Université de Maroua
The University of Maroua
Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines
Département d'Histoire
Faculty of Arts, Letters and
Social
Sciences
Department of History
B.P. 644 Maroua
Tel : (237) 22 29 30 70
ACCÈS À LA TERRE ET CONFLITS AU TCHAD : CAS
DU « PAYS MASSA » (XXe-XXIe
SIÈCLES).
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
diplôme de Master recherche en Histoire
Option : Histoire Politique et
des Relations Internationales
Par
KAMPÉTÉ
Dieudonné KINGUÉ
(15D0956FL)
Titulaire d'une
Licence en Histoire
Sous la direction de :
M. GIGLA GARAKCHEME
Chargé de Cours
Année académique 2016-2017
À la famille DJALDI KINGUÉ
DÉDICACE
II
REMERCIEMENTS
Nous tenons à exprimer notre reconnaissance et
gratitude à toutes les personnes qui ont été d'un apport
multiforme dans la réalisation de ce travail.
Nous exprimons notre reconnaissance à notre directeur
de mémoire, Dr Gigla Garakcheme, qui n'a ménagé aucun
effort, malgré ses multiples occupations, pour diriger ce travail. Sa
sociabilité, son attention constante plus son appui et ses conseils nous
ont été bénéfiques dans la réalisation de ce
mémoire.
Nous témoignons aussi notre gratitude à nos
enseignants du département d'histoire de l'Université de Maroua,
pour leur apport scientifique dans le cadre de notre formation. Nous pensons
principalement au chef du département, Dr Bouba Hamman, Dr Wassouni
François, Dr Woudammike Joseph, Dr Ousmanou Adama.
À Andjaffa Djaldi Simon, Dr Armi Jonas nous adressons
notre reconnaissance pour les encouragements et les orientations données
pour notre travail. Notre aveu va à l'endroit des chefs de canton,
sous-préfets, autorités administratives, familles et autres qui
nous ont réservé un accueil chaleureux lors de notre descente sur
le terrain.
Nos remerciements aux personnes dont les noms suivent pour
leur soutien financier, matériel et moral : notre père Djaldi
Kingué, notre maman Tchenda Martine Soua, nos oncles Guibolo Fanga
Matthieu et Godjo Olina.
Notre reconnaissance va également à l'endroit de
nos camarades de promotion pour l'esprit de collaboration et d'encouragement et
de partage manifesté tout au long de notre parcours. Il s'agit de :
Massana Doum Ésaïe, Singdansou Raphael, Fanbaibo
Jérôme, Gana Ésaïe, Fidessou Guibourou Bertrand,
Kataya Madeleine Hamman, Kari Yaya, Saïbou Abdramane Basga, Ldakna Vilday
Christophe, Ondoua Ekonglo Franck, .Alioum Hamadou, Fanta Noé Clarisse,
Zaki Ngouvaka Emilienne.
Nous ne pouvons tourner cette page sans témoigner notre
gratitude aux amis qui ont chacun à sa manière contribué
à la réalisation de ce travail. Il s'agit de : Moussa Djonret,
Mbaïnaïssem Laokara Louis, Théophile Olina, Jonas Doumna,
Moussa Mboktolet, Abdoul Madjérembé. Que tous ceux qui ne sont
pas cités, se sentent concernés par ces mots de remerciement.
RÉSUMÉ
L'accès aux ressources foncières est souvent
source de conflits. En pays massa, territoire situé dans le sud-ouest du
Tchad, la terre a toujours joué un rôle important dans
l'organisation sociale. Elle sous-tend toutes les activités humaines car
l'économie est basée essentiellement sur l'agriculture.
Cependant, la gestion de la terre demeure un enjeu pour toutes les populations.
C'est ce qui explique les nombreux conflits impliquant divers protagonistes.
Cette étude montre en quoi l'accès et la gestion de la ressource
foncière structurent les rapports sociaux chez les Massa du Tchad. Pour
ce faire, une approche pluridisciplinaire nous a permis de mieux
appréhender la question. Aujourd'hui les conflits fonciers sont
récurrents en raison de l'amenuisement des ressources liés
à la terre et de la compétition entre divers acteurs (grands
éleveurs citadins et agriculteurs ruraux).
Mots clés : Pays massa, gestion, terre,
dynamiques rurales, conflits.
ABSTRACT
The access to the fundamental resources is at times a source
of conflict. In the massa area, a land situated in the south-west of Chad, has
always played an important role in social organisation. It implies all human
activities for the economy is essentially based on agriculture. Yet, land
management, in a context of scarcity marked by climate changes and demographic
pressure remains what is at stake to all the population. That is what implies
the numerous conflicts with the coming in of diverse protagonists. This study
aims at showing in what the management of land determines the social link in a
given territory. For this reason a multidisciplinary approach permitted us to
better apprehend the question. Today, land conflicts are periodique due to the
shrink of resources link to land and the competition amongst the various actors
(big urban raisers and rural agriculturist).
III
Key words: Massa land, management, land, rural
dynamics and conflict.
iv
SOMMAIRE
DÉDICACE i
REMERCIEMENTS ii
RÉSUMÉ iii
SOMMAIRE iiiv
LISTES DES SIGLES ET ACRONYMES v
GLOSSAIRE vi
TABLE DES ILLUSTRATIONS vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
CHAPITRE I : PRÉSENTATION ET
CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DU PAYS MASSA 21
I-CARACTÉRISTIQUE PHYSIQUE DU PAYS MASSA
23
II-LA MISE EN PLACE ET L'ORGANISATION SOCIALE DES
MASSA 26
III-LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
31
CHAPITRE II: ACCÈS À LA TERRE DANS LA
SOCIÉTÉ MASSA 39
I-LES PRATIQUES FONCIÈRES AVANT LA COLONISATION
40
II-LA POLITIQUE COLONIALE EN MATIÈRE FONCIÈRE
ET SON IMPACT SUR LA SOCIÉTÉ
MASSA 45
III-AMENUISEMENT DES RESSOURCES FONCIÈRES ET
COMPÉTITION POUR L'ACCÈS À LA
TERRE 51
CHAPITRE III : MANIFESTATIONS ET CONSÉQUENCES
DES CONFLITS 62
I-TYPOLOGIE ET MANIFESTATION DES CONFLITS
63
II-LES ENJEUX LIÉS AUX CONFLITS 73
III-LES CONSÉQUENCES DE CONFLITS FONCIERS
78
CHAPITRE IV : MÉCANISMES TRADITIONNELS ET
MODERNES DE RÉSOLUTION DE
CONFLIT. 83
I-LES MÉCANISMES TRADITIONNELS DE
RÉSOLUTION DES CONFLITS 84
II-LES DISPOSITIFS MODERNES DE RÉGULATION DES
CONFLITS 94
CONCLUSION GÉNÉRALE 102
SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
104
ANNEXES 110
TABLE DES MATIÈRES 115
V
LISTES DES SIGLES ET ACRONYMES
ANADER : Agence Nationale de
Développement Rural
CA : Centre Al-mouna
CB : Commandant de Brigade
CBLT : Commission du Bassin du Lac-Tchad
CEFOD : Centre d'Étude et de Formation
pour le Développement
CILSS : Communauté Inter-État
de Lutte contre la Sécheresse au Sahel
CIRAD : Centre de Coopération
Internationale en Recherche Agronomique
CIT : Convergence Intertropicale
FIT : Front Intertropical
NTIC : Nouvelle Technologie de l'Information
et de la Communication
ONDER : Office National du
Développement rural
OPJ : Officier de la Police Judiciaire
PNGT : Programme National de Gestion de
Terroirs
PPT/RDA : Parti Progressiste
Tchadien/Rassemblement Démocratique Africain
SEMAB : Secteur de Mobilisation et
d'Aménagement de Biliam-oursi
vi
GLOSSAIRE
Blamana : Chef de village
Boum golonga : Prêtre du
fleuve
Boum nagata : Prêtre de la terre
ou encore père de la terre
Boum zina : Père de la
famille
Farana : Désigne le clan, la
richesse
Foulayna : Les génies
Foullah : Brousse
Golla : Pratique qui consiste pour un
individu de confier ses boeufs à une autre personne
Guruna : Forme de pratique culturelle
chez les massa qui consiste pour les jeunes de sortir faire paitre les
boeufs
Hoyok zina : Derrière les
cases
Labana : Désigne la pratique
initiatique
Lawna : Dieu
Moullah : Roi ou chef de canton
Ouana : Mil rouge
Pahna : Le tabac
Poutna : Taureau
Sinena : Un champ
Tchaïna : Le penicilaire
Tchokona : Le sorgho
VII
TABLE DES ILLUSTRATIONS
1- Liste des cartes
|
|
Carte 1 : localisation du pays massa
22
|
|
2- Liste des photos
|
|
|
Photo 1 : Un champ à proximité des
cases à Biliam-oursi .
|
33
|
Photo 2 : Vaste terrain pour la culture du riz
à 15km de l'entrée nord de Bongo
|
34
|
Photo 3 : Ruine de la société
SEMAB à Biliam-oursi
|
35
|
Photo 4 : Vestige d'une machine de labour de
SEMAB
|
36
|
Photo 5 : Campement des éleveurs peuls
à Djarabou
|
..56
|
Photo 6 : Espace autrefois utilisé
pour la culture du mil transformé en verger de
manguiers .58
Photo 7 : Une forêt de manguiers
à l'entrée nord de Bongor .59
Photo 8 : Un troupeau de boeufs
pâturant près d'un champ 70
Photo 9 : Jugement d'une querelle domaniale
entre le blama et une famille .91
Photo 10 : Bâtiment de la brigade de
recherche de Bongor 95
Photo 11 : Bâtiment de l'ANADER, ex
ONDER (office national de développement
rural) de Bongor .97
Photo 12 : Monument indiquant la
sous-préfecture de Guelendeng ..99
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE I- OBJET DE
L'ÉTUDE
L'interaction entre l'Homme et son environnement est souvent
source de conflits dont les causes sont liées aux dynamiques rurales
dans un contexte où tout le monde cherche à subvenir à ses
besoins vitaux grâce aux ressources de la terre. Les terres deviennent,
pour ainsi dire, des véritables motifs sociaux tant elles constituent
des sources d'acquisition des biens, des capitaux. Leur raréfaction et
la configuration de leur disponibilité sont conflictogènes. Si
certains conflits sont observés au niveau des États, d'autres
naissent dans les villages, les cantons rendant quelquefois difficiles leur
gestion. La gestion des conflits fonciers, de façon équitable et
durable, constitue un problème majeur auquel font face, quotidiennement,
les États africains. La configuration spatiale occupe ainsi une place
importante dans l'évolution des sociétés humaines et
figure parmi les grandes questions de l'Histoire.
Toutefois l'on sait que la forme et l'intensité des
discordes, en ce qui concerne l'accès aux ressources, varient
considérablement d'une communauté donnée à une
autre, en fonction du lieu et du temps. Les conflits naissent souvent du fait
que les Hommes désirent exploiter la terre comme ils l'entendent et se
l'approprier pour toujours. Certains différends sont liés aux
intérêts égoïstes et aux besoins inassouvis des uns et
des autres. En effet, l'acquisition des ressources de la terre ne se fait pas
sans gêne. Toutes les fois que les produits de l'agriculture sont
abondants, par exemple, on s'attire la jalousie ou l'envie de l'Autre. Chacun
voudrait gagner, tirer les faveurs de la nature. Dès lors, certains
groupes se sentent lésés et/ou leurs priorités
négligées ou confisquées par les autres.
C'est pourquoi dans une communauté qui vit de
l'agriculture, le droit à la terre est à la fois une
nécessité et une évidence : exclure un paysan de la terre,
c'est le condamner à mort (Coquery-Vidrvitch, 1983:7), parce que la
culture est la principale activité économique en Afrique et plus
particulièrement au Tchad. C'est dans ce contexte que le
géographe canadien Frédéric Lassere, lors de ses
enquêtes en Afrique, a recensé des dizaines de conflits
liés à la gestion des ressources (l'eau, terres), (Bouquet,
2014). Au Burkina Faso par exemple, l'administration des ressources
2
naturelles avait occupé une place importante dans
l'émergence des contestations en milieu rural. Elle fut à la base
de nombreux heurts (Alkassoum Maiga, 2006:168). C'est aussi le cas du Zimbabwe
où, en 1989, l'appétence de la terre fut à l'origine de la
naissance d'un grand mouvement rebelle (Nancy, Sadomba, 2006:125).
Le peuple Massa, dans le Mayo-Kebbi (sud-ouest du Tchad) donne
à voir un exemple où les conflits liés aux ressources
(terre) émaillent les relations entre les tribus. Bases de toutes les
activités économiques, les terres cultivables, dans cette partie
du Tchad, revêtent des enjeux multiples d'ordre économique,
socioculturel, voire politique. L'agriculture et la pêche sont un moyen
d'affirmation de l'identité ethnique et culturelle en pays Massa et
constituent la base de toutes les activités économiques. La vie
de l'homme massa est attachée au sol et à l'eau et, rien n'est
plus fatal et désastreux que de l'en déposséder. Ces
ressources revêtent une importance capitale et ont une dimension
économique incontestable dans la société massa, car
quasiment toute la population vit essentiellement des produits de la terre et
de l'eau. C'est pourquoi leur acquisition demeure un problème majeur,
comme pour nous rappeler le vieil adage français « qui terre a
guerre a ».
Comme n'importe quelle société, les conflits
fonciers en pays Massa n'éludent pas la question d'autochtonie et
d'allochtonie où la croissance démographique cause une difficile
répartition spatiale en termes de ressources. Nombre de conflits ont
lieu entre les agriculteurs, d'une part, et les agriculteurs-éleveurs,
d'autre part.
De ce qui précède, les conflits en pays Massa
révèlent l'importance de la terre dans un contexte fortement
marqué par une pression démographique accroissant les besoins en
termes d'alimentation. Cela signifie que la terre est intrinsèquement
liée à l'évolution de cette société. C'est
sur les conflits liés à l'accès aux ressources de la terre
que nous avons jeté notre dévolu. L'intitulé de notre
sujet est donc : « Accès à la terre et conflits au Tchad
: cas du « pays massa » (XXe-XXIe
siècles) ». Notre sujet s'inscrit dans le champ de l'histoire
politique, du fait que tous les systèmes humains dynamiques sont par
nature conflictuels et impliquent des logiques d'intérêt, et
environnemental, car il s'agit de l'interaction entre l'homme et son
environnement.
II- 3
RAISONS DU CHOIX DU SUJET
Pour traiter ce sujet, un certain nombre de raisons ont
meublé notre choix. Elles découlent de notre intérêt
pour les activités rurales de manière générale et
de l'interaction des hommes qui y vivent avec leur environnement.
Aussi, le choix de notre zone d'étude n'est pas
fortuit. Il se justifie par notre connaissance du milieu et la maîtrise
du cadre d'étude. Notre statut de chercheur en situation de
proximité serait bénéfique pour nous. De plus, le pays
massa apparait comme une zone où les conflits fonciers sont
fréquents. Cependant, on constate une rareté notoire des ouvrages
scientifiques sur le sujet.
L'autre raison, qui nous pousse à aborder ce
thème, est l'attitude des acteurs de ces conflits qui peinent à
respecter les décisions de justice. Dès lors qu'une
décision est prise, elle est automatiquement contestée par
l'autre camp. Les textes réglementaires, traditionnels ou modernes, sont
peu clairs et cèdent place aux interprétations des us et coutumes
de chaque camp.
III- INTÉRÊTS DE L'ÉTUDE
La question foncière compte parmi les défis
auxquels les pays en développement sont confrontés. Elle est
caractérisée ainsi par une multiplicité de droits sur un
même espace et dont l'accès est source de tension. En ce sens,
notre étude présente des intérêts particuliers.
D'abord, elle est une contribution scientifique à
l'historiographie africaine et plus précisément à
l'histoire du Tchad. Cette étude nous permet de comprendre les
difficultés liées à la gestion, à l'exploitation
des ressources(les terres), considérées comme support de toutes
les activités productrices pour l'homme. Il s'agit aussi de donner la
place que ces ressources occupent dans l'organisation des activités
humaines dans la société Massa. Elle peut aussi aider à
comprendre les fondements historiques des conflits en pays massa et proposer
des stratégies quant à leur résolution.
4
IV- CADRE SPATIO-TEMPOREL
Le présent travail a pour cadre spatial le pays
massa(Tchad). Le pays massa ici renvoie à l'espace géographique
occupé par les Massa du Tchad. Il est un territoire de la région
du Mayo-kebbi Est dont le chef-lieu est Bongor. Situé
géographiquement au sud-ouest du Tchad, dans les départements
Mayo-Boney et Mayo-Lémié, il compte sept sous-préfectures
(Nguelendeng, Katoa, Bongor, Rigaza, Gam, Moulkou et Samga)1. Le
pays massa est composé au total de dix cantons repartis sur l'ensemble
de ces Sous-préfectures (Koumi, Magao, Touhra,
Télémé, Bongor, Tougouday, Ham, Lolon, Mogrom, Mita). Il
se trouve dans la zone comprise entre le 8ème et le
12ème degré de latitude nord et entre le
14ème et le 17ème degré de longitude
Est2. Le pays massa est limité au Nord par le pays Baguirmi,
à l'Est par le pays Kim, Moussey, au Sud par le pays Toupouri et au
Sud-est par leur frère Massa du Cameroun. Le pays massa ne connait
qu'une répartition territoriale en terre appelée
Nagata3( Dumas-Champion, 1983:20).
De façon générale, toute la partie
méridionale du Tchad est sous l'influence d'un climat tropical humide
à deux saisons, une sèche et une pluvieuse. Les
pluviométries annuelles sont comprises entre 1200 et 1400 mm/an
(Souapibé Pabamé Sougnabé, 2003:3). La saison de pluie
dure 4 à 5 mois, de Mai à Septembre (ibid). Le pays massa est
situé dans la zone soudanienne plus ou moins boisée à
combrétacées. Il est sous l'influence d'une zone climatique qui
conditionne trois types principaux de sols : ferralitiques, ferrugineux
tropicaux et hydro morphes. Ces nombreux types de sol favorable à
l'agriculture, permettent une gamme très variée de culture en
pays Massa.
En ce qui concerne le milieu humain, le pays Massa est connu
au début comme abritant les Massa. Cependant, avec les quatre
dernières décennies, les guerres qu'a connues le pays ont
provoqué le déplacement des hommes sur le territoire,
occasionnant ainsi l'installation d'autres peuples venant des régions
voisines. Le
1 https//
fr.m.wikipdia.org
2 Cette situation géographique est celle de
la région du Mayo-Kebbi Est et le pays massa en fait partie. Confer
https//
fr.m.wikipdia.org
3Nagata désigne en massa terre (espace
habitable) ou terres (espace arable).
5
peuplement de cette région est ancien,
consécutif aux mouvements migratoire qui se sont déclenché
autour du Lac-Tchad avec le mythe Sao.
Nos bornes chronologiques ne sont pas le fait d'un hasard. Le
XXe siècle choisi comme borne supérieur est en effet
celui de la mise en place mais aussi de la maturation des
sociétés massa4, avec une organisation sociale dont la
cellule de base était la famille. Étant une société
segmentaire, l'espace était géré selon les besoins de la
population qui pratiquait une agriculture de subsistance.
En plus, le XXe siècle est un siècle
important dans l'histoire du Tchad car il est caractérisé par la
colonisation. La présence étrangère dans le territoire
tchadien impose sa politique en matière d'administration. Alors que les
terres, chose sacrée de la nature considérée comme un
patrimoine donc l'accès et l'utilisation dépendait d'un
prêtre et était de ce fait inaliénable, la politique
coloniale en matière foncière en fit un objet dont
l'appropriation est possible, causant ainsi un sérieux problème
quant à leurs gestions. Elle favorisa l'appropriation privée et
publique de la terre sans tenir compte des droits coutumiers. Ceci a permis
ainsi à certains exploitants de se soustraire au contrôle des
chefs traditionnels en vertu du principe législatif selon lequel la
terre appartient à l'État et sa jouissance est accordée
à celui qui l'exploite. Après les indépendances, le Tchad
connait sur son territoire, différents régimes, lesquels
régimes ont impactés négativement le pays. Ce contexte
d'insécurités fut bénéfique pour certains Chefs
traditionnels qui ont conquis de vastes espaces. Ces périodes
marquées par les troubles ont occasionné le déplacement
d'une grande population du sud vers la région du Mayo-Kebbi. Toutefois,
l'on identifie une population faible originaire du Nord-Est, majoritairement
commerçante.
En fin le XXIe siècle choisi comme borne
inférieur est celui marqué par une insécurité
dominée par les conflits armés, occasionnant une vague de
migration d'une forte population musulmane dans la région. De ces
constantes migrations, celles des éleveurs ne sont pas ignorées.
À la recherche des pâturages pour leurs
4 Nous parlons de la maturation parce que la
société massa était à cette époque bien
organisée avec une structuration basée sur la famille et le chef
était le père. Cette organisation propre aux Massa connait un
changement avec l'arrivé des colonisateurs.
6
troupeaux, nombre d'éleveurs venant de la partie nord
du pays ont intégré la région du Mayo-Kebbi. Cette
activité dans la région suscite l'envie de certains hauts
fonctionnaires de la région qui, du coup s'adonnent à cette
pratique. Il nait une nouvelle forme d'élevage, cette fois-ci
l'élevage des généraux et des grands commerçants.
Le pays massa connait ainsi une croissance démographique
accélérée, provoquant une extension territoriale,
entrainant la raréfaction des espaces vitaux, ce qui provoque des
conflits. Ainsi, le XXIème siècle apparait comme celui
marqué par les conflits les plus récurrents entre les
différents acteurs.
V- CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE V.1-
Cadre conceptuel
Cette étude s'inscrit dans un cadre conceptuel et
théorique dont la présentation participe à la
définition de certains concepts. Il s'agit d'entrer de jeu d'expliciter
ces notions en levant un pan de voile sur ce qu'on entend par : ressource
naturelle, foncier, conflit.
On dénomme ressource naturelle5 les diverses
ressources minérales ou biologiques nécessaires à la vie
de l'homme et à ses activités économiques. Celles-ci
peuvent être subdivisées en deux groupes distincts :
Les ressources naturelles non renouvelables constituées
par les matières premières minérales et les combustibles
fossiles, qui proviennent de gisements formés au cours de l'histoire
géologique de la terre et correspondant à un stock, par essence
même, épuisable6.Les ressources naturelles
renouvelables qui peuvent, en principe, être exploitées sans
épuisement, étant capables de se régénérer
en permanence. Elles regroupent l'eau, les sols (terre cultivable) ainsi que
les ressources biologiques, qui sont constituées par les
communautés vivantes exploitées par l'homme (forêts,
pâturages, pêcheries maritimes, biodiversité) et par des
ressources génétiques (variétés de plantes
cultivées et races d'animaux domestiques)7. Cette
définition rejoint celle
5 Dictionnaire Encyclopédique en
ligne. www.universalis.fr
consulté le 27-02-2017 à 23h23. 6Ibid
7Ibid
7
donnée par le FAO en 2006, qui pense que les ressources
naturelles sont souvent classées en ressources renouvelables et en
ressources non renouvelables.
Les ressources naturelles renouvelables sont définies
comme des ressources dont la source ne peut se tarir (exemple : biomasse des
arbres, eau douce, poisson...), généralement parce qu'elle fait
l'objet d'un processus de production continu. Les ressources non renouvelables
sont des ressources naturelles qui ne sont pas naturellement
reconstituées une fois qu'elles ont été
récoltées. Elles peuvent être utilisées
jusqu'à l'épuisement ou jusqu'à un point il devient
économiquement impraticable d'en tirer quoi que ce soit8.
Dans le cadre de la présente étude, les
ressources naturelles renouvelables sont celles qui intéressent notre
travail. Nous définissons les ressources naturelles comme étant
l'ensemble de la surface terrestre, important pour la survie humaine et donc
l'accès est source de conflit.
Le concept « foncier » a plusieurs
définitions. H. Frechou cité par (Le Bris, 1983:11)
définit le foncier comme un « ensemble des rapports entre les
hommes impliqués par l'organisation de l'espace ». Le foncier se
définit comme « l'ensemble des règles définissant les
droits d'accès, d'exploitation, de contrôle de la terre. »
Cette large acception met l'accent sur la dimension sociale du foncier, le
rapport entre les hommes et les groupes sociaux, partie intégrante du
fonctionnement de la société. Elle en souligne le
caractère global et pluridisciplinaire. Le foncier met en effet en jeu,
différentes échelles (Le Bris E et al ; 1998 : 13).
Pour J.P Sawadogo, (1994) citant un rapport du PNGT/CILSS
1993, le foncier est un rapport déterminé par l'appropriation de
l'espace. Le foncier est constitué par la terre et les autres ressources
naturelles (l'eau, la faune,...) comme capital physique et facteur de
production et par l'ensemble des relations sociales entre les individus et
groupes sociaux pour l'appropriation de la terre.
Le concept a été défini lors des
journées du CIRAD tenues en Septembre 1990 à Montpellier comme
« l'ensemble particulier des rapports sociaux ayant pour le support la
terre ou l'espace territoriale ». Ces rapports sociaux sont principalement
déterminés
8
http://www.fao.org/forestry/,
consulté le 20/06/2017.
8
par les facteurs économiques (accumulation privative du
capital et extraction de rente), juridique (norme d'appropriation et
modalités de règlement de conflits) puis par les techniques
d'aménagement pouvant matérialiser et caractériser ces
rapports en autant de région distincte.
Pour (A. M. Bonfiglioli, 1987:3) « la notion du foncier
désigne, d'une manière générale, l'ensemble des
relations que des individus ou des groupes d'individus entretiennent avec
l'espace physique et, plus particulièrement, avec la terre,
considérée en tant qu'objet du travail ». Sans pour autant
juger la crédibilité de ces deux définitions, celle
donnée par la conférence de Praia sur la problématique
foncière et la décentralisation au sahel nous semble claire et
complète :
« Ce qu'on appelle « foncier » dans ce
document, est constitué à la fois par la terre et les ressources
naturelles qui y sont directement attachées, et l'ensemble des relations
entre individus et groupes pour l'appropriation et l'utilisation des ressources
». Cette définition cadre bien avec notre travail qui
s'intéresse essentiellement au foncier rural.
Comme on peut l'analyser, le concept du foncier est
multidimensionnel. Il met en jeu des facteurs économiques (la valeur de
la terre, l'enjeu économique de son contrôle), juridiques (les
normes coutumières ; le statut légal de la terre et les
ressources, les dispositifs législatifs), institutionnels (les instances
d'arbitrages, de décision, l'administration foncière), techniques
(les techniques d'aménagement de l'espace qui transforment la valeur et
parfois le statut de la terre).
Dans le cadre de la présente étude, nous
définissons le foncier comme un capital physique constitué des
terres et de toutes les ressources qui les constituent en rapport aux actions
des hommes.
Le concept « conflit » revêt aussi un
caractère central dans cette étude. D'une manière
générale, tout conflit implique toujours, quels que soient ses
origines, ses objectifs et son déroulement, une opposition ou un
antagonisme entre des catégories d'acteurs aux intérêts
momentanément ou fondamentalement divergents. C'est une notion
très large qui s'impose à chaque sphère et niveau de la
vie. Il peut engendrer des conséquences positives et négatives si
on ne les contrôle pas très bien. Le mot
9
conflit est tiré du mot latin conflictus9.
Il est apparu entre les années 1375 et 1425. Ce mot en latin veut dire
combattre. Le conflit est une rencontre d'élément, de sentiments
contraires, qui s'opposent ; un antagonisme, une discorde, une lutte, une
opposition ou un tiraillement (Dictionnaire le Nouveau Petit Robert, nouvelle
édition, 2000:510).
