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Le régiment des tirailleurs sénégalais du tchad (RTS-T) et la consolidation de l'empire colonial francais: de sa création et de son déploiement au Kamerun entre 1910-1918


par Samuel Djeguemde
Université de Douala - Master 2021
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE DOUALA

THE UNIVERSITY OF DOUALA

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES

HUMAINES

FACULTY OF LETTERS AND SOCIAL SCIENCES

*******

ECOLE DOCTORALE

PHILOSOPHIE, SCIENCES HUMAINES ET SCIENCES SOCIALES

********************

UNITE DE FORMATION DOCTORALE : SCIENCES HUMAINES,
LITTERATURE ET COMMUNICATION

********************

LABORATOIRE DE RECHERCHE :HISTOIRE ET SCIENCE DU PATRIMOINE

LE REGIMENT DES TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T) ET LA CONSOLIDATION DE L'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS : de sa création et de son déploiement au Kamerun entre 1910 et 1918

Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme de Master en Histoire Spécialité : Histoire Politique, Etat et Relations Internationales

Rédigé Par :
Samuel DJEGUEMDE
Matricule : 17L93639

Licencié en Histoire

Sous la direction de
SOULEYMANOU Amadou

Chargé de cours

Année académique 2021-2022

i

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS iii

SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES v

LISTE DES GRAPHIQUES vi

LISTE DES TABLEAUX vii

LISTE DES PHOTOS viii

LISTE DES ANNEXES ix

RÉSUMÉ x

ABSTRACT xi

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

CHAPITRE I : LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD ET LES FONDEMENTS DE LA

MISE EN PLACE DU RTS-T. (1889-1910) 25

CHAPITRE II : STRUCTURATION ET TRAITEMENT DU REGIMENT DES

TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T) (1910-1914) 46

CHAPITRE III : LA CAMPAGNE DU RTS-T AU KAMERUN PENDANT LA PREMIERE

GUERRE MONDIALE (1914-1918) 75

CHAPITRE IV : LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA GRANDE GUERRE AU KAMERUN ET PLAIDOYER POUR LA

PATRIMONIALISATION DE CE REGIMENT 96

CONCLUSION GÉNÉRALE 116

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 119

ANNEXES 128

TABLE DES MATIÈRES 142

ii

A

Ma tante Rolel Omega ;

Mon frère ainé Sanguem Bertrand ;

Et à

Mon ami Ali Dandjar Koibé

« Car, l'amour est plus fort que la mort ».

iii

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce Mémoire a été une entreprise qui n'aurait pas pu voir le jour, sans le soutien scientifique, financier et moral de diverses personnes physiques et morales.

De ce fait, mes remerciements s'adressent tout particulièrement au Dr Souleymanou Amadou qui a dirigé ce travail. Sa rigueur scientifique, ses conseils et sa disponibilité sont autant de facteurs qui ont conduit à l'épilogue de cette recherche. Qu'il trouve au terme de ce Mémoire ma profonde gratitude pour tout ce qu'il m'a apporté tant sur le plan intellectuel que humain.

Au Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines (FLSH) de l'Université de Douala le Pr Kwang Kwang Robert et à tout le corps enseignant du Département d'Histoire qui a contribué à notre formation. Je pense notamment aux Professeurs Tchumtchoua Emmanuel, Ndjock Isidore Pascale Nyobe, Messina Mvogo Ernest, Ngo Nlend Nadeige Laure, Nzogue Jean-Baptiste, Melingui Ayissi Norbert, Batenguené Raphael et aux Docteurs Zoa Yves Ateba, Onana Ngah Ferdinand, Oumarou Gnebora, Abissi Rose, Njoumou Yonkeu Arlette, Mpacké Paul et à tous ces enseignants que nous n'avons pas mentionnés.

Aux responsables des Archives National du Tchad (ANT) et du Centre de Formation pour le Développement (CEFOD), particulièrement à Mahamat Dagal et Nekarmbaye Rosine qui ont mis à notre disposition des documents de première main. Nous tenons également à remercier notre ami Ngandjui René Stéphane qui, depuis Paris nous a fait parvenir des Archives du Service Historique de Vincennes (SHV). Merci également au Secrétaire Générale de l'Office Nationale des Anciens Combattants et victime de guerre (ONACVG) de N'Djaména en la personne de Ahmat Hassan. Un grand merci aux Anciens combattants, militaires et à toutes les personnes ressources que nous avons eu l'honneur de rencontrer à la maison des Anciens Combattants de Moundou et de N'Djaména. Nos nombreux entretiens ont permis à la réflexion portant sur ce travail de grandir.

À ma famille, qu'elle puisse trouver au terme de ce travail une réponse à sa fameuse question « Quand est-ce que tu finis ton école ? » Sa patience et ses encouragements multiformes dont nous avons bénéficié mérite toute reconnaissance. Toutefois, c'est aussi l'occasion de leur rappeler qu'il y'a encore du chemin à parcourir. Ainsi, que mes parents Dionyo Jean et Nemadjileyo Virginie, mon oncle Gademian Severin, mes frères Dionlar Hector, Naibé Albert, et mes soeurs Ndonoudji Sylvie et Dénékoudou Denise soient gratifiés. Nous

tenons aussi à remercier notre cousin Massede Ernest qui nous a offert toute l'hospitalité possible durant nos investigations à N'Djaména entre Novembre et Décembre 2021.

À la communauté des Frères du Sacré coeur qui, nous a ouvert les portes de leur congrégation et mis à notre disposition un cadre de travail aussi bien au Cameroun qu'au Tchad. De ce fait, que les frères Yoramngone Christophe, Allarabeye Bertrand, Fara Patai, Guikedamsi Noel, Mbaigolmen Laurent, Tatoloum Honde Francis, Bérangare Grégoire, Adoue Stéphane et Riopel Marcel trouvent en ce travail nos sincères remerciements.

A l'Association des Jeunes Dynamiques de Douala (AJD) qui s'est avérée être une seconde famille. Merci à ses membres pour nos innombrables moments de partage, de fraternité mais surtout d'apprentissage.

Nous ne saurions clore nos obligeances sans remercier nos amis et camarades du Département d'Histoire de l'Université de Douala. Je pense notamment à Ngnonang Bamen Fortune Gaëlla, Djomo Nana Merveille, Apôtres Paltangou, Mbaillassem Valéry, Ndaranel Olivier, Baounga Boum Parfait, Bayi Joseph, Nnanga Agnès Rosie, Mekeu Saurele Laure, Mou'awia Salahoudine, Mbaihamdingui Bruno, Nguetchuée Siémeni Michèle, Bessong Léonie Ghislaine, Beledeoudje Victor, Moussinga Alex, Maguy Mbolo Margueritte, Soppo Priso, Yodja Borice, Kampoer Vanilla, Ndikwé David et enfin merci à Némadjilem Arline qui, sait tout ce que je lui dois, sans elle ce mémoire n'aurait jamais peut être pu être écrit. Il est un peu le sien, aussi.

iv

Sans vous tous, il aurait été difficile d'y parvenir. Merci une fois de plus.

v

SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES

AEF : Afrique Equatoriale Française

ANT : Archives Nationales du Tchad

AOF : Afrique Occidentale Française

BC : Bataillon du Chari

BNT : Bibliothèque Nationale du Tchad

CAC : Comité de l'Afrique Coloniale

CEFOD : Centre de Formation pour le Développement

CFA : Communauté Financière Africaine

DGM : Deuxième Guerre Mondiale

FCFA : Franc de la Colonisation Française Africaine

FFB : Force Franco-Britannique

FLSH : Faculté des Lettres et Sciences Humaines

JO : Journal Officiel

JORF : Journal Officiel de la République Française

MNT : Musée National du Tchad

ONACVG : Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre

PGM : Première Guerre Mondiale

PPT : Pays et Protectorat du Tchad

RAC : Régiment d'artillerie coloniale

RMT : Régiment de Marche du Tchad

RTS-T : Régiment des Tirailleurs Sénégalais du Tchad

SDN : Société des Nations

SHD : Service Historique de la Défense

SPA : Section photographique de l'armée

TMT : Territoire Militaire du Tchad

TOE : Théâtre d'Opération Extérieure

vi

LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique 1: Budgets locaux de l'AEF de 1910-1912 31

Graphique 2: Hiérarchisation du RTS-T déployé au Kamerun entre 1914 et 1918 87

vii

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Chant de guerre en Barma 38

Tableau 2: Les instructions militaires enseignées aux tirailleurs sénégalais 60

Tableau 3: Les porteurs alloués aux officiers métropolitains et aux tirailleurs du Tchad 65

Tableau 4: Listes des postes militaires en AEF entre 1910 et 1919 70

Tableau 5: Les différents centres de santé sur le territoire du Tchad de 1902 à 1918. 71

Tableau 6: Les différentes compagnies du RTS-T déployées à l'Extrême-Nord Kamerun entre

Aout-Septembre 1914 82

Tableau 7: Liste des militaires ayant servis au Tchad entre 1900 et 1920 99

viii

LISTE DES PHOTOS

Photo 1: Couverture de la Bande dessinée les Sao de Adji Moussa 36

Photo 2: La caserne principale du RTS-T à Fort-Lamy 43

Photo 3: L'insigne du Régiment des Tirailleurs Sénégalais Tchad (RTS-T) 44

Photo 4: L'uniforme des tirailleurs sénégalais 62

Photo 5: Le fusil à Baïonnette Rosalie utilisé par le RTS-T 63

Photo 6: Le coupe-coupe des tirailleurs sénégalais 63

Photo 7: Porteurs de la tribu Sara 67

Photo 8: Une opération médicale sur un tirailleur sénégalais 72

Photo 9: Stationnement des protagonistes à la veille de la PGM au Kamerun 79

Photo 10: Les différentes voies de déploiement du RTS-T et des alliés lors de la PGM au

Kamerun 88
Photo 11: Des tirailleurs sénégalais et des porteurs assurant le transport du Gouverneur français

Lucien Fourreau le 28 Juin 1918. 91

Photo 12: L'Hôtel de France de Douala sécurisée par les tirailleurs sénégalais 92

Photo 13: Patrouille des tirailleurs sénégalais dans la ville de Yaoundé en 1917 93

Photo 14: Carte du territoire du Tchad après 1920 102

Photo 15: Représentation du tirailleur sénégalais de 14-18 en France 109

Photo 16: Commémoration du centenaire de la PGM au cimetière français de N'Djaména en

2014 112

ix

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1: Rappel du 160e anniversaire de la création du corps des tirailleurs sénégalais par

Napoléon III dans la Revue Plombières-Les-Bains. 129
Annexe 2: Brochure d'engagement et de rengagement des soldats métropolitains dans les

troupes coloniales. 130

Annexe 3: Extrait du français enseigné aux tirailleurs sénégalais 131

Annexe 4: Les conditions d'engagement et de réengagement des métropolitains au sein des

troupes coloniales 132
Annexe 5: Décret du Commandant du territoire militaire du Tchad relatif à l'affectation du

Sultan Mohamed Acyl. 133

Annexe 6: Bulletin d'examen de perfectionnement des tirailleurs sénégalais 134

Annexe 7: Les Sanctions disciplinaires liées à l'ivrognerie des tirailleurs sénégalais 135

Annexe 8: Le tirailleur « tchadien » Karim Nadji 136

Annexe 9: Rapport de l'étude de cas des tirailleurs sénégalais de la période 1935-1939 137

Annexe 10: Affiche de propagande de recrutement pour Européens au sein de l'armée coloniale

138
Annexe 11: Rapport du médecin commandant le TMT des sénégalais du RTS-T rapatriés au

Tchad en 1918. 139
Annexe 12: Présentation de l'origine militaire du RMT lors du colloque militaire de Strasbourg

en 2014. 140

Annexe 13: Hôpital pour militaire européens dans la ville de Douala en 1916. 141

x

RÉSUMÉ

La présente étude aborde la question de la création du régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) et de sa mise à contribution dans le processus de consolidation de l'Empire colonial français. Elle met en lumière les origines et les mobiles de l'implantation de la France sur le territoire du Tchad, de la création du RTS-T et de son déploiement au Kamerun sur une période allant de 1910 à 1918. Ce travail scrute par ailleurs, les différents mécanismes qui ont permis à la France de mettre en place une armée d'infanterie coloniale vouée à la défense mais aussi à l'extension de son domaine colonial. Elle s'inscrit dans un contexte de velléités expansionniste, dont la mise en place du RTS-T et son usage fut une occasion idoine pour la France de se positionner comme une grande puissance conquérante disposant d'un réservoir d'hommes de grande envergure. Toutefois, ayant eu recours à une démarche transdisciplinaire, ce travail allie à la fois une démarche analytique, descriptive et déductive afin de donner une orientation nouvelle à ce sujet qui, a déjà attiré l'attention des chercheurs. Toutefois, la mise en évidence de notre problématique tient compte du contexte de tension de l'époque et entend inscrire ce travail dans l'historiographie de l'Histoire militaire du Tchad longtemps minorée. Il importe enfin de préciser que, ce mémoire entend mettre à jour un ensemble d'éléments susceptibles de renchérir la connaissance du RTS-T et les objectifs de sa création.

Mots clés : Régiment, Tirailleur sénégalais, Empire colonial, Première Guerre mondiale, Tchad, Kamerun.

xi

ABSTRACT

The present approach studies the question of Senegalese Regiment Tugger of Chad (RTS-T) and it's contribution to the consolidation process of the French colonial empire. It also put into light the origins and motives of France implementation in the Chad territory, the creation of (RTS-T) and it's deployment in Kamerun by 1910 to 1918. In another way, it's to examine the different mechanisms who permitted France to put in place a devoted infantry colonial army at the defence but also it's extension of its colonial sphere thus the Big War in Kamerun was a catalyst. Meanwhile, this study inscribes in the expansionist intention, hence the installment of RTS-T and his usage was an adequate occasion for France to subscribe like a big conqueror power having a span man power reserve. Although having had to appeal with a transdisciplinary measures, this work allie's other analytics measures, descriptive and deductive so as to give a new orientation to this topic who had once gotten the attention of researchers. Again, the evidence to our problematic takes into consideration the tension contexts of the era and having subscribe this work in the historiography of Chad military history longtime minor. It's important to precise that, this work is to bring out touchy elements to enrich the RTS-T knowledge and the objectives of it's creation.

Keywords: Regiment, Senegalese Rifleman, Colonial Empire, First World War, Chad, Kamerun.

1

INTRODUCTION GÉNÉRALE

2

1-Presentation du sujet

Le but de ce travail est de mettre en évidence la dynamique autour de la constitution et du déploiement du régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) au Kamerun1 dans le but de consolider le domaine colonial français entre 1910 et 1918. Autrement dit, il s'agit de scruter pourquoi et comment la France a levé, instruit, puis déployé le RTS-T sur ce qui fut jadis le protectorat allemand au Kamerun.

Cette thématique est en fait le résultat d'une maturation d'idées qui entend questionner la genèse des activités qui alimentent les débats au Tchad : celles des multiples interventions militaires « tchadiennes » aux côtés de la France dans le cadre des opérations dit de « stabilisations » en Afrique2. C'est effectivement en questionnant ces faits d'armes récents qui, contrastent par ailleurs avec la situation économique précaire de ce pays que, nous sommes parvenus à élaborer ce sujet qui s'inscrit dans le champ de l'Histoire militaire.

Partant de là, il y'a matière à constater que, la présence de la France au Centre de l'Afrique remonte à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXème siècle dans le cadre de l'expansion coloniale. Mais, celle-ci a dû faire face aux royaumes et empires centre africains voire, aux autres puissances européennes afin d'étendre son domaine coloniale3. C'est dans cette mouvance qu'une fois l'entame de la « pacification » du Sud et du Centre du territoire du Tchad amorcée en 1889, l'administration coloniale française se mis alors à échafauder d'ambitieux projets d'implantations et d'extensions dont la constitution des forces supplétives locales était l'une des trames4.

Nonobstant ce constat, force est de remarquer que, les velléités expansionnistes ont été des éléments catalyseurs de la mise en place du RTS-T. Cette constitution d'une troupe d'infanterie coloniale revêtait un double rôle à savoir : assurer d'une part la sécurité interne du territoire et d'autre part doter la France d'un réservoir important de soldats susceptibles d'être déployé hors du territoire en cas de nécessité. Toutefois, on se rend compte que, le rôle joué par les Africains et/ou la population du territoire du Tchad dans ces tensions entre Européens fut souvent minoré ou alors analysé à travers des clichés qui sont devenus au fil du temps des

1 Nous employons l'appellation « Kamerun » tout au long de ce travail pour désigner le territoire sous domination allemande et Cameroun lorsqu'il passe sous contrôle franco-britannique à partir de 1916.

2 En effet, on peut dans ce cas faire mention des opérations franco-tchadiennes en 2013 au Mali dans le cadre de l'opération Serval, et celles en République Centrafricaine en 2015.

3 G. Ousmane, 2010, « Le commerce extérieur du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de Doctorat Phd en Histoire économique, Université de Strasbourg. p. 11.

4 Ce sont des arguments que soutiennent notamment Marc Michel, L'appel à l'Afrique 1914-1918, Paris, Karthala, 2003. E. Largeau, 1912, La situation du territoire militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de l'Afrique française.

3

certitudes tant pour les hommes de l'époque que pour ceux d'aujourd'hui. Or, il est intéressant de remarquer avec Jacques Frémeaux que : «les Africains sont des hommes sujets, comme tous les hommes, ayant marqué à leur façon la destinée du monde et spécialement celle de leur continent5».

Ce constat contraste par ailleurs avec la figure imagée du tirailleur sénégalais dont le rôle lors du processus de consolidation de l'empire colonial Français a longtemps été dépeint du seul point de vu occidental. En dépit de cela, il faut cependant reconnaitre que, la littérature Ouest-africaine s'était déjà pencher sur l'étude des tirailleurs sénégalais6. C'est en s'inscrivant dans cet élan que, Léopold Sédar Senghor dans un recueil de poèmes questionnait le devenir de ces derniers et leur rendait hommage en affirmant notamment que : « Qui pourra vous chantez si ce ne sont vos frères, vos frères de sang, vous tirailleurs sénégalais, mes frères à la main chaudes, couchés sous la glace de la mort7».

Ce faisant, ces propos de Senghor nous rappellent bien la tâche qui attend l'historiographie africaine de façon générale et tchadienne en particulier concernant l'étude de « ses tirailleurs ». Conséquemment à tout ceci, loin d'être exhaustive, la présente étude entend s'intéresser aux facteurs ayant conduit à la création du RTS-T, et de sa participation quant à la protection du domaine colonial français notamment lors de son déploiement sur le territoire du Kamerun et entend aussi questionner par ailleurs, la mémoire de ce régiment.

C'est fort de ce qui précède, que nous avons intitulé ce travail : « Le régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) et la consolidation de l'empire colonial français : de sa création et de son déploiement au Kamerun (1910 et 1918) ».

2-Les raisons du choix du sujet.

Lors de la constitution des empires coloniaux en Afrique par les puissances européennes entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, la mise en place puis l'utilisation des tirailleurs sénégalais par la France ont été déterminants dans la circonscription de son empire africain. Fort de ce constat, il serait question ici de mettre en lumière les motivations ayant conduit au choix de cette thématique. Elles sont à la fois objectives et subjectives.

5 J. Frémeaux, 2006, Les colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer, Paris, Soteca-Edition. p. 170.

6 Nous pouvons notamment évoquer les travaux de A. Sow, 2017, Les tirailleurs sénégalais se racontent, Paris, l'Harmattan ; L. S. Senghor, 1948, Hostie noire, Poème liminaire, Paris, Editions Le Seuil ; P. Ndiaye, 2008, « Les soldats noirs de la République », L'Histoire, n°337, décembre 2008 ; S. Sokha, 2008, Le contrôle des armes à feu en Afrique occidentale française (1834-1958), Paris, Karthala.

7 L. S. Senghor, 1948, p. 34.

4

S'agissant des motivations objectives, nous pouvons au préalable mettre en avant le besoin de nous inscrire dans la continuité des travaux de nos devanciers. En effet, s'il faille réitérer que l'utilisation des tirailleurs sénégalais par la France lui a permis de s'affirmer en Afrique, ce constat a déjà attirer l'attention des chercheurs. Mais, il faudrait également préciser qu'il y'a une rareté de documents spécifiques à l'étude du RTS-T et à sa mise à contribution dans ce sens. C'est donc ce vide historiographique spécifique au RTS-T et de son déploiement au Kamerun lors de la Première Guerre mondiale qui, a en premier motivé notre choix ;

Notre choix fut également influencé par la volonté d'appréhender à travers des mobiles, l'antériorité de la présence française sur le territoire du Tchad avant le début de la Première Guerre mondiale au Kamerun.

Enfin, la présence des casernes des Anciens Combattants datant de la période coloniale dans les villes de N'Djaména (ancien Fort-Lamy), Moundou et Sarh (ancien Fort-Archambault) sont autant de facteurs qui ont animé notre désir de connaitre l'histoire des hommes pour qui ont été construites ces casernes. In fine, la dernière motivation réside dans le fait de vouloir comprendre pourquoi le RTS-T a été le plus gros contingent des quatre régiments d'Afrique Equatoriale Française déployé lors de la PGM au Kamerun. Car, à notre sens cela ne peut pas être anodin.

Quant aux motivations d'ordre subjectives, elles découlent de trois observations que nous avons faites au Tchad et qui questionnent de près ou de loin le RTS-T.

La première motivation est la présence au Tchad de nombreuses bases militaires françaises (le plus grand nombre de toute l'Afrique Centrale) ce qui laisse très souvent entendre que, depuis la période coloniale le Tchad a servi de base arrière à l'armée française8. Ceci dit, l'une des raisons de cette recherche réside dans le fait de vouloir remonter à la genèse de cette présence militaire française au Tchad.

La seconde motivation est liée à la volonté de rendre hommage à ces anciens combattants de la guerre de « 14-18 » qui, sont à notre sens les lointains acteurs des « indépendances » africaines et tchadiennes en particulier. C'est à partir de ces constats que nous avons décidé de formuler un thème de Mémoire de Master axé sur le RTS-T dont la finalité vise à construire un discours historique cohérent tout en souhaitant apporter une contribution à

8 On peut à ce jour répertorier 9 bases militaires françaises sur l'ensemble du territoire du Tchad. Elles sont présentes dans les villes de N'Djaména, Abécher, Mongo, Adore, Wour, Mao, Ati, Am Timam, et Faya. Entretien avec Adams Oumar, Moundou le 09-11-2021.

5

l'historiographie militaire tchadienne. A présent, il est question de circonscrire l'espace d'étude et la fourchette chronologique qui encadrent ce travail.

II-LE CADRE SPATIO-TEMPOREL

Les canons méthodologiques en Histoire exigent une circonscription géographique et chronologique. Ainsi, il est question ici de déterminer dans un premier temps l'espace d'étude ensuite, fixer le temps d'étude.

1-Cadre géographique

Le cadre géographique permet à la fois de fixer les limites du territoire étudié mais aussi les enjeux qui s'y prêtent. Pour le compte de cette étude, il est question ici de circonscrire le double cadre géographique de cette recherche : dans un premier temps le territoire sur lequel a été mis en place le RTS-T, ensuite, celui de son déploiement tout ceci en tenant compte du contexte de tensions liées aux frontières.

a-Le territoire du Tchad

Il n'est pas évident de circonscrire avec exactitude le territoire du Tchad entre 1910 et 1918 du fait des mutations frontalières opérées dès 1911 et, de son extension au sortir de la Grande Guerre.

Néanmoins, localisable au coeur du continent africain, le territoire du Tchad est un espace qui a connu des mutations entre 1911 et 1918. En effet, en 1910, après onze années de colonisation française, il s'étend sur 850.000 Km2 et est divisé en 9 circonscriptions dont chacune d'elle dispose d'un contingent de militaires à la fois métropolitains et locaux9. A partir de 1911, il est amputé de toute la rive gauche du Logone au profit du Kamerun (territoire sous domination allemande) soit un peu plus de 2.900 km2 ce qui le réduit à 847.100 km2. Mais, après la PGM au Kamerun, il connait de nouveau une extension à partir de 1916 suite au départ des Allemands du Kamerun ce qui lui permet de retrouver sa superficie d'avant 1911. Cependant, il faut attendre 1919 avec le traité de Versailles pour que soit officiellement

9 C. Largeau, 1912, La situation du territoire militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de l'Afrique Française. p. 3.

6

rétrocédé les territoires autrefois englobés par ce qu'on a appelé le Neu Kamerun ou le grand Kamerun10.

Le territoire du Tchad a des frontières communes avec un certain nombre de territoires colonisés qui appartenaient aux autres puissances européennes (la Libye au Nord, territoire sous domination italienne, le Nigeria occupé par les anglais, le Kamerun sous joug allemand au Sud-Ouest, à l'Est le Soudan sous domination anglaise mais, il fait frontière également avec les autres colonies françaises à l'instar de l'Oubangui Chari et du Niger au Sud11. Cette position stratégique lui permet à la fois d'être un trait d'union entre l'Afrique du Nord, l'Afrique Occidentale et l'Afrique Equatoriale. En outre, ce territoire est divisé en 3 grandes zones qui subissent chacune des influences différentes.

Sa partie septentrionale, désertique, échappait encore au contrôle de la France du fait de la présence de la confrérie Sénousite12 et des Turcs hostiles par ailleurs à la présence française13.

Au Centre, la zone est saharienne et abrite de nombreux royaumes qui se sont mis sous protectorat français aux premières heures de la colonisation à priori pour faire face à Rabah. Ce fut notamment le cas du royaume du Baguirmi qui collabora énormément avec les Français. Cette zone du territoire reste donc en proie à de nombreuses convoitises dont la France avait du mal a totalement pacifier. Toutefois, c'est dans ce Centre que la caserne principale du RTS-T a été installée à Fort-Lamy (actuel N'Djamena) en 1910. Cet acte traduisait aussi la volonté de la France de contenir les menaces pouvant venir du Nord et du Kamerun au Sud.

Quant au Sud, c'est une zone totalement sous contrôle de la France. C'est un véritable carrefour d'ethnies couvert par les circonscriptions du Moyen Logone, du Moyen Chari et du Mayo-Kebbi14. La population de cette zone s`élèverait à 1.632.394 habitants selon son administrateur le Victor Emmanuel Largeau15. Ces arguments justifieraient la facilité avec laquelle la France leva un nombre conséquent d'Hommes pour y bâtir l'ossature du RTS-T.

10 M. Assileck., 2012, « L'évolution des frontières du Tchad », Maitrise en Histoire des Relations Internationales, Université de N'Gaoundéré, pp.62-63.

11 D. Zakinet, 2015, « Des transhumants entre alliances et conflits, les arabes du Batha (Tchad) 1965 - 2012 », thèse de Doctorat en Histoire économique, Aix Marseille Université, p. 25.

12 C'est une confrérie musulmane qui serait venue d'Orient et qui s'est installée au Sud de la Libye puis au Nord du Tchad à partir de 1880. Cette secte a lutté farouchement contre la colonisation française.

13 J. Ferrandi et H. Perpignant, « Turcs et Senoussistes au Fezzan », 1920, in Bulletin du comité de l'Afrique Equatoriale Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930- Novembre 1935. Supplément de l'Afrique Equatoriale. CEFOD, pp.7-8.

14 Il faut néanmoins rappeler qu'une partie de cette circonscription sera cédée en 1911 à l'Allemagne et par conséquent rattachée au Neu-Kamerun. Cet acte était l'une des résolutions de la crise marocaine d'Agadir en guise de compensation territoriale.

15 C. Largeau, 1912, p. 41.

7

Car, en plus du nombre, les populations du Sud du territoire sont majoritairement des cultivateurs et des pécheurs ; une catégorie de personnes prisées par les recruteurs du fait de leur morphologie imposante16.

Toute somme, le territoire du Tchad était segmenté en 3 zones et on constatait une nette différence entre les parties Nord, Centre et le Sud qui subissaient une dynamique d'influence différente. Mais, la mise en place du RTS-T fut en parti influencée par les tensions entre Européens concernant la détermination de leurs zones d'influence respective. Le territoire du Kamerun fut de ce fait un espace de grandes rivalités.

b- Le Kamerun

Le territoire du Kamerun est un espace limitrophe au Tchad dans sa partie septentrionale, dont le fruit résulte de nombreux accords entre Français et Allemands17. Il fut un enjeu d'affrontement lors de la Première Guerre mondiale entre forces alliés (France, Angleterre, Belgique) contre l'Allemagne durant une année et démi.

Pour mieux comprendre cet état de choses il est important de mettre en exergue les multiples accords qui ont conduit les puissances impérialistes, notamment la France et l'Allemagne à établir leur sphère d'influence dans cette sous-région du centre de l'Afrique.

Il s'agit notamment des accords franco-allemands du 24 Décembre 1884 et du 15 Mars 1894. Ces accords ont permis dans un premier temps de fixer les limites entre le Congo français18 et le Kamerun19.

A cet effet, ils stipulaient dans leur ensemble que le parallèle situé au Nord du 2e degré, compris entre le fleuve Congo et le 15e degré, de longitude Est de Greenwich devient la ligne de démarcation entre le Congo français et le Kamerun20.

D'autres accords sont venus parfaire ce premier traité. C'est ainsi qu'en s'inscrivant dans la continuité des accords précités, la convention franco-allemande du 18 Avril 1908 octroyait l'ensemble de l'extrémité Nord du Kamerun appelé « bec de canard » à la France.

16 Entretien avec Lamgué Bertrand, Moundou le 5-11-2021.

17 M. Assileck, 2012, « L'évolution des frontières du Tchad », Maitrise en Histoire des Relations Internationales, Université de N'Gaoundéré. pp.56-61.

18 Il s'agit ici des quatre colonies du Gabon, de l'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Tchad qui formaient le Congo français. Il est par ailleurs l'ancêtre de l'Afrique Equatoriale Française (AEF).

19 M. Assileck, 2012, p.63.

20A. Aziz Yaouba, 2015, « Les relations transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20e siècle », thèse de Doctorat Phd en Histoire, Université de N'Gaoundéré. p.121.

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In fine, le dernier accord que nous pouvons mettre en évidence est celui du 4 Novembre 1911 qui fait suite à la crise marocaine d'Agadir. Car, il est une révision apportée aux frontières du Moyen-Congo et du territoire du Kamerun. En effet, dans l'optique d'éviter un affrontement armée entre la France et l'Allemagne concernant le Maroc, des négociations s'ouvrent et conduisent à la signature du traité du 4 Novembre 1911. Celui-ci permet notamment à la France d'établir son protectorat sur le Maroc et en contrepartie ce dernier est obligé de céder à l'Allemagne une compensation territoriale dans son empire de l'AEF. C'est suite à cela que le Kamerun s'agrandit de 259.000Km2 et passe de ce fait de 480.000 Km2 à 750.000 Km221.

Autrement dit, la frontière ainsi révisée commence plus au Sud avant de se poursuivre entre le Kamerun et le Tchad. A cet effet, Adalbert Owona affirme que :

Au terme du traité, la nouvelle frontière devait partir de la baie de Mondah et se diriger à peu près en ligne droite jusqu'à Ouesso ; de là, elle devait descendre jusqu'au Congo près de Bonga, puis, après avoir longé la Sangha, remonter vers le Nord, en s'attachant au cours de Likouala aux herbes et de la Bally, emprunter , dans la direction Ouest-Est, la rive droite de la Lobaye jusqu'à son confluent dans l'Oubangui, pour remonter ensuite vers Goré et suivre le Logone jusqu'à Fort-Lamy22.

La possession allemande est délimitée au Nord avec le territoire du Tchad, à l'Est avec l'Oubangui Chari, à l'Ouest avec le Nigeria, au Sud-Ouest la Guinée espagnole (territoire neutre lors de la Grande Guerre), le Moyen Congo au Sud-Est et le Gabon au Sud. C`est donc un territoire pris en étau par les possessions de ses ennemis occidentaux qui vont l'évincer à la fin de la Première Guerre mondiale. L'ensemble de ces mobiles à la fois politiques et géographiques constituent les raisons de sa mise en évidence.

2-Cadre temporel

Ce Mémoire est encadré par une fourchette chronologique qui s'étend de 1910 à 1918.

1910, borne inférieure de cette étude, marque la date de la mise en place du RTS-T et de la création de leur caserne principale à Fort-Lamy23. Cette décision entraine l'intégration en masse des populations du Tchad dans ce régiment d'infanterie coloniale mais aussi l'engagement contractuel des militaires métropolitains. En effet, s'il est acté que dès 1857, Napoléon III décide de créer le tout premier corps de tirailleurs sénégalais dans la colonie du

21 E. Mveng, 1985, Histoire du Cameroun. Tome II, Yaoundé, Ceper, pp. 62-63.

22 A. Owona, 1996, La naissance du Cameroun, Paris, l'Harmattan, pp. 53-54.

23 Archives National du Tchad, 1910, Journal Officiel de la République Française, Quinzième coloniale n°2, Arrêté du Président Armand Fallières relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs sénégalais dans les colonies du Tchad, d'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Gabon, p. 315.

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Sénégal par le décret de Plombières (Annexe n°1), cette force supplétive s'étend ensuite au reste de l'empire colonial français au début du XXème siècle. Cette initiative est due en partie au Générale Charles Mangin qui entend constituer une armée coloniale à travers l'empire colonial français.

Ce dernier développe dans un manifeste intitulé « la Force noire », l'idée de lever une armée coloniale dans chaque territoire afin de protéger la France contre ses ennemies et de préserver sa domination dans son empire colonial. C'est suite à cela que, partout dans les colonies subsahariennes sous domination française, des régiments parmi lesquels le RTS-T sont créés après l'émanation du décret du Président français Armand Fallières datant du 10 Févier 191024. Toute somme, 1910 a été une année charnière dans la mise en place du RTS-T.

Notre étude prend fin en 1918. Le choix de cette date est lié à la démobilisation entière du RTS-T après la Première Guerre mondiale au Kamerun. Car, si la PGM s'achève au Kamerun le 20 Février 1916 avec la capitulation de Mora, le RTS-T a été maintenu sur ce territoire afin d'aider à sa « dégermanisation »25. En effet, si la Première Guerre mondiale s'achève au Kamerun après la capitulation de Mora26, seuls 3/4 du RTS-T sont démobilisés. Et, de ce fait, deux Bataillons de ce régiment sont maintenus sur ce territoire avec pour objectif de conforter la présence des nouveaux « maitres » de ce territoire afin que, la « dégermanisation » s'opère efficacement jusqu'à la fin totale de la guerre en Occident27.

Une fois le balisage de ce travail opéré, il convient à présent de procéder à une clarification des théories et des concepts utilisés dans ce travail.

III-CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

La mise en exergue des cadres conceptuels et théoriques permettent d'avoir une meilleure appréhension de la question traitée. En effet, si la clarification conceptuelle permet de donner un sens propre aux mots clés, la mise en exergue des théories quant à elles permettent d'apporter des réponses théoriques à partir des faits pratiques.

24 Archives National du Tchad, 1910, Journal Officiel de la République Française, Quinzaine coloniale n°2, Arrêté du Président Armand Fallières relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs sénégalais dans les colonies du Tchad, du Moyen Congo, d'Oubangui-Chari et du Gabon, p. 315.

25 G. Aymerich, 1920, La conquête du Cameroun, Paris, Hachette. p. 196.

26 E. Mveng, 1985, Tome II, pp. 112-114.

27 G. Aymerich, 1920, p. 198.

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1- Clarification conceptuelle

Dans le souci d`éviter toute confusion, il nous a paru important de clarifier nos termes majeurs. L'objectif étant d'éviter toute ambigüité et de marquer une démarcation par rapport aux notions voisines afin de donner à ces mots un sens précis dans le cadre de cette étude.

Régiment, étymologiquement, ce mot vient du latin regimentum qui signifie administration, puis chose administrée. Il est tiré du verbe regére qui se traduit par régir. D`après le dictionnaire Le petit Robert28, un régiment est un corps de troupes composé de plusieurs bataillons en escadrons dont le chef est un colonel.

Daniel Abwa29 affirme que, le régiment Pendant la Première Guerre mondiale s'apparente à une troupe de soldats d`infanterie ayant une mission et des objectifs à atteindre lors d`une guerre. Lors de la Grande Guerre au Kamerun, il affirme que le régiment du Tchad était constitué de 10 compagnies composées de chacune 150 Hommes minimum et dont l`objectif premier était la prise de Kousseri. Gauderique Joseph Aymerich30 lui pense que le régiment c`est un corps de soldats en grande majorité « indigènes » placé sous le Commandement d`un officier ou d`un sous-officier métropolitains.

