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Institut Français d'Urbanisme
Master Urbanisme, Aménagement, Transport
Spécialité Stratégies Métropolitaines
Promotion 2013 - 2014
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Les transformations métropolitaines de
Marseille
Les liens entre le projet urbain
Euroméditerranée,
la Capitale Européenne de la Culture MP
2013
et l'émergence de la métropole Aix-
Marseille-Provence.
Grégoire Cizeron
Sous la direction de Gwendal Simon
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Institut Français d'Urbanisme
Master Urbanisme, Aménagement, Transport
Spécialité Stratégies Métropolitaines
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Les transformations métropolitaines de
Marseille
Les liens entre le projet urbain
Euroméditerranée,
la Capitale Européenne de la Culture MP
2013
et l'émergence de la métropole Aix-
Marseille-Provence.
Grégoire Cizeron
Sous la direction de Gwendal Simon
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Remerciements
Je tiens avant de commencer ce mémoire à
remercier tous ceux qui m'ont aidé dans mon travail.
Je remercie dans un premier temps mes enseignants qui m'ont
donné les clés pour mieux comprendre les enjeux
métropolitains, mon directeur de mémoire Gwendal Simon qui m'a
guidé des débuts à la fin de mes recherches.
Je suis aussi très reconnaissant envers mes enseignants
qui m'ont accompagné les premières années de mon parcours
universitaire. Mes professeurs d'IUT m'ont fait prendre connaissance des
spécificités de l'aire urbaine marseillaise. Parmi ceux-ci je
remercie tout particulièrement Maurice Olive, avec lequel j'ai pu
discuter durant mon mémoire et qui m'a donné une vision critique
des transformations que connait le territoire.
Je tiens aussi à remercier chaleureusement toutes les
personnes que j'ai rencontrées. Que ce soit pour le projet
Euroméditerranée ou Marseille-Provence 2013, les
précisions et les éclairages que ces professionnels m'ont
apportés ont été d'une grande aide et ont guidé mon
analyse. Je tiens a remercier tout particulièrement Ulrich Fuchs pour le
temps qu'il m'a accordé, son sens pédagogique et les contacts
qu'il m'a donnés.
Enfin je remercie ma famille qui m'a soutenu tout au long de
mon travail et mes proches qui m'ont encouragé. Je suis aussi
reconnaissant envers mes cousins marseillais, les amis que je me suis faits
lors de mes années d'études à Aix-en-Provence et tout ceux
qui m'ont fait aimer cette belle ville qu'est Marseille.
6
7
La montée en puissance des métropoles est un
fait mondial qui accompagne les phénomènes de globalisation et de
mondialisation. Renvoyant à différentes définitions, le
terme de métropole réfère à plusieurs dimensions.
Administrative, fonctionnelle ou de projet, la métropole peut
revêtir plusieurs formes ; pourtant celles-ci sont bien
différentes et ne répondent pas aux mêmes critères.
Compliquée à analyser, la métropole du XXI°
siècle se caractérise néanmoins comme un pôle
urbain, réunissant différentes activités et fonctions de
premier rang lui permettant ainsi de rayonner et de polariser un large
territoire.
Dans un contexte de crise de l'État nation, de crise
économique et de tertiarisation de l'économie, les aires urbaines
sont aujourd'hui de plus en plus prisées et sont amenées à
continuer à l'être. Entrainant une périurbanisation de plus
en plus importante, ces aires urbaines grandissantes, souvent en « tache
d'huile » peinent à faire coïncider les
périmètres fonctionnels et administratifs. Pourtant le
défi est bien réel, et les dysfonctionnements territoriaux
concernent de plus en plus de citoyens.
Dans ce cadre là et dans une volonté de
réformer l'action territoriale l'État français a
lancé depuis 2010 un acte III de la décentralisation ; en
reformant l'action territoriale, notamment en encourageant le
développement de nouveaux échelons, plus « adaptés
» à la réalité territoriale des grandes villes, en
imposant pour le 1er janvier 2016 la création de métropoles,
à travers la loi MAPTAM, l'État français tend à
porter et à favoriser la coopération territoriale des grandes
villes françaises.
Marseille et son aire urbaine n'échappent pas aux
phénomènes d'étalement urbain et aux dysfonctionnements
que ceci engendre. Confronté à de graves problèmes
socio-économiques, le gouvernement a voulu la doter d'un statut
particulier, tout comme pour Lyon et Paris. La future métropole
d'Aix-Marseille-Provence sera créée à partir de la fusion
des 6 EPCI dont une commune au moins est située dans l'aire urbaine de
Marseille. Elle exercera globalement les mêmes compétences que les
métropoles de droit commun, sera dirigée par un Conseil de
Métropole et divisée en territoires qui seront dotés de
Conseils de Territoire. Ces derniers rendront compte des
spécificités locales et présenteront leur avis sur les
délibérations importantes et pourront se voir
déléguer des compétences par la métropole.
Pourtant la métropole est loin d'être une
évidence pour l'ensemble du territoire, et celle-ci fait débat
depuis l'annonce de sa création. Afin de mieux comprendre
l'étendue des débats et les velléités de certains
pour adhérer à la métropole, il convient de retracer
l'histoire de l'intercommunalité à Marseille. Nous verrons
ensuite qui sont les anti-métropolitains et quels sont les facteurs de
blocages de cette métropole avant de réellement rentrer dans le
sujet de ce mémoire. Ce mémoire porte sur les transformations
métropolitaines de Marseille et cherche à savoir comment le
projet urbain Euroméditerranée et le projet Marseille-Provence
2013 Capitale Européenne de la Culture, permettent de faire rentrer
Marseille et son aire urbaine dans une dimension métropolitaine.
8
Les prémices d'un « grand Marseille » vont
naitre au début du XX° siècle avec la volonté des
grands acteurs économiques de la ville, notamment la Chambre de
Commerce, de doter la ville et le port d'une gouvernance adaptée
à son ambition : à l'époque le port est le 1er port de la
Méditerranée et le 4 ème mondial. Cependant le port ne
profite pas pleinement de la 2ème révolution industrielle, et la
ville ne parvient à s'installer sur le territoire proche. Les profits
vont se diriger vers les communes avoisinantes et Marseille ne parviendra pas
à rassembler.
Les premières tentatives de regroupement institutionnel
à Marseille et dans sa région urbaine sont ensuite menées
sous l'impulsion de l'État dans le cadre des politiques
d'aménagement du territoire. Alors que des communautés urbaines
sont imposées à Lyon, Bordeaux, Lille et Strasbourg, le maire de
Marseille de l'époque, Gaston Defferre (Maire de Marseille de 1953
à 1986), refuse la proposition de l'État prétextant
l'étendue du territoire de la ville de Marseille. La volonté de
ce dernier était surtout ne pas perdre le contrôle du territoire
face aux mairies communistes et de droite avec qui Marseille aurait du
constituer une communauté urbaine.
En tant que métropole d'équilibre Marseille est
tout de même dotée d'un OREAM. Cet organisme est chargé
d'élaborer un schéma d'aménagement pour 59 des 119
communes du département. Celui-ci est toutefois peu suivi d'effets.
Dès 1969 et l'approbation du schéma, celui-ci est
décrié en raison de ses projections démographiques
démesurées, et en 1975 ces objectifs sont revus à la
baisse et les «villes nouvelles» proposées par le
schéma sont refusées par la plupart des maires. La
décentralisation qui s'opère dans les années 1980 va
être suivie d'une urbanisation « anarchique » en totale
opposition des prévisions de l'OREAM.
En 1992, la loi ATR, loi sur l'Administration Territoriale de
la République, va permettre à Marseille de se constituer avec 20
communes en Communauté de communes ; la création de Marseille
Provence Métropole est rendue possible car Gaston Defferre n'est plus
maire de Marseille. En 1999, la loi Chevènement accentue le regroupement
intercommunal en imposant la continuité territoriale et le renforcement
des compétences lors du passage en communauté urbaine. Cependant
Aix-en-Provence et Aubagne refusent de constituer une communauté urbaine
avec Marseille, et vont donc constituer leur propre communauté urbaine
en opposition à MPM. Le territoire de l'aire urbaine apparait alors
divisé et est composé de 6 EPCI.
En 2004, la DATAR va relancer le processus de
métropolisation à travers un « Appel à
Coopération Métropolitaine », qui se fixe comme objectif la
définition d'un projet métropolitain devant aboutir à la
signature d'un contrat. Bien qu'aucun contrat ne soit signé, et que le
mode de coopération reste conflictuel, l'ACM va permettre aux
différentes intercommunalités d'échanger et de mieux se
connaitre.
En 2010, l'adoption de la loi de réforme des
collectivités territoriales conduit l'agglomération marseillaise
à envisager la création d'une « métropole » aux
compétences renforcées. Mais la cité phocéenne
n'opte pas pour cette formule et préfère discuter de la mise en
oeuvre d'un pôle métropolitain.
9
L'arrivée au pouvoir des socialistes en 2012 va
être marquée par l'accentuation de la loi MAPTAM. L'État
s'engage à développer une entité institutionnelle pour les
trois principales agglomérations françaises. Il choisit de
différencier l'architecture des pouvoirs locaux en fonction du contexte
géopolitique, introduisant une dissymétrie territoriale ;
l'État oblige Marseille et son aire urbaine de se doter d'une
métropole à statut particulier. Une volonté d'accentuer
les compétences de la future métropole va alors être mise
en avant ; Jean-Marc Ayrault lors de sa visite à Marseille appelle les
collectivités et acteurs locaux à « sortir des
paralysies, des jeux personnels, pour mobiliser tous les acteurs
».
Figure 1 : Le périmètre de la métropole
Aix-Marseille-Provence et les 6 EPCI concernés
Source : AGAM
Si de nombreux élus Marseillais se rallient et
soutiennent le projet du gouvernement tout comme des acteurs publics (la CCIMP
par exemple) et des personnalités de la société civile,
comme les universitaires Jean Viard et Jacques Boulesteix, la mise en place
d'une métropole est loin de faire l'unanimité sur l'ensemble du
territoire. Une large coalition d'acteurs, rassemblant 109 des 119 maires
concernés, va se former en opposition au projet de loi du gouvernement.
Ces élus, principalement issus de communes rurales, sont emmenés
par la maire d'Aix-en-Provence et par le président du Conseil
Général.
« Aujourd'hui les conditions préalables ne sont
pas réunies pour une métropole apaisée, pourtant celle ci
verra le jour au 1er septembre 2016 » 1 .
1
entretien avec V. Fouchier, 14 janvier 2015.
Ce refus de coopération des communes
périphériques est dù à différents facteurs
et contrarie et limite les stratégies métropolitaines.
Au-delà des conflits politiques et des fractures sociologiques qui
caractérisent la métropole, le refus de coopération de la
part des communes périphériques peut être
interprété diversement. Il peut relever d'une volonté de
garder des compétences en matière de planification urbaine, d'un
moyen de protéger une identité spécifique qui risquerait
d'être laminée par la position hégémonique de
Marseille, d'un refus d'être associé à l'image de
Marseille, ou encore du refus de participer au financement global des projets
économiques et sociaux. La construction des périmètres
intercommunaux exprime, en effet, des affinités politiques ou
fiscales.
Les anti-métropolitains critiquent dans un premier
temps une « vision technocratique et monolithique d'une
métropole centralisée, irréaliste et dangereuse »
et refusent une «structure unique qui prendrait toutes les
décisions » 2 . Persuadés que la loi ne prend pas assez
en compte les spécificités du territoire et la dualité de
l'aire urbaine, les anti-métropolitains vont alors s'engager dans un
bras de fer avec l'État. En négociant les contours et
compétences de la future institution métropolitaine, les
opposants au projet de loi cherchent à minimiser le rôle
intégrateur de celle-ci. Tout en contestant l'intérêt d'une
fiscalité unique qui favoriserait Marseille au détriment des
communes environnantes, les anti-métropolitains sont aussi très
hostiles à la non-personnalisation juridique des territoires.
Pour marquer leur opposition, les anti-métropolitains
vont boycotter dés 2012 les « conférences
métropolitaines », un important forum organisé par les
porteurs du projet métropolitain, la mission interministérielle
pilotée par le préfet Théry. Mais ils vont aussi, en
février 2013, proposer un contre-projet basé sur des concepts
tels que les pôles ou l'inter-territorialité. Soutenant une
version métropolitaine très en-dessous du gouvernement, les
anti-métropolitains proposent la mise en place d'un Etablissement Public
Opérationnel de Coopération. Celui-ci ne disposerait que de trois
compétences obligatoires : l'organisation des transports collectifs
métropolitains, le développement économique et
l'aménagement du territoire, et la protection de l'environnement.