Alain Touraine, définit le conflit comme une relation
antagonique entre deux ou plusieurs unités dont l'une au moins tend
à dominer le champ social de leurs rapports (Touraine, 1988:501). Le
terme conflit généralement s'étend comme « une
opposition ou un affrontement plus ou moins aigu ou violent entre deux
tendances » Grawitz, M cité par (Sambo, 2010:85).
Pour J. Freud, le conflit est un affrontement ou un heurt
intentionnel entre deux êtres ou deux groupes de même espèce
qui manifestent l'un à l'égard de l'autre une intention hostile
en général, à propos d'un droit et qui pour maintenir,
affirmer ou rétablir ses droits essaie de briser la résistance de
l'autre, éventuellement par le recours à la violence qui peut, le
cas échéant, tendre à l'anéantissement physique de
l'autre (J. Freud, 1933:65).
Shomba quant à lui, pense que le conflit est une
situation dans laquelle deux ou plusieurs êtres ou groupe humains
cherchent activement à se contrecarrer les objectifs et à
s'empêcher la satisfaction des intérêts jusqu'au point de se
faire mal ou de détruire l'autre (Shomba Kingyamba, 2006). Dans une
thématique environnementale comme c'est le cas ici, il faut donc
entendre par conflits, les affrontements inter-tribus et
agriculteurs-éleveurs résultant de l'accès à la
terre.
V.2- Cadre théorique
Le 21 siècle est marqué par les débats
autour de l'environnement, mettant l'accent sur les dynamiques conflictuelles
liées à la terre. Axé sur le monde rural, la question
foncière est en passe de cesser d'être uniquement la
préoccupation d'une catégorie de spécialistes pour devenir
la préoccupation de tous les chercheurs. C'est ainsi que nous assistons
à l'émergence de plusieurs théories qui essayent chacune,
de donner des explications aux nombreux conflits qui jalonnent le monde. La
théorie réaliste, stipule que le conflit est un défi dans
la nature de l'Homme, qui est égoïste et
9
https://dictionnaire.com,
consulté le 20/06/2017.
10
qui, selon elle fait que la société fonctionne
de manière antagoniste, du fait que chaque participant et ces groupes
d'individus luttent pour maximiser leurs avantages. Ceci pour dire que l'homme
a un besoin naturel de poursuivre son intérêt qui est le Pouvoir.
Celui-ci est la compétence ou la capacité de faire quelque chose
ou encore de contrôler et influencer ce que les autres font.
Pour certains auteurs, les conflits multiformes
observés dans le monde, sont les conséquences de la
raréfaction des ressources naturelles qui ne répondent pas aux
besoins des populations. Pour d'autres, ce n'est pas tant le problème de
la disponibilité des ressources qui se pose mais plutôt celui de
leur répartition équitable entre population. Il est question dans
les deux thèses sus-évoquées du problème de la
disponibilité des ressources d'une part et celui de leur gestion d'autre
part.
C'est ainsi que Homer Dixon pense que les guerres futures et
les violences civiles proviendront de la diminution des ressources. Pour lui,
autant le changement climatique contribue à la réduction des
ressources, autant il contribue à causer les guerres dans le monde
(Dixon, 1999).
Des exemples tels que le conflit sierra léonais,
où les ressources sont accaparées par la classe dirigeante au
détriment du bas peuple fut à l'origine d'une lutte armée.
Appartenir à la même aire n'est pas synonyme de cohésion ni
d'absence de conflits entre les partenaires en présence (Domo, 2014:15).
Au contraire, c'est à ce niveau que les rivalités se font parfois
plus denses, plus acerbes, empêchant du coup une meilleure
compréhension entre les individus qui ne demande qu'à conjuguer
tous les efforts en vue de taire les rivalités factices qui continuent
à meubler les journées et les soirées de certains, surtout
dans les commérages dévastateurs (ibid). Toutefois, le cas le
plus patent est la guerre du Darfour qui est selon Tubian(2006), un conflit
lié à la terre. L'enjeu foncier n'a jusqu'à présent
pas été suffisamment pris en compte dans l'analyse de la crise du
Darfour. Il éclaire pourtant bien des aspects du conflit. Les
janjawid recrutent ainsi principalement au sein de groupes d'Arabes
nomades privés de droits fonciers « traditionnels », qui
espèrent en tirer profit pour s'assurer la possession de terres dont ils
ressentent de plus en plus le besoin.
Pour Kaplan Robert(1994), tous les conflits qu'on observe en
Afrique résultent de la compétition d'accès aux ressources
naturelles. Dès lors, la concurrence pour
11
l'accès aux ressources oriente les relations
internationales. Cette situation conflictuelle due à l'accès aux
ressources naturelles dans un contexte global peut être observée
au Tchad. Comme dans beaucoup de sociétés, le pays massa est
confronté à ces difficultés foncières. Car le
foncier engendre des conflits entre les différents groupes. La
compétition pour l'accès au sol est déterminante,
créant chaque année des conflits entre les différents
usagers. La croissance démographique animale et humaine sur le
territoire massa à des conséquences sur l'espace. Les hommes sont
dans un contexte de compétition où tous les moyens d'acquisition
de l'espace sont bons. Ainsi des conflits éclatent quasiment chaque
année et l'on enregistre des conséquences plus ou moins
dramatiques.
C'est dans ce sens que Frédéric Lassere, lors de
ses enquêtes en Afrique, a recensé des dizaines de conflits
liés à la gestion des ressources (l'eau, terres), (Bouquet,
2014). Pour le cas du pays Massa, c'est d'ailleurs l'exemple pertinent qui
s'observe à la lumière de la pression démographique dans
cette région située au sud-ouest du Tchad. L'accroissement de la
population crée donc une demande considérable en termes de
ressources. Or il se trouve que les terres, choses sacrées de la nature,
semblent posées un sérieux problème quant à leur
gestion. Les estimations livrées par les historiens font état
d'une population mondiale estimée entre 600 et 700 millions d'individus
en 1750. Un siècle plus tard la planète comptait 1,2 milliards
d'individus. En 1950, la population mondiale était estimée
à 2,5 milliards d'habitants. Fin 2011, le cap des 7 milliards a
été dépassé et la plupart des projections
prévoient une population de l'ordre de 9 milliards d'habitants en 2050
(Cambrézy, Sangli, 2011:75-93). Cette situation est elle-même la
conséquence de la rupture de l'équilibre entre population et
ressources disponibles. Il s'agit là de la position des tenants de la
thèse malthusienne de la proportionnalité entre dynamique
démographique et ressources disponibles.
En termes globaux, l'accroissement de la population mondiale a
eu pour fin une augmentation considérable des superficies
anthropisées. Que les terres soient affectées à l'habitat
ou à l'agriculture, ce processus d'expansion territoriale s'est
essentiellement fait par la « mise en valeur » d'espaces auparavant
inoccupés. Selon le rapport de l'OXFAM (2011), « la part de la
superficie mondiale consacrée à l'agriculture a
12
augmenté régulièrement depuis les
années 1960, avant de culminer à 38 % au début du
21ème siècle »10. Au total, la croissance rapide
de la population au cours du siècle passé a eu pour effet une
augmentation générale des espaces ruraux. Cette consommation
continue d'espace est au coeur de très nombreux débats
contemporains. Elle relance le spectre du surpeuplement et de
l'épuisement des ressources.
Longtemps l'abondance des terres dans le pays Massa a
donné l'impression aux populations quelles sont des ressources
sacrées et donc l'appropriation ou l'utilisation fut l'héritage,
avec la bénédiction du boum nagada11. Si la
réalité de la pression démographique observée
durant les dernières décennies cause une difficile
répartition en termes de ressources, dès lors la concurrence pour
l'accès aux ressources oriente les relations internationales (Sambo,
2012:9). Le problème qui se pose ici, est la mauvaise distribution des
terres mais surtout la pauvreté, l'égoïsme et le besoin
inassouvi des uns considérés comme caractéristiques
conflictogènes. Au vu d'un tel contraste, la question de la
disponibilité foncière au regard de la démographie
actuelle est d'autant plus cruciale que, dans la perception collective comme
dans la parole de nombreux experts, l'avenir de la planète et en
particulier celui des pays du sud se jouerait en grande partie dans la relation
établie entre développement et régulation de la croissance
de la population (Houdeingar, 2008 :10).
La mesure d'une éventuelle pression sur le sol
dépend en effet de ce qu'un agriculteur est en capacité de
cultiver eu égard au contexte écologique, aux conditions
techniques qui sont les siennes et à la durabilité du
système de production. Dans des économies encore tournées
vers l'agriculture, comme c'est le cas en zone Massa, la relation entre
pression démographique et disponibilité des terres conduit
à de nécessaires adaptations. En effet, au niveau collectif de
l'ethnie, du lignage, du village, comme de la famille, l'accroissement de la
population aboutit à une réduction des superficies cultivables.
Dans cette configuration, et si rien ne change, la réduction des
superficies moyennes des exploitations a priori devient inévitable.
Génération après
10OXFAM, Terres et pouvoirs. Le scandale
grandissant qui entoure la nouvelle vague d'investissements fonciers, 2011, 42
p.
http://www.oxfamfrance.org/IMG/pdf/Oxfam_Terres_et_Pouvoirs_22092011.pdf
- consulté le 20/06/2017.
11Boum nagada, nom du dieu de la terre ou maître
de la terre.
13
génération, se pose alors de manière
toujours plus aigüe la question de la transmission de l'exploitation aux
descendants.
Les théories néo-institutionnelles pensent que
les conflits fonciers comme c'est le cas ici, sont vus comme les
mécanismes de médiation à travers lesquels s'exprime une
« demande sociale » de changement institutionnel (Oumar
Goumaïna, 2015:1011). Dans cette approche, le changement économique
c'est-à-dire l'augmentation progressive de la rareté et de la
valeur des terres, conduit à des conflits causés par la
propriété foncière. Ces conflits sont alors
considérés comme le reflet de « l'inadaptation des
systèmes préexistants d'identification et d'administration des
droits sur la terre » (Chamini et al., 2000 :82).
Plus récemment, une nouvelle formulation en a
été faite, d'inspiration institutionnaliste, pour mieux rendre
compte des réalités empiriques, en s'appuyant sur les
théories récentes « l'innovation institutionnelle induite
»12 Dans cette optique, la compétition croissante
entraîne des revendications contradictoires sur un même espace et
des incertitudes sur les droits fonciers (qui sont en phase de transition : ils
ne sont ni l'application des principes coutumiers, ni l'expression du droit
moderne) (Adholla cité par Delville, 1998 : 153).
Cette situation aboutit à une multiplication des
conflits et une surexploitation des ressources, ce qui provoque une demande
d'innovation institutionnelle. Les producteurs demandent (explicitement ou non)
à l'État d'intervenir, et de mettre en place un régime de
propriété privée, par des procédures
d'enregistrement ou de délivrance de titre. Une telle intervention
permet de rétablir la paix sociale, en clarifiant des exploitants
dynamiques. Elle permet également l'accès au crédit, le
tout encourageant l'investissement dans la terre et les gains de
productivité.
Selon le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest,
l'insécurité foncière et l'accès aux ressources
naturelles, en particulier l'eau, dans les terres de culture et de
pâturage, sont des facteurs pouvant entraver les dynamiques de
transformation de
12file:///C:/Users/user/Desktop/13/impact%20poli.html,
consulté le 20-07-2017.
14
l'agriculture et l'amélioration des moyens d'existences
des populations. Des droits inéquitables, incertains ou ambigus traitant
la question d'accès à la terre et une politique foncière
non transparente peuvent contribuer à l'exacerbation des conflits
(Tasbé Djimadoumadji, 2012:5). Cela a été le cas notamment
dans les pays du fleuve Mano (Liberia, Sierra Leone), en Côte d'Ivoire et
dans les pays de grands lacs (République du Congo). L'auteur pense que
les tensions entre différents groupes socioéconomiques ou groupes
des producteurs (agriculteurs et éleveurs...) peuvent causer des
épisodes de conflits violents susceptibles de
dégénérer au niveau national et transfrontalier comme
c'est le cas au Liberia et en Sierra Leone (Ibid). En pays Massa l'on constate
également les conflits opposant les différents villages de la
région. C'est le cas des conflits qui opposent la communauté
biliam 1 à celle de biliam 2. Elles disputent la propriété
d'un terrain de plus de 50 hectares.
VI- REVUE DE LA LITTÉRATURE
La question d'accès à la terre et conflit en
milieu massa est un sujet peu documenté scientifiquement. En l'abordant,
nous avons le sentiment de n'être pas capable eu égard à sa
densité, sa complexité et son originalité. La
difficulté est réelle d'autant plus que les ouvrages y
afférents sont quasi-inexistants. Même si nous n'avons pas
l'ambition de frayer du chemin seul, nous estimons que l'entreprise est
nouvelle et nécessiterait de grands efforts tant documentaires
qu'empiriques. Quoique le sujet qui nous intéresse soit peu
documenté, nous ne trouvons pas de raison solide de ne pas l'aborder.
Malgré cette absence, nous nous sommes focalisé sur un certain
nombre d'ouvrages qui ont rendu possible ce travail. C'est le cas des travaux
de thèse, de master, d'articles ou d'ouvrages:
Françoise Dumas-Champion (1983), ethnologue
française, fait une étude ethnographique des Massa du Tchad. Il
s'agit d'une étude portant sur les bétails et les
sociétés sous un angle essentiellement anthropologique. C'est
ainsi que la question des origines, des répartitions des tribus ou clans
massa est soulevée. À l'occasion, elle indique que ce peuple
dépend, pour sa survie, de l'agriculture, de l'élevage et de la
pêche. Au final, l'accent est mis sur l'intérêt que portent
les Massa sur leurs bovins. En
15
d'autres termes, c'est un peuple qui allie les deux
activités à savoir l'agriculture et l'élevage.
Ensuite, si Françoise Dumas Champion a focalisé
son travail sur les Massa du Tchad, Jean Cabot, (1965), quant à lui, axe
ses travaux sur le Tchad en général. Il décrit les
activités physiques, humaines et économiques du bassin du Moyen
Logone partagé entre le sud-ouest de la république du Tchad et le
nord-est du Cameroun. L'auteur présente le milieu naturel ainsi que le
peuplement et le genre de vie dans la zone. Il fait passer en revue les
différents groupes occupant cet espace géographique du Tchad et
leur interaction. Une étude sur les Massa du Tchad faite par l'auteur
explicite les activités que mène ce peuple répartie entre
les deux fleuves que sont le Logone et le Chari. L'auteur met l'accent sur
l'importance que le Massa accorde à l'agriculture et à la
pêche, comme souligné par Champion.
Tout aussi remarquable est, la contribution de Catherine
Coquery-Vidrovith, (1983), qui aborde dans son ouvrage les rapports entre
l'homme et la terre en Afrique. L'auteur démontre qu'en Afrique, les
terres sont une richesse inouïe pour le continent africain et donc la
gestion reste un problème majeur. C'est ainsi qu'elle affirme que :
« dans une communauté qui vit de l'agriculture, le droit à
la terre est à la fois une nécessité et une
évidence : exclure un paysan de la terre, c'est le condamner à
mort» (Coquery-Vidrovith, 1983:7).
Armi Jonas, (2006), traite de la question foncière dans
la région du Mayo-Kebbi en général. L'auteur aborde le
processus d'acquisition du sol, notamment le titre foncier et les
problèmes auxquels sont confrontées les différentes
communautés de la région du Mayo-Kebbi. Selon lui, les
problèmes fonciers dans cette partie du Tchad sont dus au
phénomène d'autochtonie et d'allochtonie. Cette étude
s'apparente à la nôtre eu égard à l'accent qu'elle
met sur les concepts d'autochtonie et allochtonie.
L'ouvrage de J. Blache et F. Milton est une contribution
à la connaissance de la pêche dans le bassin hydrographique du
Logone, du Chari et du Lac Tchad. Il permet de saisir le déroulement et
les différentes techniques utilisées pour la pêche chez les
peuples du bassin du lac Tchad. Cette étude aborde la distribution des
activités de pêche dans un cadre géographique et ethnique.
Elle fait tour à tour état de cette activité chez les
Massa, les Kotoko et les Mousgoum.
16
Sambo Armel, (2010), montre l'importance de l'eau et de ses
ressources dans un contexte marqué par la rareté des produits
alimentaires, où l'offre est faible par rapport à la demande.
L'eau est une nécessité et sa gestion prête toujours
à confusion dans le bassin du Lac-Tchad. Il fait partie des
théoriciens qui pensent que les conflits d'avenir seront ceux de l'eau.
Il en résulte que son travail laisse de côté, les terres
qui constituent la force du monde en termes de production agricole et qui est
le noyau de notre sujet.
De même les travaux de Saibou Issa, (2001), sont d'un
réel intérêt dans le domaine des conflits axés sur
les ressources naturelles. L'auteur met en exergue les relations qui existent
entre la dégradation de l'environnement, l'amenuisement des ressources
et conflits intercommunautaires et interétatiques aux abords sud du Lac
Tchad. Son travail permet de saisir l'évolution écologique de la
région ainsi que les compétitions violentes pour l'accès
aux ressources naturelles. Il analyse aussi les mécanismes
bilatéraux et le rôle de la CBLT en matière de
prévention et de résolution des conflits territoriaux sur le Lac
Tchad. Elle est d'un apport considérable pour comprendre les
différents conflits liés à la gestion de ressources.
Au-delà de nos frontières,
Frédéric Sadron (2008), traite des enjeux fonciers à
Madagascar. Selon l'auteur l'intensification de l'agriculture confrontée
à une forte croissance démographique rend la question
foncière d'autant plus prégnante que les principales
régions agricoles connaissent une saturation de leurs ressources en
terre et donc souvent crée des conflits. Face à la rareté
de la demande de sécurisation foncière de la part des populations
rurales devient donc de plus en plus impérieuse. Il conclut que la plus
part des conflits entre lignage ou entre individu ont pour substrat le foncier.
Cette étude nous montre l'importance des terres en milieu rural et ce
que sa gestion peut générer.
B. Crousse, E. Le Bris, E. Le Roy (1986), quant à eux,
traitent de la pratique foncière en Afrique noire. Selon eux, l'espace
demeure un enjeu considérable quant à sa gestion dans l'Afrique
contemporaine. La double face de l'État dans la gestion du foncier
pèse sur les populations des zones rurales. La lutte des classe en
Afrique à comme fondement les pratiques foncières du fait du mode
d'investissement de l'espace.
17
Souapibé Pabamé Sougnabé (2003), dans son
article, traite des conflits agriculteurs et éleveurs dans la zone
soudanienne au Tchad. L'auteur montre le degré de tensions entre les
deux groupes avec des conséquences énormes. Ces conflits qui,
dans la plupart des cas, trouvent leurs origines dans la gestion des ressources
naturelles et de l'espace, ne laissent personne indifférent tant les
dégâts sont impressionnants.
Une thèse particulièrement édifiante dans
la compréhension des migrations aux abords sud du Lac-Tchad est celui
d'Ahidjo Paul (2012). Dans ses travaux, axés sur écologie et
histoire du peuplement aux abords sud du Lac-Tchad, l'auteur traite de la
migration comme conséquence du changement climatique. Selon lui, la
persistance de la sècheresse et la famine qu'a connue la région
sont les causes du déplacement des populations vers les autres zones.
Ainsi, beaucoup de villages observés aux abords sud du Lac-Tchad sont
des créations récentes et donc l'accès aux ressources est
sujet de tension entre les États frontaliers du Lac-Tchad.
En somme, les auteurs qui nous ont
précédés ont d'une manière ou d'une autre
abordé un aspect de notre sujet. Cependant, la production
historiographique jusque-là s'est beaucoup plus orientée sur la
localisation du peuple massa, passant en revue certaines de leurs
activités mais aussi signalant l'importance que ces dernières
accordent au sol de manière générale. D'autres sont pour
nous un exemple bien que leur zone d'étude soit différente de la
nôtre, ils traitent quand même de la question d'accès
à la terre et des conflits qui en découlent.
VII- PROBLÉMATIQUE
En pays Massa, situé dans le Sud-ouest du Tchad,
l'agriculture est plus développée dans un espace où les
conditions écologiques sont favorables et avec le mil rouge/blanc, et le
riz comme la principale culture de rente.
Les terres cultivables constituent la base de toutes les
activités dans cette région située dans le sud du Tchad.
Avec la pression démographique observée durant les quatre
dernières décennies, le pays massa connait une extension
territoriale. Les terres cultivables deviennent pour ainsi dire des
denrées rares, et les rives leur servant de
18
pêche connaissent une régression due au
changement climatique mais aussi et surtout de l'utilisation abusive par les
populations.
De ce fait, une interrogation centrale faisant fonction de fil
conducteur sous-tend cette étude. Il s'agit de présenter dans une
perspective historique l'importance de la terre et les enjeux liés
à sa gestion. Autrement dit, quelles sont les stratégies et les
modalités d'accès à la terre et en quoi la gestion de la
ressource foncière est source de conflit.
VIII- OBJECTIF
Plusieurs objectifs sous-tendent le choix de notre sujet.
L'objectif général est de montrer la valeur de la terre, ses
ressources et leurs importances dans l'émergence d'une
société mais aussi d'énumérer le rôle que
joue la terre dans l'émergence des conflits. D'autres objectifs
secondaires consistent à :
- Faire la présentation du pays Massa;
- Décrire les conditions d'accès à la terre
en pays Massa ;
- Faire la typologie des conflits et présenter les enjeux
liés aux conflits;
- Analyser les mécanismes de résolution des
conflits en pays Massa ainsi que
leurs faiblesses.
IX- MÉTHODOLOGIE
Tout travail de recherche a son fondement, ainsi que des
méthodes mises en place pour collecter les informations
nécessaires à sa réalisation. Afin d'exécuter ce
travail, nous, avons eu recours à deux méthodes,
c'est-à-dire la collecte de données et le traitement de ces
données. Dans la première partie concernant la collecte de
données, nous nous sommes intéressés aux sources
écrites et orales.
D'abord en ce qui concerne les sources écrites, ce sont
des ouvrages qui abordent notre sujet. Il s'agit aussi des articles,
mémoires, des thèses, des périodiques et d'archives. La
consultation de ces ouvrages fut possible grâce à trois grandes
bibliothèques, Centre Almouna, le CEFOD et l'institut français de
N'djaména. Le
19
Centre de documentation de Maroua qui, à travers les
mémoires et thèses nous a fourni des données susceptibles
pour notre travail.
Afin d'élargir nos sources, une attention
particulière a été accordée aux nouvelles
technologies de l'information et de la communication (NTIC). Des ouvrages et
articles en ligne traitant de la question foncière et de la gestion des
ressources naturelles de manière générale nous ont permis
de mener à bien notre travail.
Les sources orales sont d'une importance capitale dans
l'historiographie africaine, nous y avons mis un accent particulier. Au
préalable pour ce travail, nous avons manifesté un
intérêt particulier aux informateurs qui sont les autorités
administratives et traditionnelles. La population du monde rural a
été incontournable dans le cadre de cette étude. Ainsi,
nous nous sommes intéressés aux paysans agriculteurs mais aussi
aux éleveurs de la région. Toutes les personnes susceptibles de
nous fournir des informations fiables sur le passé et le présent
en pays massa ont été nos cible. Les entretiens se sont faits sur
la base d'un questionnaire élaboré au préalable, et ce
questionnaire est conçu en fonction des catégories
d'informateurs. La méthode des collectes d'informations en ce qui
concerne les sources orales fut la prise des notes. Des outils de la nouvelle
technologie et de l'information nous ont facilité les prises des photos
et les enregistrements.
Une fois réuni toutes les informations utiles à
notre travail, nous avons procédé à leur analyse en
confrontant les informations. Ainsi une approche pluridisciplinaire nous a
permis de mieux appréhender le sujet. L'analyse diachronique dans le
cadre de cette étude nous a permis de restituer la dynamique des
systèmes fonciers et de leurs incidents depuis la société
traditionnelle précoloniale jusqu'aux indépendances.
Cependant, nous avons rencontré un certain nombre de
difficultés lors de notre descente sur le terrain. La première
difficulté se trouve dans la rareté et l'inaccessibilité
de certains documents relatifs aux conflits fonciers en pays Massa. Il faut
aussi noter le manque des archives relatives aux fonciers datant de
l'époque précoloniale. La méfiance de certaines
autorités traditionnelles et administratives a été un
handicap. L'autre difficulté majeure est liée au manque de
l'énergie électrique pour alimenter nos appareils photos et
d'enregistrement. De même, certains documents
20
d'archives intéressants n'ont pu être
photocopiés en l'absence des machines photocopieuses dans les
localités qui ont fait l'objet de notre visite.
X- PLAN
Malgré les difficultés
énumérées plus haut, nous sommes parvenus à
produire ce travail qui s'articule autour de quatre chapitres. Le premier
chapitre est une présentation physique, socioéconomique,
culturelle et politique du pays massa. Le chapitre II met l'accent sur
l'accès à la terre dans la société massa. Quant au
chapitre III, il traite des manifestations et conséquences des conflits
en pays massa. Le dernier chapitre IV porte sur les mécanismes de
résolution des conflits en pays massa.
CHAPITRE I PRÉSENTATION ET
CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DU
PAYS MASSA
Situé dans la région du Mayo-Kebbi Est, dans le
sud-ouest du Tchad entre le pays Kim, Moussey et Toupouri, le pays Massa
dépend des rives du Logone et du Chari qui offre une multitude de
ressources liée à la pêche et l'agriculture. Le pays Massa
est composé en grande partie des Massana13 reparti
en clan bien que l'on observe dans les dernières décennies la
présence des étrangers. La migration de ces derniers dans la
localité se justifie soit par les guerres qu'a connues le pays soit
parce qu'ils sont des éleveurs à la recherche des ressources pour
l'alimentation de leur troupeau. Le présent chapitre présente
d'abord, les caractéristiques physiques du pays Massa, le peuplement
tout en prenant en compte toutes les activités économiques de la
région. Ces éléments sont importants dans la
compréhension des conflits fonciers au pays Massa.
21
13Terme qui désigne les Massa.
Carte : localisation du pays massa
22
Source : Base de données SOGEFI,
KampétéD.K., Taïwé J. W.,
Atlas national du Tchad Octobre 2017
LOCALISATION DE LA ZONE D'ÉTUDE
23
I- CARACTÉRISTIQUE PHYSIQUE DU PAYS MASSA
Le pays massa situé dans le sud-ouest du Tchad, est
plus ou moins homogène sur le plan géographique avec le reste de
la région. De ce fait, les caractéristiques physiques du pays
sont diversifiées, favorable à l'agriculture et à
l'élevage.
1- Le relief
L'étude des géographes portant sur le relief du
Tchad confirme qu'au sud, il y a une dépression du modelé, point
le plus bas du Tchad, 175m. Le pays Massa situé dans le Mayo-Kebbi
présente des bas plateaux et les zones d'accumulation inondables.
À la différence du précédent relief, le pays Massa
se distingue par une alternance de plaines exondées et des plaines
inondables.
2- Le climat
Le pays massa appartient climatiquement à la zone
soudanienne, caractérisée par un climat tropical humide à
deux saisons. Elle bénéficie d'un climat tropical subhumide,
marqué par une pluviométrie annuelle qui dépasse 700 mm et
peut atteindre 1 200 à 1 400 mm pendant les années les plus
arrosées (très variable dans le temps et dans l'espace). La
saison des pluies dure de mai à octobre, avec une concentration des
pluies de juillet à août, puis vient une saison froide (novembre
à janvier) et une saison sèche chaude (février à
avril) où la température dépasse
régulièrement les 40° C (Souapibé Pabamé
Sougnabé, 2003:3).
