CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme de cette étude qui a porté
sur « Groupes armés et conditions socioéconomiques de
la population de Shabunda au Sud-Kivu ». Nous sommes parti, de
l'observation selon laquelle le Territoire de Shabunda connaît une
histoire politique instable marquée par des guerres, des crises
politiques multiformes, des rébellions et insurrections, des
dissidences, bref la violence entrainant ainsi une détérioration
de conditions sociales et économiques de la population depuis plus d'une
décennie.
Ce territoire réputé riche géologiquement
et géoéconomiquement, a par contre une population qui vit dans
une situation de pauvreté occasionnant une précarité de la
vie sociale et économique.
Sur le plan sécuritaire, le Territoire de Shabunda est
considéré comme une zone rouge. La présence de groupes
armés qui se battent fréquemment met en danger la
sécurité des citoyens et de leurs biens. La plupart de ces
groupes, si pas tous, se battent pour le contrôle des carrés
miniers.
L'aspect sanitaire dans ce territoire montre que Shabunda est
une zone où la gratuité des soins a été et est
encore pratiquée par Médecin Sans Frontière (MSF) Espagne.
Cette gratuité s'expliquerait par le degré de
vulnérabilité des populations toujours en mouvement à
cause des affrontements réguliers entre les groupes armés pour
contrôler les sites miniers et la paupérisation avancée de
la population.
Au plan infrastructurel, le territoire est enclavé avec
une habitation très rudimentaire. Les routes sont en très mauvais
état, quasi impraticables.
Economiquement, bien que ce territoire possède un
sous-sol riche en minerais, mais on observe une absence totale des
investisseurs pour exploiter ces minerais afin de permettre à la
population de se trouver un travail lui permettant d'améliorer sa
situation sociale et économique. Toutes les potentialités ne
servent pourtant ni au développement ni au bien-être de la
Province du Sud-Kivu et moins encore dudit territoire.
Cette étude a répondu à une question de
la problématique qui consistait à savoir : Quelles
seraient les implications de la présence des groupes armés sur
les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au
Sud-Kivu ?
De cette question, nous avons répondu, à titre
d'hypothèses que les groupes armés seraient
l'élément déclencheur, non seulement, de plusieurs effets
négatifs entravant l'amélioration du bien-être de cette
population longtemps marginalisée, mais aussi la présence de ces
groupes armés a présenté quelques effets positifs qui ont
contribué, d'une manière ou d'une autre à
l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population
de Shabunda.
Parmi ces effets négatifs, nous avons
épinglé, l'exploitation illégale de ressources, le pillage
systématique des richesses naturelles et biens de la population,
l'augmentation excessive de prix des produits d'origine alimentaire, le
recrutement forcé des jeunes et enfants dans l'armée, la
déstabilisation des activités économiques dans le
territoire, le déplacement des populations.
En ce qui concerne les effets positifs, nous avons
évoqué l'autodéfense locale (sécurisation de la
population) contre les exactions qui proviendraient des FARDC ou des
autres groupes armés, l'existence ou la présence des humanitaires
ou ONG venus exercer leurs activités dans différents domaines
comme l'éducation, la santé, la création de centres de
formation professionnelle pour l'encadrement des jeunes, ....
Le fonctionnalisme, dans son aspect relativisé comme
théorie, nous a été utile pour saisir à fond notre
objet d'étude. Il a été complété par la
méthode fonctionnelle. Les techniques documentaire, l'entretien libre
non structuré, l'observation extérieure désengagée,
sans oublier la webographie nous ont servi à récolter les
données sur le terrain.
Pour arriver aux résultats de notre étude,
hormis l'introduction générale et la conclusion
générale, nous avons divisé ce travail en trois chapitres.
Le premier est axé sur les considérations
générales. Ce chapitre a, d'abord, défini les concepts
groupes armés, développement social, développement
économique, conditions socioéconomiques et ensuite ce chapitre a
donné le panorama du Territoire de Shabunda et de la Province du
Sud-Kivu.
Le deuxième chapitre a analysé des groupes
armés dans le Territoire de Shabunda. Nous avons épinglé,
dans ce chapitre, d'abord les contextes et les causes générales,
en les spécifiant selon qu'elles sont internes et externes, liées
à la prolifération des groupes armés en RD Congo, surtout
dans sa partie Est. Ensuite, nous avons dégagé les contextes et
les causes spécifiques liées à la prolifération des
groupes armés à Shabunda. Enfin, nous avons
présenté quelques groupes armés actifs à Shabunda
et stratégies de leur éradication par les pouvoirs
publics.
Le troisième chapitre, quant à lui, a
porté sur les implications des groupes armés et conditions
socioéconomiques de la population de Shabunda. Ce chapitre a
consisté à épingler successivement les implications
négatives des groupes armés et leurs implications positives.
