C. É Créateurs de synergies et
pérennisation
Le dernier effet de la CEC que nous analyserons est la
création de synergies que l'événement a produites pour
l'ensemble du territoire. La CEC et MP 2013 ont en effet eu un impact
très influent sur la mise en réseau des différents acteurs
du territoire.
Cette mise en réseau a touché, dans un premier
temps, les acteurs culturels. Le rapport d'évaluation de MP 2013 et le
rapport de l'INET montrent que la CEC MP 2013 a été l'occasion
pour différents acteurs culturels de nouer des coopérations entre
eux. Bien que de nombreux acteurs culturels pratiquaient déjà des
partenariats, 73 % 86 des acteurs culturels indiquaient avoir construit de
nouveaux partenariats lors de l'année 2013, ceux-ci pouvant être
d'ordre financier (39%) et/ou pour la conception et la réalisation de
projets (51%). Parmi ces nouveaux partenariats, les coopérateurs sont
divers et variés : les opérateurs culturels occupent bien
sûr une place importante, mais on compte aussi des associations, des
collectivités et des acteurs sociaux.
De multiples exemples peuvent être cités.
Cependant attardons nous sur les coopérations qu'on pu développer
les acteurs culturels entre eux. La constitution d'un « club Joliette 4
(J4) », par exemple, réunissant les institutions muséales du
périmètre de l'Opération d'Intérêt National
Euroméditerranée (le MuCEM, la Villa Méditerranée,
le Centre International du Verre et des Arts Plastiques, le Fond
Régional d'Art Contemporain et la Fondation Regard de Provence
-initiative privée) représente une avancée notable. Ce
club s'appuie sur une charte de signalétique commune et de tarification
coordonnée, met en place des opérations de « co-valorisation
» du site et réfléchit à un système de billet
combiné. La CEC a encouragé ces nouveaux acteurs culturels
à coopérer. D'autres acteurs culturels ont noué des
partenariats nouveaux : le théâtre de la Criée a ainsi
développé les Folles journées de la Criée avec le
Festival de la Roque d'Anthéron (territoire de la CPA) ; le Festival
International d'Art Lyrique d'Aix-en-Provence a co-produit une création
avec MP2013 et le théâtre des Salins à Martigues,
renforçant ainsi sa dynamique locale. La coopération entre
acteurs culturels ne s'est donc pas limitée aux frontières
territoriales mais elles les a dépassées, ce qui est sans doute
l'un des grands succès de l'année capitale.
86 Euréval : MP 2013 : L'évaluation,
p.92.
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Les synergies crées par la CEC ont aussi
concerné les collectivités de deux manières : en interne,
et pour les relations entre elles.
La CEC MP2013 a favorisé un dialogue interservices,
essentiellement à l'intérieur des frontières communales et
intercommunales. En effet la CEC MP 2013 a permis à certaines
collectivités de mieux coordonner leurs services, c'est le cas pour
Marseille. En créant la mission 2013, la ville de Marseille a
souhaité faire le lien entre le projet culturel et ses différents
services. Cherchant à coordonner les différents services, la
mission 2013 a été créée en 2007 et a tout au long
du projet accompagné l'association et les différents services de
la ville pour que ceux-ci collaborent et prennent conscience de l'enjeu de
2013. Jouant un rôle de coordinateur, la mission 2013 a, selon Sthephane
Bassile directeur de la Mission 2013, facilité la relation entre les
services de la ville et les autres collectivités. Bien qu'aucun blocage
n'ait eu lieu en raison de l'entente politique autour du projet, « la
répartition des compétences entre échelons territoriaux
n'est pas optimale pour l'accueil d'un grand événement, la
mission avait alors tout son intérêt » 87.
Les effets de la CEC se sont aussi ressentis dans les
relations entre les collectivités ; celles-ci ont en effet
créé des relations formelles ou informelles reconÞgurant
ainsi la cartographie des coopérations sur le territoire. En permettant
la création d'outils de gouvernance métropolitaine appelés
les comité territoriaux de programmation, MP 2013 a fait discuter les
différents territoires et a enclenché un débat
métropolitain. Cette tâche n'a pas été facile car il
a fallu inventer cette coopération territoriale, mais elle constitue la
réelle avancée politique du projet :
« L'objectif politique du projet MP 2013 était
la réussite d'un dialogue et d'un projet commun entre les
différents territoires, et cet objectif a été atteint.
Nous l'avons vu, bien que certains aient été réticents ou
aient bloqué à certains moments le projet, les acteurs politiques
se sont réunis autour de MP 2013. Je ne crois qu'un projet commun entre
Aix et Marseille aurait été possible sans la CEC »
88.
