CHAPITRE III : RÉSULTATS ET DISCUSSION
Ce chapitre expose les différents résultats et
la discussion.
3.1.Résultats
Les résultats obtenus par la présente
étude s'articulent autours des points suivant :
ü Différents modes de gestion des terres agricoles
dans la commune de Bembèrèkè
ü Impactes environnementaux et socioéconomiques de
ces modes de gestion
ü Stratégies pour le bon usage des terres de la
commune
3.1.1. Différents modes de gestions des terres
agricoles
Plusieurs mécanismes sont mis en
oeuvres pour la gestion des terres agricoles. Dans la commune de
Bembèrèkè on observe de nombreux modes de gestions parmi
lesquels on a : lemode non administratif, le mode administratif et le plus
important qui est le mode agricole.
3.1.1.2. Mode de gestion non administratif
C'est un mode de gestion qui se fait selon les règles
communautaires sans l'apport de l'administration publique. Ce mode consiste
à considérer la terre comme un bien de la communauté
gérée par un chef de terre « Roi ». Le
droit d'usage pour les champs éloignés est reconnu au premier
occupant et sa descendance. Chaque village dispose d'un chef de terre qui
veille au nom de la communauté sur le territoire villageois. Ce chef est
toujours issu du groupe le plus anciennement installé. Il est
assisté dans cette tâche par les chefs féticheurs qui
président toutes les offrandes destinées à la terre. La
terre est donc un patrimoine ancestral et ne peut être vendue. Elle
s'acquiert par prêt ou par don suivant les rituels bien
déterminés.
Mais ces systèmes d'exploitation ne sont compatibles
qu'avec une faible densité démographique, de l'ordre de quelques
habitants par km2. Dès que celle-ci augmente, le choix se
situe vers l'avènement d'un nouveau système d'exploitation. Ainsi
les coutumes qui régulaient la gestion des terres ne sont plus
respectées aujourd'hui et les conflitsconcernant l'usage des terres se
multiplient. Ces différents confits font appel à l'interventionde
l'administration locale ou nationale et à ce niveau apparait la gestion
administrative des terres.
3.1.1.3.Mode de gestion administratif
La plupart des communautés africaines a un lien
particulier avec la terre qu'avec d'autres ressources. De par son utilisation
collective, la terre ne pouvait pas être un objet de vente car longtemps
considérée inaliénable. Elle pouvait être
donnée ou prêtée pour utilisation seulement à un
étranger sous le contrôle de son propriétaire terrien
(autochtone). De ce fait, la terre appartient aux premiers occupants et leurs
descendants.
Dans le cadre de l'étude, l'administration intervient
dans le cas des conflits autour des terres cultivables dans la commune. En
effet, vu l'importance qu'occupe la terre les usagers cultivent dans de grandes
portions provoquant ainsi le manque des terres. C'est ainsi que chaque
agriculteur amorce tout l'espace qui lui est réservé pour ses
cultures en utilisant celui d'autrui. Cette pratique provoque dans la plupart
des cas des conflits entre agriculteurs de la même localité ou de
celles voisines. Ainsi, les agriculteurs de la commune de
Bembèrèkè sont souvent en conflit avec ceux de la commune
de Sinendé précisément dans l'arrondissement de
Bembèrèkè (village Saoré). Au sud, on note
également des conflits qui opposent de temps en temps les habitants
l'arrondissement Ina à ceux du village Têpa de la commune de
N'Dali.
Pour apporter des solutions à ces
différentsconflits les autorités locales font souvent recourt aux
textes qui régissentle droit foncier moderne. Les règles du
foncier moderne ou napoléoniensont entre autres :
- La terre appartient à l'Etat ;
- La terre appartient à celui qui la cultive sans
distinction ;
- Celui qui ne paye pas d'impôts en république du
Bénin, ne saurait prétendre à la terre
Le droit moderne en se manifestant en milieu urbain par les
lotissements, devrait consacrer en milieu rural à la modernisation des
exploitations et à la spécialisation de l'espace rural.
