
indigènes au sein des régiments des tirailleurs
sénégalais au Tchad, en Oubangui-Chari, au Moyen-Congo et au
Gabon, p. 43.
122 Entretien avec Djimrabeye Dayanne. Moundou le 12-09-2021.
49
de naissance pour permettre aux autorités
coloniales de les enrouler avec exactitude en ce temps ». Ceci dit,
on est en droit de penser que ce n'était qu'un volontariat de
façade, car, aucun enjeu ne semblait être à l'avantage de
ces engagés au sein du RTS-T.
Cependant, il faut noter que, la population locale du Tchad
engagée « volontairement » était utilisée
à séant aux desseins de la Métropole. Mais, ce volontariat
semblait se limiter aussi avec certaines obligations notamment celle de servir
hors du territoire du Tchad. A ce sujet, cette ordonnance stipulait que :
« Tous les militaires indigènes, appelés ou liés
par contrat, peuvent en toute circonstance être désignés
pour continuer leurs services hors de leur groupe de colonies d'origine sous
les réserves prévues par les décrets sur le recrutement
123 ».
Toute somme, les engagements dits volontaire n'ont
été en fait que des stratagèmes mis en place pour
justifier la volonté de la France de paraitre comme une puissance
respectant les libertés et le droit des assujettis. Car, en plus de
revêtir des aspects plus moins obligeant cette méthode de
recrutement était loin d'être du consentement des engagés.
La seconde méthode de recrutements des tirailleurs
sénégalais: le réengagement mettait à nue cette
« contrainte voilée » que cachait l'engagement volontaire.
Le 2nd mode de recrutement ; le
réengagement. Cette seconde méthode de levée des
tirailleurs sénégalais est un des aspects les moins
évoqués des modes de recrutement en période coloniale. En
effet, ce type de levée s'inscrit dans la continuité de la
circulaire du 15 Décembre 1910124.
Ainsi, cette ordonnance accordait la possibilité aux
tirailleurs sénégalais des groupes de l'AOF et de l'AEF de
poursuivre leur carrière militaire sous le drapeau français. Cela
traduisait ainsi la volonté de la France de conserver sous leur
domination des soldats déjà expérimentés ce qui
leur facilitait les choses car, de ce point de vue, les tirailleurs
sénégalais avaient déjà reçu une instruction
militaire et par conséquent possédaient une expérience des
armes à feu et des techniques de guerre moderne.
123 ANT, JO-AEF, 1910, la Quinzaine coloniale n°2, Le
Gouverneur des colonies, Décret du 15 Décembre 1910, sur le
recrutement des indigènes aux colonies Article.2 .Titre I, Obligation du
service des tirailleurs sénégalais hors de leur territoire.
124 ANT, JO-AEF, 1910, la Quinzaine coloniale n°2, Le
Gouverneur des colonies, Décret du 15 Décembre 1910, sur le
recrutement des indigènes aux colonies Article 3 .Titre I, Obligation du
service des tirailleurs sénégalais hors de leur territoire.
50
Cependant, il faut aussi rappeler que si le
réengagé pouvait servir au sein du RTS-T au moins pendant quatre,
cinq voire six années, il ignorait cependant quand son service militaire
pourrait prendre fin. En effet, les tirailleurs sénégalais
pouvaient servir comme réengager sur une durée comprise entre 03
et 15 ans selon que la Métropole avait besoin d'un capital
humain125.
C'est dans ce sens qu'en temps de guerre par exemple, les
tirailleurs sénégalais étaient insérés
pendant de longues périodes au sein du RTS-T comme l'atteste
l'ordonnance du 23 Décembre 1914126. C'est en allant dans le
même sens, qu'Anthony Guyon127 estime pour sa part que :
« les Tirailleurs sénégalais étaient d'une
façon ou d'une autre liés à la Métropole et de ce
fait, il ne leur revenait pas le droit de se désengager de
l'armée quand ils le désiraient ». Ce qui nous
amène à faire la remarque qu'il s'agissait en fait d'une
contrainte imposée aux tirailleurs sénégalais qui allaient
à l'encontre des libertés tant vantées par les nations
dites « civilisatrices » censées être des
modèles. En revanche, le dernier mode de recrutement des tirailleurs
sénégalais mettait ouvertement en exergue ce que les deux types
de recrutements précités n'évoquaient pas directement.
Le 3ème mode de recrutement ; il s'agit ici
de la conscription ou exercice militaire obligatoire : si, les
recrutements dits volontaires et les réengagements étaient les
modes de recrutements prônés aux premières heures de la
constitution des troupes coloniales, la conscription encore appelée
service militaire obligatoire par contre était une
référence et s'imposait surtout en période de. En effet,
le recrutement par conscription était considéré comme le
plus « ignoble » des modes de recrutement car, il a entrainé
des nombreuses conséquences. Il a séparé des familles,
provoqué une décadence des bras valides et retardé la
croissance démographique du continent comme nous rappelle Rachid
Bourchareb à travers son film intitulé «
Indigènes128 ».
En outre, la levée par conscriptions peut être
perçue comme le service militaire obligatoire par excellence mis en
avant par la France dont furent victimes les Africains en
générale et la population du territoire du Tchad en
particulier.
125 Entretien avec Avouksouma Didier, N'Djaména le
11-12-2022.
126 Archives du CEFOD, 1914, Fond Tchad, Cote 963 42,
Circulaire interministérielle sur les durées des engagements et
rengagements des indigènes coloniaux résidant en Afrique
Equatoriale Française pendant la guerre. p. 3.
127 A. Guyon, 2017, p. 53.
128Rachid Bourchareb, Film « Indigènes
». Consulté en ligne le 10-02-2022.
http://www.ina.fr..
51
S'il est notoire que le recrutement par conscription des
tirailleurs sénégalais était moindre avant 1914. Force est
de constater que, c'est à partir de cette période qu'on remarque
qu'il passe au premier plan ceci du fait du grossissement du RTS-T
résultant en parti des tensions sans cesse grandissantes entre
Européens. C'est en allant dans ce sens qu'Helene Almeida
Topor129 affirmait que : « la Grande Guerre fut un
catalyseur dans la conscription dans l'ensemble de l'empire colonial africain
».
Cependant, il faut également noter que, ce sont les
chefs de circonscriptions qui avaient la charge de satisfaire les quotas
d'hommes dans leur cercles130. C'est à ces fins que les neuf
circonscriptions du territoire du Tchad ont été
sollicitées afin de fournir des Hommes qui ont constitué
l'essentiel du RTS-T131. Néanmoins, pour atteindre leur but,
les chefs de cercles avaient recours aux méthodes peu conventionnelles
pour recruter les soldats comme l'affirme Djadjingar Francis132 qui
estime que les chefs de circonscription mettaient la pression au sein des
familles pour se faire livrer des bras valides et lorsque les quotas
n'étaient pas atteints, de véritables razzias étaient
organisées dans les villages. D'ailleurs, ces propos trouvent tout leur
sens dans l'ordonnance du 15 Décembre 1914 qui stipule la levée
massive des « indigènes » dans le cadre de la
guerre133.
Malgré le caractère explosif des recrutements
sur le territoire du Tchad, il y' a eu cependant des résistances
à ces pratiques peu philanthropes qui foulaient au pied la
dignité humaine. La première résistance à cette
pratique était la fuite des hommes de leur village qui voyaient d'un
mauvais oeil leur enroulement dans l'armée pour mener des
opérations dont ils ignoraient parfois le sens. C'est dans cette optique
que le film de Benjamin Braillard134 intitulé « les
troupes coloniales pendant la Première Guerre mondiale135
» met en avant l'opposition des Africains face aux réquisitions
dans le cadre de la Grande Guerre. En plus de cela, parfois on arrivait
même à des affrontements ouverts entre opposants à cette
pratique et autorités coloniales.
129H. Almeida Topor, 1973, « Les populations
dahoméennes et le recrutement militaire pendant la Première
Guerre mondiale », in, Revue d'histoire d'Outre-Mer, n°36,
pp.196-201.
130Entretien avec Bedoum Antoine. Douala le
23-09-2021.
131 Il convient cependant de rappeler que, les premiers chefs
de circonscriptions du territoire du Tchad jusqu'en 1944 étaient tous
Français. Ils exerçaient une pléthore des pressions sur
les autorités traditionnelles et les chefs de villages qui devaient
fournir un quota d'hommes qui constitueraient la base du RTS-T.
132 Entretien avec Djadjingar Francis, Moundou le 15-12-2021.
133 Archives du CEFOD, 1914, Fond Tchad, Tchad, 963 32,
Circulaire interministérielle sur les engagements et rengagements des
indigènes coloniaux résidant en Afrique Equatoriale
Française, p. 3.
134 Benjamin Braillard « Les troupes coloniales pendant
la Première Guerre mondiale », Film documentaire produit par le
CNC.
https://www.cnc-aff.Consulté
en ligne le 10-02-2022.
135 Entretien avec Ursule Touroukounda. Moundou, le
21-12-2021.
52
Ce fut le cas à l'Est du territoire, au Ouaddaï,
plus précisément à Abécher ou depuis l'occupation
de cet espace par la France, de vives voix s'étaient opposées
à leur présence jusqu'en 1917 donnant suite au massacre des
leaders musulmans136. En effet, l'enroulement des hommes dans
l'armée coloniale devenait de plus en plus difficile. En s'opposant
à cette pratique, la population de Abécher s'était rendu
coupable devant les autorités coloniales qui, avaient
perpétré un massacre au coupe-coupe tel que l'estime Mahamat
Adoum137. Selon ses propos, le massacre de Abécher fut une
attaque des militaires coloniaux en pleine séance de prière ; une
attaque surprise au coupe-coupe qui eut lieu entre 4h et 5h du matin. Ce
massacre est resté ancrée dans les mémoires collectives
des populations de ces régions.
On constate à travers la diversification des modes de
recrutements que la France a usé de nombreux moyens pour recruter au
sein de la population du territoire du Tchad à travers
différentes méthodes. Elle n'a pas hésité à
utiliser les moyens les plus drastiques pour gonfler son armée. En
revanche, le mode de recrutement des militaires métropolitains faisant
parti du RTS-T était différent de celui de leurs «
frère d'arme » africains.
B-Chez les métropolitains
La dynamique de recrutement des militaires
métropolitains était totalement différente de celle des
tirailleurs sénégalais. D'emblée, les
métropolitains étaient recrutés pour la plupart hors des
colonies et des territoires assujettis par la métropole. Deux types de
recrutements ont à l'aube de la Première Guerre mondiale
été alors mis sur pieds par le Ministère de la guerre pour
enrouler les métropolitains au sein de l'armée coloniale : le
volontarisme et le réengagement138.
De ce fait, s'agissant de la levée sur la base du
volontariat, il était organisé en France une campagne de
propagande menée par le Ministère de la Guerre dont le but
était d'engranger le maximum de soldats au sein des troupes
coloniales139. C'est en allant dans le même
sens qu'Anthony Guyon affirmait que durant la propagande du Ministère de
la guerre, les français
136 M. Adoum, 2002, « Abécher1917 : chronique d'un
massacre au coupe-coupe », N'Djaména, Edition Al Mouna. pp.
10-12.
137 M. Adoum, 2002, « Abécher 1917 : chronique
d'un massacre au coupe-coupe », N'Djamena, Edition Al Mouna, pp. 10-12.
138 T. Palmieri, 2015, « Etude comparative de
l'administration militaire de l'Italie et de la France au Fezzan libyen. Un cas
de modèle coloniale en continuité (1930-1951), thèse de
Doctorat en Histoire contemporaine, Université de Marseille Aix en
Provence, pp. 25-27.
139 ANT, JO-AEF, Les engagements et réengagements des
soldats métropolitains au sein des troupes coloniales. Affiche de
propagande de recrutement de militaires métropolitains au sein des
armées coloniales.
53
pouvaient choisir le corps qu'ils souhaitaient
intégrés selon leur aptitude140. Mais, force ici est
de remarquer que cela différait totalement du recrutement des
tirailleurs sénégalais qui ne pouvaient faire partir que de
l'infanterie coloniale du RTS-T ou au plus, de l'infanterie colonial des
troupes envoyer en occident.
Cependant, il convient malgré tout de souligner que
quelques conditions étaient fixées pour intégrer soit les
troupes métropolitaines ou les troupes coloniales. Il fallait pour le
soldat métropolitain présenté des pièces
composées d'un extrait de casier judiciaire, un certificat
médical et un bulletin de naissance141 cet acte traduisait
bien une volonté pour Paris d'éviter l'intrusion
d'étrangers au sein de leur armée.
Quant au recrutement par réengagement, cela constituait
un tremplin pour la Métropole car, lorsque débute la PGM, la
France connait une baisse démographique dont les réengagements
des militaires de Métropole constituaient une aubaine. Mais, le
réengagement différait du service militaire obligatoire dans la
mesure où les réengagés pouvaient servi partout alors que,
les conscrits n'avaient pour rôle que la défense du territoire
national français142.
C'est dans ce sens que, Martel André
Leclerc143 rappelait que, les réengagements ont
été instaurés par la France pour contenir les attaques
ennemies et protéger l'intégrité du territoire. Mais, les
militaires métropolitains ne subissaient aucune contrainte qui les
obligeait à se réengager. En revanche, s'ils le souhaitaient ils
pouvaient demander une mutation d'une circonscription à une autre voire
d'un territoire à un autre.
Ces modes de recrutements ont permis à la France de
maintenir un nombre conséquent d'hommes au sein du RTS-T surtout lors de
la PGM. Mais, dans l'optique de parfaire notre connaissance du RTS-T, il
convient à présent de nous pencher sur sa gestion.
II- LA GESTION DES EFFECTIFS DU RTS-T
Au début du XXe siècle, l'augmentation
importante des effectifs de l'armée coloniale était avant tout
liée à la politique d'expansion coloniale144. De ce
fait, le développement des régiments de tirailleurs
sénégalais fut un mobile supplémentaire pour la France
d'accentuer sa position et son influence dans les territoires qu'elle dominait
et qu'elle envisageait s'accaparer.
140 Ils pouvaient notamment choisir d'incorporer les troupes
d'Infanterie, de cavalerie, Artillerie, génie et du train.
141 A. Guyon, 2017, p. 231.
142 M. André Leclerc, 1998, Le soldat et le
politique. Paris, Albin Michel, p. 81.
143 Ibid., p. 101.
144 M. André Leclerc, 1998, p. 11.
54
Ainsi, le corps de troupe coloniale comme nous l'avons vu,
avait une composition hétérogène constituée de
soldats noirs et d'officiers métropolitains. Cependant, il est à
présent question de nous pencher sur le traitement des effectifs du
RTS-T.
Mais avant tout, il convient de rappeler que, le
régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad a ceci de
mémorable qu'il était lié à la Métropole par
des engagements assortis le plus souvent de primes aux soldes divers. Ainsi,
dans l'optique de mieux cerner ces différences au sein du RTS-T, il
serait question ici de nous appesantir sur les questions liées aux
pécules, à la formation et à aux traitements sanitaires du
RTS-T.
A- La question des pécules au sein du RTS-T
Le corps du régiment des tirailleurs
sénégalais basé sur le territoire du Tchad fut l'une des
armées les plus dynamiques et les plus sollicitées au sein de
l'AEF. Même s'il est vrai que les questions des soldes au sein des
troupes coloniales restent un sujet peu mis en évidence, il est
indéniable qu'elle cristallise les relations
colonisateurs-colonisés à un moment de son histoire.
De ce fait, il est question ici d'aborder cette question sous
deux angles : les pécules des engagés et celui des
déplacés. Toutefois, il est aussi question de mettre en
évidence les aspects sombres du paiement des pécules souvent
minoré.
1-Les indemnisations du RTS-T au sein du
territoire
Au sein du régiment des tirailleurs
sénégalais du Tchad, la question de rémunération
des effectifs était diverse en fonction de la position qu'on occupait.
Si, les soldes perçues étaient différentes, force est
cependant de remarquer que le traitement était également
différent. C'est dans cette mouvance que plusieurs articles venaient
régulés les indemnisations des hommes qui servaient les
intérêts du drapeau français.
De ce fait, les avantages pécuniaires étaient
accordés en CFA145 aux appelés à l'instar des
engagés volontaires ou aux réengagés mais à des
soldes divers. Ainsi, le tirailleur sénégalais du Tchad
dès qu'il contractait un engagement au sein du RTS-T percevait une
indemnité de 0,25Cfa mensuellement146. Selon le même
décret mais dans l'article 5, les indemnités des
145 Cette monnaie coloniale dénommée
Communauté Financière Africaine (CFA) a servi dans les colonies
sous domination d'AOF et d'AEF entre 1880 et 1958 avant d'être
remplacée par le FCFA (Franc de la communauté Française
d'Afrique). Le CFA était arrimer au FF (Franc Français) et, 1CFA
valait 0.02FF.
146 Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF,
Arrêté du 15 Décembre 1912, Article 2.
55
tirailleurs sénégalais appelés à
se déplacer à l'intérieur du territoire étaient
dédommagées à hauteur de 0.27CFA ainsi que sa
famille147.
Ceci reste des données publiées dans les
Journaux Officiels tenus par la Métropole et rédigés par
l'administration coloniale, elles ne sont pas toujours fidèles à
la réalité. En effet, certaines réactions et
événements nous amène à remettre en question
l'objectivité de ces données à l'instar des incidents du
01 Décembre 1944 à Thiaroye148. En outre, de
nombreuses réalisations cinématographiques149 vont
également à l'encontre de ces données liées aux
paiements des pécules.
Cette initiative était instaurée à
priori pour motiver la population du territoire du Tchad à
intégrer les rangs du RTS-T. Cependant, le contexte de tension
d'après 1911 fit changer les choses et c'est peut-être la raison
qui poussa la Métropole dès 1912 à diversifier la bourse
des soldats locaux. C'est dans cet élan que, pour dynamiser plus ses
troupes, la France fixa l'indemnité de pensions comme le mentionne le
décret des curricula du 30 Août 1914150. Mais, ces
pécules étaient différents pour les tirailleurs
sénégalais appelés à se déplacer.
2-Les pécules pour déplacés hors du
territoire
L'engagement des tirailleurs sénégalais par la
France dans l'optique de les intégrer dans leurs rangs fut une pratique
sans cesse grandissante. Cet acte marquait symboliquement un nouveau rapport
entre colons et colonisés par le simple fait qu'ils se côtoyaient
désormais dans un contexte qui les obligeaient à s'unir. C'est
ainsi que, Marc Michel les qualifiaient de « frères d'arme ».
Si par ailleurs, nous avons vu que l'engagement avait un coup, lorsqu'on
rejoignit le corps du RTS-T, cette rémunération était
différente lorsque les tirailleurs sénégalais
étaient appelés à servir hors de leur territoire.
En effet, si le rôle premier des tirailleurs
était de défendre leur territoire ou du moins celui dont la
France souhaitait se faire maitre, ces derniers pouvaient être
déployés loin de leur circonscription voire de leur colonie
d'origine. C'est en ce sens que cette section entend s'intéresser aux
primes alloués aux tirailleurs déplacés hors du territoire
du Tchad. Ainsi, si
147 Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF,
Arrêté du 15 Décembre 1912, Article 5.
148 Les incidents du camp de Thiaroye au Sénégal
sont restés célèbres du fait du massacre des tirailleurs
sénégalais qui réclamaient leurs pécules
après avoir combattu auprès de la France. Tandis que, la France
évoquait la mort de 30 tirailleurs survenus après une mutinerie,
des enquêtes ont révélé que pas moins de 300
tirailleurs ont été massacrés à tort.
149 On peut notamment citer, « Le camps de Thiaroye'
» de Sembene Ousmane, « Au nom de la mémoire » de David
Asouline.
150 ANT, Annuaire du Gouvernement Générale de
l'AEF, Arrêté du 30 Aout 1914, article 1.
56
l'article 4 du décret relatif à l'emploi des
soldats locaux se penchait également sur les primes de
déplacés hors de leur colonie, cette ordonnance stipulait que
:
Au cas où les tirailleurs sénégalais
seraient appelés à servir hors de leur colonie d'origine et
qu'ils ne seraient pas autorisés à emmener leur famille, une
allocation journalière de 0fr.25 sera payée à leurs femmes
avec accroissement de 0.05Cfa par enfant de moins de 12 ans. Si les enfants
sont orphelins de mère, l'allocation qui leur sera acquise sera
payée à la personne qui en a la charge, faisant fonctions de
tuteur désigné par le chef civile ou militaire de circonscription
ou de subdivision151.
Mais, au vu des nombreux incidents liés parfois aux
paiements des pécules, cette ordonnance se présentait en fait
comme un « simulacre de bonne foi » de la part de la France. Car, le
caractère philanthropique de ce décret peut être remis en
question, surtout que, aucune action même mémorielle n'a
été entreprise pour conserver la mémoire de ces
tirailleurs sénégalais au Tchad.
C'est en s'insurgeant contre cet acte de « bonne foi
» que les paroles de Mbaidené Nadine152 sont
intéressantes, elle estime que : « les tirailleurs
sénégalais du Tchad ont servi les intérêts de la
France inutilement, la preuve flagrante est qu'il n'existe même pas une
rue qui porte leur faits d'arme ou même la construction d'un monument
censé rappeler leur engagement aux cotés de la
France».
Des soldes pécuniaires alloués aux tirailleurs
sénégalais, nous pouvons dire qu'elles ont constitués des
moyens efficaces pour enrouler les tirailleurs sénégalais dans
les régiments. Même si, l'applicabilité des décrets
relatifs au paiement de ces divers soldes est remis en question, force est
cependant de constater que, les tirailleurs sénégalais
particulièrement ceux du Tchad ont servi avec loyauté la France.
Toutefois, comment étaient traités au quotidien ces effectifs de
plus en plus grandissants ?