Évoluant en fonction et favorisant le consensus, le
projet de loi du gouvernement est revu à la baisse et des garanties sont
données quant à la préservation du pouvoir des maires et
des intercommunalités. Une partie des anti-métropolitains est
pourtant toujours opposée à la métropole.
Bien que la réussite de la réforme tienne
à l'appropriation du projet et des compétences par les
élus, plusieurs projets poussant et encourageant la construction
métropolitaine ont été montés sur le territoire ces
dernières années. Je pense notamment à deux projets en
particulier : l'opération urbaine Euroméditerranée et le
projet culturel Marseille Provence 2013.
Je chercherai donc à savoir dans quelles mesures
les projets Euroméditerranée et Marseille Provence 2013 sont deux
projets de dimension métropolitaine, et si ils permettent d'enclencher
un projet de territoire pour débloquer la future métropole
Aix-Marseille prévue par la loi MAPTAM.
2 N. Douay, Aix-Marseille-Provence : accouchement d'une
métropole dans la douleur, Métropolitiques
10
11
Afin d'ancrer mon mémoire dans un contexte
universitaire et de le rattacher à un cadre spatio-temporel, je ferai
dans un premier temps le parallèle entre la cité phocéenne
et d'autres villes méditerranéennes en mutation. En
étudiant les similitudes et les changements que connaissent des villes
comme Bilbao, Barcelone, Valence ou Gênes, je fais l'hypothèse
qu'il existe aujourd'hui un mode de faire dans les projets urbains
méditerranéens. Je verrai donc comment depuis quelques
années s'est développé un « water-front attitude
» dans ces villes et me pencherai sur les buts poursuivis par ces
opérations de reconquête des fronts de mer.
Une fois ce travail de synthèse réalisé,
je m'intéresserai plus en détail à Marseille et à
son projet urbain. Impulsé par l'État en 1995 avec la
participation des acteurs locaux, je fais l'hypothèse que le projet
Euroméditerranée a permis de redynamiser Marseille et l'ensemble
de l'aire urbaine. En prenant place sur un territoire arrière-portuaire
en perte de vitesse, j'analyserai à travers mon développement
comment le projet Euroméditerranée permet une
régénérescence urbaine et économique à
Marseille et comment les relations ville-port sont réinventées.
Prenant pour hypothèse que le nouveau quartier modifie
considérablement les fonctions du territoire dans lequel il s'implante
tout en étant une vitrine métropolitaine j'essayerai de voir
comment l'image et l'imaginaire de la ville sont réinventés.
Enfin je me pencherai sur le mode de gouvernance de l'EPAEM, et souhaite aussi
voir dans quelle mesure Euroméditerranée est un
accélérateur de métropole.
Après avoir étudié le projet
Euroméditerranée je me pencherai sur MP 2013, car ce projet a
aussi marqué la ville méditerranéenne et le territoire.
L'année 2013 et le projet MP 2013 sont en effet pertinents si l'on
s'attache au dynamisme, au rayonnement, à l'attractivité et aux
effets produits pour le territoire de l'aire urbaine. Je fais
l'hypothèse que MP 2013 a permis de rassembler le territoire
métropolitain autour d'un seul et même projet commun tout en
favorisant la coordination entre les acteurs de territoires. Je fais aussi
l'hypothèse que les effets d'images entrainés et induits par
l'événement et les synergies créées par celui-ci
sont pour Marseille et la future métropole très positifs.
Afin de raccrocher mon travail dans le contexte actuel, et en
me basant sur les études produits par la mission
interministérielle, je finirai mon mémoire en montrant quelles
sont les pistes et les autres projets de territoires pouvant rassembler le
territoire métropolitain.
12
Notes méthodologiques
J'ai choisi pour réaliser mon mémoire de baser
ma réflexions sur plusieurs sources. Dans un premier temps mon travail
s'appuie sur une analyse des divers documents écrits : j'ai pour ceci
recueillis de nombreuses études universitaires, des articles de
chercheurs mais aussi des documents institutionnels que j'analyse tout au long
de ma démonstration. Afin d'accomplir un travail complet j'ai
cherché à étendre au maximum le champ d'auteurs et
d'institutions.
Dans un second temps, j'ai décidé pour appuyer
ma réflexion de procéder à des entretiens d'acteurs du
territoire. Ceux-ci, préparés et conduits selon un guide
défini en amont et adaptés à chaque personnes
rencontrés, ont étés un moment fort de mon travail.
Identifiant des personnes ressources que j'ai ensuite contacté, mon
mémoire se base et prend du volume grâce aux propos que j'ai
recueillis. Les acteurs rencontrés ont apporté des
éclairages et une vraie plue-value à mon travail.
J'ai choisi de recourir à ce type de sources afin de
mieux analyser les projets étudiés et pour mieux percevoir les
enjeux de ceux-ci. Les entretiens m'ont aussi paru très
intéressant pour recueillir et confronter les différentes
opinions, discours et avis sur les thèmes principaux de mon
mémoire, notamment sur les deux projets étudiés.
En mêlant analyse documentaire et point de vue d'acteurs
du territoires je compte produire un travail, s'appuyant sur une solide base
documentaire, tout en étant lié à l'actualité
territoriale.
Sommaire
1. Une uniformisation des projets de renouvellement
urbain dans les
métropoles sud-européennes 15
A. Points communs et histoire des villes portuaires 16
A. Les relations entre les villes et leurs ports, au niveau
urbain en Méditerranée 16
B. Les grands ports méditerranéens : crise
socio-économique et renaissance 18
|
B.
|
« Waterfront attitude »
|
21
|
|
A.
|
Des programmations et des styles architecturaux
similaires
|
21
|
|
B.
|
Un espace public pacifié et aseptisé
|
24
|
C.
|
Des stratégies de rayonnement et d'attractivité
|
27
|
|
A.
|
Des événements déclencheurs
|
27
|
|
B.
|
Starchitecture, rayonnement de la ville et attrait de
touristes
|
29
|
|
D.
|
Des modes de faire spécifiques et un urbanisme de
projet
|
33
|
|
A.
|
Entrepreunarialisme urbain et implication du secteur
privé
|
33
|
|
B.
|
Gouvernance et coopération entre pouvoirs
publics
|
35
|
|
2. Euroméditerranée : un projet urbain pour
une nouvelle centralité
métropolitaine 39
A. Une volonté de rapprocher la ville de sa mer et de son
port 40
A. Histoire du port, de la ville de Marseille et des liens
existant 40
B. Un espace arrière portuaire en crise 44
C. Volonté d'État et de la ville de
redynamisation de l'espace arrière-portuaire :
naissance d'un projet 46
B. Un nouveau morceau de ville pour la métropole ? 49
A. Teneur du projet et objectifs initiaux 49
B. Un projet urbain segmenté en opérations
52
C. Des espaces publics réaménagés
57
C. Une vitrine métropolitaine en front de mer : la ZAC de
la Cité de la Méditerranée
60
A. Importance des activités de loisirs 60
B. Une nouvelle skyline composée d'objets monde pour
rayonner 62
C. Le J4 un objet culturel qui manquait à la
métropole. 63
D. L'EPAEM : un jeu d'acteurs complexe dans une métropole
complexe 66
A. Mode de Gouvernance de l'EPAEM 66
B. Liens avec les autres acteurs publics et privés
69 13
14
3. MP 2013 : un événement culturel
rassemblant la métropole et rendant le
territoire attractif 73
A. Un projet culturel de territoire 74
A. Grands objectifs et buts poursuivis par le projet
74
B. Marseille-Provence, une candidature nécessaire
suivie par l'ensemble du territoire
B.
|
Un événement public, qui s'inscrit dans un cadre de
vie amélioré
|
76
79
|
|
A.
|
Des événements publics s'inscrivant dans des
espaces rénovés
|
79
|
|
B.
|
La redécouverte du territoire et du centre ville par
ses habitants
|
81
|
C.
|
Une image changée et une attractivité
retrouvée
|
86
|
|
A.
|
Changement de l'image de Marseille pour les
touristes
|
86
|
|
B.
|
Une stratégie et une offre touristique adaptées
et revues en profondeur
|
90
|
|
D.
|
Un événement catalyseur...
|
94
|
|
A.
|
É Suivi par le monde économique
|
94
|
|
B.
|
...Déclencheur d'investissements publics
|
96
|
|
C.
|
É Créateurs de synergies et
pérennisation
|
99
|
|
Conclusion et pistes pour le projet
métropolitain 103
Bibliographie 107
Liste des personnes rencontrées 110
Liste des abréviations 111
Listes des figures, tableaux et cartes 112
ANNEXES : 113
1. Une uniformisation des projets de renouvellement
urbain dans les métropoles sud-européennes
La Méditerranée est l'un des berceaux de la
civilisation moderne. Aujourd'hui et depuis la nuit des temps la région
se trouve au centre des relations entre l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique.
Bordée par 23 pays, la Méditerranée est la porte
principale, et naturelle, des échanges entre Orient et Occident.
Diversifié et compliqué à définir, le terme «
Méditerranéen » renvoie à beaucoup d'images et bien
que celles-ci partagent des points communs, beaucoup sont divergents et ne
permettent pas de définir à proprement parler une civilisation
méditerranéenne. Deux remarques sur la Méditerranée
peuvent être portées :
« La Méditerranée est un espace
complexe, insaisissable si on le dissocie, et c'est une réalité -
constituée de matérialité mais aussi d'une
immatérialité porteuse de sens- qui siège
définitivement dans l'imaginaire social. » 3
Renvoyant donc à une culture partagée et
à des images communes, le terme prend son importance lorsque l'on
s'intéresse aux villes du pourtour méditerranéen. Produits
de l'histoire et des échanges, les villes méditerranéennes
peuvent se prévaloir de différentes origines.
Mais là encore des différences et des
similitudes caractérisent les espaces urbains du bassin
méditerranéen ; afin d'étudier et de comparer des villes
« semblables » à Marseille, nous nous focaliserons sur les
villes Européennes du bassin méditerranéen et
principalement celles de pays voisins à la France afin de limiter le
champ de recherche. Dans ce cadre là, les villes de Barcelone,
Gênes, et Valence sont retenues. Bien que n'étant pas
situées sur le pourtours méditerranéen Bilbao et Lisbonne
pourront aussi être étudiées en raison de leur
proximité avec la Méditerranée et leurs similitudes avec
Marseille.
Nous chercherons dans ce cadre à savoir s'il existe
aujourd'hui, dans un contexte de montée en puissance des villes, une
uniformisation des projets urbains dans ces villes, quels sont les buts
poursuivis par les opérations d'urbanisme, et comment elles sont mises
en oeuvre.
3X.Casanovas,G.Nourissier, J.Reguant, Architecture
Traditionnelle Méditerranéenne, p.1.
15
A. Points communs et histoire des villes portuaires
Avant d'étudier les différents projets urbains,
intéressons nous aux villes méditerranéennes et aux ports
présents dans celles-ci. Je tenterai d'analyser les points communs entre
ces villes maritimes et chercherai à percevoir les liens existant entre
elles et leurs ports. Ensuite nous verrons dans quelle mesure les ports des
villes sélectionnées se ressemblent, notamment en raison des
crises et problèmes qu'ils ont rencontrés à partir des
années 1970.
A. Les relations entre les villes et leurs ports, au
niveau urbain en Méditerranée
Historiquement les villes maritimes du pourtour
méditerranéen ont été, depuis l'antiquité
des lieux d'échanges, propices au commerce, au développement des
arts, mais aussi des lieux de conflits ayant vu différentes influences
culturelles s'imposer à elles. Ne pouvant résumer la situation
des villes méditerranéennes, nous pouvons nous appuyer sur cette
citation de Claude Chaline pour éclaircir la situation :
« Produits cumulés d'héritages
historiques particulièrement denses et qui ont vu, maintes fois, se
déplacer les centres de gravité économiques et culturels,
entre cités à la fois rayonnantes et polarisatrices » 4
.
Les villes méditerranéennes et leur importance
ne peuvent donc se comprendre sans leur cadre culturo-temporel. Celui-ci est
nécessaire pour appréhender ces villes et l'influence qu'elles
exercent.
Un autre point commun de ces villes est la superposition des
différentes strates urbaines :
« Il y a dans chaque ville une exceptionnelle
stratigraphie et ça fait ressortir les permanences qui donnent origine
à chaque genius loci. On peut dire que dans la ville de la
Méditerranée le conditionnement de l'histoire est très
fort (É) elle assume sa propre connotation parce qu'elle devient une
zone urbaine avec des remaniements continus, croissances, expansions en nombre
des étages et en densité d'habitations etc...Voilà la
raison du caractère similaire des villes méditerranéennes
» 5 .
Les villes méditerranéennes trouvent donc comme
point commun une importante superposition de différentes strates
urbaines.