Cependant, le droit moderne est très mal connu. L'utilisation des
exploitations dépend des collectivités et des groupes
socioculturels qui attribuent les terres sous prétexted'être les
prétendants des lieux et non selon les lois en république du
Bénin.
3.1.1.4.Gestion agricole
Dans la commune de Bembèrèkè, plusieurs
systèmes de cultures sont utilisés pour mieux gérer les
espaces agricoles. Au nombre de ceux-ci nous avons : le système de
culture associée, le système de culture attelée, la
jachère, la rotation et l'assolement.
Les principales cultures pratiquées à
Bembèrèkè sont: le coton, le riz et surtout le maïs.
Ces cultures occupent de grands espaces dans l'exploitation agricoles. Compte
tenu de la pauvreté des sols que signalent les producteurs. On note
l'utilisation des intrants agricoles pour accroitre les rendements.
§ Association des cultures
Ce système ne dépend pas strictement de la
nature des sols. Il résulte toujours du choix humain parmi les diverses
possibilités qu'offre le milieu naturel. Les cultures associées
rencontrés sont entre autre: la culture du haricot dans un champ de
maïs (selon la distance entre deux pieds de maïs), la culture du
maïs dans un champ d'igname, la culture de sorgho dans un champ de
maïs.
§ Cultures attelées
Selon les populations enquêtées, ce type de
système dépend des moyens dont dispose l'agriculteur.
L'utilisation de la culture attelée est faible dans la commune. Les
principaux matériels de culture attelée sont entre autres les
boeufs de trait, les charrues, les charrettes, les buteurs, les semoirs et les
tracteurs.
§ Jachère
La jachère est encore appelée repos de la terre,
terme doublement ambigüe parce qu'il s'appliquait aussi à la friche
en herbée et parce que cette terre au « repos »
était intensivement travaillée.Selon la plupart des producteurs
ce type de pratique est ancien. La jachère consiste à mettre au
repos une terre ou un espace de culture après plusieurs années
d'exploitations sous prétexte que la terre retrouve sa fertilité.
Dans les milieux ruraux, la mise en jachère va de 3 à 4 ans
d'autant plus que le manque de terre n'est pas remarquable.
Ainsi, la jachère était la méthode la
plus utilisée par les producteurs la commune pour redonnerles
fertilités aux sols jugés fatigués par les agriculteurs.
Les paysans vont à la conquête de nouvelles terres en laissant
les terres infertiles durant trois à quatre ans. Sur ces terres,on
constate la régénération de la végétation
à travers les arbustes et les herbes qui s'ydéveloppent.
Récemment, les paysans de la commune adoptent des
nouvelles méthodes de fertilisation des sols à la place de la
jachère traditionnelle qui sont entre autres : l'utilisation des
engrais chimiques et les plantations.
Face à l'accroissement de la démographie et le
besoin de l'espace qui se fait ressentir, les paysans ne laissent plus les
terres en jachère. Ainsi les terres autre fois laissées au repos
sont cultivées à l'aide des engrais chimiques ils
épandent pour accroître la production afin de satisfaire les
besoins nutritionnels de la population. En dehors de cette méthode les
agriculteurs de la commune optent pour la plantation comme méthode
fertilisation. En effet on observe la plantation desespèces tels
que :le manguier (mangifera indica), l'anacardier(Anacardium occidentale),
le goyavier(psidium gyajava), le teckeraire(tectona grandis). Cette pratique
leur permet de sécuriser leurs terres, de redonner vie au sol et de
tirerprofit des différents avantages que procurent ces arbres.
La Planche 1 suivante montre un début de
jachère et une plantation d'anacardiers
Photo 1 : une terre en jachère à
TemêPhoto 2 : une plantation d'anacarde à
TemêPlanche 1 : undébut de jachère et
une plantation d'anacardiers
Prise de vue LAFIA BOKO octobre, 2019
De l'observation et l'analyse de ces photos de la planche 1on
comprend que la jachère est un mode de fertilisation des terres qui
n'est plus très utilisé par les paysans qui ont opté
pour l'usage des engrais et des plantations pour répondre à la
pression démographique et au besoin d'espace sans cesse grandissante
dans la commune.
