VI- REVUE DE LA LITTÉRATURE
La question d'accès à la terre et conflit en
milieu massa est un sujet peu documenté scientifiquement. En l'abordant,
nous avons le sentiment de n'être pas capable eu égard à sa
densité, sa complexité et son originalité. La
difficulté est réelle d'autant plus que les ouvrages y
afférents sont quasi-inexistants. Même si nous n'avons pas
l'ambition de frayer du chemin seul, nous estimons que l'entreprise est
nouvelle et nécessiterait de grands efforts tant documentaires
qu'empiriques. Quoique le sujet qui nous intéresse soit peu
documenté, nous ne trouvons pas de raison solide de ne pas l'aborder.
Malgré cette absence, nous nous sommes focalisé sur un certain
nombre d'ouvrages qui ont rendu possible ce travail. C'est le cas des travaux
de thèse, de master, d'articles ou d'ouvrages:
Françoise Dumas-Champion (1983), ethnologue
française, fait une étude ethnographique des Massa du Tchad. Il
s'agit d'une étude portant sur les bétails et les
sociétés sous un angle essentiellement anthropologique. C'est
ainsi que la question des origines, des répartitions des tribus ou clans
massa est soulevée. À l'occasion, elle indique que ce peuple
dépend, pour sa survie, de l'agriculture, de l'élevage et de la
pêche. Au final, l'accent est mis sur l'intérêt que portent
les Massa sur leurs bovins. En
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d'autres termes, c'est un peuple qui allie les deux
activités à savoir l'agriculture et l'élevage.
Ensuite, si Françoise Dumas Champion a focalisé
son travail sur les Massa du Tchad, Jean Cabot, (1965), quant à lui, axe
ses travaux sur le Tchad en général. Il décrit les
activités physiques, humaines et économiques du bassin du Moyen
Logone partagé entre le sud-ouest de la république du Tchad et le
nord-est du Cameroun. L'auteur présente le milieu naturel ainsi que le
peuplement et le genre de vie dans la zone. Il fait passer en revue les
différents groupes occupant cet espace géographique du Tchad et
leur interaction. Une étude sur les Massa du Tchad faite par l'auteur
explicite les activités que mène ce peuple répartie entre
les deux fleuves que sont le Logone et le Chari. L'auteur met l'accent sur
l'importance que le Massa accorde à l'agriculture et à la
pêche, comme souligné par Champion.
Tout aussi remarquable est, la contribution de Catherine
Coquery-Vidrovith, (1983), qui aborde dans son ouvrage les rapports entre
l'homme et la terre en Afrique. L'auteur démontre qu'en Afrique, les
terres sont une richesse inouïe pour le continent africain et donc la
gestion reste un problème majeur. C'est ainsi qu'elle affirme que :
« dans une communauté qui vit de l'agriculture, le droit à
la terre est à la fois une nécessité et une
évidence : exclure un paysan de la terre, c'est le condamner à
mort» (Coquery-Vidrovith, 1983:7).
Armi Jonas, (2006), traite de la question foncière dans
la région du Mayo-Kebbi en général. L'auteur aborde le
processus d'acquisition du sol, notamment le titre foncier et les
problèmes auxquels sont confrontées les différentes
communautés de la région du Mayo-Kebbi. Selon lui, les
problèmes fonciers dans cette partie du Tchad sont dus au
phénomène d'autochtonie et d'allochtonie. Cette étude
s'apparente à la nôtre eu égard à l'accent qu'elle
met sur les concepts d'autochtonie et allochtonie.
L'ouvrage de J. Blache et F. Milton est une contribution
à la connaissance de la pêche dans le bassin hydrographique du
Logone, du Chari et du Lac Tchad. Il permet de saisir le déroulement et
les différentes techniques utilisées pour la pêche chez les
peuples du bassin du lac Tchad. Cette étude aborde la distribution des
activités de pêche dans un cadre géographique et ethnique.
Elle fait tour à tour état de cette activité chez les
Massa, les Kotoko et les Mousgoum.