Le meilleur exemple de cette coopération territoriale
est sans aucun doute la mise en place d'un « Pass transport »
à l'échelle du territoire. La signature d'une convention par les
6 EPCI du territoire montre bien que celles-ci ont coopéré pour
une plus grande efÞcience des transports. La Communauté Urbaine
Marseille Provence Métropole a joué un rôle important dans
le pilotage de la thématique transports, en réunissant l'ensemble
des acteurs concernés : MP 2013, la ville de Marseille, le Conseil
Général, le Conseil Régional, l'Agence d'urbanisme de
l'agglomération de Marseille (AGAM), le Syndicat Mixte de Transport des
Bouches-du-Rhône (SMT), la Régie des transports de Marseille (RTM)
et l'Etablissement Public Euroméditerranée (EPAEM), ainsi que des
collectivités qui pouvaient être invitées
ponctuellement.
Cependant aujourd'hui la question se pose vis-à-vis des
restes de la coopération et des synergies créées. Bien que
les personnels de l'association, mis à disposition par les
différentes collectivités soient retournés dans leurs
services et que ceux-ci coopèrent de fait, la question se pose de la
coopération ofÞcielle entre les collectivités, et notamment
entre les 6 EPCI.
87 entretien avec S. Bassille, le 28 novembre 2014.
88 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
Aujourd'hui fortement entravés par la loi MAPTAM et ses
détracteurs, les liens entre collectivités sont au points mort ;
pourtant selon Ulrich Fuchs ceci est ce que pouvait apporter de mieux la CEC
:
« La pérennisation de
l'événement dépend des acteurs locaux qui doivent se
saisir de la formidable occasion qu'a été l'année
Capitale. Bien que l'association ait encore des responsabilités, les
acteurs des territoires qu'ils émanent de la sphère publique ou
de la société civile, doivent prendre les leurs pour
coopérer » 89.
Il est donc essentiel de ne pas laisser retomber les efforts
consentis et de monter d'autres projets réunissant le territoire car
celui-ci, uni est capable de porter de belles réussites. Allant dans ce
sens, la récente obtention du label French Tech, semble montrer que les
liens créés entre les territoires se sont
pérennisés et que la coopération territoriale est possible
autour d'un projet commun.
Néanmoins lorsque l'on s'intéresse à
d'autres thématiques, comme les transports ou la préservation de
la bio-diversité et des sols, il faut se rendre à
l'évidence : les communautés urbaines ne travaillent pas
ensemble, chacune reste dans son territoire et aucune, mis à part MPM ne
souhaite porter des projets de territoire d'envergure métropolitaine.
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89 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
Nous avons pu le voir tout au long de cette partie, MP 2013 a
été un projet culturel de territoire. Réunissant
différentes intercommunalités autour d'une volonté
commune, développer et montrer la culture du territoire, la CEC a aussi
permis de « rénover la cité ». En fournissant
un calendrier, le titre de CEC a encouragé les acteurs publics a
accélérer les chantiers et projets en cours pour que tout soit
prêt pour l'année 2013. Catalysant les investissements publics, la
CEC a fortement modifié l'image de sa ville centre : Marseille. Ce
changement de perception s'est produit chez les touristes mais aussi, et cela
est certainement plus important, chez les habitants du territoire.
En appliquant une stratégie touristique
recherchée, l'événement a été une
énorme réussite pour le territoire qui n'avait « rien
gagné depuis un demi-siècle » 90 . Néanmoins
aujourd'hui la question se pose de la pérennisation de cet
événement. Au niveau de la stratégie touristique, la ville
de Marseille semble avoir opté pour un politique d'accueil de grands
événements. Si au niveau culturel les suites de MP 2013 peuvent
se ressentir avec l'instauration d'une Biennale des Arts de la rue, de nombreux
acteurs culturels sont méfiants vis à vis de cette
stratégie et ont peur d'être délaissés.
C'est au niveau de la coopération territoriale que les
doutes persistent. Ayant travaillé « main dans la main » pour
la préparation du projet, les rapports entre les différents EPCI
sont aujourd'hui au point mort. La nouvelle loi a en effet eu pour effet de
rompre tout contact entre les différents territoires. Alors que
l'année capitale et la réussite d'un projet commun ont
montré les bienfaits de la coopération territoriale, les acteurs
sont fortement opposés à la création de la
métropole. MP 2013 a donc encouragé la future métropole,
mais celle-ci reste entre les mains des élus locaux et de la mise en
application de la loi. Aujourd'hui bien que des services techniques
coopèrent et perçoivent l'intérêt de la construction
métropolitaine les élus campent sur leurs positions et ne veulent
en aucun cas s'intéresser aux solutions que la métropole pourrait
apporter. Afin de clore ce mémoire nous allons, en nous basant sur les
travaux de la mission interministérielle, nous pencher sur les solutions
et les projets que pourrait entrainer la métropole d'Aix-Marseille.
90 J. Viard, Marseille, le réveil violent d'une ville
impossible.
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