§ Rotation agricole
La succession d'une culture à une autre sur une
même parcelle d'une campagne agricole à une autre est remarquable
dans la zone d'étude. Ce système de culture permet de
contrôler la baisse de fertilité des sols. La variation des
cultures suit une logique selon laquelle, les cultures exigeantes au
début de l'exploitation pour terminer par les cultures les moins
exigeantes au moment où les terres sont appauvries
La rotation des cultures année par année est le
fait de changer la culture à chaque année. Selon les paysans, ils
changent sur le même terrain les cultures au fur et à mesure que
les années passent. Cette rotation se fait en considérant
l'exigence des cultures en éléments nutritifs. Chez les Batumbu
l'ethnie majoritaire de la commune, l'igname occupe la première place.
Ainsi elle est cultivée dans une terre neuve
« teemkpam » afin d'avoir de long et gros tubercules. Et
les années qui suivent ce sera le tour des
céréales(maïs ou sorgho) ou des cultures des rente tel
que : le coton. Lorsqu'ils constatent que la terre est très pauvre,
ils sèment des cultures moins exigeantes telles que :le soja,
l'arachide, le haricot.
Par ailleurs la rotation de diverses espèces
végétales permet de diversifier la flore et la
faune étant donne que les racines sécrètent
différentes substances organiques qui attirent une diversité
de bactérie et de champion. Ces micros organismes vont
à leur tour jouer un rôle très important dans la
transformation des substances sécrétées en
élément nutritifs pour la plante.
§ Assolement
Il consiste à faire succéder des cultures dans
un certain ordre en divisant les terres labourables en grandes portions ou
soles. La surface réservée à chaque culture s'appel sole
« pkarou ». Une sole peut aussi regrouper plusieurs
parcelles d'exploitation céréalière : maïs
sorgho, maïs haricot et mil.
Il est établi avant chaque année de culture et
résulte des choix de l'agriculteur quant à l'orientation
technico-économiques qu'il veut donner à son exploitation.
La Figure 3 ci-dessous présent un exemple d'assolement
observé dans le milieu d'étude
Figure 3 : exemple d'assolement
observé dans le milieu d'étude
Source :résultat de
recherche du terrain octobre, 2019
La figure 3 révèle que la plus grosse part des
terres est réservé au maïsqui occupe 36% des terres, il est
suivit de l'igname 27%, du sorgho22% et l'haricot qui vient en dernier position
et qui tourne autour de 15%.
3.1.1.5.Extension des superficies
cultivées
Dans le but d'accroitre leur rendement
agricole, de satisfaire les besoins alimentaires de la populationcroissante et
d'avoir de bénéfices économiques, les paysans augmentent
les superficies de leurs champs.Le choix du terrain pour le paysan de la
commune de Bembèrèkè, se repose sur plusieurs
critères dont : les espèces qu'il comporte.
Ainsi les espèces telles que :Yanfainkounou,
Yakaconsou, Warou, Gbakpa, Karara, Saka sont les espèces indicatrices de
bonne fertilité des sols. La recherche d'une terre de telle
qualité entraine la dispersion des champs dans l'espace. Cette
conditionnalité dans le choix est aujourd'hui alternée avec
l'usage des intrants agricoles pour les cultures de rente notamment le
coton.
Une fois le terrain identifié, suit le
défrichement qui consiste à débarrasser le sol du tapis
herbacé. Les herbes déterrées sont laissées
étaler par terre tandis que les bois secs coupés sont
entassés autour des arbres à abattre pour les calciner sur pieds.
Cependant, il existe deux types de défrichement dans la commune de
Bembèrèkè à savoir :
Le premier, la terre neuve « yampkam »
est destiné aux champs d'igname, de mil, de maïs et de nos jours le
coton qui a même pris le dessus sur cette pratique. Il consiste à
désherber, à labourer la terre à l'aide d'une daba ou des
boeufs de trait afin de pouvoir mettre en place les buttes destinées
à recevoir des têtes d'ignames coupées qui servent de
semi, tous ceci pour la culture des plantes à tubercules et à
racines.
