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Groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au sud-Kivu.


par Jacques LUTALA KATAMBWE
Université de Lubumbashi - Licence en sciences politiques et administratives 2020
  

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3.1.2. Groupes armés étrangers

Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, FDLR et les Allied Democratic Forces - National Army of Liberation of Uganda, ADF-NALU (Forces démocratiques alliées - l'Armée Nationale pour la Libération de l'Ouganda) sont les deux grands groupes armés étrangers que nous retrouvons à l'Est de la RD Congo.

3.1.2.1. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, FDLR

Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR; Urugaga Ruharanira Demokarasi No Kubohoza U Rwanda en kinyarwanda) regroupent essentiellement des Hutu et des soldats des anciennes Forces Armées Rwandaises de Juvénal Habyarimana et des anciennes milices Interahamwe. Elles sont basées dans l'Est de la République démocratique du Congo. Ce groupe a pris cette dénomination en 2000, après s'être appelé Armée de Libération du Rwanda (ALiR).

Ces forces ont pris forme dans les camps de réfugiés du Zaïre (actuelle RD Congo) en 1994, organisés par l'opération Turquoise de la France au Rwanda du 22 juin au 21 août 1994. Médecin Sans Frontières avait quitté ces camps en novembre 1994 en dénonçant les reconstitutions des forces dans les camps. Le gouvernement de Kigali demande le démantèlement de ces forces depuis 1994. En 1996 lors de la première guerre du Congo, l'armée du régime actuel du Rwanda a poursuivi ces forces à travers les forêts du Congo et massacré plusieurs milliers de leurs membres et des populations réfugiées prises en otage par ces forces génocidaires.

Ces rebelles ont contribué à la déstabilisation de l'Est de la République Démocratique du Congo. La Commission d'enquête citoyenne française et la journaliste Colette Braekmann, du journal belge Le Soir, ont eu des informations selon lesquelles la France avait contribué à leur armement(73(*)).

Les FDLR ont annoncé officiellement début avril 2005 qu'elles acceptaient de renoncer aux armes et de rentrer au Rwanda. D'autres membres de FDLR sont déjà rentrés au Rwanda depuis plusieurs années. Mais attention, les rebelles hutus présents en RDC ne sont pas tous d'ex-génocidaires. À l'inverse, tous les exilés rwandais qui ont pris part au génocide ne sont pas établis dans l'Est de la RDC. Ceux qui, en revanche, se trouvent bel et bien sur le théâtre des opérations militaires sont alliés aux rebelles hutus des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) qui, eux, ne peuvent être systématiquement assimilés aux artisans du génocide.

Les FDLR sont loin d'être homogènes. Elles comprennent essentiellement:

1. Des membres des ex-FAR et des milices interahamwes qui ont participé au génocide de 1994 ;

2. Des ex-FAR qui n'ont pas participé aux massacres ;

3. Des recrues « post-génocide » passées par les camps de réfugiés en Tanzanie et au Zaïre, entre 1994 - 1996, et qui constituent aujourd'hui le gros des troupes.

Bâties sur les restes de l'armée gouvernementale de l'ancien régime rwandais, les Forces Armées Rwandaises (FAR), et des milices Interahamwe exilées au Congo après le génocide de 1994, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) ont été fondées en 2000 dans l'Est du Congo. Leurs objectifs principaux sont la protection des réfugiés hutus rwandais disséminés dans cette partie du pays et la lutte contre le gouvernement en place à Kigali.

Le sigle FDLR fait en réalité référence à la branche politique, implantée en Occident (en Allemagne surtout), tandis que le nom officiel de la branche armée est « Forces Combattantes Abacunguzi (FOCA) ». Cependant, parmi la population et les médias, l'appellation FDLR est de loin la plus courante. Par ailleurs, il faut noter qu'une proportion croissante de combattants est de nationalité congolaise, notamment des Hutus, représentant près de la moitié des effectifs totaux de combattants, estimés actuellement à environ 1 500, répartis dans les deux Kivu.