L'autre élément qu'il est essentiel de prendre
en considération lorsque l'on s'intéresse à ces villes est
la présence d'un port et l'importance de celui-ci. En effet les lieux
aménagés sur le littoral méditerranéen pour
recevoir et abriter les bateaux et leur permettre de charger et de
décharger ce qu'ils transportent, ont eu une grande influence sur les
villes. Que ce soit pour l'ouverture de nouvelles routes commerciales ou pour
le départ de croisades les ports européens de la
Méditerranée ont vu leur importance changer selon les
époques et ont permis aux villes de se développer et de rayonner
sur un large territoire. L'exemple de Gênes est par là frappant
:
4 Claude Chaline, L'urbanisation et la gestion des villes
dans les pays Méditerranéen, p.7.
5 Teresa Colletta , Une réflexion sur l'esprit du lieu
de la ville méditerranéenne, p.1.
16
17
« Au XI ème siècle, elle imposa sa
présence maritime sur les côtes méditerranéennes et
devint une grande cité commerciale. Ville médiévale
surnommée La Superba elle devint au XVI ème siècle une
République, ce qui renforça sa richesse, son influence et son
aristocratie. Au fil des siècles, de grandes familles ont tenu les
rênes du développement financier et commercial » 6.
Les ports ont donc permis aux villes de rayonner sur un
territoire plus ou moins vaste, mais ils ont aussi influencé l'espace
urbain chacun à leur manière.
Cependant quelques caractéristiques communes peuvent se
retrouver. Jusqu'au XIX°/XX° siècle l'économie maritime
ne nécessitait pas autant de place et d'espaces qu'aujourd'hui. Les
ports étaient directement reliés à la ville pour faciliter
le transport et le commerce des marchandises. L'étude des plans des
villes de Barcelone, Valence et de Gênes nous montre ainsi des
similitudes au niveau de la morphologie urbaine de ces villes. Les tissus
urbains anciens, riches de patrimoine et composés de différentes
strates sont à proximité directe des « vieux-ports ».
Nous pouvons le remarquer avec le cas de Barcelone.
Figure 2 : Plan du centre ville de Barcelone
Source : Google maps
Les villes méditerranéennes se sont
développées historiquement autour de leur port et sans rupture
avec ces derniers aussi pour une raison topographique : l'espace littoral
limité parfois par le relief a généré une forte
compression de la ville sur le rivage.
6 Si tout les ports du monde, Site officiel,
Gênes.
Si l'on s'intéresse désormais plus à une
période précise de l'histoire, en prenant pour point de
départ la révolution industrielle, nous pouvons nous rendre
compte que celle-ci a marqué les villes et les ports
méditerranéens. Modifiant totalement les moyens de transports
grâce aux avancées techniques, et par là l'économie
maritime, la révolution industrielle a entrainé dans la quasi
totalité des cas une séparation croissante entre l'espace urbain
proprement dit et son port (voir graphique complémentaire n°1
placé en annexe). Cette dissociation spatiale se comprend et s'explique
par le besoin d'espace et de nouvelles infrastructures que les
évolutions de l'époque exigent. « De fait, la
quête d'espace conduisit progressivement les ports à
s'échapper du territoire urbain » 7 .
Marquant donc les relations ville-port et entrainant une
accélération du commerce maritime en méditerranée
la révolution industrielle et le XIX° siècle ont conduit les
ports à s'insulariser par rapport aux villes, et à
développer des activités industrielles autour de ceux-ci.
Bien que le développement industriel ne soit pas le
même selon les villes choisies, cette influence de l'industrialisation
peut se retrouver dans les villes méditerranéennes et est encore
plus marquée depuis les années d'après guerre.
B. Les grands ports méditerranéens : crise
socio-économique et renaissance
Si l'on s'intéresse au développement qu'ont
connu ces villes à partir des années 1950 et jusqu'a nos jours,
plusieurs points communs peuvent être dégagés. Ceux-ci
peuvent expliquer la similitude des projets urbains sur d'anciennes friches
industrialo-portuaires.
Mais avant cela il faut noter que ces villes portuaires ont
comme le reste des espaces urbains, si ce n'est plus, été
marquées par l'exode urbain qu'a connu l'Europe à la sortie de la
seconde guerre mondiale.
Figure 3 : Évolution démographique dans les
villes Méditerranéennes entre 1950 et 1990
Villes
|
Population
|
|
Évolution de la population
|
|
1950
|
1960
|
1970
|
1980
|
1990
|
1950 /
1960
|
1960 /
1970
|
1950 / 1970 / 1970 /
1970 1980 1990
|
Barcelo ne
|
1 280 179
|
1 557 863
|
1 745 142
|
1 754 900
|
1 707 286
|
21,7
|
%
|
12,0
|
%
|
36,3
|
%
|
0,6
|
%
|
-2,2
|
%
|
Gênes
|
688 447
|
784 194
|
816 872
|
762 895
|
678 771
|
13,9
|
%
|
4,2
|
%
|
18,7
|
%
|
-6,6
|
%
|
-16,9
|
%
|
Valence
|
503 886
|
501 777
|
648 003
|
744 748
|
738 441
|
-0,4
|
%
|
29,1
|
%
|
28,6
|
%
|
14,9
|
%
|
14,0
|
%
|
Bilbao
|
216,417
|
294,174
|
405,908
|
433,115
|
369,839
|
35,9
|
%
|
38,0
|
%
|
87,6
|
%
|
6,7
|
%
|
-8,9
|
%
|
Portes d'entrée majeures d'un pays, ces villes ont
accueilli différentes vagues d'immigrations, mais elle ont aussi
attiré des populations rurales. Toutes les villes ont été
marquées par une augmentation de leur population entre 1950 et 1970.
Cette augmentation de la population s'est fait en parallèle du
développement de l'industrie, et a permis de répondre au besoin
de main d'oeuvre que ce type d'activité nécessitait à
l'époque.
7 CÉMMC, site officiel, Identités et
territoires des villes portuaires (XVI°-XX° siècle).
18
Ces augmentations massives de population étaient
nécessaires pour les industries, mais elles n'ont pas étés
suivies de politiques adaptées et ont souvent accompagné des
problèmes de logements débouchant sur une crise sociale. Les
populations accueillies étaient généralement des familles
pauvres ; l'arrivée massive de cette population a engendré une
concentration des problèmes sociaux. Gênes par exemple a depuis
son apogée dans les années 1960, perdu 35 000 emplois et
près de 150 000 habitants en 20 ans.
Le deuxième point commun de ces villes et de ces ports
est que la plupart d'entre eux ont développé des Zones
Industrielles Portuaires (ZIP) dans les années 1970 afin de
répondre aux besoins de la révolution des transports
maritimes.
« Une intense activité portuaire et maritime
caractérise la Méditerranée, les étapes successives
de l 'évolution du transport maritime y sont visibles d'abord avec les
ZIP apparues dans les années 1970, puis plus récemment avec les
«hubs» de transbordement des conteneurs. Les pays riverains ont
engagé des réformes portuaires afin de s'adapter, notamment les
pays de l'Union européenne, où par ailleurs, des politiques de
desserte des arrières-pays portuaires sont mises en oeuvre » 8
.
Le gigantisme naval, la montée en puissance de la
conteneurisation et la spécialisation des navires a
nécessité une adaptation des ports entrainant parfois un
éloignement des ports industriels. Barcelone a par exemple
développé son port industriel dans les années 1960 au sud
du port historique avec l'instauration d'une zone franche où de
nombreuses entreprises s'installeront. Bien que certaines activités
industrielles et logistiques aient été conservées dans les
ports du XIX° comme à Gênes le développement des ports
s'est déroulé majoritairement dans ces ZIP.
Peu à peu les espaces industriels portuaires
situés à proximité de la ville ont été
désertés. Entrainant selon les villes dans les années
1980/90 une baisse d'activité dans les emprises portuaires
situées à proximité de la ville. Cette baisse
d'activité s'est dans la majorité des cas traduit par la
création d'un vide dans les espaces situés à
l'arrière des emprises portuaires. Ceci est dû à la
délocalisation des industries dans les ZIP et est synonyme de
déclin socio-économique. Les espaces portuaires sont en effet le
symbole du développement passé mais aussi de la crise portuaire.
Le développement des techniques intermodales dans le transport de
marchandises dans les années 1990 n'a fait qu'encourager le
développement des ZIP et le déclin des ports historiques.
Cette crise portuaire des villes du Sud de l'Europe s'explique
aussi par la montée en puissance d'autres ports, comme ceux d'Europe du
Nord, et par l'évolution des routes maritimes.
Les anciens espaces portuaires des villes
méditerranéennes sont des espaces marqués par les
industries liées au port, ou aujourd'hui devenus des friches, par des
espaces de stockages et par des espaces de circulation pour le fret routier ou
ferroviaire. Des espaces marqués donc par une histoire passée,
que l'on peut qualifier d'espaces en crise.
8 J. Macardon, Géographie portuaire de l'espace
EuroMéditerannéen, p.55.
19
20
Néanmoins ces espaces, selon les villes, vont se
transformer en espaces de mue, annonciateurs d'une nouvelle croissance.
Ceci peut s'expliquer par différents facteurs. Dans un
premier temps il faut voir que depuis le processus de Barcelone en 1995, les
villes méditerranéennes ne sont plus aux marges de l'Europe, mais
sont le coeur d'une nouvelle région en construction : ce que l'on peut
appeler l'Euro-Méditerranée. L'intégration dans l'Union
Européenne des pays du Sud et le redéveloppement
d'échanges avec les pays d'Afrique du Nord et du Moyen Orient a remis la
Méditerranée au coeur des préoccupations. Le lancement en
2008 de l'Union pour la Méditerranée confirme le regain
d'intérêt pour cette grande région et pour les villes la
composant.
Ensuite il faut noter que ces espaces réunissent toutes
les conditions pour un nouvel épanouissement de la ville : ce sont des
espaces en partie libre, composés de friches, et présentant une
dégradation du bâti. Ces éléments permettent et
nécessite un réaménagement. De plus la proximité du
centre ville et la qualité que présentent ces espaces (ils sont
situés face à la mer) sont les conditions idéales pour y
proposer un réaménagement. Ceci participe et fait partie d'une
politique de reconquête de la ville mise en place en Europe au cours des
années 1980.
Nous avons donc pu voir comment les villes
méditerranéennes se ressemblent sur certains points, comment les
relations villes-ports ont changé au cours des siècles et quels
sont les facteurs amorçant ce que de nombreux chercheurs qualifient
de Waterfront attitude.
21
B. « Waterfront attitude »
Comme nous avons pu le voir les espaces arrières
portuaires présentent de belles opportunités pour
développer de nouveaux quartiers. Cependant cet urbanisme de
reconquête des fronts de mer et des friches industriallo-portuaires n'est
pas récent.
Selon Chaline et Marshall, plusieurs générations
de waterfronts peuvent être distinguées (voir graphique
complémentaire n°2 placé en annexe). Les premières
interventions ont dans un premier temps concerné les villes du Nord-Est
des États Unis comme Baltimore ou Boston. Visant principalement la
reconquête d'une centralité perdue, ces opérations se sont
intéressées à la reconversion physique et fonctionnelle
des emprises des ports anciens afin de lutter contre la désertification
et la dégradation des centres villes. Afin de remplir les objectifs
fixés, ces opérations ont été dotées de
fonctions urbaines exceptionnelles, notamment des market places qui
feront leur apparition au cours des années 1970.
La deuxième génération de
waterfront s'apparente à une reconversion de la base
économique locale et à une requalification physique concernant un
vaste territoire. L'opération des Docklands de Londres initiée
dans les années 1980 est représentative de cette deuxième
génération.
Aujourd'hui, avec un état d'avancement
différent, ce sont les villes du Sud-Ouest de l'Europe et de l'Afrique
du Nord qui sont concernées par des opérations de reconversion
urbaine sur leur front de mer. Selon une étude de l'IRSIT concernant les
villes portuaires en Europe la quasi totalité des villes du Sud-Ouest de
l'Europe déclarent être engagées dans une «
opération de redéveloppement urbano-portuaire ». Se
caractérisant par une taille contenue, ses opérations recherchent
une nouvelle articulation entre l'espace portuaire et la ville.
Nous allons donc voir dans quelle mesure Barcelone, Bilbao,
Gênes, et Valence font émerger une nouvelle
génération de waterfront, et quelles sont les
caractéristiques de cette génération.
A. Des programmations et des styles architecturaux
similaires
Caractérisée par une forte compression de la
ville sur le rivage et par un espace portuaire relativement peu étendu
ayant du se réinventer sur lui-même, la dernière
génération de waterfront prend place dans des villes
où l'interface ville-port n'était plus fonctionnelle.
Dans un premier temps il faut noter que ces opérations
urbaines, concernent des périmètres relativement peu
étendus, en comparaison aux villes américaines ou par rapport
à Londres, qui représentait près de deux milles
hectares.