Dans le cadre de ce travail, le régiment est appréhendé comme l'unique corps de militaire sur le territoire du Tchad. Il est constitué en grande majorité de Noirs qui sont encadrés par des instructeurs métropolitains. En outre, fort de plusieurs garnisons, chacune pouvait abriter entre 300 à 1000 tirailleurs. En plus des militaires, il comporte également des dizaines de milliers de porteurs qui assuraient les déplacements du matériel de guerre, des blessés et les denrées alimentaires.

Tirailleur sénégalais, étymologiquement, il n`est pas facile de remonter à l`origine du mot tirailleur. Dans une émission télévisée, Christian Eboulé affirmait que cette appellation est péjorative car, elle aurait été donnée aux premiers Noirs engagés dans les troupes coloniales dans le cadre de la gestion des colonies31. Ce dernier affirme en outre que, les Noirs ne possédaient pas une maîtrise totale des armes à feu et lors de leur instruction par les officiers

28 J. Rey Debove, 2014, Le Dictionnaire Le petit Robert, Paris, Le Robert, p. 383.

29 D. Abwa, 2010, Cameroun : Histoire d'un nationalisme. (1884-1960), Yaoundé, Clé, 2010, p. 206.

30 G. Aymerich, 1933, La conquête du Cameroun, Paris, Payot, p. 13.

31 C. Éboulé, TV5 Monde, In Le Journal de l`Afrique, La Chronique Histoire sur les tirailleurs sénégalais. 14-Novembre 2017. Consulte le 20 Avril 2021 à 10h25.httpp://www.TV5.Fr.

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métropolitains, lorsqu'on leur présentait une cible qu'ils devaient atteindre, ils tiraient ailleurs d`où l`expression « tir ailleurs » qui s'est transformée en nom de « tirailleurs ».

Associé à l`adjectif sénégalais, il a une signification toute autre. Car, c'est une appellation générique qui ne concerne pas seulement les Sénégalais mais tous les Noirs levés dans les regroupements de l'AOF et l'AEF. Cet acte avait pour but de les distinguer des tirailleurs magrébins et des tirailleurs malgaches. De ce fait, Marc Michel32, affirme que le terme tirailleur sénégalais est trompeur, car si les premiers tirailleurs ont effectivement été levés au Sénégal, cette appellation s'est étendue à tous les Africains provenant de l'empire colonial français au Sud du Sahara.

Quant à Zack Mwekassa33, il est plus descriptif dans sa définition du tirailleur sénégalais. Il pense que c`est un soldat qui fut levé partout en Afrique noire et qui arbore un uniforme à col rabattu appelé paletot, un chapeau sous forme conique de couleur rouge appelé chechia et des bottes appelées brodequins. En plus de cet équipement qui le caractérise, il porte comme armes de guerre un coupe-coupe et un fusil à baïonnette de marque Rosalie.

Dans le cadre de ce travail, le terme tirailleur sénégalais renvoit tout simplement à celui qu'on connait aujourd'hui sous le pseudonyme d'Ancien combattant. Et, avec le temps l'appellation tirailleur Africain ou encore tirailleur du Tchad aurait été mieux adapté car, la grande majorité de ces derniers n'étaient plus originaire du Sénégal et provenait dans chaque territoire sous domination française à l'instar du Tchad d'où l'appellation « tirailleurs sénégalais du Tchad »

Empire colonial : le binôme « empire colonial » est un terme qui, du point de vue historique a graduellement évolué. Pour Jacques Frémeaux34, le concept empire dérive du latin imperium et peut être perçu comme l'imposition d'un ordre associant étroitement pouvoir civil et pouvoir militaire. Associé au terme colonial, il revêt une vocation universelle qui ne peut se limiter à un territoire restreint, ou à une seule nation, mais regroupe, sous une même domination, une juxtaposition de peuples, très différents les uns des autres, par leur langage, leurs traditions, leurs modes de vie et leur couleur de peau.

32 M. Laloui, 1998, « Les Poilus d`ailleurs », Film documentaire, https://www.cinemeteque.com. Consulte le 18-Avril 2021.

33 Z. Mwekassa, 2020, « Les tirailleurs sénégalais », Film documentaire. Consulté en ligne le 20-Avril 2021 https://www.cinemeteque.com.

34 J.Frémeaux, 2012, « Les Empires coloniaux. Une histoire-monde », Revue de Presse, Paris, CNRS Edition, pp. 15-16.

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Pour Jean-Baptiste Duroselle35, l'empire colonial est une structure mise en place par les puissances impérialistes afin d'effacer les unités politiques de la carte du monde, au profit d'un Etat puissant celui qui avait pris l'initiative de la rencontre, par l'imposition d'une civilisation différente et qui devenait, par voie de conséquence, le seul centre de décision.

Pour ce qui est de ce travail, le terme empire colonial désigne un regroupement de territoire en Afrique où la puissance impérialiste avait instauré un ensemble de structures régulant le contrôle par des organes centraux. Par ailleurs, les armées locaux à l'instar du RTS-T étaient investis à la fois d'une mission traditionnelle de sécurité interne et d'une mission originale d'être le bras séculaire de développement.

Kamerun: ce nom est issu d'une série de transformation par les puissances occidentales qui ont tour à tour côtoyé ce territoire. D'emblée, ce sont les Portugais qui, au XVe siècle arrivés sur les berges du fleuve Wouri vont l'appeler Rio dos Camaroes ou rivière de crevettes. Avec l'arrivée des Espagnols, l'estuaire de ce fleuve va prendre le nom de Rio de Camarounes. Mais, les Anglais quant à eux l'appellent Cameroon river ou tout simplement Cameroon. Cette appellation s'étendit à l'actuelle ville de Douala qui prit le nom de Cameroon Town et donna même son nom à une montagne Cameroon Mountain. Néanmoins, lorsque les Allemands établissent leur protectorat dès 1884, ils la nomment Kamerun et étendent cette dénomination germanique à l'ensemble du territoire.

Dans le cadre de cette étude, le terme Kamerun est donc un territoire sous domination allemande, qui fut l'objet de nombreuses convoitises de la part des puissances européennes. Ainsi, après la crise marocaine d'Agadir l'une des résolutions consistait à céder en guise de compensation territoriale une partie de l'AEF. Cet acte conduisit à l'extension du Kamerun qui passa de 475.000Km2 à 750.000Km2. Le territoire du Tchad perdit à cette occasion 2900Km2 soit l'ensemble de Sud-Ouest de son territoire. Toutefois, cette extension du Kamerun fut l'une des causes du déclenchement de la Première Guerre mondiale qui a vu la participation du RTS-T engagé à partir du front Nord.

35 J.-B. Duroselle, 1982, « Tout Empire périra. Une vision théorique des relations internationales », Revue Française de Sciences politique, p. 200.

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2-Le cadre théorique

Philippe Braillard36 définit une théorie comme une expression qui se veut cohérente et systématique de notre connaissance de ce que nous nommons la réalité. Elle exprime ce que nous savons ou ce que nous croyons savoir de la réalité. En sciences humaines, il existe une pléthore de théories. Cependant, dans le cadre de ce travail, trois théories sont mises en évidence. Il s'agit de la théorie de la stratégie, la théorie des jeux et de la théorie de la représentation sociale.

De ce fait, le premier paradigme mis en évidence dans ce travail est la théorie de la stratégie. C'est une théorie qui a vu le jour grâce au Général André Beaufre en 1963. Issu de son ouvrage intitulé Introduction à la stratégie37ce paradigme est un concept qui appartient au monde militaire comme l'affirme son auteur mais qui s'est néanmoins importé dans le domaine du management. Cependant, il faut déjà savoir qu'il existe une différence entre la stratégie et la tactique. En effet, la stratégie est globale. Elle s'applique à l'étendu d'un conflit alors que la tactique est spécifique et est utilisé pour des actions précises.

La théorie de la stratégie à plusieurs typologies parmi lesquels : la stratégie de la « lutte totale», la stratégie de la « pression indirecte », la stratégie des « actions successives », la stratégie de la « menace directe » et enfin la stratégie du « conflit violent ». C'est cette dernière qui sied le mieux à notre étude car elle a pour objectif la victoire militaire. Force est de constater que les Alliés, la France notamment ont mené une guerre offensive contre les positions allemande du Kamerun alors que, cette dernière se contentait de mener une guerre défensive. Ceci s'explique notamment par le fait que les Alliés avaient le double des effectifs que possédait l'Allemagne au Kamerun. Car, les Alliés avaient eu recours aux tirailleurs de leurs colonies. La France particulièrement possédait 4 régiments autour du Kamerun parmi lesquels le RTS-T.

Le second paradigme utilisé est celui des jeux d'Adam Smith qui a vu le jour en 175938. Étant à la base un concept propre à l'économie et aux mathématiques, ce paradigme va néanmoins se faire une place dans les Relations Internationales. Et, permettre de comprendre les différents enjeux qui régissent les sociétés humaines surtout en période troubles.

36 P. Braillard, 1977, Théories des Relations Internationales, Paris, Presse Universitaire de France, p.12.

37 A. Beaufre, 1963, Introduction à la stratégie, Paris, Editeur Pluriel.

38 A. Smith, 1957, The theory of moral sentiments, Londres, University of Cambridge.

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John Nash apporte un complément à cette théorie. Il estime que la théorie des jeux à plusieurs typologies, dans ce travail, la théorie des jeux à somme nulle39. Elle nous permet de mieux comprendre les desseins des Alliés à étendre la guerre sur ce protectorat allemand. Par ailleurs, elle permet de comprendre les réels enjeux qui ont amené ces derniers à vouloir évincer les Allemands de leur possession. En effet, les velléités expansionnistes des occidentaux sont à l'origine de la Première Guerre mondiale en Afrique et au Kamerun en particulier. La France avait besoin de consolider son empire colonial et de ce fait, le territoire du Kamerun avec son ouverture à la mer était vital pour elle. En outre, elle souhaitait également récupérer les territoires cédés à l'Allemagne après la crise Marocaine d'Agadir de 1911. La Belgique quant à elle espérait tirer profit de cette guerre pour acquérir de nouveaux territoires. C'est ainsi qu'elle eut pour butin de guerre les ex Afrique Orientale Allemand du Ruanda-Urundi. La Grande Bretagne quant à elle, pu aisément former son projet d'axe allant du Cap au Caire. En outre, elle avait reçu de la Société des Nations (SDN) le droit de mandater conjointement le Kamerun avec la France. Tout ceci nous permet de comprendre le jeu de chaise musicale qui s'est opéré entre nations européennes après la guerre au Kamerun.

Enfin, la théorie de la représentation sociale est le dernier paradigme mis en évidence. On la doit au sociologue Emile Durkheim qui l'a conceptualisé en 189840. Elle permet de questionner la mémoire d'un évènement et de ses acteurs. Dans le cadre de ce travail, ce paradigme a permis de nous imprégner de l'image et des représentations du tirailleur sénégalais de façon général et en particulier sur celui venu du Tchad et ayant pris part à la Grande Guerre au Kamerun.

IV-REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

Introduire une approche historique des faits qui ont eu lieu il y a un peu plus d'un siècle impose que nous consultions les travaux de nos devanciers. Dans le but d'atteindre cet objectif, nous avons trouvé nécessaire de consulter des ouvrages, des thèses, des articles, des Mémoires liés de près ou de loin avec cette thématique.

Anthony Guyon auteur de nombreux travaux sur les troupes coloniales estime dans un article41 que, les tirailleurs sénégalais ont servi malgré eux les desseins français et, n'ont pas eu

39 Dans les jeux à somme nulle, ce qu`un joueur ou un acteur des Relations Internationales gagne, son adversaire le perd.

40 E. Durkheim, 1898. « Représentations individuelles et représentations collectives » In, Revue de Métaphysique et de morale, 6, 273-302. Consulté en ligne le 13-10-2021.

41 A. Guyon, 2014, « Du sauvage au soldat : les tirailleurs sénégalais dans les imaginaires entre 1914 et 1930 », 14/18 le scandale par les imaginaires, 11e colloque de Serrée, 26, 27, 28 février 2014.

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en contrepartie la reconnaissance qu'ils auraient dû. En outre, il estime que l'épanouissement et la prospérité des sociétés précoloniales africaines ont peu à peu disparu avec l'implantation des structures coloniales. D'ailleurs, à ce sujet, l'auteur note que l'une des trames de ces aspiration consistait à transformer des Africains de façon générale en parfaits soldats à la solde de la France. Ainsi pour le compte de ce travail cet article a permis d'appréhender à la fois la dénaturation des sociétés du fait de la colonisation mais aussi saisir le sentiment parfois insipide lié à l'imaginaire du tirailleur sénégalais en Métropole.

Dans sa thèse, Guyon42 met en exergue l'évolution des tirailleurs sénégalais au sein des forces supplétives françaises entre 1919 et 1940. Dans cette étude, l'auteur décrit avec assiduité les conditions de recrutement et d'incorporation des soldats noirs au sein des troupes d'infanterie. L'auteur arrive à la conclusion que, la France s'est noire comme bouclier afin de minimiser les pertes blanches au sein des compagnies d'infanterie.

En outre, il met un accent sur la formation supplémentaire des tirailleurs dans les centres de perfectionnement à l'instar de celui de Fréjus Saint Raphael en métropole mais, s'attarde également sur les relations colons colonisés dans le cadre de leur coopération au sein d'une armée commune. Cependant, pour le compte de notre travail, cette thèse nous a permis de saisir le contexte lié à la mobilisation et le perfectionnement des tirailleurs sénégalais. Des activités qui les occupaient pendant les périodes de stabilisation. Mais, cette thèse se consacre exclusivement aux tirailleurs sénégalais déployés en occident sans jamais évoquer leurs faits d'armes sur leur continent.

Abdou Sow43 dans son ouvrage dresse un tableau des tirailleurs sénégalais en plein champs de batailles et de leur ressenti dans le cadre de la Première Guerre mondiale en Afrique et en Occident. Il estime par ailleurs que, si les instructions militaires étaient inculquées aux tirailleurs sénégalais en Afrique lors de leur enroulement au sein des régiments, ceux-ci ignoraient très majoritairement les arcanes des guerres avec les armes à feu. En dépit de cela, leur courage et leur abnégation ont faits plier l'ennemi à maintes reprises malgré des pertes très importantes dans leur rang.

Dans le cadre de cette étude, cet ouvrage demeure un récit historique qui, tient plus de la globalité que du particulier, il nous laisse ainsi un vide sur les méthodes d'enroulement des

42 A. Guyon, 2017, « De l'indigène au tirailleur sénégalais : Approche anthropologique et prosopographique », thèse de Doctorat en Histoire militaire, Université Paul Valéry Montpellier 3.

43 A. Sow, 2017, Les tirailleurs sénégalais se racontent, Paris, l'Harmattan.

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tirailleurs et sur les questions de pécules après leur engagement ou leur réengagent au sein des différentes régiments.

Brice Douffet44 dans sa thèse met en exergue la représentation sociale du soldat 14-18. Il analyse la perception globale de ce dernier dans la mémoire collective particulièrement du « poilu » ou soldat métropolitain. Il y développe l'idée selon laquelle la matérialisation de l'évènement est un pont qui permet de quitter du passé pour le présent. Mais, comme nous l'avons souligné, cette étude ne prend en compte que le souvenir du soldat métropolitain de la PGM par ricochet, omet le souvenir lié aux tirailleurs sénégalais qui ont pourtant été des acteurs majeurs dans ce conflit.

Dans son étude consacrée aux Anciens combattants, Antoine Prost45 pose les bases de toute histoire de la commémoration de la Première Guerre mondiale. Dans une section de son travail intitulé « Mentalités et idéologies » il soulève la problématique lié aux manifestations collectives des Anciens Combattants et aux commémorations des morts de la guerre, avec le souci de déchiffrer comme un langage symbolique auquel communient les participants. Ce travail nous a permis d'orienter notre quatrième chapitre sur les questions mémorielles et des enjeux qu'elles impliquent.

Antoine Champeaux46 revient sur la formation du premier régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad et de son legs patrimonial aux forces actuelles. Il affirme que, le Régiment de marche du Tchad (RMT) qui fut mis sur pied par le Général Leclerc au sur le territoire du Tchad et ayant pris part à la Deuxième Guerre Mondiale (DGM) est l'héritier direct du RTS-T. La confirmation de ces propos selon l'auteur est apercevable sur le fanion du RMT sur lequel sont marqués leurs principaux faits d'armes. Dans le cadre de ce thème, il nous renseigne sur l`influence qu`a eu le RTS-T sur le RMT.

Zakinet Dangbet47, dans une partie de sa thèse, scrute les enjeux de la conquête du territoire du Tchad et les étapes de celle-ci. Il estime que, l'entité administrative du Tchad est une création coloniale à l'instar de la quasi-totalité des pays du continent.

44 B. Douffet, 2021, « Le souvenir s'en va-t'en guerre : mémoires et représentations sociales du soldat de 14-18 » thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université de Lyon.

45 A. Prost, 1977, « Les anciens combattants et la société française (1914-1939), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.

46 A. Champeaux, 2013, « Le patrimoine de tradition des troupes indigènes ». Open Edition.

47 Z. Dangbet, 2015, « Des transhumants entre alliances et conflits, les Arabes du Batha (Tchad) 1965-2012 », thèse de doctorat, Aix- Marseille université.

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En effet, l'existence d'homogénéité territoriale administrative étant absente, les sociétés du Tchad précoloniale évoluaient de façon disparate. Il, note en outre que, Jules Ferry, partisan ardent de la colonisation faisait partie de ceux qui estimaient que l'expansion coloniale de la France en Afrique, même dans des zones jusque-là inconnu était vitale pour cette dernière. Le discours de ce dernier en 1885 est resté célèbre car, il pensait que les colonies serviraient comme lieux d'approvionnement, d'abris, de ports de défenses pour la métropole. Il estimait par-dessus tout que, la grandeur de la France devait passer par la grandeur de son domaine colonial.

Concernant notre sujet, son travail nous a permis d'avoir une idée assez globale sur le Tchad précoloniale et des différentes mutations administratives qu'il a connu entre 1889 et 1920. Il nous a en plus permis, de comprendre l'intérêt que la France avait pour ce pays pourtant doublement enclavé au coeur du continent48.

British Jacques49, dans son ouvrage soulève l'importance stratégique du territoire du Tchad aux yeux de la France. L'auteur s'appesantit notamment sur la position centrale de ce territoire qui, permet à la fois de côtoyer l'Afrique Occidentale, l'Afrique Equatoriale et le Kamerun. Dans le cadre de notre travail, cet ouvrage permet de comprendre la facilité avec laquelle la France a pu déployer sur le territoire du Kamerun ces régiments de tirailleurs particulièrement le RTS-T à partir du front Nord.

Engelberg Mveng50 analyse le Kamerun sous domination étrangère avant, pendant et après la Grande Guerre. Il scrute les 30 années durant lesquelles les allemands ont administré le territoire après avoir délimiter ses frontières longues de 478.000 km2. Frontières qui s'élargissent à 750.000km2 après la crise marocaine d'Agadir. Mveng renseigne également sur la composition des troupes Alliés ayant été déployées au Kamerun et, dont celles du RTS-T ou de la colonne du Nord. Mais, l'auteur a une approche globale et ne fait guère mention des différentes phases de déploiement de ces troupes engagées dans cette guerre ni même du contexte lié à leur démobilisation.

Michael Growder51 analyse les stratégies mise en place par les protagonistes et les moyens par lesquels les troupes étaient levées. Il estime par ailleurs que ce sont les soldats

48 Le territoire du Tchad est dit doublement enclavé pour deux principales raisons : la première est liée à son inaccessibilité à la mer et la seconde raison relève du retard en matière du développement des voies de communication censées le connecter au monde extérieur.

49 B. Jacques, 1989, La mission Fourreau Lamy et l'arrivée des français au Tchad, 1898-1900, Paris, l'Harmattan.

50 E. Mveng, 1985.

51 M. Growder, 1987, « La première guerre mondiale et ses conséquence », In A. Du Boahen, Histoire générale de l'Afrique. Tome VII. L'Afrique sous domination coloniale. 1880-1935, Paris, UNESCO.

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Africains qui ont été au coeur de la campagne militaire au Cameroun. Le document nous montre également les moyens par lesquels les troupes étaient levées. Il s'agissait du volontariat, de la conscription et des recrutements forcés.

L'ouvrage, dans l'élaboration de ce travail, nous livre les mobiles pour lesquelles les Alliés ont dès le début des hostilités neutralisés les principaux ports d'Afrique. Il nous permet aussi de comprendre pourquoi l'Allemagne a opté pour une guerre défensive en Afrique et au Kamerun en particulier. Néanmoins, le document ne fait guère mention de la structuration des régiments des tirailleurs sénégalais ni même de leur matériau de guerre.

Dans leur ouvrage collectif, Emmanuel Tchumtchoua, Albert François Dikoumé et Jean Baptiste Nzogue52 relatent certains aspects occultés de la Grande Guerre au Kamerun. Dans le cadre de notre étude, ils nous renseignent sur le rôle joué par les milliers de porteurs qui assuraient la logistique et particulièrement sur les 4000 porteurs permanent du RTS-T. En outre, ils renseignent également sur la longue durée des hostilités dues en partie aux aléas climatiques et à la résistance farouche des Allemands. Mais, force est de constater que l'ouvrage détaille très peu les conditions dans lesquelles étaient levés les troupes dit indigènes ou encore sur la formation qui leur était assigné.

Charles Mangin53 lui, soutiens l'idée selon laquelle si la France eu recours aux Africains pour faire face à l'Allemagne, c'était pour trois principales raisons: la crise démographique, les prédispositions naturelles qui caractérisaient les Noirs et enfin la dette que les Africains avaient vis à vis de la métropole.

Déjà, il mettait en avant le fait que la métropole accusait un retard démographique par rapport aux autres grandes puissances d'Europe telles que l'Allemagne ou encore la Grande-Bretagne. L'autre raison qu'il avançait, c'est qu'il considérait que le Noir disposait des aptitudes physiques nécessaires pour être enroulé dans des corps expéditionnaires afin de servir la métropole. Et enfin, il estime que la France qui a généreusement octroyé la civilisation aux Noirs, ces derniers avaient le devoir de la servir.

Ces raisons avancées par un administrateur colonial nous permettent de comprendre l'acharnement de la France à vouloir recruter des hommes dans ses colonies. Cependant, Mangin occulte le fait que ces tirailleurs étaient engagés en première ligne dans les différents

52 E. Tchumtchoua, A. F. Dikoume, J. B, Nzogue, 2019, Douala et le Cameroun dans la grande guerre, Histoire, mémoire et héritages, Yaoundé, Clé.

53 C. Mangin, 1910, La force noire, Paris, Hachette.

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théâtres d'opérations. Son ouvrage occulte également le rôle assez important qu'ont joué les porteurs dans la Grande Guerre en Afrique.

Marc Michel54 met en avant dans son ouvrage les conditions de recrutement des tirailleurs sénégalais et leur armement. Dans le cadre de notre travail, il nous a permis d'avoir une idée précise sur les uniformes des tirailleurs constitués d'un ensemble bleu ou Kaki et coiffé d'une chechia55. Cependant, l'ouvrage ne soulève pas l'impact sur le plan administratif des colonies africaines après la guerre. Ni dans les colonies où a eu lieu la guerre ni même encore sur les territoires impliqués dans ce conflit comme le Tchad.

V- PROBLÉMATIQUE

Selon Michel Baud56, la problématique est un ensemble construit autour d'une question centrale, des lignes d'hypothèses et des techniques d'analyse qui permettent de traiter le sujet.

Ce thème s'intéresse à la mise en place du RTS-T et à son déploiement au Kamerun dans le cadre de la Grande Guerre. En effet, étant d'origine européenne, le conflit qui débute en Europe va s'étendre sur tous les continents et l'Afrique n'y échappe pas. Compte tenu des rivalités qui avaient lieu en Afrique, cette guerre se déploya également au Kamerun.

La perception globale qu'on se fait des velléités expansionnistes, c'est qu'elle a opposé uniquement les puissances européennes. Et pourtant, force est de constater que les Africains avaient été intégrés parfois de force, dans les armées coloniales et préparés à défendre les intérêts des puissances colonisatrices dès la première moitié du XIXe siècle. Toutefois, leur rôle lors de la PGM en Afrique a souvent été minoré ou très mal mis en évidence. Ce constat nous a donc amené à nous poser la question de savoir : dans quel contexte a été créé le RTS-T et quel fut son rôle dans la Première Guerre mondiale au Kamerun pour la consolidation de l'empire colonial français entre 1910 et 1918 ?

A cette question centrale découle plusieurs questions subsidiaires à savoir.

Quels étaient les enjeux de la présence française sur le territoire du Tchad et de la mise en place du RTS-T ?

54 M. Michel, 2003, L'appel à l'Afrique.1914-1918. Paris, Karthala.

55 Sorte de chapeau de couleur rouge qui couvre la tête.

56 M. Baud, 1985, L'art de la thèse, Paris, La Découverte. p. 47.

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Quels ont été les différentes stratégies mises en place par la France pour structurer le RTS-T?

Comment s'est opérée la dynamique du déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918?

Quelles ont été les répercussions de la Première guerre mondiale au Kamerun pour le Tchad et, quelles traces garde-t-on du RTS-T ?

VI- MÉTHODOLOGIE

Pour mener à bien cette étude, nous avons consulté une pléthore de sources parmi lesquelles ; des Archives, les ouvrages, les thèses, les articles, témoignages oraux et traditions orales. Dans l`optique d`arriver à nos fins, nous avons également usé de la collecte des données via un questionnaire.

1- La collecte des données.

La spécificité des sciences historiques est de faire appel à une pléthore de sources pour essayer de retracer les faits au mieux tels qu`ils se sont déroulés. Afin d`éviter de tomber dans les pièges de la discipline, nous avons effectué des investigations sur le terrain via un questionnaire.

Cette démarche nous a permis d`entrer en possession des données liées de près ou de loin à notre thème. De façon globale, deux types de sources ont été mis en évidence au profit de ce travail : les sources primaires et les sources secondaires.

Les sources de première main sont pour l'essentiel ici constituées des archives et des données orales. En effet, les archives dont nous avons fait usage ont été un guide et occupe une place quasi indispensable pour l'élaboration de ce travail. Car, l'ancienneté de la thématique nous a « contraint » à consulter ces documents datant de la période coloniale.

Et, pour se faire, nous les avons consultés aux Archives Nationale du Tchad (ANT), au Centre de formation pour le développement (CEFOD), aux Archives du service historique de Défense (SHD) que nous avons pu obtenir en ligne. Pour l'essentiel, ces documents sont constitués des Journaux Officiels, des Rapports administratives, des décrets, des lois et des carnets de marche d'officiers métropolitains.

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Quant aux sources orales, nos travaux sur le terrain ont consisté en la collecte d`informations sur la base de nombreux entretiens individuels avec un guide d`entretien. Ces investigations nous ont permis de donner une approche socio-historienne à ce sujet.

C`est d`ailleurs pourquoi Jean Copans57 déclare que : « les entretiens offrent au chercheur une possibilité de discussion, d`accumulation d`informations et de connaissances ». Pour ce qui est de ce travail, nos investigations ont été faites à la Maison des Anciens Combattants de Moundou, à la Maison de la Culture de Moundou, au Musée de Moundou, à la Maison des Anciens Combattants de N`Djamena et enfin, au Service des Anciens Combattants et Victimes de Guerre à N'Djamena (SACVG).

In fine, les dernières sources primaires mises en évidence dans ce travail, ce sont les données iconographiques. Au point de vue méthodologique, l'utilisation des images constitues des sources primaires comme celles précitées. C'est dans cet élan que Anne Marie Grannet Abisset58 pense que l'image est entrée dans le discours de l'historien, du contemporain comme source de premier plan. Quant à cette thématique, ce sont des clichées qui ont été pris lors de nos investigations et des images obtenues via des sites spécialisés à l'instar du site du Musée de l`Armée de France et celui

Ces données iconographiques sont pour l`essentiel représentatifs des tirailleurs et des porteurs ayant été engagés lors de la Première Guerre Mondiale en Afrique et au Kamerun.

Quant aux sources de seconde main, elles sont pour constituées de documents imprimés. Il s'agit entre autres des ouvrages généraux et spécifiques, des articles, des thèses, des mémoires. Nous les avons consultés dans divers centres de documentation tels que : l'Institut français du Cameroun (IFT), à la Bibliothèque Afrik Avenir, à la Bibliothèque du Cercle d'Histoire et du Patrimoine de l'Université de Douala (CEHIPAUD), à la Bibliothèque Nationale du Tchad (BNT) à l'Institut Français du Tchad (IFT), à la Bibliothèque du Centre de Développement pour le Développement (CEFOD).

D'autres données obtenues en ligne sont venues parfaire la compréhension de ce travail ; il s'agit ici principalement des revues de presse, articles scientifiques que nous catégorisons ici comme sources électroniques.

57 J. Copans, 1996, Introduction à l`ethnologie et à l`anthropologie, Paris, Nathan, p. 19.

58 A. Marie Grannet, 1995, « L'historien et le photographe », In Le monde alpin et rhodanien, 2e et 3e trimestre, p. 22.

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2-Les techniques d'analyse des données

Dans le cadre de ce travail, nous avons opté pour une méthode reposant sur une analyse descriptive des données qui nous a amené à bâtir notre construction historienne. Elle nous a en outre permis de mieux comprendre l'ossature du RTS-T, leur formation mais surtout l'usage de ce corps de troupe à des fins militaires. En plus de cela, l'usage de la transdisciplinarité a été d'un apport considérable. En effet, l'histoire étant au carrefour des sciences humaines, nous avons eu recours à la sociologie, l'anthropologie maïs surtout à la psychologie pour mener à bien ce travail. Autrement dit, nous nous sommes penchés sur les débuts de l'impérialisme français au Tchad et en avons déduit les réelles motivations de cette présence sur ce territoire enclavé au coeur du continent.

3-Les difficultés rencontrées

La production de ce travail ne s'est pas faite sans que nous ne rencontrions des obstacles sur notre chemin. Surtout, pour une étude qui date d'aussi longtemps qui s'appesanti sur un corps de troupe coloniale, les difficultés ne peuvent pas manquer. Les problèmes qui se sont dressés sur notre chemin dans le cadre de cette étude sont nombreux.

La première difficulté à laquelle nous avons fait face relève de la destruction de certains archives lors des guerres civiles des années 1970, 1980 et 1990 au Tchad et principalement les Archives Nationales de N'Djaména. En effet, les affrontements à répétition le plus souvent pour le pouvoir dans la ville de N'Djaména ont conduit les hommes à détruire parfois inconsciemment ces documents de première main de l'histoire du Tchad.

La seconde difficulté est liée au contexte d'instabilité sociale et politique du Tchad qui entrave les investigations de tous chercheurs. Car, lorsqu'on évoque des sujets ayant trait aux métiers liés aux armes la population se montre souvent réticente. Cette situation s'est d'autant plus détériorée avec la mort du Président Idriss Deby Itno.

La troisième difficulté relève des sources orales. En effet, l'étude du RTS-T nécessite d'interroger une catégorie de personnes d'un certain Age le plus souvent des anciens combattants ou des personnes à qui ont été légués leur histoire. De ce fait, le problème majeur avec ces Anciens Combattants est qu'ils se jettent très souvent des lauriers et ont tendance à surfaire leurs anecdotes ; ce qui peut parfois prêter à confusion.

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4-Les résultats obtenus

Après une analyse de nos données, nous pouvons retenir un certain nombre d'éclairages qui ont permis de mieux comprendre notre problématisation.

Primo, la présence française au Tchad et la mise en place du RTS-T entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle ne sont en fait que la résultante d'une situation antérieurement motivée par un contexte de tension entre européens sur l'expansion du domaine coloniale.

Secondo, nous avons pu mettre en lumière la structuration et la gestion des effectifs du RTS-T. Cela résulte du constat fait sur l'hétérogénéité dans la structure de ce corps et le besoin de la France d'en faire des « frères d'armes » le temps des hostilités malgré la différence dans le traitement de pécule ou du choix du corps à intégrer.

Tercio, le déploiement du RTS-T au Kamerun avait pour finalité d'occuper au profit des alliés principalement la France ce territoire sous joug allemand. Il est ici intéressant de noter que, le front Nord a constitué le premier lieu du déploiement du RTS-T. Ce déploiement fut rendu possible par la proximité géographique entre le territoire du Tchad et la partie septentrionale du Kamerun. Après ce déploiement, au Nord, le RTS-T a progressé jusqu'à atteindre Yaoundé.

Quarto, nous avons remarqué une disparition progressive dans la mémoire collective du RTS-T et de leur campagne au Kamerun. En effet, l'absence de sites ou des musées au Tchad susceptibles de rappeler la mémoire du RTS-T sont autant de facteurs qui concourent à la disparition de la mémoire collectif de ce régiment d'infanterie coloniale.

Tous ces éléments visent à situer le travail dans un renouveau de la bibliographie de l'histoire coloniale, dans les débats actuels sur l'armée nationale tchadienne et de son engagement auprès l'Armée française à travers le Sahel. Mais surtout d'appréhender le tirailleur sénégalais du Tchad dans une perspective plus large sans anachronisme tout en restant fidèle au plan qui suit.

5- Le plan du travail

Grâce aux données que nous avons recueillies, nous avons bâti un plan de travail constitué de quatre chapitres. Ces chapitres font état de la dynamique de la constitution du RTS-T et de son déploiement dans le cadre de la Première Guerre mondiale au Kamerun. Mais, dresse également un bilan et entend revisiter la mémoire du RTS-T de cette période coloniale.

Le chapitre premier présente les mobiles de l'expansion coloniale française au Tchad et les facteurs responsables de la mise en place du RTS-T.

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Le second chapitre s'attarde sur la structuration et la gestion du RTS-T.

Le troisième chapitre renseigne sur les différentes phases du déploiement du RTS-T au Kamerun dans le cadre la Première Guerre mondiale contre les allemands entre 1914 et 1918. Le dernier chapitre soulève la problématique de la mémoire du RTS-T.

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CHAPITRE I : LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD ET LES FONDEMENTS DE LA MISE EN PLACE DU RTS-T. (1889-1910)

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La présence des Européens en Afrique entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle se justifiait à la fois pour des raisons économique, hégémonique, géostratégique, commerciale et militaire.

C'est dans cette mouvance que, le Centre du continent qui jusque-là était connu partiellement par les puissances Européennes devint un centre d'intérêt important mais surtout stratégique au vu de la montée des tensions qui opposaient les puissances coloniales59. Parallèlement à cela, la France qui accusait un retard dans le domaine économique, au détriment des autres puissances industrielles à l'instar de l'Angleterre ou encore de l'Allemagne s'était retrouver néanmoins à la tête du second plus grand empire colonial africain à l'issu d'un long processus de conquête militaire60.

Malgré ces rivalités, il fallut attendre la seconde moitié du XIXème siècle pour assister à la pénétration et à l'occupation effective du Centre du continent par ces puissances impérialistes. A ce sujet, il est intéressant de constater que, vers la fin du XIXe siècle, et le début du XXème siècle, les Européens avaient montré un intérêt grandissant pour l'Afrique comme le souligne Albert Adu Boaden en affirmant que : « jamais, dans l'histoire de l'Afrique, des changements ne se sont succédés avec une aussi grande rapidité que pendant la période qui va de 1880 à 193561 ».

C'est partant de ces constats qu'on remarque que, les missions françaises de reconnaissance du continent ont débouché à l'implantation de cette dernière au Moyen Congo dans un premier temps puis, à l'ensemble de l'Afrique Equatoriale Française62. C'est ainsi qu'on est arrivée à l'occupation par la France d'un certain nombre de territoires parmi lesquels le territoire du Tchad dont l'emplacement se révéla doublement stratégique surtout lorsque les tensions entre Européens avaient atteint son paroxysme.

Eu égard de tout ce qui précède, ce premier chapitre entend mettre en exergue les débuts de la présence française au Tchad, ensuite aborder les différents mobiles ayant occasionné la main mise française sur ce territoire, enfin, scruter les éléments responsables de la mise en place du RTS-T.

59 Avant le XIXe siècle, la majeure partie de l'intérieur de l'Afrique en générale et celle du Bassin du Lac Tchad était mal connue par les Européens. Mais il avait été sillonné par les explorateurs et des chroniqueurs arabes qui avaient donné une description de ce centre africain. Voir J. Ki-Zerbo, 1986, « Méthodologie et préhistoire africaine » in Histoire Générale de l'Afrique Tome I, Unesco, Paris, p.81.