B-Le traitement des effectifs RTS-T
Les lacunes observées dans la formation militaire des
tirailleurs sénégalais obligeaient la Métropole à
repenser la gestion des effectifs de ce corps armée. C'est ainsi que
cette section se propose de revisiter dans un premier temps l'instruction
militaire donné aux tirailleurs et dans une seconde partie la place du
français dans ce régiment.
151 Archives du CEFOD, 1912, Annuaire du Gouvernement
Générale de l'AEF, décret relatif aux recrutements des
indigènes au Gabon, Moyen- Congo, Oubangui-Chari, Tchad. Paris, Emile
Larousse.
152 Entretien avec Mbaidéné Nadine, Moundou le
09-11-2021.
57
1-L'instruction des tirailleurs
sénégalais
Dans l'optique de mener à bien l'encadrement des
tirailleurs dans les colonies et principalement celui du RTS-T, deux types de
formations leurs étaient donnés : une formation militaire et une
formation civile.
a- L'instruction militaire
Pour la concrétisation de ses desseins
impérialistes dans les colonies, la France avait eu à se
constituer un bras armée composé majoritairement de soldats
levés localement. Mais, ces populations notamment celle du territoire du
Tchad furent instruites suivant les méthodes habituelles de la «
grandes muette ». C'est ainsi que quelques prescriptions militaires furent
enseignées aux tirailleurs sénégalais du Tchad afin
d'améliorer les lacunes perçus jusqu'ici par les administrateurs
coloniaux.
C'est dans ce sens qu'une formation sommaire était
donnée aux tirailleurs du RTS-T avant de les enrouler dans les fronts.
La formation des tirailleurs sénégalais fut progressive et
ambitieuse et, elle trouvait son origine dans un projet de loi datant de 1913
qui orientait la formation153. C'est en ce sens que, les principales
instructions concernaient les manoeuvres de tirs et de mobilités. Ainsi,
ces manoeuvres se concentraient sur trois points :
? Huit à dix jours consécutifs d'instruction de
détail afin de former le bataillon, puis le groupe d'artillerie recevait
une préparation spécifique au maniement de leur fusil à
baïonnette.
? Puis, huit à dix jours d'instruction de l'ensemble du
régiment d'infanterie avec, l'artillerie et la cavalerie,
? Enfin, trois jours permettaient aux Etats-Majors de
préparer leur travail, d'établir le réseau des
transmissions et des reconnaissances préalables
Il faut néanmoins préciser que la formation des
tirailleurs sénégalais passait aussi par la qualité du
matériel mis à leur disposition. Or, ces derniers avaient droit
occasionnellement à l'usage des armes à feu dans le cadre de leur
instruction.
153 SHD, GR 8D18, Rapport général annuel sur les
questions intéressant l'instruction des tirailleurs
sénégalais dans les colonies d'Afrique, Paris, le 15 novembre
1913.
58
Toute somme, si l'instruction militaire demeurait essentielle,
elle n'occultait en rien l'instruction civique qui dépassait alors le
seul cadre militaire. Et, de ce fait, la communication entre tirailleurs
sénégalais et instructeurs métropolitains fut
indispensable.
b- Les langues comme moyen d'instruction
Comme le contexte le prévoyait, l'utilisation des
tirailleurs sénégalais à long terme était plus
qu'envisagé mais, il était dès lors question de donner
à ces derniers une autre conduite qui passait par l'apprentissage du
français. Mais, quelques fois, les instructeurs furent obligés
d'apprendre les langues locales afin de faciliter la communication et les
instructions154.
En le faisant, les officiers et instructeurs
métropolitains estimaient qu'ils rendaient meilleurs les tirailleurs
sénégalais et amélioraient la qualité des
régiments à l'instar du RTS-T. C'est en allant dans le même
sens que, Anthony Guyon épousait cette logique de perfectionnement des
tirailleurs sénégalais. Il y écrivit d'ailleurs que :
« L`organisation des tirailleurs sénégalais
résulte d'un encadrement spécifique. Dans l'application, on ne
s'est pas seulement proposé comme but d'utiliser la quantité,
mais aussi d'améliorer la qualité des indigènes pendant
leur séjour sous le drapeau155 ».
Ainsi, si l'engagement a constitué un moyen de
rapprocher les tirailleurs sénégalais de l'idéal
prôné par la France comme l'a souligné Annie
Crépin156, il semblerait en revanche que, la conscription mis
en place en AEF a été défavorable à cette notion.
Mais, la vulgarisation des us et coutumes métropolitains pouvaient
concourir à transformer les tirailleurs, principalement ceux du RTS-T en
parfait défenseur des desseins de la France dans son futur pré
carré. En outre, la maitrise de la langue française a
été un levier nécessaire et indispensable au bon
déploiement du RTS-T. Car, elle a favorisée l'évolution
des rapports entre tirailleurs sénégalais et l'administration
coloniale d'autant plus que, l'utilisation du tirailleur à long terme
était envisagée.
C'est dans ce sens que l'usage du français et des
langues locales au sein du RTS-T s'avéraient primordiale tant pour les
instructions militaires que pour l'exécution des ordres. Ainsi, les
interprètes étaient souvent appelés à jouer un
rôle et être une croix de transmission
154 Entretien avec Nguidam Isaac, N'Djaména le
10-12-2021.
155 A. Guyon, 2017, p. 46.
156 A. Crépin, 1998, La Conscription en
débat ou le triple apprentissage de la nation, de la citoyenneté,
de la République : 1789-1889, Arras, Artois Presses
Université, p. 253.
59
dans cette entremise dans la chaine de communication. D'autant
plus que, administrateurs coloniaux et tirailleurs sénégalais
étaient appelées à maitriser la langue de chacun.
C'est allant dans ce sens que le colonel Mangeot prônait
l'apprentissage des langues locales en ces termes : « Il serait bon
que les administrateurs coloniaux, les militaires métropolitains aient
des notions suffisantes de langues locales africaine. De plus en plus,
celles-ci s'affirment comme langue communément parlé par tous les
tirailleurs sénégalais et, la langue est facile, le vocabulaire
est sobre, la grammaire simple157 ».
Toutefois, si nous avons observé que le français
fut la langue que voulait instaurer la France au sein du RTS-T, force est
cependant de remarquer que les langues locales ont su se préserver et
ont même été utilisés par les colons pour faciliter
la communication. Ainsi, le choix du français n'était pas
systématique car les « dialectes » avaient su se frayer leur
chemin au sein du RTS-T. C'est en confortant cette idée que, Mahamat
Abdelkerim158 affirme que : « au sein du RTS-T, les langues
les plus parlées furent l'arabe « tchadien », les langues Sara
et Bananas et le français ».
Cela nous confirme effectivement qu'il existait au sein du
RTS-T une pléthore de langues qui qui en disaient long sur la
diversité ethnique des hommes qui compose le RTS-T. En outre,
l'apprentissage du français par les tirailleurs était surtout une
aubaine pour la Métropole qui projetait de les utiliser plus tard comme
auxiliaire d'administration. Ils constitueraient de ce fait un rouage majeur
dans les relations colons et colonisés. C'est d'ailleurs ce que
martèle le rapport de Jean Ferrandi relatif à l'organisation du
régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad après
la Grande Guerre159.
Toutefois, l'usage du français par les troupes locales
peinait à être maitrisée. Mais, dit-on, une fois n'est pas
coutume et à force d'apprentissage colons et colonisés sont
parvenus à établir un système linguistique
simplifié qui certes n'épousait pas totalement les règles
de la langue de Molière mais qui, était efficace. En effet, connu
sous le vocable de « français-tirailleur ». Ce
néo-langage permettait de véhiculer les instructions et codes
militaires de base.
157C.Van Den Avenne, 2005, «Bambara et
français-tirailleur. Une analyse de la politique linguistique
de l'armée coloniale française : la Grande Guerre et après
», in, Documents pour l'histoire du français langue
étrangère ou seconde, SIHFLES, Décembre 2005,
n° 35, pp. 123-150.
158 Entretien avec Mahamat Abdelkerim, N'Djaména le
16-12-2021.
159 SHD/GR 8D55-392, Rapport du lieutenant-colonel Jean
Ferrandi, commandant le 6e RTS-T, sur l'organisation du régiment, le 2
août 1920, p. 4.
60
C'est en cela qu'il nous a paru important de reproduire un
extrait de « leçon » inculquée aux tirailleurs
sénégalais de la guerre de 14-18.
Tableau 2: Les instructions militaires
enseignées aux tirailleurs sénégalais
Morceau choisi
9e leçon : le fusil à chargeur,
démontage
Quand tirailleur y en a démonter fusil
Y en a prendre tournevis,
Y en a dévisser vis d'assemblage,
Y en a enlever tête mobile
Y en a dévisser ensuite mécanisme à
chargeur
Y en a moyen enlever mécanisme comme ça
Y en a enlevé après bretelle fusil
Y en a enlever l'embouchoir
Y en a sortir grenadière.
36e leçon : feu à
volonté
Tirailleur y en a garde à vous, arme au pied,
Quand y a faire feu à volonté
Chef y a commander : "Feu à volonté"
Tout le monde y en a présenté l'arme
Y en a charger fusil
Ensuite chef y en a donner hausse et objectif.
Quand chef y en a dire : "commencez le feu"
Tirailleur y en a commencé tir.
Y en a tirer cartouches comme y en a vouloir.
Jusqu'à chef y en a dire : "Cessez le feu"
100e leçon : conclusion
Beaucoup tirailleurs y en a gagner citations
Beaucoup y en a gagner Croix de guerre
Mais y en a pas moyen écrire tout ici
Parce que y en a beaucoup trop.
Français beaucoup aussi y en a gagné.
Français et Sénégal y en a bons soldats
Y en a maintenant même chose frères,
Y en à faire bataillon ensemble,
Y en a blesser ensemble
Y en a quelquefois mourir ensemble.
Sang sénégalais y en a uni à sang
français souvent.
Aussi France y en a oublié jamais ça.
Après victoire France y en a content aider
Sénégal
Pour que tous Sénégal y en à être
heureux
Source : SHD/GR 8D55-392, Rapport du
lieutenant-colonel Quinque, commandant le 18e RTS, sur l'organisation du
régiment, le 2 août 1920, p- 4.
Malgré son caractère impérialiste, et
flatteur en même temps, il s'avère que le français
permettait plus facilement de réunir les soldats « indigènes
» ayant des dialectes différents. Mais, il permettait
également aux officiers supérieurs de faire passer leurs ordres.
Toutefois, aux méthodes d'apprentissage, furent mises sur pied sur un
document régissant l'usage du français aux tirailleurs
sénégalais dont le conseil de rédaction avait
été présidé par le général
61
Monhove160. Il est question à la suite de ce
travail de nous intéresser au matériau de guerre du RTS-T et de
leur moyen de mobilité.
2- L'équipement du RTS-T, son mode de
déplacement et sa prise en charge sanitaire
Le RTS-T fut une force une force supplétive d'une
envergure assez remarquable au sein de l'armée coloniale. Mais à
l'instar des autres régiments mis sur pieds en Afrique, la bonne marche
de cette troupe obéissait à de nombreuses règles. Ainsi,
cette section du travail entend mettre en exergue l'équipement du RTS-T
et ensuite son mode de déplacement.
a. L'équipement du RTS-T
Dans le souci d'avoir une force supplétive efficace,
les acquis militaires demeuraient prioritaires pour l'utilisation des
tirailleurs sénégalais. Ce faisant, les tirailleurs
étaient outillé d'un certain nombre de matériau ; allant
de la tenue qu'ils arboraient aux outils de guerre.
L'encadrement des tirailleurs sénégalais
obéissait comme nous l'avons vu à certaines
réalités qu'offrait les territoires africains en particulier
celui du Tchad. Mais, parallèlement, les tirailleurs étaient
équipés d'un certain nombre de matériaux de guerre
constitués: de coupes coupes à étui, de fusils à
baïonnette de marque Rosalie et parfois des mitraillettes et des
batteries.
S'agissant de la tenue, comme c'était d'usage à
l'époque, les tirailleurs revêtaient un ensemble kaki
constitué d'une culotte et d'une chemise à col rabattu. Ils
portaient également des bandes molletière au niveau des chevilles
mais, ce qui leur caractérisait véritablement se fut le chapeau
sous forme conique connu sous le nom de chéchia de couleur
rouge vif qui les coiffait. Cette tenue était symbolique en ceci qu'elle
permettait de différencier les tirailleurs sénégalais des
tirailleurs malgaches et magrébins. En revanche, concernant leurs
bottes, un débat semble opposé des personnes qui pensent que les
tirailleurs sénégalais portaient des bottes c'est le cas de
Ibrahim Haroun161.
D'aucuns estiment que les tirailleurs sénégalais
servant en Afrique étaient démunis de bottes et étaient
déployés sur les TOE à pieds
découvert162. Toutefois, ce débat nous permet de
comprendre que, l'utilisation des bottes a été diversement
pensée par la Métropole. Si, on peut
160 SHD, GR 8D75-732, Lettre du général Monhoven au
Ministre de la Guerre, au sujet de l'enseignement élémentaire du
français aux militaires indigènes coloniaux, Paris, le 13 janvier
1926.
161 Entretien avec Ibrahim Haroun, N'Djaména le
07-12-2021.
162 Entretien avec Ali Mahamat, N' Djaména le
07-12-2021.
62
partir de l'hypothèse que, le temps parfois hiverneux
en Europe obligeait la France à chausser ses tirailleurs, en Afrique,
compte tenu du climat plus clément et la mobilité pédestre
de ces derniers parfois dans des zones de marécages cela a amené
la France à supprimer les bottes des tirailleurs.
Cependant, la tenue ne constituait pas le seul matériau
de ce régiment, en effet, comme nous l'avons martelé plus haut,
ce corps de troupe fut avant tout mis sur pied pour servir sur les TOE. Partant
de là, force est de constater que les tirailleurs étaient
armés de fusille de marque Rosalie à baïonnette, mais aussi
de coupe-coupe qui les servaient dans le cadre des affrontements de corps
à corps. Par ailleurs, ce sont les tirailleurs qui étaient
responsables de l'entretient de cet équipement. Toutefois, si nous
pouvons aujourd'hui affirmer que cet équipement était
rudimentaire, il frôlait la pointe de la technologie en ce
temps-là. De ce fait, l'image ci-dessous représente la tenue que
portaient tous les tirailleurs sénégalais d'AOF et d'AEF.
Photo 4: L'uniforme des tirailleurs
sénégalais
Source : (c)
Hérodote.com, l'uniforme des
tirailleurs sénégalais.
63
La photographie 5 nous présente l'uniforme
général que portaient les tirailleurs sénégalais de
l'AOF et de l'AEF. Cette tenue constituée d'un certain nombre
d'éléments que nous avons cité plus haut permettait
notamment de distinguer les tirailleurs d'Afrique subsaharienne des autres
tirailleurs malgaches, magrébins et des soldats venant hors du
continent.
Photo 5: Le fusil à Baïonnette
Rosalie utilisé par le RTS-T
Source : (c) Armée de
Terre/Défense.
Les tirailleurs sénégalais avaient comme
matériau de guerre une arme à feu à Baïonnette de
marque Rosalie dont l'extrémité était munie d'un glaive.
En outre, ils avaient le droit de porter un coupe-coupe qui leur servait soit
à se frayer un chemin lors des traversées des zones
forestières, soit à affronter l'adversaire dans le cadre des
combats de corps à corps.
Photo 6: Le coupe-coupe des tirailleurs
sénégalais
Source : (c) Armée de
Terre/Défense
Ce coupe-coupe était l'une des armes les plus
redoutables des tirailleurs sénégalais. Il était
spécialement conçu pour les affrontements de corps à
corps. Mais, cette arme traduit aussi bien le courage qui animait les
tirailleurs sénégalais car, il faut s'armer de courage pour
affronter frontalement des adversaires avec ce genre d'arme. Après la
présentation du matériel des tirailleurs
sénégalais, il est à présent question de mettre en
exergue le moyen de déplacement du RTS-T.
64
b-Le portage : un élément moteur du
RTS-T
Remplissant à la fois le rôle sécuritaire
des territoires nouvellement acquis et celui de force conquérante, le
RTS-T a à bien d'égards servi la Métropole. De ce qui
précède, force est de constater que le système de
locomotion de ce corps fut des plus archaïques. Ainsi, dans le cadre de
cette partie, il est question de mettre en exergue rôle des porteurs
ensuite, aborder la question de la prise en charge sanitaire du RTS-T.
Si la révolution industrielle amorcée dès
le XVIIIe siècle en Grande Bretagne avait permis de mettre en place des
moyens de locomotions de plus en plus efficaces dans toute l'Europe, il est
intéressant de remarquer que, les territoires africains ne
bénéficiaient pas tous de ces moyens ingénieux de
mobilité. Deux mobiles permettent d'appréhender cette situation :
d'une part, la situation géographique de certains territoires
enclavés et, d'autre part le désintérêt des
puissances impérialistes d'y investir.
Ces mobiles pouvaient être les causes du retard du
développement des voies de communications au sein d'un même
territoire comme ce fut le cas sur le territoire du Tchad.
De ce fait, il est aussi important de préciser que le
système de portage est antérieur à la constitution du
RTS-T. en effet, dès la conquête coloniale de ce territoire
l'utilisation des hommes furent très tôt mis en avant dans le
cadre du ravitaillement et des relais dans la chaine de communication des
administrateurs coloniaux. C'est ce que note d'ailleurs Jean
Cantounet163 qui estime que : « de par son double
enclavement, le portage au Tchad était un moyen efficace de
ravitaillement du territoire du Tchad surtout lorsque certaines pistes
étaient impraticables. Mais, le transport à tète d'hommes
était rude et deshumanisant164 ».
En effet, quand bien même éprouvant et
pénible, ce système de locomotion était l'apanage des
autorités coloniales mais aussi des tirailleurs
sénégalais. Cette fonction fut d'ailleurs reconnue par le code du
travail dans les colonies. C'est à ce titre que le tableau qui suit
récapitule un peu l'attribution des porteurs aux militaires
métropolitains selon leurs grades et aux tirailleurs
sénégalais.
164 J. Cantounet, 2001, L'axe de ravitaillement du Tchad
entre 1900 à 1905.Route de vie- route de mort. Paris, l'Harmattan,
p. 39.
65
Tableau 3: Les porteurs alloués aux
officiers métropolitains et aux tirailleurs du Tchad
Grades
|
Nombre de Porteurs alloués
|
Caporal ou soldat
|
4 porteurs
|
Sergent
|
8 porteurs
|
Sergent major ou adjudant
|
12 porteurs
|
Employé civil, magasinier
|
14 porteurs
|
Officier subalterne
|
16 porteurs
|
Officier
|
20 porteurs
|
Tirailleur sénégalais
|
3 porteurs
|
Source : SHD, GR 8D75-738 Carnet de note du
Colonel Moll, note pour les militaires européens se rendant au Tchad.
De ce qui précède, il est fort
intéressant de remarquer que l'usage des hommes au portage
revêtait un triple avantage. Ils assuraient le transport des vivres du
matériel militaire et des hommes qui provenaient des colonies voisines
et, ils agissaient de concert avec les autres porteurs de l'AEF. En outre, les
porteurs servaient de moyen de locomotion à la fois aux colons mais
aussi aux autres colonisés à l'instar des
tirailleurs165. Ces derniers pouvaient parcourir une distance
journalière comprise entre 24Km2 et 38 Km2 avec
une charge minimal de 25kg d'où le caractère pénible de
cette pratique166. En effet, un aussi sinistre reflet du portage
semblait être la norme en ce temps malgré son aspects
déshumanisant comme le rappelait Toque en affirmant que :
Enfin, les Blancs trainaient avec eux ce supplice du portage
qui brise et tue, décime : mal effroyable qui arrache l'homme au foyer
pour le trainer sur la route et l'écraser sous le poids d'un fardeau.
Les morts ne se comptaient plus, les villages charniers horribles, sombraient
dans ce gouffre ouvert. Cette corvée s'accompagnait d'un horrifiant
cortège de milles maux pourvoyeur de la mort : famine, maladie,
captivité. Et ce martyr continuait toujours167.
165 Entretien avec Garamssou Vulgrain, N'Djamena le
23-11-2021.
166 C. Dubois, 1989, « Le prix d'une guerre. AEF
(1911-1923). Deux colonies pendant la Première Guerre mondiale (Gabon,
Oubangui-Chari) », thèse de Doctorat Phd en Histoire militaire,
Université d'Aix en Provence. P.124.
167 ANT, Carnet de note de Toqué, La description du
voyage de Bangui à Fort Lamy, 1899.
66
Cependant, dans le cadre des opérations du RTS-T le
portage fut comme le rappelle l'historienne Colette Dubois, une étude
minorée dont nous sommes appelés à scruter les arcanes
mais aussi les conséquences comme le sous-tendait Toqué. En
effet, le portage militaire en AEF fut très rude notamment lors de la
Grande Guerre au Kamerun. Durant ce conflit, le moyen de
déplacement favori des troupes en particulier celui du RTS-T fut le
déplacement pédestre dont les porteurs ont joué un
rôle prédéterminant.
Si, la rigueur autour de l'utilisation des hommes durant la
conquête du Tchad pour servir de moyen de ravitaillement fut
observé, il s'avère que la contrainte pendant la guerre multiplia
cet acte atroce. Car, le portage militaire mobilisa davantage d'hommes et de ce
fait, les pertes étaient nombreuses.
S'agissant du nombre de porteurs recrutés lors des
affrontements entre occidentaux au Kamerun, il est difficile de
déterminer le nombre exact du simple fait des désertions et des
pertes non signalées dans les rapports. Mais, selon Colette
Dubois168, le nombre de porteurs ayant pris part à la Grande
Guerre au Kamerun était assez considérable, elle pense en outre
qu'il fallait compter 3 porteurs pour 1 tirailleur si l'on s'en tient à
cette analyse, on peut dénombrer plus de 3000 porteurs accompagnant le
RTS-T lors de cette conflagration. L'image ci-dessous met en lumière un
groupe de porteurs originaire du Sud du territoire du Tchad. Même si nous
ignorons dans quel contexte ils étaient solliciter, force est cependant
de constater aux premières observations qu'ils étaient
démunies de toutes protection et constituaient de potentiels victimes
collatérales si une offensive était menée contre eux.