Le phénomène à l'origine de ces
variations climatiques reste le déplacement, au cours de l'année,
les deux masses d'air (harmattan et mousson) (Oumar Goumaïna, 2015:43). La
première est une masse d'air continental, chaud et sec, qui amène
des vents en provenance de l'Est et du Nord-Est du Sahara et la seconde est une
masse instable d'air maritime, équatorial, humide et relativement frais
en provenance du sud-Ouest. La rencontre de ces masses d'air constitue le Front
Inter Tropicale(FIT) ou la Convergence Inter Tropicale(CIT) dont le balancement
détermine le cycle saisonnier
24
annuel (Cabot, 1965:12). En ce qui concerne la
température, les chiffres les plus élevés sont
observés en fin de saison sèche et plus faible en décembre
et janvier.
Ce type de climat est favorable pour les activités
agropastorales en pays massa. Car les activités économiques
tiennent compte des saisons dans cet espace situé dans le sud-ouest du
Tchad. Grâce au climat soudanien, ces régions permettent le
développement d'une agriculture pluviale et d'un élevage extensif
(Souapibé Pabamé Sougnabé, 2003:3). La saison sèche
est plus favorable aux activités pastorales pour la simple raison que
pendant la saison sèche, les éleveurs profitent après la
récolte pour faire paître leurs bétails dans les champs.
Tandis que la saison des pluies est très propice aux activités
agricoles.
Les activités économiques de la région
sont déterminées par la pluviométrie. Ainsi, en
étudiant le climat de la zone soudanienne, certains géographes
ont conclu que « le rythme de la vie est ici entièrement soumis
à l'alternance régulière entre une saison des pluies, une
période d'intense activité agricole et une saison sèche,
époque des récoltes, des échanges et déplacements
» (Dionnodji Ngass, 2011:18).
3- Réseaux Hydrographiques
L'eau représente une ressource indispensable à
la satisfaction des besoins des hommes dans une société
donnée. Elle joue un rôle primordial dans la vie de tous les
êtres vivant en particulier l'homme. L'eau a été l'un des
facteurs déterminants dans l'installation du peuple massa aux abords du
Chari et du Logone. Parmi les réseaux hydrographiques qui parcourent le
territoire massa, nous pouvons citer : le Chari, le Logone et les mares qui
culminent la région.
Le Chari est un fleuve permanent, long de 1398km, qui prend sa
source en RCA et arrose le Tchad. Il est formé d'une série de
petites rivières : le Bamingui, l'Ouhan, ou Bahr Aouk, le Bahr
Kéita, le Bahr Salamat, qui rejoignent le Chari à Sarh
(ex-For-Archambault). Son passage à la frontière du pays massa,
dans la région du Mayo-Kebbi, permet une pêche saisonnière
chez les populations lointaines et extensive chez les riverains.
25
Le Logone est l'un des fleuves permanents du réseau
hydrographique du lac Tchad. Le bassin versant de ce fleuve est compris entre
le 6e et le 12e degré Nord, puis le 13
e et le 17e degré de longitude Est (Sambo, 2012:41). Il
prend sa source dans les Monts Mbang, massif de l'Adamaoua14. Son
lit acquiert très vite une pente très faible, si bien qu'en
période de crue, en aval de Laï, une partie des eaux se
déverse dans les marais toupouri, que draine le Mayo-Kebbi, affluent de
la Bénoué. C'est ce fleuve qui sépare les Massa du Tchad
de leurs frères du Cameroun. Le Logone dans son cours tchadien coule en
direction approximative SW/NE, s'infléchit et prend une direction
semblable celle du Chari en se rapprochant de lui pour le rejoindre
après 700 km de cours (Blache et Milton cité par Sambo,
2012:42).
4- Les Sols et végétation
Le Tchad est soumis aux influences du climat tropical,
très déterminant dans la formation des sols. Le pays massa est
sous l'influence d'une zone climatique qui conditionne quatre types de sol
à savoir : sols ferralitiques, sols ferrugineux tropicaux, sols
subarides et ethydromorphes. Ces différents types de sols sont
favorables pour l'agriculture. Les sols renferment le témoignage du
passé des hommes et est aussi le lieu où l'on produit toutes les
ressources nécessaires pour survivre. Ils ont une importance capitale
dans la vie de l'homme massa. Le milieu naturel du pays massa constitue un
cadre idéal très favorable au développement des
activités rurales et permet l'installation humaine.
L'existence des réseaux hydrographiques et l'importance
des pluies déterminent la végétation et les
activités humaines. Les formations végétales du Tchad sont
réparties selon les régions. Ainsi, le domaine de la formation
soudanienne correspond à la formation des savanes plus ou moins
boisées. On observe donc une forêt claire composée des
plantes, différentes espèces et une forêt plus ou moins
dense composée des plantes épineuses et de plus en plus
clairsemées. La végétation de type soudano
sahélien, donne un paysage de savanes arborées où dominent
les espèces arbustives suivantes : rônier (borassus
aethiopum), doum (hyphaene thebaica), tamarinier
14Wwwuniversalis.fr/encyclopedie/chari-logone/,
consulté le 17-06-2017.
26
(tamarindus indica), jujubier (zyzyphus
jujuba) et acacia albida (Dumas-Champion, 1983:16).
Toutefois, il est à noter que selon certaines
études conduites sur l'époque préhistorique, le Sahara en
général était couvert par la forêt. Cette couverture
végétale disparaît progressivement à cause de la
désertification, de la surexploitation et de la pression excessive
exercée sur les terres par la population (Sambo, 2012:33). En effet, le
pays Massa était autrefois couvert par l'eau. Avec l'effet du changement
climatique, il a fait place à la forêt claire. Sous l'afflux d'une
population dense, croissante, les zones boisées se sont
rétrécies. Le constat grave est de savoir que les plantes ne
peuvent germer suite aux feux de brousse. Nous retenons dans cette partie que
la végétation contribue durablement à la production
agricole et pastorale et à toutes les activités liées
à la terre.
II- LA MISE EN PLACE ET L'ORGANISATION SOCIALE DES
MASSA
En étudiant l'histoire de toutes les
sociétés, l'on convient qu'elles ont toujours un point de
départ. Ainsi, dans cette partie, il s'agira pour nous de mettre
l'accent sur l'origine des Massa tout en passant en revue leur organisation
socio-politique et culturelle.
1- Peuplement
Les villages situés aux alentours de Bongor offrent
tous les mêmes conditions géographiques. L'histoire des Hommes
massa est ancienne et très complexe. Il est question d'expliquer le
phénomène migratoire ayant conduit à la mise en place de
la population Massa dans le Mayo-kebbi.
Le peuple vivant dans les plaines Nord-Bongor appartient au
groupe ethnique majoritaire, les Massa. Ils sont repartis aux abords du Logone
et du Chari depuis le Canton Macrom jusqu'à Kolom. Le groupe le plus
important qui s'étend au-delà du canton Koumi est la grande
famille Goumaye. Les Bayiga et les Walia Tougou sont le groupe moins important
démographiquement. La répartition actuelle des tribus et des
familles est le résultat d'installation remontant à environ 200
ans (Cabot, 1965:22-
27
23).Aujourd'hui, l'on compte dix Cantons : Koumi, Magao,
Touhra, Télémé, Bongor, Tougouday, Ham, Lolon, Macrom,
Mita. Parmi les nombreux villages qui forment ces cantons, d'autres sont des
créations récentes, issues de la migration qu'a connue le pays
durant les dernières décennies.
Toutes les légendes ayant trait à
l'établissement des ancêtres dans la région comporte les
mêmes éléments : en général, c'est en
chassant que les aïeux ont découvert le lieu qui leur a paru bon et
où ils se sont définitivement fixés. Les aïeux
seraient tous venus du Sud et ils auraient emprunté le fleuve pour
atteindre les nouveaux lieux de chasse qui devaient devenir leurs terres.
Actuellement leur descendance est encore regroupée en quartiers
distincts, entre les membres desquels existent des interdits de mariage
rigoureux. Chaque quartier a son ancêtre, le plus souvent l'un des fils
du fondateur (Cabot, 1965:22-23). Elles laissent supposer que le pays fut le
théâtre d'une histoire mouvementée de migration par clan.
Autrefois leur descendance était regroupée en quartiers
distincts, entre les membres desquels existent des interdits de mariage
rigoureux. Chaque quartier a son ancêtre, le plus souvent l'un des fils
du fondateur (Ibid). Les villages sont au contraire des créations plus
récentes et leur institution a parfois rassemblé autour d'un
même chef de village (Blama) des quartiers d'ascendance
étrangère les uns aux autres (Ibid).
Pour certains15, les Massa auraient suivi l'eau
pour s'installer définitivement aux abords du fleuve Chari et Logone
donc une branche au Cameroun et l'une au Tchad. C'est suite à
l'assèchement de la mer paléo tchadienne que les Massa
étaient contraints de quitter leur région d'origine pour suivre
l'eau qui se rétrécissait suite aux aléas climatiques. La
majorité de la population dès le XVIe siècle
s'est retrouvée aux abords du Lac-Tchad. Un groupe bien nombreux
s'installera définitivement dans les plaines nord de Bongor et une
partie s'achemine de l'autre côté du fleuve pour s'installer au
Cameroun.
15Entretien avec le Chef de Canton Samma Tordina, le
lundi 26 juin 2017 à Bongor.
28
Toutefois l'on sait que les Massa seraient venues de l'Est et
auraient cheminé vers le sud avant de s'installer dans cette
région plusieurs siècles avant l'arrivée des
Colonisateurs. Cette population avait au départ comme activité,
la pêche et la chasse.
Le mot Massa tire son origine de Massana qui signifie
littéralement homme. En d'autres termes le mot massa renvoie à
l'homme courageux, qui franchit les obstacles sans heurt majeur et ceci quels
que soient les obstacles à braver. Le Massa est aussi le dialecte des
Massa. Cette population est attachée aux religions traditionnelles et
celles dites révélées, organisées en cellules
familiales ou villageoises.
Cependant, il importe de préciser que sur le territoire
massa, il existe d'autres tribus venues d'ailleurs. Parmi elles nous avons les
Ngambaye, Sarh, Moussey, Marba, Toupouri, Moundang, Ham, Arabe choa, Kim,
Gourane, Hadjéray, Waday... la plupart de ces étrangers sont
installés à Bariam, village situé dans le canton Bongor.
Ils sont considérés comme autochtone du village parce qu'ils y
ont été recasés par le gouvernement tchadien.
2- Organisation socio-politique
D'entrée de jeu, il importe de préciser que la
société massa est définie comme «une
communauté de consanguins (ou se prétendant tels) composés
en moyenne de quatre générations d'individus vivants, issus d'un
ancêtre commun (souvent défunt) et des femmes qui leur sont
alliées (Magnant, 1987:27). C'est donc un type d'organisation
fondée sur le lignage dont la cellule de base est la famille et
l'autorité est détenue par l'aîné de la famille qui
était en vigueur dans la plupart des sociétés du
Mayo-kebbi (Armi, 2005:32).En effet, chaque société fonctionne
selon les us et coutumes qui prennent la forme de la culture à laquelle
elle s'attache. Ainsi, le mode de vie du peuple Massa est
réglementé, suivi et régi par les lois coutumières
d'où la notion de l'organisation politique traditionnelle. La
société massa est organisée de manière
hiérarchisée. La cellule de base est la famille.
Chez les massa, ni le village ni le quartier ne
possèdent traditionnellement d'inscription dans l'espace et l'habitat se
caractérise par une forte dispersion. Les enclos appelés zina
en massa, lieux de résidence du chef de famille, de ses
frères
29
cadets, de leurs femmes ainsi que de leur descendance, et
parfois d'autres parents (veuves...) comptent en moyenne cinq à six
personnes. Certains chefs de famille, polygyne, et possédant une
importante descendance peuvent cependant avoir plusieurs dizaines de personnes
sous leur autorité (Dumas-Champion, 1983:5).
Le pays massa est divisé en nagata,
unité territoriale, dont chacune est placée sous
l'autorité magico-religieuse du « maître de la terre
» bum nagata qui joue le rôle d'intermédiaire entre
les divinités locales et l'espace habité et cultivé
(Arditi, 1998:2). À l'intérieur de la nagata, le chef
d'enclos (bum zina) est dépositaire de droits d'usage sur les
terres. Il en hérite, et doit les transmettre à la
génération suivante.
Avec la pénétration coloniale au Tchad, une
chefferie de type fulbé est instaurée par les Français
afin de quadriller la population. Dès sa pénétration, elle
trouve que les massa sont « un peuple à demi-sauvage vivant dans
l'anarchie » (Dumas-Champion, 1983:31) ; donc la pacification était
la condition nécessaire à la perception d'impôt et de la
création de la culture utile à l'économie
française. L'instauration de cette chefferie a transformé les
structures politiques existantes. L'organisation politique et judiciaire
relevait du conseil des chefs de familles de moindre importance (ibid:32). En
donnant au chef de canton le pouvoir de rendre une justice administrative,
s'appliquant aux individus, le colonisateur a profondément entamé
cette réalité essentielle à l'identité massa. Le
massa n'a plus le droit de faire la justice selon la loi de ses pères,
il est devenu un sujet, subordonné. Le conseil des anciens, où
s'exprimait si justement l'unité lignagère lorsqu'il s'agissait
d'engager le combat ou de venger un de ses membres, n'a plus lieu d'être.
La nouvelle justice juges les individus. Il faut dire que la politique
européenne n'a cependant fait qu'étayer une évolution bien
antérieure à l'arrivée des blancs (Ibid:6).
Les massa donnent le nom moulla, aux chefs
traditionnels ou Chefs de canton, qui détiennent la
quasi-totalité des pouvoirs. En plus de leurs rôles de chef, ces
gardiens de la tradition massa étaient chargés de régler
les conflits fonciers entre les membres de leur communauté respective.
Dans un cas comme dans l'autre, les populations se devaient de respecter les
ordres de ces chefs de terre.
Si les Massa n'ont guère apprécié que
leur instinct guerrier soit réprimé par le colonisateur, ils
reconnaissent que les Français ont apporté la paix civile qui
s'exprime
30
pour eux par des possibilités nouvelles (ibid). La
pacification du pays et la mise sur pied d'une structure administrative ont
élargi les frontières de l'existence quotidienne. On fit une
autre expérience du voisin. Alors qu'il n'existait pas d'activité
commerciale, la colonisation apporta les moyens de création de
marchés qui par la suite furent principalement tenus par des
commerçants fulbé ou burnu. Depuis ces jours on désigne
les jours de la semaine du nom du village où se tient le marché.
Ce nouveau mode de vie provoqua l'éclatement des groupes segmentaires
(Dumas-champion, 1983:6).
Il importe cependant de préciser que, le pays a connu
dans son évolution diverses vagues de migration qui eurent des
conséquences sur l'espace. Les hommes venus d'ailleurs se sont
installés dans le pays soit pour les activités commerciales, soit
des éleveurs à la recherche des pâtures pour leur
bétail, soit des hommes qui ont fui leur zone suite aux crises politique
de 1975-1979, soit ceux venu dans le cadre de l'administration surtout pour la
zone de Bongor. Ils sont composés des Arabes choa, des Ngambaye, Sarh,
des Kim, Moussey, Marba, Sara-kaba, Kanembou, Wadaye, Kotoko et bien d'autres,
la majorité dans le canton Bongor16.
Une partie de ces étrangers sont installés
à Bariam dans le canton Télémé. Ce quartier est
dorénavant comme leur ville et ces derniers ont même
bénéficié des terrains pour les activités
champêtres.
3- Les pratiques culturelles en pays Massa
Les Massa ont une organisation sociale et culturelle originale
qui n'est pas uniquement un aboutissement, mais constitue un agent historique
de leur société. L'élément caractéristique
culturel chez les Massa est le guruna. C'est l'une des
activités favorites des Massa, sans doute celle qui s'exprime le mieux
(Dumas-Champion, 1983:122). La pratique du guruna s'articule
directement sur l'échange matrimonial et se présente en ce titre
comme une initiative des bouviers au mariage (ibid). L'écologie tient
cependant une place déterminante dans cette technique d'élevage
puisque la quête de nouveau pâturage doit assurer la
prospérité du troupeau
16Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor.
31
conjointement celle de l'éleveur, en lui procurant une
alimentation améliorée. Un Massa est traditionnellement un
lutteur, ce qui suppose la pratique du guruna (ibid). C'est
généralement dans les brousses pour faire paitre les boeufs, que
les jeunes s'initient à la lutte. Cette sorte de marche, ou de pas de
course, est souvent utilisée par les Massa lorsqu'ils se
déplacent de farana en farana17. Il faut
cependant dire qu'il y a plusieurs catégories de guruna qui
s'échelonnent tout au long de l'année (Dumas-Champion, 1983:123).
Nous avons le guru-fatna pratiqué de mars à mai, le
guru-Oagamna de juin à juillet, le guru-walla
d'août à novembre et le dernier guru-sarmana de
décembre à février. À côté du
guruna, il y a le labana, rite initiatique chez les massa qui
malheureusement tend vers son déclin. Au début, cette pratique
était une sorte de pont, phase pour les jeunes de passer au stade
supérieur de leur vie. Pour devenir un homme et pour que le respect te
soit accordé, il fallait passer par l'initiation dans la
société massa.
Traditionnellement, le golla, est aussi un
élément caractéristique de la culture massa. Il consiste
pour un propriétaire à confier, pour une durée variable,
une ou plusieurs de ses vaches à un parent, allié ou maternel qui
ne vit dans le même farana (ibid:157). Le golla est en
effet une technique qui renforce les liens sociaux, c'est un moyen par lequel
l'on témoin son amitié et la confiance envers ses proches.
Le Mariage chez les Massa contrairement aux autres
sociétés de la région du Mayo-Kebbi, est spécial.
C'est le père qui a le devoir de marier ses enfants à leurs
conjointes en procurant à ses fils des bétails nécessaires
pour leur mariage. La dot ou le farayna est composé(e) de
bétail et le nombre de celui-ci peut varier en fonction de l'offre et de
la demande. Mais de manière générale, la dot est
constitué de dix boeufs dans la société massa.
III- LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
Comme mentionne ci-haut, les régions situées au
sud du Tchad présentent presque les mêmes conditions climatiques.
Celles-ci sont favorables à plusieurs activités dont la
population en bénéficie.
17Terme qui signifie clan ou richesse.
1- L'Agriculture
D'une manière générale, la partie sud du
Tchad est caractérisée par un système de production
diversifié. Les activités agraires au pays Massa s'effectuent
quant à elles au niveau familial (Dumas-Champion, 1983:53). Les champs
sont les propriétés de la famille qui les détiennent
traditionnellement du maître de la terre depuis la période
précoloniale. C'est généralement le chef de la famille qui
est habilitées à distribuer les parcelles de terre entre les
différents membres de sa famille. À l'intérieur de la
société massa, chaque famille utilise un champ.
L'agriculture occupe une place importante et est
pratiquée par la majorité de la population. C'est une agriculture
de subsistance résultant d'une stricte adaptation des hommes au milieu.
Les produits de l'agriculture au pays Massa sont variés : Mil rouge ou
Ouana cultivé par tous les Massa dans le
hoyoksina18 sert pour la consommation locale. Il constitue
la culture vivrière essentielle. Après la récolte sur une
faible partie de ces champs, les femmes cultivent le
pahna19 qui est non seulement commercialisé afin de
subvenir aux besoins, mais entre aussi dans la consommation locale. Les massa
sont de grands consommateurs du tabac et cela a une signification culturelle
d'une grande importance.
32
18 Terme qui signifie, à proximité des
cases.
19 Nom en massa qui signifie tabac.
33
Photo 1 : Un champ à proximité des cases
à Biliam-Oursi.
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué à biliam 1, 23 juin 2017.
Le sorgho blanc ou Tchokona est cultivé
seulement par quelques paysans sur les terres argileuses. La culture de
celui-ci se fait généralement à la fin des saisons
pluvieuses dans les zones reculées. Le penicillaire ou Tchaïna
est cultivé dans la région de Guelendeng, mais est assez
rare sur les marchés de la région. Le riz, l'arachide et le
coton, ont été introduits par l'administration européenne.
C'est généralement dans un grand espace de plusieurs hectares
à environ 10km des cases que se tiennent ces activités dites
industrielles.
34
Photo 2 : Vaste terrain pour la culture du riz
à 15km de l'entrée nord de Bongor.
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué à djarabou, 23 juin 2017.
Toutefois, il convient de rappeler qu'avant l'arrivée
des colonisateurs, les massa vivaient presque de la pêche. Ce sont les
Européens qui, à travers leur société, ont
instauré la culture du coton et du riz. Il s'agit en effet d'une
société française dénommée SEMAB (secteur de
modernisation et d'aménagement de Biliam-oursi), avec son siège
à Oursi créée le 08 avril 1952-1953 par un Français
nommé Randu Jean20. Elle commence ses premières
activités en 1953-1954. Son travail
20Entretien avec Fanga Augustin, le 24 juin 2017
à biliam-oursi I.
35
d'aménagements se fait dans les Cantons suivants :
Koumi, Télémé, Toura et Magoua. Son rôle principal
c'est la culture du riz. Le départ de cette société fut
favorable aux populations qui bénéficièrent des espaces
pour leur culture.
Photo3 : Ruines de la Société SEMAB
à Biliam-oursi I.
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué, 24 juin 2017 à Biliam I.
36
Photo 4 : Vestige d'une machine de labour de la
SEMAB.
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué, 24 juin 2017 à Biliam I. 2- L'élevage
Vivant dans le Mayo-Kebbi Est, région située
dans le sud-ouest au Tchad, les Massa se distinguent d'autres peuples par leur
intérêt pour les bétails, bien qu'ils soient cultivateurs
et pêcheurs. Ils ont une technique spécifique d'élevage qui
les démarque des autres et considérés comme une
société agricole qui « spécialise temporairement ou
en permanence ses pâtres » (Leroi-Gourhan, 1972:307). Les Massa
possèdent d'immenses troupeaux de vaches qu'ils chérissent et
leur permettent à une certaine période de faire la cure de laits
ou gourouna qui doit les rendre forts. Les Massa sont fiers de leurs
bêtes et s'estiment meilleurs éleveurs que leurs voisins
fulbés, car les vaches entrent exclusivement dans la constitution de
leur « dot » alors que les fulbés se marient avec l'argent
(Dumas-Champion, 1983:116).
Ces derniers jouent un rôle social très important
et de nombreuses institutions sont fondées sur leur existence. Les
bovins ne peuvent quitter le groupe familial que
37
pour procurer des épouses. Le bétail peut faire
l'objet de prêts appelés golla, et sert aussi à
organiser des cures de lait pendant la saison sèche. Les bovins sont
gardés par les hommes et, après la traite matinale, ils sont
conduits au pâturage. Le système de production des Massa combine
de manière harmonieuse l'agriculture, la pêche et
l'élevage. L'importance relative de chaque activité dépend
aussi bien des conditions climatiques que de la localisation dans l'espace des
groupes et des ressources naturelles dont ils disposent. Cette diversification
des activités économiques permet de minimiser les risques
climatiques, et de fournir une alimentation suffisante et variée
indispensable à la reproduction de la force de travail familiale (Claude
Arditi, 1998:3).
3- La pêche
L'importance que les populations accordent à la
pêche dépend de la proximité des cours d'eau et de
l'extension des nappes de crue. En pays Massa, la pêche est
pratiquée dans le fleuve Logone, le Chari et dans les mares de la
région. Bien que cette activité piscicole soit en voie de
disparition en raison des modifications écologiques qui ont
entraîné l'assèchement d'un grand nombre de mares, les
massa continuent à pêcher dans celles qui ne sont pas encore
taries (Dumas-Champion, 1983:386). Leurs installations aux abords du Logone
leur ont permis de développer une technique de pêche efficace,
voire originale. Mais à la différence de leurs voisins, les
kotoko, population voisine spécialisée dans la pêche en eau
vive, les massa se distinguent par une pêche de décrue,
pratiquée collectivement dans les bras morts et les mares (ibid). Les
poissons capturés lors de la pêche sont utilisés pour leur
alimentation mais aussi pour vendre.
Pendant la période de crue, juillet à novembre,
quelques pécheurs occasionnels à bord de pirogue, capturent les
espèces comme le capitaine, les carpes et les petits poissons pour le
commerce. Durant la période de décrue par contre, tous les
riverains deviennent de pêcheurs. Entre mars et avril, avec
l'autorisation du chef des eaux, boum golonga21, une
pêche collective dans certaines mares de la région est
organisée. Cette dernière peut durer une journée.
21 Le nom donné au prêtre de l'eau.
38
En somme, le pays massa, territoire situé dans le
sud-ouest du Tchad est dans sa configuration fragmenté en dix Cantons
autonomes. Les conditions climatiques de cet espace sont favorables et
permettent aux populations de pratiquer plusieurs activités
(l'agriculture, la pêche, l'élevage...) pour assurer leur survie.
De toutes ces activités, l'agriculture est la principale. Avec la
croissance démographique observée dans le pays en raison de
mouvements d'autres populations vers la région et surtout du taux de
natalité, la question d'accès à la terre reste complexe.
Ainsi présenté le pays, il convient de voir dans le chapitre
suivant la procédure d'accès à la terre.
39
CHAPITRE II
ACCÈS À LA TERRE DANS LA
SOCIÉTÉ MASSA
En pays Massa, la terre reste un élément
essentiel de l'accumulation du capital le plus précieux, parce qu'elle
sert de support irremplaçable de toute vie, où elle constitue le
facteur de production et de survie le plus important. Depuis fort longtemps, la
problématique autour de la question foncière a pris une place
importante dans les débats relatifs au développement en Afrique.
Par la suite, des Africanistes de différentes disciplines (ethnologues,
géographes, économistes, politicologues) se sont de plus
intéressés au foncier et, ont-ils ainsi, considérablement
élargi le domaine d'étude foncière sur l'ensemble des
rapports sociaux. (Delville, 2002:8). Généralement, on peut
distinguer deux modes de penser l'espace. L'un est caractérisé
par des conceptions foncières traditionnelles (ou autochtones ou
endogènes) et l'autre par des conceptions modernes d'origine
occidentale. L'introduction d'un modèle de société
exogène par les autorités coloniales, imité largement par
l'État postcolonial, a gravement bouleversé les rapports entre
l'homme et la terre. De ce fait, le présent chapitre fait état de
la conception ancestrale de la terre, autrement dit comment le peuple massa
concevait la terre et quel était le mode d'accès ? Ensuite, ce
chapitre va s'appesantir sur le régime foncier colonial, et celui en
cour et enfin analyser les contradictions autour de la question foncière
et son impact sur la société massa.
40
I- LES PRATIQUES FONCIÈRES AVANT LA COLONISATION
En Afrique, les droits fonciers coutumiers ne se
réduisent pas à la seule réglementation des
prérogatives qui naissent de l'appropriation ou de l'utilisation de la
terre. Ils s'organisent autour des rapports qui ne sont pas
nécessairement juridiques. Ces rapports sont de trois ordres : les
rapports de l'homme au sacré par la médiation de la terre ; les
rapports de l'homme aux différents groupes sociaux dont il est membre et
qui définissent son statut juridique, social et fonctionnel ; les
rapports de l'homme à la terre en tant que moyen de production (Karsenty
et Assembe, 2010:6). Ce sont ces rapports qui, à travers leurs
interactions réciproques, définissent les droits fonciers
coutumiers et en constituent l'objet
1- La conception endogène de la terre en pays
massa
Dans la mesure où les règles foncières
varient d'une société à une autre, d'une culture à
une autre et même à l'intérieur d'une
société, d'une époque à une autre, il n'est pas
aisé de faire un exposé exhaustif sur la pratique foncière
chez les Massa. Toutefois il faut dire que la terre est restée depuis
fort longtemps une question vitale pour toutes les sociétés. De
l'analyse de la plupart des travaux sur la tenure foncière en Afrique,
les différents groupes sociaux à l'époque
précoloniale avaient quasiment la même considération de la
terre, notamment celle qui trouve le fondement de la propriété
foncière dans la religion et les croyances. Ainsi, le système
foncier traditionnel revêt plusieurs caractères que l'on retrouve
dans la quasi-totalité des régions africaines.