60 A. Abakar Kassambara, 2010 « La situation économique et sociale du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de Doctorat en Histoire économique, Université de Strasbourg, p. 4.

61 A. Boaden, 1987, « L'Afrique face au défi coloniale », In Histoire générale de l'Afrique Tome VII : L'Afrique sous domination coloniale, Paris, Unesco, pp. 21-25.

62 En effet, les bases de ces territoires furent jetées essentiellement par les militaires comme Pierre Savorgnan de Brazza pour l'AEF.

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I- LA GENESE ET LES MOBILES DE LA PRESENCE FRANCAISE SUR LE TERRITOIRE DU TCHAD.

Loin de nous l'idée de vouloir retracer les différentes phases de la conquête du « Tchad » par la France, cette partie du travail entend axer la réflexion sur la genèse de l'occupation par la France de territoire et les différents mobiles qui l'ont conduit à conquérir cet espace puis, de s'y installer afin d'y faire une base arrière militaire.

Ainsi, pour mieux cerner ces motifs, il faudrait au préalable rappeler la genèse de cette présence, puis, ressortir successivement les raisons d'ordre politique, économique et enfin celles d'ordre stratégique et militaire justifiant la présence française au Tchad à partir de la seconde moitié du XIXème siècle.

A- Missions exploratrices et premiers contacts de la France avec le territoire du Tchad

Si, la présence allemande sur le territoire du Tchad est postérieure au partage du continent qui eut lieu, lors de la seconde conférence de Berlin de 1885, les prémices par contre de la présence française sur ce territoire débute à partir de 1890, et sont marqués par une série de missions initiées par le comité de l'Afrique colonial (CAC)63.

En effet, si les navigateurs allemands Heinrich Barth et Gustave Nachtigal ont donné une description plus ou moins exacte des abords du Lac Tchad, à la suite de leurs voyages à travers le Sahara, c'est paradoxalement la France qui, entreprit d'étendre son domaine colonial sur ce grand ensemble Sahélien surtout après l'entérinisation des accords de ladite conférence.

Ainsi, pour véritablement matérialiser cette genèse, il convient de prendre ancrage sur quelques documents manuscrits laissés par les acteurs responsables du début de présence française au Tchad64.

C'est dans ce sens que Jean Dybowski estimait que, l'opinion publique française qui était restée très réservé aux expéditions coloniales, entrepris dès lors des excursions vers des contrées nouvelles. Il pense en outre que, la France avait compris que sa survie en tant que grande puissance dépendait de la constitution d'un immense empire colonial. C'est dans cette optique que, la mission Crampel dont l'objectif était de signer avec les royaumes au Centre de

63 V. Deville, 1898, Partage de l'Afrique, exploration, colonisation et état politique, Paris, Librairie africaine et coloniale, p. 6.

64 Il s'agit notamment des écrits de : J. Dybowski, 1893, La grande route du Tchad, du Loango au Chari, Paris, Librairie du Firmin-Didot ; E. Gentille, 1901, La chute de Rabat, le tour du monde, Paris, Hachette ; A. Duchenne, 1899, « La France au Tchad », Question diplomatique et coloniale, Tome VIII, Troisième année.

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l'Afrique des contrats de protectorat fut mise sur pied par le comité de l'Afrique française et atteignit le Lac Tchad en 189065.

Mais, dans le but de parfaire la mission Crampel, dès l'année suivante, une seconde mission ayant pour but de supplier la mission Crambel est menée par Dybowski et atteint le Tchad après plusieurs escales au Sénégal et au Congo. Malheureusement, Dybowski se rendit compte que la pénétration de ce territoire serait difficile du fait de la présence des Sénousites66 qui avait par ailleurs mis un terme à la mission Crambel67.

Il poursuit néanmoins son voyage et parvint à identifier la ligne de partage entre les bassins de l'Oubangui et celui du Chari, en outre, il créa des postes et y laissa ses compagnons de routes et rentra en France car semble-t-il atteint de maladie68. Cependant, pour parfaire sa présence sur ce territoire, le comité de l'Afrique décida de lancer une troisième mission cette fois ci dirigé par Claude Maistre.

Ce dernier est celui qui a conclu de nombreux accords avec les autorités locaux et permit notamment à la France d'avoir des voies d'accès au Soudan centrale et la possibilité d'avoir accès également au Lac Tchad par la côte occidentale de l'Afrique69.

Ces trois missions mises en évidence permettent d'appréhender les débuts de la présence française au Tchad mais, il convient à présent d'étudier les enjeux de cette présence.

B- Les enjeux de l'occupation et de l'expansion coloniale française au Tchad

Etant donné que le territoire du Tchad est situé au coeur du continent, il est nécessaire de rappeler brièvement l'exploration de cet espace, chose qui a conduit aux décisions politiques en France d'occuper cette aire qui fut la colonie la plus vaste mais aussi la plus démunie des quatre que comptait l'Afrique Equatoriale70.

1- Les aspirations politiques.

La présence de la France sur le territoire du Tchad s'inscrit dans un contexte de course vers l'Afrique et remonte au début du XIXe siècle, cela a été possible grâce aux renseignements

65 V. Deville, 1898, p. 18.

66 C'est une confrérie musulmane née en Orient au XIVème siècle et installée en Lybie depuis le XVe siècle. De par son opposition à la colonisation occidentale, cette secte a été le principal obstacle à l'expansion coloniale française sur le territoire du Tchad surtout sur sa partie septentrionale.

67 J. Dybowski, 1893, La grande route du Tchad, du Loango au Chari, Paris. Librairie du Firmin-Didot, p. 29.

68 Ibid., p. 179.

69 C. Maistre, 1889, « La mission Maistre », In Bulletin de l'Afrique Française, n°6, p. 11.

70 ANT, Journal officiel de l'Afrique Equatoriale Française, Annuaire du Tchad 1910, CEFOD, Fonds Dalmais, Cote, Fond TCH B 1604, p. 18.

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laissés par les chroniqueurs arabes et aux nombreuses missions menées par les explorateurs occidentaux.

Dès lors, les français qui avaient accusé un retard dans l'exploration du bassin du Lac Tchad au détriment des autres puissances Européennes (Anglaise et Allemande) décida de se jeter à cette course vers le Lac Tchad. Concomitamment, cette entreprise fut très tôt initiée et encouragé par Jules Ferry qui, dès 1885 était favorable à la conquête du plus grand nombre de territoires en Afrique. Car, estimait-il : « Les possessions nouvelles peuvent éventuellement servir de centre de ravitaillement, d'approvisionnement mais surtout être un moyen pour la France de compter parmi les grandes nations »71.

En effet, l'Europe particulièrement la France connaissait de véritables problèmes économiques et démographiques en ce temps-là72. C'est dans cet élan que Louis Garon pense pour sa part que l'entreprise coloniale française en Afrique ne consistait en fait qu'à combler les pertes françaises d'Alsace-Lorraine de 1870 et la reculade de Fachoda de 189873.

Toutefois, on constate néanmoins que les possessions françaises en Afrique était coupé par le Sahara et donc il était difficile de faire une jonction entre les différentes colonies. Et, de ce fait, le territoire du Tchad constituait un trait d'union entre les colonies française Ouest-africain et celles de l'Afrique Equatoriale.

Ces arguments découlant des motivations d'ordre politique avaient pour finalité de redorer le blason de la France et lui redonner son prestige d'antan. En effet, les fondements de la politique d'expansion coloniale française sur le territoire du Tchad ont permettrait selon ses initiateurs d'avancer un pion de la Métropole sur cet espace au coeur du continent délaissé par le passé. En outre, dans ce contexte où la puissance des grandes nations dépendait fortement de leur représentation d'outre-mer, il était hors de question que, la France reste spectatrice du dépeçage du continent noir.

Toutefois, d'autres arguments ont permis de renforcer le processus colonial notamment ceux d'ordre économique.

2- Les raisons d'ordre lucratives : entre marasme économique et nécessité d'expansion

L'occupation du territoire par la France qui allait plus tard former ce que nous connaissons sous le nom de Tchad aujourd'hui répondit à des préoccupations politiques mais

71 J. Ferry, 1885, « Les fondements de la politique coloniale du 28 juillet 1885 », In Journal Officiel de la République Française. Consulté en ligne le 13-10-2021. https://www.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/jules-ferry-28-juillet-1885.

72 E. Anceau, 2003, Introduction au XIXe siècle. Tome I. Paris, Edition-Belin, p. 43.

73 L. Garon, 2001, A la naissance du Tchad, 1903-1913, Paris, SEPIA, p. 9.

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aussi économiques malgré son enclavement au coeur du continent. Ainsi, deux tendances liées à l'aventure coloniale française au Tchad se sont dégagées : d'une part, l'idée d'un abandon de toute initiative de conquête du Tchad et d'autre part, la volonté de faire du Tchad une pièce maitresse dans ses desseins d'expansion coloniale.

En effet, ce territoire a été diversement perçu par la France et le Ministère en charge des colonies qui furent parfois hésitant quant à la colonisation dudit territoire. Car, les avis des administrateurs coloniaux concernant l'occupation de cet espace a été ambigüe et divers.

Pour ce qui est de l'abandon du territoire du Tchad, les premières impressions liées au délessage de cet espace avait été très tôt mis en évidence par les premiers administrateurs coloniaux. A l'instar de Charles Lenfant et d'Emmanuel Largeau. Ils le considéraient comme une terre « difficilement exploitable et peu rentable », D'ailleurs, Charles Lenfant favorable à cette idée pensait que l'enjeu économique lié à la conquête du Tchad était minime et ce territoire présentait très peu de matières exploitables comme dans les colonies du Gabon ou du Moyen-Congo74. C'est en allant dans le même fil d'idée qu'Emmanuel Largeau75 fit dès sa prise de fonction au Tchad un inventaire de la situation économique de ce territoire. Il le présenta comme un territoire exsangue aux potentialités peu élogieuses qui devaient demander beaucoup de sacrifices à Paris76.

En effet, s'il faille reconnaitre que, contrairement aux autres colonies françaises de la sous-région qui sont traversé par l'immense forêt équatoriale dans lesquelles les matières premières pilules, elles ont été rapidement mises en évidence au détriment du Tchad. Allant dans le même sens, le Ministère des colonies avait mis en garde le Président Emil Loubet deux ans juste après le début de la conquête du Tchad des risques que cela en courait. Selon le Ministère, il n'était pas nécessaire d'intensifier les opérations militaires vers le Nord du territoire du Tchad car, elles seraient inutilement couteuses pour la Métropole.

Ces raisons d'ordre économiques avaient quelque peu jeté un regard empreint de sarcasme sur l'implantation de la France au Tchad. Mais, en dépit de ce constat qui faisait obstacle à l'expansion coloniale française, certains administrateurs coloniaux encouragés par quelques officiers et sous-officiers coloniaux essayaient par contre de démontrer tout l'intérêt stratégique de ce territoire.

74 C. Lenfant, 1905, La grande route de Tchad : mission de société de géographie, Paris, Hachette, pp.187-189.

75 Victor Emmanuel Largeau fut un administrateur colonial français, il a administré le territoire du Tchad durant de nombreuses années. Il a servi au Tchad entre 1902-1904 ; 1911-1912 ; 1913-1915.

76 E. Largeau, 1913, p. 12.

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En effet, certains apôtres du colonialisme français gardaient néanmoins espoir que les régions du Lac Tchad constituaient des promesses de grandeur future77. C'est ainsi que le Comité de l'Afrique crée dès 1889 se pencha vers l'annexion de la cuvette du Lac Tchad et militait pour l'expansion du domaine français jusqu'au Tchad.

Allant dans le même sens, certains groupes expansionnistes français étaient également favorables aux avantages économiques que pourraient générés cette zone encore mal connue. Parmi eux, Henry Haris estimait que cette région du continent était semblable à un « éden africain78 », il affirmait d'ailleurs à ce sujet que : « grâce à la fécondité du sol et la fécondité de la flore, le bassin du lac Tchad, les vallées et les plaines qu'arrosent le Chari deviendront peut-être un jour la partie la plus prospère des indes africaines79».

Ce discours empreint d'espoir fut un motif suffisant pour que la Métropole se lance à la conquête de cette zone. Néanmoins, on est en droit de penser que ces espoirs placer sur ce territoire n'a pas toujours rempli les promesses placées en lui d'où la réticence de la Métropole d'y investir des fonds comme ce fut le cas dans les autres colonies de la sous-région ainsi que le rappel le graphique ci-dessous.

Graphique 1: Budgets locaux de l'AEF de 1910-1912

28%

16%

21%

35%

Gabon

Moyen Congo Tchad

Oubangui Chari

Source A. Abakar Kassambara, 2010 « La situation économique et sociale du Tchad de 1900 à 1960 ». Thèse de Doctorat en Histoire économique, Université de Strasbourg. P.181.

77 En France, il y'avait pas unanimité autour des questions de conquête, l'opinion était divisée au sujet des expéditions dans les zones inconnues d'Afrique subsaharienne car jugé trop dangereuses et extrêmement couteuses

78 H. Haris, 1891, A la conquête du Tchad, Paris, Librairie Hachette, p. 49.

79 Ibid. p. 200.

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Au vu de ce graphique, on constate que l'AEF avait un budget inéquitablement reparti entre 1910 et 1912. Si, le Gabon se retrouve avec le plus grand budget soit 35% de la somme allouée, le Tchad quant à lui se voit doté du plus petit budget soit 16% du budget. Ceci peut notamment s'expliquer par le fait qu'en ce temps, l'économie de ce territoire reposait essentiellement sur l'impôt de capitation qui, croissait au fur et à mesure de l'expansion coloniale française.

C- Les motivations stratégiques

La présence militaire française sur le territoire du Tchad est un fait lié à l'histoire coloniale de ce territoire. De ce fait, plusieurs auteurs à l'instar de Gilbert Maoundonoudji considèrent cet espace comme une base arrière Française depuis les premières heures de sa colonisation80. Ainsi, les raisons stratégiques de la colonisation française au Tchad trouvent ses fondements dans les deux phrases qui la caractérisent.

La première phase de la colonisation de ce territoire se situe entre 1889 et 1910. Elle s'est faite de façon violente et rapide, car marqué par des incursions et des batailles dont l'un des moments charnière reste la bataille de Kousséri qui a opposé les Français à Rabat le 22 Avril 1900. C'est après cette rivalité entre ces protagonistes que, la France pu s'adjuger le Centre et le Sud de ce territoire qui lui permettait directement d'être en contact avec les possessions des autres puissances tels que le Nigeria ou encore le Kamerun. D'ailleurs il est intéressant de constater avec Emil Gentile qui, estimait après la bataille de Kousséri que : « la position du Tchad est une aubaine qui permettrait à la France d'avoir une influence au Centre de l'Afrique81». C'est en cela qu'il qualifiait l'acquisition de ce territoire de « fait glorieux » car, malgré l'enclavement de ce territoire, il était tout de même un carrefour et un trait d'union entre l'Afrique Equatoriale Française (AEF) et l'Afrique Occidentale Française (AOF).

C'est en s'inscrivant dans cet élan d'idée que, le Commandant Gourou était surpris par certains avis qui prônaient l'abandon du Tchad, car il considérait que la Métropole y avait déjà payé un lourd tribut et devait tirer avantage de cette position stratégique du Tchad. Il pensait d'ailleurs que, la France avait déjà fait le plus dures lorsqu'il affirme que: « Allons-nous abandonner nos morts ? Tous ceux qui sont tombés sur les routes du Tchad pour réunir dans un dernier effort les français de Dakar et ceux de Brazzaville82».

80 G. Maoundonoudji, 2013, « L'intervention militaire tchadienne au Mali : enjeux et limites d'une volonté de puissance régionale » Science Po, https://www.sciencespo.fr/.Consulté en ligne le 02-02-2021.

81 E. Gentille, 1901, La chute de Rabat, le tour du monde, Paris, Hachette, pp. 62-65.

82 G. Gourou, 1944, Zinder Tchad souvenir d'un africain, Paris, Plon, p. 222.

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Au-delà de ces raisons évoquées, le territoire du Tchad à travers le Lac Tchad, était une zone transfrontalière où se limitait l'influence allemande du Kamerun du côté Sud et celle Anglaise du Nigeria à l'Ouest. Cette position clé était stratégique pour la France. Elle lui permettait de sécuriser ses autres possessions et d'être aux contacts des autres puissances colonisatrices européennes.

La seconde phase va de 1900 à 1920 et est marqué par des faits majeurs tels que la mise en place du RTS-T et, son déploiement au Kamerun entre 1914 et 1918 dans le but de consolider le domaine colonial français. Cette seconde phase de la conquête du territoire du Tchad a permis de confirmer l'hypothèse de la position stratégique de ce territoire.

Mais par-delà la conquête militaire du Tchad, sommeillait en réalité un projet d'annexion au-delà des « frontières tchadiennes » orienté vers la possession allemande du Kamerun surtout après la première décennie d'annexion du Tchad83.

En ceci, il est évident que la position du Tchad fut stratégique du simple fait que, le fleuve Chari, cette ligne de démarcation entre le chef-lieu du territoire militaire du Tchad (Fort-Lamy), est en face de Kousseri. En somme, le territoire du Tchad est un carrefour de route qui a permis de sécuriser l'AEF et d'attaquer le front Nord du Kamerun lors de la Grande Guerre.

De ce qui précède, force est de constater que la région du Lac Tchad a constitué un ancien carrefour africain positionné en lointaine périphérie des quatre États qui se la partagent aujourd'hui et qui ont jadis lancé des offensives au Kamerun entre 1914 et 1916 afin de consolider l'Empire Africain de la France.

Toutefois, outre la position stratégique du territoire du Tchad, de nombreux autres facteurs ont permis la mise en place du RTS-T.

II- LES FONDEMENTS DE LA MISE EN PLACE DU RTS-T

Plusieurs éléments ont été responsables de la constitution du RTS-T. Ces facteurs sont à la fois endogènes et exogènes au territoire du Tchad. Ainsi, en ce qui concerne les éléments internes à la création du RTS-T, il s'agit notamment du l'héritage patrimonial Sao, de la culture de certains peuples et du caractère guerrier des royaumes comme celui du Baguirmi. Pour ce qui est des facteurs externes ayant entrainé la création du RTS-T, figure en bonne place les querelles entre Européens, mais, surtout l'impact du plan Mangin à travers l'empire colonial français.

83 J. Kouffan, 1996, « Les relations entre le Kamerun et l'AEF : Chronique d'une annexion avortée : 1916-1921 », Thèse de Doctorat en Histoire, Université de Strasbourg, p. 6.

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A- Les facteurs endogènes de la constitution du RTS-T

Les éléments qui permettent d'appréhender la mise en place du RTS-T sont de premier ordre propre à ce territoire. Il s'agit premièrement de l'histoire de sa population, deuxièmement des menaces turco-sénoussiste sur sa partie septentrionale et enfin, le rayonnement des grands royaumes comme celui du Baguirmi.

1- Le legs patrimonial des Sao et les rites initiatiques

Si, à partir des populations du Tchad la France a pu y bâtir un corps de troupes locale, ce fut en partie grâce à la transmission patrimoniale des Sao mais surtout, du fait des cultures guerrières de ces peuples. Outre cela, certains rites d'initiation à l'instar du Yo-ndo ont également facilité la mise en place du RTS-T.

a- L'héritage Sao

Il est important de rappeler que le Tchad en tant qu'Etat est une création de l'autorité coloniale. Il n'existait pas une homogénéité territoriale administrative avant 1900. Par ailleurs, il est attesté que le facteur de développement principal d'un peuple c'est avant tout sa population car il est l'essence même de la société. Ainsi, la population qui vit donc sur ce vaste ensemble saharien est régit par un long passé marquer par des hommes aux potentialités parfois démesuré84.

Le caractère physiologique d'une grande majorité de la population de cet ensemble territorial leur a très certainement valu d'être sollicité dans le cadre de la constitution d'une armée locale. En effet, lorsqu'on évoque le Tchad, il est difficile de l'appréhender sans parler des Sao. C'est en confortant cette idée que, André Malraux estimait que, les Sao sont les lointains ascendants des tchadiens en déclarant que : « les Sao sont les Gaulois des tchadiens85».

Ce peuple de légendes dont les échos sont « incroyables » ont d'une manière ou d'une autre influencés la société précoloniale et coloniale « tchadienne ». D'ailleurs, Charles Seignobos dans son recueil était assez élogieux envers ce peuple et ne tarissait pas de superlatif pour parler d'eux en déclarant notamment que:

Les Sao étaient si hauts de taille que leurs bois d'arc étaient faits de palmiers entiers, que leurs gobelets, grands comme des jarres funéraires, pouvaient contenir deux hommes assis. Ils pêchaient sans filet en barrant de leurs mains les rivières. Ils prenaient à la main les hippopotames et les dévoraient comme des poulets. Ils annonçaient en criant d'une cité à l'autre leur tour de pêche et leur voix roulait jusqu'au Tchad comme un tonnerre, faisant fuir tous les oiseaux des arbres. Leurs ongles étaient si

84 B. Jacques, 1966, Histoire du Tchad et de Fort-Archambault, Paris, Scorpion, p. 43.

85 J. Chapelle, 1986, Le peuple tchadien : ses racines, sa vie quotidienne et ses combats, Paris, l'Harmattan, p. 31.

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épais qu'ils ont résisté à la pourriture et qu'on en déterrerait aujourd'hui dans les buttes86.

C'est dans la même mouvance que, la littérature tchadienne porté dans ses premières heures par Joseph Brahim Seid a perpétué cette légende autour des Sao. Il y écrit d'ailleurs dans son recueil que les Sao pouvaient porter d'une main un Hippopotame87.

En dépit de cette fascination de Seignobos pour les Sao qui fut conforté et entretenue par les contes et légendes des peuples du Tchad, l'ethnologue allemand Raoul Hartweg88 quant à lui est un peu plus réservé et pense que les Sao certes, ont été des hommes de tailles relativement grandes mais, que les légendes ont énormément contribué à amplifier les mérites. Il y ressort d'ailleurs de ses recherches après l'analyse d'un fémur retrouvé et appartenant à priori à un Sao qu'il mesurait environ 1,70m à 1,80m.

C'est pourquoi Mbainarem Gédéon89 pense que, l'étude des Sao doit être faite avec beaucoup de réserve même si ces derniers ont sans doute légué leur héritage matériel et immatériel à de nombreux peuples parmi lesquels les Massa, les kotoko, les Bouduma les Mandara et une partie des Kanuris.

L'affiche ci-dessous s'inspire des contes et légendes véhiculées par la tradition orale des Kotoko du Tchad sur les Sao. Elle met en évidence un géant qui, à priori est terrifiant pour ses contemporains. Son auteur est Adji Moussa et, cette affiche date de 2011.

86C. Seignobos, 1978, « Les systèmes de défense végétaux précoloniaux : Paysages de parcs et civilisations agraires (Tchad et Nord-Cameroun) » In Annales de l'Université du Tchad, N'Djaména, Série Lettres, Langues Vivantes et Sciences Humaines, numéro spécial, p.78.

87 J. Brahim Séid, 1962, Au Tchad sous les étoiles, Paris, Présence Africaine, p. 15.

88 R. Harweg, 1942, « Les squelettes humains anciens du village de Sao », in, Journal de la Société des Africanistes, tome 12, p. 6.

89 Entretien avec Mbainarem Gédéon, N'Djamena le 22-11-2021.

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Photo 1: Couverture de la Bande dessinée les Sao de Adji Moussa

Source : Manga Makrada Maïna, 2017, « La problématique des Sao : Entre civilisation, mythologie et construction de l'histoire », Thèse de Doctorat en Histoire, Paris, Université Panthéon 1 Sorbonne. P.259

Cette Bande dessinée est un formidable moyen de s'apercevoir que même plusieurs siècles après leur disparition, la légende autour de ce peuple n'a pas vraiment changé. Car, il met en évidence des géants qui font paniquer leur contemporaine et sont capable de transporter à priori d'une seule main des animaux de tailles adultes.

Avec tous ces atouts quand bien même « légendaire », force est de remarquer que les prouesses des Sao ont pesé dans la décision des colons de lever la plus grande armée de l'AEF à partir des populations du Tchad héritière directe des Sao. Cependant, il faut noter que, l'aspect culturel de la population du Tchad fut également un mobile de la constitution du RTS-T.

b- La culture comme vecteur d'exaltation : l'exemple du Yo-ndo90

L'un des éléments ayant contribué et renforcer le sentiment français de constituer des régiments de tirailleurs sénégalais en Afrique et particulièrement au Tchad fut le caractère

90 Rite initiatique en pays Sara qui concourt à la formation et à la transformation de l'homme. A l'issu du rite, les néophyte changent de nom et sont considérés comme Homme accompli.

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cultuel des « Tchadiens ». Ainsi, pour illustrer nos propos, il est question dans cette section de mettre en évidence le yo-ndo des Sara.

Le yo-ndo ou le passage de l'enfance à la maturité. C'est un rite initiatique qui concerne tous les Sara étant à cheval entre l'adolescence et l'âge adulte. En fait l'opération à la base se déroulait une fois chaque 7 ans et les futurs initiés étaient amenés en brousse durant 3 mois pendant laquelle ils leurs étaient véhiculés la dignité humaine et la fonction d'homme dans la société91.

Ainsi, loin d'être une partie de plaisirs, l'initiation en pays Sara comporte plusieurs incommodités pouvant causer la mort des plus faibles. Virginie Nemadjileyo92 va plus loin et estime que, le yo-ndo a été institué en pays Sara pour identifier les leaders, les hommes sélectionnables pour défendre les leurs durant les attaques ennemies. C'est, en confortant cette pensée que, Jacques Boisson pense que, ce rite initiatique est caractéristique des peuples dit kirdis93, et déclare dans ce sens que, « les hommes qui s'y prêtent sont une belle race et ne redoutent plus le danger au sortir de l'initiation94 ».

Certes, le rite initiatique Yo-ndo se pose comme une formation à une philosophie de vie très structurée qui permet aux initiés d'outrepasser la mort. Mais, en réalité, l'initiation Sara contribue juste à l'édification et au courage de ses adeptes ; les candidats au yo-ndo sont censés « mourir » pour être re-infantés par Yo-ndo afin d'appartenir à un cercle très restreint détenteurs du « secret » de la vie95.

Mais, dans le cadre de cette étude, il s'avère que, ce rite a à l'instar de la fête du coq chez les toupouris façonné la témérité et la vocation guerrière de la population. Ce qui a permis un nombre conséquent d'engagement de ces hommes au sein du RTS-T.

2- Les grands royaumes précoloniaux : l'exemple du Royaume du Baguirmi

Les royaumes qui étaient logés au Tchad à l'instar du royaume du Baguirmi ont également influencé la constitution du RTS-T sur le territoire du Tchad.

S'il est notoire qu'avant l'occupation du territoire du Tchad par la France, les sociétés évoluaient de façon disparate et saccadé. Force est de constater que, lors du Moyen-Age

91 R. Jaulin, 2011, « La mort Sara, l'ombre de la vie ou la pensée de la mort au Tchad », Paris, Edition CNRS, in Cahiers d'études africaines. URL : Consulté le 12-11-2021, http://journals.openedition.org/etudesafricaines

92 Entretien avec Larlem Augustine, Douala le 31-03-2021.

93 Terme employé pour désigner les populations distinctes des musulmans vivant généralement au Sud du territoire.

94 J. Boisson, 1966, La construction du Tchad et de Fort-Archambault, Paris, Scorpion, p. 53.

95 E. Djomniyo Kantiebo, 2004, « Musiques, corps et objets dans les rites et dans les danses des Sara du Sud Tchad », thèse de Doctorat Phd en Histoire économique et sociale, Université de Strasbourg, p. 31.

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Africain qui rime avec l'époque des grands Empires, le royaume du Baguirmi se démarqua par sa structuration à tous les niveaux.

En effet, ce fut l'un des royaumes les plus prospères et organisés du Tchad précolonial qui, grâce à son armée a effectué des conquêtes et des razzias notoires sur le territoire96. C'est aussi le royaume qui a résisté aux assauts répétitifs de Rabah à partir de 1887 avant que leur roi, le Mbang Garouang ne décide de le mettre sous protectorat français en 198997.

En parlant de son armée, un chant de guerre appelé communément le ka way constitue même la source de motivation de l'armée du Baguirmi tel que livrée par Nepidimbaye Géneviève.

Tableau 1: Chant de guerre en Barma

La version française

Version baguirmienne

1-Si je fuis, que Dieu m'étrangle

1-Mun jam may gana allah ge tol@m

2- Si je fuis, que le prophète me tue

2-Mun jam may gana nibi g@ TOL@ma

3-Jana, si je fuis, que le prophète m'écrase

3-Jana jo mun jam gana nibi g@ Tolem

4-Jana si je fuis...

4-Jana jo mum jam maya

5-Jana est décidé à mourir

5-jana ob royi kas god mbay yo

6-Mais la mort ne veut pas l'emporter

6-dag yo toly yeli

7-Jana veut mourir mais la mort tarde à l'emporter

7- jana ge yo dag yo mba diya

8-Il tient à offrir son corps aux charognards

8-nob royi god marlo

9-Mes frères tombent sous les coups de lances

9-ngan kuyumge yinga sà ga

10- Mes propres frères, les lances les ont emportés

10- ngan kuyuma yinga sà ga

11- Mes frères morts sont abandonnés aux charognards

11-ngan kuyumge jà marlo

12- La mort des autres me ferait moins mal

12- won kwi mad@mna ga koyim tag.

 

Source : Entretien avec Nepidimbaye Geneviève. Moundou, le 03-02-2022.

De ce qui précède, on peut affirmer qu'il est évident que ce chant de guerre a à bien d'égards été un catalyseur dans la fortification du caractère guerrier des baguirmiens. Malgré

96 A. Ngaré, 1994, « Histoire structurale du royaume du Baguirmi. Des origines à l'occupation coloniale : XVIe-Début XXe siècle », thèse de Doctorat en Histoire, Université Paul Valéry- Montpellier, pp. 62-66.

97 Ibid., pp. 104-109.

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le fait que, ce royaume ait disparu au début du XXème siècle, cet héritage légué à la postérité mais surtout le lien diplomatique qui le liait à la France a favorisé l'enroulement des baguirmiens au sein du RTS-T. En effet, étant jadis sous protectorat de la France, il était d'autant plus facile pour cette dernière de tirer avantage de ce legs du royaume du Baguirmi pour y constituer une armée locale.

Mais, il est également important de remarquer que, le patriotisme et l'attachement à la royauté expliquent la détermination et le courage des soldats baguirmiens que ni leur adversaire, ni encore la mort ne faisaient peur. Du moins, en bravant le danger, le soldat Baguirmien certes s'expose à la mort, mais mourir pour son royaume et les siens était pour lui une mort juste et digne.

Cependant, il faut également noter que cette armée baguirmienne est hiérarchisée et au sommet se trouve le Mbang qui est le roi, il est secondé par le Paja qui est le commandant en chef de l'armée, ce dernier fait également figure de Ministre de la défense du royaume98. En temps de guerre, l'armée peut disposer d'environs 450 à 600 soldats mais en temps de paix, seule la garde royale exerce et peut disposer de 150 à 300 soldats. Mais, ce sont les griots qui sont détenteurs du Ngah dal99.

Tout ceci témoigne bien le caractère guerrier du Tchad précolonial ; chose qui permit notamment à la France d'y lever la plus grande armée de l'AEF afin de l'utiliser pour renforcer son influence quant à la protection de son Empire. Mais, d'autres facteurs ont néanmoins aussi pesé sur la décision de mettre en place le RTS-T à l'instabilité provenant du Nord et menaçant la présence française sur ce territoire.

3- Les menaces Ottomane et sénousite au Nord du territoire (BET)

Les zones actuelles du Borkou, de l'Ennedi et du Tibesti ont durant les premières heures des conquêtes été âprement discutées entre Français, Sénoussistes et Turcs100. Et, de ce fait, la partie septentrionale du territoire du Tchad qui est frontalière avec la Tripolitaine, territoire alors sous domination italienne fut l'objet de convoitise de part et d'autre.

98 A. Ngaré, 1994, pp. 219-221.

99 Sorte de tambour sacré que les Barma sortent à l'occasion des guerres, il est joué pour annoncer, reprendre ou mettre fin à la guerre.

100Archives CEFOD, J. Ferrandi, H. Perpignant, « Turcs et Senoussistes au Fezzan », In Bulletin du comité de l'Afrique Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930- Novembre 1935. Supplément de l'Afrique Equatoriale. Cote TCH B 0319, pp. 3-7.

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Or, la confrérie Sénousites101 faisant face au prolongement du domaine français s'érige en véritable menace pour la colonisation française avec l'appui Turc et italien contre la France qui essayait d'assoir son autorité dans cette zone.

Cependant, pour mieux cerner la présence ottomane au Nord du Tchad lorsque les appétits des autres puissances colonisatrices grandissaient notamment celle de la France, il est important de comprendre comment cet empire s'installa sur le continent jusqu'à influencer le Nord du Tchad.

D'emblée, il est important de rappeler que la dimension africaine de l'impérialisme ottoman continue d'être absente des discussions et parfois de l'historiographie africaine. Or, la présence ottomane fut attestée au Tchad dès le XVIe siècle bien avant la présence des Français102. Mais, plusieurs auteurs à l'instar de Nora Nafi considèrent la colonisation ottomane plutôt comme une simple occupation ayant précédé l'ère coloniale103. Ceci se justifierait par l'absence de véritables colonies ottomanes en Afrique qui pourraient contredire cette thèse. Mais, en réalité il s'agissait tout simplement d'un impérialisme différent des autres.

C'est d'ailleurs dans ce sens que Michel Le Gall estimait que, l'impérialisme ottoman s'est manifesté dans une rhétorique de panislamisme prompt à islamiser l'ensemble du territoire tchadien104. Ceci lève une équivoque et permet de comprendre le soutien ottoman aux Sénousites face à la colonisation française : il s'agissait en réalité d'un conflit d'intérêt qui opposait la France à l'Empire ottoman. Ceci était l'un des mobiles apparemment suffisants pour justifier la constitution et le déploiement du RTS-T.

Mais, force est de constater que seuls des mobiles intra au territoire du Tchad n'ont pas été responsables de la mise en place du RTS-T. Car, à côté de ceux-ci, figure également des facteurs externes.

B- Les facteurs exogènes de la création du RTS-T

Il s'agit ici de mettre en évidence des facteurs provenant hors du territoire du Tchad qui ont eu un impact sur la création du RTS-T. Il est question ici du plan Mangin et de l'acte politique du Président Armand Fallières lié à la volonté de mettre en place dans l'ensemble de l'AEF le corps des tirailleurs sénégalais.

101 Il s'agit d'une confrérie musulmane qui était basée à l'Est de la Lybie et au Nord du Tchad où elle a tenu une résistance à la colonisation française entre 1880 et 1920.

102 S. Deringil, 1990, « Les Ottomans et le partage de l'Afrique, 1880-1900 », In S. Deringil et S. Kuneralp (ed.), Studies on Ottoman Diplomatic History, Istanbul, pp. 121-133.

Ibid., pp. 135-146.

103 N. Lafi, 2015, « L'Empire ottoman en Afrique : perspectives d'histoire critique », Cahiers d'histoire. In, Revue d'histoire critique, n°128, pp. 59-70.

104 F. Jacques, 1991, La France et l'Islam depuis 1789, Paris, PUF, p. 36.

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1- Le plan Mangin

Le corps de tirailleur sénégalais du Tchad ne s'est pas mis en place du jour au lendemain, ce fut la résultante d'une conjugaison d'éléments. En effet, en ordonnant la création sous proposition de Louis Faidherbe du premier régiment des tirailleurs sénégalais en 1857105, Napoléon III pensait avant tout à sécuriser grâce à ces derniers les comptoirs coloniaux. Mais, au vu des tensions grandissantes en Europe mais aussi en Afrique, le générale Charles Mangin estimait que les Africains pouvaient susceptiblement constituer une armée « indigène ». Et, de ce fait, il matérialise ses ambitions par la publication d'un manifeste intitulé la Force noire.

Dans ce livre, il loue les qualités des Africains et estime qu'ils peuvent éventuellement servir de réservoir d'hommes pour la Métropole en cas de besoin. D'ailleurs, il y écrit à ce sujet que : « l'homme africain possède la rusticité, l'endurance, la ténacité, l'instinct de combat, l'absence de nervosité et une incomparable puissance de choc106 ».