Mais, il convient aussi de préciser qu'il existait deux types de portage
: le portage civile et le portage militaire.
168 C, Dubois, 2017, « Les porteurs militaire, victimes
occultés de la Grande Guerre au Cameroun. 1914-1916 », in
E. Tchumtchoua, A, F Dikoumé, J-B, Nzogue, Douala et le Cameroun
dans la Grande Guerre, Yaoundé, Clé, pp. 41-48.
67
Photo 7: Porteurs de la tribu Sara
Source : A. Kassambara, 2010.
« La situation économique et sociale du Tchad. De 1900à
1960 », thèse de Doctorat Phd en Histoire
économique. Université de Strasbourg, p. 76.
Le portage militaire fut celui utilisé en temps de
guerre, il était plus contraignant que le travail forcé et
nécessitait une main d'oeuvre importante. Sur la photographie ci-dessus,
nous apercevons un groupe de porteurs du territoire du Tchad accompagnant
à priori un Sergent au vu de leur nombre. Mais, dans l'optique de mieux
comprendre le rôle des porteurs, il convient de le matérialiser
dans un cadre précis en l'occurrence ici, celui de la Première
Guerre mondiale au Kamerun.
Mais avant tout, il faut aussi préciser qu'il existe
deux types de porteurs : les porteurs temporaires et les porteurs permanant
dont la classification dépendait du rôle qui leur était
assigné. S'agissant des porteurs temporaires, ils étaient
levés dans les territoires et servaient de de train sur de courtes
distances à l'intérieur du territoire. Ces derniers percevaient
par ailleurs une prime journalière estimée à 0.30CFA et de
16CFA mensuelle. A côté de ces derniers, on avait les porteurs
permanant qui faisaient figure de véritable tête de gondole de ce
système. Ainsi, les porteurs permanant sont affectés dans les
différentes compagnies et ont la lourde tâche de transporter tout
ce qi peut être utile en temps de guerre. Mais, avant tout, il est
préférable de préciser aussi ici qu'on avait deux types de
train humains qui constituaient les porteurs permanent. D'une part, comme le
note Dubois, on avait un groupe de porteurs qualifié de « train
régimentaire » qui, était placé à
l'arrière du peloton dont la mission était d'assurer le
matériel nécessaire pouvant ravitailler l'ensemble du corps de
troupe pour 6 jours au moins.
68
L'autre escouade appelé « train de combat »
quant à lui était posté en première ligne car
chargé du trafic des munitions, du matériel médical et des
blessés de guerre. Ces derniers devaient transporter assez de
matériau pouvant assurer le besoin de deux jours minima. Ainsi, le temps
qui leur était alloué étant indéterminé,
c'est la raison pour laquelle ces derniers étaient
considérés à titre comme des porteurs employés
définitivement. En revanche, il est fort intéressant de constater
que les porteurs ne percevaient pas tous les mêmes revenus
pécuniaires.
En effet, cette situation était relative à la
provenance géographique des porteurs, ainsi, le porteur en temps de
guerre recruté au Gabon ou au Moyen-Congo bénéficiait
d'une meilleure rémunération au détriment de celui
levé en Oubangui-Chari-Tchad. En effet, quand bien même
l'écart des pécules n'était pas abyssal, il était
néanmoins différent car, les porteurs levés au Gabon et au
Moyen-Congo percevait mensuellement 20f mais il y'avait une différence
dans les indemnités des vivres journalière car, le «
gabonais » percevait 0.40f et le « congolais »
0.50CFA169.
En dépit de cette constatation faite sur les primes des
porteurs du Gabon et du Moyen-Congo revêtait quelques différences,
ce constat se penche désormais sur les porteurs du RTS-T qui occupaient
le plus bas échèle de rémunération. Le porteur de
ce territoire percevait une prime de 16CFA mensuel et 9CFA comme pécule
de vivre, 0.30CFA de prime journalière. Si, on peut reconnaitre leur
grand rôle, les porteurs ne sont pas des tirailleurs qui, eux
étaient des hommes de chocs.
c- La prise en charge sanitaire du RTS-T.
La conjugaison de nombreux éléments à
l'instar de l'usage des porteurs, la formation des troupes et, leur
l'utilisation ont suscité de nombreux questionnements et objets de
recherche. Cependant, l'aspect sanitaire des troupes coloniales a parfois
été minoré et pour le cas échéant celui du
RTS-T.
Comme il a été souligné
précédemment, le RTS-T a été l'un des bras
séculaire de la France en AEF. Ainsi, dans l'optique de garantir son bon
fonctionnement, la Métropole devait porter une attention
particulière quant à la prise en charge sanitaire dès ses
militaires. Il est donc question dans cette section de scruter comment le RTS-T
fut mis sous soin.
169 C. Dubois, 2017, p. 45.
69
Partant de la remarque de Gustave Martin qui affirme que :
« l'économie humaine est capitale pour la
prospérité d'un territoire170 », ceci
constitue un motif supplémentaire pour nous de le revisiter. L'entretien
sanitaire du RTS-T. Ainsi, pour mieux cerner la gestion sanitaire de ce corps,
tout en restant fidèle à notre cadre temporel, il est important
de traiter de la gestion sanitaire du RTS-T avant et pendant et après la
Grande Guerre.
D'entrée de jeu, les questions de prophylaxie pendant
la période coloniale sont des sujets très peu
étudiés car la documentation autour de ces questions sont
difficilement disponibles. Mais, d'après certaines sources de ce temps,
tout Blanc était supérieur au plus important des Noirs comme
l'affirme Nzogue Jean Baptiste171.
Mais, loin de nous l'idée de tomber dans une
étude comparative, il est question ici de scruter la prise en charge
sanitaire de ce corps de troupes durant cette période de querelles
impérialistes. Les services de santé sur le territoire du Tchad
furent dirigés par des médecins des troupes coloniales qui
étaient rattachés à la Direction Générale de
la santé publique de l'AEF et devaient rendre compte de l'état
d'avancement de ce service devant le Gouverneur du territoire.
Ainsi, du directeur local de la santé publique
dépend le fonctionnement du service de santé dans les domaines
qui suivent : la police sanitaire, formation hospitalière, service
générale d'hygiène mobile, service de santé de
chaque circonscription, service d'hygiène des grandes
agglomérations et enfin le service de santé
militaire172. S'agissant de la prise en charge médical du
RTS-T au Tchad, force est de constater qu'elle évoluait selon l'urgence
des circonscriptions. Le premier objectif semble-t-il était de faire
face aux épidémies à travers les différents postes
médicaux installés sur le territoire.
Cependant, les postes militaires en AEF ont également
servis de centres de santé et, par conséquent, nous sommes en
droit de penser que, cela était fait pour maintenir dans un état
sain le plus grand corps de troupes colonial. Et, le territoire du Tchad
comptait plus de postes militaires que les autres colonies de l'AEF comme le
rappel le tableau récapitulatif ci-dessous.
170 G. Martin, 1921, L'existence au Cameroun ;
étude sociales, études médicales, études
d'hygiène et de prophylaxie, Paris, Emile Larousse, p. 31.
171 J.-B. Nzogue, 2019 « La santé des troupes
alliées pendant la Grande Guerre au Cameroun. 1914-1916 »,
In E. Tchumtchoua, A, F Dikoumé, J.-B., Nzogue, 2017, Douala et
le Cameroun dans la Grande Guerre, Yaoundé, Clé, p. 71.
172 Annuaire du Tchad, 1910-1919, pp. 31-35.
70
Tableau 4: Listes des postes militaires en AEF entre 1910
et 1919
Territoire
|
Postes médicaux
|
Tchad
|
-Abécher, Ati, Mao, Fort-Lamy, Massenya,
Fort-Fort-Archambault
|
Oubangui-Chari
|
-Fort Crampel, Bangui, Mobaye, Bria
|
Moyen-Congo
|
-Makoua, Dongou, Brazzaville, Sibiti
|
Gabon
|
Makokou, Libreville, Port-Gentil, Loango
|
Source : ANT, Annuaire de l'Afrique Equatoriale
Française, Annexe à l'arrêté du 25 Février
1917.
Ce tableau permet de voir combien les centres
médicinaux étaient installés à travers les
circonscriptions du groupe de l'AEF. Les postes inscrits en italique
désignent à la fois des points de soins mais aussi des postes de
recrutement et de ce constat, on se rend compte que le territoire du Tchad
possédait 6 centres médicaux et deux d'entre eux jouaient une
double fonction : ils servaient de centre de soins mais aussi de lieu de
recrutement des tirailleurs173.
Le service de santé du Tchad est dirigé par un
médecin des troupes coloniales qui, est rattaché à la
Direction Générale de santé publique de l'AEF et doit
rendre compte de l'état d'avancement de ce service devant le Gouverneur
du territoire.
Ainsi, du Directeur local de la santé publique
dépend le fonctionnement du service de santé dans les domaines
suivants : la police sanitaire, la formation hospitalière, le service
générale d'hygiène mobile, le service de santé de
chaque circonscription, le service d'hygiène des grandes
agglomérations et enfin, le service de santé militaire.
Il existe également pour parfaire l'état
sanitaire des centres médicaux dans les circonscriptions qui permettent
le traitement et l'hospitalisation des troupes mobiles du RTS-T. Mais, les
centres médicaux étant pour la plupart tenus par un ou plusieurs
infirmiers « indigènes » proviennent de l'AOF. En analysant
les données à notre disposition, nous observons un fort taux de
prise en charge sanitaire des populations locales dès les
premières heures de l'expansion coloniale.
173 CEFOD, Fond Dalmais, Annuaire du Tchad. 1910-1919, p. 38.
71
Cela peut se justifier par deux principales raisons : d'une part,
le besoin de la Métropole de se servir du plus grand nombre d'hommes
sains sur l'ensemble du territoire et d'autre part, combler le déficit
en ressource humaine pouvant venir de la Métropole.
A ce sujet, le tableau ci-dessus nous donne quelques indications
quant à la prise en charge sanitaire des militaires occidentaux et
locaux dans différentes circonscriptions.
Tableau 5: Les différents centres de
santé sur le territoire du Tchad de 1902 à 1918.
Etablissement de Santé
|
Nombre
|
Officiers et sous-officiers métropolitains
hospitalisés
|
Tirailleurs Hospitalisés
|
Année
|
Hôpital de Fort-Lamy
|
2
|
28
|
200
|
1902
|
Hôpital de Fort-Archambault
|
1
|
25
|
150
|
1905
|
Hôpital de Abécher
|
1
|
Néant
|
80
|
1908
|
Centre médicaux
|
8
|
150
|
450
|
1914
|
Infirmerie
|
20
|
Néant
|
310
|
1916
|
Dispensaire
|
57
|
Néant
|
250
|
1918
|
Source : Synthèse des données des
Annuaire du Tchad de 1902 à 1918. Pp.45-48.
Le tableau 5 dresse un inventaire des différents
Centres de santé sur le territoire du Tchad. Il en ressort que, quand
bien même faisant parti du RTS-T, les hospitalisés étaient
parqués chacun dans un hôpital précis selon qu'ils
étaient noirs ou blancs.
Ainsi, on dénombrait entre 1902 et 1918 un nombre assez
important de médecins constituant le personnel de santé
répartis comme suit : 18 médecins Docteurs, 2 pharmaciens, 62
officiers d'administration, 8 médecins Africains, 14 infirmiers
brevetés et agents sanitaires, 10 infirmières
diplômées et sage-femme et 240 infirmiers indigènes du
cadre local174.
Ce personnel faisait face aux
endémo-épidémiques tropicales dont les cas les plus
représentés au Tchad étaient le Paludisme que l'on
retrouvait partout, la Trypanosomiase étant limité aux
régions du Moyen-Chari et du Logone175.
174 Annuaire du Tchad 1902-1919, p. 41.
175 G. Aymerich, 1920, p. 96.
72
Les autres maladies rencontrées étaient
l'Amibiase avec ses deux principales manifestations : la Dysenterie amibienne
et l'abcès du foie que l'on rencontrait sur l'ensemble du territoire. Et
enfin, la Fièvre jaune et la bilharziose. Cependant, considérant
les perceptions de l'époque faisant des Européens des «
philanthropes » alors que l'étude minutieuse de ce temps-là
nous renseigne autrement. Il est dès lors prudent d'analyser ces
données quantitatives relatives à la prise en charge sanitaire du
RTS-T.
Ainsi, à l'intérieur des territoires le
système lié à la prise en charge sanitaire
revêtaient un objectif bien précis, si effectivement les
militaires Métropolitains qui souffraient de maladie tropicale
étaient pris en charge dans ces centres, les tirailleurs quant à
eux non seulement étaient soignés là, mais c'était
également leurs lieux de concentration. Toutefois, il leur était
également délivré à titre exceptionnel des
passeports sanitaires qui leur permettait de se déplacer d'une
circonscription à une autre. Cette mesure avait été prise
par les autorités en place à priori pour limiter la propagation
de certaines épidémies dans les camps mais aussi pour avoir un
total contrôle sur les mobilités des tirailleurs.
Mais, lorsque les tirailleurs étaient appelés
à servir dans les théâtres d'opération
extérieure (TOE) comme ce fut le cas durant la Première Guerre
mondiale, la prise en charge des troupes était alors particulière
en temps de guerre. Car, les blessés pouvaient se faire soigner ou
opérés dans les hôpitaux pris aux adversaires. D'ailleurs,
la photo ci-dessous est un hôpital indigène de Douala pris en 1915
aux allemands, elle est illustratrice dans ce sens qu'elle met en
lumière la prise en charge sanitaire d'un tirailleur
sénégalais.
Photo 8: Une opération médicale
sur un tirailleur sénégalais
Source :
https://visionscarto.net/cameroun-premiere-guerre-mondiale.Consulté
le 13-03-2022.
73
Cette image nous amène à faire le constat selon
lequel, les tirailleurs blessés lors des opérations sont
soignés dans des hôpitaux qui leur sont dédiés. Pour
le cas échéant, le médecin est un blanc qui est
entouré d'aides-soignants noirs qui le suppléait dans
l'exécution de sa tâche. L'hôpital en question est celui
indigène de Douala pris aux Allemands dès 1915.
Dans le but de faire face aux endémies
tropicales176 la direction de santé publique a
procédé à la création dans toute l'AEF du service
d'hygiène et de prophylaxie organisé en secteur dont deux ont
été installé au Tchad à partir de
1912177. Dans la même lancée, 03 grands centres
hospitaliers ont été installé au Tchad. Il s'agit entre
autres de l'hôpital européen et l'hôpital indigène
qui ont cependant évolué de façon séparée.
Mais aussi de l'hôpital de fort-Archambault et enfin de l'hôpital
d'Abécher.
Par ailleurs, il existe également pour parfaire
l'état sanitaire des centres médicaux dans les circonscriptions
qui permettent le traitement et l'hospitalisation des troupes mobiles du RTS-T.
Mais, il faut cependant noter que les centres médicaux étaient
pour la plupart tenus par un ou plusieurs infirmiers indigènes provenant
généralement de l'AOF.
En analysant les données à notre disposition,
nous observons un fort taux de prise en charge sanitaire des populations
locales dès les premières années de l'expansion coloniale.
Cela peut se justifier par deux raisons : d'une part, du besoin de la
métropole de se servir du plus grand nombre d'hommes sains sur le
territoire et de l'autre, du manque de ressource humaine pouvant venir de la
Métropole. D'ailleurs, le tableau ci-dessous donne une idée de la
différence de la prise en charge sanitaire.
Dans ce chapitre, il a été question de scruter
la structure du RTS-T et son fonctionnement. Il en ressort que, dans l'optique
de constituer une force supplétive et active, le recrutement des troupes
fut diversement opéré. Trois grandes tendances dominaient le mode
recrutement à savoir l'engagement volontaire, la conscription et les
réengagements. Mais, il a été aussi constaté que,
la question liée aux pécules de ces hommes était
diversement redistribuée selon un certain nombre de critère
présent dans les dispositions prises par la France.
En outre, les hommes qui géraient la locomotion de ces
trains humains ont à la fois assuré les déplacements des
métropolitains mais aussi de leurs semblables colonisés. Ils
ont
176 Il s'agissait surtout de l'endémie sommeilleuse qui
inquiétait les colons surtout au début de la colonisation. Il
faut cependant attendre jusqu'en 1965 pour qu'un vaccin soit mis sous pied par
le Dr Eugène Jamot.
177 ANT, Annuaire du Tchad 1990-1917, p. 23.
74
pour cela été exposés lors de la PGM et
payé un lourd tribut parfois minoré dans notre
historiographie.
Dans ce chapitre, il a été aussi question
d'aborder la prise en charge sanitaire du RTS-T. Si la colonisation a
entrainé avec elle la médecine occidentale au Tchad, il faut
également rappeler qu'elle a contribué a relégué au
second rang la médecine traditionnelle car, le corps de troupe du RTS-T
fut mis sous soin via cette médecine occidentale. Il a été
aussi mis en évidence dans ce chapitre les centres de soin sur le
territoire. Mais, tout ceci a été une entreprise savamment mise
sur pieds pour permettre au RTS-T de se déployer avec efficacité.
C'est d'ailleurs l'objet du chapitre suivant.
75
CHAPITRE III : LA CAMPAGNE DU RTS-T AU KAMERUN PENDANT
LA
PREMIERE GUERRE MONDIALE. 1914-1918.
76
Si, pour de nombreux auteurs à l'instar de Michael
Growder, la déclaration de la Première Guerre mondiale a eu pour
conséquence immédiate l'invasion des colonies allemandes en
Afrique par les forces alliées comme le pense certains
auteurs178 ; d'autres auteurs tels que Abdou Sow179
poussent la réflexion plus loin et estiment que, derrière cette
initiative militaire savamment orchestré, sommeillait en
réalité un vieux projet dont l'objectif visé était
de déloger les Allemands de l'Afrique et redistribuer leur
possession.
Eu égard de ces différents postulats qui se
complètent néanmoins, il est intéressant de remarquer que
le déploiement des troupes alliées, particulièrement celle
du RTS-T au Kamerun fut retardé. Cette situation résultait de la
volonté de l'Allemagne d'éviter cette guerre au sein de sa
possession. Et, pour y parvenir, elle avançait deux principales raisons
: éviter aux Blancs de se donner en spectacle devant les Noirs mais, il
était aussi question selon elle de faire respecter la neutralité
du bassin du Congo prônée dès 1884 lors de la
conférence de Berlin.
En dépit de cette tentative de l'Allemagne de vouloir
désamorcer ce conflit au Kamerun, les alliés étaient
décidés de lui ravir sa possession particulièrement la
France qui avait gardé des séquelles liées à la
crise d'Agadir de 1911.
Mais, au-delà de ce contexte de tensions, il est
intéressant de souligner qu'avant le déploiement des
différentes colonnes de l'AEF et celles du corps expéditionnaire
au Kamerun, les forces alliés avaient procéder au
préalable à des campagnes de propagande visant à «
dépeindre » l'Allemagne en mal et du sort dont elle faisait subir
à ces assujettis180. Cet acte traduisant bien la hantise qui
semblait animer les officiers et les sous-officiers alliés et de leur
crainte d'avoir à affronter un ennemi qui s'était
préparé à la riposte.
Toutefois, il serait intéressant de constater avec
Rémy Porte qui estime que, les colonies sous domination allemandes
connaissaient un début de développement à la veille de la
PGM et, elles ne furent pas militarisées avant 1914. En outre, il
apparait que seules la colonie du Kamerun et celle du Sud-Ouest africain
(actuel Namibie) disposaient d'unités de forces de protection et de
sécurité mais, même là en effectif limité
comparé aux troupes alliées181.
178 Histoire Générale de l'Afrique Tome VII,
L'Afrique sous domination coloniale, Paris, UNESCO, p. 311.
179 A. Sow, 2018, Les Tirailleurs sénégalais se
racontent. Paris, L'Harmattan, p. 77.
180 L. Jolly, 2011, « Le tirailleur somali : le
métier des armes instrumentalisé », (début du XXe
siècle- fin des années 60), thèse de Doctorat en Histoire
contemporaine, Université de Pau et des pays de Ladour, p. 321.
181 Rémy Porte, « La défense des colonies
allemandes avant 1914 entre mythe et réalité », In Revue
historique des Armées, Consulté en ligne le 18-06-2022.
https://journals.openedition.org.
P.26.
77
En dépit de ces constatations, ce qui est frappant
reste quand même le sort des Africains à l'approche de cette
guerre qui ne semblait pas vraiment être une préoccupation pour
les belligérants. En effet, aucune action ne fut concrètement
mise sur pieds pour exclure la participation de ces derniers dans ce conflit.
En effet, ce qui vient conforter ce constat est le fait que, les forces
alliés comme la force allemande s'étaient servis en grande pompe
des Africains pour défendre leurs intérêts.
C'est ainsi que, l'entrée en scène des
tirailleurs sénégalais venus du Tchad dans le cadre de cette
guerre au Kamerun à nécessité une approche bien
particulière. Car, s'ils ont défendu le territoire du Tchad
à l'entame de la guerre, ils ont également mené de
nombreuses batailles décisives sur les fronts Nord du Kamerun. En plus,
ils ont permis d'occuper l'ensemble du territoire après le départ
des Allemands comme le pense Nicolas Bancel182.
Eu égard de ce qui précède, dans ce
troisième chapitre, il est question de mettre en exergue dans un premier
temps les différentes phases du déploiement du RTS-T dans le
cadre de cette guerre au Kamerun ensuite, rendre compte de son activité
à la fin du conflit après le départ des Allemands en
1916.