En outre, à partir de 2005 dans le Territoire de Shabunda, et depuis 2011 dans plusieurs autres territoires du Sud-Kivu, les Raïa Mutomboki se sont soulevés contre les FDLR et leur cortège de violations des droits des populations locales, s'en prenant violemment à leurs suspectés sympathisants ; ce qui a permis d'éradiquer le groupe de pratiquement tout le Nord de la province. De plus, fin 2011 et début 2012, des tueurs à gages, apparemment commandités par Kigali, ont éliminé plusieurs chefs militaires de la milice, contribuant à l'affaiblissement de son commandement, encore accru par l'arrestation en Tanzanie et l'extradition au Rwanda d'un de ses principaux leaders au début de l'année 2013(74(*)). Enfin, des divisions internes entre « modérés » et « radicaux » et l'éparpillement des cellules encore actives relativisent encore davantage l'ampleur de la menace représentée par les FDLR.

Actuellement, les FDLR subsistent encore dans une partie du Nord-Kivu, où ils seraient un bon millier de combattants dirigés par le Colonel Pacifique Ntawhunguka alias Omega, et dispersés dans le Nord du Territoire de Walikale, dans le Sud de celui de Lubero et dans ceux de Rutshuru et Masisi. A l'instar du Territoire de Shabunda, on les trouve également dans d'autres Territoires du Sud-Kivu, soit quelques centaines de combattants commandés par le Lieutenant-colonel Hamada Habimana et disséminés dans les Territoires de Mwenga, Uvira et Fizi.

Leurs ressources proviendraient principalement de financements de la diaspora hutue rwandaise, de l'extorsion de biens sur les routes, des sites miniers et des marchés, et de la culture et la vente de cannabis. Peu de groupes armés s'aventurent encore à s'allier ouvertement aux FDLR. Au Sud-Kivu, elles collaborent avec les Hutus burundais des Forces Nationales de Libération (FNL) pour affronter les FARDC soutenues par divers groupes armés locaux.

La population congolaise subit encore journellement les exactions de ces combattants déracinés et sans perspective de réintégration dans la vie civile, sinon après passage par les « fourches caudines » de Kigali. D'autre part, les diverses rébellions, comme celle du Rassemblement Congolais pour la Démocratie - Goma (RCD/Goma), soutenues par le Rwanda, et le gouvernement lui-même, ont souvent justifié leur action par le risque de « génocide » que ferait courir à la population tutsi la simple existence des FDLR. L'élimination de cette milice apparaît donc incontournable pour mettre fin à l'ingérence du Rwanda en RDC, elle-même en grande partie à la base de l'instabilité qui gangrène tout l'Est du pays.

3.1.2.2. Allied Democratic Forces-National Army Of Liberation Of Uganda/ADF-NALU

A l'origine, deux groupes armés ougandais étaient en lutte contre le pouvoir incarné par le Président Yoweri Museveni, les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda (National Army of the Liberationof Uganda/NALU) se sont unies en 1995, à l'instigation des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux d'affaiblir un adversaire commun. Les ADF/NALU sont composées des groupes suivants, Allied Democratic Movement/ADM, Uganda Muslim Liberation Army/UMLA, et par National Army of Liberation of Uganda/NALU. Installées dans le massif de Ruwenzori, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda, elles n'ont jamais réussi à s'implanter dans leur pays d'origine, malgré plusieurs attaques contre des localités frontalières et des attentats à Kampala. Cependant, aucune action d'envergure en sol ougandais ne semble y avoir été enregistrée depuis 2001, bien que les ADF-NALU y recrutent encore régulièrement des combattants, ce qu'elles font également dans d'autres pays d'Afrique orientale.