Ensuite contrairement aux villes Nord américaines il
apparait que les villes portuaires du Sud de l'Europe pensent la redynamisation
des emprises portuaires non pas comme l'agrégation de différents
projets, mais plus par la planification d'un projet d'ensemble dans une
volonté de repenser l'articulation entre la ville et l'espace portuaire.
Dans ce cadre là « le Waterfront est alors promis à
fonctionner comme une vitrine où seront mises en scène les «
potentialités », « les singularités », les «
modernités » de ces villes portuaires
9 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur
les quais, p.3.
22
aspirant au titre de vraies métropoles
européennes » 9 . La réinvention des relations
ville-port prend alors la forme d'une densification de l'interface entre ces
deux ensembles et se traduit par une volonté de faire la ville avec le
port.
L'exemple de Barcelone est significatif de ce changement de
manière de faire des waterfront. Le projet retenu va implanter
un panel diversifié d'activités et de fonctions urbaines sur un
territoire qui n'en comptait pas. Des activités tertiaires sont bien
sûr présentes dans le projet, mais celui-ci compte aussi de
nombreux équipements culturels et de loisirs. Qualifié de «
pôle culturel », le projet a permis une prise en
considération du port par la ville et une réelle implication de
l'autorité portuaire dans le projet. Celle-ci a porté et a fait
le projet avec la ville, l'interface a donc pu être retravaillée
pour mieux mailler le port et la ville.
L'opération d'urbanisme qu'ont connue Gênes et
son port s'inscrit aussi dans la même lignée. Marqué par
d'importantes coupures urbaines notamment par la sopraelevata, viaduc
routier qui coupait la ville du port, le projet s'est attaché à
réinventer les relations ville-port.
Le départ d'une partie des activités portuaires,
dans les années 1980, a permis de libérer une zone centrale, au
coeur du centre historique, et un accès à la mer qui, auparavant,
n'était ouvert qu'aux travailleurs du port. Cette libération de
l'espace a permis de remettre en avant les liens pouvant exister entre la ville
et le port et a fortement poussé à la mise en place d'un projet
ambitieux sur cette interface.
Figure 4 : Les espaces d'aménagement portuaire et le
projet de tunnel autoroutier de Gênes
Source : IAU IDF
23
Le projet urbain de Gênes, dénommé
Porto antico, a donc dans le même temps
réaménagé les espaces portuaires permettant une
rationalisation de cet espace, implanté des activités urbaines,
principalement culturelles sur d'anciennes emprises portuaires et mis en valeur
le patrimoine historique de la ville.
« Il apparaissait que de plus en plus de villes
accompagnent leur processus de reconversion « d'opérations phares
», destinées aux loisirs et à la culture, aux
activités maritimes et au tourisme, aux commerces, aux activités
directionnelles, etc » 1 0.
S'appuyant sur un équipement culturel
emblématique, tel que le Musée de la mer, le projet met la
culture et les loisirs en avant. Il est aussi à l'origine d'un quartier
d'affaires : San Begnino. Le projet urbain, en valorisant la mer, met en
relation la ville et son port afin que ceux-ci ne se tournent plus le dos.
L'étude de l'IAU sur les grands projets urbains en Europe nous montre
que « cette opération fonde ses racines dans une
réflexion de longue haleine qui concerne la relation ville-port et la
délicate question des infrastructures de transport ».
Si nous nous intéressons à Bilbao, ville
Atlantique, nous pouvons voir que celle-ci utilise la même recette que
les projets de Barcelone et de Gênes. Ville majeure de l'Espagne
industrielle, Bilbao est dans les années 1970 confrontée à
une importante crise économique qui va se traduire par une forte
augmentation du taux de chômage (+20%). Ayant un impact social et urbain
considérable, cette crise va notamment se traduire par une
décadence du système industriel, de hauts indices de
chômage, une dégradation de l'environnement et du tissu urbain,
des processus d'émigration et d'enlisement des populations les plus
précaires.
La ville va alors miser sur une stratégie de renouveau
économique s'appuyant sur une refonte interne à la
métropole du système de transport, sur une réaffectation
d'usage de certaines emprises portuaires et sur l'implantation d'un important
équipement culturel : le Musée Guggenheim. Ceci «
s'accompagne d'investissements dans les ressources humaines, la
régénération environnementale et urbaine et la
centralité culturelle, dans le but de transformer l'obsolète en
opportunité » 1 1.
Les nouvelles relations ville-port se perçoivent
à travers le changement d'usage de certains espaces : les zones
portuaires deviennent des parcs publics ou des quartiers résidentiels,
les quais deviennent promenades et les terrains industriels de nouvelles
centralités pour la ville et la métropole. La ville à
travers son projet urbain reprend alors son destin en main et ne laisse plus le
port et les friches industrielles nuire à son économie et son
système urbain.
Car l'exemple de Bilbao est aussi intéressant à
étudier pour ce qui concerne le changement de destination de sa base
économique. D'une industrie en crise le territoire est devenu,
grâce à un équipement culturel rayonnant, un « exemple
». Bilbao a été l'un des projets urbains les plus en vue ces
dernières années notamment grâce au musée
Guggenheim. L'effet Bilbao a d'ailleurs été étudié
par de nombreux chercheurs et plusieurs villes tentent de reproduire ce
modèle en implantant un équipement culturel dans
10 IRSIT, Les villes portuaires en Europe Analyse
comparative, p.95.
11
|
A. Masboungi, Bilbao, la culture comme projet de ville,
p.45.
|
24
des territoires ayant eu pour activité principale
l'industrie. L'exemple de Metz et de la récente ouverture d'une antenne
du Louvre illustre bien ceci. Ce changement de base économique et les
volontés de la ville ont permis une mixité urbaine et
fonctionnelle sur certains espaces, mais s'est aussi accompagné d'un
phénomène de gentrification.
Les projets urbains ont par ailleurs, et c'est le cas pour
Bilbao, entrainé ou favorisé dans leurs sillages des projets
métropolitains. Ils sont la base d'un renouvellement urbain à
grande échelle s'intéressant à d'autres espaces que les
espaces arrière-portuaires. Une réelle stratégie
métropolitaine est mise en oeuvre dans certains cas.
Un constat est donc à faire si l'on s'intéresse
à la programmation des projets urbains de waterfront des villes
Méditerranéenne de l'Europe de l'Ouest : en vantant la
mixité fonctionnelle, les projets urbains modifient
considérablement la base économique du territoire sur lequel ils
s'implantent. En s'appuyant sur les activités tertiaires et innovantes,
ces projets comportent aussi de grands équipements culturels, servant de
locomotive aux opérations.
B. Un espace public pacifié et
aseptisé
Les projets urbains des villes étudiées
contiennent donc une programmation sensiblement similaire, mais peuvent aussi
se retrouver autour du traitement de l'espace public. Chaque projet urbain a
permis de réinventer les relations ville-port, et ceci se fait
principalement à travers la mise en lumière et l'implantation
d'espaces publics sur des anciennes emprises portuaires / industrielles.
Car il ne faut pas oublier que la spécialisation des
espaces portuaires à partir de la seconde moitié du XX°
siècle, ont conduit et entrainé la construction d'une
frontière entre la ville et le port. S'il est donc important de
réintroduire des fonctions urbaines sur d'anciennes emprises portuaires,
la volonté de réinventer et de travailler l'interface entre la
ville et le port est une autre motivation des projets urbains de waterfront. Le
réaménagement de la voirie et le travail sur l'espace public est
l'un des meilleurs moyens de travailler cette interface. Intéressons
nous donc au traitement de l'espace public dans les diverses projets de
waterfront.
Si l'on s'attarde sur l'exemple de Bilbao, le travail
d'aménagement urbain a été exceptionnel. Bien que
très fortement marqués par d'anciennes emprises portuaires,
plusieurs sites ont été entièrement modifiés ces
dernières années et ont permis l'accueil de fonctions urbaines et
d'équipements de grandes ampleur comme le musée Guggenheim.
Passant d'un espace de stockage à vocation industrielle le site
d'Abandoibarra, situé le long de la Ria de Bilbao, est devenu
un vaste espace de détente et de loisirs. Comptabilisant 35 hectares et
étant situé entre l'oeuvre de Frank Gehry et le palais des
congrès, le projet a introduit de nombreux espaces verts et
modifié les espaces de circulation. Aujourd'hui sont désormais
mélangés circulations douces, tramway et voitures. Cet espace est
désormais tourné vers la ville, ce qui n'était pas le cas
avant. Néanmoins le cas de Bilbao est particulier car l'ancien port
était situé sur les berges de la Ria de Bilbao, le
projet s'apparente donc plus aux reconquêtes des berges d'un fleuve
qu'à la reconquête d'un front de mer.
25
Figure 5 : L'aménagement du site
d'Abandoibarra
1992 2004
Source : Bilbao Ria 2000, site ofÞciel
Pour Barcelone, l'espace public constitue un
élément essentiel des projets urbains, avec notamment
l'aménagement de 200 hectares de nouveaux parcs et jardins entre 1982 et
1992, ainsi que nombre de promenades, particulièrement près du
vieux-port. Ce renouveau s'est perçu dans l'opération de
réaménagement du port à travers l'ouverture de la ville
sur ce dernier. Au milieu des années 1980, quand l'opération de
réaménagement débute, il est décidé de
retourner la ville sur elle-même en la tournant vers la mer.
Marqué par des ruptures urbaines, démarquant fortement la ville
et le port, le projet urbain va chercher à réduire très
fortement ces barrières permettant une nouvelle relation entre la ville
et son port.
Dans les faits le projet urbain va détourner le
faisceau de voies ferrées qui conduisait de Barcelone à la
frontière française et coupait la cité catalane de son
littoral. Le projet va aussi restructurer complètement le port Vell
afin de le rendre accessible, et repenser, en terme de circulation, le
fonctionnement des artères historique de la ville.
Ce réaménagement de l'espace public se traduit
généralement par une volonté des villes de « nettoyer
» leur front de mer en pacifiant l'espace public. Remplaçant les
ruptures et les coupures qu'induisaient les infrastructures de transport et les
activités industrielles liées au port, les nouveaux espaces
publics proposent une interface composée d'espaces verts, d'espaces de
promenades. Jouant un rôle direct dans la promotion du nouveau quartier
ces espaces sont néanmoins de plus en plus similaires et ne
présentent que peu d'originalité.
« Au nom du respect de l'environnement et de la
qualité de vie urbaine, les transformations urbaines s'accompagnent d'un
triple mouvement d'aplanissement, d'esthétisation et d'aseptisation des
espaces publics. » 12
Reproduisant très souvent le même modèle
et traduisant une volonté de se raccrocher à la modernité
et aux manières de faire l'urbanisme dans les villes
Nord-Européennes, la création d'espaces publics dans les villes
méditerranéennes ne fait preuve d'aucune originalité et
traduit une volonté de « faire propre ». Élément
nécessaire de la promotion touristique et de la requaliÞcation
urbaine basée sur le tourisme, les villes méditerranéennes
pourraient néanmoins mettre en avant un autre type d'espaces publics, ce
qui conférerait une véritable identité aux projets
urbains.
Nous avons pu voir tout au long de cette partie, dans quelle
mesure les projets urbains des villes méditerranéennes se
ressemblent et comportent des points communs. Que cela soit pour la
programmation ou pour la création d'espaces publics, ces
différents projets sont en effet fortement corrélés.
12 R. Thomas, L'aseptisation des ambiances piétonnes
au XXI° siècle, p. 13.
26
C. Des stratégies de rayonnement et
d'attractivité
Une autre similitude des projets urbains
méditerranéens est sans doute le but qu'ils poursuivent et les
moyens par lesquels ils y parviennent. Cherchant à répondre
à des stratégies d'attractivité et de rayonnement
territorial, nous verrons dans un premier temps comment les projets de
Waterfront s'appuient pour la plupart sur des événements
déclencheurs. Puis nous verrons ensuite les autres moyens mis en place
pour répondre à ces stratégies et nous verrons quelles
sont leurs dérives.
A. Des événements déclencheurs
La grande majorité des projets que nous avons
étudiés jusqu'à maintenant s'appuie et se justifie par la
tenue et l'accueil de grands événements internationaux.
La ville qui a montré l'exemple est sans aucun doute
Barcelone. L'urbanisme barcelonais s'est toujours développé par
à coups en prenant appui sur de grands évènements. Que ce
soit lors des Expositions Universelles de 1888 et 1929, et beaucoup plus
récemment pour les Jeux Olympiques de 1992, Barcelone a profité
de l'accueil de grands événements pour se développer. Le
cas qui nous intéresse est celui de Jeux Olympiques.