I- LA PREMIERE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T AU KAMERUN :
Août
1914- Juin 1915
Dans le souci d'éviter de retracer les batailles
auxquelles a pris part les différentes colonnes engagées dans la
guerre et particulièrement celle du Nord (RTS-T) durant la
Première Guerre mondiale au Kamerun183. Cette partie
du travail entend s'intéresser aux différentes phases du
déploiement du RTS-T dans la partie septentrionale du Kamerun jusqu'au
Sud où sa présence fut notoire.
Toutefois, afin de mieux comprendre le déploiement
parfois laborieux du RTS-T sur ce territoire « ennemi », il faut
rappeler que, l'Allemagne n'était pas totalement restée inactif
et avait mis en place une armée dénommée schutzztruppe
d'environ 1128 soldats recrutés localement en 1911. Ce nombre fut
relativement grossi et porté à environ 4500 soldats en 1914
182 N. Bancel, 1995, Images et colonies, Iconographie et
propagandes coloniale sur l'Afrique française de 1880 à
1962, Paris, BDIC Edition. p. 79.
183 Cette guerre au Kamerun a déjà fait l'objet
de nombreux travaux. On peut notamment citer les travaux de F. Eyelom,
L'impact de la Première Guerre mondiale au Cameroun, Paris,
l'Harmattan, V. Julius Ngoh, 1990, Cameroun : cents ans d'Histoire,
Yaoundé, Ceper ; M. Growder, Histoire Générale de
l'Afrique Tome VII, L'Afrique sous domination coloniale, Paris, UNESCO
; E. Mveng, 1985, Histoire du Cameroun. Tome II, Yaoundé
Ceper.
à la veille de la guerre tous ceux-ci furent
encadrés par 250 Européens et étaient placés sous
le commandant du colonel Zimmermann184.
Cet accroissement de la force de défense du territoire
allemand fut, un véritable problème pour le déploiement
des troupes alliés particulièrement celui du RTS-T. Car,
couplé parfois aux aléas climatiques et environnementaux, les
troupes allemandes ont résisté avec détermination à
la conquête des Alliées et particulièrement sur le front
Nord ou la résistance fut plus longue et plus rude que partout
ailleurs.
La première phase du déploiement du RTS-T dans
la partie septentrionale du Kamerun s'est faites en deux temps d'abord à
l'Extrême Nord (Lai, Kousseri, Mora) et ensuite au Nord
(N'gaoundéré et Garoua). Mais, dans le but de mieux
appréhender les étapes du déploiement du RTS-T, il
convient avant tout de s'imprégner à travers l'image ci-dessous
mettant en scène le campement des différents protagonistes de
part et d'autres des frontières territoriales.
78
184 E. Mveng, 1985, p. 103.
79
Photo 9: Stationnement des protagonistes
à la veille de la PGM au Kamerun
Source :
https://visionscarto.net/cameroun-premiere-guerre-mondiale.Consulté
en ligne le 11-03-2022.
La carte ci-dessus présente les différentes
forces en présence aux frontières du Kamerun et à
l'intérieur de ce territoire à l'ouverture de la guerre. Si, le
premier constat qui se dégage est la supériorité
numérique des régiments alliés au détriment des
forces allemande, il faut également remarquer que, le RTS-T a
été très tôt supplier dans cette guerre par le
détachement franco-britannique venu de l'Afrique de l'Ouest et mis sous
commandement britannique. Cette différence numérique permet de
saisir les différentes stratégies adoptées par les
belligérants :
80
si, l'Allemagne avait opté pour une stratégie
défensive, les alliées quant à eux ont
privilégié la stratégie d'encerclement.
Ainsi, les différentes phases du déploiement du
RTS-T permettent d'appréhender à partir du front nord les
manoeuvres d'encerclement des troupes allemandes.
A- Les premiers déploiements du RTS-T à
l'extrême Nord: Août-Septembre 1914
L'un des avantages des troupes alliées dans la guerre
contre les Allemands du Kamerun fut indubitablement leur nombre. Fort de cet
atout, leur objectif de base était de prendre en étau l'ennemi.
Il incombait à cet effet au RTS-T de se déployer sur le
septentrion de ce territoire dans un premier temps et par la suite au reste du
territoire.
A cet effet, si le commandement militaire du territoire du
Tchad porté par Emmanuel Largeau avait deux objectifs au début
des hostilités à savoir: protéger la frontière
Tchad-Kamerun qui s'étendait sur le fleuve Logone et prévoir une
attaque sur Fort-Lamy alors voisine de Kousseri, force est de noter que, la
première phase du déploiement du RTS-T ne s'est pas restreinte
à ces objectifs précitées. Elle a en outre permis
l'occupation des villes comme Sava et Mora dans l'extrémité Nord
de ce territoire sous protectorat.
Les premiers déploiements des tirailleurs du Tchad ont
été faits sur les villes voisines du Tchad en l'occurrence Lai,
Sava, Kousseri et Mora dans l'extrémité Nord du Kamerun. Les
velléités expansionnistes que se livraient Français et
Allemands dans la région du Lac Tchad à conduis la France
à mener à l'aide de ses tirailleurs « tchadiens » des
opérations de contre offensives comme ce fut le cas à Lai le 21
Août 1914185 ce qui marque le tout premier déploiement
du RTS-T lors de la PGM au Kamerun.
En effet, certains témoignages permette aujourd'hui
d'estimer que la PGM s'est dérouler sur le territoire du Tchad à
partir d'Aout 1914 et a concerné l'ensemble du Sud-Ouest de ce
territoire, ces faits d'armes sont souvent passés presque
inaperçus186. Or, cet espace faisant partie intégrante
du territoire du Tchad avant 1911 est à priori le premier
affrontement où fut déployés environs 210 tirailleurs du
RTS-T187.
Ainsi, après l'affrontement de Lai, qui a durée
à peu près 10 jours, le RTS-T a été
déployé à Kousseri en deux temps : une première
tentative d'occupation soldée par un échec et, une seconde
tentative couronnée par une occupation effective.
185 J. Boisson, 1920, La construction du Tchad et de
fort-Archambault. Paris, Scorpion, p. 196.
186 Entretien avec Tchago Bourmont, N'Djaména le
17-12-2021.
187 J. Boisson, 1920, p. 210.
81
Pour ce qui est de la première tentative du
déploiement du RTS-T à Kousseri, cette première tentative
d'occupation s'est faite le 25 Aout 1914 et s'est solder par un
échec188 et a entrainé par conséquent la perte
d'un grand nombre de tirailleurs et de quelques officiers et sous-officiers
métropolitains189. Ceci résulterait du fait que, de
nombreux historiens estiment que les troupes allemandes ont eu une meilleure
formation par rapport aux tirailleurs sénégalais.
Mais, pour faute de documents nous ne saurions
déterminer avec exactitude le nombre de tirailleurs morts après
cette défaite. Cependant, à travers les propos du Commandant
supérieur du RTS-T force est de constater qu'un nombre conséquent
de tirailleurs sont tombés lors de cette offensive. Il affirmait
d'ailleurs après cette déconvenue que :
L'affaire eut lieu le 25 Aout, mais la position de l'ennemi
était très forte, notre artillerie insuffisante et un violent
orage rendit le terrain impraticable. Bref, l'attaque échoua et nous
perdîmes par le feu le capitaine Guillot, le Lieutenant Minost, le
sous-Lieutenant Brutel, et un grand nombre de tirailleurs190.
Cette défaite de Kousseri malgré le nombre
conséquent des tirailleurs de la 3ème compagnie dirigé par
les officiers Guillot, Minost et Brutel résulterait du fait que, de
nombreux historiens estimaient que les troupes allemandes avaient reçus
une meilleure formation par rapport aux tirailleurs
sénégalais191. D'ailleurs, l'administrateur principale
du RTS-T Victor Emmanuel Largeau reconnaissait cette supériorité
tout en essayant de trouver une escapade à cette déconvenue du
fait du mauvais temps192.
Cet aveu d'échec avait par ailleurs nourri un sentiment
de vengeance et encouragé la propagande anti-allemande dans les colonies
surtout auprès des tirailleurs du Tchad. Il contrastait avec le
désir de revenir plus en force à la prochaine charge du RTS-T.
Mais, il faut cependant attendre que le RTS-T reçoivent un renfort de
poids venu du territoire du Niger ; une centaine de tirailleurs pour que ait
lieu la seconde tentative d'occupation de Kousseri193.
Dès lors, la seconde offensive du RTS-T à
Kousseri en date du 20 Septembre 1914 fut couronnée par la victoire de
cette force venue du Tchad et cela a permis le siège total du RTS-T dans
cette ville voisine.
188 E. Mveng, 1985, p. 107.
189 Dans l'historiographie occidentale, française
surtout cette première tentative d'occupation de Kousseri soldée
par un échec est souvent ignorée. Or, il serait convenable de
mettre à nue les déconvenues des troupes alliés notamment
celle du RTS-T qui est par ailleurs l'épicentre de cette étude.
De ce fait, il semblerait que le RTS-T aurait connues de nombreuses pertes de
tirailleurs et de quelques officiers métropolitains qui
s'élèverait à environ 350 tirailleurs et une dizaine
d'officiers métropolitains.
190 E. Largeau, p. 35.
191 J.Boisson, 1920, p. 85. 192G. Aymerich. 1920, p.
81. 193 Ibid., p. 105.
82
Ainsi donc, la prise de Kousseri suite au déploiement du
RTS-T a permis à la France
d'avancer un pion dont la finalité consistait à
faire plier les allemands jusqu'à leur dernier retranchement.
Mais, force est de constater que le déploiement du RTS-T
ne s'est pas limité aux seules régions frontalières entre
le territoire du Tchad et du Kamerun.
Tableau 6: Les différentes compagnies du
RTS-T déployées à l'Extrême-Nord Kamerun entre
Aout-Septembre 1914
Nom de la compagnie
|
Officiers à la tête des
bataillons
|
Nombre tirailleurs
|
deMédecins de troupes
|
Théâtres d'opération
|
2ème Compagnie Jean- Jean
|
Lieutenant-Colonel Briand
Lieutenant Gillon
|
210
|
1Médecin principal 5 Médecins traitant
|
Défense de Lai
|
3ème compagnie Jean Ferrandi
|
Capitaine Guillot Lieutenant Minost Sous-Lieutenant Brutel
|
300 Environs
|
1 Médecin chef
4 Médecins traitant
|
1ère offensive de Kousseri
|
1ère compagnie Victor Emmanuel Largeau
|
Colonel Brisset Capitaine Ferrandi
|
450 Environs
|
1Médecinprincipal 1Médecin chirurgien
8Médecins traitants
|
2nd offensive de Kousseri
|
Source: Archive du CEFOD, Fond Tchad, TCH 367
39, Synthèse de données du carnet de note du
Générale Gaudar
Aymeric.
Le tableau ci-haut donne des informations quantitatives sur
les premiers déploiements du RTS-T dans la partie septentrionale du
Kamerun entre Août et Septembre 1914. Il est intéressant de noter
que, contrairement aux idées véhiculées, la
première bataille ayant vu le déploiement du RTS-T au Kamerun fut
celle de Lai en date du 21 Aout 1914. Mais, ces tirailleurs étaient
accompagnés d'un service de santé dont le but était de
s'occuper des blessés et ce rôle revenait aux Médecins
européens qui étaient supplié dans leur tâche par
les porteurs.
Cette première phase du déploiement du RTS-T a
mobilisé un nombre conséquent de tirailleurs qui ont parfois
été durablement éprouvés comme ce fut le cas lors
du premier déploiement à Kousseri. Mais, il est aussi
honnête de reconnaitre qu'il est difficile de donner le nombre de
porteurs ayant été mobilisés lors de ce déploiement
du RTS-T. En effet, cela pourrait
83
s'expliquer par le nombre de désertions
conséquents et par les nombreux cas de décès exorbitants.
C'est dans ce sens que, Colette Dubois estime que les porteurs ont
été les plus grandes victimes de la Grande Guerre très
souvent mis en marge des études.
Mais, le RTS-T à progresser à tel enseigne
à atteindre les zones de l'actuelle Nord (Maroua, Garoua) et de
l'Adamaoua (N'Gaoundéré) ce qui marque la seconde escale du
déploiement du RTS- dans le septentrion Kamerunais
B-Le second déploiement du RTS-T au Nord (Garoua,
N'Gaoundéré)
Après l'occupation de Kousseri, Sava et le siège
de Mora de Août à Septembre 1914 dans l'extrémité
Nord du territoire, se dessine aussitôt la seconde phase du
déploiement du RTS-T en direction cette fois de, Maroua, Garoua et
N'Gaoundéré.
Après le repli des troupes allemandes à Mora, il
a été question pour le RTS-T de se lancer à leur poursuite
et d'assiéger le maximum de villes possible. Mais, cette seconde phase
du déploiement de la colonne du Nord à la particularité de
voir la participation de la force franco-britannique venue de l'Afrique de
l'Ouest et forte de 4500 hommes constitués en majorité de
tirailleurs ouest Africains, des troupes de la West African Forestie Force
et de la Royal Navy194.
Par ailleurs, si cette force expéditionnaire a
été déployée sur deux fronts (le Littoral et le
Nord), il convient cependant de rappeler que son effectif fut
inéquitablement réparti : en effet, deux compagnies de cette
force sont déployées au Nord soit un peu plus de 2000 hommes
alors qu'elle atteint 7 compagnies sur les berges du Littoral soit 2500
hommes195.
Parallèlement, la seconde phase du déploiement
du RTS-T fut marquée par un faisceau d'éléments
défavorables aux alliés et au RTS-T : en particulier à
savoir : un ennemi qui maitrise le terrain et qui est bien équipé
et, des voies de communication détruites par les Allemands afin de
freiner leur progression.
C'est partant de ce constat que, certains officiers
métropolitains dans leur carnet de marche désignaient le front
Nord comme le théâtre le plus difficile de la conquête du
Kamerun. Car, si la conquête de Kousseri s'est faite de
façon progressive et sure, celle par contre de
194 V. Julius Ngoh, 1990, Cameroun 1884-1985 : cents ans
d'histoire, Yaoundé, Ceper, pp.68-69.
195 Cette disparité peut s'expliquer par le fait que le
Général Dobell en tête de cette force
anglo-française avait pour ambition de faire de Douala le quartier
général de cette troupe.
84
Garoua surtout a nécessité une mise en place de
tactiques et une synergie d'action communes entre les différentes forces
Alliés.
En effet, il était dès lors question de
coordonner les actions avec les soldats levés au Nigéria, en
Gambie, au Libéria voire en Inde qui constituaient le gros des troupes
britanniques et qui étaient engagés dans cette guerre. Si, la
présence des soldats indiens dans ce conflit au Kamerun, peut sembler
étrange, de nombreuses tombent avec des patronymes indous ont
été retrouvés dans des cimetières et datant de
cette période de conflit.
Ainsi, grâce aux replis stratégiques des
Allemands de Kousseri pour Mora, cela a davantage favorisé ces derniers
car, elle a divisé les troupes alliés : une partie devait rester
aux contacts de l'ennemi sur le siège de Mora et l'autre
détachement devait continuer la progression sur les villes
mentionnées. Et, le premier obstacle du déploiement du RTS-T
était Garoua. Assurément, pour continuer de se déployer
sur le territoire du Kamerun, le RTS-T et la force expéditionnaire
devaient s'adjuger Garoua qui faisait office d'obstacle dans leur
avancée.
Erigée en véritable forteresse, Garoua fut
assiégé durant 5 mois et mobilisa environ 4000 hommes dont 1500
tirailleurs du RTS-T. Car, en face d'eux se dressait un contingent d'environ
247 hommes dont 210 tirailleurs, de 37 Officiers et médecins allemands
équipés entre autre de 700 projectiles d'artillerie, 800.000
cartouches et des mitraillettes de toutes sortes196
Couplé à l'énorme arsenal militaire dont
ils disposaient, les Allemands avaient surtout creusé d'énormes
tranchées qui limitaient considérablement un affrontement direct
et freinaient par la même occasion l'avancée des forces
alliés. Mais, en dépit de la résistance des Allemands
Garoua fut prise par les Alliés le 10 Juin après la capitulation
du capitaine Allemand Von Krailsheim197
C'est dans la même lancée qu'une fois
après avoir acté la prise de Garoua, le colonel Brisset
porté par un détachement fort de 350 tirailleurs occupe quelques
jours après la ville voisine de Ngaoundéré. Ce
déploiement rapide et efficace résulte du fait que les Allemands
avaient abandonné cette ville pour se replier vers le Sud principalement
vers Yaoundé.
De ce fait, le déploiement massif du RTS-T à
Ngaoundéré en Juin 1915 vient clos cette première phase de
déploiement de cette force dans la guerre au Kamerun.
196 G. Aymerich, 1920, La conquête du Cameroun,
Paris, Payot, p. 82.
197 Ibid., p. 83.
85
Cette première phase du déploiement du RTS-T
concrétise l'avantage du RTS-T et de la force anglo-française sur
les troupes allemandes sur le septentrion Kamerunais. Elle ouvrait par ailleurs
la voie à la seconde phase du déploiement du RTS-T.
II- LA SECONDE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T : Août
1915- Mars 1918
Après avoir occupé les principales villes dans
la partie septentrionale, le RTS-T et le contingent venus de l'Ouest Africain
reçu pour mission de faire une jonction à Yaoundé avec le
reste des compagnies engagées dans la guerre. Ainsi, cette seconde phase
du déploiement du RTS-T s'est faite en deux étapes : une
progression vers le Sud et, un stationnement de cette force après le
départ des Allemands de leur ancienne possession.
A- La marche du RTS-T vers le Sud du territoire
Le Nord du Kamerun a été l'un des principaux
fronts durant la Grande Guerre. Les belligérants se sont s'affronter
lors d'importantes batailles pour la maîtrise des villes,
défendues par des garnisons allemandes et cela a parfois impacté
la progression du RTS-T.
En dépit de ces premiers affrontements, on remarque
néanmoins un déploiement du RTS-T qui se fait plus
conséquent à tel enseigne qu'elle se prolonge jusqu'au Sud de ce
territoire. En effet, dans l'optique de repousser l'ennemi allemand
jusqu'à ses derniers retranchements, il était dès lors
question de ne pas leur accorder trop de temps afin qu'ils se
réorganisent.
C'est dans cette optique que, de concert avec la force mixte
franco-anglaise et le RTS-T, le colonel Brisset échafauda un plan qui
consistait à déployer une force mixte franco-anglaise forte de
3000 hommes à Tibati et une compagnie du RTS-T en direction de Batouri
dont l'objectif à long terme consisterait à faire jonction avec
la colonne de l'Est alors dirigé par le Colonel Morisson198.
C'est bien grâce à ce détachement du RTS-T conduite par le
capitaine Thibault que, le Colonel Morisson réussi à occuper
Bertoua et Doumé en 1915.
De ces déplacements incessants, il est
intéressant de constater que cette seconde phase du déploiement
du RTS- T a consisté à repousser l'ennemi et contraste
parallèlement avec la première phase qui, est plus rythmée
par des affrontements et des sièges parfois interminables.
198 J. Ferrandi. 1920, La Conquête du
Nord-Cameroun. Paris, Charles Lavauzelle, p. 36.
86
En outre, cette seconde étape du déploiement du
RTS-T devait faire face à un ennemi bien plus menaçant que les
Allemands : le climat et la végétation.
Cette seconde phase est marquée par un faisceau
d'éléments qui a grandement été défavorable
à la progression des différentes colonnes alliés selon
Ndjock Isidore Pascal199. Car, pour ne pas reprendre les mots
d'Aymerich, qui qualifia le foret kamerunaise de « traitresse »
Partant de cette observation, le RTS-T a affronté dans la seconde phase
de son déploiement une géographie hostile, un ennemi qui maitrise
le terrain, les maladies tropicales et des voies de communication
détruites par les allemands.
Ainsi, le RTS-T a livré moins de batailles que lors de
la première phase de son déploiement sur ce territoire. Mais, il
a pu se hisser jusqu'à Yaoundé en 1916 ce qui marque la fin
partielle de la guerre au Kamerun et ouvre la voie à deux années
d'occupation de ce territoire par un détachement du RTS-T.
En effet, après la fuite des Allemands en Guinée
Espagnole, il est acté par les puissances vainqueurs de maintenir des
troupes au Kamerun afin d'éviter un éventuel retour des
Allemands. Il était dès lors question pour le RTS-T de jouer un
rôle de police sur ce territoire autrefois sous joug allemand.
Cette seconde étape du déploiement du RTS-T a
permis aux forces victorieuses de succéder à l'Allemagne au
Kamerun. Cependant, après le retrait de Zimmerman et ses hommes en
Guinée, il est fort intéressant dès lors de
s'intéresser au maintien des différentes colonnes en place
particulièrement au RTS-T.
En plus, le RTS-T disposait de bataillons de réserves
maintenus au territoire du Tchad. On en dénombrait 3 : il s'agissait de
la 12ème, 16ème et 17ème
compagnie. Elles avaient en outre 530 fusils, 1 section de
mitraillette200. Mais, organisé sous les règles de la
grande muette, le RTS-T était hiérarchisé comme nous le
montre le tableau ci-dessous.
199 Entretien avec Ndjok Isidore Pascal Nyobe, Douala le
12-05-2022.
200 E. Largeau, p. 171.
87
Graphique 2: Hiérarchisation du RTS-T
déployé au Kamerun entre 1914 et 1918
Etat-major : Gouverneur Martial Merlin,
Général Victor
Emmanuel Largeau
Officiers supérieur : Colonel Brisset
et
Capitaine Ferrandi
Sous-officiers
Médecins de troupes
Tirailleur
Porteur
Source : Synthèses des données
recueillies des ouvrages d'E. Largeau, 1913, La situation du territoire
militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de
l'Afrique Française., J. Ferrandi. 1920, La Conquête du
Nord-Cameroun. Paris, Charles Lavauzelle.