C'est donc en territoire congolais, en particulier dans le Nord-est du territoire de Beni (Nord-Kivu), autour des localités d'Eringeti et Oïcha et dans la zone entre cet axe et la frontière ougandaise, que les ADF-NALU concentrent leurs activités. L'occupation ougandaise de la région ne semble guère avoir gêné le développement du groupe. C'est surtout après le retrait des forces ougandaises et le déploiement des FARDC, soutenues par la MONUC, que les ADF-NALU ont essuyé des revers militaires, en particulier entre 2005 et 2007. Suite à ceux-ci et à des négociations, tant avec la MONUC qu'avec le gouvernement ougandais, la branche NALU du groupe a accepté de se dissoudre et de participer à un programme de DDRRR, tandis que Kampala reconnaissait, en 2008, un « Royaume de Rwenzururu » à l'intérieur de ses frontières, la principale revendication à la base de la création de la NALU.

Quant aux ADF, qui semblent avoir été créées en réaction à la répression des musulmans ougandais entreprise par Museveni après sa prise de pouvoir, elles ne paraissent pas avoir le profil-type d'une organisation terroriste à idéologie islamiste radicale que leur attribue le gouvernement de Kampala. Même si, depuis la disparition de la tendance NALU, tous les combattants des ADF doivent être d'origine musulmane ou se convertir à l'islam, elles n'ont jamais exprimé les objectifs politiques « classiques » des mouvements islamistes (instauration de la charia, d'un califat, etc.).

Quoi qu'il en soit, les ADF encore fréquemment désignées sous leur ancien sigle ADF-NALU, semblent avoir forgé une alliance durable avec le groupe Al-Shebab « la jeunesse » en arabe, issu des tribunaux islamiques de Somalie et auteur d'attentats sanglants, notamment à Kampala (74 morts en juillet 2010) et à Nairobi (au moins 62 morts en septembre 2013 et plus de 300 en 2014). Des combattants des ADF auraient renforcé Al-Shebab en Somalie, ou se seraient entraînés dans ce pays, et réciproquement des combattants d'Al-Shabab seraient présents en RDC(75(*)). Toujours est-il que cette situation met particulièrement mal à l'aise la petite communauté musulmane du territoire de Beni, soupçonnée d'être complaisante envers les ADF et se plaignant de tensions accrues avec la communauté chrétienne.

Contrairement à de nombreux groupes congolais, les ADF disposent d'un commandement centralisé. Leur chef, Jamil Mukulu, est à la tête du mouvement depuis 2007, tandis que les opérations militaires sont dirigées par Hood Lukwago. Le taux de désertion serait particulièrement faible, de même que le nombre de candidats à un processus DDRRR. Elles disposent d'une grande variété d'armes antiaériennes, ainsi que d'un important réseau de soutien et de financement, implanté notamment en Ouganda, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et au Royaume-Uni. En outre, elles tirent des revenus en « taxant » les exploitants de mines d'or, la production de bois et les motos-taxis dans leur zone d'activité.

Selon des estimations minimales, leurs effectifs seraient compris entre 800 et 1 200 combattants, dont de nombreux Congolais d'ethnie Nande76(*), mais pourraient avoir crû récemment en raison d'une campagne de recrutement entamée vers la fin 2012. En tout cas, une recrudescence des activités du groupe a été constatée à partir de juillet 2013 ; outre des combats avec les FARDC et même avec la MONUSCO, des civils ont été victimes de meurtres, d'enlèvements et de pillages, qui ont entraîné la fuite de plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont une partie s'est réfugiée du côté ougandais de la frontière.

* 73 http://blog.lesoir.be/colette-braeckman?s=fdlr, consulté le 4/07/2017

* 74BERGHEZAN, G., « Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu », in GRIP, n°11, 2013, p.18

* 75Rapport du GRIP Georges BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au 2ème semestre 2013, p. 20.

* 76Rapport du GRIP Georges BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au 2ème semestre 2013, p. 20.

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