Se basant sur trois critères (mise en place de la ville
utopique, limitation des voies rapides, homogénéisation du centre
et de la périphérie), l'architecte Oriol Bohigas, a revu en
profondeur l'urbanisme de la cité catalane dans la perspective des Jeux
Olympiques. La ville a par ailleurs profité de l'accueil de la
manifestation sportive pour réorganiser plusieurs territoires de son
aire urbaine.
« Ces critères permirent l'ouverture sur la
mer, par la destruction de l'ancienne zone industrielle
désaffectée de Poblenou, sa substitution par la ville olympique
et l'enfouissement de la voie ferrée qui séparait
l'agglomération de la Méditerranée ; la
réorientation de la croissance de Barcelone, par la création aux
quatre coins de la cité de centres d'installations olympiques (Villa
olympique, Valle Hebrón, Montjuïc et Diagonal) » 1
3.
Barcelone est la ville qui a lancé l'urbanisme
événementiel, car le succès de son projet urbain est
fortement lié et corrélé à l'accueil des Jeux
Olympiques qui a permis d'accueillir de nombreux touristes. La ville,
souhaitant continuer sur cette dynamique, a par ailleurs lancé et
créé son événement : le Forum Barcelona 2004,
rencontre mondiale pour le développement durable, la diversité
culturelle et la paix. De nouveau, Barcelone en profita pour
régénérer le tissu urbain. Le secteur où se tenait
le forum est l'une des trois pièces majeures du futur Distrito 22,
quartier imaginé pour concentrer les industries créatives. Les
deux autres pierres angulaires de cette Barcelone du XXI° siècle
seront la zone de loisirs de Glries, déjà balisée par la
tour Agbar, oeuvre de l'architecte français Jean Nouvel, et la zone de
Sagrera, noyau des communications, que symboliseront la nouvelle gare du train
à grande vitesse et un ensemble d'immeubles conçu par
l'architecte américain Frank Gehry. C'est dans ce triangle du Distrito
22 que se joue l'avenir du modèle barcelonais, et de la ville dans son
ensemble, et encore une fois le développement de cette zone s'est
appuyé sur un événement. La stratégie mise en place
par la ville de Barcelone est donc une stratégie
événementielle, qui s'appuie sur l'accueil de touristes.
13 L. Moix, Le modèle Barcelonais, Le monde
diplomatique janvier 2006.
27
28
Il en va de même pour Gênes et l'opération
Porto Antico ; plusieurs grands événement ont
marqué et rythmé les avancées du projet urbain (voir
graphique complémentaire n°3 placé en annexe). En 1990,
plusieurs matchs de la Coupe du Monde de football se déroulèrent
à Gênes ; la ville s'est donc préparée à
l'arrivée de nombreux nouveaux visiteurs. Deux ans après, la
ville organisa les Columbiades, une exposition internationale
célébrant le cinq-centenaire de la découverte de
l'Amérique par Christophe Colomb. Le cadre territorial de cette
exposition fut celui du coeur ancien du port, sur lequel l'équipe de
Renzo Piano travaillait à la reconversion depuis 1987.
L'événement a donc été une manière de mettre
en lumière les avancées du projet urbain, car il a permis aux
habitants et aux touristes de venir dans ce nouveau morceau de ville.
Mais le succès de l'opération Porto Antico
s'inscrit dans un mouvement plus général, rythmé par
de nouvelles occasions de découverte du capital patrimonial et culturel
de la ville. L'année jubilaire de 2000 a été marquante
pour l'ensemble des villes italiennes, avec l'arrivée de milliers de
visiteurs en route pour Rome. En 2001, Gênes a accueilli le sommet du G8
et utilisé les fonds alloués par l'État pour un vaste
travail sur les espaces publics. En 2004, la ville était Capitale
Européenne de la Culture (avec Lille) : le calendrier des expositions a
été l'occasion de valoriser une série de bâtiments,
de constituer le «pôle des musées» et, en inaugurant le
Musée de la mer, d'attirer l'attention sur la zone de l'ancienne darse.
Dans le cas de Gênes les grands événements ont permis de
débloquer des financements et de faire avancer le projet urbain tout en
mettant en lumière les travaux déjà
réalisés. La stratégie mise en place est donc basée
là aussi sur l'événementiel.
Si l'on prend pour autre exemple Lisbonne, une ville non
méditerranéenne mais présentant des
caractéristiques communes aux villes étudiées, le
même schéma a été reproduit. Cependant il s'agit ici
d'un projet et d'un événement national et non porté par la
municipalité. L'Expo' 98 fut impulsée par l'État pour
montrer le renouveau du Portugal, et s'est matérialisée à
travers le parc des nations en bord du Tage. Localement, ce fut un pas de
Lisbonne vers son fleuve toujours barricadé derrière les zones
portuaires. Le Parc des Nations est né d'envies : celle d'exister, celle
de reconquérir un territoire pollué et abandonné. Mais
aussi d'un besoin de modernité, de nouveauté. Le Parc des nations
est un pari urbain du gouvernement portugais : placer Lisbonne parmi les
grandes capitales européennes en réaménagement 340 ha de
friches pétrolières et militaires en bord de Tage, dont 60 ha
pour l'Expo elle-même.
Comme pour les autres villes étudiées, le projet
urbain est porté par un événement marquant, qui permet
d'attirer les touristes et les entrainent à venir dans le nouveau
quartier de la ville.
Les différents projets urbains étudiés
sont la plupart du temps accompagnés de grands événements.
Venant encourager ou mettre en lumière un projet urbain, ces
événements sont accueillis par les territoires dans une
volonté de rayonner et d'attirer. Cherchant à attirer des
touristes, ces grands rassemblements sont devenus au fil des années des
incontournables du marketing territorial. Nous allons désormais voir
comment ces stratégies événementielles et touristiques se
mettent en place pour chaque ville et les répercussions de celle-ci sur
les habitants.
29
B. Starchitecture, rayonnement de la ville et attrait de
touristes
Les stratégies mises en oeuvre dans les villes
méditerranéennes que nous étudions poursuivent deux
objectifs principaux : le rayonnement et l'attractivité du territoire.
L'accueil de grands événements est une manière de rayonner
et de mettre en lumière les différents projets urbains. Cependant
il existe d'autres moyens de mettre en oeuvre ce genre de stratégie.
Bilbao a par exemple opté pour la starchitecture.
Faisant appel à Franck Gehry pour concevoir l'équipement culturel
présent au sein de son projet urbain, Ria 2000 a ainsi
réussi à attirer l'attention sur la ville du pays Basque. Dans
une volonté de se faire connaitre à l'international, il a
très vite été décidé de rompre avec la
culture locale, l'appel à un architecte étranger s'est donc vite
imposé.
L'ouverture du Guggenheim dans cette ancienne cité
industrielle peut être considérée comme un
événement en soi, car les touristes sont autant attirés
par les collections du musée que par le musée en lui même.
Véritable emblème de la ville, le musée Guggenheim a eu un
impact énorme sur la ville, en attirant près de 1,3 millions de
visiteurs la première année ; la « cité noire »
est devenue en 1998 la destination à la mode.
Avec le Guggenheim, l'aura de la ville est devenue
planétaire répondant ainsi à la stratégie de
rayonnement que s'est fixée la ville.
Figure 6 : Le Musée Guggenheim à Bilbao de
Frank Gehry
Source : Site ofÞciel du Musée Guggenheim
Bilbao
Pour Bilbao, le bénéfice a été
spectaculaire. Cet investissement a transformé l'économie et
ouvert une nouvelle époque pour Bilbao, affirme Andoni Aldekoa, le
directeur général de la mairie 14 . Néanmoins
« ce musée témoigne aussi de l'énorme pouvoir
d'un objet architectural, qui peut changer la société et les
mentalités », observe l'architecte Juan Coll-Barreu. Il a par
ailleurs fortement marqué le monde de l'urbanisme et de l'architecture.
Le bâtiment met immédiatement le monde de l'architecture en
effervescence, comme l'avait fait avant lui le Centre Pompidou, à Paris.
De même que le Centre Pompidou, le Guggenheim de Bilbao a cassé
les codes de l'architecture. Non seulement par ses formes organiques,
complètement inattendues pour un bâtiment de cette ampleur, mais
par la nouveauté des outils de conception et par l'influence qu'il a
eue.
L'effet Bilbao s'est aussi fait ressentir dans le monde de
l'urbanisme et sur les projets urbains. En apparaissant comme un modèle
à suivre, le projet urbain de Bilbao a imposé la mise en avant de
la culture au coeur des projets urbains, mais il a aussi consacré le
recours à des architectes de renommée internationale. En effet,
en 2004, 26 villes portuaires du pourtour méditerranéen
déclaraient avoir eu recours à des architectes de renommée
internationale pour leurs projets urbains. Bien que pouvant être
justifié par la qualité des projets architecturaux, l'appel
à des architectes de renommée internationale est aussi une
manière de faire du marketing territorial.
« En ce début de XXI° siècle, les
décideurs locaux identifient l'association entre « marque de
musée » et marque d'architecte » comme une stratégie
urbaine leur permettant à la fois de se développer
économiquement et d'émerger sur la carte du monde : une
stratégie par conséquent intrinsèquement liée
à des enjeux d'image de marque, d'identité de marketing
territorial ainsi qu'à un développement touristique » 1
5.
Cependant il faut remarquer que l'image que véhiculent
ces bâtiments iconiques n'est pas celle de la ville vécue, mais
est une image de réalité photographiée et largement
véhiculée par les médias. Elle encourage la dissociation
entre la réalité perçue par les habitants et l'image que
reçoivent les touristes.
Néanmoins beaucoup de villes ont opté pour la
starchitecture ou font appel à de grands architectes. Permettant entre
autre de communiquer et d'attirer l'attention sur les mutations de son espace
portuaire, Gênes a elle aussi eu recours à un grand nom de
l'architecture, Renzo Piano. Bien que le schéma ne soit pas le
même car Renzo Piano est d'origine Génoise, la volonté est
la même : faire parler de la ville et attirer des touristes ou des
investisseurs. La stratégie mise en place et l'appel à un
architecte de ce rang permettent à la ville de communiquer et de faire
parler d'elle sur la scène internationale. Outil incontournable du
marketing territorial, les architectures iconiques s'inscrivent pleinement dans
une stratégie touristique urbaine.
Cependant si l'on s'intéresse aux effets que peut avoir
une stratégie uniquement tournée sur le tourisme, ceux-ci sont
variés et peuvent avoir des répercussions négatives.
14 R. Rérolle, La déflagration Guggenheim,
Le Monde 28 aout 2013.
15 M. Gravari-Barbas, Aménager la ville par la culture
et le tourisme, p.54.
30
31
Bien entendu l'attractivité et l'attrait de touristes
encouragent l'économie d'une ville, créent des emplois dans
divers domaines (principalement des services, comme la restauration et
l'hôtellerie), et peuvent relancer une ville en crise. Néanmoins
quelques points négatifs peuvent être ajoutés au tableau
pour nuancer les bienfaits des stratégies touristiques mises en place
par les villes méditerranéennes de l'Europe occidentale.
Bien que les stratégies urbaines mises en place par les
villes soient faites pour les citoyens, et pour que ceux-ci profitent des
emplois induits par l'arrivée de touristes, de plus en plus de villes
négligent les investissements d'infrastructures tels que les
hôpitaux, les écoles, les centres de recherches ou encore les
incubateurs d'entreprises. Moins vendeurs que les grands équipements
iconiques, ceux-ci sont pourtant nécessaires pour le bon
développement d'une ville. Valence s'est inscrite dans ce
schéma.
En investissant massivement dans la Cité des arts et
des sciences, prolongement de l'opération « Balcon sur la mer
» et en misant sur les grands événements tels que la coupe
de l'America, ou l'accueil d'un circuit de F1, la ville a orienté sa
stratégie de développement dans le tourisme. Or quinze ans
après le lancement de la stratégie de Valence, bien que la ville
soit plus attractive qu'en 1998, il faut observer que le territoire est
aujourd'hui en grave crise financière. La communauté valencienne
est aujourd'hui la région espagnole la plus endettée, avec une
dette s'élevant à 32,9% de son PIB en 2014. Selon l'Institut
Valencien de Recherche Économique, les grands évènements
représentent 20% de la dette, ce qui amène à se poser des
questions sur la viabilité d'une stratégiee basée
uniquement sur l'accueil de grands événements. Cet institut nous
montre par ailleurs que le revenu moyen des valenciens est aujourd'hui de 12%
en dessous de la moyenne nationale, alors qu'il se situait dans la moyenne il y
a 15 ans. Les retombées économiques des grands
événements ne sont donc pas pour la population, mais pour
quelques uns, qui ne font malheureusement pas toujours tourner
l'économie d'un territoire.