Ce graphique n'est en fait qu'un condensé de
données lié à la hiérarchisation du RTS-T ayant
été déployé au Kamerun lors de la PGM. Si le
Gouverneur de l'AEF est l'exécutif du pouvoir français dans ce
regroupement de colonies, il est par ailleurs aussi celui qui diligente les
troupes coloniales.
Mais, il est supplié dans sa fonction par des officiers
supérieurs qui sont à la tête des régiments et des
bataillons. Dans cette hiérarchisation militaire, les médecins de
troupes quant se retrouvent devant les tirailleurs et les porteurs. Cependant,
il faut aussi noter que les tirailleurs n'ont pas tous le même
échelonnage. Les plus importants sont les tirailleurs-artilleurs suivis
des cavaliers ensuite, les tirailleurs de l'infanterie enfin, les
tirailleurs-marmitons qui s'occupent généralement d'entretenir le
matériel militaire et de la distribution des denrées
alimentaire201.
201 Entretien avec Dimrabeye Dayanne, Moundou, le 14-09-2021.
88
Photo 10: Les différentes voies de
déploiement du RTS-T et des alliés lors de la PGM au Kamerun
Source :
https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun.
Consulté le 13-05-202
Cette carte du Kamerun renseigne sur les différents
théâtres d'opérations lors de la PGM au Kamerun. Elle met
en évidence les quatre principaux fronts : celui du Sud, Littoral, l'Est
et du Nord et des phases de progression des différents régiments.
En outre, elle met en exergue les zones de contre-offensive allemande puis leur
zone de replis après leur défaite.
On peut apercevoir de part et d'autre que, le RTS-T a
été déployé du Nord vers le Sud avec des
succès et quelques fois des échecs comme nous l'avons vu pour ce
qui est de l'occupation de Kousseri.
89
B-Repenser la posture du RTS-T face aux enjeux
d'après-guerre. 1916-1919
Après le départ des Allemands du Kamerun le 6 Mars
1916202, on pourrait bien se questionner sur les nouvelles fonctions
des tirailleurs sénégalais restés sur ce territoire
particulièrement ceux venus du Tchad. C'est en cela que cette partie
entend s'intéresser.
Pour ainsi dire, il est question ici dans un premier temps de
mettre en lumière la reconversion des effectifs du RTS-T restés
au Cameroun entre 1916 et 1918. Et par la suite, aborder les mobiles
liés à leur démobilisation.
1-La reconversion du RTS - T
Avec la fin de la Première Guerre mondiale au Kamerun,
il s'est aussitôt ouvert une nouvelle ère politique sur ce
territoire qui a rythmé avec les nouvelles attributions des forces
alliés particulièrement celle du RTS-T. Mais, il va s'en dire
que, la présence des nouveaux occupants du territoire a
été diversement appréciée par les populations
locales.
En effet, pour certains, s'ils estimaient être sortis du
joug allemand ils ne manquaient pas de remarquer également qu'ils
n'avaient faits que changé de « maitres203 » ;
d'autres par contre étaient restés nostalgiques des Allemands et
souhaitaient même le retour de ces derniers204. C'est dans ce
contexte que, la France avait trouvée opportun de requalifier l'usage de
ses tirailleurs sénégalais mais, aussi attribuer de nouvelles
fonctions aux Officiers principalement ceux du RTS-T qui s'étaient
distingués dans cette guerre.
C'est dans cet élan que, Joseph Gauderique
Aymérich a été nommé en qualité de
Commissaire du Gouvernement au Cameroun205, Lucien Fourneau avait le
mérite d'être nommé Gouverneur dudit territoire et
administrait la partie sous domination française, il était
assisté dans sa tâche par des officiers ayant pris part à
la PGM. Pour ce qui est de la reconversion des tirailleurs
sénégalais venus du Tchad, ils ont été
appelé à divers fonctions notamment celles de
202 En effet, s'il est reconnu que les hostilités de la
Grande Guerre au Kamerun prenne fin le 6 Mars 1916, elle n'est en fait que
partielle car, le maintien de deux compagnies du RTS-T durant deux
années supplémentaires ne font que confirmer que la guerre
était désormais idéologique.
203 L.Sah, 1982, « Les activités allemandes et
germanophile au Cameroun (1936-1939) » In, Revue d'Histoire d'Outre -Mer.
Consulté en ligne le 18-07-2022. P.12.
204 Il s'agissait notamment des chefs qui
bénéficiaient des avantages que leur conférait la
présence des Allemands. On peut ici évoquer Nyoya le roi des
Bamouns, Charles Atangana, Pierre Mvemba chef des Babouté,
205 G. Aymerich, 1920, p. 195.
90
force de sécurité mais aussi avoir un rôle
dans le processus de « dégermanisation » du Cameroun.
Ainsi, pour ce qui est de leur reconversion dans le secteur
sécuritaire, ils ont été utilisés comme vigiles,
goumier, garde forestiers voire des relais de l'administration. En effet
à travers une série de clichés laissée par la SPA,
on peut les apercevoir postés dans les quais du port de Douala lors des
embarquements et des débarquements. Leur reconversion dans ce sens comme
agents de sécurité portuaire avait probablement été
mis sur pieds dans l'objectif de filtrer la mobilité dans ce qui
constituait jadis la porte d'entrée du Cameroun.
Par ailleurs, en agissant de la sorte, l'Etat-major
français et leur alliées avaient mis du même coup un terme
à l'existence de la polizeitruppe206qui, avant le
début de la guerre occupait cette fonction de sécurité
interne du territoire. En outre, les tirailleurs du RTS-T ont également
joué le rôle de sentinelle devant les résidences publiques
et privée des officiers métropolitains, C'est dans ce sens qu'ont
pouvaient les retrouver devant l'Hôtel français de Douala ou
encore devant la résidence du Gouverneur du territoire. C'est derniers
se sont également vus assurer la protection des déplacements des
hautes autorités française.
Ces reconversions de forces de défense à force
de sécurité interne trouvaient tout leur sens du fait des
propagandes germanophiles sans cesse grandissante dans les villes
côtières du Cameroun. Car, les Allemands ont toujours entretenu
l'idée de revenir récupérer leur ancien protectorat mais,
ils étaient contraints de rester hors du Cameroun du fait du maintien
des tirailleurs et particulièrement ceux du RTS-T. Car, rappelons-le,
lorsque la guerre éclate, le territoire du Kamerun était en
« pleine mutation » avec une économie tournée vers
l'extérieur, un début de développement des infrastructures
de communication, mais aussi une germanisation de l'élite acquis
à la cause allemande.
Ainsi, avec ces placements, il était difficilement
envisageable de penser que, l'Allemagne d'abdiquer aussi facilement.
En effet, la reconversion des tirailleurs
sénégalais consistait à canaliser les envies
pro-allemandes susceptibles de remettre en cause la souveraineté des
nouveaux occupants du Cameroun. C'est dans ce sens que, Paul Zang Zang estime
que l'autorité coloniale française et anglaise ont
procédé à une « dégermanisation » du
Cameroun tant sur le plan linguistique, économique que militaire. Donc,
le maintien de certains tirailleurs sénégalais dont ceux du
206 Il s'agit du corps de police formé et administrer par
les administrateurs coloniaux.
91
RTS-T consistait à enrayer l'influence allemande. Et
parfois même en agent de police en remplacement de la
poleizeitruppe207. Cette initiative avait pour
finalité d'effacer du Cameroun toute trace allemande et cela serait
possible avec le maintien hors du Cameroun des garnisons allemandes
installées pour la plupart dans la ville de Santa Isabel (actuelle
Guinée Equatoriale).
Mais, au vu de la continuité de la propagande
germanophile, il était clair que cette situation était
embarrassante pour les autorités françaises. C'est dans ce sens
que Aymerich déclarait que : « le maintien des allemands
à proximité du Cameroun constitue une épée de
Damoclès suspendu sur la tête de la population208
».
En effet, durant ces trente dernières années
d'occupation allemande au Kamerun, ces derniers avaient laissés une
trace quasi indélébile tant dans le domaine infrastructurel,
économique que politique. De ce fait, ils n'envisageaient aucunement
renoncer à leur « joyau » africain. Et pouvait compter sur le
soutien de quelques loyaux.
Photo 11: Des tirailleurs
sénégalais et des porteurs assurant le transport du Gouverneur
français Lucien Fourreau le 28 Juin 1918.
Source :(c) Frédéric Gadmer.
https://www.france24.com/fr/20160130-cameroun-premiere-guerre-mondiale
.Consulté en ligne le 11-05-2022.
207 P. Zang Zang, 2010, « La dégermanisation du
Cameroun », In Revue électronique de Science du Langage,
n°14 Décembre 2010,
http://www.sudlangues.sn. p. 6.
Consulté en ligne le 16-06-2022 à 14h30.
208G.Aymerich, 1920, p. 207.
92
Cette image renseigne sur les conditions de travail des
tirailleurs après l'occupation du Cameroun. Elle met en scène le
transport d'un administrateur français et date du 28 Juin 1918 soit 2
ans après le départ des allemands du Cameroun. Ce dernier se fait
transporter ainsi que ses bagages par une dizaine de porteurs en arrière
et en avant plan de cette photo.
Sa sécurité est assurée par trois
tirailleurs que nous pouvons apercevoir en avant-plan à droite de cette
image. Le rôle sécuritaire des tirailleurs conforte l'idée
selon laquelle les alliés ont toujours redouté un retour
potentiel des Allemands. En somme, pour véritablement
matérialiser le déploiement du RTS-T au Kamerun durant ces 5
années, le tableau ci-dessous répertorie en chiffre la dynamique
du déploiement des 10 Bataillons du RTS-T lors de la PGM au Kamerun.
Dès lors, il serait important de mettre en
évidence ces raisons qui corroborent leur maintien au Cameroun
après la guerre. Il s'agissait dans ce sens, principalement de deux
raisons : maintenir en alerte les tirailleurs contre un éventuel retour
des allemands et contenir les mouvements germanophiles présents
même après le départ des Allemands.
C'est dans ce sens, qu'on pouvait retrouver des tirailleurs
postés sur pratiquement tous les lieux publics à l'instar des
hôtels, des administrations, des hôpitaux voir des prisons. Mais,
au-delà de ce hard power, l'autre rôle assigné aux
tirailleurs consistait en une méthode plus douce dont les
résultats se verraient à long terme : le « soft power
».
Photo 12: L'Hôtel de France de Douala
sécurisée par les tirailleurs sénégalais
Source :
https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun.
Consulté le 22-06-2022.
93
Comme évoqué dans les pages
précédentes, le stationnement du RTS-T a consisté à
enrailler l'influence allemande au Cameroun. Ici haut on peut voir un
hôtel de la ville de Douala fréquenté par des
Européens. Le hall d'entrée est sécurisé par des
Noirs dont tout porte à croire que ce sont des tirailleurs
sénégalais. Car, un rôle aussi délicat n'aurait sans
doute pas été confié à n'importe qui. En outre, ce
fut l'Hôtel où logeaient les officiers alliés
Mais, des démonstrations de forces étaient
souvent organisées où, les tirailleurs sénégalais
affichaient leur parure mais, l'objectif visé c'était la
pacification totale du territoire. D'ailleurs, la mobilisation ci-dessous dans
la ville de Yaoundé est un exemple de démonstration allant dans
ce sens.
Photo 13: Patrouille des tirailleurs
sénégalais dans la ville de Yaoundé en 1917
Source :
https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun.
Consulté le 29-06-2022.
Ce cliché illustre à suffisance les nouvelles
attributions des tirailleurs parqués au Cameroun après la Guerre.
Si effectivement les hostilités avaient pris fin, il était
désormais question pour les tirailleurs de parfaire cette initiative de
conquête avec une présence intimidante effective
94
Cependant, quand revint la stabilité il était
désormais question de procéder à la démobilisation
entière des tirailleurs sénégalais venus du Tchad. Mais,
cette démobilisation a été conditionnée par de
nombreux facteurs qu'il est désormais question de mettre en
évidence.
2-Les principes de la démobilisation du RTS-T du
Cameroun
Plusieurs éléments ont été
responsables du rapatriement des deux compagnies du RTS-T restés au
Cameroun après la guerre. De façon générale, ils
sont de deux ordres : le désir exprimé par les tirailleurs
sénégalais de regagner leur bercail mais aussi le plan de la
métropole de les utiliser au Tchad209.
Pour ce qui est du premier principe, un adage africain stipule
qu'on n'est jamais mieux que chez soi. Ainsi, en principe après la fin
de la PGM au Kamerun, les tirailleurs sénégalais devaient en
principe être rapatriés après leur service comme nous
l'avons vu plus haut. Mais, à cause d'une clause glissée dans ce
même contrat, ils pouvaient être maintenus au sein des bataillons
au gré de leur volonté.
Nonobstant de ce constat, le désir de regagner leur
colonie d'origine semblait plus fort que toute tentative mise en place la
France. En effet, n'oublions pas que de nombreuses familles au Tchad
étaient restées dans l'attente du retour de leur homme. C'est
dans ce sens que, Dayanne210 estime que le besoin de retrouver les
siens après un conflit est plus grand que tout. S'ils n'avaient aucun
moyen de pression de faire respecter leur volonté, toujours selon
Dayanne ces derniers simulaient des maladies et prenaient prétexte des
rites culturels pour manifester leur envie de démobilisation. Mais, le
second principe lié à la volonté de la métropole de
les redéployé au Tchad dans le cadre de la pacification de
l'ensemble du territoire a permis la démobilisation effective de ces
derniers du Cameroun.
Avec, la signature de l'armistice qui sonnait la fin de la PGM
sur tous les fronts, il s'avère que, la France n'avait plus aucun
intérêt à maintenir une présence militaire «
indigène » au Cameroun. Si, officiellement il avait
été acté par le Ministère de la Guerre que, les
tirailleurs sénégalais mobilisés pour la PGM devaient
être démobilisés en 1919, cela reflétait la
réalité des fronts européens. En effet, en Afrique et
particulièrement au Tchad, la colonisation n'était pas encore
terminé et, de ce fait les deux compagnies stationnées au
Cameroun ont été démobilisé le 14 Mar 1918 pour
aller supplier les troupes du Tchad. C'est dans ce contexte que, les
209 Entretien avec Dilamkoro Laomaye, N'Djaména le
08-01-2022.
210 Entretien avec Dayanne, Moundou le 16-12-2021.
95
principes de la démobilisation du RTS-T a pu
s'opérer. En réalité, elle a plus relevé des
ambitions liées à l'extension du domaine colonial français
que de l'envier d'accorder du répit aux tirailleurs « tchadiens
» encagé dans cette guerre loin de leur famille.
Cependant, si leur redéploiement dans leur colonie a
été de l'avantage de la France, il a surtout laissé de
nombreuses conséquences dans leur territoire. C'est d'ailleurs ses
répercussions qui, constituent le dernier chapitre de ce travail.
Il a été question dans ce troisième
chapitre de mettre en évidence les différentes phases du
déploiement du RTS-T pendant et après la Grande Guerre au
Kamerun. Il en ressort que la dynamique de déploiement de cette colonne
venue du Nord fut diverse et variée et peut se résumer en deux
principales phases. Ainsi, si l'extrémité du Nord et le Nord de
ce territoire ont été très tôt au début des
hostilités entre Allemands et le RTS-T, elle a été la
première phase du déploiement du RTS-T. Cependant, elle mobilisa
un contingent du RTS-T fort d'environ 300 à 450 Tirailleurs et
près de 2000 porteurs et pris fin après l'occupation de
Ngaoundéré le 15 Juin 1915.
La seconde phase de ce déploiement quant à elle
a consisté en la progression de cette force en direction principalement
du Sud et d'un stationnement de deux ans sur l'étendue du territoire
après le départ des Allemands le 6 Mars 1916. Cependant, ce
maintien de deux compagnies du RTS-T n'était pas anodin et contrastait
avec un probable retour des Allemands au Kamerun. Cette idée d'un
éventuel retour fut propagée par des pro-allemands nostalgiques
de ces trente années d'occupation allemande.
Mais, il est question à présent dans le chapitre
finale, d'aborder la question liée aux répercussions du
déploiement du RTS-T au Kamerun et évoquer sa
patrimonialisation.
96
CHAPITRE IV : LES CONSEQUENCES DU
DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA GRANDE GUERRE AU KAMERUN ET PLAIDOYER
POUR LA PATRIMONIALISATION DE CE REGIMENT
97
La mise en place du RTS-T puis, son déploiement au
Kamerun lors de la PGM a entrainé au Tchad des répercussions
à la fois sur le plan politique et économique. En effet, la fin
de ce conflit a occasionné un réajustement frontalier entre le
territoire du Tchad et du Cameroun, changé le statut juridique du Tchad
et, booster le développement d'une culture de rente : celle du coton.
Autrement dit, la mobilisation et le déploiement des tirailleurs
sénégalais du Tchad a permis de nombreuses mutations qui ont
laissées des traces indélébiles sur ce territoire.
En plus de ces mutations dont la PGM a été un
catalyseur, ce dernier chapitre entend également se pencher sur une
analyse du legs mémoriel au Tchad du RTS-T. Autrement dit, il est
question de questionner ces faits d'armes au Kamerun. Ainsi, il serait question
dans un premier temps de mettre en évidence l'impact du
déploiement du RTS-T sur le plan politique et économique au
Tchad. Ensuite, nous intéresser à la question de sa
patrimonialisation
I- LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA
GRANDE GUERRE AU KAMERUN ENTRE 1914 ET 1918
Si, le déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et
1918 a permis d'évincer les Allemands de ce territoire et de consolider
la présence de nouveaux « maitres » il faut cependant
remarquer que, cet acte a également eu des répercussions sur le
territoire du Tchad. Partant de là, il est question ici d'évoquer
cette répercussion sur le plan politique ; ce qui sous-entend
d'évoquer la rétrocession de l'espace « tchadien »
antérieurement absorbé par le Kamerun, et des mutations ayant
suivis sur ce territoire.
A-Les répercussions sur le plan politique
S'il y'a bien une frontière dont la délimitation
a été autant rebondissante, c'est bien celle entre le Tchad et le
Kamerun, car elle a connu de nombreuses mutations dont la fin de la PGM y a
apporté une touche finale.
Ainsi, l'une des conséquences immédiates de la
conquête du Kamerun suite aux déploiements des tirailleurs
sénégalais a été de rétrocéder
l'espace de l'AEF englobé par le Kamerun en 1911. En effet, avant
même que n'ait lieu le partage du Cameroun par les vainqueurs de la
guerre à partir de 1916, la France avait entrepris de
récupérer les milliers des
98
kilomètres de l'AEF qu'elle avait cédé
à l'Allemagne211 et dont les 2.900 Km2 du territoire du Tchad
englobé était de facto concerné.
Cette restitution qu'on doit en partie au RTS-T a
entrainé une série de transformation à la fois politique
mais aussi économique sur ce territoire. Partant de ce constat, il est
question ici de mettre en exergue les répercussions sur le plan
administrative au Tchad suite au déploiement du RTS-T au Kamerun.
1-Le passage d'une gestion militaire à une
administration civile du Tchad
Depuis l'entrée des Français au Tchad en 1889
dans le cadre de l'expansion colonial, ce territoire fut administré
durant les vingt premières années qui ont suivis par des
administrateurs militaires. Il faut cependant attendre 1920 pour voir un
administrateur civil être porté à la tête de ce
territoire212.
En effet, le territoire militaire du Tchad (TMT) qui avait
remplacé les Pays et Protectorats du Tchad (PPT) le 02 Juillet
1902213 marquait la volonté de la France de posséder
une base arrière sur ce territoire carrefour entre l'AEF et l'AOF.
D'ailleurs, il est intéressant de réitérer que cet
emplacement stratégique a été une aubaine pour la France
quant au déploiement du RTS-T au Kamerun. Après la fin de la
guerre au Kamerun, il était désormais question pour la France de
repenser l'utilité de ce territoire autrefois doublement
stratégique dans ses manoeuvres expansionnistes.
Cependant, il convient de rappeler que la gestion
administrative du TMT était confiée à un Gouverneur
militaire qui était nommé par le conseil de Ministre et, ce
dernier représentait le pouvoir exécutif français. En
effet, doter le territoire du Tchad d'une administration militaire permettait
non seulement à la France de faire stationner sur ce territoire un
nombre important de militaires métropolitains et locaux mais,
également de jauger les puissances impérialistes
européennes concurrentes comme l'Allemagne au Kamerun.
Toutefois, durant le passage du TMT à TCT,
l'administration fut parfois mixte c'est-à-dire que, le territoire
était parfois confié à un civil tantôt à un
militaire. Mais, le passage du territoire militaire du Tchad à
territoire civil du Tchad (TCT) en date du 14 Mai 1916214 a pu se
faire grâce à un concours de circonstances. La première
action visait à démilitariser le
211F. Eyelom, 2007, L'impact de la Première
Guerre mondiale au Cameroun, Paris, l'Harmattan, p. 74.
212 Annuaire du Tchad 1902-1920, p. 62.
213 V. Emmanuel Largeau, 1913, p. 16.
214 Annuaire du Tchad 1951-1960, p. 18.
99
territoire, la seconde action annonçait la
volonté de la France d'orienter sa politique gouvernementale vers
d'autres aspects d'activités comme la relance économique.
D'ailleurs, c'est à partir de là que d'importants travaux de
réaménagements s'opèrent. Entre autre, l'administration
colonial dote le territoire étend les voies de communications, met en
place un service de santé mobile, et rattache le territoire du Tchad au
Gouvernement de l'AEF215. Il faut noter en outre que, toutes ces
mutations ont été opérées pour parfaire l'oeuvre
colonial sur ce territoire. C'est dans ce sens qu'on remarque une extension
vers le Nord de ce territoire à partir du passage de TMT à
TCT.