Quant aux résultats obtenus, après
investigations, nos hypothèses sont confirmées. Il ressort de ces
analyses que les actions menées par les groupes armés pour leurs
intérêts produisent des effets grandement néfastes sur tous
les plans de la vie socioéconomique de la population civile du
Territoire de Shabunda, notamment, l'insécurité
généralisée dans plusieurs localités du territoire,
le pillage et la destruction des infrastructures sociales, le
déplacement de la population, le viol, le recrutement des enfants dans
les groupes armés, la destruction des infrastructures économiques
de base, baisse de niveau de revenu de la population, l'exploitation et le
commerce illicite des minerais.
Au-delà de ces multiples conséquences
négatives qu'ont présenté les groupes armés sur la
population de Shabunda, il y a lieu de signaler que la décennie de
guerre et conflits violents qu'a connue Shabunda n'a pas seulement
engendré morts d'hommes, réfugiés et destructions, mais
aussi d'importants changements sociaux et économiques.
En effet, les groupes armés ont joué le
rôle d'autodéfense de l'entité sous leurs contrôles,
ils ont facilité, d'une manière ou d'une autre, la promotion des
fils et filles de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat. A cause de la
vulnérabilité de la population, les groupes armés à
Shabunda ont engendré la promotion des humanitaires et Organisations Non
Gouvernementales de Développement qui sont venus oeuvrer dans
différents secteurs de la vie éducative, sanitaire et la
formation professionnelle.
Notre souci en élaborant ce mémoire est de
permettre à la population de Shabunda d'accéder aux conditions de
vie améliorées et, à ce titre, promouvoir le
développement intégral et durable de cette entité.
L'amélioration des conditions de vie de la population dans le Territoire
de Shabunda passe impérativement par un certain nombre des
préalables dont l'important serait le retour à la paix qui ne
pourrait être possible que lorsque les groupes armés sont
éradiqués.
Pour éradiquer ainsi les groupes armés à
Shabunda en vue d'un retour à la paix durable, il parait important
qu'une stratégie de développement et de sécurité
soit mise en oeuvre. Voilà pourquoi nous avons proposé quelques
facteurs d'attractivité pouvant permettre aux groupes armés de se
désengager à leur activité que voici :
- La restauration de l'autorité de l'Etat ;
- La création de centre de démobilisation et
insertion sociale local ;
- La mise en place de mesure mettant fin à
l'exploitation artisanales des minerais ;
- La mise en place et l'application d'une loi d'amnistie en
faveur des éléments des groupes armés
démobilisés ;
- La mise en place de la stratégie de la politique de
l'arme contre argent ;
L'ancien diplomate et secrétaire générale
de l'ONU affirmait que « la paix, la tolérance, le respect
mutuel, les droits de l'homme, l'état de droit et l'économie
mondiale ont tous également souffert des actes terroristes ».
Il aurait ajouté, pensons-nous, que sa puissance mérite
d'être restaurée après toute période de crise.
Après toute période de crise, l'autorité de l'Etat est
mise à l'épreuve. Alors, la restauration de cette autorité
de l'Etat passe par l'installation des services publics, administratifs et
sécuritaires efficaces.
Certes, nous n'allons pas ignorer que la restauration de
l'autorité de l'Etat se veut une condition sine qua non pour arriver
à mettre fin aux activités des groupes armés dans le
Territoire de Shabunda. Cette restauration de l'autorité de l'Etat doit
influencer l'ouverture sur le renforcement de la gouvernance locale y compris
communautaire dans la prise en charge des questions de sécurité
et de développement intégral dans cette partie de la RD Congo.
Elle doit mettre un accent sur le renforcement des capacités
institutionnelles, techniques et organisationnelles incluant l'appui au
développement local.
Plus concrètement, il est important de noter
qu'après la guerre, les écoles et tant d'autres
établissements sont pillés, vandalisés et réduits
en miette. De ce fait, la réfection de locaux administratifs ; la
réhabilitation des écoles, des hôpitaux ;
l'installation des commissariats de police et autres bases de l'armée
régulière sont là des actes efficaces de la restauration
de l'autorité de l'Etat. Autrement dit, il est important de pouvoir
privilégier la construction d'un environnement paisible,
sécurisé et stable de développement et
d'épanouissement individuel et collectif des populations sur l'ensemble
du territoire national.
Au-delà des multiples politiques de lutte contre la
prolifération des groupes armés menée par l'Organisation
des Nations unies (ONU) et le gouvernement de la RDC que nous qualifions
d'impuissantes, il paraît important de mettre des nouvelles
stratégies pouvant aider les pouvoirs publics à éradiquer
les groupes armés à Shabunda, c'est notamment la création
de centre de démobilisation et insertion sociale locale.