Pour elles, la terre au-delà de son rôle de
support de toute activité, revêtait une dimension mystique (Armi,
2005:35). Dans la conception traditionnelle massa, la terre est la
propriété de « Dieu22 », appelés
Lawna. Elle est extrapatrimoniale, c'est-à-dire, non
susceptible de propriété privée ou privative. La terre
n'est pas susceptible d'appropriation car elle appartient à
lawna. Elle est un bien dont la jouissance revient à tous les
membres de la société, dans le respect de sa
destination23. L'accès et l'usage de
22 Dans la tradition massa, la terre est le bien de
Lawna, qui selon eux est un Dieu grand vivant dans les airs. Toute chose lui
appartient et l'utilisation de cette dernière passait par le
prêtre du village.
23Entretien avec le Chef de Canton Samma Tordina le
samedi 26 juin 2017 à Bongor.
41
la terre s'effectue par la filiation, l'héritage,
l'alliance, le prêt. Mais il peut être limité dans le temps
et dans l'espace et être conditionné par sa mise en valeur. La
terre appartient traditionnellement à ceux qui l'on cultivées
(Cabot, 1965:23).
Pour pouvoir exploiter telle portion de l'espace, les hommes
devront conclure un accord avec le Lawna. Dans son fonctionnement, ce
droit est exercé par le boum nagada24 qui est
l'intercesseur entre les hommes et les puissances naturelles liées
à la terre. Il va de sacrifice et bénédiction agraire
à la répartition des parcelles aux membres de chaque tribu. Il en
résulte que les rapports entre l'homme et la terre sont
sacralisés et que de nombreux interdits assujettissent les travaux
agricoles au respect d'une divinité d'autant plus exigeante que les
hommes attendent tout d'elle puisqu'ils vivent de sa
fécondité.
Ainsi par ses sacrifices, il conjure le mauvais sort et les
catastrophes naturelles et par ses bénédiction, il appelait le
« Dieu » à accorder une bonne pluviométrie, à
rendre la terre fertile en vue de bonne récoltes. Bref, le chef de terre
de par ses fonctions, est considéré comme « le symbole
vivant du lien sacrificiel contracté avec la terre nourricière
[...], le médiateur entre le monde visible et le monde invisible [...],
le seul garant et gérant du patrimoine commun et le plus apte à
répartir l'espace cultivable entre sa population (Famargué
Kaïtamba, 2002:34).
Cependant de l'analyse de la conception traditionnelle de la
terre, celle-ci n'est plus le cas aujourd'hui. Avec la colonisation,
l'idée que les hommes massa se faisaient de la terre a changé. La
terre n'est plus la propriété du lawna et dont
l'utilisation nécessitait le boum nagada, car dorénavant
elle est le bien de l'État. L'entière jouissance passe donc par
la procédure de l'immatriculation. Ici, l'homme massa n'a plus besoin du
boum naga pour acquérir un espace mais plutôt d'un chef
de canton et/ou Blama qui lui confère le droit de
jouissance.
24Le boum nagata est un nom en, massa
donné au prêtre de l'eau.
42
2- Les modes d'accès à la terre en pays
massa
Les sociétés ont élaboré des
règles écrites ou non pour préciser l'usage, le partage et
la transmission de la terre entre tous. Cependant, dans la plupart des
sociétés, la coutume exclut les femmes de l'accès à
la propriété foncière bien qu'elles participent largement
à l'exploitation de ces dernières.
Traditionnellement, le régime foncier en pays massa est
essentiellement collective, inaliénable et imprescriptible. La terre est
un bien communautaire. Mais cette appropriation collective n'empêche pas
que des droits d'usage soient accordés sur la terre aux membres de la
collectivité et éventuellement aux étrangers qui en font
la demande selon les règles coutumières qu'ils s'engagent
à respecter. Essentiellement agraire, l'ensemble de la
société massa a une conception variée de la terre. Selon
la coutume massa dans l'époque précoloniale, l'accès,
l'utilisation de la terre passe automatiquement par une demande auprès
du boum-nagata, le chef de terre ou père de la terre. C'est lui
qui renseigne le demandeur sur la disponibilité et les conditions
d'accès à la terre. À partir de ce moment, il se charge de
clarifier les prescrits coutumiers et délimite l'espace faisant l'objet
de la demande. Après consultation des génies par le chef de
terre, coutumièrement la symbolique confère au demandeur et
à ses descendants, la jouissance de la terre qui, dorénavant
devient la propriété familiale25.
Dans la conception traditionnelle comme signalé
ci-haut, les terres sont occupées au terme d'une alliance passée
par le premier occupant avec les puissances de la terre et les esprits du lieu.
Ces puissances ont des lieux spécialement réservés comme
les collines, certains arbres ou les bois sacrés. Le Boum nagata
est le garant du respect de l'alliance. Il est généralement
le descendant du premier occupant26. Il est chargé des
sacrifices nécessaires à l'obtention de l'accord et de la
protection des possesseurs mythiques des lieux.
L'ensemble de l'espace en pays massa appartient aux
agriculteurs, qui l'exploitent comme ils l'entendent. Le rapport de ces
populations à l'espace est un rapport social mais aussi spirituel comme
mentionné ci-haut. L'espace n'est pas un
25Entretien avec Dom Djaldi, agriculteur, le 22 juin
2017 à biliam-oursi I. 26Ibid.
43
bien, mais le siège de forces invisibles que l'on doit
se concilier avant de l'investir. D'où l'importance des
médiateurs nommés boom nagata. La terre appartient aux
premiers occupants. Au sein de ces groupes, les terres sont réparties
entre les familles pour qu'elles les cultivent. L'accès individuel
à la terre est obtenu par la filiation patrilinéaire dans le
cadre de la propriété collective de la terre. Une terre
peut-être transmise aux enfants, à condition qu'elle soit mise en
valeur et qu'elle soit maintenue en exploitation. C'est le principal mode
d'accès à la terre, notamment au sein des communautés
locales; transfert successoral de père à fils. Les droits des
femmes n'ont pas progressé dans les pratiques locales (Bibiane Yoda,
2009:2). Celles-ci demeurent exclues de fait du droit d'héritier d'une
partie des terres familiales.
Cette pratique exista jusqu'à l'arrivé des
colonisateurs qui, changent la donne, avec un système quasi-inadaptable.
Avec la colonisation, le pays massa et l'ensemble de tout le territoire qui
allait devenir le Tchad connurent un changement brusque. L'ancien
système coutumier foncier est dorénavant considéré
comme caduc. Les terres sont vues comme n'appartenant à personne, elles
sont désormais le domaine de l'État, donc la puissance
colonisatrice. Toutefois, certaines de ces pratiques continuent d'exister bien
que les terres sont dans certains endroits le domaine de l'État.
Les nouveaux arrivants peuvent obtenir le droit d'usage de la
terre auprès du chef du village (blamana) (Cabot, 1965:23). Le
prêt de la terre devient un mode d'accès aux fonciers
utilisé par les étrangers installés dans un village
donné. Ceux-ci sont assujettis au respect des us et coutumes locaux de
la région. Dans le passé, le prêt de terres n'avait pas de
contrepartie monétaire, il était surtout considéré
comme un moyen de régulation des rapports sociaux locaux et
d'organisation d'alliances familiales et inter-villageoises. De plus en plus,
l'obligation sociale cède le pas à des exigences d'assistance,
parfois abusives de la part des propriétaires fonciers coutumiers. Ceux
qui ne se soumettent pas sont menacés de retrait des terres. Dans une
certaine mesure, la location et la vente de terre sont des modes
émergents de transactions foncières aujourd'hui observables dans
de nombreuses régions et singulièrement en pays Massa. C'est une
forme déguisée de prêt à court terme pratiqué
surtout vis-à-vis des étrangers ou des familles en manque des
terres agricoles. Les
44
ventes de terres sont liées à divers facteurs
parmi lesquels on peut souligner le développement d'entreprises
agricoles modernes comme c'est le cas à Bongor.
3- Les types de propriétés foncières
en pays massa
En pays massa, nous avons trois types de
propriétés des terres. En premier lieu, c'est celle dite
ancestrale qui est la première et la plus ancienne forme de
propriété, fondée sur des droits de premiers occupants ou
ancêtres auxquels les nouveaux villages demandent des terres à
exploiter. Car dit-on, les terres appartiennent traditionnellement à
ceux qui les ont cultivées (Cabot, 1965:23) Ces terres n'étant
pas achetées ne font l'objet d'aucune compensation. Cet attachement au
patrimoine ancestral rend impensable toute aliénation de tout ou partie
du domaine, support de vie du groupe. Nul ne peut céder une parcelle de
cette propriété dont le caractère s'étend à
la fois à travers l'espace et le temps. La terre appartenant aux
ancêtres et se transmet à l'intérieur du lignage au sein
duquel les droits fonciers sont susceptibles de faire l'objet d'une
dévolution successorale. L'exemple de ce type de propriété
est visible dans le Canton Koumi où les clans se disputent les espaces
en évoquant l'idée de l'ancienneté. Aujourd'hui nombre de
conflits observés dans la région ont pour fondement la question
d'autochtonie.
La deuxième forme de propriété est
familiale, elle concerne dans un premier temps les terres dont les
propriétaires sont des familles fondatrices ou résidentes des
villages impliqués dans l'exploitation agricole de la plaine. Toutes les
terres détenues par ces familles dans la plaine constituent les terres
du village de résidence. Toutes les terres de la plaine sont des
propriétés familiales. La caractéristique
particulière de ces terres est qu'elles demeurent des patrimoines
familiaux qui ne sont ni vendus ni rétrocédés. Ces terres
se transmettent par héritage dans certains villages. Elles peuvent faire
l'objet d'un prêt de courte durée, mais sans autorisation
d'implantation d'investissements à long terme. La gestion des terres
familiales est exercée par le membre le plus âgé de la
famille détentrice de terres. Le chef de famille assure l'accès
à la terre des membres de sa famille.
45
En dernier lieu nous avons la propriété
collective qui, en plus des terres ou champs de familles qui délimitent
les terres de chaque village, les villages sont aussi détenteurs de
mares dont la propriété leur est exclusivement reconnue. Les
mares constituent la propriété d'un village donné sous une
forme de propriété villageoise collective. Elles sont souvent la
propriété de plusieurs villages. Elles sont exploitées le
plus souvent par le seul village propriétaire mais aussi aux villages
voisins qui en font la demande. Elles font l'objet de pêches collectives
annuelles à une date fixée au préalable par le village
propriétaire. Ce genre de propriété est observable dans
les Cantons Télémé, Bongor centre, Moulkou.
II- LA POLITIQUE COLONIALE EN MATIÈRE
FONCIÈRE ET SON IMPACT SUR LA SOCIÉTÉ MASSA
Au-delà de la conception traditionnelle de la terre, la
société massa comme toute autre société connait une
autre forme de régime, celui dit occidental. Il est basé sur la
propriété privée. Cette nouvelle vision de l'appropriation
de la terre impacte sur la société massa.
1- La conception exogène du foncier
Tout le territoire qui allait devenir le Tchad a connu
dès le début du XXe siècle la colonisation.
Celle-ci impact toutes les sociétés et le pays massa n'y
échappe pas. L'avènement de la colonisation a introduit dans la
société massa des éléments nouveaux,
exogènes et dominateurs, susceptibles qui ont entraîné des
modifications et des distorsions dans les équilibres internes. Avec la
colonisation, c'est l'avènement d'une conception du foncier basée
sur des principes et des valeurs qui n'ont rien de commun avec ceux des
sociétés traditionnelles (Coquerey-Vidrovitch, 1985:145).
Alors que les terres sont considérées comme un
patrimoine communautaire légué par les ancêtres et de ce
fait inaliénable, la colonisation en fit un objet dont l'appropriation
individuelle était possible, accordant par-là même une
valeur marchande (Armi, 2005:39). Ainsi, en voulant avoir le contrôle des
terres, l'on assiste à la vulgarisation de la procédure de
l'immatriculation comme principale marque (Ibid).
46
Pour avoir la mainmise sur ces terres, les notions de terres
vacantes sont évoquées pour justifier la politique coloniale.
Ainsi des grands espaces font l'objet d'appropriation par les puissances
colonisatrices qui pensent que la propriété foncière
indigène se limitait à leur habitat et aux alentours. L'exemple
patent de ce type d'appropriation peut dans une certaine mesure être le
cas en pays Massa où plus de 700 hectares ont fait l'objet
d'accaparement sur l'ensemble des dix Canton. La société
française installée dans le village de biliam-oursi I en 1953
comme nous le confirme Fanga Augustin27, avait à elle seule
plus de 450ha, espace qui servait pour la culture du coton et quelques
années après pour le riz. Cette société avait
à elle seule occupée un grand espace.
Dans cette perspective, plusieurs lois relatives aux grandes
orientations foncières furent promulguées, parmi lesquelles nous
avons :
- Décret du 28 mars 1899, modifié en
décembre 1920 fixant le régime de la propriété
foncière ;
- décret du 20 juillet 1900 et le décret du 24
juillet 1906 créant le système de l'immatriculation et
l'introduction des livres fonciers dans le cadre d'une politique d'organisation
de la propriété foncière ;
- décret du 08 octobre 1925 consolidant les droits
coutumiers en permettant aux détenteurs de faire constater leur
propriété et délivrant un livret foncier coutumier (Armi,
2005:39-40).
Ces textes sont établis pour permettre à la
puissance colonisatrice de mener à bien ses activités
économiques dans l'ensemble du territoire tchadien. Cette forme de
régime foncier exogène est sous-tendue par une volonté
d'abolir toute forme d'organisation interne, de hiérarchie au sein des
sociétés traditionnelles en général. D'où la
tendance à qualifier ces sociétés de
sociétés acéphales et anarchique. Pour ce qui est du pays
Massa, un rapport administratif de 1913 qualifie les Massa comme « un
peuple à demi-sauvage vivant dans l'anarchie » (Dumas-Champion,
1983:30). La politique coloniale en matière foncière consistait,
dans presque toutes les sociétés à considérer que
les terres étaient vacantes et ensuite en prendre possession.
27Entretien avec Fanga Augustin, le vendredi 23 juin
2017 à Bilam-Oursi I.
47
Dans ce contexte de domination, le boum nagata,
maître de la terre est démis et méconnu dans ses fonctions
par le pouvoir nouvellement instauré. Ce qui fait que sa
prépondérance en matière foncière décline et
ses prérogatives passent aux mains des chefs traditionnels
créés et instrumentalisés par l'administration coloniale
pour les besoins de la cause. Il est désormais, un simple officiant des
rites ancestraux, ses services sont de moins sollicites pour disposer de la
terre. La terre devient ainsi un bien dont l'appropriation individuelle et la
vente sont possible.
Devenu maître et propriétaire des terres, les
colonisateurs les mettent en valeur cela s'explique par l'implantation de la
culture cotonnière dans toute la région du Mayo-kebbi. Pour le
cas de notre zone d'étude, plus de 700ha ont fait l'objet
d'appropriation par la puissance colonisatrice à travers la
société française dénommée SEMAB, dont la
fonction dura jusqu'à l'indépendance. Son principal rôle
était la culture du coton et du riz et ses fonctions s'étendaient
dans les cantons Koumi, Télémé, Toura et Magao.
2- Les textes en matière foncière
après l'indépendance et la tentative de leur
adaptation
Après plus d'un demi-siècle de domination
coloniale, le Tchad accède à l'indépendance le 11
août 1960. Dans un contexte d'autonomie interne, le Tchad n'a fait que
reprendre la législation foncière datant de la période
coloniale. Le principe de prééminence de l'État sur toutes
les terres et sur les autres ressources naturelles, est maintenu et sert
d'argument à l'état dans sa volonté manifeste
d'accaparement des terres au nom du développement
économique28. De même, le caractère
aliénable de la terre est maintenu et l'appropriation individuelle
durable, voire définitive, reconnue et matérialisée par
l'immatriculation. C'est dire que dans l'immédiat, aucune initiative,
aucune réflexion allant dans le sens de l'adaptation ou de la
réhabilitation du régime foncier coutumier ne fut
ébauchée par les dirigeants de ce pays (Armi, 2005:47). Il se
trouve que l'État tchadien ne se démarqua en rien de la politique
coloniale en matière foncière sept ans après
l'indépendance. Tout se passe comme si celui-ci s'était
28Elina Yarandi cité par Armi lors d'un
entretien le 25 avril 2003 à Pala.
48
substitué à l'état colonial pour
poursuivre les mêmes objectifs en usant des mêmes moyens. Dans
plusieurs pays d'Afrique centrale, l'accession à la
propriété privée passe par une procédure
héritée de la période coloniale, l'immatriculation.
Quelques lois et décrets méritent d'être cités dans
le cadre de cette étude. Il s'agit de :
-la loi N° 24 du 22 juillet 1967 sur le régime de
la propriété foncière et des droits coutumiers, suivie du
décret n° 186/PR du 1er août 1967 sur le
régime de la propriété foncière et des droits
coutumiers ;
- la loi N° 25 du 22 juillet 1967 sur la limitation des
droits fonciers29 définit les procédures
d'expropriation et définit le principe de l'indemnisation dans ses
articles 2 et 5, fixée par la voix de conciliation. On rappelle qu'en
principe, toute terre rurale faisant objet d'un titre de
propriété et dont l'exploitation abandonnée pendant plus
de cinq (5) ans compte tenu de mode de culture, peut être
expropriée. A l'instar des lois de juillet 1967 portant sur le
régime foncier au Tchad et sur les modalités de gestion, le
nouveau code foncier énonce que :
Les droits coutumiers, exercés de manière
collective ou individuelle, peuvent être transformés en droits de
propriété dès lors qu'ils comportent une emprise
permanente et évidente sur le sol. Cette emprise se traduit par les
constructions et/ou par une mise en valeur régulière du terrain,
y compris les interruptions justifiées par les modes de
cultures30.
-La loi n°14/PR/98 du 17 Août 1998
définissant les principes généraux de la protection de
l'environnement31. L'objectif de la loi est d'établir les
principes pour la gestion durable de l'environnement et sa protection contre
toutes les formes de dégradation. Au sens large, l'environnement prend
en compte : le sol, le sous-sol, la faune, la flore, la zone humide,
l'atmosphère et les aires protégées. L'article 29 vise
à protéger les forêts contre les pratiques
préjudiciables telles que le surpâturage, la
29CEFOD, 2004, Recueil des textes sur le droit foncier
au Tchad, Banque Tchadienne des Données Juridiques.
30 International Grisis Group, 2014, « Afrique
centrale : les défis sécuritaires du pastoralisme », Rapport
Afrique N°215, p. 11.
31La loi n°14/PR/98 du 17 Août 1998
définissant les principes généraux de la protection de
l'environnement.
49
surexploitation, les incendies, les brulis. Les aires
protégées ne peuvent être parcourues par les
éleveurs ni exploitées par les agriculteurs ni
attribuées.
Or en pays massa, les zones protégées font
l'objet, pas de vente mais de pratiques culturales par les familles en manque
de terre. Aussi, les éleveurs aussi en font usage en saison sèche
bien que les couloirs de transhumance soient définis. Ceci impact sur
certaines plantes, avec comme conséquence la dégradation de
l'environnement. Cette situation est contraire à ces dispositions
juridiques en ce qui concerne la protection du foncier dans le canton
Bongor.
La loi n° 4 du 31 octobre 1959 portant
règlementation du nomadisme sur le territoire de la république du
Tchad32. Article 1er : le nomadisme est
règlementé sur toute l'étendue du territoire de la
République du Tchad, tant au point de vu de circulation des
bétails qu'au point de vue de stationnement.
Article 2 : Sont déclarés « nomades »
les citoyens éleveurs des bovidés, de chameaux ou de moutons,
n'exerçant habituellement aucune autre profession ou activité,
n'ayant pas de domicile certain, et transhumant chaque année en famille
avec leurs troupeaux sur le territoire de plusieurs circonscriptions
administratives (districts).
Article 4 : sont assimilés aux nomades définis
aux articles ci-dessus tous regroupements de personnes ayant domicile certain
et exerçant habituellement la profession de cultivateurs mais qui,
propriétaires de troupeaux se déplacent avec ces derniers hors
des limites admises de leur district de recensement.
Article 7 : les mouvements des éleveurs transhumants
doivent obligatoirement suivre les itinéraires fixés par une
commission composée d'éleveurs, des notables et des élus
de la circonscription.
Article 9 : les sédentaires doivent laisser libre
passage aux nomades sur les itinéraires de transhumance visés
à l'article 7 du présent acte.
32 La loi n° 4 du 31 octobre 1959 portant
règlementation du nomadisme sur le territoire de la république du
Tchad.
50
De tous ces articles, il convient de rappeler que
l'exécution cause un problème. Les éleveurs comme les
agriculteurs sont souvent confrontés à un problème
d'interprétation qui, souvent laisse comprendre que les deux groupes
ignorent les textes règlementaires. En considérant les mutations
autour de la réforme foncière de 1967 et le contenu de cette
réforme, il se pose la question de son adaptation au contexte actuel
à cause des facteurs (anthropiques et naturels) qui sont survenus.
L'examen de ces différents facteurs s'avère nécessaires
pour saisir la dynamique interactive qui existe entre les groupes sociaux et le
foncier. À travers ces lois, on voit bien que la nouvelle politique en
matière foncière prête à confusion et la
règlementation moderne est mal connue, peu diffusée et dont la
compréhension échappe aux usagers.
3- Les textes en vigueur
Au plan de la théorie étatique, la terre, mieux
le territoire, est un des trois éléments constitutifs de
l'État. Sans territoire, l'on ne peut parler d'État. En plus de
la population, il faut un support géographique ou physique sur lequel le
pouvoir doit s'exercer. Par ailleurs, les richesses et les investissements
proviennent et portent essentiellement sur la terre. D'où l'importance
accordée au territoire. La terre apparaît donc comme un support du
pouvoir politique et économique. L'avoir (pouvoir économique) est
le support allié du pouvoir politique. Sans ce support qu'est la terre,
sans cette assiette, aucun de ces deux pouvoirs ou aucun des pouvoirs ne peut
se tenir «debout ». Les différentes conceptions de la terre,
son statut et sa nature juridique ont fait que dans certains systèmes
juridiques, la terre n'est pas susceptible d'appropriation. En traduction de
l'expression selon laquelle la terre est un bien héritée des
ancêtres, elle appartient à l'État.
L'une des constantes en droit moderne est que la
propriété foncière est essentiellement individuelle. Elle
s'acquière par la procédure de l'immatriculation. Deux
régimes fonciers continuent de nos jours à coexister en pays
massa : le régime coutumier et le régime moderne. Leurs actions
qui revêtent deux formes sont soient directes, soient indirectes. Le but
poursuivi était d'organiser « une meilleure répartition
et une plus judicieuse utilisation de la terre » (Kabo, 1990:2018).
L'enjeu
51
de ces politiques est d'arriver par le contrôle de
l'accès à la terre à mettre à la disposition de
ceux qui peuvent effectivement la mettre en valeur et à leur accorder
toutes les garanties qu'il faut sur cette terre pour les inciter à s'y
installer et à y investir.
III- AMENUISEMENT DES RESSOURCES FONCIÈRES ET
COMPÉTITION POUR L'ACCÈS À LA TERRE
La question foncière apparait plus complexe dans un
monde où le nombre de la population ne fait que grandir. En pays massa,
plusieurs facteurs expliquent la recrudescence des litiges fonciers. Ces
facteurs sont d'ordres historique, politique, climatique et social.
1- Les causes historiques issues de la colonisation
Historiquement, avant la colonisation, les Massa vivaient dans
les plaines inondables qui, dès les premières pluies se
transformaient en marécage, avec une principale activité la
pêche et quelquefois la chasse.
Cela dit, les litiges fonciers en pays massa n'éludent
pas la colonisation qui, dès son implantation eut un impact
considérable sur la société massa. D'entrée de jeu,
il convient de rappeler que les Massa bien qu'agriculteurs, n'aimaient pas
labourer, parce que selon eux, « Dieu » a tout mis à leur
disposition33. Vers 1914-1918 il y'avait la présence des
Blancs sur le territoire massa. Dès son arrivée, l'administration
coloniale chercha des auxiliaires qui devaient transmettre facilement les
ordres émanant de la haute hiérarchie. Ces auxiliaires furent
trouvés auprès des chefs traditionnels dont l'audience
auprès de leurs administrés était un atout à
exploiter au profit du colonisateur (Armi, 2005:43). Cette démarche
conduisit à bien de dérapages dans la mesure où l'on
assista à l'émergence de nouvelles « chefferies
traditionnelles » dont l'existence et les attributions n'avaient rien en
commun avec les chefferies traditionnelles authentiques. Elle fut
nécessaire à la perception de l'impôt et à la
création des cultures utiles à l'économie
française. Pour quadriller la population
33Entretien avec Fanga Augustin le vendredi 23 juin
2017 à biliam-oursi I.
52
massa, l'administration coloniale instaura une chefferie de
type fulbé et conformément à sa logique territoriale
propre, divisa le pays en cantons, villages et quartiers.
C'est ainsi que l'on assiste à la naissance ou à
l'intronisation du premier Chef, auxiliaire des colons, dans le canton Koumi,
puis dans les autres localités. L'institution d'une chefferie a
créé un type d'accaparement des richesses tout à fait
étranges à la prospérité qu'un Massa traditionnel
pouvait espérer (Dumas-Champion, 1984:33). Les chefs ont usé de
leur pouvoir pour s'enrichir notamment en occupant des grands espaces
après l'indépendance. Comme conséquence à cette
situation, des actes d'insubordination et de contestation de la part des
populations éclatent parce qu'ils jugeaient égoïste
l'attitude des chefs auxiliaires qui considéraient la terre comme la
leur. Dans la foulée, le rapport de l'homme à la terre connait un
changement radical.
Ajouté à cela, le départ de la
société française (SEMAB) après les
indépendances, eut des conséquences considérables sur la
configuration spatiale. La presque totalité des terres appartenant
à ladite société se trouve dorénavant entre les
mains des populations. Elles ont fait l'objet de partage non équitable
suscitant la réaction des populations qui, entre-temps ont pris
goût pour la culture de la nouvelle filière (riz et coton).
Après deux, trois générations, le pays
massa connait une pression démographique et les espaces se
rétrécirent. Les fils ne connaissant pas l'emplacement exact de
leur champ procèdent par la revendication des champs d'autres
familles34. Ainsi, apparait les premiers conflits latents entre
familles dans le canton koumi avec comme base le partage des parcelles de
terre.
2- Les causes politiques comme facteur de migration
Au lendemain de l'indépendance du Tchad le 11
août 1960, très rapidement le Tchad se trouve dans une impasse
politico économique sans précédent. Des opposants
arrêtés, des militants séquestrés, des paisibles
citoyens assassinés, bref la méfiance et la haine se
développaient de plus en plus et la déchirure était
imminente. Toute
34 Entretien avec Fanga Augustin le vendredi 23 juin
2017 à biliam I.