Toutefois, la Métropole étant d'abord réticente à l'idée de donner son aval sur la mise en place de cette force noire se résout néanmoins à accréditer l'idée de Mangin suite aux tensions qui s'accentuaient entre puissances occidentales mais, aussi à cause de la crise démographique qui touchait la France. Ce plan consistait à doter chaque colonie sous joug français d'une force supplétive pour qu'une fois mise ensemble, elles constituent la plus grande troupe d'infanterie coloniale. Mais, le mobile principal défendu par le plan Mangin résidait dans le fait qu'il soutenait l'idée selon laquelle tous les noirs sauraient être de parfait soldats. A ce propos Charles Mangin déclarait que :

que ces populations habitent la clairière de la forêt équatoriale ou la steppe désertique, les régions montagneuses ou les vallées des grands fleuves, qu'elles soient groupées ou dispersées, elles ont toujours vécus en guerre, guerre de race, querelles de villages, chasses d'esclaves. Les luttes permanentes ont imprimé à la race noire, depuis des âges les plus lointains, un caractère guerrier qu'elle conservera forcément pendant de longs siècles107.

Ces propos de Mangin nous amène à penser en fait que la mise en place des régiments des tirailleurs sénégalais n'était rien d'autre que la cheville ouvrière de la conquête coloniale. Car, ce plan avait pour ambition l'utilisation des Noirs à des fins d'expansion coloniale.

Cependant, il est toutefois intéressant de noter que, la mise en place des régiments de tirailleurs sénégalais en AOF et en AEF fut avant tout une initiative consistant à protéger

105 A. Rivart, 2019, « A Plombières, Napoléon III crée l'unité française des tirailleurs sénégalais », https://www.vosgesmatin.fr.Consulté en ligne le 13-03-2021.

106 C. Mangin, 1910, p. 296. 107Ibid. pp. 226-228.

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l'empire colonial, mais, ce rôle initial fut très vite dépassé et, plus tard, les tirailleurs sénégalais interviennent dans les théâtres d'opération extérieurs (TOE).

Ainsi donc, la création du premier corps de tirailleur sénégalais du Tchad est une résultante lointaine du plan de Charles Mangin de faire du continent un réservoir immense de soldats au service de la France. Mais, le plan Mangin fut concrétisé par l'entremise des volontés politiques qu'il convient à présent de mettre en évidence.

2- La matérialisation de l'idée de création du RTS-T

Si, les querelles entre puissances occidentales à la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle ont à bien d'égard été des motifs qui ont conduit à l'occupation des territoires en Afrique et à la tracée de leurs frontières. Il est cependant intéressant de remarquer qu'elles ont par la même occasion conduis à la création des armées locales à l'instar du RTS-T sur le territoire du Tchad.

De ce fait, aux premières heures de l'expansion coloniale française au Tchad, la France avait mis sur pieds une force locale dès 1902 dénommée Bataillon du Chari (BDC)108. L'objectif de ce Bataillon était de parfaire les troupes coloniales mais, aussi de les suppléer lors de la conquête des zones inexploitées. C'est en cela que, le BC peut être considérée comme la force « indigène » ayant précédé le RTS-T. Mais, il convient aussi de rappeler que le BDC jouait le rôle de « police interne » car, chaque Brigade de ce Bataillon assurait la sécurité d'un cercle administratif.

Ce constat sous-tend l'idée selon laquelle les puissances européennes ont usé de divers moyens pour sauvegarder chacun leur colonie conquise.

C'est dans ce contexte que, la France décida de créer des forces supplétives à partir des populations qu'elle dominait sur son empire africain. De ce fait, s'il est attesté que l'initiative de mettre en place des régiments de tirailleurs sénégalais au service de la France trouve son origine chez Napoléon III, c'est en partie grâce à Charles Mangin que, cette initiative a été instaurée à l'ensemble de l'AOF puis à l'AEF. Et, il revenait à Martial Merlin109 de créer dans les 4 colonies de l'AEF un corps de tirailleurs sénégalais110.

C'est suite à ces initiatives que naquit le RTS-T après le décret du 10 Février 1910 émis par le Président français Armand Fallières.

108 E. Largeau, 1913, La situation du territoire militaire du Tchad au début de 1912, p. 75.

109 Martial Merlin fut un ancien administrateur colonial français. Il a servi en Afrique dans un premier temps en AOF puis en AEF entre 1908 et 1917 comme Gouverneur Générale de l'AEF.

110 SHD, Correspondance du Ministère de la Guerre au Ministre des colonies et des Affaires Etrangères, Arrêté du Président Armand Fallières relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs sénégalais dans les colonies du Tchad, d'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Gabon, Cote GR 6H129-170.

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C'est à partir de cet acte fondateur que, le 15 Février 1910, Fort Lamy accueillait le tout premier régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad alors fort d'un peu plus de 3000 tirailleurs sénégalais encadrés par 200 Officiers et sous-officiers métropolitains tous placé sous le commandement suprême de Victor Emmanuel Largeau111.

Mais, la mise en place du RTS-T visait avant tout à doter la France de militaires capable de parachever la conquête de l'intérieur du territoire du Tchad tout en disposant des hommes résistant aux maladies locales et au climat rude du Sahel.

La photographie ci-dessous est le camp de concentration du RTS-T à Fort-Lamy. C'est à partir de là qu'ont été préparés les bataillons qui ont été déployés au Kamerun à partir de 1914 dans le cadre de la Grande Guerre dont le but visé était de protéger le domaine colonial français.

Photo 2: La caserne principale du RTS-T à Fort-Lamy

Source : (c) Eric Déroo.

Cette photographie met en lumière le lieu de concentration du RTS-T et date de 1913. Elle a la capacité d'abriter entre 300 à 2800 tirailleurs encadrés par 200 à 300 officiers et sous-officier métropolitains112. Nous remarquons que son entrée est filtrée à la guérite par quelques

111 E. Largeau, 1913, p. 43.

112 SHD, Renseignements et compte rendu de la situation politique et militaire du territoire militaire du Tchad. GR 6H137.

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tirailleurs armés. Cependant, il convient aussi de noter que cette caserne fut bâtie sur l'emplacement actuel de la place de la nation de N'Djamena dans le 1er Arrondissement selon Mariam Adoum113.

Mais, il faut aussi rappeler que, l'épigraphe à son entrée témoigne des faits d'armes du Régiment de marche du Tchad (RMT) en Libye lors de la Deuxième Guerre mondiale (DGM). Mais, le RTS-T dispose également d'un insigne spécifique que nous pouvons observer ici-bas.

Photo 3: L'insigne du Régiment des Tirailleurs Sénégalais Tchad (RTS-T)

Source : (c) Djeguemde, Moundou, le 15-09-2021.

Cette image témoigne d'un emblème assez particulier. En effet, le dromadaire qui le caractérise est reconnu comme un animal pouvant supporter les contraintes environnementales les plus extrêmes. Cela traduit à priori la ténacité des tirailleurs qui servent sous cette bannière.

Ceci dit, cet insigne est constitué d'une croix de guerre pour les officiers et sous-officiers métropolitains ayant servi lors de la Grande Guerre en Europe mais aussi au Kamerun,

113 Entretien avec Mariam Adoum, N'Djamena le 17-12-2021.

cependant, il est rapporté que les tirailleurs de ce régiment n'ont reçu cette distinction qu'après leur fait d'armes à Koufra dans le cadre de la Deuxième Guerre mondiale mené par le Général Leclerc tel que nous renseigne Nguemadji Dabot114.

En dépit de ces observations, il est fort intéressant de relever que, la présence française au Tchad a entrainé la mise en place du RTS-T sensé être une force supplétive aux ambitions de cette dernière.

Le premier chapitre de ce travail a consisté à retracer la genèse, les mobiles de la présence française au Tchad et les éléments responsables de la mise en place du RTS-T. Au terme de cette analyse, il en ressort que les débuts de l'ère coloniale française au Tchad résultent de nombreux éléments entrepris par le comité de l'Afrique à partir de 1889. Ainsi, trois missions en l'occurrence ont amené la France à fortifier sa position sur ce territoire autant stratégique qu'indispensable à la volonté de cette dernière dans ce contexte de rivalités expansionnistes.

De ce fait, au vu du contexte qui prévalait, ce territoire fut utilisé comme une base arrière française et ce rôle se confirma surtout à l'entame de la Grande Guerre sur le continent africain ; Guerre qui vu le déploiement du RTS-T au Kamerun notamment à partir du front Nord.

Partant de ces constats, il convient dans le chapitre suivant de mettre en évidence la structuration et la gestion de ce régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad.

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114 Entretien avec Nguemadji Dabot, N'Djaména le 04-02-2022.

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CHAPITRE II : STRUCTURATION ET TRAITEMENT DU REGIMENT DES TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T). 1910-1914

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Dans le but d'avoir des résultats après la mise en place du régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad, la Métropole avait pensé à structurer puis à gérer les effectifs qui la composent. De ce fait, la hiérarchisation militaire étant l'une des premières règles de la grande muette, le RTS-T a à l'instar de toute armée obéit à cette logique.

Partant de ce constat, le présent chapitre entend dans un premier temps s'intéresser au noyau même du RTS-T ce qui sous-entend de mettre en exergue la diversité dans les recrutements autant chez les militaires locaux que, chez les militaires métropolitains. Car, si, la majorité de l'effectif du RTS-T fut majoritairement constitué de militaires locaux, force est également de constater que, un nombre conséquent de militaires venus de Métropole ont été incorporés à ce régiment. Suite à cette diversité au sein du RTS-T il était désormais question pour la métropole de penser la gestion de ces hommes qui, par la force des choses ont parfois été qualifiés de « frères d'armes ».

Il s'agit aussi de mettre en lumière la composition de ce corps car très peu d'études concernant l'ossature de ces régiments ont été menées. Ainsi, il est important dès lors de rappeler dans cette première section la composition du RTS-T ; ce qui sous-entend de revisiter leur différents modes de recrutement qui l'ont caractérisé puis, aborder la gestion de ce corps.

I- LA COMPOSITION DES EFFECTIFS DU RTS-T

Avant tout propos, il convient de rappeler que, l'une des raisons ayant motivé notre choix de nous pencher sur la structuration du RTS-T est l'hétérogénéité des hommes qui la composent. Partant de ce constat, il est question ici de mettre en évidence les différents modes de recrutement au sein de cette infanterie de troupe coloniale. Dans l'optique d'y parvenir, il est question au préalable d'aborder tour à tour les méthodes de recrutement à la fois chez les tirailleurs sénégalais également chez les militaires métropolitains.

A- Les modes de recrutements au sein du RTS-T

La question de l'armée est à priori antérieure dans la plupart des colonies africaine à l'occupation du continent par les puissances impérialistes comme le rappel Marielle Debos115. Mais, il faut cependant rappeler que les armées précoloniales étaient surtout constituées de prisonniers de guerre et d'esclaves dans les royaumes durant le Moyen-Age africain116.

115 M. Debos., 2003. Le métier des armes au Tchad. Le Gouvernement de l'entre deux guerre. Paris, Karthala, p. 23.

116 J. Ki-Zerbo, 1972, Histoire de l'Afrique noire d'hier à demain, Paris, Hatier, pp. 95-103.

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Avec l'avènement des impérialistes occidentaux, les populations du continent particulièrement celle du territoire du Tchad a été diversement réquisitionnée pour bâtir les régiments de tirailleurs sénégalais censés défendre la cause française. Partant de là, il est intéressant de remarquer que certains groupes ethniques du territoire du Tchad ont été jugées plus aptes à livrer des guerres à la suite de certains « stéréotypes coloniaux », qui sous-tendait que, les populations qui s'adonnaient à l'agriculture au détriment de l'élevage étaient dotées d'un physique plus imposant et par conséquent constitueraient de meilleurs soldats117.

C'est en allant dans le même sens que, Marc Michel118 estimait que les ethnies de savanes étaient considérées comme plus guerrières que les populations des zones forestières et côtières et par conséquent recrutées prioritairement. On constate que ces stéréotypes ont volé en éclat et ont fait place assez rapidement à la réalité qu'offraient les velléités expansionnistes, ce qui a du coup amené la France à mobiliser le maximum d'hommes dans le but de les déployer sur les TOE. Toutefois, il est question à présent de voir comment s'est fait les recrutements des tirailleurs sénégalais on dénombre de ce fait 03 types d'engagements : le volontariat, le réengagement et la conscription

Le 1er mode de recrutement ; l'engament dit volontaire fut le premier mode de recrutement pour les populations locale du territoire du Tchad. En effet, si les mobiles liés à leur endurance, courage et témérité ont été très tôt mis en avant pour justifier leur enroulement dans les corps de troupe coloniale comme le pense Bekiri119. Il convient de rappeler que c'est en revanche l'ordonnance du Président Armand Fallières de 1910 qui posait véritablement les bases de leur incorporation et de leur engagement au sein des troupes d'infanterie coloniales120. Il fixait les modalités d'engagement concernant notamment l'âge minimal et maximal des postulants. A priori, ces derniers devaient être âgés de 18 ans au moins et 35 ans au plus pour s'engager au sein du RTS-T121.

Mais, cette thèse dénié d'objectivité n'est pas du tout de l'avis de Djimrabeye Dayanne qui estime que122, « il est difficile de concevoir le fait que, nos prédécesseurs aient eu des actes

117 Entretien avec Mbaihormon Narcisse, Moundou le 06-12-2021.

118 M. Michel, 2003, Les Africains et le Grande Guerre. L'appel à l'Afrique, (1914-1918), Paris, Karthala, p. 15.

119 Entretien avec Bekiri, Moundou le 11-10-2021.

120ANT, JO-AEF, 1910, la Quinzaine coloniale n°2, Le Gouverneur des colonies, Décret du 15 Décembre 1910, sur le recrutement des indigènes dans les colonies de l'AEF, p. 31.

121ANT, Arrêté du Gouverneur des colonies Martial Merlin, Article Premier. Les conditions d'engagement des indigènes au sein des régiments des tirailleurs sénégalais au Tchad, en Oubangui-Chari, au Moyen-Congo et au Gabon, p. 43.

122 Entretien avec Djimrabeye Dayanne. Moundou le 12-09-2021.

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de naissance pour permettre aux autorités coloniales de les enrouler avec exactitude en ce temps ». Ceci dit, on est en droit de penser que ce n'était qu'un volontariat de façade, car, aucun enjeu ne semblait être à l'avantage de ces engagés au sein du RTS-T.

Cependant, il faut noter que, la population locale du Tchad engagée « volontairement » était utilisée à séant aux desseins de la Métropole. Mais, ce volontariat semblait se limiter aussi avec certaines obligations notamment celle de servir hors du territoire du Tchad. A ce sujet, cette ordonnance stipulait que : « Tous les militaires indigènes, appelés ou liés par contrat, peuvent en toute circonstance être désignés pour continuer leurs services hors de leur groupe de colonies d'origine sous les réserves prévues par les décrets sur le recrutement 123 ».

Toute somme, les engagements dits volontaire n'ont été en fait que des stratagèmes mis en place pour justifier la volonté de la France de paraitre comme une puissance respectant les libertés et le droit des assujettis. Car, en plus de revêtir des aspects plus moins obligeant cette méthode de recrutement était loin d'être du consentement des engagés. La seconde méthode de recrutements des tirailleurs sénégalais: le réengagement mettait à nue cette « contrainte voilée » que cachait l'engagement volontaire.

Le 2nd mode de recrutement ; le réengagement. Cette seconde méthode de levée des tirailleurs sénégalais est un des aspects les moins évoqués des modes de recrutement en période coloniale. En effet, ce type de levée s'inscrit dans la continuité de la circulaire du 15 Décembre 1910124.

Ainsi, cette ordonnance accordait la possibilité aux tirailleurs sénégalais des groupes de l'AOF et de l'AEF de poursuivre leur carrière militaire sous le drapeau français. Cela traduisait ainsi la volonté de la France de conserver sous leur domination des soldats déjà expérimentés ce qui leur facilitait les choses car, de ce point de vue, les tirailleurs sénégalais avaient déjà reçu une instruction militaire et par conséquent possédaient une expérience des armes à feu et des techniques de guerre moderne.

123 ANT, JO-AEF, 1910, la Quinzaine coloniale n°2, Le Gouverneur des colonies, Décret du 15 Décembre 1910, sur le recrutement des indigènes aux colonies Article.2 .Titre I, Obligation du service des tirailleurs sénégalais hors de leur territoire.

124 ANT, JO-AEF, 1910, la Quinzaine coloniale n°2, Le Gouverneur des colonies, Décret du 15 Décembre 1910, sur le recrutement des indigènes aux colonies Article 3 .Titre I, Obligation du service des tirailleurs sénégalais hors de leur territoire.

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Cependant, il faut aussi rappeler que si le réengagé pouvait servir au sein du RTS-T au moins pendant quatre, cinq voire six années, il ignorait cependant quand son service militaire pourrait prendre fin. En effet, les tirailleurs sénégalais pouvaient servir comme réengager sur une durée comprise entre 03 et 15 ans selon que la Métropole avait besoin d'un capital humain125.

C'est dans ce sens qu'en temps de guerre par exemple, les tirailleurs sénégalais étaient insérés pendant de longues périodes au sein du RTS-T comme l'atteste l'ordonnance du 23 Décembre 1914126. C'est en allant dans le même sens, qu'Anthony Guyon127 estime pour sa part que : « les Tirailleurs sénégalais étaient d'une façon ou d'une autre liés à la Métropole et de ce fait, il ne leur revenait pas le droit de se désengager de l'armée quand ils le désiraient ». Ce qui nous amène à faire la remarque qu'il s'agissait en fait d'une contrainte imposée aux tirailleurs sénégalais qui allaient à l'encontre des libertés tant vantées par les nations dites « civilisatrices » censées être des modèles. En revanche, le dernier mode de recrutement des tirailleurs sénégalais mettait ouvertement en exergue ce que les deux types de recrutements précités n'évoquaient pas directement.

Le 3ème mode de recrutement ; il s'agit ici de la conscription ou exercice militaire obligatoire : si, les recrutements dits volontaires et les réengagements étaient les modes de recrutements prônés aux premières heures de la constitution des troupes coloniales, la conscription encore appelée service militaire obligatoire par contre était une référence et s'imposait surtout en période de. En effet, le recrutement par conscription était considéré comme le plus « ignoble » des modes de recrutement car, il a entrainé des nombreuses conséquences. Il a séparé des familles, provoqué une décadence des bras valides et retardé la croissance démographique du continent comme nous rappelle Rachid Bourchareb à travers son film intitulé « Indigènes128 ».

En outre, la levée par conscriptions peut être perçue comme le service militaire obligatoire par excellence mis en avant par la France dont furent victimes les Africains en générale et la population du territoire du Tchad en particulier.

125 Entretien avec Avouksouma Didier, N'Djaména le 11-12-2022.

126 Archives du CEFOD, 1914, Fond Tchad, Cote 963 42, Circulaire interministérielle sur les durées des engagements et rengagements des indigènes coloniaux résidant en Afrique Equatoriale Française pendant la guerre. p. 3.

127 A. Guyon, 2017, p. 53.

128Rachid Bourchareb, Film « Indigènes ». Consulté en ligne le 10-02-2022. http://www.ina.fr..

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S'il est notoire que le recrutement par conscription des tirailleurs sénégalais était moindre avant 1914. Force est de constater que, c'est à partir de cette période qu'on remarque qu'il passe au premier plan ceci du fait du grossissement du RTS-T résultant en parti des tensions sans cesse grandissantes entre Européens. C'est en allant dans ce sens qu'Helene Almeida Topor129 affirmait que : « la Grande Guerre fut un catalyseur dans la conscription dans l'ensemble de l'empire colonial africain ».

Cependant, il faut également noter que, ce sont les chefs de circonscriptions qui avaient la charge de satisfaire les quotas d'hommes dans leur cercles130. C'est à ces fins que les neuf circonscriptions du territoire du Tchad ont été sollicitées afin de fournir des Hommes qui ont constitué l'essentiel du RTS-T131. Néanmoins, pour atteindre leur but, les chefs de cercles avaient recours aux méthodes peu conventionnelles pour recruter les soldats comme l'affirme Djadjingar Francis132 qui estime que les chefs de circonscription mettaient la pression au sein des familles pour se faire livrer des bras valides et lorsque les quotas n'étaient pas atteints, de véritables razzias étaient organisées dans les villages. D'ailleurs, ces propos trouvent tout leur sens dans l'ordonnance du 15 Décembre 1914 qui stipule la levée massive des « indigènes » dans le cadre de la guerre133.

Malgré le caractère explosif des recrutements sur le territoire du Tchad, il y' a eu cependant des résistances à ces pratiques peu philanthropes qui foulaient au pied la dignité humaine. La première résistance à cette pratique était la fuite des hommes de leur village qui voyaient d'un mauvais oeil leur enroulement dans l'armée pour mener des opérations dont ils ignoraient parfois le sens. C'est dans cette optique que le film de Benjamin Braillard134 intitulé « les troupes coloniales pendant la Première Guerre mondiale135 » met en avant l'opposition des Africains face aux réquisitions dans le cadre de la Grande Guerre. En plus de cela, parfois on arrivait même à des affrontements ouverts entre opposants à cette pratique et autorités coloniales.

129H. Almeida Topor, 1973, « Les populations dahoméennes et le recrutement militaire pendant la Première Guerre mondiale », in, Revue d'histoire d'Outre-Mer, n°36, pp.196-201.

130Entretien avec Bedoum Antoine. Douala le 23-09-2021.

131 Il convient cependant de rappeler que, les premiers chefs de circonscriptions du territoire du Tchad jusqu'en 1944 étaient tous Français. Ils exerçaient une pléthore des pressions sur les autorités traditionnelles et les chefs de villages qui devaient fournir un quota d'hommes qui constitueraient la base du RTS-T.

132 Entretien avec Djadjingar Francis, Moundou le 15-12-2021.

133 Archives du CEFOD, 1914, Fond Tchad, Tchad, 963 32, Circulaire interministérielle sur les engagements et rengagements des indigènes coloniaux résidant en Afrique Equatoriale Française, p. 3.

134 Benjamin Braillard « Les troupes coloniales pendant la Première Guerre mondiale », Film documentaire produit par le CNC. https://www.cnc-aff.Consulté en ligne le 10-02-2022.

135 Entretien avec Ursule Touroukounda. Moundou, le 21-12-2021.

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Ce fut le cas à l'Est du territoire, au Ouaddaï, plus précisément à Abécher ou depuis l'occupation de cet espace par la France, de vives voix s'étaient opposées à leur présence jusqu'en 1917 donnant suite au massacre des leaders musulmans136. En effet, l'enroulement des hommes dans l'armée coloniale devenait de plus en plus difficile. En s'opposant à cette pratique, la population de Abécher s'était rendu coupable devant les autorités coloniales qui, avaient perpétré un massacre au coupe-coupe tel que l'estime Mahamat Adoum137. Selon ses propos, le massacre de Abécher fut une attaque des militaires coloniaux en pleine séance de prière ; une attaque surprise au coupe-coupe qui eut lieu entre 4h et 5h du matin. Ce massacre est resté ancrée dans les mémoires collectives des populations de ces régions.

On constate à travers la diversification des modes de recrutements que la France a usé de nombreux moyens pour recruter au sein de la population du territoire du Tchad à travers différentes méthodes. Elle n'a pas hésité à utiliser les moyens les plus drastiques pour gonfler son armée. En revanche, le mode de recrutement des militaires métropolitains faisant parti du RTS-T était différent de celui de leurs « frère d'arme » africains.

B-Chez les métropolitains

La dynamique de recrutement des militaires métropolitains était totalement différente de celle des tirailleurs sénégalais. D'emblée, les métropolitains étaient recrutés pour la plupart hors des colonies et des territoires assujettis par la métropole. Deux types de recrutements ont à l'aube de la Première Guerre mondiale été alors mis sur pieds par le Ministère de la guerre pour enrouler les métropolitains au sein de l'armée coloniale : le volontarisme et le réengagement138.

De ce fait, s'agissant de la levée sur la base du volontariat, il était organisé en France une campagne de propagande menée par le Ministère de la Guerre dont le but était d'engranger le maximum de soldats au sein des troupes coloniales139. C'est en allant dans le même sens qu'Anthony Guyon affirmait que durant la propagande du Ministère de la guerre, les français

136 M. Adoum, 2002, « Abécher1917 : chronique d'un massacre au coupe-coupe », N'Djaména, Edition Al Mouna. pp. 10-12.

137 M. Adoum, 2002, « Abécher 1917 : chronique d'un massacre au coupe-coupe », N'Djamena, Edition Al Mouna, pp. 10-12.

138 T. Palmieri, 2015, « Etude comparative de l'administration militaire de l'Italie et de la France au Fezzan libyen. Un cas de modèle coloniale en continuité (1930-1951), thèse de Doctorat en Histoire contemporaine, Université de Marseille Aix en Provence, pp. 25-27.

139 ANT, JO-AEF, Les engagements et réengagements des soldats métropolitains au sein des troupes coloniales. Affiche de propagande de recrutement de militaires métropolitains au sein des armées coloniales.

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pouvaient choisir le corps qu'ils souhaitaient intégrés selon leur aptitude140. Mais, force ici est de remarquer que cela différait totalement du recrutement des tirailleurs sénégalais qui ne pouvaient faire partir que de l'infanterie coloniale du RTS-T ou au plus, de l'infanterie colonial des troupes envoyer en occident.

Cependant, il convient malgré tout de souligner que quelques conditions étaient fixées pour intégrer soit les troupes métropolitaines ou les troupes coloniales. Il fallait pour le soldat métropolitain présenté des pièces composées d'un extrait de casier judiciaire, un certificat médical et un bulletin de naissance141 cet acte traduisait bien une volonté pour Paris d'éviter l'intrusion d'étrangers au sein de leur armée.

Quant au recrutement par réengagement, cela constituait un tremplin pour la Métropole car, lorsque débute la PGM, la France connait une baisse démographique dont les réengagements des militaires de Métropole constituaient une aubaine. Mais, le réengagement différait du service militaire obligatoire dans la mesure où les réengagés pouvaient servi partout alors que, les conscrits n'avaient pour rôle que la défense du territoire national français142.

C'est dans ce sens que, Martel André Leclerc143 rappelait que, les réengagements ont été instaurés par la France pour contenir les attaques ennemies et protéger l'intégrité du territoire. Mais, les militaires métropolitains ne subissaient aucune contrainte qui les obligeait à se réengager. En revanche, s'ils le souhaitaient ils pouvaient demander une mutation d'une circonscription à une autre voire d'un territoire à un autre.

Ces modes de recrutements ont permis à la France de maintenir un nombre conséquent d'hommes au sein du RTS-T surtout lors de la PGM. Mais, dans l'optique de parfaire notre connaissance du RTS-T, il convient à présent de nous pencher sur sa gestion.

II- LA GESTION DES EFFECTIFS DU RTS-T

Au début du XXe siècle, l'augmentation importante des effectifs de l'armée coloniale était avant tout liée à la politique d'expansion coloniale144. De ce fait, le développement des régiments de tirailleurs sénégalais fut un mobile supplémentaire pour la France d'accentuer sa position et son influence dans les territoires qu'elle dominait et qu'elle envisageait s'accaparer.

140 Ils pouvaient notamment choisir d'incorporer les troupes d'Infanterie, de cavalerie, Artillerie, génie et du train.

141 A. Guyon, 2017, p. 231.

142 M. André Leclerc, 1998, Le soldat et le politique. Paris, Albin Michel, p. 81.

143 Ibid., p. 101.

144 M. André Leclerc, 1998, p. 11.

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Ainsi, le corps de troupe coloniale comme nous l'avons vu, avait une composition hétérogène constituée de soldats noirs et d'officiers métropolitains. Cependant, il est à présent question de nous pencher sur le traitement des effectifs du RTS-T.

Mais avant tout, il convient de rappeler que, le régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad a ceci de mémorable qu'il était lié à la Métropole par des engagements assortis le plus souvent de primes aux soldes divers. Ainsi, dans l'optique de mieux cerner ces différences au sein du RTS-T, il serait question ici de nous appesantir sur les questions liées aux pécules, à la formation et à aux traitements sanitaires du RTS-T.

A- La question des pécules au sein du RTS-T

Le corps du régiment des tirailleurs sénégalais basé sur le territoire du Tchad fut l'une des armées les plus dynamiques et les plus sollicitées au sein de l'AEF. Même s'il est vrai que les questions des soldes au sein des troupes coloniales restent un sujet peu mis en évidence, il est indéniable qu'elle cristallise les relations colonisateurs-colonisés à un moment de son histoire.

De ce fait, il est question ici d'aborder cette question sous deux angles : les pécules des engagés et celui des déplacés. Toutefois, il est aussi question de mettre en évidence les aspects sombres du paiement des pécules souvent minoré.

1-Les indemnisations du RTS-T au sein du territoire

Au sein du régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad, la question de rémunération des effectifs était diverse en fonction de la position qu'on occupait. Si, les soldes perçues étaient différentes, force est cependant de remarquer que le traitement était également différent. C'est dans cette mouvance que plusieurs articles venaient régulés les indemnisations des hommes qui servaient les intérêts du drapeau français.

De ce fait, les avantages pécuniaires étaient accordés en CFA145 aux appelés à l'instar des engagés volontaires ou aux réengagés mais à des soldes divers. Ainsi, le tirailleur sénégalais du Tchad dès qu'il contractait un engagement au sein du RTS-T percevait une indemnité de 0,25Cfa mensuellement146. Selon le même décret mais dans l'article 5, les indemnités des

145 Cette monnaie coloniale dénommée Communauté Financière Africaine (CFA) a servi dans les colonies sous domination d'AOF et d'AEF entre 1880 et 1958 avant d'être remplacée par le FCFA (Franc de la communauté Française d'Afrique). Le CFA était arrimer au FF (Franc Français) et, 1CFA valait 0.02FF.

146 Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF, Arrêté du 15 Décembre 1912, Article 2.

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tirailleurs sénégalais appelés à se déplacer à l'intérieur du territoire étaient dédommagées à hauteur de 0.27CFA ainsi que sa famille147.

Ceci reste des données publiées dans les Journaux Officiels tenus par la Métropole et rédigés par l'administration coloniale, elles ne sont pas toujours fidèles à la réalité. En effet, certaines réactions et événements nous amène à remettre en question l'objectivité de ces données à l'instar des incidents du 01 Décembre 1944 à Thiaroye148. En outre, de nombreuses réalisations cinématographiques149 vont également à l'encontre de ces données liées aux paiements des pécules.

Cette initiative était instaurée à priori pour motiver la population du territoire du Tchad à intégrer les rangs du RTS-T. Cependant, le contexte de tension d'après 1911 fit changer les choses et c'est peut-être la raison qui poussa la Métropole dès 1912 à diversifier la bourse des soldats locaux. C'est dans cet élan que, pour dynamiser plus ses troupes, la France fixa l'indemnité de pensions comme le mentionne le décret des curricula du 30 Août 1914150. Mais, ces pécules étaient différents pour les tirailleurs sénégalais appelés à se déplacer.

2-Les pécules pour déplacés hors du territoire

L'engagement des tirailleurs sénégalais par la France dans l'optique de les intégrer dans leurs rangs fut une pratique sans cesse grandissante. Cet acte marquait symboliquement un nouveau rapport entre colons et colonisés par le simple fait qu'ils se côtoyaient désormais dans un contexte qui les obligeaient à s'unir. C'est ainsi que, Marc Michel les qualifiaient de « frères d'arme ». Si par ailleurs, nous avons vu que l'engagement avait un coup, lorsqu'on rejoignit le corps du RTS-T, cette rémunération était différente lorsque les tirailleurs sénégalais étaient appelés à servir hors de leur territoire.

En effet, si le rôle premier des tirailleurs était de défendre leur territoire ou du moins celui dont la France souhaitait se faire maitre, ces derniers pouvaient être déployés loin de leur circonscription voire de leur colonie d'origine. C'est en ce sens que cette section entend s'intéresser aux primes alloués aux tirailleurs déplacés hors du territoire du Tchad. Ainsi, si

147 Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF, Arrêté du 15 Décembre 1912, Article 5.

148 Les incidents du camp de Thiaroye au Sénégal sont restés célèbres du fait du massacre des tirailleurs sénégalais qui réclamaient leurs pécules après avoir combattu auprès de la France. Tandis que, la France évoquait la mort de 30 tirailleurs survenus après une mutinerie, des enquêtes ont révélé que pas moins de 300 tirailleurs ont été massacrés à tort.

149 On peut notamment citer, « Le camps de Thiaroye' » de Sembene Ousmane, « Au nom de la mémoire » de David Asouline.

150 ANT, Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF, Arrêté du 30 Aout 1914, article 1.

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l'article 4 du décret relatif à l'emploi des soldats locaux se penchait également sur les primes de déplacés hors de leur colonie, cette ordonnance stipulait que :

Au cas où les tirailleurs sénégalais seraient appelés à servir hors de leur colonie d'origine et qu'ils ne seraient pas autorisés à emmener leur famille, une allocation journalière de 0fr.25 sera payée à leurs femmes avec accroissement de 0.05Cfa par enfant de moins de 12 ans. Si les enfants sont orphelins de mère, l'allocation qui leur sera acquise sera payée à la personne qui en a la charge, faisant fonctions de tuteur désigné par le chef civile ou militaire de circonscription ou de subdivision151.

Mais, au vu des nombreux incidents liés parfois aux paiements des pécules, cette ordonnance se présentait en fait comme un « simulacre de bonne foi » de la part de la France. Car, le caractère philanthropique de ce décret peut être remis en question, surtout que, aucune action même mémorielle n'a été entreprise pour conserver la mémoire de ces tirailleurs sénégalais au Tchad.

C'est en s'insurgeant contre cet acte de « bonne foi » que les paroles de Mbaidené Nadine152 sont intéressantes, elle estime que : « les tirailleurs sénégalais du Tchad ont servi les intérêts de la France inutilement, la preuve flagrante est qu'il n'existe même pas une rue qui porte leur faits d'arme ou même la construction d'un monument censé rappeler leur engagement aux cotés de la France».

Des soldes pécuniaires alloués aux tirailleurs sénégalais, nous pouvons dire qu'elles ont constitués des moyens efficaces pour enrouler les tirailleurs sénégalais dans les régiments. Même si, l'applicabilité des décrets relatifs au paiement de ces divers soldes est remis en question, force est cependant de constater que, les tirailleurs sénégalais particulièrement ceux du Tchad ont servi avec loyauté la France. Toutefois, comment étaient traités au quotidien ces effectifs de plus en plus grandissants ?

B-Le traitement des effectifs RTS-T

Les lacunes observées dans la formation militaire des tirailleurs sénégalais obligeaient la Métropole à repenser la gestion des effectifs de ce corps armée. C'est ainsi que cette section se propose de revisiter dans un premier temps l'instruction militaire donné aux tirailleurs et dans une seconde partie la place du français dans ce régiment.

151 Archives du CEFOD, 1912, Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF, décret relatif aux recrutements des indigènes au Gabon, Moyen- Congo, Oubangui-Chari, Tchad. Paris, Emile Larousse.

152 Entretien avec Mbaidéné Nadine, Moundou le 09-11-2021.

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1-L'instruction des tirailleurs sénégalais

Dans l'optique de mener à bien l'encadrement des tirailleurs dans les colonies et principalement celui du RTS-T, deux types de formations leurs étaient donnés : une formation militaire et une formation civile.

a- L'instruction militaire

Pour la concrétisation de ses desseins impérialistes dans les colonies, la France avait eu à se constituer un bras armée composé majoritairement de soldats levés localement. Mais, ces populations notamment celle du territoire du Tchad furent instruites suivant les méthodes habituelles de la « grandes muette ». C'est ainsi que quelques prescriptions militaires furent enseignées aux tirailleurs sénégalais du Tchad afin d'améliorer les lacunes perçus jusqu'ici par les administrateurs coloniaux.

C'est dans ce sens qu'une formation sommaire était donnée aux tirailleurs du RTS-T avant de les enrouler dans les fronts. La formation des tirailleurs sénégalais fut progressive et ambitieuse et, elle trouvait son origine dans un projet de loi datant de 1913 qui orientait la formation153. C'est en ce sens que, les principales instructions concernaient les manoeuvres de tirs et de mobilités. Ainsi, ces manoeuvres se concentraient sur trois points :

? Huit à dix jours consécutifs d'instruction de détail afin de former le bataillon, puis le groupe d'artillerie recevait une préparation spécifique au maniement de leur fusil à baïonnette.

? Puis, huit à dix jours d'instruction de l'ensemble du régiment d'infanterie avec, l'artillerie et la cavalerie,

? Enfin, trois jours permettaient aux Etats-Majors de préparer leur travail, d'établir le réseau des transmissions et des reconnaissances préalables

Il faut néanmoins préciser que la formation des tirailleurs sénégalais passait aussi par la qualité du matériel mis à leur disposition. Or, ces derniers avaient droit occasionnellement à l'usage des armes à feu dans le cadre de leur instruction.