Le passage de territoire militaire à celui de
territoire civil du Tchad marque un tournant dans l'évolution
administrative du Tchad. Certes il fut opéré 15 ans après
le début de la colonisation de cet espace mais, il permet de comprendre
l'impact qu'a eu le déploiement du RTS-T au Kamerun à partir de
1914. Autrement dit, la mutation administrative du territoire du Tchad est due
en parti du rôle qu'a joué le RTS-T durant la Grande Guerre.
Pour nous fais une idée des différents
administrateurs du territoire du Tchad nous avons dressé le tableau
ci-dessous qui, répertorie leur nom, statut et période de
fonction entre 1902 et 1918.
Tableau 7: Liste des militaires ayant servis au
Tchad entre 1900 et 1920
Statut
|
Nom
|
Période de fonction
|
Chef de Bataillon
|
Destenave
|
Octobre 1900-Aout 1902
|
Chef de Bataillon
|
Largeau
|
Aout 1902-Juiellet 1904
|
Chef de Bataillon
|
Gouraud
|
Juillet 1904-Aout 1906
|
Lieutenant-Colonel
|
Largeau
|
Aout 1906-Juin 1908
|
Lieutenant-Colonel
|
Millot
|
Juin 1908- Octobre 1909
|
Lieutenant-Colonel
|
Moll
|
Octobre 1909-Novembre1910
|
Chef de Bataillon
|
Maillard
|
Novembre1910-Mars 1911
|
Général
|
Largeau
|
Mars 1911-Septembre 1912
|
Lieutenant-Colonel
|
Hirtzman
|
Septembre 1912-Décembre 1912
|
Chef de Bataillon
|
Briand
|
Décembre 1912-Aout 1913
|
Général
|
Largeau
|
Septembre 1913- Juillet 1915
|
Lieutenant-Colonel
|
Briand
|
Juillet 1915-Septembre 1916
|
215 Annuaire du Tchad 1910-1930, p. 17.
100
Colonel
|
Martelly
|
Septembre 1916-Janvier 1918
|
Colonel
|
Ducarre
|
Janvier 1918-Avril 1920
|
Gouverneur
|
Lavit
|
A partir de Mai 1920
|
Source : Annuaire du Tchad, 1950-1951. P-30.
Ce tableau nous donne quelques renseignements sur les
administrateurs du territoire du Tchad depuis 1900 jusqu'à 1920. S'il
permet de saisir, l'affectation constant des militaires sur ce territoire pour
des périodes relativement courtes, force est cependant de constater que,
si durant la PGM le territoire fut administrer par un Général, il
a été confié à un administrateur civil en 1920. Ce
soudain changement d'autorité a été conditionné par
une période stable qui a fait fusionner le territoire de ces espaces
antérieurement absorbé en 1911 par le Kamerun.
2-Unification et modification des frontières
à travers la restitution du bec de canard au Tchad en 1919
La Grande Guerre au Kamerun qui, a vu la participation de la
colonne du Nord a été favorisée trois ans plutôt par
un incident diplomatique majeur : le coup d'Agadir qui avait conduit à
la réduction de nombreuses circonscriptions du Tchad en 1911 au profit
du Kamerun soit un peu plus de 16.555Km2216.
Cet incident qui, fut l'un des mobiles du déclanchement
de la Première Guerre mondiale au Kamerun nous amène à
qualifier ce conflit de guerre de « reconquête ». En effet,
l'espace « tchadien » octroyé à l'Allemagne avant le
début de la PGM au Kamerun devint l'un des objectifs qui animait le
Gouvernement de l'AEF sous la directive de Martial Merlin. Il faut toutefois
noter que la volonté de récupérer ces territoires
cédés à contrecoeur était devenue un des objectifs
du déploiement du RTS-T.
Cependant, il se posait alors le double problème de la
rétrocession d'une partie du « bec de canard » au Tchad :
d'une part comment serait-il administré ? Et d'autre part, comment la
France s'en elle-t-elle prise pour calmer les revendications des autres
puissances à l'instar de l'Angleterre qui entendait aussi s'adjuger le
territoire nouvellement conquis ?
De ce fait, pour ce qui est du premier problème,
l'administration coloniale française décida dans un premier temps
de gérer de façon autonome les zones ayant fait partie de l'AEF
avant le 11 Novembre 1911. A cet effet, elle décidait d'organiser de
façon provisoire la justice,
216 B. Lanne, 1992, « Le Tchad allemand », In Tchad
et culture, n°129, p. 17.
101
le commerce et l'autorité de ces zones217.
Autrement dit, toute la rive gauche du fleuve Logone faisant autrefois partie
du territoire du Tchad fut administrée séparément du
territoire du Cameroun et du Tchad entre 1915 et 1916. Ainsi, la France en
procédant ainsi évitait de se mettre à dos ses
alliés dans cette guerre qui entendait eux-aussi tirer profit de cette
guerre au Kamerun.
De ce fait, plusieurs ordonnances venaient cependant
réguler cette zone à priori « autonome » mais
sous joug de la France. A cet effet, il était par exemple acté
que, la justice serait désormais rendue par les conseils de guerre, par
les justices de paix, par des tribunaux criminels et des tribunaux
indigènes218. De ce fait, les conseils de guerre avaient pour
objectif de trancher les différends d'ordre militaire. Les chefs de
circonscriptions tenaient le rôle de Juge dans les tribunaux et leur
compétence s'arrêtaient dans les circonscriptions
voisines219.
Quant aux activités commerciales, elles étaient
régulées par l'article 4 du même arrêté
précité. Elle stipulait notamment que, les procédures en
matière commerciale reste la même que celle qui est fixée
dans le reste de l'AEF220. Mais, il convient de rappeler que, les
zones concernées étaient les circonscriptions de Fianga,
Léré, Bongor, Pala, Lai, Kélo, Mbaibokoum, Moissala. Il
faut cependant attendre jusqu'au 5 Septembre 1916 pour que ces circonscriptions
précitées soient confié au Gouverneur de l'AEF en
qualité de commissaire de la République221. Cet acte
traduisait fortement la volonté de la France de se maintenir dans ces
zones. Cependant, c'est le décret du 12 Avril 1917 qui permettait de
faire fusionner le territoire du Tchad de ses circonscriptions amputées.
En effet, il entendait rattacher le territoire du Tchad de ses zones
amputées antérieurement à la convention du 11Novembre
1911222.
Toute somme, le rattachement du TMT aux circonscriptions
autrefois octroyées à l'Allemagne marque l'une des
conséquences du déploiement du RTS-T dans la PGM au Kamerun.
Mais, loin d'être la seule conséquence, ce déploiement du
RTS-T a en outre changé
217 JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant
organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie
de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la
convention du 4 Novembre 1911, article 1 et 3.
218 JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant
organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie
de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la
convention du 4 Novembre 1911, article 1.
219 JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant
organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie
de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la
convention du 4 Novembre 1911, article 5. 220JO-AEF, 15
Février 1915, Arrête portant organisation de la justice dans les
territoires du Cameroun qui ont fait partie de l'Afrique Equatorial
Française antérieurement à la convention du 4 Novembre
1911, article 4.
221 Annuaire du Tchad 1910-1920, p. 18.
222 Annuaire du Tchad, 1910-1920, Décret du 12 Avril
rattachant le TMT aux zones amputées en 1911. 1916, p. 18
102
le statut du territoire du Tchad. D'ailleurs, la carte ci-dessous
témoigne à suffisance et magnifie l'unification sur un seul
territoire le Tchad.
Mais, il convient cependant de préciser que, la partie
septentrionale fut rattachée à ce territoire en 1920. Or, la
partie australe notamment la rive gauche du Logone a été
rétrocéder dès 1916. De ce fait, il s'agit d'une carte de
1920.
Photo 14: Carte du territoire du Tchad
après 1920
Source : Ministère de l'Administration du
Territoire du Tchad. Atlas 2012.P.11.
Si, le traité du 28 Juin de Versailles permettait au
territoire du Tchad de s'étendre et, de récupérer les
zones du Sud des circonscriptions du Mayo-Kebbi Ouest et Est, il n'était
pas bien vu par les Allemands qui se sont senti laissés. Mais, ce qui
nous intéresse ici est de constater que, si nous sommes parvenus
à ce résultat, c'est en partie grâce au déploiement
du RTS-T.
103
B-La « mise en valeur » du territoire du
Tchad
L'interrogation que l'on pourrait se poser ici est celle de
savoir comment le déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918 a
précipité la fin de la colonisation du Tchad et orienté la
politique de la France vers des secteurs plus lucratives ? Partant de cette
question, il faut rappeler que la colonisation du territoire du Tchad
amorcée en 1889 fut brusquement interrompue à cause de la PGM au
Kamerun dès 1914 avant de reprendre en 1918.
Lorsque la guerre s'estompa en 1916, il était
désormais question pour la France de relancer l'économie de ce
territoire avec la « mise en valeur » des activités
économiques. C'est dans cette mouvance que dès 1920, la France
introduit la culture du coton avec sa filiale de Coton franc dont la production
fut rendu obligatoire à l'ensemble du territoire223. C'est en
allant dans le sens de cette mise en valeur du territoire conditionnée
par le travail forcé qu'il nous a paru nécessaire de mettre en
évidence le rôle du coton comme levier de l'économie du
territoire.
1-Le développement d'une monoculture de rente : le
Coton premier levier de l'économie du Tchad en 1920
N'étant pas un territoire possédant un climat
tropical favorable au développement des produit tels que : le cacao, le
café, la banana ou encore palmier à huile, le territoire du Tchad
a pu néanmoins s'ouvrir à l'international exportant le Coton
après la PGM en Europe et au Kamerun.
Ainsi, le déploiement du RTS-T lors de la PGM au
Kamerun a été un catalyseur dans la relance de l'économie
de ce territoire. En effet, la culture cotonnière comme l'affirme Goni
Ousmane a su traverser les changements et les troubles
politiques224. Mais, il convient de rappeler que, cette culture
destinée à l'exportation a légitimé très
souvent les violences dont étaient victimes les populations car ; il
était pressant de parvenir à des résultats.
D'ailleurs, le RTS-T a joué un rôle quant
à l'accélération de cette culture dès son
introduction sur le territoire. En effet, l'administration coloniale l'avait
confié le rôle de police et, avait légitimé les
sanctions dont elle exerçait sur ceux qui, ne trouvaient aucun
intérêts à s'adonner à cette culture. D'ailleurs,
à ce propos Ulrich Sturzinger estime que, les sanctions
223 E. Kimitene, 2008, « Stratégies paysannes en
zones cotonnières du Tchad. Discours et représentations actions
des habitants de Komé à Doba ». Mémoire de Master 2
en Histoire économique, Université de Rouen, p. 26.
224 G. Ousmane, 2010, p. 68.
104
pouvaient aller du châtiment corporel à
l'obligation d'exercer les travaux forcés225. En outre, il
est intéressant de constater avec René Dupont que :
la culture du coton était imposée par voie
d'autorité : chaque adulte devait faire une corde, soit entre 35 et 40
ares. Le produit porté sur la tête à des points d'achat
fixes plus ou moins éloignés du lieu de la culture, était
parfois pesé sur des bascules parfois fausses et payés aux seuls
chefs de villages qui, pouvaient garder pour eux seul la totalité de la
rémunération226
Mais, au de-là de tout ceci, cette section du travail
entend démontrer le rôle du RTS-T dans l'évolution de la
culture du coton au Tchad après la PGM au Kamerun.
Si, au début de sa colonisation, le territoire du Tchad
a semblé quelque peu mis en retrait par rapport aux autres colonies du
fait de son sol peu exploitable, il est par contre fort intéressant de
constater qu'il connait un regain d'intérêt à partir de
1920 avec la création de la Cotonfranc227. Cette entreprise
publique française spécialisée dans l'exportation du
coton, implantée au Tchad a favorisée cette culture industrielle
au détriment des cultures vivrières. Ainsi, le déploiement
du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918 qui a permis de rétrocéder
au Tchad une partie des zones du Mayo-Kebbi Est et Ouest, et une partie du
Logone ; ces zones se sont avérée être parmi les plus
propices quant au développement de la culture cotonnière.
Mais, si la cotonfranc a pu dynamiser la culture du coton qui
n'arrangeait en rien la situation des colonisés, elle devait sa
réussite aux bataillons du RTS-T qui, en plus d'assurer la
sécurité du territoire a été aussi utilisé
dans la contrainte qu'imposait l'exploitation agricole.
2-Une économie tournée vers
l'extérieur : le rôle de la transéquatoriale
L'une des conséquences de la participation du RTS-T
à la PGM au Kamerun a été comme nous l'avons vu de mettre
en évidence au profit de la France l'exportation d'une matière
première : le coton. Mais, cette initiative en a entrainé une
autre, celle du développement des infrastructures de communication qui
ont permis d'orienter cette économie vers l'extérieur et
marqué par la même occasion le début du commerce
extérieur de ce territoire.
Ainsi, il est question dans cette section du travail de mettre
en lumière le développement de certains infrastructures
résultant du développement du coton qui, lui-même doit sa
mise en évidence au rôle joué par le RTS-T lors de la PGM
au Kamerun. De ce fait, il faut rappeler
225 U. Sturzinger, 1983, Tchad : mise en valeur, « coton et
développement », Tiers monde, n°95,
Juillet-Septembre, pp. 643-651.
226 R. Dumont, 1962, L'Afrique noire est mal partie,
Paris, Cop, pp. 72-74.
227 A. Kassambara, 2010, p. 53.
105
que, l'industrie cotonnière magnifiée par
l'implantation de la cotonfranc a toujours oeuvré pour l'exportation de
cet « or blanc ».
En outre, la quasi inexistence de moyen de transformation sur
place a favorisé l'exportation de cette culture. Cependant, pour y
parvenir, la France avait l'obligation de se doter des moyens d'acheminer ce
produit à destination des côtes africaines et afin de
procéder à leur embarquement en direction de la métropole.
De ce fait, la création des voies de communication s'imposaient afin de
désenclaver le territoire. C'est dans cette mouvance que, de nombreux
travaux ont permis de créer des voies de communication fluviale et
routier qui ont été confié à l'Agence
transéquatoriale de communication228.
S'agissant de la voie fluviale, la priorité fut d'abord
de rendre praticable cette voie. C'est ainsi qu'a été mis en
évidence la voie fluviale de la Bénoué. Longue de
près de 2000Km, cette voie de communication permettait d'acheminer les
ballots de coton de la Bénoué jusqu'au fleuve Niger en passant
par Garoua ou était enfin acheminé par voie terrestre jusqu'au
port nigérian de Port Harcourt229. Cependant, il convient de
rappeler que, cette voie n'est empruntable que 4 mois de juillet à
Octobre lorsque les cours d'eaux sont abondants. Et, la sécurité
des navires pour éviter les pillages et la perte des ballots de coton
est assurée par les tirailleurs qui, se relaient à des points
déterminés.
La crue de la Bénoué pendant la saison
sèche a naturellement conduit le transéquatoriale a
diversifié les voies de désenclavement. C'est dans ce sens que,
la mise en évidence des voies terrestres devenait prioritaire afin de
relier le territoire au reste de l'AEF. Ainsi, la circonscription de
Fort-Archambault fut sollicitée pour relier le territoire aux cotes de
Pointe Noire au Moyen-Congo. De ce fait, un long tronçon d'à peu
près 1500km permettait d'acheminer le coton du territoire du Tchad vers
l'Oubangui-Chari ; une fois là-bas, il était acheminé au
port de Pointe Noire.
Ces voies de communications traditionnelles ont permis
d'ouvrir le territoire du Tchad à la confédération de
l'AEF mais, il permet surtout de comprendre que, ces investissements
tournés vers l'extérieur ont permis de saisir les réels
desseins de la France quant à la mise en valeur du territoire du
Tchad.
228 G. Sautter, 1959, « Les liaisons entre le Tchad et la
mer : essai d'analyse géographique d'une situation concurrence dans le
domaine des transports », In, Bulletin de l'Association des
géographes français, n° 286 -287, pp. 9-11.
229 Ibid., p. 15.
106
II- PLAIDOYER POUR LA PATRIMONIALISATION DU RTS-T
Si, la conservation de la mémoire est
considérée comme le sens commun à chaque
société elle constitue un pont qui permet de lier le passé
au présent, en outre c'est surtout le meilleur moyen d'inscrire le
passé dans le présent. A cet effet, il semblerait que c'est un
formidable moyen de répondre aux besoins sociaux et de pérenniser
la mémoire et dans le cas échéant celle du RTS-T.
De ce fait, il est question ici de poser les bases de cette
patrimonialisation du RTS-T. C'est en quelque sorte une mobilisation
mémorielle ayant pour finalité de vulgariser cette mémoire
qui semble peu à peu sombré dans l'oubli.
A-Déconstruire l'image du tirailleur
sénégalais dans la mémoire collective des peuples
Le souvenir dit-on dépend des modes de transmission, et
les recherches sur la mémoire collective n'est aucunement un devoir mais
une nécessité et un besoin indispensable à chaque
société en quête de « vérité historique
». Mais, il convient de noter avec le psychologue Louis Douffet «
qu'une forme de représentation unique peut entrainer à une
forme de simplification de l'histoire et donc empêcher une interrogation
du passé ce qui favorise une mise sous silence de la diversité et
des témoignages 230 »
Cette réflexion nous pousse à nous interroger
sur le caractère polymorphe qui encoure le souvenir qu'on garde du
tirailleur sénégalais. Ainsi, la représentation du
tirailleur sénégalais fut souvent divers et varié .Par
contre, il convient aussi de rappeler que, la mémoire des
velléités expansionnistes a été une mémoire
polysémique. Car, elle s'est manifestée à travers des
souvenirs matériels à l'instar de la statue du soldat inconnu
mais, aussi à travers des gestes immatériels comme des minutes de
silence ou des commémorations. Cependant, ces constats nous poussent
à nous poser deux questions.
La première est celle de savoir si la
représentation du tirailleur sénégalais en
générale et celle du tirailleur du Tchad en particulier est-elle
unique et figée ? Quelle trace (s) mémorielle garde-t-on du RTS-T
? Il est question de répondre à ces interrogations pour
bâtir notre propre idée de la représentation
mémorielle du RTS-T.
230 L. Douffet, 2021, « Le souvenir s'en va-t'en guerre :
mémoires et représentations sociales du soldat de 14-18 »
Thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université de Lyon, p.
181.
107
1-De la représentation polymorphe à l'image
du tirailleur sénégalais du Tchad
L'image fait partie intégrante des sources
d'informations en sciences sociales et particulièrement en science
historienne. Le plus souvent, elle donne une représentation qui peut
être interprétée diversement. Cependant, l'un des moyens de
production de données iconographiques durant le déploiement des
tirailleurs sénégalais dans Grande Guerre au Kamerun fut la
photographie. Mais, si par contre elle permettait de représenter ce qui
est réel, de témoigner de quelque chose qui s'était
véritablement déroulé, il n'est pas exclu qu'elle pouvait
parfois se réduire à un point de vue et par conséquent
être subjective.
Ainsi, du tirailleur sénégalais ayant pris part
à la Grande Guerre au Kamerun, il nous reste de lui une image polymorphe
qui se décompose en trois type : l'image du guerrier barbare, le soldat
infantilisé et l'homme derrière sa chéchia.
De nombreuses images héritées de la
Première Guerre mondiale au Kamerun ont pu être
réalisés et conservés grâce à la section
photographique de l'armée (SPA)231. Mais, il faut cependant
préciser que, ces données iconographiques léguées
suivent une politique visant le plus souvent à propager une
représentation parfois partisane. De ce fait, les tirailleurs
sénégalais en particulier ceux du Tchad ont très souvent
été dépeint à travers des conceptions
véhiculées sous des prismes et clichés occidentaux. Et,
pour nous imprégnée de ces représentations parfois «
erronées », il faudrait faire appel aux disciplines transversales
en particulier à la psychologie sociale.
Cette approche est le moyen de comprendre la
représentation des tirailleurs sénégalais chez les
belligérants mais aussi de représenter le tirailleur
sénégalais comme nous l'entendons. Ainsi, du côté
Allemand par exemple, les tirailleurs sénégalais ont
été dépeints à travers une représentation
étriquée peu valorisante dont l'objectif consistait à les
exclure de la PGM tant sur les fronts occidentaux que, sur les fronts
africains. A cet effet, ils étaient très souvent personnifier
comme des « sauvages », des « cannibales » voire des
personnes qui ne méritaient même pas de prendre part à
cette guerre qui concernait les Européens. A ce sujet, les propos de Von
Lettow-Vorbeck en sont des illustrations, il affirme que : la mobilisation
des tirailleurs
231 En effet, dès 1915, la France met en place un
programme ayant pour but de matérialiser les souvenirs de la Grande
Guerre. C'est ainsi qu'est créée la section photographique de
l'armée (SPA). Par cette action, la photographie se démocratise
et gagne tous les fronts de la guerre aussi bien en occident qu'en Afrique
où elle a permis de conserver des images des tirailleurs
sénégalais au Kamerun.
108
sénégalais par les alliés dans ce
conflit est contraire aux valeurs prônée par les nations
civilisatrices232.
Ces propos en plus de dénaturé l'humanisme des
tirailleurs sénégalais ils traduisent aussi une volonté
d'écarter ces derniers de ce conflit. En outre, cette posture allemande
de la représentation du tirailleur sénégalais était
surtout véhiculée pour empêcher aux alliés à
la France particulièrement de faire pencher l'avantage
démographique en sa faveur. En plus, l'objectif visé ici par
l'Allemagne était d'éviter la guerre au sein de ses colonies
africaines.
Cependant, comme nous l'avons vu plus haut dans ce travail,
cette représentation du tirailleur sénégalais le
définit comme un être abject dénué d'humanisme mais,
elle contrastait bien avec la mise en place de la schutzztruppe par
l'Allemagne. Car non seulement cette force était constituée de
Noirs mais, elle ne différait en rien du RTS-T.