53
manifestation ou tout rassemblement était
sévèrement puni parce que le président Tombalbaye voulait
coûte que coûte sauvegarder l'unicité de son parti le
PPT/RDA35.
À partir de ces incidents politiques, le Tchad entre
dans une période où les hommes en armes vont jouer un rôle
prépondérant dans tous les domaines de la vie politique,
économique et sociale. Nombre de personnes sous la menace, se verront
contraint de quitter leur terre natale pour se réfugier ailleurs. C'est
sous cette atmosphère que l'on assiste à une grande concentration
des populations issues de la partie méridionale dans le pays massa.
Les difficultés dans lesquelles se trouvait le Tchad
durant cette période quant à la relance de son économie
ont obligé le gouvernement à lancer un emprunt national. Cette
situation est-elle-même la résultante conséquence des
crises futures. Il y a eu augmentation du taux d'imposition. Les femmes qui
jadis ne payaient pas l'impôt ont été contraintes par cette
mesure à le payer.
C'est ainsi qu'en 1965, la population de Mangalmé
exprime une volonté commune de ne payer cette charge imposée par
le gouvernement de Tombalbaye. Le refus de payer l'impôt plus la tuerie
des dix personnes, une délégation envoyée dans le cadre
d'un compromis entre les paysans et le gouvernement, se solde par un massacre
sans précédent. Plus de 250 personnes ont été
tuées. Des champs brulés ; les représailles étaient
au-delà de la limite humaine (Adoudou et Adil Artine, 2015:46).
De l'analyse de cette situation, naîtra un mouvement
rebelle, dorénavant l'opposition au régime se fait par les armes.
Plusieurs présidents vont se succéder au pouvoir en dehors du
Général F. Malloum (1975) qui est originaire du sud, les autres,
c'est-à-dire Goukouni Oueddeï (1979), Hissène Habré
(1982) et Idriss Déby (depuis 1990) sont issus du nord. Ces changements
de dirigeants s'accompagnent de rebellions et de guerres civiles assez
sanglantes développant partout dans le pays un climat
d'insécurité. Cette insécurité provoque dans la
zone sahélienne des pertes en vies humaines et occasionne le mouvement
des populations vers d'autres localités.
35 Parti Progressiste Tchadien, section locale du
Rassemblement Démocratique Africain.
54
Les crises politiques au lendemain de l'indépendance du
Tchad ont en effet affecté la démographie dans la région
du Mayo-Kebbi. Car les conflits fonciers en pays Massa ont pour moteur ces
crises. Ainsi, les relations pacifiques entre les populations se
dégénèrent suite au manque d'espace après deux
décennies. Les principaux acteurs des conflits qui sont les agriculteurs
et les éleveurs dans les zones rurales reconnaissent que la cohabitation
s'est transformée en conflits avec l'avènement des forces
armées du Nord(FAN) dirigée par Hissein Habré. Ensuite, la
migration a atteint son point culminant dans le Mayo-Kebbi en 1984 avec la
naissance de mouvements armés sudistes les « codo
»36.
En quête de sécurité, les éleveurs
migrent vers le sud et particulièrement dans la région
Mayo-kebbi. Ce flux migratoire du nord en direction du sud du Tchad est
à l'origine d'une mutation spatiale. Inversement, les populations du
sud, c'est-à-dire ceux de la région du Logone quittent leur terre
natale pour la région du Mayo-Kebbi. Ce mouvement migratoire est la
conséquence de la menace qu'exerçait le régime Tombalbaye.
La région du Mayo-Kebbi devient pour ainsi dire un véritable
centre de refuge dans lequel les déplacés s'y installent. La
rencontre des deux camps dans cette région entraine un
rétrécissement d'espace cultivable, et le Mayo-kebbi apparait
dès lors comme le carrefour national avec une particularité
ethnique.
3- Les aléas climatiques et la pauvreté
Une grande partie du Tchad est occupée par le
désert. Ce phénomène naturel influence
considérablement sur les régions voisines. Il est la cause du
déplacement de certaines personnes vers une autre localité.
3-1 contrainte naturelle
La plupart des hommes dépendent de l'environnement pour
vivre. La terre est un bien recherché tant par les communautés
sédentaires que par les agro-pasteurs pour la culture de rente et la
culture vivrière. Les pâturages sont essentiels pour les pasteurs
mais aussi pour les agriculteurs installés qui possèdent du
bétail. Ceux qui sont
36C'est l'abréviation de commando. Ce sont les
opposants du régime de Hissein Habré.
55
installés peuvent être soit de petits exploitants
soit de grands propriétaires pratiquant l'agriculture
mécanisée.
Le Tchad, pays situé dans la zone sahélienne
n'échappe pas au changement climatique. À partir des
années 1970, des graves perturbations sont apparues dans la
pluviométrie, avec des retards fréquents d'installation des
pluies et une réduction des quantités. Ces modifications ont
entraîné une baisse de la productivité des pâturages
et ont réduit les zones propices à l'agriculture et à
l'élevage. Agriculteurs et éleveurs sont à la recherche
constante de terres, mais ont peu changé leurs modes de production
(Souapibé Pabamé Sougnabe, 2003:4). Ces contraintes naturelles et
environnementales sont la cause des mouvements des populations surtout
éleveurs vers les localités favorables aux besoins des animaux.
Ainsi, la transhumance des éleveurs en quête de pâturages et
des points d'eau du nord vers le sud du pays depuis quelques décennies
demeure permanente. Ces mouvements mettent en contacte des types
d'activités différentes et des hommes différents (Armi,
2005:5). La différence qui existe entre ces hommes provient de leur
culture respective et de leurs structures sociopolitiques et économiques
fortement influencées par la disponibilité des milieux en
ressources naturelles.
Les sècheresses des années 1970 et de 1985 et la
désertification qui s'en est suivie ont été un facteur
déclencheur de conflits dans le milieu rural. Durant cette
période, le nombre de têtes du cheptel bovin du Tchad est
estimé à 4,5 millions. La plus grande partie se concentre dans la
zone sahélienne. La zone soudanienne compte moins de 100 000
têtes. Mais en 1992, au moins 26% du cheptel national se trouve dans la
zone soudanienne (Oumar Goumaîna, 2012:71-72). La désertification
qui en résulte de la péjoration climatique et des
activités abusives des hommes sur la nature cause la raréfaction
ou la réduction des ressources naturelles qui sont : l'eau, le
pâturage herbacé ou arboré. Cette situation se
décline par une compétition acharnée pour l'accès
aux ressources de la terre.
Ainsi, la cohabitation entre les éleveurs venus du nord
et les agriculteurs autochtones apparaît violente aujourd'hui. Les
conflits sont devenus de plus en plus nombreux et parfois meurtriers. On est
loin de cerner l'ensemble de leurs causes. Dans
56
les zones rurales, les conflits naissent dans la mesure
où les éleveurs en provenance du nord avec un élevage
extensif, ne suivent pas les couloirs de transhumance. Un troupeau de 500
têtes est souvent accompagné d'un petit enfant qui, n'ayant pas le
contrôle, laisse les boeufs dévaster les champs. Les agriculteurs
n'ayant d'autres choix que de riposter, se trouvent confronter à un
ennemi bien plus fort qu'eux37. En plus de cela, les éleveurs
seraient soutenus par les autorités administratives et disposeraient
d'armes à feu.
Photo 5 : Campement des éleveurs peuls à
Djarabou.
Cliché :Kampété Dieudonné
Kingué, 28 juin 2017.
37 Entretien avec Khamis officié de la police
judiciaire de la Brigade de recherche de Bongor, le lundi 26 juin 2017.
3-2 La pauvreté
Pour éviter la faim, les populations vivant dans les
périphéries de Bongor et bien plus dans les villages
reculés sont tentées de mettre leur terre en location aux profits
des familles en manque nanties. Ces familles sont généralement
des étrangers qui, par vague de migration ont intégré la
région. Ce sont généralement des commerçants, des
généraux, et autres cadres de la région.
D'autres, en particulier les chefs des cantons Bongor, Moulkou
et Nguelendeng, profitent de leur titre pour vendre des hectares aux nanties
bien que la loi n'autorise pas la vente d'un terrain de plus de cinq hectares
à un individu. Ce qui fait que les terrains aux abords de la voie
bitumée, depuis Nguelendeng jusqu'à l'entrée de Bongor
sont vendus par les chefs de canton. Ces grands espaces sont transformés
en vergé par les nouveaux propriétaires. Ce qui fait que les
champs qui, autrefois servaient de culture de mil, ont été
transformés en vastes vergés.
La vente des terres par les chefs est la cause des conflits
qui souvent opposent les ex propriétaires aux étrangers qui les
exploitent. L'exemple patent de cette situation est observable dans le Canton
Bongor, Moulkou et Tougoudé38. Dans une situation de
chômage, la terre reste une source facile de revenu, il suffit de la
vendre pour récupérer des sommes importantes d'argent.
D'où l'accroissement des litiges par le moindre défaut d'honorer
la redevance est une cause de résiliation du contrat d'amodiation.
57
38 Entretien avec le chef de secteur de l'ANADER
Djonyang Laurent le lundi 07 août 2017 à Bongor.
58
Photo 6 : Espace autrefois utilisé pour la culture
du mil transformé en verger de manguiers.
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué, 13 octobre 2017.
Cette pratique perdure et les terrains qui ont dans le
passé fait l'objet de vente sont aujourd'hui devenus des grandes
forêts fruitières. Généralement les nouveaux
propriétaires de terrains emploient les ex propriétaires pour
s'en occuper. Ces derniers bénéficient en plus de la vente un
salaire qui peut dans ce contexte assurer la survie de leur famille.
59
Photo 7 : Une forêt de manguiers à
l'entrée nord de Bongor.
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué, 13 octobre 2017.
Pour ce qui est de la location ou de prêt, Il s'agit ici
des familles qui, par manque des moyens pouvant leur permettre d'exploiter
leurs champs, sont contraintes de les mettre en location aux individus capables
de l'exploiter. Après plusieurs années de mise en culture, les
usufruitiers s'arrogent la propriété des champs. Inversement, les
familles dépossédées des champs après une, deux
générations sont confrontées à un problème
d'espace. Elles s'élargissent tandis que leurs champs deviennent
insuffisants, le besoin d'autres espaces se fait sentir. Ainsi les
propriétaires commencent par réclamer les terres qu'ils avaient
mises en location. Cette situation conduit souvent aux conflits latents mais
aussi violents entre les deux camps.
60
4- La croissance démographique.
Les migrations et les taux élevés
d'accroissement interne ont favorisé une forte croissance
démographique dans la zone soudanienne, dont la population a
doublé en 30 ans, passant de 1 300 000 habitants en 1960 à 2 500
000 en 1993 (Djapania (1996) cité par Souapibé Pabamé
Sougnabe, 2003:4). La forte natalité occasionne l'augmentation de la
population sur une terre intacte. Dans ce contexte de forte croissance interne,
les terres de culture deviennent de plus en plus rares et insuffisantes pour
répondre aux besoins de la population tout entière. Cette
situation rend problématique le rapport des hommes à la terre, ce
qui génère des conflits dans tout le pays Massa. Ces conflits qui
pour la plupart se justifient par le manque d'espace, sont fréquents
puisque l'agriculture demeure et reste la principale activité. En
voulant satisfaire leurs différents besoins, les hommes se disputent la
terre.
Aussi, la pression pastorale s'est-elle
particulièrement accentuée dans tout le pays Massa, sous l'effet
du développement des troupeaux villageois et surtout de la forte
descente des troupeaux transhumants, fuyant les nombreuses sécheresses
issues des aléas climatiques et des activités abusives d'hommes
sur les terres. Cette démographie caractérisée par la
transhumance de l'extérieur vers l'intérieur du pays, a
favorisé une extrême croissance animale et humaine. Ainsi la
saturation d'hommes et d'animaux dans le territoire massa a renforcé la
pression sur l'espace et les oppositions entre les différents usagers.
Même si la densité moyenne de la population et la charge moyenne
du cheptel ne donnent pas une idée précise de leur
répartition réelle dans les différentes localités
(Souapibé Pabamé Sougnab, 2003:4), il faut dire cependant qu'il y
a un sérieux problème quant à la gestion d'espace.
61
En somme, la croissante démographique issue aussi bien
du taux élevé de natalité que du mouvement des
éleveurs dans le pays Massa, a eu des conséquences sur la
société massa. Cette situation a conduit progressivement au
rétrécissement des espaces exploitables. Ainsi les relations
entre les différentes populations, compte tenu des pressions sur les
terres, dégénèrent souvent en conflit. Ces conflits qui,
dans le passé les opposaient aux peuples voisins, sont devenus
réguliers à cause du manque de la terre, elle-même
causée par le nombre élevé de la population. Ils opposent
pour la plupart de cas les agriculteurs entre eux et les agriculteurs aux
éleveurs avec des conséquences considérables sur la
société.
62
CHAPITRE III
MANIFESTATIONS ET CONSÉQUENCES DES
CONFLITS
La terre étant un des facteurs qui constituent une
nation. Celle-ci revêt une importance capitale dans la vie de l'homme et
de la société tant qu'elle est source de développement
économique. Elle est donc le pouvoir dans la mesure où elle tient
: l'agriculture, l'élevage, l'habitation, les ressources minières
et elle configure aussi l'étendue du pouvoir d'un État. La
quête de la terre non seulement des terres fertiles, est toujours un
problème social crucial (Kangu lumbam Kambi, 2004:27). Ainsi, les
usagers de l'espace s'opposent souvent sur l'utilisation de ce dernier et
véhiculent des visions différentes, voire opposées. Ces
tensions peuvent se transformer en conflits. La croissante démographique
plus la dégradation de l'environnement observée au cours des
XIXe et XXIe siècles influence progressivement les
rapports entre les différents utilisateurs dans le pays massa.
Essentiellement cultivateurs, l'accès à la terre chez les massa
est dorénavant un enjeu considérable qui engendre les tensions
chaque année entre les usagers car la corrélation entre la
croissante démographique plus l'amenuisement de l'espace est importante
pour comprendre les conflits dans la région. Ainsi, terres et conflits
sont souvent inextricablement liés. Des conflits nombreux et
variés surviennent régulièrement pour l'accès aux
ressources dans le cercle et la communauté massa. Ces conflits sont
exacerbés par des velléités pour leur contrôle ou
appropriation par les acteurs. Il s'agit de conflits entre agriculteurs et
éleveurs, entre communautés autochtones et utilisateurs
allochtones, de limites d'espace et d'exploitation des ressources. Le
présent chapitre étudie les manifestations des conflits sur le
territoire massa et s'appesantit sur les conséquences qui en
découlent.
63
I- TYPOLOGIE ET MANIFESTATION DES CONFLITS
Il s'agit dans cette partie de présenter les
différentes zones dans lesquelles l'on enregistre souvent des conflits
aussi latents qu'ouverts ou violents. Au vu de nos enquêtes sur
l'ensemble du territoire massa, il ressort que les titres fonciers sont
attribués par diverses autorités sans qu'elles aient
procédé à une enquête préalable de vacance de
terre. Ce qui va sans doute causer des conflits des limites des terrains, les
conflits autour des terres héritées, les conflits liés
à l'exploitation illégale de terres, le conflit dû à
la double cession.
Les conflits des limites des terrains sont des conflits dus
à une modification des limites de terrain après
déplacement d'un plan. Ainsi ces conflits peuvent provenir d'une simple
modification des limites du terrain par un ancien voisin du terroir
après la mort subite de l'occupant qui n'a pas eu de temps de montrer
toutes les limites à ses enfants ; il peut également être
provoqué par une incursion volontaire dans le champ du voisin. Nous
avons aussi les conflits autour des terres héritées qui eux aussi
sont un autre type des conflits fonciers en pays massa. Le régime de
succession est patrilinéaire chez les Massa c'est-à-dire les
biens se transmettent aux enfants de sexe masculin qui doivent se les partager
équitablement. Ceci renforce la cohésion de la famille aux
dépens de la famille élargie. Mais seul le fils de la
première femme peut devenir chef des terres, du terrain. En ce qui
concerne les conflits d'occupation illégale des terres, certaines
personnes occupent des terres sans aucune autorisation soit par la force soit
par ruse. Ces personnes pénètrent le terrain sans l'avis du
propriétaire. Ce genre des pratiques ne cesse de causer des conflits
fonciers. Depuis plus d'une décennie, les conflits au sein des groupes
sociaux se multiplient, dégénérant parfois en
affrontements sanglants et meurtriers. La gravité des conflits varie
d'un village à un autre avec d'acteurs variés.
64
1- Conflits inter-claniques
Les formes et modes de propriété des terres sont
souvent la source de conflits. La gestion des terres ancestrales chez les Massa
constitue une source d'incompréhension majeure entre villages. En effet,
ce conflit est l'un des plus meurtriers de la région. La
problématique du droit d'accès à la terre se pose avec
acuité dans un contexte où le nombre de la population va de
manière croissante. Depuis plus d'une décennie, le canton Koumi,
connaît des situations dramatiques. Ce Canton se compose principalement
de trois entités claniques : le groupe Beiga dans le nord, les Rigaza et
Nollaye dans le sud. Il faut signaler que ces trois entités claniques
vivent en harmonie depuis des siècles. Au départ, le village de
Biliam-oursi I et Biliam-oursi II vivaient en harmonie. Les conflits les
opposaient au clan Koumi. Les antagonismes commencent quand un des Biliam-oursi
II rend l'âme suite à une bagarre entre ces derniers et un fils de
Biliam-oursi I. cette situation interrompt les relations qui existaient entre
ces deux clans. À partir de cet instant, les Biliam-oursi se rallient au
Koumi, clan qui, au départ était leur ennemi.
Les premiers heurts commencèrent en 1998, quand les
paysans de Dongui-Baha, village voisin de biliam-oursi I, investissent un
terrain de 10 hectares exploité depuis fort longtemps par le village de
Biliam-oursi I. Ils prétextent que ce Champ leur appartient. À la
suite de cette revendication, une bataille éclate et se solde par deux
morts dans le camp biliam-oursi I. Après jugement39 en faveur
de biliam-oursi I, le verdict est contesté par le village de Dongui-Baha
et ce, jusqu'aujourd'hui bien que le champ appartient juridiquement au village
biliam-oursi I40.
De ce qui précède, un décret
présidentiel érige les cantons Toura, Magoua et Koumi en
sous-préfecture dénommé Rigaza41. Avec une
Sous-préfecture portant le nom de leur ancêtre, les Rigaza
commencent par imposer leur dicta. À partir de ce moment la question
d'autochtonie se pose. En d'autres termes, qui n'est pas Rigaza n'est pas de
Koumi, et par conséquent n'a pas accès à la terre. C'est
dans ce contexte
39 Entretien avec le chef de canton Sampil Dapsia, le
vendredi 23 juin 2017 à Nolay.
40 Ibid.
41 Cf. Décret n°354/PR/MISD/99 du premier
septembre 1999 portant création de la sous-préfecture de
Rigaza
65
que le clan Rigaza interdit les biliam-oursi I de labourer 34
hectares de riz. Alors que ce champ est la propriété de
biliam-oursi I bien avant sa mise en valeur en 1953, date de la création
du casier A de Biliam-oursi42. Suite à ces
événements, le tribunal de 1re Instance de Bongor a rendu un
jugement en faveur de Biliam-oursi I43. Ce jugement est mal
accepté par le clan Rigaza qui attaque les forces de l'ordre, blessant
un gendarme grièvement. Les gendarmes ripostent en blessant plusieurs
personnes dans le camp Rigaza dont un mortellement. Pour se venger, les Rigaza
s'abattent sur Biliam-oursi I. Ils détruisirent les habitations et
pillèrent le village ennemi44.
Dans un contexte de rixe violent, en juin 2014, les membres du
clan Rigaza du Canton Magao, sous-préfecture de Moulkou empêchent
le village de Biliam-oursi Beiga d'exploiter un champ appartenant à ce
dernier. Ils arrachent les plants, s'en prennent violemment aux cultivateurs.
Quelques bottes sont amenées comme preuves par les gendarmes de Bongor.
Quelques mois après, de la même année, les exploitants
agricoles de la rizière de Biliam-oursi I sont attaqués par
quelques individus du Clan Rigaza. Il s'agit cette fois-ci de tous les villages
de Rigaza du Canton Koumi et de quelques villages du Canton Magao,
sous-préfecture de Moulkou45. Ils investissent tous les
villages Biliam-beiga. Les hostilités durent trois jours et le bilan est
de 12 morts, soit 9 du côté des Beiga et 4 du côté
Rigaza. Ce conflit voit dans le cadre de sa résolution la
présence de l'ex premier Ministre Tchadien et du gouverneur,
accompagné des forces de l'ordre. Ainsi, 54 personnes sont
arrêtées par les forces de l'ordre. Elles se trouvaient soit au
lieu de deuil, soit au champ du mil, soit au sortie d'une
église46, transférées à N'djaména
et après à Korotoro, une prison située dans le
djourab47.
42 Entretien avec Malamssou, cultivateur, le 23 juin
2017 à Ours I.
43 Cf. pièce n°3 : extrait du jugement
civil du 27 avril 2011.
44 Entretien avec Malamssou, cultivateur, le jeudi 23
juin 2017 à Oursi I.
45 Entretien avec le sous-préfet Moussa
Kallibokori le 24 juin 2017 à Oursi I.
46 Entretien avec Dom Djaldi, cultivateur, le vendredi
23 juin 2017 à Oursi I.
47 Désert dans la partie nord-est du Tchad.
66
Aujourd'hui, ces conflits se manifestent chaque année
à l'approche de la saison de pluie mais souvent latents. Ayant pris une
connotation politique48, il ressort des analyses sur le terrain que
le fait que les biliam-béiga soient reconnus comme propriétaires
dudit terrain faisant l'objet de tensions, et de tous les conflits futurs.
Ainsi la « Rigazatitude49 » prônée
par les Rigaza, apparaît comme une idéologie dont il faut se
prévaloir pour exclure certains groupes.
Il convient de souligner que les tensions violentes et souvent
moins violentes dans le Canton Koumi s'explique par une croissance
démographique rapide ; un camp voulant s'accaparer d'autres espaces pour
assurer la survie de son village. L'autre camp moins peuplé revendique
la propriété des champs, arguant qu'il l'exploitait avant sa mise
en valeur par le casier A à Biliam-oursi.
Outre ces conflits violents dans le Canton Koumi, il existe
des conflits moins sanglants souvent tranchés sur le coup. Il s'agit par
exemple du litige qui oppose le village Kouhlou au village Malam50.
Ce dernier voudrait mettre en valeur un espace de plusieurs hectares sous
pression d'une démographie galopante. Ce différend fut
réglé à l'amiable par les chefs de village et de
canton.
Contrairement au Canton Koumi où l'on enregistre le
plus des conflits ouverts et souvent violents entre les différents
clans, le Canton Bongor fait l'objet des conflits latents et quelques fois
ouverts. C'est ainsi qu'un litige opposa en 2015 le village de Djarabou,
situé à 15km de Bongor, aux villages Tchinvogo et Gollo. Ces deux
villages se disputaient un terrain de plusieurs hectares à la
frontière qui les sépare. Toutefois, il n'y pas eu d'affrontement
direct. Le litige a été tranché à l'amiable, le
chef de village ayant été l'arbitre : « En principe la norme
voudrait à ce qu'ils me consultent avant de labourer sur mon territoire
»51.
48 Nous parlons de la connotation politique ici parce
que la notion de Rigazatitude est soulevée afin de bannir certains
groupes de la société.
49 Nom qui renvoie à l'ancêtre Rigaza qui
est pour le clan une fierté.
50 Entretien avec le chef de village Kouhlou Issa
Kampété le samedi 24 juin à Beiga-kouhlou.
51 Entretien avec la Chef de village Djarabou Oumar
Mahamat, le mardi 27 juin 2017 à Djarabou.
67
Les autorités administratives signalent aussi les
conflits domaniaux dans les villages Goum-Bougoudan et Malam-Wayanga : «
C'est une population tellement violente, une erreur pouvant dans ces
sociétés vous conduire à la mort. C'est
généralement les parents qui, arrivés à un certain
niveau croient pouvoir dompter les autres, incitent les enfants à
occuper les champs d'autres personnes ».52 Cette occupation
illégale des terrains est mal acceptée par les
propriétaires qui revendique leurs terrains y compris par la force.
C'est ainsi que l'on enregistre chaque année des cas de conflit sur
l'ensemble du territoire massa.
Aujourd'hui, le dans le canton Koumi, la majorité des
conflits inter-clans ou familles quels qu'ils soient, sont des conflits dont le
fondement est lié au sol. Les conflits éclatent quasiment chaque
année entre les différents groupes avec des conséquences
fâcheuses.
2- Rixes éleveurs-agriculteurs
On l'a dit plus haut, les communautés villageoises se
retrouvent de plus en plus souvent privées de leur patrimoine foncier
suite à une mauvaise gestion de la terre. Dans les années
précédentes, les pratiques pastorales dans le pays Massa
n'avaient pas trop d'effets et cet élevage était beaucoup plus
traditionnel. Mais aujourd'hui, les zones qui, dans le passé furent
réservées pour la pratique du Guruna sont devenues des
exploitations agricoles. La transhumance dans cette partie semble difficile et
dans certains villages, l'on enregistre chaque année des conflits
ouverts ou latent et dans d'autres, cette situation semble devenir la cause des
futurs conflits.
Aujourd'hui avec l'accroissement de la population, une
nouvelle forme d'élevage s'est instaurée et apparait comme une
menace à la propriété foncière pour la
société massa surtout dans les cantons Moulkoun, Bongor. C'est l'
« élevage des Généraux53 », des
grands commerçants et autres personnalités installées dans
la région
52 Entretien avec le CB de la sous-préfecture
de Rigaza Perssou Dalbé le samedi 24 juin 2017 à Biliam-oursi
I.
53 L'élevage des Généraux est
ici une nouvelle forme d'élevage extensive pratiquée
essentiellement par les officiers supérieurs de l'armée. Ces
Généraux emploient quelquefois les jeunes soldats sous leur
autorité pour surveiller leurs troupeaux. Ces derniers sont dotés
d'armes pour leur défense. Cette pratique est plus
développée dans le nord du pays.
68
du Mayo-Kebbi. C'est ainsi que l'accès aux ressources
telles que les terres, dont les conditions sont très difficiles dans
cette région, est source de tension sociale. Des conflits existent entre
agriculteurs et pasteurs qui ne se résument pas à une simple
opposition. Ces conflits éclatent quasiment chaque année,
essentiellement entre les éleveurs peuls et les autochtones dans les
villages Witiwitchi, Moulkou, Guézédé et Magao et quelque
fois entre les éleveurs massa et les cultivateurs massa54.
D'autres tensions existent aussi entre les nouveaux propriétaires des
grands espaces transformés en vergers et la population locale. Les
agriculteurs veulent étendre le domaine agricole et font fi de l'usage
ancestral oubliant qu'il existe des limites à ne pas franchir
après la vente d'une quelconque parcelle. Les conflits résultent
aussi de l'entrée des animaux pour pâturer dans des parcelles
cultivées non protégées ou des vergers. À en croire
la structure sociale massa, les agriculteurs sont les premiers à
s'installer bien qu'ils pratiquent un élevage traditionnel. L'ancien
élevage confronté aux nouvelles pratiques s'accompagne de
tensions sociales.