L'existence de ce centre dans le Territoire de Shabunda
pourrait non seulement permettre à éradiquer les groupes
armés, mais aussi aider les éléments des mouvements
armés de retourner à la vie sociale normale (vie civile) ;
car, par exemple, le fait qu'un milicien soit sensibilisé pour
déposer son arme et être intégré soit dans
l'armée républicaine, soit dans la vie civile après avoir
subi une formation en dehors de son milieu habituel, cela crée, dans le
chef de ce milicien, un sentiment de peur d'être dénaturer de son
milieu habituel et de sa famille. Cette situation amène plusieurs
éléments membres des groupes armés à avoir de
résistances à venir déposer leurs armes et continuent
à se cacher dans la forêt pour ne pas quitter son environnement
opérationnel.
En tout cas la création d'un pareil centre permettra
également (au-delà de bon retour à la vie sociale), une
bonne réinsertion sociale des anciens éléments militaires.
C'est vrai qu'il faut tenir aussi compte de l'aspect stigmatisation sociale que
peut subir ces anciens militaires. Mais notons tout de même que nous
proposons des stratégies diamétralement élaborée
pour un bon fonctionnement de ces centres.
L'interdiction drastique de l'exploitation artisanale des
minerais pourrait s'avérer importante dans le processus
d'éradication des groupes armés à Shabunda en ce sens que
les sites d'exploitation de ces minerais constituent le centre
d'intérêt le plus prononcé pour ces groupes armés.
Le secteur minier à l'Est de la RD Congo a une réputation
sanglante. D'une part, l'exploitation des minerais serait, sinon la source, du
moins dans le prolongement des conflits, tandis que des groupes armés y
retireraient d'intérêts qui ne profitent ni au
développement national, ni à l'amélioration des conditions
de vie au niveau local. Depuis le début de la deuxième guerre du
Congo en 1998, cette analyse a amené différentes propositions de
solutions, comme un embargo, des sanctions, de la diligence raisonnable et de
la formalisation. Jusqu'à maintenant, toutes ces solutions se sont
heurtées à des problèmes d'implémentation.
Le philosophe Baruch Spinoza (1632-1677), affirme que la paix
n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un état d'esprit, une
volonté de bienveillance, de confiance, de justice. Un document de la
MONUSCO sur la justice note que la loi portant amnisties en République
Démocratique du Congo aurait pour objectif de réaliser la
réconciliationnationale dans le but d'achever une paix durable. Mais
parfois la question de l'amnistie pourrait revêtir pour les communs de
mortel, le sens d'une sorte d'impunité pour les gens qui ont
perpétré des crimes de droits humains pendant des périodes
de guerre. Nous par ailleurs ne pensons pas ainsi. En revanche nous pensons que
l'emprisonnement des éléments issus des groupes armés
après leur démobilisation ou réinsertion s'avère
d'avantage cultiver un sentiment de peur et de résistance dans le chef
de ces éléments armés.
Nous comprenons en effet que la loi sur l'amnistie ne vient
pas favoriser l'impunité. Elle vise en revanche le bien-être de
procédure de paix et de démobilisation et réinsertion des
éléments militaires. Mais cela, tout en tenant compte des
principes légaux du droit national et international comme
susmentionné.
Puisque la plupart de temps, l'enrôlement des
éléments dans les groupes armés est motivé par un
désir de s'enrichir, et aussi parce qu'il ne suffit pas seulement de
démobiliser ou de réinsérer la personne sans savoir les
conséquences sourdes qui résulteraient de la non
récupération de son arme, la politique dite ici
« d'arme contre argent » pourrait susciter de
l'intérêt et de l'attention aux éléments des groupes
armés, et par conséquent une garantie d'un succès pour le
centre chargé de démobilisation et de la réinsertion
sociale et économique. Car il n'est pas important de pouvoir
démobiliser un individu qui a vécu pendant plusieurs
d'années avec son arme mais qui la laisse cacher intentionnellement dans
la brousse.
Nous pensons, à ce sujet, que si dans le Territoire de
Shabunda on peut arriver à l'applicabilité de ces facteurs
précités, la population arrivera à connaître
l'amélioration de ses conditions de vie sociale et économique.
Ainsi, une nouvelle orientation s'impose pour continuer cette
étude considérant qu'il n'y a pas de paix sans
développement, par ricochet sans amélioration des conditions
socioéconomiques de la population et il n'y a pas non plus de
développement sans la paix : faut-il éradiquer les groupes
armés pour développer ce territoire ou le développer pour
éradiquer les groupes armés ?
Nos investigations restent ouvertes à toute critique,
car il est difficile de définir définitivement l'objet d'une
science, il change avec l'évolution d'une société ou selon
le contexte dans lequel on se retrouve.
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