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Sambo Armel, (2010), montre l'importance de l'eau et de ses
ressources dans un contexte marqué par la rareté des produits
alimentaires, où l'offre est faible par rapport à la demande.
L'eau est une nécessité et sa gestion prête toujours
à confusion dans le bassin du Lac-Tchad. Il fait partie des
théoriciens qui pensent que les conflits d'avenir seront ceux de l'eau.
Il en résulte que son travail laisse de côté, les terres
qui constituent la force du monde en termes de production agricole et qui est
le noyau de notre sujet.
De même les travaux de Saibou Issa, (2001), sont d'un
réel intérêt dans le domaine des conflits axés sur
les ressources naturelles. L'auteur met en exergue les relations qui existent
entre la dégradation de l'environnement, l'amenuisement des ressources
et conflits intercommunautaires et interétatiques aux abords sud du Lac
Tchad. Son travail permet de saisir l'évolution écologique de la
région ainsi que les compétitions violentes pour l'accès
aux ressources naturelles. Il analyse aussi les mécanismes
bilatéraux et le rôle de la CBLT en matière de
prévention et de résolution des conflits territoriaux sur le Lac
Tchad. Elle est d'un apport considérable pour comprendre les
différents conflits liés à la gestion de ressources.
Au-delà de nos frontières,
Frédéric Sadron (2008), traite des enjeux fonciers à
Madagascar. Selon l'auteur l'intensification de l'agriculture confrontée
à une forte croissance démographique rend la question
foncière d'autant plus prégnante que les principales
régions agricoles connaissent une saturation de leurs ressources en
terre et donc souvent crée des conflits. Face à la rareté
de la demande de sécurisation foncière de la part des populations
rurales devient donc de plus en plus impérieuse. Il conclut que la plus
part des conflits entre lignage ou entre individu ont pour substrat le foncier.
Cette étude nous montre l'importance des terres en milieu rural et ce
que sa gestion peut générer.
B. Crousse, E. Le Bris, E. Le Roy (1986), quant à eux,
traitent de la pratique foncière en Afrique noire. Selon eux, l'espace
demeure un enjeu considérable quant à sa gestion dans l'Afrique
contemporaine. La double face de l'État dans la gestion du foncier
pèse sur les populations des zones rurales. La lutte des classe en
Afrique à comme fondement les pratiques foncières du fait du mode
d'investissement de l'espace.
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Souapibé Pabamé Sougnabé (2003), dans son
article, traite des conflits agriculteurs et éleveurs dans la zone
soudanienne au Tchad. L'auteur montre le degré de tensions entre les
deux groupes avec des conséquences énormes. Ces conflits qui,
dans la plupart des cas, trouvent leurs origines dans la gestion des ressources
naturelles et de l'espace, ne laissent personne indifférent tant les
dégâts sont impressionnants.
Une thèse particulièrement édifiante dans
la compréhension des migrations aux abords sud du Lac-Tchad est celui
d'Ahidjo Paul (2012). Dans ses travaux, axés sur écologie et
histoire du peuplement aux abords sud du Lac-Tchad, l'auteur traite de la
migration comme conséquence du changement climatique. Selon lui, la
persistance de la sècheresse et la famine qu'a connue la région
sont les causes du déplacement des populations vers les autres zones.
Ainsi, beaucoup de villages observés aux abords sud du Lac-Tchad sont
des créations récentes et donc l'accès aux ressources est
sujet de tension entre les États frontaliers du Lac-Tchad.
En somme, les auteurs qui nous ont
précédés ont d'une manière ou d'une autre
abordé un aspect de notre sujet. Cependant, la production
historiographique jusque-là s'est beaucoup plus orientée sur la
localisation du peuple massa, passant en revue certaines de leurs
activités mais aussi signalant l'importance que ces dernières
accordent au sol de manière générale. D'autres sont pour
nous un exemple bien que leur zone d'étude soit différente de la
nôtre, ils traitent quand même de la question d'accès
à la terre et des conflits qui en découlent.
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