Toute somme, la représentation du tirailleur
sénégalais par les Allemands était à notre sens
orientée et, cette logique trouve tout son sens dans les propos de Louis
Douffet qui affirme que : « les enjeux liés à l'image de
la Première Guerre mondiale et de ses combattants métropolitains
et indigènes pourraient se résumer à deux points : des
besoins de la propagande par la presse et la volonté de vouloir figer le
souvenir du vécu des soldats233 ». Mais, il
convient aussi de noter qu'un troisième point peut parfaire cette
analyse de Louis Douffet celui d'une éventuelle « mise en valeur
» des tirailleurs sénégalais.
Ainsi, l'autre représentation du tirailleur
sénégalais que nous pouvons mettre en évidence nous vient
des alliés particulièrement de la France. L'image des tirailleurs
sénégalais avaient très souvent été
associée à des affiches publicitaires qui, donnaient une
représentation plus ou moins étriqué de ces derniers.
C'est dans ce sens que nous ne saurions ne pas rappeler la campagne de
représentation du tirailleur sénégalais sur les produits
alimentaires destinées aux enfants le fameux Va bon Banania.
A travers cette publicitaire, ils avaient été
infantilisés à travers une série de propagande. On se
souvient encore de la fameuse image y'a bon banania qui en disait long
sur le niveau de considération que la Métropole avait de ses
combattants noirs. Tous ceci nous amène à accréditer la
pensée de Pierre Moliner qui estime que : « la polysémie
de l'image est une
232 F. Jacques., 2006, Les colonies dans la Grande Guerre.
Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer, Paris, Soteca-Edition,
p. 14.
233 L.Douffet, 2021, p. 55.
109
représentation codée et culturellement
interprétée234 ». Toutefois, ne perdons pas
de vue que nous sommes en pleine période coloniale marquée par
des stéréotypes coloniaux qu'il convient cependant de battre en
brèche.
Photo 15: Représentation du tirailleur
sénégalais de 14-18 en France
Source : (c)
Herodote.com. Y'a bon Banania.
Consulté en ligne le 06-08-2022.
Cette image mettant en scène un tirailleur
sénégalais sur une publicité de produit alimentaire nous
donne quelques indications sur la représentation de ce dernier en
France. En effet, loin d'être une affiche ayant pour but de glorifier les
faits d'arme du tirailleur sénégalais, elle le dépeint
plutôt comme un être infantile et, ou comme un sous
évolué qui s'empiffre de nourriture destinée aux enfants.
C'est en s'insurgeant contre cette affiche que Senghor avait condamné
avec la dernière énergie cette représentation.
234 P. Moliner, 1996, Images et représentations
sociales : de la théorie des représentations à
l'étude des images sociale, Grenoble, PUG, P.144.
110
Cependant, ces représentations du tirailleur
sénégalais par l'Allemagne et la France contrastent bien avec
celle que nous avons après analyses. En effet, loin des
représentations parfois arbitraires du tirailleur
sénégalais, Madjasranaco garde comme souvenir du tirailleur
sénégalais de la PGM une victime du système colonial. Il
estime par ailleurs que : des hommes qui ont farouchement défendu leur
territoire au moment où Français et Allemands avaient des
penchants expansionnistes et se sont souvent affrontés selon qu'ils
servaient le drapeau Français ou Allemand235.
En somme, ces visions contraires du tirailleur
sénégalais ne sauraient nous donner une image figée du
tirailleur.
2-Construire l'identité du tirailleur «
tchadien » de 14-18
L'appropriation mémorielle calquée sur des
valeurs culturelles peut contribuer à bâtir une identité du
tirailleur sénégalais en général et du tirailleur
« tchadien » de la PGM en particulier. Autrement dit, en mobilisant
un ensemble d'éléments liés aux us et coutumes du Tchad,
on peut arriver à donner une identité propre au RTS-T. Cependant,
pour arriver à mettre sur pieds cette identité qui doit
être ancrée dans la mémoire collective, un recours à
la théorie des représentations sociales d'Émile Durkheim
s'impose. Ce paradigme née en 1898 soutient l'hypothèse selon
laquelle la pensée sociale peut être légitimée et
constituer un savoir endogène236.
En effet, l'identité du tirailleur
sénégalais saurait être une continuité dans le temps
et, permettre une identification propre du tirailleur du Tchad. De ce fait, on
peut passer de tirailleurs sénégalais à tirailleur du
Tchad. Car, ce changement conceptuel peux contribuer à sortir des
clichés et stéréotypes attribués aux Africains tous
réunis sous le label de « tirailleur sénégalais
». C'est en allant dans ce sens que, Gariam Philippe Adoum aimerait que,
le tirailleur venus du territoire du Tchad ait une identité propre
à lui différente de cette appellation générale qui
ne le représente aucunement tant sur le plan culturel que
géographique237.
C'est en allant dans le même sens que, Nerade Giscard
pense que, l'idée d'une généralisation de l'appellation
tirailleur sénégalais à tous les subsahariens est
insignifiante et
235 Entretien avec Madjasranaco, N'Djamena le 26-01-2022.
236 Durkheim, E. 1898. « Représentations
individuelles et représentations collectives ». Revue de
Métaphysique et de morale, n°6, 273-302.Consulté en
ligne le 11-07-2022.
237 Entretien avec Gariam Philippe, N'Djaména le
21-01-2022.
111
peu valorisante d'autant plus qu'on parle d'une
pléthore d'ethnies et d'identités culturelles
différentes238.
Toutefois, les affirmations de ces personnes ressources est
loin d'être anodines et dénués de sens car, la construction
d'une identité propre aux tirailleurs du Tchad serait le moindre hommage
qu'on pourrait offrir à ces derniers. C'est ainsi que, les paroles de
Louis Douffet trouvent leur sens dans la mesure où il affirme que :
« la construction d'une identité permet de mettre sur un pied
d'égalité une source de savoir bien souvent
dévalorisée239 »
En somme, la reconnaissance et la valorisation de
l'identité du tirailleur du Tchad est un moyen de donner une nouvelle
perception et description de ce dernier mais aussi ériger un nouveau
rapport symbolique dans la mémoire collective. Eu égard de ce qui
précède, d'autres voies et moyens pouvant permettre de mettre en
évidence la mémoire du RTS-T pourraient passer par la mise en
valeur des monuments leur rappelant.
B-Plaidoyer pour une valorisation patrimoniale du RTS-T
Dans le cadre de notre étude, l'évènement
est si lointain qu'il y'a plus aucun survivant et, de ce fait, il appartient
à l'Histoire de reconstituer ce passé. C'est en allant dans ce
sens que, Nora affirmait que : « le rapport de l'Histoire à la
mémoire exprime l'inéluctable et transformateur passage du temps
qui est la raison même de l'acte de commémorer ». Cette
réflexion démontre que, la mémoire est le moyen le plus
propice de faire revivre le passé.
Partant de là, cette section entend mettre en
lumière des lieux qui peuvent pérenniser la mémoire du
RTS-T qui semble aujourd'hui disparaitre peu à peu. Ceci doit passer par
une réhabilitation des Foyers des Anciens Combattants et par la
création d'un musée militaire.
1-Réhabiliter les Foyers des Anciens
combattants
La transmission mémorielle et
représentationnelle est le plus souvent une image de la
réalité qui nous entoure. Cependant, lorsqu'il est question de
mettre en évidence le souvenir d'un évènement dont la
mémoire et les traces sont les seules témoins qui permettent de
l'appréhender, la meilleure façon d'y parvenir c'est de la
matérialiser concrètement.
Dans le cadre de la valorisation du RTS-T, on peut
procéder à la réhabilitation des casernes du RTS-T encore
présentes aujourd'hui. Aujourd'hui, il en existe trois 3 au Tchad :
238 Entretien avec Nerade Giscard, Moundou le 18-10-2021.
239 L.Douffet, 2021, p. 35.
112
La Maison des Anciens Combattants de N'Djaména (ancien
Fort-Lamy), le Foyer des Anciens combattants de Moundou et, le Foyer des Ancien
combattant de Sarh (ancien Fort-Archambault).
En effet, c'est en présence du présent que le
passé resurgit et la transmission de ce passé se fait à
travers divers sources dont les images. Partant de là, pour donner une
nouvelle dynamique au RTS-T, il faudrait donner peau neuve aux foyers des
Anciens combattants.
Car, ces derniers sont dans un état de
délabrement aggravé du fait de l'usure du temps. Ils
présentent des traces d'abandon. Mais, il faut aussi noter que, les
foyers de Moundou et de N'Djaména ont été reconvertis en
débit de Boissons. A ce propos, le gestionnaire du Foyer de Moundou
Djimrabeye Dayanne nous a confié que c'est le seul moyen d'attirer des
personnes dans cet endroit pourtant chargé d'histoire240.
Quant à Ibrahim Issa en charge de la salubrité à la
Maisons du Combattant de N'Djaména, il estime que la France ne se
souvient de cette caserne qu'à l'approche de la commémoration de
l'appel du 18 Juin241
Photo 16: Commémoration du centenaire
de la PGM au cimetière français de N'Djaména en 2014
Source : (c) Ahmat Haroum. 2019
240 Entretien avec Djimrabeye Dayanne, Moundou le 23-11-2021.
241 Entretien avec Ibrahim Issa, N'Djamena le 03-01-2022.
113
Ce cliché permet de mettre en avant la question de la
mémoire de la PGM au Tchad. Certes les tirailleurs ici présents
n'ont pas participé à la PGM au Kamerun mais, ils ont servi dans
la force dénommée régiment de Marche du Tchad. Leurs faits
d'armes ont été mis en avant dans de nombreux pays notamment en
Indochine, au Zaïre et même au Cameroun dans le cadre de la guerre
contre le maquis à partir de 1955. Ce qui fait d'eux les
héritiers directs du RTS-T malgré le temps qui les sépare
de la création de ce corps.
2-Créer un Musée militaire
Dans une étude consacrée à la
mémoire de la seconde Guerre mondiale, François Bédarida
constat l'importance que revêt les commémorations en affirmant
notamment que : « Tous artéfacts matériel ou
immatériel permettent de vaincre et le temps et la mort
242». Cette réflexion entend s'opposer contre
toutes amnésies liées aux évènements historiques
mais aussi affirmer la posture des acteurs de ces évènements dans
l'ancrage de la mémoire collective.
Depuis la fin de la PGM, plusieurs éléments ont
été pensés pour à la fois ancrer et interroger la
mémoire collective sur ce phénomène de
société. Entre la construction de la statue du soldat inconnu, la
commémoration du centenaire de cette guerre, la PGM a su à
travers le temps trouver une place dans certaines sociétés.
Partant de ce constat, cette partie entend interroger la manière dont
l'image du tirailleur sénégalais de la PGM est
appréhendée, pensée dans la société
tchadienne. Autrement dit, il s'agit ici d'interroger la représentation
sociale du RTS-T et leurs faits d'armes lors de la PGM au Kamerun.
On serait tenté de dire qu'aucune action ne fut
concrètement mise sur pieds par les pouvoirs publics tchadiens pour
vulgariser le souvenir lié au RTS-T. Mais, il nous a paru
nécessaire de mettre en évidence des éléments qui
pourraient participer à la construction sociale des souvenirs
liés à ce régiment.
Si pour Brice Douffet, les commémorations sont
liés aux enjeux politiques243, il faut cependant reconnaitre
que les hommages mémoriaux vont aux delà des simples fait
politique et questionne aussi bien des secteurs sociaux que économique.
Eu égards de cela quelques fois relayée au second plan l'image du
tirailleur sénégalais.
242 F. Bédarida, 1986, Commémoration et
mémoire collective : la Mémoire des Français. Quarante ans
de commémorations de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Editions du
CNRS, p. 13.
243 B. Douffet, 2021, p. 2.
114
Certes, cet acte est significatif et témoigne d'un
évènement historique qui s'inscrit dans un cadre se
référant à une identité sociale mais, il faut aussi
noter que l'ancrage dans la mémoire collective du tirailleur
sénégalais ne peut se faire que par des méthodes de
vulgarisation endogènes à l'instar de la création d'un
Musée militaire. En effet, ce cadre dédié à la
mémoire des tirailleurs sénégalais pourrait aider à
personnifier le tirailleur sénégalais du Tchad et rabattre en
brèche les clichées et stéréotypes autour de sa
personne qui ont fait de lui un être diversement
apprécié.
Partant de ces constats, et étant donné que les
souvenir des tirailleurs s'amenuisent au fil du temps, il est question au
travers de cet acte mémoriel de redonner une seconde vie à cette
mémoire autour du tirailleur. A ce sujet, il est intéressant de
constater avec Bergson que : « le rôle des Musées
consiste en la sauvegarde de la survivance des images du
passé244 ». Ainsi, ceci permettrait d'une part de
consolider et de perpétuer la mémoire des tirailleurs du Tchad
mais aussi créer un lieu où l'image de ces tirailleurs et de tous
les militaires ayant marqué l'histoire du Tchad sauraient être
exposée.
Ainsi, partant d'une réflexion de Lucien Febvre
centrée sur la patrimonialisation de la mémoire de
l'évènement à l'instar de celle de la PGM, ce dernier
soulevait la problématique liée au rôle de l'Histoire pour
ce qui est de la conservation de la mémoire. Il déclarait
notamment que :
Il est évident que, cette réflexion nous rappel
à bien d'égards le rôle « important » de
l'historien dans le temps. Elle questionne surtout le devenir des Hommes et
leur accomplissements qui est censé être un repère tant
pour les générations actuelles que futur. Mais, au-delà de
tout ceci, nous souhaitons à partir de cette pensée soutenir
l'hypothèse que, la représentation sociétale du tirailleur
sénégalais spécialement celui venu du territoire du Tchad
saurait jouer un rôle dans la transmission de la mémoire
collective de leur participation à la PGM au Kamerun.
De ce fait, dans le souci d'apporter notre pierre à
l'édifice sur ce pan de recherche, ce dernier chapitre entend donner un
gabe dans ce sens.
Ce dernier chapitre centré sur l'impact du
déploiement du RTS-T lors de la Grande Guerre au Kamerun et sur les
questions liées à la patrimonialisation de ce régiment au
Tchad nous a donné un avis singulier sur ces questions. D'emblée,
il a été constaté que, les
244 H. Bergson, 2008, Matière et mémoire, essai
sur la relation du corps à l'esprit, Paris, PUF, p. 68.
115
répercussions de ce déploiement du RTS-T a
à la fois eu permis au Tchad de recouvrer sa superficie d'avant-guerre
et, lui donner une nouvelle orientation politique. Ces mutations ont par
ailleurs ouvert le Tchad à ses premières exportations notamment
celle de la culture du Coton qui, a été un lévrier de son
économie.
Cependant, malgré ces constatations relevant du
l'impact du RTS-T dans la Grande Guerre au Kamerun, il faut cependant remarquer
une disparition progressive de du RTS-T dans la mémoire collective. Or,
cet atout militaire de la période coloniale pourrait amener le Tchad
à revendiquer ce patrimoine ayant autant marqué son histoire.
116
CONCLUSION GÉNÉRALE
117
Au terme de ce travail portant sur « le régiment
des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) et la consolidation
de l'empire coloniale français : de sa création à son
déploiement au Kamerun.1910-1918. » il est nécessaire de la
conclure tout en mettant en lumière les résultats auxquelles nous
sommes parvenus.
Comme nous l'avons démontré tout au long de ce
travail, le RTS-T fut une armée mixte constituée de militaires
métropolitains et locaux dont la conjugaison d'efforts a consisté
à consolider le domaine colonial français. Fort de ce constat, il
en ressort plusieurs bilans.
Le premier réside dans le fait que, de par sa
prédominance en Afrique, la France a mis en place de nombreuses
initiatives dont l'une des trames était de doter chacune de ses colonies
d'une armée dans la première moitié du XIXème
siècle afin de protéger ses intérêts. Situé
entre l'Afrique blanche et l'Afrique noire, reliant l'Afrique Occidentale et
l'Afrique Equatoriale, le territoire du Tchad apparaissait comme une aubaine
dans l'échiquier politique Africaine de la France. Cette situation
géographique du Tchad fut doublement stratégique pour la France.
Car, non seulement il permit de recruter et de faire stationner un nombre
important de militaires, mais, il permettait également de jauger et
tenir à distance les puissances rivales qui, comme la France manifestait
des appétits de colonisation. Donc, il apparait que, le contexte de
tension entre puissances rivales a conduit la France à mettre sur pieds
des régiments de tirailleurs sénégalais dès 1857
et, par ellipse le territoire du Tchad fut doter du RTS-T en 1910.
Cette constitution des armées en Afrique ne fut en
réalité que la face immergée de l'iceberg, car,
derrière ceci se cachait une ambition qui, dépassait le cadre des
frontières territoriales tchadiennes. Ainsi, la formation, l'entretient
du RTS-T annonçait déjà les prémisses d'un
déploiement hors du territoire d'autant plus que, Fort-Lamy avait
été érigé en fort et faisait face à la ville
kamerunaise la plus proche Kousseri.
Après la crise marocaine d'Agadir de 1911 qui a
entrainé des modifications politiques entre l'AEF et le Kamerun, il va
s'en suivre une escalade de tensions entre les puissances Alliées et
l'Allemagne ce qui conduit à la Première Guerre mondiale sur ce
protectorat allemand. C'est ainsi que, les colonies sous domination
française vont se retrouver mêler à ce conflits et, les
tirailleurs sénégalais les acteurs principaux des
affrontements.
Parti du front Nord, le RTS-T fut par la suite
déployé sur l'ensemble du protectorat allemand. Et, si
l'Allemagne avait résisté à l'assaut des troupes
alliés sur tous les fronts pendant 18 mois, acculé et mis
à l'épreuve par la puissance de choc des tirailleurs
sénégalais de façon général et ceux du Tchad
particulièrement les troupes allemandes capitulaient à Mora
après
118
deux ans de résistance face au RTS-T et de la force
mixte franco-britannique ce qui marquait la fin de la PGM au Kamerun.
Toutefois, la démobilisation du RTS-T fut progressive
sur ce territoire quand bien même les Allemands l'avaient quitté.
En effet, dans le but de parer les mouvements germanophiles qui alimentaient un
probable retour des Allemands au Cameroun, la France avait maintenus sur ce
territoire plusieurs compagnies de tirailleurs parmi lesquelles 3 compagnies du
RTS-T. Cela a occasionné une reconversion de ces hommes levés
pourtant pour faire la guerre.
L'engagement du RTS-T dans la PGM à certes permis
à la France d'étendre son domaine colonial mais, il a
également laissé des traces à la fois politique mais aussi
économique sur le Tchad. En effet, si la crise d'Agadir a
été l'un des mobile de la guerre au Kamerun, la conférence
de Versailles en 1919 a permis au Tchad de recouvrer sa partie qui fut
autrefois englobée par le « bec de canard ». Et, après
la guerre il était aussi question de dynamiser l'économie du
territoire du Tchad afin de parfaire sa colonisation. C'est dans cet
élan que, l'intensification de la culture du coton permis de donner une
nouvelle orientation économique au territoire.
Cependant, l'une des conséquences de la participation
du RTS-T dans le processus de consolidation de l'empire colonial
français à travers sa campagne au Kamerun demeure le devoir de
mémoire. En effet, afin de perpétuer pour les
générations à venir les souvenir du RTS-T et de leur
campagne au Kamerun de nombreuses initiatives peuvent permettre la
patrimonialisation des faits d'armes de cette armée coloniale qui a
joué un rôle décisif dans la protection de l'empire
colonial français.
Nous pouvons dire enfin que, la renommée du Tchad dans
le domaine militaire trouve ses origines dans le courage et la
témérité des groupes ethniques qui forment le Tchad. La
France a juste eu le mérite d'avoir su tirer profit de ces populations
fragiles et désorganisées.
119
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
120
I- SOURCES PRIMAIRES
A-ARCHIVES
1-Archives Nationales du Tchad
ANT, Annuaire Du Gouvernement Générale De L'AEF,
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ANT, Annuaire Du Gouvernement Générale de L'AEF,
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ANT, Annuaire Du Tchad 1990-1917.
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Française.
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Française.
CEFOD, Fond Tchad, TCH 367 32, Synthèse de
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Largeau.
Fond Dalmais, CEFOD, Annuaire du Tchad. 1910-1917.