Les migrations issues des aléas climatiques soit des
crises politiques au lendemain des indépendances ont eu pour
conséquence une concentration élevée des populations dans
la région du Mayo-Kebbi. Cette concentration crée un manque
d'espace avec l'évolution de la région sur une durée de
près de 45 ans. L'occupation progressive des terres par les
éleveurs et le non-respect des couloirs de transhumance par ces derniers
sont souvent sources de tension. L'exemple de ce qui se passe dans le Canton
Moulkou, Bongor est illustratif. L'on assiste dans ces Cantons à un
regroupement des troupeaux à cause de leur proximité avec le
Logone mais aussi du Chari. En saison de pluie dans ces Cantons, la stagnation
des eaux empêche les éleveurs d'effectuer leur transhumance.
Aussi, les champs de mil dans ces Cantons occupent presque les terres fermes et
cela rétrécit les pistes de transhumance. Comme l'affirme
Abdouraman Tom : « à l'ancien système de transhumance,
à la fois stable et spécifique, mais lié à des
groupes sociologiques précis (Foulbé et Arabe Choa) s'est
substitué un système caractérisé par des relations
de plus en plus conflictuelles entre
54 Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER, 07 août 2017 à Bongor.
69
agriculteurs et éleveurs et une anthropisation accrue
du milieu »,(Abdouraman cité par Sambo, 2012:201).
Il est difficile dans ce contexte de conduire un troupeau de
boeufs d'un point à un autre endroit. Car les éleveurs
considèrent que les agriculteurs font exprès et les
empêchent de circuler comme ils veulent. Inversement, les agriculteurs
estiment que les éleveurs ne respectent guère les lignes
établies dans le cadre de leur circulation55. Cette situation
est, elle-même la résultante cause des conflits, c'est ainsi que
l'on assiste à des disputes qui se terminent par des bagarres entre les
deux camps56. Le Chef de canton de Bongor estime que les conflits
dans sa circonscription ne relèvent pas de sa compétence du
moment où il n'a pas de mot quand survient un conflit57.
Selon lui, lorsqu'un conflit survient, les éleveurs font appel à
leur maître, les hauts cadres du pays et l'affaire est
réglée à la brigade de recherche de la localité
soit à la justice sans son point de vue.
Les conflits qui opposent les agriculteurs aux éleveurs
sont dus aussi à l'occupation des espaces autrefois
réservés à la transhumance par les agriculteurs. Cette
occupation se justifie en effet par la dégradation du sol. Les terres
faisant l'objet des travaux extensifs, ne peuvent subvenir aux besoins de la
population58. Au vue de cette situation, les agriculteurs sont
contraints quelques fois d'excéder leurs champs en touchant les axes
servant de couloir de transhumance. Cette pratique a pour conséquence
les conflits ouverts lors de passages de boeufs entre les agriculteurs et
éleveurs.
55 Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor
56 Entretien avec le Chef de Canton de Bongor, Samma
Tordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
57 Ibid.
58 Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor.
70
Photo 8 : Un troupeau de boeufs pâturant
près d'un champ.
Cliché :Kampété Dieudonné
Kingué, 13 octobre 2017.
Accompagnés souvent des petits enfants, comme c'est le
cas sur cette photo, prise dans un village situé à quelques
kilomètres de Bongor, ces derniers ne peuvent maitriser les boeufs qui
saccagent les champs, entrainant des altercations avec les paysans. C'est ainsi
qu'une altercation entre éleveurs peuls et agriculteurs
dégénéra en bataille rangée dans la localité
de Guézédé, village situé à 15km de Bongor.
L'affrontement se soldat par de nombreux blessés parmi les
communautés belligérantes59. C'est aussi le cas
à Moulkou où en 2015 un conflit éclate entre les
éleveurs choa et agriculteurs Massa. Ce conflit se solde par un grand
nombre de blessé dans les deux camps et le litige fut
réglé chez le chef de canton de Moulkou60.
Alliés aux hommes armés de la région, ces
éleveurs sont dotés quelquefois des armes à feu qu'ils
utilisent en cas de menace comme le confirme Khamis, l'OPJ de la
59Entretien avec Khamis officié de la police
municipale de la brigade de Bongor le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
60 Entretien avec le chef de secteur de L'ANADER, Djonyang Laurent
le lundi 07 août 2017 à Bongor
71
brigade de Bongor61. Ce qui fait que la plupart des
conflits entre les deux camps sont meurtriers. Les bergers étant parfois
des employés de riches éleveurs musulmans basés en ville,
les affrontements connaissent parfois des tournures confessionnelles et une
dimension de lutte de classe. C'est ainsi qu'en 2016, comme nous l'explique
Djonyang Laurent, chef de secteur de l'ANADER62 de la région
de Mayo-Kebbi, une altercation entre bouvier et agriculteur fut saisie par le
parquet de Bongor parce que selon lui, les Chefs traditionnels se sont vus dans
l'impossibilité de trancher le conflit. D'après ce qu'en
rapportent les témoins, un général d'armée a
ordonné depuis N'djaména à son bouvier de
pénétrer un champ près de son terrain parce que son
troupeau est aux abois. Ce dernier s'exécute, provoquant le courroux des
agriculteurs. La situation dégénère en conflit ouvert
entre les propriétaires dudit champ et le bouvier. Les chefs
traditionnels ayant peur de se voir détrôner ont laissé
l'affaire entre les mains de la justice63.
Comme mentionné dans le précédent
chapitre, les massa sont un peuple qui chaque année pratique le
Guruna, sorte de rite qui consiste pour les jeunes de conduire les
troupeaux en brousse pour une durée de deux voire trois mois. Cette
sorte d'élevage traditionnel est le propre de l'homme massa. Cette
pratique est depuis quelques années sources de conflits dont les causes
sont liées au non-respect des couloirs de transhumance établis
par les hommes massa eux-mêmes.
Avec l'accroissement de la population dans le canton Koumi par
exemple, les espaces se sont rétrécis et ce qui était
autrefois considéré comme couloir de transhumance est aujourd'hui
exploités par les hommes. Ainsi, l'on enregistre chaque année des
conflits latents entre les populations locales, depuis les villages Magoa
jusqu'à Tior.
De même, le guruna était pratiqué
jadis par les jeunes braves et valides. Mais aujourd'hui, cette pratique est
désacralisée. Souvent, ce sont les enfants qui s'en
61Entretien avec Khamis, Officier de la Police
Judiciaire de la brigade de Bongor, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
62 Acronyme pour désigner l'Agence Nationale
d'Appui au Développement Rural, ex ONDER (office national du
développement rural).
63 Entretien avec Djonyang Laurent le lundi 07
août 2017 à Bongor.
72
occupent et n'ayant pas l'entière maitrise du troupeau,
laissent les boeufs dévaster les champs des paysans. C'est le cas
notamment à Witiwithi, village situé dans le canton
Télémé où un champ de haricot a été
dévasté par les boeufs conduit par deux enfants massa.
3- Conflits au sein d'une même famille
L'expérience que nous vivons aujourd'hui sur la
question foncière, nous révèle que la terre soulève
toujours de sérieux problèmes dans beaucoup de familles. Parce
que l'existence de l'homme est liée à celle-ci et à ce qui
en est extrait. La terre revêt une importance capitale tant qu'elle est
source du développement économique. De cette importance
découle également un nombre élevé des conflits.
À Béding, frontalier avec le village Beiga, les
Birlim et les Bandè entrent en conflit suite à une
mésentente sur une parcelle. Issus d'un même village, la
première famille voudrait bien exploiter l'espace pour l'agriculture or
la seconde ayant des espaces suffisants pour leur culture voudrait l'utiliser
pour faire paitre leur troupeau. C'est ainsi qu'en 2015, lors d'une dispute, un
conflit ouvert est déclenché mais tranché sur le champ par
le chef du village. Il n'y avait pas de mort mais plusieurs blessés.
C'est dans ce même contexte que des frères issus
d'un même père dans le village Biliam-oursi I, entre en conflit
ouvert pendant plus d'un mois à cause d'un espace que leur père
décédé avait laissé. En effet après sa mort,
Djouvounna Braham laisse à sa famille un espace de 3 à 4 hectares
sans laisser des consignes au préalable. Son frère Kounna
autorise les enfants de la deuxième femme à exploiter le champ,
chose qui n'a pas du tout plu aux enfants de la première épouse.
Ces derniers refusent de céder à la demande de leur oncle. C'est
ainsi qu'on assista en 2014 à un conflit acharné entre les
antagonistes avec comme conséquence des graves blessures64.
Cette situation a été tranchée à la brigade de
Rigaza. Selon le Commandant de Brigade de la sous-préfecture de Rigaza,
ces conflits ont pour fondement le taux croissant de natalité dans
certaines familles. Un père de famille n'ayant qu'une petite parcelle de
terre
64Entretien avec le commandant de Brigade de la
sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, le 23 juin 2017.
73
« prend le risque de mettre au monde beaucoup
d'enfants sans se soucier de leur futur 65». Cette
situation est la cause des éventuels conflits souvent rangés.
Après la mort du chef de la famille, les enfants se disputent les
terres, denrées précieuses de la nature.
En 2016 par exemple, un conflit oppose deux familles du
même village. Il s'agit de la famille Denguel et Houma. Mise en location,
un terrain de 4 hectares fait l'objet de labour par la famille Denguel depuis
1967, est réclamé par les Houmi, présumés
propriétaires dudit terrain66. Ce type de rixe sur les
parcelles de quelques hectares oppose aussi la famille Zizou au Chef de
village, un certain Hamana. En effet le champ faisant l'objet de conflit fut
dans le passé un terrain vide, propriété des grands
parents du chef de village. Vivant en harmonie, les grands parents auraient
donné le terrain à la famille Zizou qui l'occupe jusqu'en 2010,
date de sa mise en culture. Le chef de village étant le petit fils,
réclame le terrain prétextant qu'il est en manque d'espace
après plusieurs années d'exploitation par la famille
Zizou67. Cette situation a entraîné le
déclanchement d'une batail ayant entrainé une animosité
dans les familles, laquelle a obligée certaines personnes à
quitter leur village. La terre est transformée en un instrument des
conflits au lieu qu'elle soit un moyen de production. Cette dissension entre
les deux camps, fut tranchée chez le chef de canton, chez les Noloye.
II- LES ENJEUX LIÉS AUX CONFLITS
En Afrique, les enjeux de l'accès équitable
à la terre sont liés au fait que cette ressource constitue l'un
des substrats essentiels des activités productives en milieu rural.
Parce que indispensable à la satisfaction des besoins humains, la terre
représente aujourd'hui un enjeu majeur dans la société
massa, au point que l'on s'inquiète des crises futures. Elle
représente une ressource indispensable à la satisfaction des
hommes.
1- Enjeux socio-économiques
65 Entretien avec le commandant de Brigade de la
sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé , le 23 juin 2017.
66 Entretien avec Djibetsou Moullah, cultivateur, le
samedi 24 juin 2017 à Nollay. 67Ibid.
74
Le rapport foncier est un rapport social
déterminé par l'appropriation de l'espace. D'une manière
générale, les problèmes fonciers en Afrique n'ont pas
commencé avec la colonisation. On admet actuellement que les principes
de base de l'organisation des rapports sociaux de maîtrise de l'espace
ont été posés par la révolutiondu
néolithique, c'est-à-dire à l'occasion de la domestication
des animaux et de l'invention de l'agriculture. À partir de ce moment,
l'espace apparait donc comme un enjeu économique majeur dans la vie de
l'être humain.
Il est à noter qu'économiquement, la terre
constitue le fondement de toutes les activités sur le territoire massa.
C'est elle qui garantit la production mais, plus encore la reproduction d'une
société. Les activités rurales sont conditionnées
par la terre raison pour laquelle avoir accès et jouir de ses ressources
constitue est un problème majeur des villageois. De ces constants
où les terres connaissent un rétrécissement rapide
dû à la surpopulation, c'est la survie des ruraux qui est en jeu,
ainsi l'accès à la terre devient un enjeu majeur. Cette dynamique
ne va pas sans poser de problèmes sociaux. Les relations entre les
agriculteurs, agriculteurs-éleveurs, précédemment
marquées par un certain équilibre qui repose sur la
complémentarité, sont devenues désormais conflictuelles et
concurrentielles dans la gestion des terres et de ses ressources. Il n'y a plus
d'équilibre entre ressources disponibles et la population qui ne fait
que s'accroitre.
Dans ce contexte, l'accès à la terre devient une
question de pouvoir où le jeu de force semble être l'ultime
solution. Les terres deviennent pour ainsi dire des véritables enjeux
économiques et dont le contrôle est une condition sine qua non.
C'est ainsi qu'en pays massa, certains villages qui ont un taux
élevé de la population pensent occuper les terres d'autres
villages voisins parce que le nombre de leurs populations va de manière
croissante. Dans cette situation de pénurie, le besoin de
conquérir d'autres espaces ne peut qu'augmenter. En acquérant des
grands espaces, ceux-ci expriment en fait leurs supériorités bien
en nombre mais aussi en termes de force.
75
Nous savons que par définition, l'enjeu, c'est ce qui
peut être gagné ou perdu, ce qui fait donc l'objet de conduites
d'anticipation, le gain ou la perte.68 L'enjeu est donc ce qui est
mis « en jeu ». C'est à la fois le support du jeu social,
économique, politique et juridique : l'objet ou la ressource en
compétition, le support de conduites qui expriment la maitrise sociale,
le sens du jeu, et surtout ce dont une société tient pour vital
la production individuelle ou collective69. Les litiges fonciers
dans notre zone d'étude sont liés à l'occupation des
espaces par des acteurs et ce, de manière anarchique quelquefois. Les
terres sont un moyen de survie, en cas de manque, tous les moyens sont bons
pour les acquérir70.
De ce qui précède, la terre apparait comme un
enjeu économique majeur raison pour laquelle son accès demeure
une question prégnante dans toutes les couches sociales. Car elle est
convoitée par tout le monde. Le constat qui se dégage de notre
analyse du terrain est que, la course pour le contrôle de la terre montre
combien les acteurs en compétition manifestent l'urgence de la
conquérir. Les différents acteurs vivent dans une
promiscuité totale. Au vue de l'actualité, on peut en
déduire qu'aucun arpent de terre ne sera laissé si le nombre de
la population ne fait que s'accroitre et que l'agriculture demeure la
première activité dans la région.
En ce qui concerne les conflits inter-clans, le pays massa
apparait comme étant prédisposé à faire face
à ce problème de cet ordre. Il s'agit ici de ceux dont une partie
est un espace de rareté en ce qui concerne les terres cultivables alors
que l'autre partie est mieux dotée d'espaces, ce qui donne lieu à
une sorte de migrations des populations vers ces zones utiles. Ce qui explique
la récurrence des conflits ouverts entre les clans dans le canton Koumi.
L'économie du pays étant fondée exclusivement sur
l'agriculture, les acteurs en compétition sont souvent animés par
une volonté de priver le camp ennemi de cultiver.
L'élevage au Tchad constitue un élément
important dans le secteur économique. Les éleveurs en
perpétuel mouvement sont animés d'une stratégie
d'occupation de
68 Groupe de Recherches Alternatives et de
Monitoring du Projet Pétrole Tchad-Cameroun/GRAMP/TC, 2009, p. 145.
69 Groupe de Recherches Alternatives et de
Monitoring du Projet Pétrole Tchad-Cameroun/GRAMP/TC, 2009, p. 145.
70 Entretien avec le chef de canton de Bongor Samma
Tordina le samedi 26 juin 2017 à Bongor.
76
l'espace sans consultation préalable auprès des
chefs de villages. Dans ce contexte où l'on exprime un besoin urgent
d'espace confronté à la dynamique démographique, les
terres deviennent des enjeux donc, impossible de les perdre.
À cet effet, la terre reste un patrimoine important.
Les activités agricoles et pastorales développées dans
cette partie du pays permettent de répondre aux besoins de la
population. La dynamique au sein des autochtones agriculteurs et
éleveurs s'inscrit dans une logique de compétition pour
l'accès aux ressources de la terre. L'agriculture étant le pilier
de l'économie dans tout le territoire massa, elle ne peut être
pratiquée que dans des vastes espaces. Cela dit, les couloirs de
transhumance doivent en principe être respectés. Actuellement, la
spéculation et l'accaparement de terres par les différents
acteurs prend de l'ampleur.
Cela dit, la course pour l'accès à la terre est
due au fait que l'agriculture est dans la société massa la
principale activité et le pilier de l'économie. Aujourd'hui, avec
l'accroissement de la population sur le territoire, l'espace se
rétrécit et devient source de conflits entre divers usagers.
C'est ce qui fait que partout dans les villages l'on relève une
situation de tensions entre les groupes de familles, entre les individus, les
communautés.
2- Enjeux politiques
Nous savons qu'avec l'arrivée de la colonisation au
Tchad, les législations sur le foncier et les ressources naturelles ont
été des instruments de dépossession des communautés
locales, à travers l'immatriculation. Légitimé par la
rationalité technique et par l'intégration nationale, le
contrôle étatique des ressources fait partie intégrante de
la trajectoire d'État et a souvent été mis au service de
la classe politico-administrative. De ce point de vue, la
caractéristique principale des États aujourd'hui, est aussi cette
capacité à disposer d'un grand espace. Car, tout système
de propriété est fondé sur un système
d'autorité. Le contrôle de la terre et de ses ressources apparait
dès lors comme un enjeu de pouvoir.
77
C'est ainsi que les conflits entre différents acteurs
surtout agriculteurs sont dorénavant des oppositions sous-tendus par une
volonté de domination. Les chefs traditionnels voulant subvenir et ou,
assurer la survie de leurs populations, sont animés par le désir
d'affirmer leur souveraineté. Ainsi, la conquête d'espace par
force semble être la solution aux futures crises qui pourraient s'abattre
sur leur village. Ce qui fait que les facteurs qui influencent les
comportements d'acteurs en conflits c'est non seulement le soutien des
élus locaux mais, aussi celui venant de la part des hauts cadres de la
région. Parce que détenteurs des grands espaces, cadeau venant de
la part de certains chefs tel comme c'est le cas avec les chefs de cantons
Moulkou, Bongor, ceux-ci en cas de conflits, prennent position derrière
ceux qui leur sont redevable.
Aussi, les enjeux politiques liés à la terre en
pays massa se manifestent par le recours aux notions d'autochtonie et
d'allochtonie. Elles ont souvent été un tremplin pour atteindre
nombre revendications identitaires. L'exemple patent élucidant ce cas,
est le conflit qui oppose les Rigaza aux biliam I dans le canton Koumi.
Autrefois vivant dans l'harmonie, la forte natalité dans ce canton
créa donc un sérieux problème quand à
l'accès à la terre. Confronté à ce problème
qui découle du rétrécissement d'espace, le groupe le plus
nombreux, en voulant écarter l'autre groupe évoque donc la notion
d'autochtonie en clamant la rigazatitude71. Qui n'est pas
rigaza n'est pas autochtone, autrement dit, tout le peuple qui, plusieurs
années avant s'était installé dans le canton doit quitter
le territoire. Or, il faut signaler que la présence de la plupart de ce
peuple dans la localité date de très longtemps et actuellement la
majorité de la population de cette zone est issue de la
troisième, quatrième génération. Aujourd'hui, le
conflit le violent et meurtrier en pays massa est celui qui oppose les deux
groupes mentionnés ci-haut et dont la gestion demeure très
difficile.
De ce constat, faut-il ajouter les enjeux électoraux
liés aux fonciers dans la société massa. Les hommes
politiques issus de la région en voulant avoir le plus de voix ou la
faveur de l'électorat sont souvent tentés de soutenir le groupe
le plus influent ou le groupe dont il est la progéniture72.
Cette situation est plus fréquente dans
71 Entretien avec le sous-préfet de Rigaza
Moussa Kallibokri le vendredi 23 juin 2017 à Biliam-Oursi I.
72 Entretien avec le responsable de l'ANADER Djonyang
Laurent, le lundi 07 août 2017 à Bongor.
78
le canton Bongor où en 2016, une altercation entre deux
acteurs d'usage différent a fini en justice. Dans ce contexte, le
soutient d'hommes politiques a comme contrepartie la voix de ceux qui lui sont
redevables. En aidant les groupes majoritaires, ces acteurs politiques pensent
acquérir le plus de voix que leurs rivaux politiques de la région
d'où l'intérêt manifeste de ceux-ci à vouloir
souvent inciter les populations à s'approprier d'espaces d'autres
personnes.
III- LES CONSÉQUENCES DE CONFLITS FONCIERS
Ces conflits nombreux et variés qui surviennent
régulièrement pour l'accès à la terre dans le pays
massa, ont des conséquences sur le plan économique, social,
politique.
1- Sur le plan économique
Sur le plan économique, notons que les
conséquences en sont nombreuses. Base de toutes les activités, la
terre dans la société massa demeure le pilier de
l'économie. Étant en perpétuel conflit, certaines familles
se trouvent dépourvues de leurs terres. De cette situation il en
découle que ces familles se trouvent confrontées à des
difficultés économiques extrêmes. La moisson ne peut
suffire à tout le monde, du moment où des hectares sont
abandonnés sous peine d'être menacé73. En plus
du taux élevé de naissance dans certaines familles, ces
dernières sont souvent contraintes de contracter les crédits qui
malheureusement utilisés pour subvenir à leur besoin mais
qu'à la fin ils ne peuvent guère rembourser74. En
filigrane à cette situation, les crises ne font que s'aggraver.
Aussi, du conflit foncier en pays massa, il se solde souvent
par la destruction des champs, des cases de réserve de mil
brulées. L'exemple le plus patent est celui du conflit qui a
opposé en 2012 le village biliam-oursi I au village Biliam-oursi
II75. Plus de 10h d'un champ fut détruit. Le conflit violent
de 2015 entre ces deux villages, n'est
73 Entretien avec le responsable de l'ANADER Djonyang
Laurent, le lundi 07 août 2017 à Bongor. 74Ibid
75 Entretien avec Zakari à Nolay, le vendredi
le 23 juin 2017.
79
pas sans conséquence. Car du côté du
village Biliam-oursi I, plusieurs cases furent brulées. Étant une
population qui vit essentiellement de l'agriculture, cette situation apparait
catastrophique. Il faut dire que les paysans du territoire massa n'ont pas
encore compris que l'arrangement à l'amiable de leurs différends
serait moins coûteux que la saisie d'une instance qui, du reste,
nécessite une démarche juridique qui parfois profite de
l'ignorance des justiciables pour les traire et les abandonner aux greffiers et
magistrats pour les sucer davantage. En outre les gens vendent leurs
chèvres et vaches à cause de la terre et automatiquement
lorsqu'ils finissent leurs biens ; ils deviennent pauvres. Enfin, nous verrons
les conséquences des conflits fonciers sur le plan social.
2- Conséquences sociales
La terre a une signification culturelle importante pour les
communautés rurales, pour lesquelles la survivance et l'identité
culturelle sont inextricablement liées aux relations qu'elles ont avec
les territoires ancestraux. Étant un des facteurs qui constituent une
nation, celle-ci revêt une importance capitale dans la vie de l'homme et
de la société tant qu'elle est source de développement
économique et social. Elle est donc le pouvoir dans la mesure où
elle tient l'agriculture, l'élevage, l'habitation, les ressources et
elle configure aussi l'étendue du pouvoir d'un État. La
quête de la terre non seulement des terres fertiles, est toujours un
problème social crucial.
L'analyse des conflits fonciers dans la société
massa montre que les conséquences sur le plan social sont
considérables parce qu'elles affectent toutes les couches sociales.
Cette situation d'incertitude généralisée favorise le
développement des conflits pour la maîtrise du sol, surtout quand
la survie d'un groupe familial tient à l'exploitation d'une parcelle. La
prolifération des conflits sur la terre nuit au climat social et au
maintien de l'ordre. Ce contexte d'insécurité
généralisée favorise le développement d'autres
conflits soit latents soit des antagonismes entre les différentes
familles. Il est à envisager que les conséquences sur le plan
social se répercutent dans l'économie de l'habitat. Les hommes
deviennent de plus en plus indigents pendant les périodes
conflictuelles. Le pillage est enregistré et met un recul en
matière d'investissement. Lors du déguerpissement forcé,
les acteurs en conflit perdent et les
80
dégâts en sont immenses. Outre les habitations
détruites, nous enregistrons des pertes en vie humaine. Tel est le cas
d'un conflit qui oppose le clan rigaza au clan beiga en 2014, où l'on a
enregistré 14 morts, 8 du côté beiga et 4 du
côté rigaza76. Les conflits fonciers sont à la
base de déplacement d'une grande partie de la population rurale, surtout
les jeunes en direction d'autres localités. Ainsi, dans certains
villages l'on remarque un pourcentage élevé d'hommes
âgés que des jeunes. Ce qui fait qu'en cas de conflits, les
pillages et destructions des cases sont enregistrées. Cette situation
bloque le développement des sociétés.
De ce qui précède, il convient de relever que
les conflits dans la société massa ont comme conséquence
une difficile cohabitation entre les différentes tribus. De cette
situation, les femmes et les enfants en subissent les conséquences.
À cet effet, il ressort de notre analyse sur le terrain que, la
mortalité infantile est élevée et cela est due au fait que
les enfants sont mal nourris. Les conflits entraînent un état
psychosocial de violence permanente. La désorganisation sociale suscite
un climat d'impunité favorable aux actes de violence et au chaos. On
constate que les femmes sont les principales victimes de ces violences.
3- Conséquences politiques
Les sociétés africaines sont bâties sur un
modèle selon lequel tout le monde se prend pour frère. Ainsi la
crise foncière qui frappe tout individu frappe toute la
société. C'est dans cette hypothèse que s'inscrivent les
indétrônables procès des conflits car, une victime du
procès entraîne toute une communauté derrière le
sort du verdict.
La terre nourrit la famille, procure du travail, est source de
revenu et enjeu de pouvoir, possède une valeur symbolique et
patrimoniale, met en jeu des stratégies de succession et d'alliance
entre familles. Ainsi en pays Massa, les conflits fonciers ont des
conséquences politiques. Celles-ci s'observent sur les chefs de villages
qui pour n'avoir pas eu le contrôle et la maitrise de leurs sujets sont
contraints par les autorités administratives de démissionner et
céder la place à une autre personne. L'exemple qui
76Entretien avec le commandant de brigade Paul Hawana,
le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
peut élucider cette situation est le cas du chef de
canton de Koumi. Dans la société massa, les successions sont
patrilinéaire. Ce dernier héritier n'arrivant pas à
trancher les litiges fonciers inter-clans et considéré comme
n'assumant pas son rôle de chef de canton fut enlevé de son poste
en 2012 et reconduit dix ans après.
Aussi, les conséquences politiques peuvent s'observer
au niveau des relations qu'entretiennent les villages. Bien qu'au début,
ces derniers vivaient en harmonie, les relations se sont
dégénérées avec l'exacerbation des conflits. Ils
vivent dorénavant en conflit latent et les chefs sont devenus les
moteurs quelquefois et incitateurs puisqu'il est question de pouvoir.
Aujourd'hui dans le Canton Koumi par exemple, il n'existe presque plus des
relations diplomatiques entre certains villages77.
81
77 Entretien avec le Sous-préfet de Rigaza
Moussa Kallibokori le vendredi 23 juin 2017 à Biliam-oursi.
82
En somme, la dégradation de l'environnement issue des
aléas climatiques plus les crises politiques parties de 1963
jusqu'à 1979, ont considérablement influencé sur la
physionomie de la région du Mayo-Kebbi d'une manière
générale. Elles ont conduit à un intense mouvement
migratoire dans la région. Ce mouvement plus le fort taux de
natalité interne crée une surpopulation avec comme
conséquence le manque d'espace. Ainsi l'accès à la terre
apparait comme un enjeu majeur dans la vie d'hommes, ce qui crée des
conflits. Les conflits opposent les agriculteurs entre eux et les agriculteurs
aux éleveurs.