153 SHD, GR 8D18, Rapport général annuel sur les questions intéressant l'instruction des tirailleurs sénégalais dans les colonies d'Afrique, Paris, le 15 novembre 1913.

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Toute somme, si l'instruction militaire demeurait essentielle, elle n'occultait en rien l'instruction civique qui dépassait alors le seul cadre militaire. Et, de ce fait, la communication entre tirailleurs sénégalais et instructeurs métropolitains fut indispensable.

b- Les langues comme moyen d'instruction

Comme le contexte le prévoyait, l'utilisation des tirailleurs sénégalais à long terme était plus qu'envisagé mais, il était dès lors question de donner à ces derniers une autre conduite qui passait par l'apprentissage du français. Mais, quelques fois, les instructeurs furent obligés d'apprendre les langues locales afin de faciliter la communication et les instructions154.

En le faisant, les officiers et instructeurs métropolitains estimaient qu'ils rendaient meilleurs les tirailleurs sénégalais et amélioraient la qualité des régiments à l'instar du RTS-T. C'est en allant dans le même sens que, Anthony Guyon épousait cette logique de perfectionnement des tirailleurs sénégalais. Il y écrivit d'ailleurs que : « L`organisation des tirailleurs sénégalais résulte d'un encadrement spécifique. Dans l'application, on ne s'est pas seulement proposé comme but d'utiliser la quantité, mais aussi d'améliorer la qualité des indigènes pendant leur séjour sous le drapeau155 ».

Ainsi, si l'engagement a constitué un moyen de rapprocher les tirailleurs sénégalais de l'idéal prôné par la France comme l'a souligné Annie Crépin156, il semblerait en revanche que, la conscription mis en place en AEF a été défavorable à cette notion. Mais, la vulgarisation des us et coutumes métropolitains pouvaient concourir à transformer les tirailleurs, principalement ceux du RTS-T en parfait défenseur des desseins de la France dans son futur pré carré. En outre, la maitrise de la langue française a été un levier nécessaire et indispensable au bon déploiement du RTS-T. Car, elle a favorisée l'évolution des rapports entre tirailleurs sénégalais et l'administration coloniale d'autant plus que, l'utilisation du tirailleur à long terme était envisagée.

C'est dans ce sens que l'usage du français et des langues locales au sein du RTS-T s'avéraient primordiale tant pour les instructions militaires que pour l'exécution des ordres. Ainsi, les interprètes étaient souvent appelés à jouer un rôle et être une croix de transmission

154 Entretien avec Nguidam Isaac, N'Djaména le 10-12-2021.

155 A. Guyon, 2017, p. 46.

156 A. Crépin, 1998, La Conscription en débat ou le triple apprentissage de la nation, de la citoyenneté, de la République : 1789-1889, Arras, Artois Presses Université, p. 253.

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dans cette entremise dans la chaine de communication. D'autant plus que, administrateurs coloniaux et tirailleurs sénégalais étaient appelées à maitriser la langue de chacun.

C'est allant dans ce sens que le colonel Mangeot prônait l'apprentissage des langues locales en ces termes : « Il serait bon que les administrateurs coloniaux, les militaires métropolitains aient des notions suffisantes de langues locales africaine. De plus en plus, celles-ci s'affirment comme langue communément parlé par tous les tirailleurs sénégalais et, la langue est facile, le vocabulaire est sobre, la grammaire simple157 ».

Toutefois, si nous avons observé que le français fut la langue que voulait instaurer la France au sein du RTS-T, force est cependant de remarquer que les langues locales ont su se préserver et ont même été utilisés par les colons pour faciliter la communication. Ainsi, le choix du français n'était pas systématique car les « dialectes » avaient su se frayer leur chemin au sein du RTS-T. C'est en confortant cette idée que, Mahamat Abdelkerim158 affirme que : « au sein du RTS-T, les langues les plus parlées furent l'arabe « tchadien », les langues Sara et Bananas et le français ».

Cela nous confirme effectivement qu'il existait au sein du RTS-T une pléthore de langues qui qui en disaient long sur la diversité ethnique des hommes qui compose le RTS-T. En outre, l'apprentissage du français par les tirailleurs était surtout une aubaine pour la Métropole qui projetait de les utiliser plus tard comme auxiliaire d'administration. Ils constitueraient de ce fait un rouage majeur dans les relations colons et colonisés. C'est d'ailleurs ce que martèle le rapport de Jean Ferrandi relatif à l'organisation du régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad après la Grande Guerre159.

Toutefois, l'usage du français par les troupes locales peinait à être maitrisée. Mais, dit-on, une fois n'est pas coutume et à force d'apprentissage colons et colonisés sont parvenus à établir un système linguistique simplifié qui certes n'épousait pas totalement les règles de la langue de Molière mais qui, était efficace. En effet, connu sous le vocable de « français-tirailleur ». Ce néo-langage permettait de véhiculer les instructions et codes militaires de base.

157C.Van Den Avenne, 2005, «Bambara et français-tirailleur. Une analyse de la politique linguistique de l'armée coloniale française : la Grande Guerre et après », in, Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde, SIHFLES, Décembre 2005, n° 35, pp. 123-150.

158 Entretien avec Mahamat Abdelkerim, N'Djaména le 16-12-2021.

159 SHD/GR 8D55-392, Rapport du lieutenant-colonel Jean Ferrandi, commandant le 6e RTS-T, sur l'organisation du régiment, le 2 août 1920, p. 4.

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C'est en cela qu'il nous a paru important de reproduire un extrait de « leçon » inculquée aux tirailleurs sénégalais de la guerre de 14-18.

Tableau 2: Les instructions militaires enseignées aux tirailleurs sénégalais

Morceau choisi

9e leçon : le fusil à chargeur, démontage

Quand tirailleur y en a démonter fusil

Y en a prendre tournevis,

Y en a dévisser vis d'assemblage,

Y en a enlever tête mobile

Y en a dévisser ensuite mécanisme à chargeur

Y en a moyen enlever mécanisme comme ça

Y en a enlevé après bretelle fusil

Y en a enlever l'embouchoir

Y en a sortir grenadière.

36e leçon : feu à volonté

Tirailleur y en a garde à vous, arme au pied,

Quand y a faire feu à volonté

Chef y a commander : "Feu à volonté"

Tout le monde y en a présenté l'arme

Y en a charger fusil

Ensuite chef y en a donner hausse et objectif.

Quand chef y en a dire : "commencez le feu"

Tirailleur y en a commencé tir.

Y en a tirer cartouches comme y en a vouloir.

Jusqu'à chef y en a dire : "Cessez le feu"

100e leçon : conclusion

Beaucoup tirailleurs y en a gagner citations

Beaucoup y en a gagner Croix de guerre

Mais y en a pas moyen écrire tout ici

Parce que y en a beaucoup trop.

Français beaucoup aussi y en a gagné.

Français et Sénégal y en a bons soldats

Y en a maintenant même chose frères,

Y en à faire bataillon ensemble,

Y en a blesser ensemble

Y en a quelquefois mourir ensemble.

Sang sénégalais y en a uni à sang français souvent.

Aussi France y en a oublié jamais ça.

Après victoire France y en a content aider Sénégal

Pour que tous Sénégal y en à être heureux

Source : SHD/GR 8D55-392, Rapport du lieutenant-colonel Quinque, commandant le 18e RTS, sur l'organisation du régiment, le 2 août 1920, p- 4.

Malgré son caractère impérialiste, et flatteur en même temps, il s'avère que le français permettait plus facilement de réunir les soldats « indigènes » ayant des dialectes différents. Mais, il permettait également aux officiers supérieurs de faire passer leurs ordres. Toutefois, aux méthodes d'apprentissage, furent mises sur pied sur un document régissant l'usage du français aux tirailleurs sénégalais dont le conseil de rédaction avait été présidé par le général

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Monhove160. Il est question à la suite de ce travail de nous intéresser au matériau de guerre du RTS-T et de leur moyen de mobilité.

2- L'équipement du RTS-T, son mode de déplacement et sa prise en charge sanitaire

Le RTS-T fut une force une force supplétive d'une envergure assez remarquable au sein de l'armée coloniale. Mais à l'instar des autres régiments mis sur pieds en Afrique, la bonne marche de cette troupe obéissait à de nombreuses règles. Ainsi, cette section du travail entend mettre en exergue l'équipement du RTS-T et ensuite son mode de déplacement.

a. L'équipement du RTS-T

Dans le souci d'avoir une force supplétive efficace, les acquis militaires demeuraient prioritaires pour l'utilisation des tirailleurs sénégalais. Ce faisant, les tirailleurs étaient outillé d'un certain nombre de matériau ; allant de la tenue qu'ils arboraient aux outils de guerre.

L'encadrement des tirailleurs sénégalais obéissait comme nous l'avons vu à certaines réalités qu'offrait les territoires africains en particulier celui du Tchad. Mais, parallèlement, les tirailleurs étaient équipés d'un certain nombre de matériaux de guerre constitués: de coupes coupes à étui, de fusils à baïonnette de marque Rosalie et parfois des mitraillettes et des batteries.

S'agissant de la tenue, comme c'était d'usage à l'époque, les tirailleurs revêtaient un ensemble kaki constitué d'une culotte et d'une chemise à col rabattu. Ils portaient également des bandes molletière au niveau des chevilles mais, ce qui leur caractérisait véritablement se fut le chapeau sous forme conique connu sous le nom de chéchia de couleur rouge vif qui les coiffait. Cette tenue était symbolique en ceci qu'elle permettait de différencier les tirailleurs sénégalais des tirailleurs malgaches et magrébins. En revanche, concernant leurs bottes, un débat semble opposé des personnes qui pensent que les tirailleurs sénégalais portaient des bottes c'est le cas de Ibrahim Haroun161.

D'aucuns estiment que les tirailleurs sénégalais servant en Afrique étaient démunis de bottes et étaient déployés sur les TOE à pieds découvert162. Toutefois, ce débat nous permet de comprendre que, l'utilisation des bottes a été diversement pensée par la Métropole. Si, on peut

160 SHD, GR 8D75-732, Lettre du général Monhoven au Ministre de la Guerre, au sujet de l'enseignement élémentaire du français aux militaires indigènes coloniaux, Paris, le 13 janvier 1926.

161 Entretien avec Ibrahim Haroun, N'Djaména le 07-12-2021.

162 Entretien avec Ali Mahamat, N' Djaména le 07-12-2021.

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partir de l'hypothèse que, le temps parfois hiverneux en Europe obligeait la France à chausser ses tirailleurs, en Afrique, compte tenu du climat plus clément et la mobilité pédestre de ces derniers parfois dans des zones de marécages cela a amené la France à supprimer les bottes des tirailleurs.

Cependant, la tenue ne constituait pas le seul matériau de ce régiment, en effet, comme nous l'avons martelé plus haut, ce corps de troupe fut avant tout mis sur pied pour servir sur les TOE. Partant de là, force est de constater que les tirailleurs étaient armés de fusille de marque Rosalie à baïonnette, mais aussi de coupe-coupe qui les servaient dans le cadre des affrontements de corps à corps. Par ailleurs, ce sont les tirailleurs qui étaient responsables de l'entretient de cet équipement. Toutefois, si nous pouvons aujourd'hui affirmer que cet équipement était rudimentaire, il frôlait la pointe de la technologie en ce temps-là. De ce fait, l'image ci-dessous représente la tenue que portaient tous les tirailleurs sénégalais d'AOF et d'AEF.

Photo 4: L'uniforme des tirailleurs sénégalais

Source : (c) Hérodote.com, l'uniforme des tirailleurs sénégalais.

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La photographie 5 nous présente l'uniforme général que portaient les tirailleurs sénégalais de l'AOF et de l'AEF. Cette tenue constituée d'un certain nombre d'éléments que nous avons cité plus haut permettait notamment de distinguer les tirailleurs d'Afrique subsaharienne des autres tirailleurs malgaches, magrébins et des soldats venant hors du continent.

Photo 5: Le fusil à Baïonnette Rosalie utilisé par le RTS-T

Source : (c) Armée de Terre/Défense.

Les tirailleurs sénégalais avaient comme matériau de guerre une arme à feu à Baïonnette de marque Rosalie dont l'extrémité était munie d'un glaive. En outre, ils avaient le droit de porter un coupe-coupe qui leur servait soit à se frayer un chemin lors des traversées des zones forestières, soit à affronter l'adversaire dans le cadre des combats de corps à corps.

Photo 6: Le coupe-coupe des tirailleurs sénégalais

Source : (c) Armée de Terre/Défense

Ce coupe-coupe était l'une des armes les plus redoutables des tirailleurs sénégalais. Il était spécialement conçu pour les affrontements de corps à corps. Mais, cette arme traduit aussi bien le courage qui animait les tirailleurs sénégalais car, il faut s'armer de courage pour affronter frontalement des adversaires avec ce genre d'arme. Après la présentation du matériel des tirailleurs sénégalais, il est à présent question de mettre en exergue le moyen de déplacement du RTS-T.

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b-Le portage : un élément moteur du RTS-T

Remplissant à la fois le rôle sécuritaire des territoires nouvellement acquis et celui de force conquérante, le RTS-T a à bien d'égards servi la Métropole. De ce qui précède, force est de constater que le système de locomotion de ce corps fut des plus archaïques. Ainsi, dans le cadre de cette partie, il est question de mettre en exergue rôle des porteurs ensuite, aborder la question de la prise en charge sanitaire du RTS-T.

Si la révolution industrielle amorcée dès le XVIIIe siècle en Grande Bretagne avait permis de mettre en place des moyens de locomotions de plus en plus efficaces dans toute l'Europe, il est intéressant de remarquer que, les territoires africains ne bénéficiaient pas tous de ces moyens ingénieux de mobilité. Deux mobiles permettent d'appréhender cette situation : d'une part, la situation géographique de certains territoires enclavés et, d'autre part le désintérêt des puissances impérialistes d'y investir.

Ces mobiles pouvaient être les causes du retard du développement des voies de communications au sein d'un même territoire comme ce fut le cas sur le territoire du Tchad.

De ce fait, il est aussi important de préciser que le système de portage est antérieur à la constitution du RTS-T. en effet, dès la conquête coloniale de ce territoire l'utilisation des hommes furent très tôt mis en avant dans le cadre du ravitaillement et des relais dans la chaine de communication des administrateurs coloniaux. C'est ce que note d'ailleurs Jean Cantounet163 qui estime que : « de par son double enclavement, le portage au Tchad était un moyen efficace de ravitaillement du territoire du Tchad surtout lorsque certaines pistes étaient impraticables. Mais, le transport à tète d'hommes était rude et deshumanisant164 ».

En effet, quand bien même éprouvant et pénible, ce système de locomotion était l'apanage des autorités coloniales mais aussi des tirailleurs sénégalais. Cette fonction fut d'ailleurs reconnue par le code du travail dans les colonies. C'est à ce titre que le tableau qui suit récapitule un peu l'attribution des porteurs aux militaires métropolitains selon leurs grades et aux tirailleurs sénégalais.

164 J. Cantounet, 2001, L'axe de ravitaillement du Tchad entre 1900 à 1905.Route de vie- route de mort. Paris, l'Harmattan, p. 39.

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Tableau 3: Les porteurs alloués aux officiers métropolitains et aux tirailleurs du Tchad

Grades

Nombre de Porteurs alloués

Caporal ou soldat

4 porteurs

Sergent

8 porteurs

Sergent major ou adjudant

12 porteurs

Employé civil, magasinier

14 porteurs

Officier subalterne

16 porteurs

Officier

20 porteurs

Tirailleur sénégalais

3 porteurs

Source : SHD, GR 8D75-738 Carnet de note du Colonel Moll, note pour les militaires européens se rendant au Tchad.

De ce qui précède, il est fort intéressant de remarquer que l'usage des hommes au portage revêtait un triple avantage. Ils assuraient le transport des vivres du matériel militaire et des hommes qui provenaient des colonies voisines et, ils agissaient de concert avec les autres porteurs de l'AEF. En outre, les porteurs servaient de moyen de locomotion à la fois aux colons mais aussi aux autres colonisés à l'instar des tirailleurs165. Ces derniers pouvaient parcourir une distance journalière comprise entre 24Km2 et 38 Km2 avec une charge minimal de 25kg d'où le caractère pénible de cette pratique166. En effet, un aussi sinistre reflet du portage semblait être la norme en ce temps malgré son aspects déshumanisant comme le rappelait Toque en affirmant que :

Enfin, les Blancs trainaient avec eux ce supplice du portage qui brise et tue, décime : mal effroyable qui arrache l'homme au foyer pour le trainer sur la route et l'écraser sous le poids d'un fardeau. Les morts ne se comptaient plus, les villages charniers horribles, sombraient dans ce gouffre ouvert. Cette corvée s'accompagnait d'un horrifiant cortège de milles maux pourvoyeur de la mort : famine, maladie, captivité. Et ce martyr continuait toujours167.

165 Entretien avec Garamssou Vulgrain, N'Djamena le 23-11-2021.

166 C. Dubois, 1989, « Le prix d'une guerre. AEF (1911-1923). Deux colonies pendant la Première Guerre mondiale (Gabon, Oubangui-Chari) », thèse de Doctorat Phd en Histoire militaire, Université d'Aix en Provence. P.124.

167 ANT, Carnet de note de Toqué, La description du voyage de Bangui à Fort Lamy, 1899.

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Cependant, dans le cadre des opérations du RTS-T le portage fut comme le rappelle l'historienne Colette Dubois, une étude minorée dont nous sommes appelés à scruter les arcanes mais aussi les conséquences comme le sous-tendait Toqué. En effet, le portage militaire en AEF fut très rude notamment lors de la Grande Guerre au Kamerun. Durant ce conflit, le moyen de déplacement favori des troupes en particulier celui du RTS-T fut le déplacement pédestre dont les porteurs ont joué un rôle prédéterminant.

Si, la rigueur autour de l'utilisation des hommes durant la conquête du Tchad pour servir de moyen de ravitaillement fut observé, il s'avère que la contrainte pendant la guerre multiplia cet acte atroce. Car, le portage militaire mobilisa davantage d'hommes et de ce fait, les pertes étaient nombreuses.

S'agissant du nombre de porteurs recrutés lors des affrontements entre occidentaux au Kamerun, il est difficile de déterminer le nombre exact du simple fait des désertions et des pertes non signalées dans les rapports. Mais, selon Colette Dubois168, le nombre de porteurs ayant pris part à la Grande Guerre au Kamerun était assez considérable, elle pense en outre qu'il fallait compter 3 porteurs pour 1 tirailleur si l'on s'en tient à cette analyse, on peut dénombrer plus de 3000 porteurs accompagnant le RTS-T lors de cette conflagration. L'image ci-dessous met en lumière un groupe de porteurs originaire du Sud du territoire du Tchad. Même si nous ignorons dans quel contexte ils étaient solliciter, force est cependant de constater aux premières observations qu'ils étaient démunies de toutes protection et constituaient de potentiels victimes collatérales si une offensive était menée contre eux. Mais, il convient aussi de préciser qu'il existait deux types de portage : le portage civile et le portage militaire.

168 C, Dubois, 2017, « Les porteurs militaire, victimes occultés de la Grande Guerre au Cameroun. 1914-1916 », in E. Tchumtchoua, A, F Dikoumé, J-B, Nzogue, Douala et le Cameroun dans la Grande Guerre, Yaoundé, Clé, pp. 41-48.

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Photo 7: Porteurs de la tribu Sara

Source : A. Kassambara, 2010. « La situation économique et sociale du Tchad. De 1900à 1960 », thèse de Doctorat Phd en Histoire économique. Université de Strasbourg, p. 76.

Le portage militaire fut celui utilisé en temps de guerre, il était plus contraignant que le travail forcé et nécessitait une main d'oeuvre importante. Sur la photographie ci-dessus, nous apercevons un groupe de porteurs du territoire du Tchad accompagnant à priori un Sergent au vu de leur nombre. Mais, dans l'optique de mieux comprendre le rôle des porteurs, il convient de le matérialiser dans un cadre précis en l'occurrence ici, celui de la Première Guerre mondiale au Kamerun.

Mais avant tout, il faut aussi préciser qu'il existe deux types de porteurs : les porteurs temporaires et les porteurs permanant dont la classification dépendait du rôle qui leur était assigné. S'agissant des porteurs temporaires, ils étaient levés dans les territoires et servaient de de train sur de courtes distances à l'intérieur du territoire. Ces derniers percevaient par ailleurs une prime journalière estimée à 0.30CFA et de 16CFA mensuelle. A côté de ces derniers, on avait les porteurs permanant qui faisaient figure de véritable tête de gondole de ce système. Ainsi, les porteurs permanant sont affectés dans les différentes compagnies et ont la lourde tâche de transporter tout ce qi peut être utile en temps de guerre. Mais, avant tout, il est préférable de préciser aussi ici qu'on avait deux types de train humains qui constituaient les porteurs permanent. D'une part, comme le note Dubois, on avait un groupe de porteurs qualifié de « train régimentaire » qui, était placé à l'arrière du peloton dont la mission était d'assurer le matériel nécessaire pouvant ravitailler l'ensemble du corps de troupe pour 6 jours au moins.

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L'autre escouade appelé « train de combat » quant à lui était posté en première ligne car chargé du trafic des munitions, du matériel médical et des blessés de guerre. Ces derniers devaient transporter assez de matériau pouvant assurer le besoin de deux jours minima. Ainsi, le temps qui leur était alloué étant indéterminé, c'est la raison pour laquelle ces derniers étaient considérés à titre comme des porteurs employés définitivement. En revanche, il est fort intéressant de constater que les porteurs ne percevaient pas tous les mêmes revenus pécuniaires.

En effet, cette situation était relative à la provenance géographique des porteurs, ainsi, le porteur en temps de guerre recruté au Gabon ou au Moyen-Congo bénéficiait d'une meilleure rémunération au détriment de celui levé en Oubangui-Chari-Tchad. En effet, quand bien même l'écart des pécules n'était pas abyssal, il était néanmoins différent car, les porteurs levés au Gabon et au Moyen-Congo percevait mensuellement 20f mais il y'avait une différence dans les indemnités des vivres journalière car, le « gabonais » percevait 0.40f et le « congolais » 0.50CFA169.

En dépit de cette constatation faite sur les primes des porteurs du Gabon et du Moyen-Congo revêtait quelques différences, ce constat se penche désormais sur les porteurs du RTS-T qui occupaient le plus bas échèle de rémunération. Le porteur de ce territoire percevait une prime de 16CFA mensuel et 9CFA comme pécule de vivre, 0.30CFA de prime journalière. Si, on peut reconnaitre leur grand rôle, les porteurs ne sont pas des tirailleurs qui, eux étaient des hommes de chocs.

c- La prise en charge sanitaire du RTS-T.

La conjugaison de nombreux éléments à l'instar de l'usage des porteurs, la formation des troupes et, leur l'utilisation ont suscité de nombreux questionnements et objets de recherche. Cependant, l'aspect sanitaire des troupes coloniales a parfois été minoré et pour le cas échéant celui du RTS-T.

Comme il a été souligné précédemment, le RTS-T a été l'un des bras séculaire de la France en AEF. Ainsi, dans l'optique de garantir son bon fonctionnement, la Métropole devait porter une attention particulière quant à la prise en charge sanitaire dès ses militaires. Il est donc question dans cette section de scruter comment le RTS-T fut mis sous soin.

169 C. Dubois, 2017, p. 45.

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Partant de la remarque de Gustave Martin qui affirme que : « l'économie humaine est capitale pour la prospérité d'un territoire170 », ceci constitue un motif supplémentaire pour nous de le revisiter. L'entretien sanitaire du RTS-T. Ainsi, pour mieux cerner la gestion sanitaire de ce corps, tout en restant fidèle à notre cadre temporel, il est important de traiter de la gestion sanitaire du RTS-T avant et pendant et après la Grande Guerre.

D'entrée de jeu, les questions de prophylaxie pendant la période coloniale sont des sujets très peu étudiés car la documentation autour de ces questions sont difficilement disponibles. Mais, d'après certaines sources de ce temps, tout Blanc était supérieur au plus important des Noirs comme l'affirme Nzogue Jean Baptiste171.

Mais, loin de nous l'idée de tomber dans une étude comparative, il est question ici de scruter la prise en charge sanitaire de ce corps de troupes durant cette période de querelles impérialistes. Les services de santé sur le territoire du Tchad furent dirigés par des médecins des troupes coloniales qui étaient rattachés à la Direction Générale de la santé publique de l'AEF et devaient rendre compte de l'état d'avancement de ce service devant le Gouverneur du territoire.

Ainsi, du directeur local de la santé publique dépend le fonctionnement du service de santé dans les domaines qui suivent : la police sanitaire, formation hospitalière, service générale d'hygiène mobile, service de santé de chaque circonscription, service d'hygiène des grandes agglomérations et enfin le service de santé militaire172. S'agissant de la prise en charge médical du RTS-T au Tchad, force est de constater qu'elle évoluait selon l'urgence des circonscriptions. Le premier objectif semble-t-il était de faire face aux épidémies à travers les différents postes médicaux installés sur le territoire.

Cependant, les postes militaires en AEF ont également servis de centres de santé et, par conséquent, nous sommes en droit de penser que, cela était fait pour maintenir dans un état sain le plus grand corps de troupes colonial. Et, le territoire du Tchad comptait plus de postes militaires que les autres colonies de l'AEF comme le rappel le tableau récapitulatif ci-dessous.

170 G. Martin, 1921, L'existence au Cameroun ; étude sociales, études médicales, études d'hygiène et de prophylaxie, Paris, Emile Larousse, p. 31.

171 J.-B. Nzogue, 2019 « La santé des troupes alliées pendant la Grande Guerre au Cameroun. 1914-1916 », In E. Tchumtchoua, A, F Dikoumé, J.-B., Nzogue, 2017, Douala et le Cameroun dans la Grande Guerre, Yaoundé, Clé, p. 71.

172 Annuaire du Tchad, 1910-1919, pp. 31-35.

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Tableau 4: Listes des postes militaires en AEF entre 1910 et 1919

Territoire

Postes médicaux

Tchad

-Abécher, Ati, Mao, Fort-Lamy, Massenya, Fort-Fort-Archambault

Oubangui-Chari

-Fort Crampel, Bangui, Mobaye, Bria

Moyen-Congo

-Makoua, Dongou, Brazzaville, Sibiti

Gabon

Makokou, Libreville, Port-Gentil, Loango

Source : ANT, Annuaire de l'Afrique Equatoriale Française, Annexe à l'arrêté du 25 Février 1917.

Ce tableau permet de voir combien les centres médicinaux étaient installés à travers les circonscriptions du groupe de l'AEF. Les postes inscrits en italique désignent à la fois des points de soins mais aussi des postes de recrutement et de ce constat, on se rend compte que le territoire du Tchad possédait 6 centres médicaux et deux d'entre eux jouaient une double fonction : ils servaient de centre de soins mais aussi de lieu de recrutement des tirailleurs173.

Le service de santé du Tchad est dirigé par un médecin des troupes coloniales qui, est rattaché à la Direction Générale de santé publique de l'AEF et doit rendre compte de l'état d'avancement de ce service devant le Gouverneur du territoire.

Ainsi, du Directeur local de la santé publique dépend le fonctionnement du service de santé dans les domaines suivants : la police sanitaire, la formation hospitalière, le service générale d'hygiène mobile, le service de santé de chaque circonscription, le service d'hygiène des grandes agglomérations et enfin, le service de santé militaire.

Il existe également pour parfaire l'état sanitaire des centres médicaux dans les circonscriptions qui permettent le traitement et l'hospitalisation des troupes mobiles du RTS-T. Mais, les centres médicaux étant pour la plupart tenus par un ou plusieurs infirmiers « indigènes » proviennent de l'AOF. En analysant les données à notre disposition, nous observons un fort taux de prise en charge sanitaire des populations locales dès les premières heures de l'expansion coloniale.

173 CEFOD, Fond Dalmais, Annuaire du Tchad. 1910-1919, p. 38.

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Cela peut se justifier par deux principales raisons : d'une part, le besoin de la Métropole de se servir du plus grand nombre d'hommes sains sur l'ensemble du territoire et d'autre part, combler le déficit en ressource humaine pouvant venir de la Métropole.

A ce sujet, le tableau ci-dessus nous donne quelques indications quant à la prise en charge sanitaire des militaires occidentaux et locaux dans différentes circonscriptions.

Tableau 5: Les différents centres de santé sur le territoire du Tchad de 1902 à 1918.

Etablissement de Santé

Nombre

Officiers et sous-officiers métropolitains hospitalisés

Tirailleurs Hospitalisés

Année

Hôpital de Fort-Lamy

2

28

200

1902

Hôpital de Fort-Archambault

1

25

150

1905

Hôpital de Abécher

1

Néant

80

1908

Centre médicaux

8

150

450

1914

Infirmerie

20

Néant

310

1916

Dispensaire

57

Néant

250

1918

Source : Synthèse des données des Annuaire du Tchad de 1902 à 1918. Pp.45-48.

Le tableau 5 dresse un inventaire des différents Centres de santé sur le territoire du Tchad. Il en ressort que, quand bien même faisant parti du RTS-T, les hospitalisés étaient parqués chacun dans un hôpital précis selon qu'ils étaient noirs ou blancs.

Ainsi, on dénombrait entre 1902 et 1918 un nombre assez important de médecins constituant le personnel de santé répartis comme suit : 18 médecins Docteurs, 2 pharmaciens, 62 officiers d'administration, 8 médecins Africains, 14 infirmiers brevetés et agents sanitaires, 10 infirmières diplômées et sage-femme et 240 infirmiers indigènes du cadre local174.

Ce personnel faisait face aux endémo-épidémiques tropicales dont les cas les plus représentés au Tchad étaient le Paludisme que l'on retrouvait partout, la Trypanosomiase étant limité aux régions du Moyen-Chari et du Logone175.

174 Annuaire du Tchad 1902-1919, p. 41.

175 G. Aymerich, 1920, p. 96.

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Les autres maladies rencontrées étaient l'Amibiase avec ses deux principales manifestations : la Dysenterie amibienne et l'abcès du foie que l'on rencontrait sur l'ensemble du territoire. Et enfin, la Fièvre jaune et la bilharziose. Cependant, considérant les perceptions de l'époque faisant des Européens des « philanthropes » alors que l'étude minutieuse de ce temps-là nous renseigne autrement. Il est dès lors prudent d'analyser ces données quantitatives relatives à la prise en charge sanitaire du RTS-T.

Ainsi, à l'intérieur des territoires le système lié à la prise en charge sanitaire revêtaient un objectif bien précis, si effectivement les militaires Métropolitains qui souffraient de maladie tropicale étaient pris en charge dans ces centres, les tirailleurs quant à eux non seulement étaient soignés là, mais c'était également leurs lieux de concentration. Toutefois, il leur était également délivré à titre exceptionnel des passeports sanitaires qui leur permettait de se déplacer d'une circonscription à une autre. Cette mesure avait été prise par les autorités en place à priori pour limiter la propagation de certaines épidémies dans les camps mais aussi pour avoir un total contrôle sur les mobilités des tirailleurs.

Mais, lorsque les tirailleurs étaient appelés à servir dans les théâtres d'opération extérieure (TOE) comme ce fut le cas durant la Première Guerre mondiale, la prise en charge des troupes était alors particulière en temps de guerre. Car, les blessés pouvaient se faire soigner ou opérés dans les hôpitaux pris aux adversaires. D'ailleurs, la photo ci-dessous est un hôpital indigène de Douala pris en 1915 aux allemands, elle est illustratrice dans ce sens qu'elle met en lumière la prise en charge sanitaire d'un tirailleur sénégalais.

Photo 8: Une opération médicale sur un tirailleur sénégalais

Source : https://visionscarto.net/cameroun-premiere-guerre-mondiale.Consulté le 13-03-2022.

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Cette image nous amène à faire le constat selon lequel, les tirailleurs blessés lors des opérations sont soignés dans des hôpitaux qui leur sont dédiés. Pour le cas échéant, le médecin est un blanc qui est entouré d'aides-soignants noirs qui le suppléait dans l'exécution de sa tâche. L'hôpital en question est celui indigène de Douala pris aux Allemands dès 1915.

Dans le but de faire face aux endémies tropicales176 la direction de santé publique a procédé à la création dans toute l'AEF du service d'hygiène et de prophylaxie organisé en secteur dont deux ont été installé au Tchad à partir de 1912177. Dans la même lancée, 03 grands centres hospitaliers ont été installé au Tchad. Il s'agit entre autres de l'hôpital européen et l'hôpital indigène qui ont cependant évolué de façon séparée. Mais aussi de l'hôpital de fort-Archambault et enfin de l'hôpital d'Abécher.

Par ailleurs, il existe également pour parfaire l'état sanitaire des centres médicaux dans les circonscriptions qui permettent le traitement et l'hospitalisation des troupes mobiles du RTS-T. Mais, il faut cependant noter que les centres médicaux étaient pour la plupart tenus par un ou plusieurs infirmiers indigènes provenant généralement de l'AOF.

En analysant les données à notre disposition, nous observons un fort taux de prise en charge sanitaire des populations locales dès les premières années de l'expansion coloniale. Cela peut se justifier par deux raisons : d'une part, du besoin de la métropole de se servir du plus grand nombre d'hommes sains sur le territoire et de l'autre, du manque de ressource humaine pouvant venir de la Métropole. D'ailleurs, le tableau ci-dessous donne une idée de la différence de la prise en charge sanitaire.

Dans ce chapitre, il a été question de scruter la structure du RTS-T et son fonctionnement. Il en ressort que, dans l'optique de constituer une force supplétive et active, le recrutement des troupes fut diversement opéré. Trois grandes tendances dominaient le mode recrutement à savoir l'engagement volontaire, la conscription et les réengagements. Mais, il a été aussi constaté que, la question liée aux pécules de ces hommes était diversement redistribuée selon un certain nombre de critère présent dans les dispositions prises par la France.

En outre, les hommes qui géraient la locomotion de ces trains humains ont à la fois assuré les déplacements des métropolitains mais aussi de leurs semblables colonisés. Ils ont

176 Il s'agissait surtout de l'endémie sommeilleuse qui inquiétait les colons surtout au début de la colonisation. Il faut cependant attendre jusqu'en 1965 pour qu'un vaccin soit mis sous pied par le Dr Eugène Jamot.

177 ANT, Annuaire du Tchad 1990-1917, p. 23.

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pour cela été exposés lors de la PGM et payé un lourd tribut parfois minoré dans notre historiographie.

Dans ce chapitre, il a été aussi question d'aborder la prise en charge sanitaire du RTS-T. Si la colonisation a entrainé avec elle la médecine occidentale au Tchad, il faut également rappeler qu'elle a contribué a relégué au second rang la médecine traditionnelle car, le corps de troupe du RTS-T fut mis sous soin via cette médecine occidentale. Il a été aussi mis en évidence dans ce chapitre les centres de soin sur le territoire. Mais, tout ceci a été une entreprise savamment mise sur pieds pour permettre au RTS-T de se déployer avec efficacité. C'est d'ailleurs l'objet du chapitre suivant.

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CHAPITRE III : LA CAMPAGNE DU RTS-T AU KAMERUN PENDANT LA

PREMIERE GUERRE MONDIALE. 1914-1918.

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Si, pour de nombreux auteurs à l'instar de Michael Growder, la déclaration de la Première Guerre mondiale a eu pour conséquence immédiate l'invasion des colonies allemandes en Afrique par les forces alliées comme le pense certains auteurs178 ; d'autres auteurs tels que Abdou Sow179 poussent la réflexion plus loin et estiment que, derrière cette initiative militaire savamment orchestré, sommeillait en réalité un vieux projet dont l'objectif visé était de déloger les Allemands de l'Afrique et redistribuer leur possession.

Eu égard de ces différents postulats qui se complètent néanmoins, il est intéressant de remarquer que le déploiement des troupes alliées, particulièrement celle du RTS-T au Kamerun fut retardé. Cette situation résultait de la volonté de l'Allemagne d'éviter cette guerre au sein de sa possession. Et, pour y parvenir, elle avançait deux principales raisons : éviter aux Blancs de se donner en spectacle devant les Noirs mais, il était aussi question selon elle de faire respecter la neutralité du bassin du Congo prônée dès 1884 lors de la conférence de Berlin.

En dépit de cette tentative de l'Allemagne de vouloir désamorcer ce conflit au Kamerun, les alliés étaient décidés de lui ravir sa possession particulièrement la France qui avait gardé des séquelles liées à la crise d'Agadir de 1911.