Ceci peut s'expliquer par le fait que les objectifs
escomptés en matière de richesses créées pour la
ville n'aient jamais été atteints. Bien que le nombre de
touristes ait considérablement augmenté ces dernières
années à Valence, les recettes attendues par les dépenses
de ceux-ci n'ont jamais été à la hauteur des attentes.
De plus, contrairement aux prévisions, le tourisme et
ses retombées ne bénéficiaient pas à l'ensemble du
territoire. Concentrés dans certains lieux, les touristes ne permettent
pas de développer un territoire dans sa totalité. Par ailleurs
les investissements consentis par les pouvoirs publics sont de plus en plus
remis en question par les habitants :
« S'ils se réjouissent globalement que les
efforts de la municipalité aient permis de rendre Valence plus
attractive, ils regrettent une situation de ségrégation entre la
ville des touristes et la leur. Ils voient que leurs impôts ont servi
à financer des infrastructures qu'ils ne peuvent pas utiliser (pour des
raisons de coûts d'accès et/ou de barrières plus
symboliques comme l'utilisation de l'anglais ou le choix de sports comme les
régates ou de F1 qui ne sont pas précisément les plus
populaires) alors que les politiques d'austérité ont
réduit les dépenses publiques partout ailleurs » 1
6.
Les discours se structurent donc aujourd'hui autour d'une
opposition entre les touristes et les habitants, et ceux-ci se sentent
lésés par rapport aux premiers.
16 F. Pecot, Ce que nous apprend l'exemple de Valence sur le
développement de Marseille, Slate 12 décembre 2014.
32
Un fort sentiment anti-touristes peut alors émaner chez
les habitants comme à Barcelone ou dans d'autres villes touristiques. Le
cas barcelonais peut amener à se poser des questions notamment lorsque
l'on s'intéresse au parc Guell : celui-ci en raison d'une
afßuence trop importante et de problèmes d'entretien en
découlant, est devenu payant, pour tous, à partir d'octobre 2013.
N'est-il pas étrange, et inconcevable, pour un citoyen de payer pour se
rendre dans un espace public, qui plus est fait partie du patrimoine de sa
ville.
Aujourd'hui les limites du tout-tourisme commencent à
se percevoir, notamment pour le bien commun. Le tourisme est certes
bénéfique à un territoire, mais lorsque l'afßux
massif de touristes nuit aux populations locales, des questions sont à
poser et les stratégies à revoir.
Les limites du marketing territorial sont perceptibles aussi :
celui-ci a trop longtemps dicté la politique d'un territoire aux
dépens des politiques de développement. Il faut rappeler que le
marketing territorial est bien sur nécessaire pour valoriser un
territoire, mais ne constitue jamais une fin en soi, ce n'est qu'un outil qui
doit être utilisé en fonction de la vision et de la
stratégie mise en place.
Aujourd'hui les différents projets urbains que nous
étudions répondent à une politique de rayonnement et
d'attractivité ; néanmoins les outils et politiques mis en place
ne doivent pas se substituer à une politique de développement qui
serait profitable aux territoires.
D. Des modes de faire spécifiques et un urbanisme de
projet
Après avoir vu les ressemblances des différents
projets urbains des villes étudiées, les stratégies
auxquelles ils doivent répondre, intéressons nous aux modes de
gouvernance mis en place, et voyons comment ceux-ci ont consacré
l'urbanisme de projet.
A. Entrepreunarialisme urbain et implication du secteur
privé
Avant d'étudier la gouvernance des projets urbains de
waterfront, il convient de revenir sur plusieurs acteurs de taille.
N'étant pas à l'origine des opérations de reconquête
des fronts de mer, les autorités portuaires et les acteurs privés
sont des acteurs primordiaux de ces projets urbains.
Acteurs incontournables lorsque l'on s'intéresse aux
territoires arriéro-portuaires, les autorités portuaires sont
évidemment des institutions qu'il a fallu rallier aux projets de
reconquête urbaine des fronts de mer. Avant de continuer il faut
préciser que dans tous les cas que nous étudions, hormis pour
Lisbonne, la gestion des ports est assurée par une société
publique sous contrôle d'État : les autorités portuaires
sont donc publiques. Par ailleurs ces sociétés possèdent
d'énormes réserves foncières en lien avec leurs
activités, et sont les moteurs économiques d'un territoire
dépassant leur simple emprise.
Ayant eu une importance considérable dans les
années d'après-guerre, la crise portuaire des villes
méditerranéennes a néanmoins réduit le poids et le
pouvoir des autorités portuaires. Celles-ci ont vu leur influence
diminuer alors que d'autres acteurs publics, comme les collectivités
territoriales, ont acquis plus de pouvoirs et plus de compétences.
Cependant dans le cadre des projets urbains « les
autorités portuaires se montrent toujours réticentes à
l'idée de se défaire définitivement d'une partie de leur
patrimoine foncier sous-utilisé » 17 . Cherchant à
maintenir leur influence dans des territoires, qui sont
considérés comme le leur, les autorités portuaires
cherchent aussi à préserver leur emprise dans le cas d'un regain
d'activités dans le futur.
Les interfaces entre ville et port deviennent alors peu
à peu des lieux symboliques de l'affrontement de deux logiques, celle du
port qui souhaite maintenir ses activités au nom de la
compétition internationale et de la création d'emplois, et celle
de la ville qui cherche à améliorer le cadre de vie de ses
habitants en réaménagent l'espace. Confrontant donc deux visions
et deux logiques différentes, les projets urbains de waterfront
ont dù trouver et créer des consensus entre les volonté
des villes et des autorités portuaires pour que les projets soient
acceptés et portés par tous.
Dans ce cadre là, Barcelone a montré l'exemple.
En 1988, l'autorité portuaire a pris l'initiative de rédiger un
plan d'aménagement du Port Vell. Validé par la ville et
la région ce plan montre qu'un compromis a pu être trouvé,
et constitue un temps fort des relations entre ville et port. Il
témoigne aussi des liens créés entre milieux politiques,
économiques et sociaux. Il est cependant déplorable que ce plan
d'aménagement ait prôné une mise en valeur commerciale
reléguant au second plan la mise en valeur du lieu et la
contextualisation de l'aménagement de l'espace.
17 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur
les quais, p.3.
33
En Italie, c'est une loi qui a obligé les
autorités portuaires et les communes à trouver un terrain
d'entente. La réforme de la législation portuaire de 1994 a en
effet obligé les ports de se doter d'un piano regolatore portuale,
imposant une concertation avec la ville. Gênes s'est dotée de
ce document en 2001, mais le consensus trouvé s'est appuyé sur
une expérience du travail en commun, rendu possible par la
création de l'Agence du plan à l'initiative du port.
Que cela soit à l'initiative de l'autorité du
port, ou à travers la législation, les différents projets
de reconquête du front de mer ont dù rallier les autorités
portuaires pour que ceux-ci soient pertinents et partagés par le plus
grand nombre d'acteurs.
Le deuxième type d'acteur qui occupe une place
importante dans les projets que nous étudions sont les acteurs
privés. Fortement marqués par les partenariats
public-privé les projets urbains de waterfront misent beaucoup
sur l'implication du secteur privé. Relevant généralement
d'une initiative publique, les projets de waterfront marquent
néanmoins un regain d'intérêt pour les partenariat
public-privé. Par ailleurs ces projets se distinguent les uns des autres
pour ce qui concerne l'implication du secteur privé.
Tenue à l'écart de toute décisions de
programmations, à Bilbao, l'implication du secteur privé prend
toutefois une forme différente. Le groupe Andersen Consulting a par
exemple beaucoup agit lors de la définition du « Plan
stratégique pour la revitalisation de l'aire métropolitaine de
Bilbao ». Ne s'impliquant pas directement dans le projet urbain, le
secteur privé a néanmoins participé à la
planification et à la définition de la stratégie, une des
tâches les plus importantes de la mise en place de la métropole.
L'implication du secteur privé ne se limite donc pas à la simple
acquisition foncière et à la construction immobilière mais
peut concerner la mise à disposition de compétences et
savoir-faire spécifiques.
La deuxième intervention du secteur privé, et
qui est aujourd'hui de plus en plus nécessaire, est la participation
financière notamment pour la construction des quartiers. Les acteurs
privés sont appelés à construire dans le quartier,
d'où l'importance de bien vendre son projet. Dans un contexte de baisse
des ressources publiques, l'adhésion financière de banques ou
groupes d'investissements est une condition nécessaire à la
réussite d'un projet. En effet un projet urbain, s'il veut
réussir doit parvenir à attirer les promoteurs, pour que ceux-ci
investissent et construisent sur son territoire. Les projets urbains de
reconquête des fronts de mer, confirment donc « l'abandon d'une
idéologie selon laquelle l'intervention du privé serait
inéluctablement menaçante pour l'intérêt
général » 1 8 .
Nécessaires donc, les acteurs privés sont de
plus en plus amenés à intervenir dans les projets urbains ;
néanmoins il convient de rester prudent concernant le recours au secteur
privé et de ne pas oublier la notion d'intérêt
général. Il est important que l'action publique ne soit pas
guidée par le profit et la rentabilité.
18 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur
les quais, p.6.
34
35
B. Gouvernance et coopération entre pouvoirs
publics
Penchons nous désormais sur les structures en charge de
ces projets urbains et sur le rôle des pouvoirs publics.
« 25 villes européennes étaient
dotées en 2004 d'une structure de coordination, avec pour mission de
piloter l'opération de reconversion sur un périmètre
déterminé. Ces structures de coordination peuvent aussi
être de nature consortiale regroupant les acteurs concernés soit,
le plus souvent, les collectivités locales et les propriétaires
fonciers - port, compagnies de chemin de fer, industries, etcÉ - sous la
forme de SEM, sociétés de type économie mixte comme
à Gênes » 1 9.
Ayant pour mission d'assurer la maîtrise d'ouvrage, mais
aussi et surtout en charge de la coordination des acteurs publics,
privés et des différentes échelles institutionnelles, on
retrouve généralement des organismes spécifiques aux
commandes des projets urbains de waterfront. De nature consortiale, ces
structures tendent à réunir le plus grand nombre d'acteurs et
permettent d'avoir un discours cohérent sur le projet urbain.
Impulsées par l'État où par les
collectivités locales, ces structures endossent un rôle de
médiateur ou d'animateur. Elles permettent aussi de montrer une
unité et assurent une certaine stabilité pour les
investisseurs.
A Bilbao, la société Ria 2000, de droit
privé, est en charge de « coordonner le processus de
revitalisation à l'échelle de la métropole
»20 . Impulsée par l'État et le
ministère des Travaux Publics, cette société doit
planifier les opérations, aménager les terrains et ensuite
revendre ceux-ci. Réunissant au sein du conseil décisionnel des
représentants du pouvoir exécutif, et constituant une
équipe réduite, Ria 2000 montre son efficacité en agissant
vite et en étant détachée des limites administratives que
peuvent présenter les collectivités. Il suffit de se pencher sur
les travaux réalisés en 15 ans et sur la transformation de la
métropole, pour se rendre compte de l'efficacité de la formule
décisionnelle mise en place par la structure. Reposant d'avantage sur
des règles élaborées en collaboration, le modèle
tend à se développer car d'autres villes espagnoles comme Madrid
ou Valence ont adopté des organisation similaires.
A Gênes, la structure en charge du
réaménagement du port historique est une société
d'économie mixte dénommée Porto Storico. En charge de la
gestion du site des Colombiane et de la poursuite de de la reconversion du
port, cette société est composée de différents
acteurs. Regroupant la ville de Gênes, la Chambre de Commerce et le port,
Porto Storico est donc une structure qui prône le consensus entre les
différents acteurs, mais qui favorise aussi la prise de décisions
: la limitation à 5 membres du conseil d'administration en est la
preuve.
De forme différentes les diverses structures en charge
des projets urbains que nous étudions ont pour caractéristique
commune d'avoir toutes adopté une démarche de projet urbain.
Favorisant un entreprenuaralisme urbain, les projets ont pour
caractéristique de ne pas être figés dans le temps, mais de
toujours évoluer, cela en réunissant le maximum d'acteurs.
19 IRSIT, Les villes portuaires en Europe Analyse
comparative, p.103.
20 Ria 2000, Site officiel.
Barcelone est caractéristique de ce changement. Se
basant sur 10 projets de nouvelles centralité métropolitaines, la
démarche s'est basée sur les opportunités se
présentant et sur le volontarisme des pouvoirs publics. Le projet du
village Olympique illustre bien ceci :
« Il témoigne également d'une approche
typiquement barcelonaise, qui privilégie les projets partiels dans
l'aménagement de la ville, au plan global d'urbanisme. Ce raisonnement
est poussé à l'extrême : il arrive fréquemment que
des concours d'architecture formalisent des projets préalablement
à la rédaction des normes d'aménagement » 2 1
.