83
CHAPITRE IV : MÉCANISMES TRADITIONNELS ET
MODERNES DE
RÉSOLUTION DE CONFLIT.
S'il est une réalité qu'il n'existe en aucun cas
une société sans conflit au sens où Karl Marx dirait que
l'histoire de l'humanité est une histoire de lutte des classes, l'on
peut aussi convenir qu'il n'existe nulle part de litiges sans une quelconque
démarche de prévention, de gestion et de résolution de ce
conflit. Le propre de l'histoire est depuis toujours de permettre à une
société de forger un certain nombre de mécanismes de
cohésion sociale, pouvant permettre le bon fonctionnement de ladite
société. Au plan national, il n'existe pas de mécanisme de
résolution des conflits entre agriculteurs et éleveurs. La loi
n° 4 du 31/10/1959 qui réglemente la transhumance est largement
dépassée par les contraintes écologiques, par
l'évolution des mouvements des populations et des animaux. En cas de
conflit, les parties en conflit ont recours à divers modes de
règlement des litiges, comme le règlement par consensus entre les
deux parties, le règlement au niveau des chefs traditionnels (villages,
cantons), le règlement au niveau de la sous-préfecture ou de la
brigade de gendarmerie, le règlement au niveau de la justice. Dans la
société massa, les Hommes ont, du point de vue de leur coutume
établit des règle qui leur sont propre dans le cadre de la
gestion et régulation des conflits. Ainsi, dans ce dernier chapitre, il
s'agira pour nous de présenter les mécanismes traditionnels et
modernes de gestion de conflit dans la société massa tout en
mettant l'accent sur leur faiblesse.
84
I- LES MÉCANISMES TRADITIONNELS DE
RÉSOLUTION DES CONFLITS
Dans la plupart des sociétés africaines, les
aspirations à la paix ont conduit à développer des
techniques de normalisation dont l'objectif est d'éviter ou tout au
moins de palier les violences locales. Cela a donné naissance à
une gamme variée de pratiques et/ou modes de prévention des
conflits au cas où la société ferait face à un
problème majeur. C'est ainsi que dans la société massa
pour ce qui est de résolution des litiges, les hommes ont établi
des règles. L'acceptation des médiations villageoises, bien qu'il
soit le représentant de l'autorité administratif, s'explique par
le fait que les vieillards et les chefs traditionnels sont d'abord des
aînés, des fils du village et détiennent des savoirs sur
les différents modes d'appropriation des ressources, leur utilisation et
surtout sont les dépositaires de l'histoire de la communauté.
1- La médiation des ainés
La diplomatie dans l'Afrique précoloniale joua un
rôle important dans les relations intercommunautaires. Les entités
sociopolitiques de l'Afrique précoloniale, selon Daniel Abwa, ont
toujours pratiqué la diplomatie dans leur rapport intercommunautaire
(Abwa, 1989 cité par Sambo, 2012:203). Il faut comprendre que cette
diplomatie entre les autorités traditionnelles avait d'abord pour
objectif la sauvegarde des relations de bon voisinage (Sambo, 2012:203).
C'est ainsi que dans le souci de normalisation et de
résolution des conflits en pays massa, les hommes ont accordé une
importance capitale aux procédures de négociation. L'objectif de
la négociation est de parvenir à un accord entre les parties
antagonistes. Ce qui suppose l'existence, au sein des parties
concernées, d'une réelle motivation à parvenir à un
accord et d'éviter une escalade de la violence qui conduit des
situations non négociables. Nous savons que les négociations
requièrent des connaissances techniques fondées sur la culture du
groupe, sur une bonne maîtrise de l'histoire communautaire et aussi sur
une longue pratique qui procure des stratagèmes imparables. Ainsi, le
rôle des vieillards est très important, car l'on suppose qu'ils
maîtrisent bien l'histoire du pays et qu'au-dessus de tout, le respect
leur revient. Il
85
convient de rappeler que la tradition massa n'autorise
guère de porter la main sur les hommes âgés bien que
ceux-ci font quelquefois objet de bastonnade en cas de conflit78.
Tout cela parce qu'il faut en effet que, pendant un conflit il reste quelque
confiance en la disposition de l'ennemi, sans quoi l'on ne pourrait d'ailleurs
conclure aucune paix et les hostilités
dégénéreraient en une batail d'extermination.
La gestion des conflits directement entre les parties
concernées ou tout au moins au niveau du village semble être la
méthode la plus efficace, car elle se fait sans des perturbations
majeures dans les relations sociales et surtout elle n'engage pas beaucoup de
moyens financiers. Ainsi, les agriculteurs, les éleveurs et pasteurs
qui, sont plus impliqués sont les principaux responsables de
l'élaboration d'un système efficace de gestion des conflits
liés à l'accès à la terre.
Dans les conflits inter-claniques du canton Koumi par exemple,
les vieillards jouent un rôle important. En effet lors de la
résolution des conflits entre les deux camps antagonistes, notamment les
biliam I et les rigaza, l'on fait appel aux hommes âgés afin de
jouer la médiation. Ce sont eux qui, devant la Brigade soit la justice
tracent le mieux l'historique des conflits parce que l'on suppose qu'ils sont
sages. Ici, les chefs de villages ou blama n'ont pas de rôle à
jouer en ce qui concerne la médiation ou résolution. Ils sont
dépourvus de toutes responsabilités y compris les
Moulla79 ou chefs de Canton, représentant de
l'État. Les protagonistes pensent qu'en tranchant l'affaire
auprès de ces derniers, ils seraient tentés de prendre position
derrière un camp.
Dans ce contexte donc, les compromis sont trouvés par
la médiation de ces vieillards. En 2015, par exemple, tous les
vieillards dans le canton Koumi, qu'ils soient de Biliam-oursi I ou de Rigaza,
ont fait l'objet d'emprisonnement de 6 mois environ dans le pénitencier
de koro-toro, prison située à près de 2000 km de la
capitale tchadienne, dans le désert80. Le gouvernement
tchadien pense que ces derniers seraient
78 Entretien avec Dom Djaldi le jeudi 23 juin 2017
à biliam-oursi I.
79 Le Moulla est le nom des chefs des cantons en
langue massa. Le Moulla est respecté par les massa et joue un rôle
important dans la société massa.
80 Entretien avec Malamsou le vendredi 24 juin 2017
à Biliam-oursi I.
86
des « complices » et qu'ils auraient joué le
rôle « d'instigateur » dans le conflit meurtrier opposant les
biliam aux rigaza, en 201581.
Il convient aussi de signaler que dans le cadre des conflits
latents, la présence des vieillards n'est pas ignorée. Dans le
cadre de leur régulation, les blama sont tentés quelquefois de
faire appel à eux82. Étant des jeunes pour la plupart,
les blama accordent de l'importance à ces derniers au regard de leur
ancienneté et de la maîtrise de certaines questions sociales.
Généralement pour ce qui est de la
négociation, ces vieillards essayent de retracer l'histoire du peuple en
clarifiant la dynamique entre les différents groupes avant
l'arrivée des blancs jusqu'à l'ère actuelle. Cette
méthode qui consiste à remonter le temps revient à faire
comprendre aux jeunes générations qu'elles sont issues d'un seul
ancêtre et que, dans le passé, il n'y avait pas des conflits
à l'intérieur de la communauté83. Les conflits
sont selon les sages des phénomènes récents, avec comme
cause, l'égoïsme de certains qui ont des ambitions
démesurées. En écoutant donc les paroles des vieillards,
les protagonistes sont souvent apaisés.
Pour ce qui est de l'opposition agriculteurs-éleveurs
les deux parties ont chacune un représentant. Du côté des
éleveurs, c'est généralement le Sark sano qui
vient pour l'arrangement auprès du représentant des villageois
agriculteurs, le chef du village.
2- Le rôle des Chefs traditionnels dans la
résolution des conflits
Dans le cadre de la résolution des conflits dans la
société massa, il est important de souligner que les conflits
sont tranchés devant les autorités en fonction de leur
gravité et des enjeux. Certains conflits se limitent au niveau des
blamana et d'autres, du point de vue de leurs complexités sont
tranchés chez les mallah/chefs de canton.
81 Entretien avec malamsou le vendredi 24 juin 2017
à Biliam-oursi I.
82 Entretien avec le chef de canton de Bongor,
SammaTordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
83 Entretien avec Issa Kampété, blama de
Baiga kouhlou, le vendredi 23 juin 2017 à Baiga.
87
a- Les blamana ou chefs de village dans la
résolution des conflits
Traditionnellement les conflits liés à
l'accès ou à l'utilisation de la terre sont tranchés par
les chefs de village. Ces différends sont tranchés selon la
tradition et la coutume locale bien qu'ils soient nommés par le pouvoir
moderne84. Compte tenu du fait que les blamana sont les
représentants des chefs de canton auprès des villages, ils sont
respectés quand il s'agit d'une gestion de conflits.
Dans les cas de dommages faits aux cultures par exemple, les
animaux ayant causé les dégâts sont quelquefois saisis par
les propriétaires du champ dévasté et les
propriétaires des animaux en sont informés. De cette situation,
s'il n'y a pas de compromis entre les deux camps, l'affaire est portée
dans un premier temps devant les chefs de village . Dans ce cas, le chef de
village convoque les deux parties et leur donne la parole tour à tour
afin d'établir les faits. Généralement, les
éleveurs peulh sont représentés par le
Sark-nano85. Les jugements sont tranchés
généralement à l'entrée de la concession du chef,
toute la population peut assister et donner sa version de fait. Après
explication venant des deux parties, la cour du chef donne son avis sur la
question. Si le propriétaire des animaux reconnaît les faits, il
est demandé à l'agriculteur de fixer la compensation et sa nature
qui est couramment en argent. Dans certains villages, pour ce qui est
d'évaluation, c'est l'ANADER86 qui s'en occupe. Quand
l'agriculteur fixe le montant; il est demandé à l'éleveur
son avis. Si ce dernier juge la compensation trop élevée par
rapport aux dégâts, il propose un prix à son tour où
il peut demander l'évaluation des dommages par une tierce personne, en
général un des conseillers du chef. Après
l'évaluation un prix est fixé et l'éleveur est
sommé de s'exécuter et un délai lui est accordé.
S'il refuse encore d'obtempérer après épuisement du
délai, le chef de village peut transférer le jugement chef
à la brigade de gendarmerie soit chez le chef de canton. Aussi,
l'éleveur a le libre choix de demander que l'affaire soit
transférée à la justice parce qu'il juge
incompétente la décision prise par les chefs
84Entretien avec Issa Kampété, blama de
Baiga kouhlou, le vendredi 23 juin 2017 à Baiga 85 Le nom
donné au représentant des peuls éleveurs. Ils sont les
porte-paroles du groupe. 86L'ANADER est l'agence nationale de
développement rural installé dans presque toutes les
régions du Tchad. Elle axe ses activités dans le domaine de
l'agriculture.
88
traditionnels. Il faut cependant signaler qu'après
jugement, les deux parties sont appelées à verser une somme au
chef conformément aux règles établies et en fonction du
jugement.
À Bongor par exemple nombre de conflits qui opposent
les agriculteurs aux éleveurs sont tranchés soit à la
justice, soit à la brigade de recherche de Bongor. Comme nous l'avons
signalé dans les chapitres précédents, avec la nouvelle
forme d' »élevage des hauts cadres », les bouviers
préfèrent, dans une situation conflictuelle régler leurs
différends à la brigade. Les chefs traditionnels sont quelquefois
négligés et mal vus.
Dans le cas des litiges fonciers sur des terres agricoles
entre deux individus du même village, les deux parties sont
convoquées par le chef de village. Elles se font aussi
accompagnées de leurs témoins. Le jour de l'audience les deux
parties prennent tour à tour la parole. Après les avoir entendus
le chef et son conseil interrogent tour à tour les témoins des
deux parties. Le témoignage n'est valable que si le témoin a
assisté à un fait ou si les faits lui ont été
rapportés par un proche parent (frère, père). Les
témoins de retour dans leurs familles respectives informent leurs
proches du témoignage qu'ils ont fait pour que ceux-ci à leur
tour puissent continuer le témoignage s'il leur arrive un accident.
Après avoir écouté toutes les versions, le chef de village
tranche le litige en fonction des traditions locales. Dans ce contexte, si
l'une des parties s'estime lésée par le verdict rendu par le chef
et les sages, il peut recourir à la justice sinon demander que l'affaire
soit transférée chez le moullah.
b- Les chefs de canton dans la gestion des
conflits
Chez les massa, les moullah sont les chefs
suprêmes. Ils sont très craints et respectés par la
population87 surtout qu'ils sont nommés par le pouvoir
moderne. Dans l'histoire des massa, il faut, noter que les moullah en
tant que chef de canton n'ont pas toujours existé. Avant la
colonisation, les hommes ne parlaient pas d'eux parce qu'il n'y avait pas le
système cantonal. Toutefois, il est important de préciser que le
mot en
87Entretien avec Voundina Pièrre, le samedi 23
septembre 2017 à N'djaména.
89
lui-même existait parce que l'on considérait les
chefs des familles comme les seuls chefs et donc moullah. C'est une
création occidentale issue de la colonisation. À leur
arrivée, les blancs ont « trouvé » que les massa
vivaient d'une manière désorganisée et ont jugé
utile d'instaurer la chefferie. C'est dans ce contexte que va naître le
premier canton dans la zone de koumi.
De ce qui sont des litiges fonciers, les différends
sont aussi tranchés chez les chefs de canton lorsque que deux, trois
familles issues de différents villages entrent en conflit. Ici, le
problème n'est pas de la compétence des chefs de village. Ce sont
les chefs de canton qui s'en occupent. La partie lésée saisie le
chef de canton. Le jugement se fait généralement à
l'entrée de la concession du chef. Assisté de ses notables
appelés goumiéna88 en massa, le moullah
donne la porale en premier à ses notables qui sont d'avance
informés sur la question. Après compte rendu, les parties
antagonistes peuvent prendre la parole. Il convient de préciser que le
jugement se fait en public et la population peut donner son point de vue sur la
situation.
De même, les conflits qui opposent le chef de village
à la population sont tranchés chez les chefs de canton. L'exemple
d'une résolution de conflit à Nollaye chez le chef de canton a
retenu notre attention. Un différend entre le chef de village et une
famille suite à une parcelle de terre fut tranché chez le chef de
canton avec presque toute la population qui y était présente. La
parcelle faisant l'objet de dispute ou de revendication par le chef est en
effet un terrain de près deux hectares et était exploité
pendant des décennies par une famille dudit village. Sans doute en
raison de sa fertilité, le chef de village a convoité cette
parcelle arguant qu'elle appartenait à son grand-père. L'affaire
fut portée devant le chef de canton à Nollaye, village
résidentiel situé vers le nord, à peu près à
40km de Bongor. De nombreuses personnes, y compris nous, assistèrent
à l'audience. Au terme des délibérations, après que
les participants aient donné leurs avis, il est apparu que la parcelle
avait été « prêtée » à la famille
et qu'elle pouvait en jouir, sans pour autant pouvoir la vendre. Étant
usufruitière, elle n'en serait dépossédée qu'une
fois qu'elle quitterait le village. Le verdict a été rendu
88Goumiéna en massa veut dire notable. Les
notables des chefs sont appelés ainsi dans la société
massa.
en accord avec la coutume locale qui stipule que le
bénéficiaire d'une cession de terre peut l'exploiter à sa
guise, mais pas la vendre. Le véritable propriétaire, en
l'occurrence le chef de village, ne peut récupérer sa parcelle
que si les usufruitiers quittent le village.
C'est en effet le principe établi dans le cadre de la
propriété ancestrale. Elle est la première quand il est
question de régime foncier traditionnel et la plus ancienne forme de
propriété. Elle est fondée sur des droits de premiers
occupants ou ancêtres auxquels les nouveaux venus demandent des terres
à exploiter. Ces terres cédées n'étaient pas
achetées et ne font l'objet d'aucune compensation. Des permis
d'occupation individuelle ou collective sont encore requis auprès des
propriétaires ancestraux, bien que le droit foncier traditionnel ne soit
pas reconnu d'une manière légale par le gouvernement tchadien.
Les villages massa sont reconnus comme les tenants de cette forme de
propriété des terres depuis fort longtemps89.
Toutefois, il est important de signaler que le prêt ou la vente existe et
cette forme de pratique est bien différente de
l'ancienne90.
90
89 Entretien avec le chef de canton de Bongor, Samma
Tordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
90 Ibid..
91
Photo 9 : Jugement d'une querelle domaniale entre le
blama et une famille
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingue à Noloy, le vendredi 23 juin 2017.
Ci-haut sur cette photo, c'est le cas du jugement d'un conflit
qui oppose le chef de village à une famille dont l'affaire fut
transférée chez le chef de Canton à Noloy91.
Après le verdict, le chef de village s'est estimé
lésé et a recouru à la justice. Ici, la parcelle faisant
objet de litige est mise en défens jusqu'à ce que la justice soit
rendue. À la fin, les antagonistes doivent chacun verser une somme au
chef de canton pour le jugement rendu. Cette somme est obligatoire sauf pour
les cas de conflits ouverts et violents.
91 Village dans lequel se trouve la résidence
du chef de canton, situé à près de 40 km de Bongor.
92
Pour le cas des conflits qui opposent les éleveurs aux
agriculteurs, dans le canton Bongor et Moulkou, c'est une situation qui semble
complexe et révèle que les chefs de canton sont confrontés
à un problème de leadership. Ils ne sont pas capables de
gérer les litiges sur leur territoire92. Dans le
précédent chapitre, nous avons fait mention qu'au cours des deux
dernières décennies, la région du Mayo-kebbi, a vu
émerger une nouvelle forme d'élevage. Un élevage qui
influença progressivement sur les sociétés massa parce
qu'il est l'exclusive activité des commerçants, des
généraux et colonels, en complicité avec les chefs de
canton.
Le chef de canton en charge d'une zone concernée par un
conflit de type agriculteur-éleveur, ayant peur de subir des
représailles, cherche à régler le problème à
l'amiable. De cette résolution, souvent les agriculteurs ne sont pas
satisfaits parce que le chef de canton résout le problème en
faveur de l'éleveur dont il est parfois l'obligé93.
Cette situation se justifie par le fait que souvent les chefs de canton sont
détenteur d'un troupeau dont la gestion est confiée quelquefois
aux éleveurs.
Le Vendredi 13 octobre 2017 à Witchiwitchi, village
situé dans la sous-préfecture de Nguelendeng, un troupeau de
boeuf, conduit par deux enfants94 massa, dévaste un champ de
haricot appartenant à un certain Chanzoumka Laaba. Il semble que le
troupeau appartient au chef du village qui, lui aussi est frère d'un
chef de canton95. Ici, le propriétaire du champ sachant
d'avance que l'affaire ne sera tranchée avec équité, a
préféré donner un avertissement au proches du chef afin
qu'ils sachent que la prochaine fois il saisira la justice.
92Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor. 93
Ibid.
94C'est enfants sont de la localité, un
répond au nom de Yaya âgé de 14 et Abdoulay 12 ans.
95 Entretien avec Chanzoumka Laaba, le fils du
propriétaire du champ dévasté à Witchiwitchi le
vendredi 13 octobre 2017.
93
Leur pouvoir est partial à cause des
intérêts96. Le problème vient du fait que ces
chefs de cantons ont, eux aussi, des troupeaux qu'ils confient aux
éleveurs mais surtout leur collusion avec les généraux et
commerçant de la région97.
3- Les associations locales de résolution des
conflits.
Dans la société massa, il n'existe quasiment pas
d'associations en charge de régulation des conflits98.
Toutefois, il est à noter que les tensions violentes dans le canton
koumi, ont suscité la volonté des uns à vouloir
créer une association au nom de tous les massa. C'est ainsi qu'en 2015,
lors du dernier conflit meurtrier qui a opposé le village biliam-oursi I
au village biliam-oursi II, qu'une association sera mise sur pied par, les
massa vivant à N'djaména issu de différents
villages99. C'est une association qui vise la paix et le
développement local mis sur papier mais jusqu'à présent
pas officielle parce que le ministère de l'intérieur n'a pas
jusque-là, donné l'ordre de fonctionnement100. Selon
le membre101 de ladite association, le rôle principal de ce
groupement est de parvenir à instaurer la paix entre les deux grandes
familles, c'est-à-dire, Biliam-Oursi I et Biliam-Oursi II. De ce
constant, il ressort que l'association se limite dans le canton Koumi.
Dans les autres cantons, il n'existe pas d'association et pour
ce qui est de régulation des conflits, celle-ci est soit tranchée
par le chef de village, soit à la brigade. Dans les zones où l'on
enregistre le plus des conflits opposants les éleveurs aux agriculteurs,
il n'y a quasiment pas de groupement du côté massa. Lors du
jugement par exemple, les éleveurs sont représentés par un
membre de leur association appelé en arabe local moulamma,
Sark-sano102. C'est lui qui, lors d'une résolution,
défend leur communauté.
96 Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor.
97 Ibid..
98Entretien avec le chef de canton de Bongor, Samma
Tordina le lundi 26 juin 2017.
99Entretien avec Voundina Pièrre, membre de
ladite association le samedi 23 septembre 2017 à N'djaména.
100 Ibid.
101 Ibid.
102Entretien avec Oumarou, éleveur nomade le
mardi 27 juin à Djarabou.
94
II- LES DISPOSITIFS MODERNES DE RÉGULATION DES
CONFLITS
Aux côtés de ces modes de résolution
endogènes des conflits liés à la gestion ou à
l'exploitation des terres, il existe un cadre législatif et
institutionnel constitué de lois portant sur le code domanial, foncier
et la charte pastorale. La gestion administrative des conflits liés
à l'accès à la terre date de la période coloniale
et de l'introduction de l'état moderne.
Le recours aux autorités administratives locales
intervient dans la plupart des cas quand les tentatives de gestion des conflits
au niveau du village échouent surtout dans les cas de conflit violent
entre les acteurs des terres. Les structures administratives impliquées
sont les préfectures, les brigades et la justice de Bongor, chef-lieu de
la région de Mayo-kebbi Est. Cette implication des autorités
administratives se fait suite à une plainte introduite par une des
parties en litige ou par le chef de village/canton.
1- Les forces de l'ordre dans la résolution des
conflits et la justice
Pour ce qui est des conflits ouverts et souvent violents au
pays massa, les forces de l'ordre sont les premiers à effectuer une
descente sur le terrain afin de mettre de l'ordre puis viendra le
jugement103. Ces forces de dissuasion ont chacune un local de
fonctionnement dans chaque sous-préfecture. Elles établissent
leur autorité sur les cantons sous leur commandement, avec des effectifs
plus ou moins médiocres, souvent confrontés à des
sérieux problèmes quant à la gestion d'un conflit.
103 Entretien avec le commandant de brigade da la
sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, vendredi 23 juin 2017
à Biliam-oursi I.
95
Photo 11 : Bâtiment de la Brigade de recherche de
Bongor
Cliché : Kampété Dieudonné
Kinguéle lundi 26 juin 2017 à Bongor.
Les brigades installées dans la région jouent,
un rôle important au pays massa. Sans elles, l'on pourrait enregistrer
dans certaines localités un nombre pléthorique de morts suite aux
violents conflits qui survient presque chaque année104. Pour
le cas des conflits violent dans le canton Koumi par exemple, les premiers
à intervenir sont les forces de l'ordre. Arrivées sur le terrain,
quelques balles sont tirées en l'air afin d'effrayer les parties en
conflit105. Les protagonistes sont saisis et conduit à la
brigade de Bongor parce qu'il est non seulement le chef-lieu de la
région du Mayo-kebbi Est, mais surtout la ville la mieux dotée en
arsenal militaire et aussi le siège des autorités
104 Entretien avec le commandant de brigade de Bongor, Paul
Hawana, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
105 Entretien avec le commandant de brigade da la
sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, vendredi 23 juin
2017.
96
compétentes pour le jugement106. Si un
compromis n'est pas trouvé, l'affaire est transférée
devant la justice.
Les jugements ont lieu après non-satisfaction à
la justice107. Les brigades sont en relation avec la justice. En cas
de complication, la justice avec pour base Bongor, se saisi de l'affaire. Elle
peut dans une situation litigieuse lancer une enquête si besoin est
nécessaire afin de trancher le jugement avec
équité108. Cette implication de la justice se fait
souvent suite à une plainte introduite par une des parties en litige ou
par le chef de village.
Les deux parties comparaissent devant le juge, chacun
produisant ces témoins. Les autorités villageoises sont
convoquées et leurs versions des faits sont recueillies. La parcelle
litigieuse est toujours mise en défens. C'est après l'instruction
du dossier qu'une date est fixée pour le jugement. Le jugement est rendu
en présence des deux parties en conflit ou présence de leurs
représentants. Après le verdict un huissier est chargé de
la délimitation de la parcelle109. La partie qui s'estime
lésée peut interjeter appel auprès de la cour d'appel
voire la cour suprême qui est le dernier recours.
Dans les cas de dommages sur des cultures dans le canton
Koumi, Moulkou, les parties concernées entrent en conflit ouvert et
souvent violent. Dès lors, les forces de l'ordre sont habilitées
à instaurer le calme. L'affaire est soit réglée à
l'amiable soit transférée à la justice. Dans ce contexte,
les agents de l'ANADER, ex-ONDR110 sont chargés de faire le
constat, afin d'évaluer les dégâts causés par les
animaux. Cette structure fut créée par l'ordonnance n° 26 du
23 juillet 1965111. C'est un établissement public doté
d'une personnalité civile jouissant de l'autonomie de gestion
foncière. Il est l'instrument du gouvernement dans son action de
développement rural. Son
106 Entretien avec le commandant de brigade de Bongor, Paul
Hawana, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
107 Ibid.
108 Ibid.
109 Entretien avec Jean Pabangou, huissier à la justice de
Bongor, le mardi 27 juin 2017 à Bongor.
110 L'ONDR est l'office de développement rural
installé au Tchad et axe ses actions dans les zones rurales. Il
s'intéresse beaucoup plus à l'agriculture.
111 Entretien avec Mounouna Soudi, ingénieur agronome le
jeudi 12 octobre 2017 à N'djaména.
97
fonctionnement est régi par le décret n°
129/PR du 23 juillet 1965. Il a pour mandat d'apporter des acquis aux
producteurs ruraux en vue d'améliorer leur situation matérielle
et morale.
C'est ainsi que dans le cadre du développement rural,
la région du Mayo-kebbi a bénéficié d'un
siège, installé à Bongor. Il joue un rôle important
en ce qui concerne la gestion des conflits dans la région du Mayo-kebbi
en général. Il intervient beaucoup quand il s'agit d'un conflit
de type agriculteur-éleveur. Les conflits qui opposent les acteurs de
même usage semble l'écarter parce qu'il n'a pas de rôle
à jouer. L'ANADER a pour tâche l'évaluation des
dégâts causés par les animaux et il prodigue des conseils
aux protagonistes.
Photo 12 : Bâtiment de l'ANADER, ex ONDR (office
national de développement rural) de Bongor.
Cliché :Kampété Dieudonné
Kingué le lundi 07 août 2017.
Un agent de l'agriculture et des agents des forces de l'ordre
plus un agent de L'ANADER sont mobilisés pour se rendre sur les lieux et
constater les dommages. Après constat, ses agents fournissent à
l'autorité administrative mandataire un procès-verbal de constat.
C'est sur la base de ces constats que le commandant de brigades se
98
fonde pour fixer les amendes et les sanctions qui s'imposent.
Dans la majorité des cas les dépenses engagées par la
procédure sont aux frais de la partie plaignante et ce jusqu'à ce
qu'un jugement soit rendu. Après le jugement le coupable est
condamné.