Mais, au-delà de ce contexte de tensions, il est intéressant de souligner qu'avant le déploiement des différentes colonnes de l'AEF et celles du corps expéditionnaire au Kamerun, les forces alliés avaient procéder au préalable à des campagnes de propagande visant à « dépeindre » l'Allemagne en mal et du sort dont elle faisait subir à ces assujettis180. Cet acte traduisant bien la hantise qui semblait animer les officiers et les sous-officiers alliés et de leur crainte d'avoir à affronter un ennemi qui s'était préparé à la riposte.

Toutefois, il serait intéressant de constater avec Rémy Porte qui estime que, les colonies sous domination allemandes connaissaient un début de développement à la veille de la PGM et, elles ne furent pas militarisées avant 1914. En outre, il apparait que seules la colonie du Kamerun et celle du Sud-Ouest africain (actuel Namibie) disposaient d'unités de forces de protection et de sécurité mais, même là en effectif limité comparé aux troupes alliées181.

178 Histoire Générale de l'Afrique Tome VII, L'Afrique sous domination coloniale, Paris, UNESCO, p. 311.

179 A. Sow, 2018, Les Tirailleurs sénégalais se racontent. Paris, L'Harmattan, p. 77.

180 L. Jolly, 2011, « Le tirailleur somali : le métier des armes instrumentalisé », (début du XXe siècle- fin des années 60), thèse de Doctorat en Histoire contemporaine, Université de Pau et des pays de Ladour, p. 321.

181 Rémy Porte, « La défense des colonies allemandes avant 1914 entre mythe et réalité », In Revue historique des Armées, Consulté en ligne le 18-06-2022. https://journals.openedition.org. P.26.

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En dépit de ces constatations, ce qui est frappant reste quand même le sort des Africains à l'approche de cette guerre qui ne semblait pas vraiment être une préoccupation pour les belligérants. En effet, aucune action ne fut concrètement mise sur pieds pour exclure la participation de ces derniers dans ce conflit. En effet, ce qui vient conforter ce constat est le fait que, les forces alliés comme la force allemande s'étaient servis en grande pompe des Africains pour défendre leurs intérêts.

C'est ainsi que, l'entrée en scène des tirailleurs sénégalais venus du Tchad dans le cadre de cette guerre au Kamerun à nécessité une approche bien particulière. Car, s'ils ont défendu le territoire du Tchad à l'entame de la guerre, ils ont également mené de nombreuses batailles décisives sur les fronts Nord du Kamerun. En plus, ils ont permis d'occuper l'ensemble du territoire après le départ des Allemands comme le pense Nicolas Bancel182.

Eu égard de ce qui précède, dans ce troisième chapitre, il est question de mettre en exergue dans un premier temps les différentes phases du déploiement du RTS-T dans le cadre de cette guerre au Kamerun ensuite, rendre compte de son activité à la fin du conflit après le départ des Allemands en 1916.

I- LA PREMIERE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T AU KAMERUN : Août

1914- Juin 1915

Dans le souci d'éviter de retracer les batailles auxquelles a pris part les différentes colonnes engagées dans la guerre et particulièrement celle du Nord (RTS-T) durant la Première Guerre mondiale au Kamerun183. Cette partie du travail entend s'intéresser aux différentes phases du déploiement du RTS-T dans la partie septentrionale du Kamerun jusqu'au Sud où sa présence fut notoire.

Toutefois, afin de mieux comprendre le déploiement parfois laborieux du RTS-T sur ce territoire « ennemi », il faut rappeler que, l'Allemagne n'était pas totalement restée inactif et avait mis en place une armée dénommée schutzztruppe d'environ 1128 soldats recrutés localement en 1911. Ce nombre fut relativement grossi et porté à environ 4500 soldats en 1914

182 N. Bancel, 1995, Images et colonies, Iconographie et propagandes coloniale sur l'Afrique française de 1880 à 1962, Paris, BDIC Edition. p. 79.

183 Cette guerre au Kamerun a déjà fait l'objet de nombreux travaux. On peut notamment citer les travaux de F. Eyelom, L'impact de la Première Guerre mondiale au Cameroun, Paris, l'Harmattan, V. Julius Ngoh, 1990, Cameroun : cents ans d'Histoire, Yaoundé, Ceper ; M. Growder, Histoire Générale de l'Afrique Tome VII, L'Afrique sous domination coloniale, Paris, UNESCO ; E. Mveng, 1985, Histoire du Cameroun. Tome II, Yaoundé Ceper.

à la veille de la guerre tous ceux-ci furent encadrés par 250 Européens et étaient placés sous le commandant du colonel Zimmermann184.

Cet accroissement de la force de défense du territoire allemand fut, un véritable problème pour le déploiement des troupes alliés particulièrement celui du RTS-T. Car, couplé parfois aux aléas climatiques et environnementaux, les troupes allemandes ont résisté avec détermination à la conquête des Alliées et particulièrement sur le front Nord ou la résistance fut plus longue et plus rude que partout ailleurs.

La première phase du déploiement du RTS-T dans la partie septentrionale du Kamerun s'est faites en deux temps d'abord à l'Extrême Nord (Lai, Kousseri, Mora) et ensuite au Nord (N'gaoundéré et Garoua). Mais, dans le but de mieux appréhender les étapes du déploiement du RTS-T, il convient avant tout de s'imprégner à travers l'image ci-dessous mettant en scène le campement des différents protagonistes de part et d'autres des frontières territoriales.

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184 E. Mveng, 1985, p. 103.

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Photo 9: Stationnement des protagonistes à la veille de la PGM au Kamerun

Source : https://visionscarto.net/cameroun-premiere-guerre-mondiale.Consulté en ligne le 11-03-2022.

La carte ci-dessus présente les différentes forces en présence aux frontières du Kamerun et à l'intérieur de ce territoire à l'ouverture de la guerre. Si, le premier constat qui se dégage est la supériorité numérique des régiments alliés au détriment des forces allemande, il faut également remarquer que, le RTS-T a été très tôt supplier dans cette guerre par le détachement franco-britannique venu de l'Afrique de l'Ouest et mis sous commandement britannique. Cette différence numérique permet de saisir les différentes stratégies adoptées par les belligérants :

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si, l'Allemagne avait opté pour une stratégie défensive, les alliées quant à eux ont privilégié la stratégie d'encerclement.

Ainsi, les différentes phases du déploiement du RTS-T permettent d'appréhender à partir du front nord les manoeuvres d'encerclement des troupes allemandes.

A- Les premiers déploiements du RTS-T à l'extrême Nord: Août-Septembre 1914

L'un des avantages des troupes alliées dans la guerre contre les Allemands du Kamerun fut indubitablement leur nombre. Fort de cet atout, leur objectif de base était de prendre en étau l'ennemi. Il incombait à cet effet au RTS-T de se déployer sur le septentrion de ce territoire dans un premier temps et par la suite au reste du territoire.

A cet effet, si le commandement militaire du territoire du Tchad porté par Emmanuel Largeau avait deux objectifs au début des hostilités à savoir: protéger la frontière Tchad-Kamerun qui s'étendait sur le fleuve Logone et prévoir une attaque sur Fort-Lamy alors voisine de Kousseri, force est de noter que, la première phase du déploiement du RTS-T ne s'est pas restreinte à ces objectifs précitées. Elle a en outre permis l'occupation des villes comme Sava et Mora dans l'extrémité Nord de ce territoire sous protectorat.

Les premiers déploiements des tirailleurs du Tchad ont été faits sur les villes voisines du Tchad en l'occurrence Lai, Sava, Kousseri et Mora dans l'extrémité Nord du Kamerun. Les velléités expansionnistes que se livraient Français et Allemands dans la région du Lac Tchad à conduis la France à mener à l'aide de ses tirailleurs « tchadiens » des opérations de contre offensives comme ce fut le cas à Lai le 21 Août 1914185 ce qui marque le tout premier déploiement du RTS-T lors de la PGM au Kamerun.

En effet, certains témoignages permette aujourd'hui d'estimer que la PGM s'est dérouler sur le territoire du Tchad à partir d'Aout 1914 et a concerné l'ensemble du Sud-Ouest de ce territoire, ces faits d'armes sont souvent passés presque inaperçus186. Or, cet espace faisant partie intégrante du territoire du Tchad avant 1911 est à priori le premier affrontement où fut déployés environs 210 tirailleurs du RTS-T187.

Ainsi, après l'affrontement de Lai, qui a durée à peu près 10 jours, le RTS-T a été déployé à Kousseri en deux temps : une première tentative d'occupation soldée par un échec et, une seconde tentative couronnée par une occupation effective.

185 J. Boisson, 1920, La construction du Tchad et de fort-Archambault. Paris, Scorpion, p. 196.

186 Entretien avec Tchago Bourmont, N'Djaména le 17-12-2021.

187 J. Boisson, 1920, p. 210.

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Pour ce qui est de la première tentative du déploiement du RTS-T à Kousseri, cette première tentative d'occupation s'est faite le 25 Aout 1914 et s'est solder par un échec188 et a entrainé par conséquent la perte d'un grand nombre de tirailleurs et de quelques officiers et sous-officiers métropolitains189. Ceci résulterait du fait que, de nombreux historiens estiment que les troupes allemandes ont eu une meilleure formation par rapport aux tirailleurs sénégalais.

Mais, pour faute de documents nous ne saurions déterminer avec exactitude le nombre de tirailleurs morts après cette défaite. Cependant, à travers les propos du Commandant supérieur du RTS-T force est de constater qu'un nombre conséquent de tirailleurs sont tombés lors de cette offensive. Il affirmait d'ailleurs après cette déconvenue que :

L'affaire eut lieu le 25 Aout, mais la position de l'ennemi était très forte, notre artillerie insuffisante et un violent orage rendit le terrain impraticable. Bref, l'attaque échoua et nous perdîmes par le feu le capitaine Guillot, le Lieutenant Minost, le sous-Lieutenant Brutel, et un grand nombre de tirailleurs190.

Cette défaite de Kousseri malgré le nombre conséquent des tirailleurs de la 3ème compagnie dirigé par les officiers Guillot, Minost et Brutel résulterait du fait que, de nombreux historiens estimaient que les troupes allemandes avaient reçus une meilleure formation par rapport aux tirailleurs sénégalais191. D'ailleurs, l'administrateur principale du RTS-T Victor Emmanuel Largeau reconnaissait cette supériorité tout en essayant de trouver une escapade à cette déconvenue du fait du mauvais temps192.

Cet aveu d'échec avait par ailleurs nourri un sentiment de vengeance et encouragé la propagande anti-allemande dans les colonies surtout auprès des tirailleurs du Tchad. Il contrastait avec le désir de revenir plus en force à la prochaine charge du RTS-T. Mais, il faut cependant attendre que le RTS-T reçoivent un renfort de poids venu du territoire du Niger ; une centaine de tirailleurs pour que ait lieu la seconde tentative d'occupation de Kousseri193.

Dès lors, la seconde offensive du RTS-T à Kousseri en date du 20 Septembre 1914 fut couronnée par la victoire de cette force venue du Tchad et cela a permis le siège total du RTS-T dans cette ville voisine.

188 E. Mveng, 1985, p. 107.

189 Dans l'historiographie occidentale, française surtout cette première tentative d'occupation de Kousseri soldée par un échec est souvent ignorée. Or, il serait convenable de mettre à nue les déconvenues des troupes alliés notamment celle du RTS-T qui est par ailleurs l'épicentre de cette étude. De ce fait, il semblerait que le RTS-T aurait connues de nombreuses pertes de tirailleurs et de quelques officiers métropolitains qui s'élèverait à environ 350 tirailleurs et une dizaine d'officiers métropolitains.

190 E. Largeau, p. 35.

191 J.Boisson, 1920, p. 85. 192G. Aymerich. 1920, p. 81. 193 Ibid., p. 105.

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Ainsi donc, la prise de Kousseri suite au déploiement du RTS-T a permis à la France

d'avancer un pion dont la finalité consistait à faire plier les allemands jusqu'à leur dernier retranchement.

Mais, force est de constater que le déploiement du RTS-T ne s'est pas limité aux seules régions frontalières entre le territoire du Tchad et du Kamerun.

Tableau 6: Les différentes compagnies du RTS-T déployées à l'Extrême-Nord Kamerun entre Aout-Septembre 1914

Nom de la compagnie

Officiers à la tête des bataillons

Nombre tirailleurs

deMédecins de troupes

Théâtres d'opération

2ème Compagnie Jean- Jean

Lieutenant-Colonel Briand

Lieutenant Gillon

210

1Médecin principal
5 Médecins traitant

Défense de Lai

3ème compagnie Jean Ferrandi

Capitaine Guillot Lieutenant Minost Sous-Lieutenant Brutel

300 Environs

1 Médecin chef

4 Médecins traitant

1ère offensive de Kousseri

1ère compagnie Victor Emmanuel Largeau

Colonel Brisset Capitaine Ferrandi

450 Environs

1Médecinprincipal 1Médecin chirurgien 8Médecins traitants

2nd offensive de Kousseri

Source: Archive du CEFOD, Fond Tchad, TCH 367 39, Synthèse de données du carnet de note du Générale Gaudar

Aymeric.

Le tableau ci-haut donne des informations quantitatives sur les premiers déploiements du RTS-T dans la partie septentrionale du Kamerun entre Août et Septembre 1914. Il est intéressant de noter que, contrairement aux idées véhiculées, la première bataille ayant vu le déploiement du RTS-T au Kamerun fut celle de Lai en date du 21 Aout 1914. Mais, ces tirailleurs étaient accompagnés d'un service de santé dont le but était de s'occuper des blessés et ce rôle revenait aux Médecins européens qui étaient supplié dans leur tâche par les porteurs.

Cette première phase du déploiement du RTS-T a mobilisé un nombre conséquent de tirailleurs qui ont parfois été durablement éprouvés comme ce fut le cas lors du premier déploiement à Kousseri. Mais, il est aussi honnête de reconnaitre qu'il est difficile de donner le nombre de porteurs ayant été mobilisés lors de ce déploiement du RTS-T. En effet, cela pourrait

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s'expliquer par le nombre de désertions conséquents et par les nombreux cas de décès exorbitants. C'est dans ce sens que, Colette Dubois estime que les porteurs ont été les plus grandes victimes de la Grande Guerre très souvent mis en marge des études.

Mais, le RTS-T à progresser à tel enseigne à atteindre les zones de l'actuelle Nord (Maroua, Garoua) et de l'Adamaoua (N'Gaoundéré) ce qui marque la seconde escale du déploiement du RTS- dans le septentrion Kamerunais

B-Le second déploiement du RTS-T au Nord (Garoua, N'Gaoundéré)

Après l'occupation de Kousseri, Sava et le siège de Mora de Août à Septembre 1914 dans l'extrémité Nord du territoire, se dessine aussitôt la seconde phase du déploiement du RTS-T en direction cette fois de, Maroua, Garoua et N'Gaoundéré.

Après le repli des troupes allemandes à Mora, il a été question pour le RTS-T de se lancer à leur poursuite et d'assiéger le maximum de villes possible. Mais, cette seconde phase du déploiement de la colonne du Nord à la particularité de voir la participation de la force franco-britannique venue de l'Afrique de l'Ouest et forte de 4500 hommes constitués en majorité de tirailleurs ouest Africains, des troupes de la West African Forestie Force et de la Royal Navy194.

Par ailleurs, si cette force expéditionnaire a été déployée sur deux fronts (le Littoral et le Nord), il convient cependant de rappeler que son effectif fut inéquitablement réparti : en effet, deux compagnies de cette force sont déployées au Nord soit un peu plus de 2000 hommes alors qu'elle atteint 7 compagnies sur les berges du Littoral soit 2500 hommes195.

Parallèlement, la seconde phase du déploiement du RTS-T fut marquée par un faisceau d'éléments défavorables aux alliés et au RTS-T : en particulier à savoir : un ennemi qui maitrise le terrain et qui est bien équipé et, des voies de communication détruites par les Allemands afin de freiner leur progression.

C'est partant de ce constat que, certains officiers métropolitains dans leur carnet de marche désignaient le front Nord comme le théâtre le plus difficile de la conquête du Kamerun. Car, si la conquête de Kousseri s'est faite de façon progressive et sure, celle par contre de

194 V. Julius Ngoh, 1990, Cameroun 1884-1985 : cents ans d'histoire, Yaoundé, Ceper, pp.68-69.

195 Cette disparité peut s'expliquer par le fait que le Général Dobell en tête de cette force anglo-française avait pour ambition de faire de Douala le quartier général de cette troupe.

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Garoua surtout a nécessité une mise en place de tactiques et une synergie d'action communes entre les différentes forces Alliés.

En effet, il était dès lors question de coordonner les actions avec les soldats levés au Nigéria, en Gambie, au Libéria voire en Inde qui constituaient le gros des troupes britanniques et qui étaient engagés dans cette guerre. Si, la présence des soldats indiens dans ce conflit au Kamerun, peut sembler étrange, de nombreuses tombent avec des patronymes indous ont été retrouvés dans des cimetières et datant de cette période de conflit.

Ainsi, grâce aux replis stratégiques des Allemands de Kousseri pour Mora, cela a davantage favorisé ces derniers car, elle a divisé les troupes alliés : une partie devait rester aux contacts de l'ennemi sur le siège de Mora et l'autre détachement devait continuer la progression sur les villes mentionnées. Et, le premier obstacle du déploiement du RTS-T était Garoua. Assurément, pour continuer de se déployer sur le territoire du Kamerun, le RTS-T et la force expéditionnaire devaient s'adjuger Garoua qui faisait office d'obstacle dans leur avancée.

Erigée en véritable forteresse, Garoua fut assiégé durant 5 mois et mobilisa environ 4000 hommes dont 1500 tirailleurs du RTS-T. Car, en face d'eux se dressait un contingent d'environ 247 hommes dont 210 tirailleurs, de 37 Officiers et médecins allemands équipés entre autre de 700 projectiles d'artillerie, 800.000 cartouches et des mitraillettes de toutes sortes196

Couplé à l'énorme arsenal militaire dont ils disposaient, les Allemands avaient surtout creusé d'énormes tranchées qui limitaient considérablement un affrontement direct et freinaient par la même occasion l'avancée des forces alliés. Mais, en dépit de la résistance des Allemands Garoua fut prise par les Alliés le 10 Juin après la capitulation du capitaine Allemand Von Krailsheim197

C'est dans la même lancée qu'une fois après avoir acté la prise de Garoua, le colonel Brisset porté par un détachement fort de 350 tirailleurs occupe quelques jours après la ville voisine de Ngaoundéré. Ce déploiement rapide et efficace résulte du fait que les Allemands avaient abandonné cette ville pour se replier vers le Sud principalement vers Yaoundé.

De ce fait, le déploiement massif du RTS-T à Ngaoundéré en Juin 1915 vient clos cette première phase de déploiement de cette force dans la guerre au Kamerun.

196 G. Aymerich, 1920, La conquête du Cameroun, Paris, Payot, p. 82.

197 Ibid., p. 83.

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Cette première phase du déploiement du RTS-T concrétise l'avantage du RTS-T et de la force anglo-française sur les troupes allemandes sur le septentrion Kamerunais. Elle ouvrait par ailleurs la voie à la seconde phase du déploiement du RTS-T.

II- LA SECONDE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T : Août 1915- Mars 1918

Après avoir occupé les principales villes dans la partie septentrionale, le RTS-T et le contingent venus de l'Ouest Africain reçu pour mission de faire une jonction à Yaoundé avec le reste des compagnies engagées dans la guerre. Ainsi, cette seconde phase du déploiement du RTS-T s'est faite en deux étapes : une progression vers le Sud et, un stationnement de cette force après le départ des Allemands de leur ancienne possession.

A- La marche du RTS-T vers le Sud du territoire

Le Nord du Kamerun a été l'un des principaux fronts durant la Grande Guerre. Les belligérants se sont s'affronter lors d'importantes batailles pour la maîtrise des villes, défendues par des garnisons allemandes et cela a parfois impacté la progression du RTS-T.

En dépit de ces premiers affrontements, on remarque néanmoins un déploiement du RTS-T qui se fait plus conséquent à tel enseigne qu'elle se prolonge jusqu'au Sud de ce territoire. En effet, dans l'optique de repousser l'ennemi allemand jusqu'à ses derniers retranchements, il était dès lors question de ne pas leur accorder trop de temps afin qu'ils se réorganisent.

C'est dans cette optique que, de concert avec la force mixte franco-anglaise et le RTS-T, le colonel Brisset échafauda un plan qui consistait à déployer une force mixte franco-anglaise forte de 3000 hommes à Tibati et une compagnie du RTS-T en direction de Batouri dont l'objectif à long terme consisterait à faire jonction avec la colonne de l'Est alors dirigé par le Colonel Morisson198. C'est bien grâce à ce détachement du RTS-T conduite par le capitaine Thibault que, le Colonel Morisson réussi à occuper Bertoua et Doumé en 1915.

De ces déplacements incessants, il est intéressant de constater que cette seconde phase du déploiement du RTS- T a consisté à repousser l'ennemi et contraste parallèlement avec la première phase qui, est plus rythmée par des affrontements et des sièges parfois interminables.

198 J. Ferrandi. 1920, La Conquête du Nord-Cameroun. Paris, Charles Lavauzelle, p. 36.

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En outre, cette seconde étape du déploiement du RTS-T devait faire face à un ennemi bien plus menaçant que les Allemands : le climat et la végétation.

Cette seconde phase est marquée par un faisceau d'éléments qui a grandement été défavorable à la progression des différentes colonnes alliés selon Ndjock Isidore Pascal199. Car, pour ne pas reprendre les mots d'Aymerich, qui qualifia le foret kamerunaise de « traitresse » Partant de cette observation, le RTS-T a affronté dans la seconde phase de son déploiement une géographie hostile, un ennemi qui maitrise le terrain, les maladies tropicales et des voies de communication détruites par les allemands.

Ainsi, le RTS-T a livré moins de batailles que lors de la première phase de son déploiement sur ce territoire. Mais, il a pu se hisser jusqu'à Yaoundé en 1916 ce qui marque la fin partielle de la guerre au Kamerun et ouvre la voie à deux années d'occupation de ce territoire par un détachement du RTS-T.

En effet, après la fuite des Allemands en Guinée Espagnole, il est acté par les puissances vainqueurs de maintenir des troupes au Kamerun afin d'éviter un éventuel retour des Allemands. Il était dès lors question pour le RTS-T de jouer un rôle de police sur ce territoire autrefois sous joug allemand.

Cette seconde étape du déploiement du RTS-T a permis aux forces victorieuses de succéder à l'Allemagne au Kamerun. Cependant, après le retrait de Zimmerman et ses hommes en Guinée, il est fort intéressant dès lors de s'intéresser au maintien des différentes colonnes en place particulièrement au RTS-T.

En plus, le RTS-T disposait de bataillons de réserves maintenus au territoire du Tchad. On en dénombrait 3 : il s'agissait de la 12ème, 16ème et 17ème compagnie. Elles avaient en outre 530 fusils, 1 section de mitraillette200. Mais, organisé sous les règles de la grande muette, le RTS-T était hiérarchisé comme nous le montre le tableau ci-dessous.

199 Entretien avec Ndjok Isidore Pascal Nyobe, Douala le 12-05-2022.

200 E. Largeau, p. 171.

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Graphique 2: Hiérarchisation du RTS-T déployé au Kamerun entre 1914 et 1918

Etat-major : Gouverneur Martial Merlin, Général Victor

Emmanuel Largeau

Officiers supérieur : Colonel Brisset et

Capitaine Ferrandi

Sous-officiers

Médecins de troupes

Tirailleur

Porteur

Source : Synthèses des données recueillies des ouvrages d'E. Largeau, 1913, La situation du territoire militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de l'Afrique Française., J. Ferrandi. 1920, La Conquête du Nord-Cameroun. Paris, Charles Lavauzelle.

Ce graphique n'est en fait qu'un condensé de données lié à la hiérarchisation du RTS-T ayant été déployé au Kamerun lors de la PGM. Si le Gouverneur de l'AEF est l'exécutif du pouvoir français dans ce regroupement de colonies, il est par ailleurs aussi celui qui diligente les troupes coloniales.

Mais, il est supplié dans sa fonction par des officiers supérieurs qui sont à la tête des régiments et des bataillons. Dans cette hiérarchisation militaire, les médecins de troupes quant se retrouvent devant les tirailleurs et les porteurs. Cependant, il faut aussi noter que les tirailleurs n'ont pas tous le même échelonnage. Les plus importants sont les tirailleurs-artilleurs suivis des cavaliers ensuite, les tirailleurs de l'infanterie enfin, les tirailleurs-marmitons qui s'occupent généralement d'entretenir le matériel militaire et de la distribution des denrées alimentaire201.

201 Entretien avec Dimrabeye Dayanne, Moundou, le 14-09-2021.

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Photo 10: Les différentes voies de déploiement du RTS-T et des alliés lors de la PGM au Kamerun

Source : https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun. Consulté le 13-05-202

Cette carte du Kamerun renseigne sur les différents théâtres d'opérations lors de la PGM au Kamerun. Elle met en évidence les quatre principaux fronts : celui du Sud, Littoral, l'Est et du Nord et des phases de progression des différents régiments. En outre, elle met en exergue les zones de contre-offensive allemande puis leur zone de replis après leur défaite.

On peut apercevoir de part et d'autre que, le RTS-T a été déployé du Nord vers le Sud avec des succès et quelques fois des échecs comme nous l'avons vu pour ce qui est de l'occupation de Kousseri.

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B-Repenser la posture du RTS-T face aux enjeux d'après-guerre. 1916-1919

Après le départ des Allemands du Kamerun le 6 Mars 1916202, on pourrait bien se questionner sur les nouvelles fonctions des tirailleurs sénégalais restés sur ce territoire particulièrement ceux venus du Tchad. C'est en cela que cette partie entend s'intéresser.

Pour ainsi dire, il est question ici dans un premier temps de mettre en lumière la reconversion des effectifs du RTS-T restés au Cameroun entre 1916 et 1918. Et par la suite, aborder les mobiles liés à leur démobilisation.

1-La reconversion du RTS - T

Avec la fin de la Première Guerre mondiale au Kamerun, il s'est aussitôt ouvert une nouvelle ère politique sur ce territoire qui a rythmé avec les nouvelles attributions des forces alliés particulièrement celle du RTS-T. Mais, il va s'en dire que, la présence des nouveaux occupants du territoire a été diversement appréciée par les populations locales.

En effet, pour certains, s'ils estimaient être sortis du joug allemand ils ne manquaient pas de remarquer également qu'ils n'avaient faits que changé de « maitres203 » ; d'autres par contre étaient restés nostalgiques des Allemands et souhaitaient même le retour de ces derniers204. C'est dans ce contexte que, la France avait trouvée opportun de requalifier l'usage de ses tirailleurs sénégalais mais, aussi attribuer de nouvelles fonctions aux Officiers principalement ceux du RTS-T qui s'étaient distingués dans cette guerre.

C'est dans cet élan que, Joseph Gauderique Aymérich a été nommé en qualité de Commissaire du Gouvernement au Cameroun205, Lucien Fourneau avait le mérite d'être nommé Gouverneur dudit territoire et administrait la partie sous domination française, il était assisté dans sa tâche par des officiers ayant pris part à la PGM. Pour ce qui est de la reconversion des tirailleurs sénégalais venus du Tchad, ils ont été appelé à divers fonctions notamment celles de

202 En effet, s'il est reconnu que les hostilités de la Grande Guerre au Kamerun prenne fin le 6 Mars 1916, elle n'est en fait que partielle car, le maintien de deux compagnies du RTS-T durant deux années supplémentaires ne font que confirmer que la guerre était désormais idéologique.

203 L.Sah, 1982, « Les activités allemandes et germanophile au Cameroun (1936-1939) » In, Revue d'Histoire d'Outre -Mer. Consulté en ligne le 18-07-2022. P.12.

204 Il s'agissait notamment des chefs qui bénéficiaient des avantages que leur conférait la présence des Allemands. On peut ici évoquer Nyoya le roi des Bamouns, Charles Atangana, Pierre Mvemba chef des Babouté,

205 G. Aymerich, 1920, p. 195.

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force de sécurité mais aussi avoir un rôle dans le processus de « dégermanisation » du Cameroun.

Ainsi, pour ce qui est de leur reconversion dans le secteur sécuritaire, ils ont été utilisés comme vigiles, goumier, garde forestiers voire des relais de l'administration. En effet à travers une série de clichés laissée par la SPA, on peut les apercevoir postés dans les quais du port de Douala lors des embarquements et des débarquements. Leur reconversion dans ce sens comme agents de sécurité portuaire avait probablement été mis sur pieds dans l'objectif de filtrer la mobilité dans ce qui constituait jadis la porte d'entrée du Cameroun.

Par ailleurs, en agissant de la sorte, l'Etat-major français et leur alliées avaient mis du même coup un terme à l'existence de la polizeitruppe206qui, avant le début de la guerre occupait cette fonction de sécurité interne du territoire. En outre, les tirailleurs du RTS-T ont également joué le rôle de sentinelle devant les résidences publiques et privée des officiers métropolitains, C'est dans ce sens qu'ont pouvaient les retrouver devant l'Hôtel français de Douala ou encore devant la résidence du Gouverneur du territoire. C'est derniers se sont également vus assurer la protection des déplacements des hautes autorités française.

Ces reconversions de forces de défense à force de sécurité interne trouvaient tout leur sens du fait des propagandes germanophiles sans cesse grandissante dans les villes côtières du Cameroun. Car, les Allemands ont toujours entretenu l'idée de revenir récupérer leur ancien protectorat mais, ils étaient contraints de rester hors du Cameroun du fait du maintien des tirailleurs et particulièrement ceux du RTS-T. Car, rappelons-le, lorsque la guerre éclate, le territoire du Kamerun était en « pleine mutation » avec une économie tournée vers l'extérieur, un début de développement des infrastructures de communication, mais aussi une germanisation de l'élite acquis à la cause allemande.

Ainsi, avec ces placements, il était difficilement envisageable de penser que, l'Allemagne d'abdiquer aussi facilement.

En effet, la reconversion des tirailleurs sénégalais consistait à canaliser les envies pro-allemandes susceptibles de remettre en cause la souveraineté des nouveaux occupants du Cameroun. C'est dans ce sens que, Paul Zang Zang estime que l'autorité coloniale française et anglaise ont procédé à une « dégermanisation » du Cameroun tant sur le plan linguistique, économique que militaire. Donc, le maintien de certains tirailleurs sénégalais dont ceux du

206 Il s'agit du corps de police formé et administrer par les administrateurs coloniaux.

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RTS-T consistait à enrayer l'influence allemande. Et parfois même en agent de police en remplacement de la poleizeitruppe207. Cette initiative avait pour finalité d'effacer du Cameroun toute trace allemande et cela serait possible avec le maintien hors du Cameroun des garnisons allemandes installées pour la plupart dans la ville de Santa Isabel (actuelle Guinée Equatoriale).

Mais, au vu de la continuité de la propagande germanophile, il était clair que cette situation était embarrassante pour les autorités françaises. C'est dans ce sens que Aymerich déclarait que : « le maintien des allemands à proximité du Cameroun constitue une épée de Damoclès suspendu sur la tête de la population208 ».

En effet, durant ces trente dernières années d'occupation allemande au Kamerun, ces derniers avaient laissés une trace quasi indélébile tant dans le domaine infrastructurel, économique que politique. De ce fait, ils n'envisageaient aucunement renoncer à leur « joyau » africain. Et pouvait compter sur le soutien de quelques loyaux.

Photo 11: Des tirailleurs sénégalais et des porteurs assurant le transport du Gouverneur français Lucien Fourreau le 28 Juin 1918.

Source :(c) Frédéric Gadmer. https://www.france24.com/fr/20160130-cameroun-premiere-guerre-mondiale .Consulté en ligne le 11-05-2022.

207 P. Zang Zang, 2010, « La dégermanisation du Cameroun », In Revue électronique de Science du Langage, n°14 Décembre 2010, http://www.sudlangues.sn. p. 6. Consulté en ligne le 16-06-2022 à 14h30.

208G.Aymerich, 1920, p. 207.

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Cette image renseigne sur les conditions de travail des tirailleurs après l'occupation du Cameroun. Elle met en scène le transport d'un administrateur français et date du 28 Juin 1918 soit 2 ans après le départ des allemands du Cameroun. Ce dernier se fait transporter ainsi que ses bagages par une dizaine de porteurs en arrière et en avant plan de cette photo.

Sa sécurité est assurée par trois tirailleurs que nous pouvons apercevoir en avant-plan à droite de cette image. Le rôle sécuritaire des tirailleurs conforte l'idée selon laquelle les alliés ont toujours redouté un retour potentiel des Allemands. En somme, pour véritablement matérialiser le déploiement du RTS-T au Kamerun durant ces 5 années, le tableau ci-dessous répertorie en chiffre la dynamique du déploiement des 10 Bataillons du RTS-T lors de la PGM au Kamerun.

Dès lors, il serait important de mettre en évidence ces raisons qui corroborent leur maintien au Cameroun après la guerre. Il s'agissait dans ce sens, principalement de deux raisons : maintenir en alerte les tirailleurs contre un éventuel retour des allemands et contenir les mouvements germanophiles présents même après le départ des Allemands.

C'est dans ce sens, qu'on pouvait retrouver des tirailleurs postés sur pratiquement tous les lieux publics à l'instar des hôtels, des administrations, des hôpitaux voir des prisons. Mais, au-delà de ce hard power, l'autre rôle assigné aux tirailleurs consistait en une méthode plus douce dont les résultats se verraient à long terme : le « soft power ».

Photo 12: L'Hôtel de France de Douala sécurisée par les tirailleurs sénégalais

Source : https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun. Consulté le 22-06-2022.

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Comme évoqué dans les pages précédentes, le stationnement du RTS-T a consisté à enrailler l'influence allemande au Cameroun. Ici haut on peut voir un hôtel de la ville de Douala fréquenté par des Européens. Le hall d'entrée est sécurisé par des Noirs dont tout porte à croire que ce sont des tirailleurs sénégalais. Car, un rôle aussi délicat n'aurait sans doute pas été confié à n'importe qui. En outre, ce fut l'Hôtel où logeaient les officiers alliés

Mais, des démonstrations de forces étaient souvent organisées où, les tirailleurs sénégalais affichaient leur parure mais, l'objectif visé c'était la pacification totale du territoire. D'ailleurs, la mobilisation ci-dessous dans la ville de Yaoundé est un exemple de démonstration allant dans ce sens.

Photo 13: Patrouille des tirailleurs sénégalais dans la ville de Yaoundé en 1917

Source : https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun. Consulté le 29-06-2022.

Ce cliché illustre à suffisance les nouvelles attributions des tirailleurs parqués au Cameroun après la Guerre. Si effectivement les hostilités avaient pris fin, il était désormais question pour les tirailleurs de parfaire cette initiative de conquête avec une présence intimidante effective

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Cependant, quand revint la stabilité il était désormais question de procéder à la démobilisation entière des tirailleurs sénégalais venus du Tchad. Mais, cette démobilisation a été conditionnée par de nombreux facteurs qu'il est désormais question de mettre en évidence.

2-Les principes de la démobilisation du RTS-T du Cameroun

Plusieurs éléments ont été responsables du rapatriement des deux compagnies du RTS-T restés au Cameroun après la guerre. De façon générale, ils sont de deux ordres : le désir exprimé par les tirailleurs sénégalais de regagner leur bercail mais aussi le plan de la métropole de les utiliser au Tchad209.

Pour ce qui est du premier principe, un adage africain stipule qu'on n'est jamais mieux que chez soi. Ainsi, en principe après la fin de la PGM au Kamerun, les tirailleurs sénégalais devaient en principe être rapatriés après leur service comme nous l'avons vu plus haut. Mais, à cause d'une clause glissée dans ce même contrat, ils pouvaient être maintenus au sein des bataillons au gré de leur volonté.

Nonobstant de ce constat, le désir de regagner leur colonie d'origine semblait plus fort que toute tentative mise en place la France. En effet, n'oublions pas que de nombreuses familles au Tchad étaient restées dans l'attente du retour de leur homme. C'est dans ce sens que, Dayanne210 estime que le besoin de retrouver les siens après un conflit est plus grand que tout. S'ils n'avaient aucun moyen de pression de faire respecter leur volonté, toujours selon Dayanne ces derniers simulaient des maladies et prenaient prétexte des rites culturels pour manifester leur envie de démobilisation. Mais, le second principe lié à la volonté de la métropole de les redéployé au Tchad dans le cadre de la pacification de l'ensemble du territoire a permis la démobilisation effective de ces derniers du Cameroun.