Le modèle barcelonais s'est peu à peu
appliqué aux divers projets urbains européens ; il
révèle une nouvelle manière de faire l'urbanisme
basée sur le projet et les opportunités se présentant,
reléguant au second plan la planification. Les différentes
structures s'occupant des projets urbains de reconquête urbaine sont donc
des organisations spécifiques, regroupant différents acteurs et
cherchant à montrer une unité autour d'un projet commun.
Ces structures se retrouvent aussi sur la thématique de
la participation citoyenne. Très opaque, elles n'intègrent que
très peu les habitants alors que leurs décisions impactent
directement le quotidien des populations locales. De nouveaux modes de
concertation doivent être inventés pour rallier stratégie
de rayonnement et intérêt citoyen.
Nous avons donc pu voir quels sont les différents
acteurs des projets urbains et comment la gouvernance s'établit entre
ceux-ci. S'il n'est pas possible de dégager un modèle type, nous
pouvons toutefois affirmer que la méthode dite de « projet urbain
» et le consensus entre les divers acteurs concernés sont les
lignes directrices de ces organisations, et prévalent dans les projets
urbains de reconquête des fronts de mer.
36
21 F. Mancebo, Stratégies barcelonaises :
reconÞgurer la ville entre projets urbains partiels et urbanisme de
grands événements, p.5.
37
Ces dernières années ont fait émerger en
Europe une nouvelle génération de projets urbains. Prenant place
dans les villes méditerranéennes ces projets que l'on peut
qualifier de reconquête urbaine cherchent à réinventer les
relations entre ville et port, en introduisant des fonctions urbaines dans des
espaces anciennement portuaires ou étant jusqu'alors tournés vers
le port. En régénérant des territoires en crise, ces
projets modifient considérablement la base économique des
territoires dans lesquels ils s'implantent. Modifiant aussi urbanistiquement
les territoires sur lesquels ils s'implantent, ces opérations
entraînent de nombreux aménagements d'espaces publics et
permettent de créer une réelle interface entre la ville et le
port.
Répondant à des stratégies de rayonnement
et d'attractivité du territoire, les projets urbains de
waterfront s'appuient sur plusieurs outils, notamment l'architecture
iconique et le recours aux architectes de renommée internationale.
Favorisant la culture comme locomotive, ces projets urbains s'intègrent
parfaitement aux politiques touristiques que prônent et favorisent les
villes en ce début de XXI° siècle.
Gérés par des structures spécifiques, ces
projets présentent aussi une nouvelle manière de faire la ville.
Basées sur le consensus et la réunion du plus grand nombre
d'acteurs, les organisations en charge des projets urbains sont
généralement de nature publique et permettent de dégager
une unité autour d'un projet commun. Animant les débats avec les
autorités portuaires et les acteurs privés, ces structures se
présentent comme des organisations incontournables du
réaménagement des villes et des métropoles.
Les opérations de waterfront sont donc
sensiblement les mêmes car elles s'implantent dans le même type de
territoire, poursuivent les mêmes buts et usent des mêmes
stratégies. Bien que contextualisées ses opérations
tendent à reproduire le même modèle. Penchons nous
désormais sur le cas de Marseille et voyons comment le projet urbain de
reconquête urbaine du front de mer s'inscrit dans le même
modèle de ceux que nous venons d'étudier.
38
39
2. Euroméditerranée : un projet urbain
pour une nouvelle centralité métropolitaine
Après avoir vu les similitudes et les points communs
entre les projets urbains dits de « régénérence
» urbaine des espaces arrière-portuaires des villes
européennes méditerranéennes, intéressons nous au
cas de Marseille.
La cité phocéenne dispose elle aussi d'une
grande opération de renouvellement socio-économique et urbain de
l'espace situé à proximité du port :
Euroméditerranée. Né aux croisements des volontés
de l'État et des pouvoirs locaux, ce projet urbain réinvente les
relations entre la ville et son port, mais cherche aussi à faire
basculer Marseille dans le rang des métropoles modernes.
Pensé comme une vitrine urbaine, le nouveau quartier
poursuit divers buts et objectifs, parmi lesquels on compte des buts
économiques, mais aussi des objectifs d'organisation territoriale. En
effet Euroméditerranée doit permettre à Marseille de
devenir une métropole méditerranéenne gouvernant une large
aire urbaine. Je chercherai donc à savoir si
Euroméditerranée est un projet de dimension métropolitaine
et si celui-ci favorise la construction métropolitaine.
Avant de nous intéresser plus en détail à
ceci, il convient cependant de rappeler les liens existant entre la ville et
son port. L'histoire de la ville est très liée à son port
; nous verrons donc par la suite comment Euroméditerranée,
à travers sa programmation, réinvente l'interface entre ces deux
ensembles.
Par la suite nous analyserons le rôle du projet urbain
pour la ville et le territoire métropolitain. Nous nous pencherons
ensuite sur l'image que celui-ci produit et les effets qui en découlent.
Enfin nous analyserons la gouvernance du projet et de la structure en charge de
celui-ci : l'EPAEM.
40
A. Une volonté de rapprocher la ville de sa mer
et de son port
Marseille est une ville méditerranéenne, mais
aussi portuaire. En effet les liens entre la ville et son port ont
marqué le territoire et l'histoire de la cité phocéenne.
Nous ferons donc dans un premier temps un rappel de l'histoire de la ville et
du port. Nous verrons comment les liens entre eux ont été
bénéfiques pour le territoire, et comment ceux-ci se sont
détériorés au fil des années, entrainant une
volonté de l'État de reconquérir les abords du port.
A. Histoire du port, de la ville de Marseille et des
liens existant
Marseille est une ancienne cité phocéenne,
chacun le sait et l'histoire est connue, mais il est bon de la rappeler pour
mieux comprendre et analyser les liens avec la mer et le rôle du port
dans le développement de la ville.
En 600 avant J.C, des colons venus de Phocée, ville
grecque d'Asie mineure, débarquent dans la calanque du Lacydon. Au vu de
la morphologie du site (le Lacydon est une darse naturelle de près d'un
kilomètre de long et de 300 mètres de large), l'emplacement est
idéal pour y implanter un comptoir. La cité phocéenne se
développe alors sur les hauteurs à proximité ; Massalia
est née.
Très vite le port va devenir une place
stratégique pour le commerce entre Orient et Occident, une porte
d'entrée sur la Gaule au niveau commercial, et un point de départ
pour des expéditions maritimes en direction de l'Afrique et de la
péninsule ibérique. Jusqu'à l'invasion romaine en l'an -
49 av. J.C, Massalia va se développer ; l'invasion romaine glorifiera la
voisine Arles. La fin de l'empire romain et les invasions barbares qui ont
suivi marqueront une période d'instabilité pour l'Europe, dont
Marseille n'est pas épargnée.
Sous Charlemagne (768-814) et son successeur Louis
Ier (814 -840) un calme relatif s'installe à Marseille ;
celle-ci est incorporée au royaume de Provence. Au temps des
Mérovingiens, Marseille redevient le principal port en liaison avec
l'Italie, Byzance et le monde oriental. Les huiles, les vins, les épices
et les céréales forment l'essentiel des marchandises
échangées. La dimension commerciale de la ville s'affirme au fil
des ans. Les activités du port retrouvent leur élan avec le
développement des royaumes « francs ». Ceux-ci ont besoin du
soutien de l'Occident, fourni le plus souvent par des villes marchandes. Le
commerce est également très actif avec l'Afrique du Nord,
l'Italie, la Sicile et l'Espagne. Ce développement est alimenté
par l'extension du marché intérieur. Arles, Avignon, Lyon
constituent des entrepôts et des relais vers les grandes foires. Cet
essor remarquable s'étend jusqu'au XIV ème
siècle. Marseille va alors se développer et rayonner sur la
Méditerranée.
Au XV ème siècle, l'attaque des
Aragon va décimer la ville, son port et sa flotte. Les relations avec
l'Espagne et l'Afrique du Nord sont rompues, et la fin du siècle sera
marquée par l'édification sous le règne du roi René
de la tour St-Jean en l'an 1447. Le négoce maritime va par la suite
reprendre de l'ampleur essentiellement grâce au développement de
marchés intérieurs.
41
Entre 1481 et 1494, Marseille et la Provence sont unies au
royaume de France. Véritable fleuron économique du pays,
rayonnant à nouveau sur la Méditerranée, le port devient
également arsenal militaire et chantier naval des flottes royales. Le
port connait alors un développement et des aménagements
successifs sous les différents rois, lui conférant des avantages
et renforçant son rôle de place commerciale. La création
d'un Bureau du Commerce en 1599, chargé d'informer les autorités
des améliorations jugées utiles, renforce la dimension
commerciale de la ville. Ce bureau deviendra par la suite la première
Chambre de Commerce et de l'Industrie.
Au début du règne de Louis XIV, la ville se
développe dans une quasi-autonomie jusqu'en 1660, où une
occupation militaire est décidée pour calmer ses
velléités d'indépendance. Le pouvoir central impose alors
une politique de sévérité. Une garnison permanente de 3
000 hommes est installée et la construction des forts Saint-Jean et
Saint-Nicolas décidée. L'action de Louis XIV s'avère
cependant efficace et bienfaisante pour la prospérité de
Marseille. Il ordonne l'agrandissement de la ville qui voit sa superficie
tripler.
En 1669, l'édit de Mars renforce le poids
économique de la ville en taxant de 20% les marchandises « d'Orient
et de Barbarie » venant d'autres ports du royaume. Marseille devient la
porte d'entrée commerciale du royaume pour tout le pourtour de la
Méditerranée. Ceci est accentué en 1703, avec une
exonération totale pour certaines marchandises ; par ailleurs les
aménagements du port sont poursuivis permettant d'accueillir des navires
toujours plus grands. La peste et le transfert du port militaire à
Toulon en 1748 ne ralentiront pas l'essor du port et de la ville. Au contraire,
des disponibilités foncières sont abandonnées pour des
constructions immobilières où se développent de nombreuses
activités en lien avec la mer.
La révolution française et les guerres
successives de l'empire vont mettre la ville en état de faillite ;
émeutes et manifestations se succèdent, des disettes vont
même menacer la ville suite au blocage maritime et continental de la
ville.
A partir de 1825, l'activité économique reprend
une fois encore ; les industries se développent ; le port connaît
un nouvel élan. Sur décision de Napoléon III, un canal
d'Arles à Bouc est creusé et concrétise la liaison
Rhône-Mer. Durant le Second Empire, Marseille reste le grand port
méditerranéen. L'aménagement de voies ferrées
(Avignon-Marseille en 1849, Marseille-Toulon en 1859) constitue un
élément de liaison efficace avec l'intérieur. Avec le
développement de la navigation mécanique, le nombre et la
régularité des bateaux augmentent, ainsi que le volume de leur
cargaison. Commodités d'accostages et rapidité des
opérations doivent être en place pour répondre aux besoins
du commerce.
Après de nombreux projets tant au Nord qu'au fond du
Lacydon, un port auxiliaire est creusé à la Joliette. Le port de
Marseille trouve là son véritable levier d'extension. Les
études prospectives se basant sur les futurs besoins étendent le
port dans des proportions gigantesques pour l'époque. Sous le
régime de Napoléon III, deux môles contigus, Lazaret et
Arenc, vont être aménagés. D'autres travaux d'extension se
poursuivent jusqu'à la fin du siècle. La révolution
engagée avec le développement des échanges induit de
véritables mutations des infrastructures. Les quais et les espaces de
réception des marchandises s'étendent pour répondre
à l'augmentation des tonnages et au progrès de la manutention. Le
dépôt des cargaisons, à proximité des navires
accostés, devient une nécessité.
42
L'État concède la création et
l'exploitation de vastes docks à une compagnie privée ; ceux-ci
ouvrent en 1863 et vont prendre une part très importante dans la vie du
port. Vaste lieu de stockage, les docks vont permettent de répondre
à l'agrandissement des bassins, qui couvrent à l'époque
une surface de 72 hectares. Ils sont aussi conçus pour améliorer
la fluidité des marchandises et réduire le temps de rupture de
charge. Ils permettent de rationaliser l'espace portuaire, mais ils
rationalisent aussi l'espace urbain car ils se détachent du reste de la
ville au niveau architectural : la création des Docks et entrepôts
apparait comme un moment important de la dissociation entre ville et port.
Figure 7 : Évolution de la façade maritime
marseillaise
1. Marseille, vue prise au dessus des Catalans, par Alfred
Guesdon en 1848.
2. Vue perspective du port de Marseille, par
Frédéric Hugo d'Alésé en 1888.
Source : Marseille Euroméditerranée,
accélérateur de métropole.