En pays massa, la sous-préfecture joue aussi un
rôle non négligeable dans la résolution des conflits. Lors
d'une résolution d'un conflit à la brigade par exemple, si le
commandant de brigades estime qu'il est incompétent, il transfère
le jugement chez le sous-préfet.
2- Les sous-préfets dans la résolution des
conflits
La région du Mayo-kebbi Est, dans sa globalité
compte dix sous-préfectures, mais nous nous sommes limités
à ceux habités par les massa. Généralement à
la suite d'un conflit ouvert entre les individus revendiquant un même
espace, les gendarmes sont les premiers à intervenir afin de mettre
l'ordre. Les protagonistes sont conduits à la brigade en charge du
territoire puis transférés chez le Sous-préfet. Ce dernier
essaye de concilier les parties en conflits. Si les protagonistes ne sont pas
satisfaits ou si l'affaire est complexe, le Sous-préfet peut renvoyer
l'affaire chef le chef de canton avec des consignes.
99
Photo 13 : Monument indiquant la Sous-préfecture
de Nguelending
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingué à Nguelendeng le vendredi 13 octobre 1017.
3- Le gouvernorat et la justice
Des acteurs qui interviennent dans la résolution des
conflits fonciers, il est important d'énumérer le rôle que
joue le gouvernorat. Pour la région du May-kebbi Est, le siège du
gouverneur est installé à Bongor. Le gouverneur est ici, le
représentant direct du chef de l'État, il exerce son
autorité sur toute la région. Toutefois, il importe de
préciser que l'intervention du gouverneur dans les litiges fonciers
à une limite car il n'est pas présent dans tous les conflits. Son
intervention est plus visible dans les zones où les conflits sont
beaucoup plus violents comme dans le canton Koumi.
En 2015, lors du conflit violent qui a opposé les
biliam I aux biliam II, la présence des militaires n'a pas suffi pour
mettre de l'ordre. Le conflit a pratiquement
100
durée trois jours avec des conséquences
tragiques112. Ce conflit a vu la présence de l'ex premier
ministre Kalzeubé Pahimi Deubet accompagné du gouverneur. Ce
conflit est le plus violent et meurtrier dans l'histoire des Massa. C'est au
coeur de la résolution de ce conflit que les principaux protagonistes
des deux camps furent arrêtés et conduit au pénitencier de
Korotoro113.
4- Les faiblesses des mécanismes de
résolution des conflits dans le pays massa
La force des autorités dans la médiation et la
gestion des conflits liés aux ressources naturelles viennent de leur
grande influence et de la confiance que leur accordent les différents
utilisateurs des terres. Leur faiblesse dans la gestion et la médiation
en cas de conflits est due à leur partialité et manque de
moyens.
Aux yeux des communautés114, le recours aux
autorités administratives dans la gestion des conflits ne se
présente pas toujours comme une procédure viable et
satisfaisante. Selon ces derniers les décisions manquent de transparence
et conséquemment engendre la méfiance envers les services de
l'état115. Celui-ci devrait répondre à ce
défi par la mise en place des processus plus transparents de
règlement des conflits. Il se doit de garantir l'équité
dans l'accès et l'utilisation des ressources. Il s'agit surtout
d'éviter les risques de commercialisation des terres par les chefs
traditionnels116. Le manque de proximité en termes d'espace
et de temps est perçu par les communautés comme un
problème contraignant. Le manque de moyen a été
fréquemment évoqué par les autorités
administratives, les services techniques, la gendarmerie. Dans certains cas un
manque d'effectifs et de carburant rend impossible
112Entretien avec Le chef de canton de Koumi, Sampil
Dapsia, le vendredi 23 juin 2015 à Nolloy. 113Prison
situé dans le djourab, le désert.
114 Entretien avec Samma Tordina, chef de canton de Bongor, le
lundi 26 juin 2017, à Bongor.
115 Entretien avec Djoyang Laurent le lundi 26 juin 2017 à
Bongor.
116Ibid
l'envoi d'une équipe sur le terrain pour constater des
dégâts ou la médiation entre les
protagonistes117. Aussi l'innascibilité des certains village
est un handicap.
Les mutations fréquentes des agents de l'état
constituent un frein à la mise en place et à l'appui pour une
gestion participative et efficace des conflits118. Cette rotation
des fonctionnaires est à l'origine d'un manque de continuité et
de cohérence dans les prises de décisions. Ainsi la gestion des
conflits dans cette partie du Tchad semble difficile.
101
117Ibid
118 Entretien avec SammaTordina, chef de canton de Bongor, le
lundi 26 juin 2017, à Bongor.
102
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de cette étude, le pays massa est un
territoire situé dans le sud-ouest du Tchad. Ce territoire qui, au
départ fut habité par les massa est aujourd'hui le carrefour
d'une diversité ethnique. Territoire essentiellement rural, la survie de
la population dépend de l'agriculture et de la pêche.
La terre est considérée dans la
société massa comme un bien culturel, symbole d'héritage
de génération en générations. Elle est aussi vue
comme un bien avec tous les outils nécessaires de production, l'homme
doit seulement l'exploiter parce qu'elle assure sa survie et celle de la
société toute entière. La terre a joué un
rôle important dans la dynamique historique du pays massa. Son rôle
dans l'implantation et l'évolution socio-culturelle, économique
et politique est essentiel dans la compréhension de son histoire.
Parce qu'elle est vitale pour toutes les
sociétés, la terre a été un élément
catalyseur dans la mise en place et la structuration de nombreuses
sociétés dans l'antiquité. C'est pourquoi, le pays massa
qui est au centre de cette étude, a connu sur son territoire diverses
migrations, lesquelles ont eu d'impact sur l'espace. Ces migrations sont les
faits des aléas climatiques, des personnes à la quête d'un
endroit pour assurer la survie de leur famille, des fonctionnaires de
l'État, des commerçants soit des personnes chassées par
les crises politiques au lendemain de l'indépendance du Tchad.
Dans ce contexte de migration, le pays massa connait une
surpopulation tout en étant confrontée à une dynamique
démographique interne liée à la forte natalité.
L'espace devient un enjeu majeur. La terre qui constitue
l'élément fondamental de l'appareil de production, suscite
dès ce moment, des formes de concurrence, de tension et de violence
impliquant plusieurs types d'acteurs. Les conflits surviennent quasiment chaque
année avec des conséquences plus ou moins désastreuses.
Les causes de ces litiges fonciers sont la croissance démographique, la
vente des terres et surtout la mal gestion des terres. Ainsi, ces conflits
opposent d'une part les éleveurs aux agriculteurs et d'autre part les
agriculteurs entre eux.
103
Cependant, dans le pays massa, les conflits liés
à la terre ne peut être compris s'ils sont réduit à
des phénomènes locaux isolés. Ces conflits fonciers
découlent des facteurs complexes, d'ordre politique, économique
voire idéologique. Dans le pays massa, si les conflits fonciers
apparaissent plus accentués dans certains villages, c'est parce qu'ils
sont sous-tendus par des idéologies politique. Ce qui explique presque
chaque année le déclenchement des conflits avec des
conséquences plus ou moins fâcheuses.
Toutefois, il importe de préciser que les conflits
persistent quand bien même que les décisions de justice sont
prises. De ce constat, il importe que les autorités administratives et
coutumières de la région se saisissent d'avantage de la situation
qui prévaut dans le pays massa. Le manque d'effectif dans les brigades
plus la négligence de certains chefs traditionnels sont entre autres la
cause de la prolifération des conflits.
104
SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
A- SOURCES ORALES
N°
|
Nom et prénom
|
âge
|
Profession
|
Date et lieu
d'entretien
|
|
Abdoulay
|
12
|
Enfant bouvier
|
Vendredi le 13
octobre 2017
|
|
Chanzoumka Laaba
|
28
|
cultivateur
|
Vendredi le 13
octobre 2017
|
|
Djibetsou Moullah
|
33
|
Cultivateur
|
Samedi le 23 juin 2017 à Biliam-oursi
|
|
Djonyang Laurent
|
43
|
Chef de secteur
de l'ANADER de Bongor
|
Lundi le 26 juin
2017 à Bongor
|
|
Dom Djaldi
|
58
|
Cultivateur
|
Vendredi le 22 juin 2017 à Biliam-oursi I
|
|
Fanga Augustin
|
76
|
Pasteur et
cultivateur
|
Samedi le 23 juin 2017 à Biliam-oursi
|
|
Issa Kampété
|
35
|
Blama de
kouhlouBaïga
|
Samedi le 23 juin
2017 à kouhlou Baïga
|
|
Jean Pièrre
|
56
|
Cultivateur
|
Dimanche le 16
juillet à N'djaména
|
|
Khamis
|
40
|
Officier de la
police judiciaire
|
Lundi le 26 juin
2017 à Bongor
|
|
Malamsou
|
77
|
Cultivateur
|
Samedi le 23 juin 2017 à Biliam-oursi
|
|
Moussa Kallibokori
|
64
|
Sous-préfet de
|
Samedi le 23 juin 2017 à Biliam-oursi
|
105
|
|
|
Rigaza
|
I
|
|
Oumar Mahamat
|
42
|
Chef de village de Djarabou
|
Lundi le 26 juin
2017 à Djarabou
|
|
Paul Hawana
|
40
|
Commandant de
brigade de Bongor
|
Lundi le 26 juin
2017 à Bongor
|
|
Persou Dalbe
|
50
|
Commandant de brigade
|
Samedi le 23 juin 2017 à biliam-oursi I
|
|
Pièrre Voundina
|
47
|
Pasteur et
membre de
l'association massa
|
Lundi le 17 juillet
2017 à N'djaména
|
|
Samma Tordina
|
60
|
Chef de canton de Bongor
|
Lundi le 26 juin
2017 à Bongor
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Sampil Dapsia
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47
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Chef de canton de Koumi
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Samedi le 23 juin 2017 à Nollay
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Yaya
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14
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Enfant bouvier
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Vendredi le 13
octobre
2017
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B- REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUES B.a- Documents
d'archives
Archives de Direction des Domaines et des affaires
foncières
- ADDF, La loi n°23 du 22 juillet 1967
portant sur le statut des biens domaniaux.
- ADDF, La n° 24 du 22 juillet 1967 portant
sur le régime de la propriété foncière et de droit
coutumier.
- ADDF, La loi n° 25 du 22 juillet 1967 sur
les limitations des droits fonciers.
106
- ADDF, La loi n°14/PR/98 du 17
Août 1998 définissant les principes généraux de la
protection de l'environnement.
- ADDF, La loi n° 4 du 31 octobre 1959
portant règlementation du nomadisme sur le territoire de la
république du Tchad.
B.b- Ouvrages
Arditi C., Les enfants bouviers du sud du Tchad, nouveaux
esclaves ou apprentis éleveurs : Esclavage moderne ou modernité
de l'esclavage, Paris, EFFESS, 2005.
B. Crousse, E. Le Bris, E. Le Roy, espaces
disputés en Afrique noire, Karthala, 1986.
C. Coquery- Vidrvitch, le régime foncier rural en
Afrique noire, in le Bris E. et al, w1983.
Dictionnaire Larousse
Dictionnaire le Nouveau Petit Robert, nouvelle édition,
Paris, 2000.
Dumas-Champion F., les massa du Tchad, bétail et
société, Cambridge, University Press, Ed. Maison des
sciences de l'homme, Paris, 1983.
Durkheim, E., Les règles de la méthode
sociologique, Paris : Flammarion, 1983. J. FREUD, sociologie des
conflits, PUF, Paris, 1933.
Jean Cabot, Atlas Pratique du Tchad, Paris,
l'Harmattan, 1972.
Jean Cabot, Le bassin du Moyen Logone, Paris, ORSTOM,
1965.
Raymond, Paix et guerre entre les nations, Paris,
PUF, 2000.
Sandron Frédéric, Population rurale et
enjeux fonciers à Madagascar, Karthala, 2008. Schellenberg, The
Science of Conflict, 1982.
Thomas Homer Dixon, Environnement, scarsityu and violence,
Princeton, University press, 1999.
B.c- articles
Chritian Lund, « Les conflits fonciers et le droit
étatique, communautaire et local au Burkina Faso » in migration
foncée, n°070, 2010, p. 1.
107
Maiga Alkassoum, « Approche sociologique de
l'émergence des conflits et des instances locales de régulation
dans les usages des ressources naturelles dans le Noumbiel (Burkina Faso)
», 2006, P. 168.
Shomba Kinyamba, « Cours inédit de Dynamique
social et culture 2 Licence sociologie », université de Kinshasa,
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Torre Alain, « Conflits environnementaux et territoires
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», Presses Universitaires du Septentrion, 2010, ppp.7-501-518.
Violet Matiru, « Conflits et gestion des ressources
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Souapibe Pabame Sougnabe. « Conflits
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comparée de deux régions : Moyen-Chari et Mayo-Kebbi ».
Jean-Yves Jamin, Lamine, Seiny Boukar, Christian Floret. 2003, Cirad - Prasac,
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Jean-Pierre Chauveau, « Question foncière et
construction nationale en Côte d'Ivoire. Les enjeux silencieux d'un coup
d'État », Politique africaine 2000/2 (N° 78), p.
94-125. DOI 10.3917/polaf.078.0094.
Pierre-Claver Kobo, « Spécificités des
régimes fonciers Africains », Penant, N° 803,
Juillet-Septembre 1990, p. 218.
Boto et C. La Peccerella, « Accès
à la terre et développement rural : nouveaux enjeux, nouvelles
opportunités », Briefing N° 9, CTA, Bruxelles, 25
février 2009, p.10.
Kangulumba Mbambi, V., la loi du 20 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés au Congo « trente ans
après : Quel bilan ? Essai de l'évaluation, Kinshasa, éd.
KAZI, 2004.
B.d- Mémoires et Thèses
Ahidjo Paul, écologie et histoire du peuplement aux
abords sud du Lac-Tchad : du XVIe au XXIe siècle, Thèse de
doctorat Ph.D, Université de Ngaoundéré, 2012.
Armi, Jonas, La question foncière et les relations
intercommunautaires au Tchad : le cas de la région du Mayo Kebbi
(XIXé- XX siècles), mémoire du DEA en histoire
à l'Université de N'Gaoundéré, 2006.
108
Bachirou Tirlé Damien, Dikoua Lu, Kague Brillant, Koulagua
Nanaoua Bertran, Mécanismes traditionnels de résolution de
conflit dans l'extrême nord (XIX-XX siècle), mémoire
de licence à l'école normale supérieure de Maroua.
Oumar Goumaïna, Les conflits fonciers dans le logone
occidental (sud du Tchad) : 1966-2013, mémoire de master à
l'Université de Ngaoundéré, 2014.
Sambo Armel, les cours d'eau transfrontaliers dans le
bassin du lac Tchad : Accès, gestion et conflits (XIXe-XXe
siècles), Thèse du doctorat en histoire à
l'Université de Ngaoundéré, 2012.
Saïbou Issa, Conflits et problèmes de
sécurité aux abords sud du Lac-Tchad : dimension historique
(XIVème-XXème siècle), Thèse pour le
Doctorat/Ph.D d'histoire, Université de Yaoundé I, 2001.
Tasbé, Djimadoumadji, Occupation de l'espace et
conflits agricoles au Tchad : le cas de Bedogo dans le Mandoul,
mémoire de master en géographie à l'Université de
Ngaoundéré, 2012.
C- DOCUMENTS ÉLECTRONIQUES
Baratta Alessandro, « Conflit social et
criminalité » Pour la critique de la théorie du conflit en
criminologie. In: Déviance et société.1982 - Vol.
6 - N°1. pp. 1-22; doi : 10.3406/ds.1982.1101
http://www.persee.fr/doc/ds_03787931_1982_num_6_1_1101,
consulté le 27-02-2017 à 23h23.
Christian Bouquet, « Conflits et risques de conflits
liés à l'eau en Afrique », les cahiers d'outre-mer,
[en ligne], 255, juillet-septembre 2014, consulté le 14 février
2017.
http://com.revues.org/6283,
Consulter le 25 octobre 2016 à 11h 58mn.
Claude Arditi, « Pourquoi les Massa
préfèrent-ils le sorgho ? », Journal des anthropologues
[En ligne], 74 | 1998, mis en ligne le 07 mai 2009, consulté le 30
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Dictionnaire Encyclopédique en
ligne. www.universalis.fr
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109
http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html?lang=es,
consulté le 27-02-2017 à 23h23.
Nancy Andrew, Wilbert Sadomba, « Zimbabwe : la «
soif de terres » aux origines du mouvement des anciens combattants »,
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http://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2006-2-page-125.htm,
consulté le 27-02-2017 à 23h23.
Ressources.aunege.fr/nuxeo/site/esupversions/c74a3b4-f03e-4949-b179-379255035dca/co/grain.html,
consulté le 27-02-2017 à 23h23.
Thierry Ruf. « L'irrigation abordée sous l'angle
de la gestion communautaire de biens communs: cadre conceptuel et
méthode d'approche des conflits entre parties prenantes ». Patrice
Garin, Pierre-Yves Le Gal, Thierry Ruf. Atelier du PCSI (Programme Commun
Systèmes Irrigués) sur la gestion des périmètres
irrigués collectifs, 2001, Montpellier, France. Cirad - Cemagref-IRD, p.
11-24, 2002. <cirad-00182373>, p.11, consulté le 27-02-2017
à 23h23.
110
ANNEXES Annexe 1 :
KAMPÉTÉ DIEUDONNÉ KINGUÉ
66145355
kampetedieudonnek@gmail.com
Guide d'entretien auprès des informateurs : les
cultivateurs, éleveurs, les autorités administratives, aux chefs
de canton, sous-préfets, toutes les personnes pouvant nous fournir une
information.
Propos liminaire
Dans le cadre de la rédaction de notre mémoire
en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en Histoire
Politique et des Relations Internationales, nous menons une recherche
axée sur : « Accès à la terre et conflits au Tchad :
cas du pays Massa XXe-XXIe siècle ». De cette
enquête, une analyse de données sera faite afin de tirer un
résultat fiable pour compléter notre travail. Ceci dit, votre
contribution apparait important pour nous. Merci pour votre
disponibilité.
IDENTIFICATION DE L'INFORMATEUR
Nom et prénom Âge .Sexe
Lieu .fonction
? QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX CHEFS
TRADITIONNELS
1- Quand est-ce qu'on vous a nommé chef?
2- Êtes-vous un héritier ou avez-vous fait l'objet
de nomination par consensus?
3- Combien des chefs se sont succédé avant vous
?
4-
111
Avant l'arrivée des blancs, existait-il des chefs de
village ? si non, comment est-ce-que la société massa
était organisée ?
5- Quelle fut la norme en ce qui concerne les relations entre
les familles et/ou clans ?
6- Comment est née la chefferie et quelle était la
raison ?
7- Quelle fut la réaction des massa face à ce
nouveau type d'organisation sociale ?
8- De l'instauration de la chefferie, comment était donc
organisés les villages ?
9- Quels étaient les rapports de ses autorités
traditionnelles avec les autorités coloniales ?
10- Quelle était votre conception de la terre
contrairement à la conception étrangère ?
11- Existe-il des conflits fonciers avant l'arrivée des
blancs? si non, quelles sont les causes des conflits fonciers en pays massa?
12- C'est conflits sont entre quel type de personne?
13- Comment les autorités traditionnelles
gèrent-ils ces conflits ?
14- Quelles sont les méthodes adoptées par ces
chefs pour gérer les litiges?
15- Existe-il un rapport dans le cadre des régulations
des conflits entre les autorités traditionnelles et celles modernes ?
16- Y'a-t-il une entente entre ces autorités ?
17- Quelles sont leur faiblesse ?
18- Existe-t-il un dialogue entre vous et vos sujets ?
19- Est-ce qu'il y a des personnes qui passent directement voir
les autorités judiciaires pour trancher leurs problèmes ?pourquoi
?
20- Dans vos fonctions de chef, pensez-vous assumer votre
rôle comme il se doit ?
? QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX
AUTORITÉS
ADMINISTRATIVES OU JUDICIAIRES
1- Que pensez-vous des conflits fonciers en pays massa ?
2-
112
Selon vous, quelles sont les principales causes ?
3- Ces conflits sont pour la plupart latentes ou ouvertes ?
4- Dans le cadre de leurs régulations, lequel des
conflits entre les acteurs sont les plus récurrents ?
5- Rencontriez-vous des difficultés dans la gestion des
conflits ?
6- Comment sont gérés ces conflits et quel en sont
le processus?
7- Les lois en ce qui concerne l'accès à la terre
sont-elles prises en considération lors de la gestion de ces conflits
?
8- Après jugement, est-ce-que les partis antagonistes
mettent en exergue les décisions de justice et/ou sont-ils satisfait
?
9- Entretenez-vous des relations avec les autorités
traditionnelles ? si oui en quoi consiste cette relation ?
10- Au vue de la situation, pensez-vous que ces litiges
prendront fin un jour ?
11- Quelle solution proposez-vous ?
? QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX ACTEURS DU
DÉVELOPPEMENT ET PROJETS
1- Vous êtes des acteurs impliqués dans le
développement rural, quel est le rôle que vous jouez dans la
région ?
2- Intervenez-vous souvent dans la gestion des conflits
fonciers?
3- Quelles sont selon vous les causes de ces conflits ?
4- Quelles sont les stratégies que vous adoptez en ce qui
concerne la résolution des litiges fonciers ?
5- Ces stratégies sont-elles efficaces ?
6- Rencontrez-vous des difficultés ? si oui les quelles
?
7- Avez-vous des relations avec les autorités
traditionnelles et les forces militaires ?
113
8- Ces relations se fondent sur quoi ?
? QUESTIONNAIRE ADRESSÉ À LA POPULATION
LOCALE
1- Quelle est votre profession ?
2- Quelle est votre conception de la terre
3- Elle représente quoi pour l'homme massa et lui serre
de quoi en zone rurale ?
4- La conception que vous avez de la terre avant
l'arrivée des blancs est-elle toujours d'actualité ou la
colonisation l'a brisée ?
5- Quel est le mode d'accès à la terre avant et
après la colonisation en pays massa ?
6- Quels sont les types de propriétés ?
7- En quoi est-ce-que l'accès à la terre demeure
une question prégnante ?
8- La terre appartient à qui ?
9- Pourquoi sa gestion est source de conflits entre les
différents groupes ?
10- Quelles sont selon vous les causes de ses tensions en ce qui
concerne l'accès ?
11- Ces conflits ont toujours existé ou sont-ils
récent ?
12- Ce sont des conflits ouverts ou latents qui sont le plus
récurent ?
13- Avez-vous été victime d'un conflit ? si oui,
ce conflit vous a opposé quel type d'acteur ?
14- Ces conflits ne sont pas sous-tendus par des enjeux ?
15- Comment sont réglés vos différends ?
16- Êtes-vous souvent satisfait dans le cadre de la
régulation des conflits par la décision des autorités
traditionnelles ou administratives ?
17- Pensez-vous que ces conflits prendront fin un jour ? si non,
quelles solutions proposerez-vous afin de palier le problème ?
114
? QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX
ÉLEVEURS
1- Quel est votre lieu de provenance ?
2- C'est l'élevage qui vous amené dans la
localité ?
3- Existe-il des couloirs de transhumance ?
4- Lors de vos déplacements avec les troupeaux, ne
rencontriez-vous pas de problèmes ?
5- Quelles sont selon vous les causes de ces problèmes
?
6- Avez-vous un représentant qui, lors d'un conflit vous
porte garant ?
115
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE
DÉDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE iii
RÉSUMÉ iiiv
LISTES DES SIGLES ET ACRONYMES v
GLOSSAIRE vi
TABLE DES ILLUSTRATIONS vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
I-OBJET DE L'ÉTUDE 1
II-RAISONS DU CHOIX DU SUJET 3
III-INTÉRÊTS DE L'ÉTUDE
3
IV-CADRE SPATIO-TEMPOREL 4
V-CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE 6
V.1- Cadre conceptuel 6
V.2- Cadre théorique 9
VI-REVUE DE LA LITTÉRATURE 14
VII-PROBLÉMATIQUE 17
VIII-OBJECTIF 18
IX-MÉTHODOLOGIE 18
X-PLAN 20
CHAPITRE I : PRÉSENTATION ET
CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DU
PAYS MASSA 21
116
I-CARACTÉRISTIQUE PHYSIQUE DU PAYS MASSA
23
1-Le relief 23
2-Le climat 23
3-Réseaux Hydrographiques 24
4-Les Sols et végétation 25
II-LA MISE EN PLACE ET L'ORGANISATION SOCIALE DES
MASSA 26
1-Peuplement 26
2-Organisation socio-politique 28
3-Les pratiques culturelles en pays Massa
30
III-LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
31
1-L'Agriculture 32
2-L'élevage 36
3-La pêche 37
CHAPITRE II: ACCÈS À LA TERRE DANS LA
SOCIÉTÉ MASSA 39
I-LES PRATIQUES FONCIÈRES AVANT LA COLONISATION
40
1-La conception endogène de la terre en pays
massa 40
2-Les modes d'accès à la terre en pays
massa 42
3-Les types de propriétés
foncières en pays massa 44
II-LA POLITIQUE COLONIALE EN MATIÈRE FONCIÈRE
ET SON
IMPACT SUR LA SOCIÉTÉ MASSA
45
1-La conception exogène du foncier
45
2-Les textes en matière foncière
après l'indépendance et la tentative de leur
adaptation
47
3-Les textes en vigueur 50
117
III-AMENUISEMENT DES RESSOURCES FONCIÈRES ET
COMPÉTITION
POUR L'ACCÈS À LA TERRE 51
1-Les causes historiques issues de la colonisation
51
2-Les causes politiques comme facteur de migration
52
3-Les aléas climatiques et la pauvreté
54
3-1 contrainte naturelle 54
3-2 La pauvreté 57
4-La croissance démographique. 60
CHAPITRE III:MANIFESTATIONS ET CONSÉQUENCES DES
CONFLITS 62
I-TYPOLOGIE ET MANIFESTATION DES CONFLITS 63
1-Conflits inter-claniques 64
2-Rixes éleveurs-agriculteurs 67
3-Conflits au sein d'une même famille
72
II-LES ENJEUX LIÉS AUX CONFLITS 73
1-Enjeux socio-économiques 73
2-Enjeux politiques 76
III-LES CONSÉQUENCES DE CONFLITS FONCIERS
78
1-Sur le plan économique 78
2-Conséquences sociales 79
3-Conséquences politiques 80
CHAPITRE IV : MÉCANISMES TRADITIONNELS ET
MODERNES DE
RÉSOLUTION DE CONFLIT. 83
I-LES MÉCANISMES TRADITIONNELS DE
RÉSOLUTION DES CONFLITS 84
1-La médiation des ainés 84
2-Le rôle des Chefs traditionnels dans la
résolution des conflits 86
118
3-Les associations locales de résolution des
conflits. 93
II-LES DISPOSITIFS MODERNES DE RÉGULATION DES
CONFLITS 94
1-Les forces de l'ordre dans la résolution des
conflits et la justice 94
2-Les sous-préfets dans la résolution
des conflits 98
3-Le gouvernorat et la justice 99
4-Les faiblesses des mécanismes de
résolution des conflits dans le pays massa .. 100
CONCLUSION GÉNÉRALE 102
SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
104
A- SOURCES ORALES 104
B- REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUES 105
B.a- Documents d'archives 105
B.b- Ouvrages 106
B.c- articles 106
B.d- Mémoires et Thèses 107
C-Documents électroniques 108
ANNEXES 110
TABLE DES MATIÈRES 115
SOMMAIRE 115