Avec, la signature de l'armistice qui sonnait la fin de la PGM sur tous les fronts, il s'avère que, la France n'avait plus aucun intérêt à maintenir une présence militaire « indigène » au Cameroun. Si, officiellement il avait été acté par le Ministère de la Guerre que, les tirailleurs sénégalais mobilisés pour la PGM devaient être démobilisés en 1919, cela reflétait la réalité des fronts européens. En effet, en Afrique et particulièrement au Tchad, la colonisation n'était pas encore terminé et, de ce fait les deux compagnies stationnées au Cameroun ont été démobilisé le 14 Mar 1918 pour aller supplier les troupes du Tchad. C'est dans ce contexte que, les

209 Entretien avec Dilamkoro Laomaye, N'Djaména le 08-01-2022.

210 Entretien avec Dayanne, Moundou le 16-12-2021.

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principes de la démobilisation du RTS-T a pu s'opérer. En réalité, elle a plus relevé des ambitions liées à l'extension du domaine colonial français que de l'envier d'accorder du répit aux tirailleurs « tchadiens » encagé dans cette guerre loin de leur famille.

Cependant, si leur redéploiement dans leur colonie a été de l'avantage de la France, il a surtout laissé de nombreuses conséquences dans leur territoire. C'est d'ailleurs ses répercussions qui, constituent le dernier chapitre de ce travail.

Il a été question dans ce troisième chapitre de mettre en évidence les différentes phases du déploiement du RTS-T pendant et après la Grande Guerre au Kamerun. Il en ressort que la dynamique de déploiement de cette colonne venue du Nord fut diverse et variée et peut se résumer en deux principales phases. Ainsi, si l'extrémité du Nord et le Nord de ce territoire ont été très tôt au début des hostilités entre Allemands et le RTS-T, elle a été la première phase du déploiement du RTS-T. Cependant, elle mobilisa un contingent du RTS-T fort d'environ 300 à 450 Tirailleurs et près de 2000 porteurs et pris fin après l'occupation de Ngaoundéré le 15 Juin 1915.

La seconde phase de ce déploiement quant à elle a consisté en la progression de cette force en direction principalement du Sud et d'un stationnement de deux ans sur l'étendue du territoire après le départ des Allemands le 6 Mars 1916. Cependant, ce maintien de deux compagnies du RTS-T n'était pas anodin et contrastait avec un probable retour des Allemands au Kamerun. Cette idée d'un éventuel retour fut propagée par des pro-allemands nostalgiques de ces trente années d'occupation allemande.

Mais, il est question à présent dans le chapitre finale, d'aborder la question liée aux répercussions du déploiement du RTS-T au Kamerun et évoquer sa patrimonialisation.

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CHAPITRE IV : LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T
DANS LA GRANDE GUERRE AU KAMERUN ET PLAIDOYER POUR
LA PATRIMONIALISATION DE CE REGIMENT

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La mise en place du RTS-T puis, son déploiement au Kamerun lors de la PGM a entrainé au Tchad des répercussions à la fois sur le plan politique et économique. En effet, la fin de ce conflit a occasionné un réajustement frontalier entre le territoire du Tchad et du Cameroun, changé le statut juridique du Tchad et, booster le développement d'une culture de rente : celle du coton. Autrement dit, la mobilisation et le déploiement des tirailleurs sénégalais du Tchad a permis de nombreuses mutations qui ont laissées des traces indélébiles sur ce territoire.

En plus de ces mutations dont la PGM a été un catalyseur, ce dernier chapitre entend également se pencher sur une analyse du legs mémoriel au Tchad du RTS-T. Autrement dit, il est question de questionner ces faits d'armes au Kamerun. Ainsi, il serait question dans un premier temps de mettre en évidence l'impact du déploiement du RTS-T sur le plan politique et économique au Tchad. Ensuite, nous intéresser à la question de sa patrimonialisation

I- LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA GRANDE GUERRE AU KAMERUN ENTRE 1914 ET 1918

Si, le déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918 a permis d'évincer les Allemands de ce territoire et de consolider la présence de nouveaux « maitres » il faut cependant remarquer que, cet acte a également eu des répercussions sur le territoire du Tchad. Partant de là, il est question ici d'évoquer cette répercussion sur le plan politique ; ce qui sous-entend d'évoquer la rétrocession de l'espace « tchadien » antérieurement absorbé par le Kamerun, et des mutations ayant suivis sur ce territoire.

A-Les répercussions sur le plan politique

S'il y'a bien une frontière dont la délimitation a été autant rebondissante, c'est bien celle entre le Tchad et le Kamerun, car elle a connu de nombreuses mutations dont la fin de la PGM y a apporté une touche finale.

Ainsi, l'une des conséquences immédiates de la conquête du Kamerun suite aux déploiements des tirailleurs sénégalais a été de rétrocéder l'espace de l'AEF englobé par le Kamerun en 1911. En effet, avant même que n'ait lieu le partage du Cameroun par les vainqueurs de la guerre à partir de 1916, la France avait entrepris de récupérer les milliers des

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kilomètres de l'AEF qu'elle avait cédé à l'Allemagne211 et dont les 2.900 Km2 du territoire du Tchad englobé était de facto concerné.

Cette restitution qu'on doit en partie au RTS-T a entrainé une série de transformation à la fois politique mais aussi économique sur ce territoire. Partant de ce constat, il est question ici de mettre en exergue les répercussions sur le plan administrative au Tchad suite au déploiement du RTS-T au Kamerun.

1-Le passage d'une gestion militaire à une administration civile du Tchad

Depuis l'entrée des Français au Tchad en 1889 dans le cadre de l'expansion colonial, ce territoire fut administré durant les vingt premières années qui ont suivis par des administrateurs militaires. Il faut cependant attendre 1920 pour voir un administrateur civil être porté à la tête de ce territoire212.

En effet, le territoire militaire du Tchad (TMT) qui avait remplacé les Pays et Protectorats du Tchad (PPT) le 02 Juillet 1902213 marquait la volonté de la France de posséder une base arrière sur ce territoire carrefour entre l'AEF et l'AOF. D'ailleurs, il est intéressant de réitérer que cet emplacement stratégique a été une aubaine pour la France quant au déploiement du RTS-T au Kamerun. Après la fin de la guerre au Kamerun, il était désormais question pour la France de repenser l'utilité de ce territoire autrefois doublement stratégique dans ses manoeuvres expansionnistes.

Cependant, il convient de rappeler que la gestion administrative du TMT était confiée à un Gouverneur militaire qui était nommé par le conseil de Ministre et, ce dernier représentait le pouvoir exécutif français. En effet, doter le territoire du Tchad d'une administration militaire permettait non seulement à la France de faire stationner sur ce territoire un nombre important de militaires métropolitains et locaux mais, également de jauger les puissances impérialistes européennes concurrentes comme l'Allemagne au Kamerun.

Toutefois, durant le passage du TMT à TCT, l'administration fut parfois mixte c'est-à-dire que, le territoire était parfois confié à un civil tantôt à un militaire. Mais, le passage du territoire militaire du Tchad à territoire civil du Tchad (TCT) en date du 14 Mai 1916214 a pu se faire grâce à un concours de circonstances. La première action visait à démilitariser le

211F. Eyelom, 2007, L'impact de la Première Guerre mondiale au Cameroun, Paris, l'Harmattan, p. 74.

212 Annuaire du Tchad 1902-1920, p. 62.

213 V. Emmanuel Largeau, 1913, p. 16.

214 Annuaire du Tchad 1951-1960, p. 18.

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territoire, la seconde action annonçait la volonté de la France d'orienter sa politique gouvernementale vers d'autres aspects d'activités comme la relance économique. D'ailleurs, c'est à partir de là que d'importants travaux de réaménagements s'opèrent. Entre autre, l'administration colonial dote le territoire étend les voies de communications, met en place un service de santé mobile, et rattache le territoire du Tchad au Gouvernement de l'AEF215. Il faut noter en outre que, toutes ces mutations ont été opérées pour parfaire l'oeuvre colonial sur ce territoire. C'est dans ce sens qu'on remarque une extension vers le Nord de ce territoire à partir du passage de TMT à TCT.

Le passage de territoire militaire à celui de territoire civil du Tchad marque un tournant dans l'évolution administrative du Tchad. Certes il fut opéré 15 ans après le début de la colonisation de cet espace mais, il permet de comprendre l'impact qu'a eu le déploiement du RTS-T au Kamerun à partir de 1914. Autrement dit, la mutation administrative du territoire du Tchad est due en parti du rôle qu'a joué le RTS-T durant la Grande Guerre.

Pour nous fais une idée des différents administrateurs du territoire du Tchad nous avons dressé le tableau ci-dessous qui, répertorie leur nom, statut et période de fonction entre 1902 et 1918.

Tableau 7: Liste des militaires ayant servis au Tchad entre 1900 et 1920

Statut

Nom

Période de fonction

Chef de Bataillon

Destenave

Octobre 1900-Aout 1902

Chef de Bataillon

Largeau

Aout 1902-Juiellet 1904

Chef de Bataillon

Gouraud

Juillet 1904-Aout 1906

Lieutenant-Colonel

Largeau

Aout 1906-Juin 1908

Lieutenant-Colonel

Millot

Juin 1908- Octobre 1909

Lieutenant-Colonel

Moll

Octobre 1909-Novembre1910

Chef de Bataillon

Maillard

Novembre1910-Mars 1911

Général

Largeau

Mars 1911-Septembre 1912

Lieutenant-Colonel

Hirtzman

Septembre 1912-Décembre 1912

Chef de Bataillon

Briand

Décembre 1912-Aout 1913

Général

Largeau

Septembre 1913- Juillet 1915

Lieutenant-Colonel

Briand

Juillet 1915-Septembre 1916

215 Annuaire du Tchad 1910-1930, p. 17.

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Colonel

 

Martelly

Septembre 1916-Janvier 1918

Colonel

Ducarre

Janvier 1918-Avril 1920

Gouverneur

Lavit

A partir de Mai 1920

Source : Annuaire du Tchad, 1950-1951. P-30.

Ce tableau nous donne quelques renseignements sur les administrateurs du territoire du Tchad depuis 1900 jusqu'à 1920. S'il permet de saisir, l'affectation constant des militaires sur ce territoire pour des périodes relativement courtes, force est cependant de constater que, si durant la PGM le territoire fut administrer par un Général, il a été confié à un administrateur civil en 1920. Ce soudain changement d'autorité a été conditionné par une période stable qui a fait fusionner le territoire de ces espaces antérieurement absorbé en 1911 par le Kamerun.

2-Unification et modification des frontières à travers la restitution du bec de canard au Tchad en 1919

La Grande Guerre au Kamerun qui, a vu la participation de la colonne du Nord a été favorisée trois ans plutôt par un incident diplomatique majeur : le coup d'Agadir qui avait conduit à la réduction de nombreuses circonscriptions du Tchad en 1911 au profit du Kamerun soit un peu plus de 16.555Km2216.

Cet incident qui, fut l'un des mobiles du déclanchement de la Première Guerre mondiale au Kamerun nous amène à qualifier ce conflit de guerre de « reconquête ». En effet, l'espace « tchadien » octroyé à l'Allemagne avant le début de la PGM au Kamerun devint l'un des objectifs qui animait le Gouvernement de l'AEF sous la directive de Martial Merlin. Il faut toutefois noter que la volonté de récupérer ces territoires cédés à contrecoeur était devenue un des objectifs du déploiement du RTS-T.

Cependant, il se posait alors le double problème de la rétrocession d'une partie du « bec de canard » au Tchad : d'une part comment serait-il administré ? Et d'autre part, comment la France s'en elle-t-elle prise pour calmer les revendications des autres puissances à l'instar de l'Angleterre qui entendait aussi s'adjuger le territoire nouvellement conquis ?

De ce fait, pour ce qui est du premier problème, l'administration coloniale française décida dans un premier temps de gérer de façon autonome les zones ayant fait partie de l'AEF avant le 11 Novembre 1911. A cet effet, elle décidait d'organiser de façon provisoire la justice,

216 B. Lanne, 1992, « Le Tchad allemand », In Tchad et culture, n°129, p. 17.

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le commerce et l'autorité de ces zones217. Autrement dit, toute la rive gauche du fleuve Logone faisant autrefois partie du territoire du Tchad fut administrée séparément du territoire du Cameroun et du Tchad entre 1915 et 1916. Ainsi, la France en procédant ainsi évitait de se mettre à dos ses alliés dans cette guerre qui entendait eux-aussi tirer profit de cette guerre au Kamerun.

De ce fait, plusieurs ordonnances venaient cependant réguler cette zone à priori « autonome » mais sous joug de la France. A cet effet, il était par exemple acté que, la justice serait désormais rendue par les conseils de guerre, par les justices de paix, par des tribunaux criminels et des tribunaux indigènes218. De ce fait, les conseils de guerre avaient pour objectif de trancher les différends d'ordre militaire. Les chefs de circonscriptions tenaient le rôle de Juge dans les tribunaux et leur compétence s'arrêtaient dans les circonscriptions voisines219.

Quant aux activités commerciales, elles étaient régulées par l'article 4 du même arrêté précité. Elle stipulait notamment que, les procédures en matière commerciale reste la même que celle qui est fixée dans le reste de l'AEF220. Mais, il convient de rappeler que, les zones concernées étaient les circonscriptions de Fianga, Léré, Bongor, Pala, Lai, Kélo, Mbaibokoum, Moissala. Il faut cependant attendre jusqu'au 5 Septembre 1916 pour que ces circonscriptions précitées soient confié au Gouverneur de l'AEF en qualité de commissaire de la République221. Cet acte traduisait fortement la volonté de la France de se maintenir dans ces zones. Cependant, c'est le décret du 12 Avril 1917 qui permettait de faire fusionner le territoire du Tchad de ses circonscriptions amputées. En effet, il entendait rattacher le territoire du Tchad de ses zones amputées antérieurement à la convention du 11Novembre 1911222.

Toute somme, le rattachement du TMT aux circonscriptions autrefois octroyées à l'Allemagne marque l'une des conséquences du déploiement du RTS-T dans la PGM au Kamerun. Mais, loin d'être la seule conséquence, ce déploiement du RTS-T a en outre changé

217 JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la convention du 4 Novembre 1911, article 1 et 3.

218 JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la convention du 4 Novembre 1911, article 1.

219 JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la convention du 4 Novembre 1911, article 5. 220JO-AEF, 15 Février 1915, Arrête portant organisation de la justice dans les territoires du Cameroun qui ont fait partie de l'Afrique Equatorial Française antérieurement à la convention du 4 Novembre 1911, article 4.

221 Annuaire du Tchad 1910-1920, p. 18.

222 Annuaire du Tchad, 1910-1920, Décret du 12 Avril rattachant le TMT aux zones amputées en 1911. 1916, p. 18

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le statut du territoire du Tchad. D'ailleurs, la carte ci-dessous témoigne à suffisance et magnifie l'unification sur un seul territoire le Tchad.

Mais, il convient cependant de préciser que, la partie septentrionale fut rattachée à ce territoire en 1920. Or, la partie australe notamment la rive gauche du Logone a été rétrocéder dès 1916. De ce fait, il s'agit d'une carte de 1920.

Photo 14: Carte du territoire du Tchad après 1920

Source : Ministère de l'Administration du Territoire du Tchad. Atlas 2012.P.11.

Si, le traité du 28 Juin de Versailles permettait au territoire du Tchad de s'étendre et, de récupérer les zones du Sud des circonscriptions du Mayo-Kebbi Ouest et Est, il n'était pas bien vu par les Allemands qui se sont senti laissés. Mais, ce qui nous intéresse ici est de constater que, si nous sommes parvenus à ce résultat, c'est en partie grâce au déploiement du RTS-T.

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B-La « mise en valeur » du territoire du Tchad

L'interrogation que l'on pourrait se poser ici est celle de savoir comment le déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918 a précipité la fin de la colonisation du Tchad et orienté la politique de la France vers des secteurs plus lucratives ? Partant de cette question, il faut rappeler que la colonisation du territoire du Tchad amorcée en 1889 fut brusquement interrompue à cause de la PGM au Kamerun dès 1914 avant de reprendre en 1918.

Lorsque la guerre s'estompa en 1916, il était désormais question pour la France de relancer l'économie de ce territoire avec la « mise en valeur » des activités économiques. C'est dans cette mouvance que dès 1920, la France introduit la culture du coton avec sa filiale de Coton franc dont la production fut rendu obligatoire à l'ensemble du territoire223. C'est en allant dans le sens de cette mise en valeur du territoire conditionnée par le travail forcé qu'il nous a paru nécessaire de mettre en évidence le rôle du coton comme levier de l'économie du territoire.

1-Le développement d'une monoculture de rente : le Coton premier levier de l'économie du Tchad en 1920

N'étant pas un territoire possédant un climat tropical favorable au développement des produit tels que : le cacao, le café, la banana ou encore palmier à huile, le territoire du Tchad a pu néanmoins s'ouvrir à l'international exportant le Coton après la PGM en Europe et au Kamerun.

Ainsi, le déploiement du RTS-T lors de la PGM au Kamerun a été un catalyseur dans la relance de l'économie de ce territoire. En effet, la culture cotonnière comme l'affirme Goni Ousmane a su traverser les changements et les troubles politiques224. Mais, il convient de rappeler que, cette culture destinée à l'exportation a légitimé très souvent les violences dont étaient victimes les populations car ; il était pressant de parvenir à des résultats.

D'ailleurs, le RTS-T a joué un rôle quant à l'accélération de cette culture dès son introduction sur le territoire. En effet, l'administration coloniale l'avait confié le rôle de police et, avait légitimé les sanctions dont elle exerçait sur ceux qui, ne trouvaient aucun intérêts à s'adonner à cette culture. D'ailleurs, à ce propos Ulrich Sturzinger estime que, les sanctions

223 E. Kimitene, 2008, « Stratégies paysannes en zones cotonnières du Tchad. Discours et représentations actions des habitants de Komé à Doba ». Mémoire de Master 2 en Histoire économique, Université de Rouen, p. 26.

224 G. Ousmane, 2010, p. 68.

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pouvaient aller du châtiment corporel à l'obligation d'exercer les travaux forcés225. En outre, il est intéressant de constater avec René Dupont que :

la culture du coton était imposée par voie d'autorité : chaque adulte devait faire une corde, soit entre 35 et 40 ares. Le produit porté sur la tête à des points d'achat fixes plus ou moins éloignés du lieu de la culture, était parfois pesé sur des bascules parfois fausses et payés aux seuls chefs de villages qui, pouvaient garder pour eux seul la totalité de la rémunération226

Mais, au de-là de tout ceci, cette section du travail entend démontrer le rôle du RTS-T dans l'évolution de la culture du coton au Tchad après la PGM au Kamerun.

Si, au début de sa colonisation, le territoire du Tchad a semblé quelque peu mis en retrait par rapport aux autres colonies du fait de son sol peu exploitable, il est par contre fort intéressant de constater qu'il connait un regain d'intérêt à partir de 1920 avec la création de la Cotonfranc227. Cette entreprise publique française spécialisée dans l'exportation du coton, implantée au Tchad a favorisée cette culture industrielle au détriment des cultures vivrières. Ainsi, le déploiement du RTS-T au Kamerun entre 1914 et 1918 qui a permis de rétrocéder au Tchad une partie des zones du Mayo-Kebbi Est et Ouest, et une partie du Logone ; ces zones se sont avérée être parmi les plus propices quant au développement de la culture cotonnière.

Mais, si la cotonfranc a pu dynamiser la culture du coton qui n'arrangeait en rien la situation des colonisés, elle devait sa réussite aux bataillons du RTS-T qui, en plus d'assurer la sécurité du territoire a été aussi utilisé dans la contrainte qu'imposait l'exploitation agricole.

2-Une économie tournée vers l'extérieur : le rôle de la transéquatoriale

L'une des conséquences de la participation du RTS-T à la PGM au Kamerun a été comme nous l'avons vu de mettre en évidence au profit de la France l'exportation d'une matière première : le coton. Mais, cette initiative en a entrainé une autre, celle du développement des infrastructures de communication qui ont permis d'orienter cette économie vers l'extérieur et marqué par la même occasion le début du commerce extérieur de ce territoire.

Ainsi, il est question dans cette section du travail de mettre en lumière le développement de certains infrastructures résultant du développement du coton qui, lui-même doit sa mise en évidence au rôle joué par le RTS-T lors de la PGM au Kamerun. De ce fait, il faut rappeler

225 U. Sturzinger, 1983, Tchad : mise en valeur, « coton et développement », Tiers monde, n°95, Juillet-Septembre, pp. 643-651.

226 R. Dumont, 1962, L'Afrique noire est mal partie, Paris, Cop, pp. 72-74.

227 A. Kassambara, 2010, p. 53.

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que, l'industrie cotonnière magnifiée par l'implantation de la cotonfranc a toujours oeuvré pour l'exportation de cet « or blanc ».

En outre, la quasi inexistence de moyen de transformation sur place a favorisé l'exportation de cette culture. Cependant, pour y parvenir, la France avait l'obligation de se doter des moyens d'acheminer ce produit à destination des côtes africaines et afin de procéder à leur embarquement en direction de la métropole. De ce fait, la création des voies de communication s'imposaient afin de désenclaver le territoire. C'est dans cette mouvance que, de nombreux travaux ont permis de créer des voies de communication fluviale et routier qui ont été confié à l'Agence transéquatoriale de communication228.

S'agissant de la voie fluviale, la priorité fut d'abord de rendre praticable cette voie. C'est ainsi qu'a été mis en évidence la voie fluviale de la Bénoué. Longue de près de 2000Km, cette voie de communication permettait d'acheminer les ballots de coton de la Bénoué jusqu'au fleuve Niger en passant par Garoua ou était enfin acheminé par voie terrestre jusqu'au port nigérian de Port Harcourt229. Cependant, il convient de rappeler que, cette voie n'est empruntable que 4 mois de juillet à Octobre lorsque les cours d'eaux sont abondants. Et, la sécurité des navires pour éviter les pillages et la perte des ballots de coton est assurée par les tirailleurs qui, se relaient à des points déterminés.

La crue de la Bénoué pendant la saison sèche a naturellement conduit le transéquatoriale a diversifié les voies de désenclavement. C'est dans ce sens que, la mise en évidence des voies terrestres devenait prioritaire afin de relier le territoire au reste de l'AEF. Ainsi, la circonscription de Fort-Archambault fut sollicitée pour relier le territoire aux cotes de Pointe Noire au Moyen-Congo. De ce fait, un long tronçon d'à peu près 1500km permettait d'acheminer le coton du territoire du Tchad vers l'Oubangui-Chari ; une fois là-bas, il était acheminé au port de Pointe Noire.

Ces voies de communications traditionnelles ont permis d'ouvrir le territoire du Tchad à la confédération de l'AEF mais, il permet surtout de comprendre que, ces investissements tournés vers l'extérieur ont permis de saisir les réels desseins de la France quant à la mise en valeur du territoire du Tchad.

228 G. Sautter, 1959, « Les liaisons entre le Tchad et la mer : essai d'analyse géographique d'une situation concurrence dans le domaine des transports », In, Bulletin de l'Association des géographes français, n° 286 -287, pp. 9-11.

229 Ibid., p. 15.

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II- PLAIDOYER POUR LA PATRIMONIALISATION DU RTS-T

Si, la conservation de la mémoire est considérée comme le sens commun à chaque société elle constitue un pont qui permet de lier le passé au présent, en outre c'est surtout le meilleur moyen d'inscrire le passé dans le présent. A cet effet, il semblerait que c'est un formidable moyen de répondre aux besoins sociaux et de pérenniser la mémoire et dans le cas échéant celle du RTS-T.

De ce fait, il est question ici de poser les bases de cette patrimonialisation du RTS-T. C'est en quelque sorte une mobilisation mémorielle ayant pour finalité de vulgariser cette mémoire qui semble peu à peu sombré dans l'oubli.

A-Déconstruire l'image du tirailleur sénégalais dans la mémoire collective des peuples

Le souvenir dit-on dépend des modes de transmission, et les recherches sur la mémoire collective n'est aucunement un devoir mais une nécessité et un besoin indispensable à chaque société en quête de « vérité historique ». Mais, il convient de noter avec le psychologue Louis Douffet « qu'une forme de représentation unique peut entrainer à une forme de simplification de l'histoire et donc empêcher une interrogation du passé ce qui favorise une mise sous silence de la diversité et des témoignages 230 »

Cette réflexion nous pousse à nous interroger sur le caractère polymorphe qui encoure le souvenir qu'on garde du tirailleur sénégalais. Ainsi, la représentation du tirailleur sénégalais fut souvent divers et varié .Par contre, il convient aussi de rappeler que, la mémoire des velléités expansionnistes a été une mémoire polysémique. Car, elle s'est manifestée à travers des souvenirs matériels à l'instar de la statue du soldat inconnu mais, aussi à travers des gestes immatériels comme des minutes de silence ou des commémorations. Cependant, ces constats nous poussent à nous poser deux questions.

La première est celle de savoir si la représentation du tirailleur sénégalais en générale et celle du tirailleur du Tchad en particulier est-elle unique et figée ? Quelle trace (s) mémorielle garde-t-on du RTS-T ? Il est question de répondre à ces interrogations pour bâtir notre propre idée de la représentation mémorielle du RTS-T.

230 L. Douffet, 2021, « Le souvenir s'en va-t'en guerre : mémoires et représentations sociales du soldat de 14-18 » Thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université de Lyon, p. 181.

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1-De la représentation polymorphe à l'image du tirailleur sénégalais du Tchad

L'image fait partie intégrante des sources d'informations en sciences sociales et particulièrement en science historienne. Le plus souvent, elle donne une représentation qui peut être interprétée diversement. Cependant, l'un des moyens de production de données iconographiques durant le déploiement des tirailleurs sénégalais dans Grande Guerre au Kamerun fut la photographie. Mais, si par contre elle permettait de représenter ce qui est réel, de témoigner de quelque chose qui s'était véritablement déroulé, il n'est pas exclu qu'elle pouvait parfois se réduire à un point de vue et par conséquent être subjective.

Ainsi, du tirailleur sénégalais ayant pris part à la Grande Guerre au Kamerun, il nous reste de lui une image polymorphe qui se décompose en trois type : l'image du guerrier barbare, le soldat infantilisé et l'homme derrière sa chéchia.

De nombreuses images héritées de la Première Guerre mondiale au Kamerun ont pu être réalisés et conservés grâce à la section photographique de l'armée (SPA)231. Mais, il faut cependant préciser que, ces données iconographiques léguées suivent une politique visant le plus souvent à propager une représentation parfois partisane. De ce fait, les tirailleurs sénégalais en particulier ceux du Tchad ont très souvent été dépeint à travers des conceptions véhiculées sous des prismes et clichés occidentaux. Et, pour nous imprégnée de ces représentations parfois « erronées », il faudrait faire appel aux disciplines transversales en particulier à la psychologie sociale.

Cette approche est le moyen de comprendre la représentation des tirailleurs sénégalais chez les belligérants mais aussi de représenter le tirailleur sénégalais comme nous l'entendons. Ainsi, du côté Allemand par exemple, les tirailleurs sénégalais ont été dépeints à travers une représentation étriquée peu valorisante dont l'objectif consistait à les exclure de la PGM tant sur les fronts occidentaux que, sur les fronts africains. A cet effet, ils étaient très souvent personnifier comme des « sauvages », des « cannibales » voire des personnes qui ne méritaient même pas de prendre part à cette guerre qui concernait les Européens. A ce sujet, les propos de Von Lettow-Vorbeck en sont des illustrations, il affirme que : la mobilisation des tirailleurs

231 En effet, dès 1915, la France met en place un programme ayant pour but de matérialiser les souvenirs de la Grande Guerre. C'est ainsi qu'est créée la section photographique de l'armée (SPA). Par cette action, la photographie se démocratise et gagne tous les fronts de la guerre aussi bien en occident qu'en Afrique où elle a permis de conserver des images des tirailleurs sénégalais au Kamerun.

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sénégalais par les alliés dans ce conflit est contraire aux valeurs prônée par les nations civilisatrices232.

Ces propos en plus de dénaturé l'humanisme des tirailleurs sénégalais ils traduisent aussi une volonté d'écarter ces derniers de ce conflit. En outre, cette posture allemande de la représentation du tirailleur sénégalais était surtout véhiculée pour empêcher aux alliés à la France particulièrement de faire pencher l'avantage démographique en sa faveur. En plus, l'objectif visé ici par l'Allemagne était d'éviter la guerre au sein de ses colonies africaines.

Cependant, comme nous l'avons vu plus haut dans ce travail, cette représentation du tirailleur sénégalais le définit comme un être abject dénué d'humanisme mais, elle contrastait bien avec la mise en place de la schutzztruppe par l'Allemagne. Car non seulement cette force était constituée de Noirs mais, elle ne différait en rien du RTS-T.

Toute somme, la représentation du tirailleur sénégalais par les Allemands était à notre sens orientée et, cette logique trouve tout son sens dans les propos de Louis Douffet qui affirme que : « les enjeux liés à l'image de la Première Guerre mondiale et de ses combattants métropolitains et indigènes pourraient se résumer à deux points : des besoins de la propagande par la presse et la volonté de vouloir figer le souvenir du vécu des soldats233 ». Mais, il convient aussi de noter qu'un troisième point peut parfaire cette analyse de Louis Douffet celui d'une éventuelle « mise en valeur » des tirailleurs sénégalais.

Ainsi, l'autre représentation du tirailleur sénégalais que nous pouvons mettre en évidence nous vient des alliés particulièrement de la France. L'image des tirailleurs sénégalais avaient très souvent été associée à des affiches publicitaires qui, donnaient une représentation plus ou moins étriqué de ces derniers. C'est dans ce sens que nous ne saurions ne pas rappeler la campagne de représentation du tirailleur sénégalais sur les produits alimentaires destinées aux enfants le fameux Va bon Banania.

A travers cette publicitaire, ils avaient été infantilisés à travers une série de propagande. On se souvient encore de la fameuse image y'a bon banania qui en disait long sur le niveau de considération que la Métropole avait de ses combattants noirs. Tous ceci nous amène à accréditer la pensée de Pierre Moliner qui estime que : « la polysémie de l'image est une

232 F. Jacques., 2006, Les colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer, Paris, Soteca-Edition, p. 14.

233 L.Douffet, 2021, p. 55.

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représentation codée et culturellement interprétée234 ». Toutefois, ne perdons pas de vue que nous sommes en pleine période coloniale marquée par des stéréotypes coloniaux qu'il convient cependant de battre en brèche.

Photo 15: Représentation du tirailleur sénégalais de 14-18 en France

Source : (c) Herodote.com. Y'a bon Banania. Consulté en ligne le 06-08-2022.

Cette image mettant en scène un tirailleur sénégalais sur une publicité de produit alimentaire nous donne quelques indications sur la représentation de ce dernier en France. En effet, loin d'être une affiche ayant pour but de glorifier les faits d'arme du tirailleur sénégalais, elle le dépeint plutôt comme un être infantile et, ou comme un sous évolué qui s'empiffre de nourriture destinée aux enfants. C'est en s'insurgeant contre cette affiche que Senghor avait condamné avec la dernière énergie cette représentation.

234 P. Moliner, 1996, Images et représentations sociales : de la théorie des représentations à l'étude des images sociale, Grenoble, PUG, P.144.

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Cependant, ces représentations du tirailleur sénégalais par l'Allemagne et la France contrastent bien avec celle que nous avons après analyses. En effet, loin des représentations parfois arbitraires du tirailleur sénégalais, Madjasranaco garde comme souvenir du tirailleur sénégalais de la PGM une victime du système colonial. Il estime par ailleurs que : des hommes qui ont farouchement défendu leur territoire au moment où Français et Allemands avaient des penchants expansionnistes et se sont souvent affrontés selon qu'ils servaient le drapeau Français ou Allemand235.

En somme, ces visions contraires du tirailleur sénégalais ne sauraient nous donner une image figée du tirailleur.

2-Construire l'identité du tirailleur « tchadien » de 14-18

L'appropriation mémorielle calquée sur des valeurs culturelles peut contribuer à bâtir une identité du tirailleur sénégalais en général et du tirailleur « tchadien » de la PGM en particulier. Autrement dit, en mobilisant un ensemble d'éléments liés aux us et coutumes du Tchad, on peut arriver à donner une identité propre au RTS-T. Cependant, pour arriver à mettre sur pieds cette identité qui doit être ancrée dans la mémoire collective, un recours à la théorie des représentations sociales d'Émile Durkheim s'impose. Ce paradigme née en 1898 soutient l'hypothèse selon laquelle la pensée sociale peut être légitimée et constituer un savoir endogène236.

En effet, l'identité du tirailleur sénégalais saurait être une continuité dans le temps et, permettre une identification propre du tirailleur du Tchad. De ce fait, on peut passer de tirailleurs sénégalais à tirailleur du Tchad. Car, ce changement conceptuel peux contribuer à sortir des clichés et stéréotypes attribués aux Africains tous réunis sous le label de « tirailleur sénégalais ». C'est en allant dans ce sens que, Gariam Philippe Adoum aimerait que, le tirailleur venus du territoire du Tchad ait une identité propre à lui différente de cette appellation générale qui ne le représente aucunement tant sur le plan culturel que géographique237.

C'est en allant dans le même sens que, Nerade Giscard pense que, l'idée d'une généralisation de l'appellation tirailleur sénégalais à tous les subsahariens est insignifiante et

235 Entretien avec Madjasranaco, N'Djamena le 26-01-2022.

236 Durkheim, E. 1898. « Représentations individuelles et représentations collectives ». Revue de Métaphysique et de morale, n°6, 273-302.Consulté en ligne le 11-07-2022.

237 Entretien avec Gariam Philippe, N'Djaména le 21-01-2022.

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peu valorisante d'autant plus qu'on parle d'une pléthore d'ethnies et d'identités culturelles différentes238.

Toutefois, les affirmations de ces personnes ressources est loin d'être anodines et dénués de sens car, la construction d'une identité propre aux tirailleurs du Tchad serait le moindre hommage qu'on pourrait offrir à ces derniers. C'est ainsi que, les paroles de Louis Douffet trouvent leur sens dans la mesure où il affirme que : « la construction d'une identité permet de mettre sur un pied d'égalité une source de savoir bien souvent dévalorisée239 »

En somme, la reconnaissance et la valorisation de l'identité du tirailleur du Tchad est un moyen de donner une nouvelle perception et description de ce dernier mais aussi ériger un nouveau rapport symbolique dans la mémoire collective. Eu égard de ce qui précède, d'autres voies et moyens pouvant permettre de mettre en évidence la mémoire du RTS-T pourraient passer par la mise en valeur des monuments leur rappelant.

B-Plaidoyer pour une valorisation patrimoniale du RTS-T

Dans le cadre de notre étude, l'évènement est si lointain qu'il y'a plus aucun survivant et, de ce fait, il appartient à l'Histoire de reconstituer ce passé. C'est en allant dans ce sens que, Nora affirmait que : « le rapport de l'Histoire à la mémoire exprime l'inéluctable et transformateur passage du temps qui est la raison même de l'acte de commémorer ». Cette réflexion démontre que, la mémoire est le moyen le plus propice de faire revivre le passé.

Partant de là, cette section entend mettre en lumière des lieux qui peuvent pérenniser la mémoire du RTS-T qui semble aujourd'hui disparaitre peu à peu. Ceci doit passer par une réhabilitation des Foyers des Anciens Combattants et par la création d'un musée militaire.

1-Réhabiliter les Foyers des Anciens combattants

La transmission mémorielle et représentationnelle est le plus souvent une image de la réalité qui nous entoure. Cependant, lorsqu'il est question de mettre en évidence le souvenir d'un évènement dont la mémoire et les traces sont les seules témoins qui permettent de l'appréhender, la meilleure façon d'y parvenir c'est de la matérialiser concrètement.

Dans le cadre de la valorisation du RTS-T, on peut procéder à la réhabilitation des casernes du RTS-T encore présentes aujourd'hui. Aujourd'hui, il en existe trois 3 au Tchad :

238 Entretien avec Nerade Giscard, Moundou le 18-10-2021.

239 L.Douffet, 2021, p. 35.

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La Maison des Anciens Combattants de N'Djaména (ancien Fort-Lamy), le Foyer des Anciens combattants de Moundou et, le Foyer des Ancien combattant de Sarh (ancien Fort-Archambault).

En effet, c'est en présence du présent que le passé resurgit et la transmission de ce passé se fait à travers divers sources dont les images. Partant de là, pour donner une nouvelle dynamique au RTS-T, il faudrait donner peau neuve aux foyers des Anciens combattants.