Quant à la culture des céréales et du
coton, pour le même type de défrichement, il est question de
couper les arbustes et les branchagesdes arbres et de les entasser autour des
arbres à abattre pour les calcinés sur pieds. Pour les paysansles
avantages de ces pratiques sont multiples : économie de force de
travail et fertilisation appréciable du sol par apport
d'éléments minéraux fournis par les cendres. De même
pendant cette période, les herbes mortes se décomposent et
humidifient le sol.Cette catégorie de défrichement prend le pas
sur l'autre et s'utilise surtout pour la production d'igame et du coton.
Le second type de défrichement, l'ancienne terre
« pkaro » repose sur l'essouchement des résidus de
cultures dans un champ qui a été au moins une fois cultivé
des années antérieures.Ces résidus seront à la
suite brûlés pour la fertilisation du sol grâce aux cendres.
Ce type se pratique par les paysans travaillants sur les parcelles qui ne
garantissent pasde grandes productivités. Ce sont des techniques
culturalesnon respectueuses de l'environnement. A chaque saison, les paysans
font des feux tardifs de végétations, coupent les arbustes qui
devraient reconstituer le couvert végétal. La houe et les
coupe-coupe sont les outils les plus utilisésdans ces types de
défrichage. Mais pour le laboure la daba, la charrue et les tracteurs
sont utilisés. Le laboure est la condition nécessaire avant tout
ensemencement dans le secteur d'étude. Ainsi il existe deux types de
laboure :
- Les buttes pour l'igname, le manioc
- Les sillons pour le coton et les céréales
Ces laboures ameublissent aèrent le sol mais leurs
inconvénients résident dans le fait qu'ils favorisent l'ablation
du sol, les pentes sont légèrement prononcées et
dépassant4%.
Les techniques de culture représentent l'ensemble des
pratiques mises en oeuvre par l'agriculteur dans son processus. Le
système de production d'agriculture itinéraire, les
différentes associations de cultures, la technique de rotation sont
autant de méthodes traditionnelles qu'utilisent les agriculteurs de la
commune de Bembèrèkèpour mettre en valeur leurs parcelles.
L'agriculture itinérante sur brulis est la forme la plus ancienne
d'exploitation du paysan de notre commune d'étude.
On considère cette pratique comme une méthode
archaïque. Mais elle constitue une forme de culture extensive qui
était parfaitement adaptée région jadis moins
peuplée. La culture itinérante consiste à défricher
la parcelle destinée à recevoir les cultures en coupant et en
brûlant la végétation naturelle qu'elle porte
La Planche 2 ci-dessous une présente parcelle en
préparation pour recevoir une culture à Keroupkpogoh
Photo 4 : champs
préparé pour l'igname
Photo 3 : terrain traité
à l'herbicide
Planche 2 : parcelle en
préparation pour recevoir une culture à Keroupkpogoh
Prise de vue : BIO BAYA octobre, 2019
De l'analyse de la planche 2 on retient que les producteurs de
la commune on adopter une nouvelle méthode de défrichage des
terrains de production. En effet pour emblaver de grandes superficies et
économiser la force et le temps de travail, les producteurs traitent les
champs en utilisant les herbicides.Cette pratique leur permet
dedésherber les champs même en plaine saison pluvieuse sans faire
recours aux feux de brousses.
L'agriculture estun système d'exploitation du milieu
naturel permettant la production des végétauxnécessaires
à l'homme c'est une activité primordiale sans laquelle il n'aura
pas les aliments nécessaires pour la vie, car elle participe dans
l'alimentation de tous les êtres vivants.Ainsi au Bénin et surtout
dans commune de Bembèrèkè, une commune essentiellement
rurale et dont 80% de la population est agricole ne reste pas en marge de
cette activité. Les agriculteurs de ladite commune utilisent diverses
méthodes dans la gestion de leur espace cultural. Ces modes de gestion
leurs permettent de subvenir à leurs besoins vitaux et même. Toute
fois ces modes de gestion ne sont pas sans conséquence.
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