1.4. Groupes armés et
recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée
Des groupes armés s'opposent pour des raisons
politiques, économiques ou ethniques. Pour augmenter leurs effectifs et
légitimer leurs actions, ces groupes se lancent dans des actions de
propagande auprès de la population. Le premier leitmotiv est de parler
du danger que représente l'ennemi. Sur ce discours, se greffe l'appel
à la résistance et à la protection des proches.
L'argumentaire présente alors l'engagement comme un devoir moral
vis-à-vis de la communauté.
Il n'y a plus qu'un pas à franchir pour qualifier de
traîtres ceux qui ne prennent pas les armes. La pression exercée
sur la population s'intensifie et il devient de plus en plus difficile de ne
pas répondre à l'appel.
La République Démocratique du Congo
connaît une suite de guerres pratiquement sans interruption depuis le
milieu des années 1990. Les conflits armés de 1994, 1997,
1998/1999 et 2000/2002 se sont succédé, passant d'une zone
à l'autre du pays. Or, plus les guerres s'enlisent, plus le risque de
recruter des soldats de plus en plus jeunes s'accroît.
En effet, le « réservoir » d'hommes adultes
s'amenuise et il faut bien puiser là où les «
réserves » sont disponibles et abondantes. Ainsi, même si les
enfants de moins de 18 ans ne sont pas spécifiquement recherchés
par les militaires, ceux-ci auront tendance à faire quelques entorses
aux procédures et recruter des mineurs si l'occasion se présente
pour renflouer leurs rangs.
A Shabunda par exemple, les éléments de groupes
armés, ici considérés comme les recruteurs avancent
multiples raisons pour procéder au recrutement des enfants dans leur
groupe. Parmi ces raisons nous pouvons citez les suivantes :
- Les enfants sont courageux, ils n'ont pas conscience de la
mort. Au nom de cette inconscience, les adultes vont envoyer les enfants dans
les situations les plus risquées ;
- Ils sont dociles, facilement manipulables ;
- Ils sont compétents ;
- Ils sont résistants, dynamiques ;
- Ils sont une main-d'oeuvre, bon marché.
Tous ces arguments avancés par les recruteurs peuvent
aisément être dévoilés : le « courage
» des enfants est souvent le résultat d'un dopage physique et moral
des enfants. La « docilité » est facilement obtenue
grâce aux nombreuses et cruelles punitions que subissent les enfants en
cas de désobéissance. Les prétendues résistance,
compétence, efficacité des enfants font partie du discours
flatteur par lequel les responsables des groupes armés « tiennent
» aux jeunes. Quant à l'affirmation sur le faible coût des
enfants, cela tient tout simplement aux promesses non tenues des recruteurs.
Ils promettent aux enfants qu'ils seront payés comme les adultes et n'en
font rien.
Groupes armés qui ont besoins des combattants, avec une
préférence pour les enfants
251654144
Enfants en situation précaire :
· Economique
· Sociale
· Familiale
· Psychologique
251653120Modèle de recrutement des enfants dans
les groupes armés
251655168 Enrôlement volontaire
251656192
Enlèvement, Conscription,
Recrutement quasi-forcé
Source : Bureau International du Travail
Il nous parait important de commenter ce modèle de
recrutement des enfants dans les groupes armés qui passe par l'enfant en
situation précaire qui cohabitent avec les groupes armés et se
recherchent, le recrutement, et l'enlèvement.
a. Enfants en situation précaire et groupes
armés cohabitent et se recherchent
On se retrouve donc dans une situation explosive où les
enfants doivent trouver une solution pour assurer leur survie et côtoient
des groupes armés qui sont à la recherche de combattants. Ce
contexte, combiné à la pression ambiante, agit comme un
véritable « champ magnétique » où les deux
groupes s'attirent et conduit de nombreux jeunes à demander leur
enrôlement.
Selon l'observation du terrain, les enfants «volontaires
» représentent la majorité des enfants membres des groupes
armés. Cependant, tous les enrôlements ne sont pas aussi «
naturels » et il existe des enfants qui ont été
recrutés de force par les groupes armés. Bien sûr, la large
proportion d'enfants qui s'enrôlent de leur propre gré peut faire
croire à une situation où les enfants s'enrôlent
librement.
L'observation de terrain montre que ce n'est pas le cas. Dans
un premier temps, il apparaît que les frontières entre ces
différents modes de recrutement sont loin d'être étanches,
perméables. D'autre part, l'analyse des décisions personnelles
prouve que dans la plupart des cas, il s'agit d'un choix fait sous de
nombreuses pressions et dans l'ignorance des conséquences. Cette
ambiguïté sur le « volontariat » est illustrée par
la différence d'appréciation sur les conditions de recrutement
entre les jeunes toujours engagés au moment de l'enquête et ceux
qui sont sortis des groupes armés.
b. Le recrutement
Les rebelles viennent à la maison pour recruter les
jeunes et les menacent si une fois ils refusaient de les suivre. Ces jeunes
finissent par accepter parce que même si les rebelles ne les tuaient pas,
ce peut - être ils peuvent être victimes des militaires qui
pourraient le faire de toute façon.
Néanmoins, la pression exercée dans certaines
zones par les autorités militaires pour inciter les jeunes à
rejoindre les rangs de l'armée peut être assimilée à
un recrutement forcé.
Dans le cadre de cette étude, nous avons
distingué deux types de recrutement en fonction de l'observation de
terrain :
- Le recrutement forcé s'applique à tous les cas
où l'enfant n'a pas eu le choix de refuser. Il peut s'agir de pressions
morales ou d'obligation de se présenter ;
- Enfin, la décision personnelle concerne les
situations dans lesquelles l'enfant a fait lui-même la démarche
d'aller vers le groupe armé.
c. L'enlèvement
L'enlèvement recouvre les situations dans lesquelles
les enfants ont été pris de force, sous la menace d'armes.
Plusieurs enfants ont été enlevés ou ont subi des menaces
les forçant à s'enrôler. D'après tous les
témoignages sur ce sujet, les groupes armés qui pratiquent
l'enlèvement choisissent un moment favorable pendant lequel il y a peu
ou pas d'adultes autour des enfants. Il peut s'agir d'enlèvements
collectifs ou individuels.
Nous pouvons déjà signaler que les
enlèvements sont suivis de conditions plus difficiles que, dans les
autres cas de recrutement, les enfants subissent des violences plus grandes et
qu'ils sont envoyés au combat plus rapidement.
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