Car, ces derniers sont dans un état de délabrement aggravé du fait de l'usure du temps. Ils présentent des traces d'abandon. Mais, il faut aussi noter que, les foyers de Moundou et de N'Djaména ont été reconvertis en débit de Boissons. A ce propos, le gestionnaire du Foyer de Moundou Djimrabeye Dayanne nous a confié que c'est le seul moyen d'attirer des personnes dans cet endroit pourtant chargé d'histoire240. Quant à Ibrahim Issa en charge de la salubrité à la Maisons du Combattant de N'Djaména, il estime que la France ne se souvient de cette caserne qu'à l'approche de la commémoration de l'appel du 18 Juin241

Photo 16: Commémoration du centenaire de la PGM au cimetière français de N'Djaména en 2014

Source : (c) Ahmat Haroum. 2019

240 Entretien avec Djimrabeye Dayanne, Moundou le 23-11-2021.

241 Entretien avec Ibrahim Issa, N'Djamena le 03-01-2022.

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Ce cliché permet de mettre en avant la question de la mémoire de la PGM au Tchad. Certes les tirailleurs ici présents n'ont pas participé à la PGM au Kamerun mais, ils ont servi dans la force dénommée régiment de Marche du Tchad. Leurs faits d'armes ont été mis en avant dans de nombreux pays notamment en Indochine, au Zaïre et même au Cameroun dans le cadre de la guerre contre le maquis à partir de 1955. Ce qui fait d'eux les héritiers directs du RTS-T malgré le temps qui les sépare de la création de ce corps.

2-Créer un Musée militaire

Dans une étude consacrée à la mémoire de la seconde Guerre mondiale, François Bédarida constat l'importance que revêt les commémorations en affirmant notamment que : « Tous artéfacts matériel ou immatériel permettent de vaincre et le temps et la mort 242». Cette réflexion entend s'opposer contre toutes amnésies liées aux évènements historiques mais aussi affirmer la posture des acteurs de ces évènements dans l'ancrage de la mémoire collective.

Depuis la fin de la PGM, plusieurs éléments ont été pensés pour à la fois ancrer et interroger la mémoire collective sur ce phénomène de société. Entre la construction de la statue du soldat inconnu, la commémoration du centenaire de cette guerre, la PGM a su à travers le temps trouver une place dans certaines sociétés. Partant de ce constat, cette partie entend interroger la manière dont l'image du tirailleur sénégalais de la PGM est appréhendée, pensée dans la société tchadienne. Autrement dit, il s'agit ici d'interroger la représentation sociale du RTS-T et leurs faits d'armes lors de la PGM au Kamerun.

On serait tenté de dire qu'aucune action ne fut concrètement mise sur pieds par les pouvoirs publics tchadiens pour vulgariser le souvenir lié au RTS-T. Mais, il nous a paru nécessaire de mettre en évidence des éléments qui pourraient participer à la construction sociale des souvenirs liés à ce régiment.

Si pour Brice Douffet, les commémorations sont liés aux enjeux politiques243, il faut cependant reconnaitre que les hommages mémoriaux vont aux delà des simples fait politique et questionne aussi bien des secteurs sociaux que économique. Eu égards de cela quelques fois relayée au second plan l'image du tirailleur sénégalais.

242 F. Bédarida, 1986, Commémoration et mémoire collective : la Mémoire des Français. Quarante ans de commémorations de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Editions du CNRS, p. 13.

243 B. Douffet, 2021, p. 2.

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Certes, cet acte est significatif et témoigne d'un évènement historique qui s'inscrit dans un cadre se référant à une identité sociale mais, il faut aussi noter que l'ancrage dans la mémoire collective du tirailleur sénégalais ne peut se faire que par des méthodes de vulgarisation endogènes à l'instar de la création d'un Musée militaire. En effet, ce cadre dédié à la mémoire des tirailleurs sénégalais pourrait aider à personnifier le tirailleur sénégalais du Tchad et rabattre en brèche les clichées et stéréotypes autour de sa personne qui ont fait de lui un être diversement apprécié.

Partant de ces constats, et étant donné que les souvenir des tirailleurs s'amenuisent au fil du temps, il est question au travers de cet acte mémoriel de redonner une seconde vie à cette mémoire autour du tirailleur. A ce sujet, il est intéressant de constater avec Bergson que : « le rôle des Musées consiste en la sauvegarde de la survivance des images du passé244 ». Ainsi, ceci permettrait d'une part de consolider et de perpétuer la mémoire des tirailleurs du Tchad mais aussi créer un lieu où l'image de ces tirailleurs et de tous les militaires ayant marqué l'histoire du Tchad sauraient être exposée.

Ainsi, partant d'une réflexion de Lucien Febvre centrée sur la patrimonialisation de la mémoire de l'évènement à l'instar de celle de la PGM, ce dernier soulevait la problématique liée au rôle de l'Histoire pour ce qui est de la conservation de la mémoire. Il déclarait notamment que :

Il est évident que, cette réflexion nous rappel à bien d'égards le rôle « important » de l'historien dans le temps. Elle questionne surtout le devenir des Hommes et leur accomplissements qui est censé être un repère tant pour les générations actuelles que futur. Mais, au-delà de tout ceci, nous souhaitons à partir de cette pensée soutenir l'hypothèse que, la représentation sociétale du tirailleur sénégalais spécialement celui venu du territoire du Tchad saurait jouer un rôle dans la transmission de la mémoire collective de leur participation à la PGM au Kamerun.

De ce fait, dans le souci d'apporter notre pierre à l'édifice sur ce pan de recherche, ce dernier chapitre entend donner un gabe dans ce sens.

Ce dernier chapitre centré sur l'impact du déploiement du RTS-T lors de la Grande Guerre au Kamerun et sur les questions liées à la patrimonialisation de ce régiment au Tchad nous a donné un avis singulier sur ces questions. D'emblée, il a été constaté que, les

244 H. Bergson, 2008, Matière et mémoire, essai sur la relation du corps à l'esprit, Paris, PUF, p. 68.

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répercussions de ce déploiement du RTS-T a à la fois eu permis au Tchad de recouvrer sa superficie d'avant-guerre et, lui donner une nouvelle orientation politique. Ces mutations ont par ailleurs ouvert le Tchad à ses premières exportations notamment celle de la culture du Coton qui, a été un lévrier de son économie.

Cependant, malgré ces constatations relevant du l'impact du RTS-T dans la Grande Guerre au Kamerun, il faut cependant remarquer une disparition progressive de du RTS-T dans la mémoire collective. Or, cet atout militaire de la période coloniale pourrait amener le Tchad à revendiquer ce patrimoine ayant autant marqué son histoire.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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Au terme de ce travail portant sur « le régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) et la consolidation de l'empire coloniale français : de sa création à son déploiement au Kamerun.1910-1918. » il est nécessaire de la conclure tout en mettant en lumière les résultats auxquelles nous sommes parvenus.

Comme nous l'avons démontré tout au long de ce travail, le RTS-T fut une armée mixte constituée de militaires métropolitains et locaux dont la conjugaison d'efforts a consisté à consolider le domaine colonial français. Fort de ce constat, il en ressort plusieurs bilans.

Le premier réside dans le fait que, de par sa prédominance en Afrique, la France a mis en place de nombreuses initiatives dont l'une des trames était de doter chacune de ses colonies d'une armée dans la première moitié du XIXème siècle afin de protéger ses intérêts. Situé entre l'Afrique blanche et l'Afrique noire, reliant l'Afrique Occidentale et l'Afrique Equatoriale, le territoire du Tchad apparaissait comme une aubaine dans l'échiquier politique Africaine de la France. Cette situation géographique du Tchad fut doublement stratégique pour la France. Car, non seulement il permit de recruter et de faire stationner un nombre important de militaires, mais, il permettait également de jauger et tenir à distance les puissances rivales qui, comme la France manifestait des appétits de colonisation. Donc, il apparait que, le contexte de tension entre puissances rivales a conduit la France à mettre sur pieds des régiments de tirailleurs sénégalais dès 1857 et, par ellipse le territoire du Tchad fut doter du RTS-T en 1910.

Cette constitution des armées en Afrique ne fut en réalité que la face immergée de l'iceberg, car, derrière ceci se cachait une ambition qui, dépassait le cadre des frontières territoriales tchadiennes. Ainsi, la formation, l'entretient du RTS-T annonçait déjà les prémisses d'un déploiement hors du territoire d'autant plus que, Fort-Lamy avait été érigé en fort et faisait face à la ville kamerunaise la plus proche Kousseri.

Après la crise marocaine d'Agadir de 1911 qui a entrainé des modifications politiques entre l'AEF et le Kamerun, il va s'en suivre une escalade de tensions entre les puissances Alliées et l'Allemagne ce qui conduit à la Première Guerre mondiale sur ce protectorat allemand. C'est ainsi que, les colonies sous domination française vont se retrouver mêler à ce conflits et, les tirailleurs sénégalais les acteurs principaux des affrontements.

Parti du front Nord, le RTS-T fut par la suite déployé sur l'ensemble du protectorat allemand. Et, si l'Allemagne avait résisté à l'assaut des troupes alliés sur tous les fronts pendant 18 mois, acculé et mis à l'épreuve par la puissance de choc des tirailleurs sénégalais de façon général et ceux du Tchad particulièrement les troupes allemandes capitulaient à Mora après

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deux ans de résistance face au RTS-T et de la force mixte franco-britannique ce qui marquait la fin de la PGM au Kamerun.

Toutefois, la démobilisation du RTS-T fut progressive sur ce territoire quand bien même les Allemands l'avaient quitté. En effet, dans le but de parer les mouvements germanophiles qui alimentaient un probable retour des Allemands au Cameroun, la France avait maintenus sur ce territoire plusieurs compagnies de tirailleurs parmi lesquelles 3 compagnies du RTS-T. Cela a occasionné une reconversion de ces hommes levés pourtant pour faire la guerre.

L'engagement du RTS-T dans la PGM à certes permis à la France d'étendre son domaine colonial mais, il a également laissé des traces à la fois politique mais aussi économique sur le Tchad. En effet, si la crise d'Agadir a été l'un des mobile de la guerre au Kamerun, la conférence de Versailles en 1919 a permis au Tchad de recouvrer sa partie qui fut autrefois englobée par le « bec de canard ». Et, après la guerre il était aussi question de dynamiser l'économie du territoire du Tchad afin de parfaire sa colonisation. C'est dans cet élan que, l'intensification de la culture du coton permis de donner une nouvelle orientation économique au territoire.

Cependant, l'une des conséquences de la participation du RTS-T dans le processus de consolidation de l'empire colonial français à travers sa campagne au Kamerun demeure le devoir de mémoire. En effet, afin de perpétuer pour les générations à venir les souvenir du RTS-T et de leur campagne au Kamerun de nombreuses initiatives peuvent permettre la patrimonialisation des faits d'armes de cette armée coloniale qui a joué un rôle décisif dans la protection de l'empire colonial français.

Nous pouvons dire enfin que, la renommée du Tchad dans le domaine militaire trouve ses origines dans le courage et la témérité des groupes ethniques qui forment le Tchad. La France a juste eu le mérite d'avoir su tirer profit de ces populations fragiles et désorganisées.

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SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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I- SOURCES PRIMAIRES

A-ARCHIVES

1-Archives Nationales du Tchad

ANT, Annuaire Du Gouvernement Générale De L'AEF, Arrêté Du 15 Décembre 1912, ANT, Annuaire Du Gouvernement Générale De L'AEF, Arrêté Du 15 Décembre 1912, ANT, Arrêté Du 27 Décembre1911, La Quinzaine Coloniale Du 25 Février 1912. Carnet De Note De Toqué, La Description Du Voyage De Bangui A Fort Lamy.

ANT, Arrêté Du Gouverneur Des Colonies Martial Merlin, Article Premier. Le Recrutement Des Indigènes Au Tchad, En Oubangui-Chari, Au Moyen-Congo Et Au Gabon ANT, Annuaire De l'Afrique Equatoriale Française, Annexe A L'arrêté Du 25 Février

1917.

ANT, Annuaire Du Gouvernement Générale de L'AEF, Arrêté Du 30 Aout 1914. ANT, Annuaire Du Tchad 1910.

ANT, Annuaire Du Tchad 1990-1917.

ANT, Décret Du 15 Décembre 1910, Sur Le Recrutement Des Indigènes Aux Colonies

2-Archives du CEFOD

Archives du CEFOD, 1912, Annuaire du Gouvernement Générale de l'AEF, décret relatif aux recrutements des indigènes au Gabon, Moyen- Congo, Oubangui-Chari, Tchad. Paris, Emile Larousse.

Archives du Cefod, 1914, Fond Tchad, Tch, 963 32, Circulaire interministérielle sur les engagements et rengagements des indigènes coloniaux résidant en Afrique Equatoriale Française.

Archives du CEFOD, 1914, Fond Tchad, Tch, 963 42, Circulaire interministérielle sur les engagements et rengagements des indigènes coloniaux résidant en Afrique Equatoriale Française.

CEFOD, Fond Tchad, TCH 367 32, Synthèse de données du carnet de note du Général Victor Emmanuel Largeau.

Fond Dalmais, CEFOD, Annuaire du Tchad. 1910-1917.

121

3-Archives du Service Historique de Défense

SHD GR 8D55-392, Rapport du lieutenant-colonel Quinque, commandant le 18e RTS, sur l'organisation du régiment, le 2 août 1920.

SHD, Correspondance du Ministre de la guerre au Ministre des colonies et des Affaires Etrangères, Arrêté du Président Armand Fallières relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs sénégalais dans les colonies du Tchad, d'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Gabon Cote, GR 6H129-170. Tchad.

SHD, GR 8D18, Rapport général annuel sur les questions intéressant l'instruction des tirailleurs sénégalais dans les colonies, Paris, le 15 novembre 1922.

SHD/GR 8D55-392, Rapport du lieutenant-colonel Ferrandi, commandant le 6e RTS-T, sur l'organisation du régiment, le 2 août 1920.

SHD, GR 8D75-732, Lettre du général Monhoven au Ministre de la Guerre, au sujet de l'enseignement élémentaire du français aux militaires indigènes coloniaux, Paris, le 13 janvier 1926.

SHD, Renseignement et compte rendu de la situation politique et militaire du territoire militaire du Tchad. GR 6H137.

SHD, GR 8D75-738 Carnet de note du Colonel Moll, note pour les militaires européens se rendant au Tchad.

B-LES SOURCES ORALES

Nom et prénom de l'informateur

Age

Nationalité

Sexe

Profession

Date et lieu d'entretien

1

Adams Oumar

33ans

Congolaise

M

Agent des eaux et Foret

Moundou le 09-

11-2021

2

Avouksouma Didier

49ans

Tchadienne

M

Enseignant chercheur à l'Université de N'Djaména

N'Djaména le 11-12-2022

3

Bedoum Antoine.

57 ans

Tchadienne

M

Commerçant

Douala le 23-092021

4

Bekiri

68 ans

Tchadienne

M

Autorité traditionnelle

Moundou le 11-

10-2021.

5

Djadjingar Francis

37 ans

Tchadienne

M

Sociologue enseignant à l'Université de Moundou

Moundou le 15-

12-2021.

6

Djédanem Franklin

49 ans

Tchadienne

M

Autorité traditionnelle

Besseye le 10-012022

122

7

 

Dilamkoro Laomaye

54 ans

Tchadienne

M

Chef du Service de gestion et de protection du Musée National du Tchad

N'Djaména le 15-01-2022

8

Djimrabeye Dayanne.

68 ans

Tchadienne

M

Chef de l'antenne du foyer des Anciens combattants de Moundou

Moundou le 12-

09-2021.

9

Gariam Philippe Adoum

42 ans

Tchadienne

 

Conservateur au Musée National du Tchad

N'Djaména le 07-11-2021

10

Ibrahim Issa

53ans

Tchadienne

M

Ménager au Foyer des Ancien combattant de N'Djaména

N'Djaména le 06-11-2021.

11

Lamgué Bertrand

35 ans

Tchadienne

M

Cultivateur

Moundou le 05-

11-2021

12

Laoukein Kourayo Médard

63ans

Tchadienne

M

Maire de Moundou

Moundou le 13-

11-2021

13

Larlem Myriam

45 ans

Tchadienne

F

Commerçante

Douala le 31-03-2021

14

Madjasranaco

 

Tchadienne

M

Journaliste correspondant de RFI au Tchad

N'Djamena le 26-01-2022

15

Mahamat Abdelkerim

50ans

Tchadienne

M

Militaire

N'Djaména le 16-12-2021

16

Mariam Adoum,

34 ans

Tchadienne

F

Secrétaire adjointe à l'ONACVG

N'Djamena le 17-12-2021

17

Mbaidéné Nadine

41ans

Tchadienne

F

Psychologue

Moundou le 09-11-2021 à Moundou

18

Mbainarem Gédéon

52 ans

Tchadienne

M

Guide touristique

N'Djamena le 2211-2021.

19

Mbaindighui Narcisse

51ans

Tchadienne

m

Cultivateur

Moundou le 06-

12-2021.

20

Moise Dasbene

33ans

Tchadienne

M

Journaliste indépendant

N'Djaména le 2501-2022

21

Ndjock Isidore Pascal Nyobe.

 

Camerounais e

M

Enseignant chercheur à l'Université de Douala

Douala le 12-05-2022

22

Nguemadji Dabot,

67 ans

Tchadienne

M

Chef de l'antenne du foyer des Anciens combattants de N'Djaména

N'Ndjamena le

04-02-2022.

23

Nepidimbaye Geneviève.

39 ans

Tchadienne

F

Sage-Femme

Moundou, le 03-

02-2022.

24

Nerade Giscard

 

Tchadienne

M

Anthropologue

Moundou le 18-

10-2021

25

Tchang Bouimon

31ans

Tchadienne

M

Militaire

N'Djaména le 17-12-202

26

Ursule Touroukounda

53 ans

Tchadienne

F

Politicienne

Moundou, le 21-12-2021

123

II- LES SOURCES SECONDAIRES

A- Les ouvrages

Anceau Eric, 2003, Introduction au XIXe siècle. Tome I. Paris, Edition -Belin. Aymerich Gaudar, 1933, La conquête du Cameroun, Paris, Payot.

Bancel Nicolas, 1995, Images et colonies, Iconographie et propagandes coloniale sur l'Afrique française de 1880 à 1962, Paris, BDIC.

Beaufre Albert, 1963, Introduction à la stratégie, Paris, Editeur Pluriel.

Boisson Jacques, 1966, Histoire du Tchad et de Fort-Archambault, Paris, Scorpion. Brahim Seid, Joseph, 1962, Au Tchad sous les étoiles, Paris, Présence Africaine. Braillard Pierre, 1977, Théories des Relations Internationales, Paris, Presse Universitaire

de France.

Brushing Jacques, 1989, La mission Fourreau Lamy et l'arrivée des français au Tchad, 1898-1900, Paris, l'Harmattan,

Cantounet, Jean, 2001, L'axe de ravitaillement du Tchad entre 1900 à 1905.Route de vie-route de mort, Paris, l'Harmattan.

Copans Jean, 1996, Introduction à l`ethnologie et à l`anthropologie, Paris, Nathan. Crépin Armand, 1998, La Conscription en débat ou le triple apprentissage de la nation, de la citoyenneté, de la République : 1789-1889, Arras, Artois Presses Université.

Debos Marielle, 2003. Le métier des armes au Tchad. Le Gouvernement de l'entre deux guerre. Paris, Karthala.

Deville, 1898, Partage de l'Afrique, exploration, colonisation et état politique, Paris, Librairie africaine et coloniale.

Dybowski Jean, 1893, La grande route du Tchad, du Loango au Chari, Paris, Librairie du Firmin-Didot.

Eyelom Franklin, L'impact de la Première Guerre mondiale au Cameroun, Paris, l'Harmattan.

Ferrandi Jean, 1920, La Conquête du Nord-Cameroun. Paris, Charles Lavauzelle. Fremeaux Jacques, 1991, La France et l'Islam depuis 1789, Paris, l'Harmattan.

Friteaux Jacques, 2006, Les colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer, Paris, Soteca-Edition.

Gentille Emile, 1901, La chute de Rabat, le tour du monde, Paris, Hachette.

Gourou, 1944, Zinder Tchad souvenir d'un africain, Paris, Plon.

124

Haris Harry, 1891, A la conquête du Tchad, Paris, Librairie Hachette.

Ki-Zerbo Joseph, 1972, Histoire de l'Afrique noire d'hier à demain, Paris, Hatier. Largeau Charles, 1912, La situation du territoire militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de l'Afrique française.

Lenfant Charles, 1905, La grande route de Tchad : mission de société de géographie, Paris, Hachette.

Mangin Charles, 1910, La Force Noire, Paris, Bibliothèque Hachette.

Martin Gustave, 1921, L'existence au Cameroun ; étude sociales, études médicales, études d'hygiène et de prophylaxie, Paris, Emile Larousse.

Michel Marc, 2003, L'appel à l'Afrique.1914-1918. Paris, Karthala.

Moliner Pierre, 1996, Images et représentations sociales : de la théorie des représentations à l'étude des images sociale, Grenoble, PUG.

Mveng Engelberg, 1987, Histoire du Cameroun. Tome II. Yaoundé, Clé.

Ngoh Victor Julius, 1990, Cameroun : cents ans d'Histoire, Yaoundé, Ceper.

Owona Adalbert, 1996, La naissance du Cameroun, Paris, l'Harmattan.

Sédar Senghor Léopold, 1948, Hostie noire, Poème liminaire. Paris, Editions Le Seuil. Sow Abdou 2017, Les tirailleurs sénégalais se racontent, Paris, l'Harmattan. Tchumtchoua Emmanuel, Dikoume Albert François, Nzogue Jean-Baptiste, 2019,

Douala et le Cameroun dans la grande guerre, Histoire, mémoire et héritages, Yaoundé, Clé. UNESCO, Histoire générale de l'Afrique : L'Afrique sous domination coloniale .Tome

VII, Paris, Unesco.

B-Thèses et Mémoires

1-Thèses

Abdoulaye Aziz Yaouba, « Les relations transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20e siècle », Thèse de Doctorat Phd en Histoire des Relations Internationales, Université

de N'Gaoundéré.

Bejin Favre Johanne, 2008, « Insécurité, une interprétation environnementale de la

violence au Ouaddaï (Tchad oriental), thèse de doctorat de Géographie, Université Paris 1, Panthéon Sorbonne.

Dangbet Zakinet, 2015, « Des transhumants entre alliances et conflits, les arabes du Batha (Tchad) 1965 - 2012 », thèse de Doctorat en Histoire économique, Aix Marseille Université.

125

Djomniyo Kantiebo, 2004, « Musiques, corps et objets dans les rites et dans les danses des Sara du sud Tchad », thèse de Doctorat Phd en Histoire économique et sociale, Université de Strasbourg.

Douffet Louis, « Le souvenir s'en va-t'en guerre : mémoires et représentations sociales du soldat de 14-18 », thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université de Lyon, 2021.

Goni Ousmane, 2010, « Le commerce extérieur du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de Doctorat Phd en Histoire économique et Social, Université de Strasbourg.

Guyon Anthony, 2017, « De l'indigène au tirailleur sénégalais : Approche anthropologique et prosopographique », thèse de Doctorat en Histoire militaire, Université Paul Valéry Montpellier.

Kassambara Abakar, 2010, « La situation économique et sociale du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de Doctorat en Histoire économique, Université de Strasbourg.

Kouffan Jean, 1996, « Les relations entre le Kamerun et l'AEF : Chronique d'une annexion avortée : 1916-192 », thèse de Doctorat en Histoire, Université de Strasbourg.

Ngaré Ahmed, 2012, « Histoire structurale du royaume du Baguirmi. Des origines à l'occupation coloniale : XVIe-Début XXe siècle », thèse de Doctorat en Histoire, Université Paul Valéry- Montpellier.

Palmieri Tommaso, 2015, « Etude comparative de l'administration militaire de l'Italie et de la France au Fezzan libyen. Un cas de modèle coloniale en continuité (1930-1951), Thèse de Doctorat en Histoire.

2-Mémoires

Kimitene E., 2008, « Stratégies paysannes en zones cotonnières du Tchad. Discours et représentations actions des habitants de Komé à Doba », mémoire de Master 2 en Histoire économique, Université de Rouen.

Mahamat Assileck, 2012, « L'évolution des frontières du Tchad », maitrise en Histoire des Relations Internationales, Université de N'Gaoundéré.

C-Articles et périodiques

Adoum, Mahamat, 2002, « Abécher 1917 : chronique d'un massacre au coupe-coupe », N'Djamena, Edition Al Mouna.

Almeida Topor Heida, 1973, « Les populations dahoméennes et le recrutement militaire pendant la Première Guerre mondiale », in Revue d'histoire d'Outre-Mer, n°36.

126

Grannet Anne Marie, 1995, « L'historien et le photographe », in Le monde alpin et rhodanien, 2e et 3e trimestre.

Lanne, Bernard, 1992, « Le Tchad allemand », In, Tchad et culture, n°129.

Sautter Gilles, 1959, « Les liaisons entre le Tchad et la mer : essai d'analyse géographique d'une situation concurrence dans le domaine des transports », In Bulletin de l'Association des géographes français N°286 -28.

Sturzinger Ulrich, 1983, Tchad : mise en valeur, « coton et développement », Tiers monde, n°95, Juillet-Septembre.

D- Dictionnaires et ouvrages de méthodologie

Baud Michel, 1985, L'art de la thèse, Paris, La Découverte.

Febvre Lucien, 1992, Combats pour l'histoire, Paris, Armand Colin.

Monica Barsi, Jean-Claude Boulanger, Yves Garnier, 2019, Le Dictionnaire Larousse 2020, Montréal, PUM.

Paul Robert, Josette Rey-Debove, Alina Reyes, 2013, Le Petit Robert 2014, Paris, Editions Bimedia.

E-Les sources électroniques

Anonyme, 1918, Méthode d'enseignement du français tel que le parlent les Sénégalais, Librairie militaire Louis Fournier.

Braillard, Benjamin « Les troupes coloniales pendant la Première Guerre mondiale », Film documentaire produit par le CNC.

Champeaux, Antoine, « Le patrimoine de tradition des troupes indigènes », Open Edition,

2013.

Deringil S., 1990, « Les ottomans et le partage de l'Afrique, 1880-1900 », In, S. Deringil et Sinan Kunderalp (Dir), Studies on Ottoman Diplomatic History, V, stanbul V.

Duchenne, Armand, 1899, « La France au Tchad », Question diplomatique et coloniale, Tome VIII, Troisième année.

Durkheim Emile, 1898, « Représentations individuelles et représentations collectives » In, Revue de Métaphysique et de morale, 6, 273-302.

Éboulé Christian, TV5 Monde. In, Le Journal de l`Afrique. La Chronique Histoire sur les tirailleurs sénégalais. 14- Novembre 2017

127

Ferrandi Jean, Perpignant, Henry, « Turcs et Senoussistes au Fezzan », In Bulletin du comité de l'Afrique Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930- Novembre 1935.

Ferry Jules, « Les fondements de la politique coloniale du 28 juillet 1885 », In le Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés.

Harweg Raoul, 1942, « Les squelettes humains anciens du village de Sao », in Journal de la Société des Africanistes, tome 12.

Jaulin R., 2011, « La mort Sara, l'ombre de la vie ou la pensée de la mort au Tchad », Paris, Edition CNRS, in Cahiers d'études africaines.

Laloui Medhi, 1998, « Les Poilus d`ailleurs ». Film documentaire,

https://www.cinemeteque.com. Consulte le 18-Avril 2021.

Maistre Claude, « La mission Maistre, Bulletin de l'Afrique Française », n°6-1889. Maoundonoudji Gilbert, 2013, « L'intervention militaire tchadienne au Mali : enjeux et limites d'une volonté de puissance régionale », in Open Edition Science Po.

Mwekassa Zack, 2020, « Les tirailleurs sénégalais », Film documentaire.

Ndiaye Pape, 2008, « Les soldats noirs de la République », L'Histoire, n°337, décembre

2008.

Nora Lafi, 2015, « L'Empire ottoman en Afrique : perspectives d'histoire critique », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 128.

Porte Rémy, « La défense des colonies allemandes avant 1914 entre mythe et réalité ». In, Revue historique des Armées.

Prost Antoine, 1977, « Les anciens combattants et la société française (1914-1939), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.

Rivart Anthony, 2019, « A Plombières, Napoléon III crée l'unité française des tirailleurs sénégalais », In, https://www.vosgesmatin.fr.

Seignobos Charles, 1978, « Les systèmes de défense végétaux précoloniaux ; Paysages de parcs et civilisations agraires (Tchad et Nord-Cameroun) », In Annales de l'Université du Tchad, N'Djaména, Série Lettres, Langues Vivantes et Sciences Humaines, numéro spécial.

Van Den Avenne, 2005, « Bambara et français-tirailleur. Une analyse de la politique linguistique de l'armée coloniale française : la Grande Guerre et après », in, Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde, SIHFLES, Décembre 2005, no 35.

Zang Zang Paul, 2010, « La dégermanisation du Cameroun », In, Revue électronique de Science du Langage, n°14 Décembre 2010.

128

ANNEXES

129

Annexe 1: Rappel du 160e anniversaire de la création du corps des tirailleurs sénégalais par Napoléon III dans la Revue Plombières-Les-Bains.

Source : Archives du CEFOD, la Revue Plombières-Les-Bains.

130

Annexe 2: Brochure d'engagement et de rengagement des soldats métropolitains dans les troupes coloniales.

Source : CEFOD, Fond Dalmais, Journal Officiel de la République Française, Brochure d'engagement et de rengagement des soldats métropolitains dans les troupes coloniales.

131

Annexe 3: Extrait du français enseigné aux tirailleurs sénégalais

Source : SHY, Anonyme, 1918, Méthode d'enseignement du français tel que le parlent les Sénégalais, Librairie militaire Louis Fournier.

132

Annexe 4: Les conditions d'engagement et de réengagement des métropolitains au sein des troupes coloniales

Source : ANT,JO-AEF, Les engagements et réengagements des soldats métropolitains au sein des troupes coloniales.

133

Annexe 5: Décret du Commandant du territoire militaire du Tchad relatif à l'affectation du Sultan Mohamed Acyl.

Source : ANT, décision n°37 relatif à l'affectation du Sultan Acyl par le commandant du TMT Victor Emmanuel Largeau.

134

Annexe 6: Bulletin d'examen de perfectionnement des tirailleurs sénégalais

Source : SHD, Renseignements et compte rendu de la situation politique et militaire du territoire militaire du Tchad. GR 6H137.

135

Annexe 7: Les Sanctions disciplinaires liées à l'ivrognerie des tirailleurs sénégalais

Source : SHY, Correspondance du Ministère de la guerre, Les Sanctions disciplinaires liées à l'ivrognerie des tirailleurs sénégalais

Annexe 8: Le tirailleur « tchadien » Karim Nadji

136

Source : (c) 2021, Djeguemde Samuel.

137

Annexe 9: Rapport de l'étude de cas des tirailleurs sénégalais de la période 1935-1939

Source : SHY, Rapport de l'étude de cas des tirailleurs sénégalais de la période 1935-1939.

138

Annexe 10: Affiche de propagande de recrutement pour Européens au sein de l'armée coloniale

Source : JORF, Affiche de propagande de recrutement pour européens au sein de l'armée coloniale.

139

Annexe 11: Rapport du médecin commandant le TMT des sénégalais du RTS-T rapatriés au Tchad en 1918.

Source : ANT, JO-AEF. Rapport du médecin commandant le TMT des sénégalais du RTS-T rapatriés au Tchad en 1918.

140

Annexe 12: Présentation de l'origine militaire du RMT lors du colloque militaire de Strasbourg en 2014.

141

Annexe 13: Hôpital pour militaire européens dans la ville de Douala en 1916.

Source : (c), https://visionscarto.neocities.org/2022-kamerun/Cameroun

142

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE i

REMERCIEMENTS iii

SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES v

LISTE DES GRAPHIQUES vi

LISTE DES TABLEAUX vii

LISTE DES PHOTOS viii

LISTE DES ANNEXES ix

RÉSUMÉ x

ABSTRACT xi

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

CHAPITRE I : LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD ET LES FONDEMENTS DE LA

MISE EN PLACE DU RTS-T. (1889-1910) 25

I- LA GENESE ET LES MOBILES DE LA PRESENCE FRANCAISE SUR LE

TERRITOIRE DU TCHAD. 27

A- Missions exploratrices et premiers contacts de la France avec le territoire du Tchad 27

B- Les enjeux de l'occupation et de l'expansion coloniale française au Tchad 28

1- Les aspirations politiques. 28

2- Les raisons d'ordre lucratives : entre marasme économique et nécessité d'expansion 29

C- Les motivations stratégiques 32

II- LES FONDEMENTS DE LA MISE EN PLACE DU RTS-T 33

A- Les facteurs endogènes de la constitution du RTS-T 34

1- Le legs patrimonial des Sao et les rites initiatiques 34

a- L'héritage Sao 34

b- La culture comme vecteur d'exaltation : l'exemple du Yo-ndo 36

2- Les grands royaumes précoloniaux : l'exemple du Royaume du Baguirmi 37

143

3- Les menaces Ottomane et sénousite au Nord du territoire (BET) 39

B- Les facteurs exogènes de la création du RTS-T 40

1- Le plan Mangin 41

2- La matérialisation de l'idée de création du RTS-T 42

CHAPITRE II : STRUCTURATION ET TRAITEMENT DU REGIMENT DES

TIRAILLEURS SENEGALAIS DU TCHAD (RTS-T). 1910-1914 46

I- LA COMPOSITION DES EFFECTIFS DU RTS-T 47

A- Les modes de recrutements au sein du RTS-T 47

B-Chez les métropolitains 52

II- LA GESTION DES EFFECTIFS DU RTS-T 53

A- La question des pécules au sein du RTS-T 54

1-Les indemnisations du RTS-T au sein du territoire 54

2-Les pécules pour déplacés hors du territoire 55

B-Le traitement des effectifs RTS-T 56

1-L'instruction des tirailleurs sénégalais 57

a- L'instruction militaire 57

b- Les langues comme moyen d'instruction 58
2- L'équipement du RTS-T, son mode de déplacement et sa prise en charge sanitaire 61

a. L'équipement du RTS-T 61

b-Le portage : un élément moteur du RTS-T 64

c- La prise en charge sanitaire du RTS-T. 68
CHAPITRE III : LA CAMPAGNE DU RTS-T AU KAMERUN PENDANT LA PREMIERE

GUERRE MONDIALE. 1914-1918. 75

I- LA PREMIERE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T AU KAMERUN : Août

1914- Juin 1915 77

A- Les premiers déploiements du RTS-T à l'extrême Nord: Août-Septembre 1914 80

B-Le second déploiement du RTS-T au Nord (Garoua, N'Gaoundéré) 83

II- LA SECONDE PHASE DU DEPLOIEMENT DU RTS-T : Août 1915- Mars 1918 85

144

A- La marche du RTS-T vers le Sud du territoire 85

B-Repenser la posture du RTS-T face aux enjeux d'après-guerre. 1916-1919 89

1-La reconversion du RTS - T 89

2-Les principes de la démobilisation du RTS-T du Cameroun 94

CHAPITRE IV : LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA GRANDE GUERRE AU KAMERUN ET PLAIDOYER POUR LA

PATRIMONIALISATION DE CE REGIMENT 96

I- LES CONSEQUENCES DU DEPLOIEMENT DU RTS-T DANS LA GRANDE

GUERRE AU KAMERUN ENTRE 1914 ET 1918 97

A-Les répercussions sur le plan politique 97

1-Le passage d'une gestion militaire à une administration civile du Tchad 98

2-Unification et modification des frontières à travers la restitution du bec de canard au

Tchad en 1919 100

B-La « mise en valeur » du territoire du Tchad 103

1-Le développement d'une monoculture de rente : le Coton premier levier de l'économie

du Tchad en 1920 103

2-Une économie tournée vers l'extérieur : le rôle de la transéquatoriale 104

II- PLAIDOYER POUR LA PATRIMONIALISATION DU RTS-T 106
A-Déconstruire l'image du tirailleur sénégalais dans la mémoire collective des peuples

106

1-De la représentation polymorphe à l'image du tirailleur sénégalais du Tchad 107

2-Construire l'identité du tirailleur « tchadien » de 14-18 110

B-Plaidoyer pour une valorisation patrimoniale du RTS-T 111

1-Réhabiliter les Foyers des Anciens combattants 111

2-Créer un Musée militaire 113

CONCLUSION GÉNÉRALE 116

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 119

ANNEXES 128

145

TABLE DES MATIÈRES 142






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus