d. La renommée et la mobilisation des
populations différentes selon la maternité ?
L'annonce de la fermeture des maternités a eu un impact
négatif pour les communes touchées. À Cricqueboeuf par
exemple, le maire, Monsieur Depuis indique que « l'hôpital,
c'était un joyau de notre canton », ils étaient fiers
d'avoir une nouvelle maternité. Concernant Falaise, Eric Macé, le
maire de la ville, dit : « la maternité, vous savez au sein d'un
hôpital, c'est un service évidemment affectif parce que c'est
là où on donne la vie ». La perte de la maternité est
vue comme la disparition de l'avenir, elle était synonyme de
vitalité et de dynamisme pour la ville.
Pour certaines villes, l'image des maternités
s'était détériorée quelques années avant la
fermeture définitive. La maternité de Vire était « en
sursis » depuis 2010, après le départ d'un
gynécologue. Ainsi, «la réputation qui était faite,
c'est qu'il y a un certain nombre de parturientes qui n'allait pas à
Vire, qui préféraient aller à St-Lô, à
Avranches, à Flers, ou à Caen ». Cette évasion de
patiente aurait eu raison de la fermeture et c'est ce qui a fragilisé
aussi la maternité selon Monsieur Sabater (le maire de Vire). C'est
également ce que précise Monsieur Labbé
(gynécologue à la maternité de Vire entre 2010 et 2012) :
« Ce qui a fait fermer dans ces cas-là, c'est que dès qu'il
y a une fragilité, ou le moindre incident qui survient dans une
maternité, on l'utilise pour fermer la maternité pour des raisons
de sécurité, on utilise un incident, on médiatise et on
fait accepter la situation de fermeture en disant qu'elle est dangereuse, ce
qui n'est pas toujours vraie ».
Les nombreux combats menés dans les villes pour tenter
de sauver les maternités ont pris plus ou moins d'ampleur, et certains
ont contribué à diffuser l'image d'une ville combattante et
militante, ce qui n'est pas toujours positif.
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À Falaise par exemple : « ce sont des gens venus
de l'extérieur, du syndicat Sud qui sont venus essayer de mettre le
bordel » (Éric Macé, le maire de Falaise). La population ne
s'est pas mobilisée comme celle de Vire. Pour certains, le combat n'a
pas était suffisant fort à cause du calendrier choisi pour
annoncer cette fermeture. À Falaise, le personnel « l'a su le 28
juin, c'est-à-dire la veille des vacances d'été »
comme le souligne Madame Lefebvre (sage-femme de Falaise) ce qui expliquerait
que la population n'ait pas « vraiment bougées ». Cette
perception est la même de la part du journaliste des Nouvelles de
Falaise, Pascal Lecoq : « la population ne s'est pas vraiment
mobilisée, enfin pas à la hauteur de l'enjeu » mais selon
lui cela était également dû au fait que « les gens
voyaient depuis plusieurs années les faiblesses, les gens justement,
étaient capables de comprendre ». Enfin, le maire de Cricqueboeuf
note que « la population n'a pas suffisamment réagit » non
plus, il semble attristé par le comportement inactif des habitants de la
Côte-Fleurie.
Pour d'autres, le combat a été trop violent et
n'a pas était en leur avantage après la fermeture, c'est
notamment le cas pour la maternité de Vire. La sage-femme du centre
périnatal, Sandrine Anfray, exprime le fait que « tout le combat
qui a été mené ici, toute la médiatisation qui a
été faite, n'a pas du tout plus à l'ARS ». Ce combat
selon elle, a fait qu'elle n'a pas pu être mutée à
l'hôpital d'Avranches : « je suis titulaire, alors que je pense
qu'on aurait tout à fait pu me trouver un poste. J'ai même fait
une lettre à l'ARS pour les solliciter, mais ils m'ont fait comprendre
gentiment, avec une lettre bien formulée, qu'ils ne pouvaient absolument
rien faire pour moi ». Et elle pense que cette mobilisation à
« Vire a tellement fait de bruit au niveau national qu'on est vraiment
étiqueté Vire = fermeture de maternité = combat ».
Enfin, cette sage-femme souligne un point important : «
même en menant un combat comme on a pu le mener, malgré cela, nous
avons fermé ». Monsieur Sabater, le
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maire de Vire indique qu'à « posteriori, à
la réflexion, malheureusement, c'était presque
inéluctable. C'était presque un combat perdu d'avance ».
Après plusieurs années, les acteurs concernés par la
fermeture de la maternité de Vire comprennent que la décision de
l'ARS était inévitable et que le combat qu'ils ont pu mener les
ont affaiblit au final.
De plus, la fermeture de la maternité de Vire a connu
des événements plus ou moins officieux. Par exemple, Monsieur
Labbé, gynécologue de Vire, précise qu'une «
conférence avec les journalistes [devait avoir lieu] en juin 2011 sur
les qualités de la maternité de Vire, avec des statistiques par
rapport aux mortalités qui étaient très bons » ce qui
aurait valorisé la maternité aux yeux de tous. À ce
moment, il a eu un « harcèlement moral du directeur » à
son égard et « pour répondre à cette menace, la
conférence de presse a été annulée ». Selon
lui, les habitants n'ont pas étaient informés de tout ce qui se
passait en « OFF », notamment le suicide du président du CME
(Comité Médical d'Établissement), Monsieur Khalili : il
était « l'instance entre les médecins de l'hôpital, et
il s'est suicidé, personne ne sait pourquoi, on a dit qu'il était
fragile ». Monsieur Labbé insiste sur le fait qu'il s'est «
suicidé une semaine ou deux après un article de presse où
il (M. Khalili) défendait la maternité ». La pression
exercée sur cet homme l'aurait poussé à mettre fin
à ses jours ? Au final, d'après ce gynécologue, le
problème de Vire, c'est la « multiplicité
d'intérêts personnels et très peu d'intérêts
collectifs ». Le long combat de quatre ans contre la fermeture a
contribué selon lui à devenir « parano » et se dire que
« l'ARS préparait des sales coups, que Flers nous prépare
des sales coups pour récupérer les accouchements » il
évoque une « espèce de paranoïa complète
».
La mobilisation contre la fermeture de la maternité de
Vire a servi d'exemple aux autres maternités. En effet, les habitants
ont pensé que ce n'était pas nécessaire de se mobiliser
comme la ville de Vire, car au final le combat était pour ainsi dire,
perdu d'avance s'ils se mobilisaient.
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Ainsi, les causes externes aux établissements de soins
sont nombreuses. La baisse du nombre de naissances en Basse-Normandie, mais
aussi en France est une première cause. Les nouvelles politiques
territoriales mises en place : les GHT (le regroupement des moyens financiers
et humains) et la volonté de l'ARS afin de restructurer les
maternités pour plus de sécurité et une meilleure
qualité des soins sont également des raisons de fermetures.
Bien que souvent, les familles choisissent la maternité
la plus proche de leur domicile, le choix des futurs parents restent libre. Les
critères de choix sont la réputation (famille, réseaux
sociaux, médecins) et l'accessibilité. L'accessibilité
d'une maternité suivant le temps d'accès n'est pas le premier
critère de choix, l'aspect culturel et de l'habitude quotidienne est
à prendre en compte.
Enfin, une renommée défavorable peut amener une
maternité à fermer, à Vire la mobilisation violente en
défaveur de l'ARS a eu un effet boule de neige pour le personnel de
l'hôpital. Les maternités suivantes ont
préféré ne pas suivre cet exemple et coopérer avec
l'ARS pour tenter de trouver un accord.
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