121
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B-LES SOURCES ORALES
N°
|
Nom et prénom de l'informateur
|
Age
|
Nationalité
|
Sexe
|
Profession
|
Date et lieu d'entretien
|
1
|
Adams Oumar
|
33ans
|
Congolaise
|
M
|
Agent des eaux et Foret
|
Moundou le 09-
11-2021
|
2
|
Avouksouma Didier
|
49ans
|
Tchadienne
|
M
|
Enseignant chercheur à l'Université de
N'Djaména
|
N'Djaména le 11-12-2022
|
3
|
Bedoum Antoine.
|
57 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Commerçant
|
Douala le 23-092021
|
4
|
Bekiri
|
68 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Autorité traditionnelle
|
Moundou le 11-
10-2021.
|
5
|
Djadjingar Francis
|
37 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Sociologue enseignant à l'Université de Moundou
|
Moundou le 15-
12-2021.
|
6
|
Djédanem Franklin
|
49 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Autorité traditionnelle
|
Besseye le 10-012022
|
122
7
|
Dilamkoro Laomaye
|
54 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Chef du Service de gestion et de protection du Musée
National du Tchad
|
N'Djaména le 15-01-2022
|
8
|
Djimrabeye Dayanne.
|
68 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Chef de l'antenne du foyer des Anciens combattants de Moundou
|
Moundou le 12-
09-2021.
|
9
|
Gariam Philippe Adoum
|
42 ans
|
Tchadienne
|
|
Conservateur au Musée National du Tchad
|
N'Djaména le 07-11-2021
|
10
|
Ibrahim Issa
|
53ans
|
Tchadienne
|
M
|
Ménager au Foyer des Ancien combattant de
N'Djaména
|
N'Djaména le 06-11-2021.
|
11
|
Lamgué Bertrand
|
35 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Cultivateur
|
Moundou le 05-
11-2021
|
12
|
Laoukein Kourayo Médard
|
63ans
|
Tchadienne
|
M
|
Maire de Moundou
|
Moundou le 13-
11-2021
|
13
|
Larlem Myriam
|
45 ans
|
Tchadienne
|
F
|
Commerçante
|
Douala le 31-03-2021
|
14
|
Madjasranaco
|
|
Tchadienne
|
M
|
Journaliste correspondant de RFI au Tchad
|
N'Djamena le 26-01-2022
|
15
|
Mahamat Abdelkerim
|
50ans
|
Tchadienne
|
M
|
Militaire
|
N'Djaména le 16-12-2021
|
16
|
Mariam Adoum,
|
34 ans
|
Tchadienne
|
F
|
Secrétaire adjointe à l'ONACVG
|
N'Djamena le 17-12-2021
|
17
|
Mbaidéné Nadine
|
41ans
|
Tchadienne
|
F
|
Psychologue
|
Moundou le 09-11-2021 à Moundou
|
18
|
Mbainarem Gédéon
|
52 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Guide touristique
|
N'Djamena le 2211-2021.
|
19
|
Mbaindighui Narcisse
|
51ans
|
Tchadienne
|
m
|
Cultivateur
|
Moundou le 06-
12-2021.
|
20
|
Moise Dasbene
|
33ans
|
Tchadienne
|
M
|
Journaliste indépendant
|
N'Djaména le 2501-2022
|
21
|
Ndjock Isidore Pascal Nyobe.
|
|
Camerounais e
|
M
|
Enseignant chercheur à l'Université de Douala
|
Douala le 12-05-2022
|
22
|
Nguemadji Dabot,
|
67 ans
|
Tchadienne
|
M
|
Chef de l'antenne du foyer des Anciens combattants de
N'Djaména
|
N'Ndjamena le
04-02-2022.
|
23
|
Nepidimbaye Geneviève.
|
39 ans
|
Tchadienne
|
F
|
Sage-Femme
|
Moundou, le 03-
02-2022.
|
24
|
Nerade Giscard
|
|
Tchadienne
|
M
|
Anthropologue
|
Moundou le 18-
10-2021
|
25
|
Tchang Bouimon
|
31ans
|
Tchadienne
|
M
|
Militaire
|
N'Djaména le 17-12-202
|
26
|
Ursule Touroukounda
|
53 ans
|
Tchadienne
|
F
|
Politicienne
|
Moundou, le 21-12-2021
|
123
II- LES SOURCES SECONDAIRES
A- Les ouvrages
Anceau Eric, 2003, Introduction au XIXe siècle. Tome
I. Paris, Edition -Belin. Aymerich Gaudar, 1933, La conquête du
Cameroun, Paris, Payot.
Bancel Nicolas, 1995, Images et colonies, Iconographie et
propagandes coloniale sur l'Afrique française de 1880 à
1962, Paris, BDIC.
Beaufre Albert, 1963, Introduction à la
stratégie, Paris, Editeur Pluriel.
Boisson Jacques, 1966, Histoire du Tchad et de
Fort-Archambault, Paris, Scorpion. Brahim Seid, Joseph, 1962, Au Tchad
sous les étoiles, Paris, Présence Africaine. Braillard
Pierre, 1977, Théories des Relations Internationales, Paris,
Presse Universitaire
de France.
Brushing Jacques, 1989, La mission Fourreau Lamy et
l'arrivée des français au Tchad, 1898-1900, Paris,
l'Harmattan,
Cantounet, Jean, 2001, L'axe de ravitaillement du Tchad entre
1900 à 1905.Route de vie-route de mort, Paris, l'Harmattan.
Copans Jean, 1996, Introduction à l`ethnologie et
à l`anthropologie, Paris, Nathan. Crépin Armand, 1998,
La Conscription en débat ou le triple apprentissage de la nation, de
la citoyenneté, de la République : 1789-1889, Arras, Artois
Presses Université.
Debos Marielle, 2003. Le métier des armes au Tchad. Le
Gouvernement de l'entre deux guerre. Paris, Karthala.
Deville, 1898, Partage de l'Afrique, exploration,
colonisation et état politique, Paris, Librairie africaine et
coloniale.
Dybowski Jean, 1893, La grande route du Tchad, du Loango au
Chari, Paris, Librairie du Firmin-Didot.
Eyelom Franklin, L'impact de la Première Guerre
mondiale au Cameroun, Paris, l'Harmattan.
Ferrandi Jean, 1920, La Conquête du Nord-Cameroun.
Paris, Charles Lavauzelle. Fremeaux Jacques, 1991, La France et l'Islam
depuis 1789, Paris, l'Harmattan.
Friteaux Jacques, 2006, Les colonies dans la Grande Guerre.
Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer, Paris,
Soteca-Edition.
Gentille Emile, 1901, La chute de Rabat, le tour du
monde, Paris, Hachette.
Gourou, 1944, Zinder Tchad souvenir d'un africain,
Paris, Plon.
124
Haris Harry, 1891, A la conquête du Tchad,
Paris, Librairie Hachette.
Ki-Zerbo Joseph, 1972, Histoire de l'Afrique noire d'hier
à demain, Paris, Hatier. Largeau Charles, 1912, La situation du
territoire militaire du Tchad au début de 1912, Paris,
Comité de l'Afrique française.
Lenfant Charles, 1905, La grande route de Tchad : mission
de société de géographie, Paris, Hachette.
Mangin Charles, 1910, La Force Noire, Paris,
Bibliothèque Hachette.
Martin Gustave, 1921, L'existence au Cameroun ;
étude sociales, études médicales, études
d'hygiène et de prophylaxie, Paris, Emile Larousse.
Michel Marc, 2003, L'appel à
l'Afrique.1914-1918. Paris, Karthala.
Moliner Pierre, 1996, Images et représentations
sociales : de la théorie des représentations à
l'étude des images sociale, Grenoble, PUG.
Mveng Engelberg, 1987, Histoire du Cameroun. Tome II.
Yaoundé, Clé.
Ngoh Victor Julius, 1990, Cameroun : cents ans
d'Histoire, Yaoundé, Ceper.
Owona Adalbert, 1996, La naissance du Cameroun,
Paris, l'Harmattan.
Sédar Senghor Léopold, 1948, Hostie
noire, Poème liminaire. Paris, Editions Le Seuil. Sow Abdou 2017,
Les tirailleurs sénégalais se racontent, Paris,
l'Harmattan. Tchumtchoua Emmanuel, Dikoume Albert François, Nzogue
Jean-Baptiste, 2019,
Douala et le Cameroun dans la grande guerre, Histoire,
mémoire et héritages, Yaoundé, Clé.
UNESCO, Histoire générale de l'Afrique : L'Afrique
sous domination coloniale .Tome
VII, Paris, Unesco.
B-Thèses et Mémoires
1-Thèses
Abdoulaye Aziz Yaouba, « Les relations
transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20e siècle
», Thèse de Doctorat Phd en Histoire des Relations Internationales,
Université
de N'Gaoundéré.
Bejin Favre Johanne, 2008, «
Insécurité, une interprétation environnementale de
la
violence au Ouaddaï (Tchad oriental),
thèse de doctorat de Géographie, Université Paris 1,
Panthéon Sorbonne.
Dangbet Zakinet, 2015, « Des transhumants entre alliances
et conflits, les arabes du Batha (Tchad) 1965 - 2012 »,
thèse de Doctorat en Histoire économique, Aix Marseille
Université.
125
Djomniyo Kantiebo, 2004, « Musiques,
corps et objets dans les rites et dans les danses des Sara du sud Tchad »,
thèse de Doctorat Phd en Histoire économique et sociale,
Université de Strasbourg.
Douffet Louis, « Le souvenir s'en va-t'en guerre :
mémoires et représentations sociales du soldat de 14-18 »,
thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université de Lyon,
2021.
Goni Ousmane, 2010, « Le commerce extérieur du
Tchad de 1900 à 1960 », thèse de Doctorat Phd en Histoire
économique et Social, Université de Strasbourg.
Guyon Anthony, 2017, « De l'indigène au tirailleur
sénégalais : Approche anthropologique et prosopographique »,
thèse de Doctorat en Histoire militaire, Université Paul
Valéry Montpellier.
Kassambara Abakar, 2010, « La situation économique
et sociale du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de Doctorat en
Histoire économique, Université de Strasbourg.
Kouffan Jean, 1996, « Les relations entre le Kamerun
et l'AEF : Chronique d'une annexion avortée : 1916-192 »,
thèse de Doctorat en Histoire, Université de Strasbourg.
Ngaré Ahmed, 2012, « Histoire structurale du
royaume du Baguirmi. Des origines à l'occupation coloniale :
XVIe-Début XXe siècle », thèse de Doctorat en
Histoire, Université Paul Valéry- Montpellier.
Palmieri Tommaso, 2015, « Etude comparative de
l'administration militaire de l'Italie et de la France au Fezzan libyen. Un cas
de modèle coloniale en continuité (1930-1951), Thèse de
Doctorat en Histoire.
2-Mémoires
Kimitene E., 2008, « Stratégies paysannes en zones
cotonnières du Tchad. Discours et représentations actions des
habitants de Komé à Doba », mémoire de Master 2 en
Histoire économique, Université de Rouen.
Mahamat Assileck, 2012, « L'évolution des
frontières du Tchad », maitrise en Histoire des Relations
Internationales, Université de N'Gaoundéré.
C-Articles et périodiques
Adoum, Mahamat, 2002, « Abécher 1917 : chronique
d'un massacre au coupe-coupe », N'Djamena, Edition Al Mouna.
Almeida Topor Heida, 1973, « Les populations
dahoméennes et le recrutement militaire pendant la Première
Guerre mondiale », in Revue d'histoire d'Outre-Mer, n°36.
126
Grannet Anne Marie, 1995, « L'historien et le photographe
», in Le monde alpin et rhodanien, 2e et 3e
trimestre.
Lanne, Bernard, 1992, « Le Tchad allemand », In,
Tchad et culture, n°129.
Sautter Gilles, 1959, « Les liaisons entre le Tchad et la
mer : essai d'analyse géographique d'une situation concurrence dans le
domaine des transports », In Bulletin de l'Association des
géographes français N°286 -28.
Sturzinger Ulrich, 1983, Tchad : mise en valeur, « coton
et développement », Tiers monde, n°95,
Juillet-Septembre.
D- Dictionnaires et ouvrages de méthodologie
Baud Michel, 1985, L'art de la thèse,
Paris, La Découverte.
Febvre Lucien, 1992, Combats pour l'histoire, Paris,
Armand Colin.
Monica Barsi, Jean-Claude Boulanger, Yves Garnier, 2019,
Le Dictionnaire Larousse 2020, Montréal, PUM.
Paul Robert, Josette Rey-Debove, Alina Reyes, 2013, Le
Petit Robert 2014, Paris, Editions Bimedia.
E-Les sources électroniques
Anonyme, 1918, Méthode d'enseignement du
français tel que le parlent les Sénégalais, Librairie
militaire Louis Fournier.
Braillard, Benjamin « Les troupes coloniales pendant la
Première Guerre mondiale », Film documentaire produit par le
CNC.
Champeaux, Antoine, « Le patrimoine de tradition des
troupes indigènes », Open Edition,
2013.
Deringil S., 1990, « Les ottomans et le partage de
l'Afrique, 1880-1900 », In, S. Deringil et Sinan Kunderalp (Dir),
Studies on Ottoman Diplomatic History, V, stanbul V.
Duchenne, Armand, 1899, « La France au Tchad »,
Question diplomatique et coloniale, Tome VIII, Troisième
année.
Durkheim Emile, 1898, « Représentations
individuelles et représentations collectives » In, Revue de
Métaphysique et de morale, 6, 273-302.
Éboulé Christian, TV5 Monde. In, Le Journal
de l`Afrique. La Chronique Histoire sur les tirailleurs
sénégalais. 14- Novembre 2017
127
Ferrandi Jean, Perpignant, Henry, « Turcs et Senoussistes
au Fezzan », In Bulletin du comité de l'Afrique
Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930- Novembre 1935.
Ferry Jules, « Les fondements de la politique coloniale
du 28 juillet 1885 », In le Journal officiel de la République
française. Débats parlementaires. Chambre des
députés.
Harweg Raoul, 1942, « Les squelettes humains anciens du
village de Sao », in Journal de la Société des
Africanistes, tome 12.
Jaulin R., 2011, « La mort Sara, l'ombre de la vie ou la
pensée de la mort au Tchad », Paris, Edition CNRS, in Cahiers
d'études africaines.
Laloui Medhi, 1998, « Les Poilus d`ailleurs ». Film
documentaire,
https://www.cinemeteque.com.
Consulte le 18-Avril 2021.
Maistre Claude, « La mission Maistre, Bulletin de
l'Afrique Française », n°6-1889. Maoundonoudji Gilbert,
2013, « L'intervention militaire tchadienne au Mali : enjeux et limites
d'une volonté de puissance régionale », in Open Edition
Science Po.
Mwekassa Zack, 2020, « Les tirailleurs
sénégalais », Film documentaire.
Ndiaye Pape, 2008, « Les soldats noirs de la
République », L'Histoire, n°337, décembre
2008.
Nora Lafi, 2015, « L'Empire ottoman en Afrique :
perspectives d'histoire critique », Cahiers d'histoire. Revue
d'histoire critique, 128.
Porte Rémy, « La défense des colonies
allemandes avant 1914 entre mythe et réalité ». In,
Revue historique des Armées.
Prost Antoine, 1977, « Les anciens combattants et la
société française (1914-1939), Paris, Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques.
Rivart Anthony, 2019, « A Plombières,
Napoléon III crée l'unité française des tirailleurs
sénégalais », In,
https://www.vosgesmatin.fr.
Seignobos Charles, 1978, « Les systèmes de
défense végétaux précoloniaux ; Paysages de parcs
et civilisations agraires (Tchad et Nord-Cameroun) », In Annales de
l'Université du Tchad, N'Djaména, Série Lettres, Langues
Vivantes et Sciences Humaines, numéro spécial.
Van Den Avenne, 2005, « Bambara et
français-tirailleur. Une analyse de la politique linguistique
de l'armée coloniale française : la Grande Guerre et après
», in, Documents pour l'histoire du français langue
étrangère ou seconde, SIHFLES, Décembre
2005, no 35.
Zang Zang Paul, 2010, « La dégermanisation du
Cameroun », In, Revue électronique de Science du Langage,
n°14 Décembre 2010.
128
ANNEXES
129
Annexe 1: Rappel du 160e anniversaire de la
création du corps des tirailleurs sénégalais par
Napoléon III dans la Revue Plombières-Les-Bains.
Source : Archives du CEFOD, la Revue
Plombières-Les-Bains.
130
Annexe 2: Brochure d'engagement et de
rengagement des soldats métropolitains dans les troupes coloniales.
Source : CEFOD, Fond Dalmais, Journal
Officiel de la République Française, Brochure d'engagement et de
rengagement des soldats métropolitains dans les troupes coloniales.
131
Annexe 3: Extrait du français enseigné
aux tirailleurs sénégalais
Source : SHY, Anonyme, 1918,
Méthode d'enseignement du français tel que le parlent les
Sénégalais, Librairie militaire Louis Fournier.
132
Annexe 4: Les conditions d'engagement et de
réengagement des métropolitains au sein des troupes coloniales
Source : ANT,JO-AEF, Les engagements et
réengagements des soldats métropolitains au sein des troupes
coloniales.
133
Annexe 5: Décret du Commandant du
territoire militaire du Tchad relatif à l'affectation du Sultan Mohamed
Acyl.
Source : ANT, décision n°37
relatif à l'affectation du Sultan Acyl par le commandant du TMT Victor
Emmanuel Largeau.
134
Annexe 6: Bulletin d'examen de perfectionnement des
tirailleurs sénégalais
Source : SHD, Renseignements et
compte rendu de la situation politique et militaire du territoire militaire
du Tchad. GR 6H137.
135
Annexe 7: Les Sanctions disciplinaires liées
à l'ivrognerie des tirailleurs sénégalais
Source : SHY, Correspondance du Ministère
de la guerre, Les Sanctions disciplinaires liées à l'ivrognerie
des tirailleurs sénégalais
Annexe 8: Le tirailleur « tchadien » Karim
Nadji
136
Source : (c) 2021, Djeguemde
Samuel.
137
Annexe 9: Rapport de l'étude de cas des
tirailleurs sénégalais de la période 1935-1939
Source : SHY, Rapport de l'étude de cas
des tirailleurs sénégalais de la période 1935-1939.
138
Annexe 10: Affiche de propagande de recrutement
pour Européens au sein de l'armée coloniale
Source : JORF, Affiche de propagande de
recrutement pour européens au sein de l'armée coloniale.
139
Annexe 11: Rapport du médecin
commandant le TMT des sénégalais du RTS-T rapatriés au
Tchad en 1918.
Source : ANT, JO-AEF. Rapport du
médecin commandant le TMT des sénégalais du RTS-T
rapatriés au Tchad en 1918.
140
Annexe 12: Présentation de l'origine
militaire du RMT lors du colloque militaire de Strasbourg en 2014.
141
Annexe 13: Hôpital pour militaire
européens dans la ville de Douala en 1916.
Source : (c),
https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun
142
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE i
REMERCIEMENTS iii
SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES v
LISTE DES GRAPHIQUES vi
LISTE DES TABLEAUX vii
LISTE DES PHOTOS viii
LISTE DES ANNEXES ix
RÉSUMÉ x
ABSTRACT xi
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
CHAPITRE I : LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD ET LES
FONDEMENTS DE LA
MISE EN PLACE DU RTS-T. (1889-1910) 25
I- LA GENESE ET LES MOBILES DE LA PRESENCE FRANCAISE SUR
LE
TERRITOIRE DU TCHAD. 27
A- Missions exploratrices et premiers contacts de la France avec
le territoire du Tchad 27
B- Les enjeux de l'occupation et de l'expansion coloniale
française au Tchad 28
1- Les aspirations politiques. 28
2- Les raisons d'ordre lucratives : entre marasme
économique et nécessité d'expansion 29
C- Les motivations stratégiques 32
II- LES FONDEMENTS DE LA MISE EN PLACE DU RTS-T 33
A- Les facteurs endogènes de la constitution du RTS-T
34
1- Le legs patrimonial des Sao et les rites initiatiques 34
a- L'héritage Sao 34
b- La culture comme vecteur d'exaltation : l'exemple du
Yo-ndo 36
2- Les grands royaumes précoloniaux : l'exemple du Royaume
du Baguirmi 37
143
3- Les menaces Ottomane et sénousite au Nord du territoire
(BET) 39
B- Les facteurs exogènes de la création du RTS-T
40
1- Le plan Mangin 41
2- La matérialisation de l'idée de création
du RTS-T 42
CHAPITRE II : STRUCTURATION ET TRAITEMENT DU REGIMENT
DES
TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T). 1910-1914 46
I- LA COMPOSITION DES EFFECTIFS DU RTS-T 47
A- Les modes de recrutements au sein du RTS-T 47
B-Chez les métropolitains 52
II- LA GESTION DES EFFECTIFS DU RTS-T 53
A- La question des pécules au sein du RTS-T 54
1-Les indemnisations du RTS-T au sein du territoire 54
2-Les pécules pour déplacés hors du
territoire 55
B-Le traitement des effectifs RTS-T 56
1-L'instruction des tirailleurs sénégalais 57
a- L'instruction militaire 57
b- Les langues comme moyen d'instruction 58 2-
L'équipement du RTS-T, son mode de déplacement et sa prise en
charge sanitaire 61
a. L'équipement du RTS-T 61
b-Le portage : un élément moteur du RTS-T 64
c- La prise en charge sanitaire du RTS-T. 68 CHAPITRE III :
LA CAMPAGNE DU RTS-T AU KAMERUN PENDANT LA PREMIERE
GUERRE MONDIALE. 1914-1918. 75
I- LA PREMIERE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T AU KAMERUN :
Août
1914- Juin 1915 77
A- Les premiers déploiements du RTS-T à
l'extrême Nord: Août-Septembre 1914 80
B-Le second déploiement du RTS-T au Nord (Garoua,
N'Gaoundéré) 83
II- LA SECONDE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T : Août 1915-
Mars 1918 85
144
A- La marche du RTS-T vers le Sud du territoire 85
B-Repenser la posture du RTS-T face aux enjeux
d'après-guerre. 1916-1919 89
1-La reconversion du RTS - T 89
2-Les principes de la démobilisation du RTS-T du Cameroun
94
CHAPITRE IV : LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA
GRANDE GUERRE AU KAMERUN ET PLAIDOYER POUR LA
PATRIMONIALISATION DE CE REGIMENT 96
I- LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA GRANDE
GUERRE AU KAMERUN ENTRE 1914 ET 1918 97
A-Les répercussions sur le plan politique 97
1-Le passage d'une gestion militaire à une administration
civile du Tchad 98
2-Unification et modification des frontières à
travers la restitution du bec de canard au
Tchad en 1919 100
B-La « mise en valeur » du territoire du Tchad 103
1-Le développement d'une monoculture de rente : le Coton
premier levier de l'économie
du Tchad en 1920 103
2-Une économie tournée vers l'extérieur :
le rôle de la transéquatoriale 104
II- PLAIDOYER POUR LA PATRIMONIALISATION DU RTS-T
106 A-Déconstruire l'image du tirailleur sénégalais
dans la mémoire collective des peuples
106
1-De la représentation polymorphe à l'image du
tirailleur sénégalais du Tchad 107
2-Construire l'identité du tirailleur « tchadien
» de 14-18 110
B-Plaidoyer pour une valorisation patrimoniale du RTS-T 111
1-Réhabiliter les Foyers des Anciens combattants 111
2-Créer un Musée militaire 113
CONCLUSION GÉNÉRALE 116
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 119
ANNEXES 128
145
TABLE DES MATIÈRES 142
|