La dynamique industrielle et l'ouverture de nouveaux
marchés par les possessions d'outre-mer et les colonies viennent
compléter le développement du port. L'ouverture du canal de Suez
en 1869, facilite les échanges commerciaux et maritimes ; l'image d'une
« porte de l'Orient » est alors attribuée à Marseille,
qui est en 1872 le quatrième port mondial. Le mouvement maritime
colonial représente, en 1896, plus du quart de la navigation totale. Le
port de Marseille, même s'il emploie de nombreux habitants des quartiers
voisins est moderne, il dispose de grues et d'ascenseurs à pression
d'eau et à vapeur, ainsi que d'une grue flottante de 20 tonnes. La
montée en puissance du chemin de fer est aussi un fait notable qui va
fortement marquer le port : le rail va même jusqu'à imposer sa
géométrie, comme en témoignent les môles et
traverses obliques du bassin du Président Wilson, qu'adopteront beaucoup
de ports. L'industrie de la réparation navale connaît un essor
fulgurant et les ateliers se multiplient pour donner une nouvelle fonction au
port.
Le port de Marseille s'afÞrme donc comme l'un des plus
rapides d'Europe. Cependant l'essor des ports des villes nord
européennes va rapidement venir réduire l'influence et
l'importance de Marseille. La nécessité et l'urgence
d'étendre les bassins se font à
43
nouveau sentir pour que Marseille reste dans la
compétition mondiale que les ports se livrent. La compression physique
de la ville sur le port contraint celui-ci de se renouveler sur lui même
pour se développer, contrairement à d'autres ports du Nord de
l'Europe ou des États-Unis. Cependant ceci caractérise de
nombreux ports Méditerranéens.
Au cours des premières décennies du
XXème siècle, les bassins occupent le littoral
marseillais jusqu'à la chaîne de l'Estaque. Ceux de la
Pinède et de la Madrague sont construits, ainsi qu'un dépôt
pétrolier marquant les débuts d'une nouvelle histoire
industrielle. A partir de 1911, les études sur l'extension portuaire
atteignent les limites géographiques de la commune. Une nouvelle
génération de projets voit le jour : le pôle
industrialo-portuaire extérieur au territoire de Marseille.
Figure 8 : Aménagement du littoral Nord de Marseille
au XX° siècle
Source : Donzel, 1998
La première guerre mondiale va troubler le
développement du port, mais à la sortie du conflit international
les pouvoirs publics vont appuyer une politique de développement de
l'industrie pétrochimique. L'étang de Berre offre alors les
conditions idéales pour stocker et raffiner l'or noir et dès 1930
des raffineries vont s'installer à Berre. Différentes annexes
seront créées et rattachées au port de Marseille dans les
années qui vont suivre.
La deuxième guerre mondiale va aussi fortement marquer
l'histoire du port et de la ville : jusqu'en 1942 Marseille est une ville
où l'on embarque pour la liberté. Cependant le régime de
Vichy va tout de même orchestrer la destruction d'une partie des
quartiers jouxtant le vieux-port afin de nettoyer le sol urbain. En 1944 les
Allemands détruisent quais, môles, grues, hangars et navires pour
gêner l'arrivée des Alliés. La libération sera donc
suivie d'une période de reconstruction du port. Un travail d'adaptation
va accompagner cette reconstruction ; ceci permet à Marseille de rester
une grande place maritime.
Mais les années 1960 et la fin de l'empire colonial
français va porter un coup fatal au port de Marseille et à
l'ensemble de la ville. Les échanges commerciaux avec les anciennes
colonies sont alors fortement limités ce qui à pour effet de
réduire l'importance du port ; les industries qui utilisaient les
matières premières venant d'Afrique, Orient ou
Extrême-Orient vont aussi être touchées et disparaissent peu
à peu. Une reconversion industrielle tournée vers le
pétrole et la métallurgie est envisagée par les pouvoirs
publics ; celle-ci doit être localisée dans le golfe de Fos.
B. Un espace arrière portuaire en crise
La délocalisation d'une partie des activités du
port dans le golfe de Fos va s'opérer à travers la
création d'une Zone Industrialo-Portuaire (ZIP) autour de l'étang
de Berre en 1966. La nécessité de développer le port aux
alentours de Fos répond à un besoin d'espace pour les
activités industrielles, les lieux de stockage, mais aussi pour
permettre un agrandissement de la taille des bassins dans le but d'accueillir
des bateaux plus grands afin de répondre aux défis de la
navigation moderne.
De plus la nécessité de lier le port à
son prolongement naturel le Rhône, a encouragé le
développement du port à l'Ouest. L'accès à un vaste
hinterland étant la condition nécessaire de tout port moderne, le
Port Autonome de Marseille (PAM), créé en 1965, trouve ainsi une
justification pour rester dans la compétition mondiale que se livrent
les grandes places maritimes.
« Face à ses besoins, l'aire
métropolitaine marseillaise offre la Crau, plaine peu cultivée,
sur laquelle s'implante le complexe industrialo-portuaire de Fos (É) la
perspective de liaisons aisées avec l'intérieur du pays, par le
Rhône, par le fret et par la route permet d'envisager la création
d'usines en grappe relativement indépendantes des industries de bases,
facilitant la revitalisation d'une région plus étendue
s'étendant jusqu'à Nîmes, Montélimar et la moyenne
Durance » 22.
Pensée pour spécialiser Marseille comme un
centre industriel et décisionnel d'échelle régionale, la
création de la ZIP devait accompagner l'avènement de l'aire
métropolitaine. Cependant Marseille dés-industrialisée au
profit de sa périphérie va porter les stigmates du projet
métropolitain et ne parvient pas à rassembler les capitaux et les
autres villes. L'échec de la mise en place d'une communauté
urbaine participe à ce phénomène. Une diffusion
incontrôlée de l'urbanisation va se produire, celle-ci concerne
aussi bien les industries que l'habitat. L'évolution de la population
nous montre que la croissance de la population de l'aire urbaine Aix-Marseille,
va principalement se faire dans les communes périphériques : nous
pouvons remarquer une diminution de la population marseillaise au profit
d'autres communes de l'aire urbaine à partir de 1975. Cette augmentation
de la population dans les communes périphériques de l'aire
urbaine se traduit par un étalement urbain incontrôlé.
22 Livre Blanc de l'OREAM, Perspective d'aménagement
de l'aire métropolitaine marseillaise, p.19.
44
45
Figure 9 : Croissance de la population de l'aire urbaine
d'Aix-Marseille entre 1968 et 2010
Source : Rapport de l'OCDE
Bien que des activités portuaires aient
été conservées dans les bassins Est du port de Marseille
(voir graphique complémentaire n°4 placé annexe), la crise
que connait la ville est principalement dûe à son industrie
traditionnelle essentiellement commerciale. Le caractère archaïque
de la relation entre port et industries aura conditionné la perte des
entreprises locales.
De plus la création du PAM et de la ZIP va accentuer la
dissociation entre le port et la ville, d'un coté par la
délocalisation d'une partie des activités portuaires à
Fos, mais aussi par la législation européenne et internationale
et par les conditions qu'impose le PAM. Les petites industries locales qui
étaient très présentes ne peuvent par ailleurs plus lutter
contre les grandes firmes multinationales, et disparaissent peu à
peu.
La délocalisation d'une partie du port entraine donc
une grave crise industrielle, se traduisant par une perte massive d'emplois
dans ce secteur : entre 1975 et 1982 Marseille perd 35 000 habitants et 20 000
emplois.
Cette perte d'habitants est marquée par la sortie des
habitants les plus riches. La crise industrielle devient alors sociale et
touche toute la ville car celle-ci s'accompagne d'une augmentation du
chômage et d'une précarisation de la population. Ce qui est
accentué par le retour, mal géré, de nombreux Pieds Noirs
s'installant dans la ville : 15 à 20% des rapatriés de l'empire
colonial français sont à Marseille. Cette arrivée massive
de la population va être endiguée et traitée par la
construction de logements de grands ensembles. Rencontrant de nombreux
problèmes par la suite, ces logements et les quartiers dans lesquels ils
sont construits vont venir alimenter la crise que connait
46
Marseille. Un « apartheid » Nord-Sud va peu à
peu s'installer dans la ville (voir graphique complémentaire n°5
placé en annexe)
Conscient de la crise sociale et urbaine qui guette Marseille
et du désengagement des politiques locales, l'État va
décider d'intervenir sur le territoire marseillais, et ceci va se
concrétiser à travers un projet de redynamisation
économique prenant place sur l'interface située entre la ville et
le port.
C. Volonté d'État et de la ville de
redynamisation de l'espace arrière-portuaire : naissance d'un projet
L'idée d'un renouveau à Marseille est apparu
dans les années 1970 où la ville consciente de son retard
économique a souhaité engager un vaste projet de centre
directionnel dans le centre ville de Marseille. Inspiré de la
Défense et des Central Business District (CBD) qui se
multiplient en Europe et aux Etats-Unis, le projet ne verra au final aboutir
que la construction du Centre-Bourse. Cependant la dynamique est
lancée.
Dans les années 1980 si de nombreux projets n'ont pas
été réalisés, un certains nombre d'architectes se
penchent sur Marseille et plus particulièrement sur le quartier de la
Joliette pour réouvrir la ville sur la mer. C'est notamment le cas de
André Stern et de Guy Daher qui proposent de revitaliser le front de mer
par l'implantation d'activités urbaines.
« Si aucun des projets n'a été
réalisé, ils ont permis la naissance d'un autre regard sur
l'interface ville-port en levant le tabou d'un territoire portuaire
sanctuarisé » 23.
En 1987, les premières études sur une
intervention capable de redynamiser l'agglomération sont émises
par la CCIMP 24 . Cette dernière va alors proposer la
création d'un quartier d'affaires dans le secteur de la Joliette, un
secteur très prisé par les architectes qui multiplient les
exercices de style en faveur de l'aménagement d'un front de mer. Dans le
même temps l'État, par l'intermédiaire de la DATAR, va
prendre conscience des potentialités de la ville notamment dans le cadre
d'échanges et de liens avec le reste de la
Méditerranée.
Les gouvernements successifs sont séduits par une
opération de redynamisation économique et vont pousser celle-ci.
L'acquisition des Docks par la Sari en 1990, et sa reconversion en un
bâtiment tertiaire va dans ce sens. A l'instar de Londres ou Liverpool,
l'ancien bâtiment de stockage est sublimé et sa rénovation
encourage les prises de décisions en faveur d'une action tertiaire de
grande envergure sur ce site.
Cependant au début des années 1990, bien que les
réflexions, études et projets soient posés, aucun ne voit
le jour : le problème principal est l'absence de chef d'orchestre. De
plus, le maire de l'époque Robert Vigouroux ne semble pas prendre assez
rapidement les initiatives qui s'imposent. Par ailleurs les mésententes
politiques et les finances catastrophiques de la ville limitent tout projet.
Conscient du problème, décideurs locaux et
23 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.60.
24 CCI, Marseille Provence International, une nouvelle
ambition pour l'économie de Marseille de la Provence dans la perspective
de 1992.
Source : Le moniteur
47
nationaux conviennent du fait que Marseille a besoin d'une
« thérapie de choc », permettant de mobiliser les
énergies pour enclencher une dynamique sur l'ensemble de la ville.
C'est en 1992 que le devenir de la Joliette
s'accélère et que les perspectives d'un projet sur ce quartier
changent d'échelle. L'arrivée du TGV à Marseille doit
être accompagnée de la recomposition du quartier en lien avec le
secteur à vocation tertiaire de la Joliette. L'État, par
l'intermédiaire du directeur de la DAU, et la ville vont alors
réfléchir ensemble sur le devenir du quartier.
Au cours de la même année un projet de dimension
« métropolitaine » va peu à peu s'imposer pour tous les
acteurs publics ; celui-ci doit permettre de redynamiser l'économie de
la ville et de l'ensemble de l'aire urbaine, mais doit aussi s'attacher
à répondre aux problèmes sociaux et urbains que connait le
secteur St-Charles / Joliette. Les différentes collectivités, la
Communauté Urbaine, la CCI et la SNCF scelleront un accord dans un
protocole visant à faire appel à l'État.
La mission interministérielle d'aménagement du
territoire confiera donc à Alain Masson la charge d'une étude de
faisabilité d'une opération urbanistique. Cette mission
définira le périmètre, le statut et les objectifs
d'Euroméditerranée. Les résultats sont mitigés et
ne sont pas accueillis favorablement par tous ; pourtant le projet d'une grande
opération économique et urbaine se précise. Les apports de
la mission de préfiguration d'un établissement public
d'aménagement, pilotée par J-P Weiss, aboutiront aux bases sur
lesquelles l'État et les acteurs locaux s'entendront pour créer
en 1994 l'Établissement Public d'Aménagement
d'Euro-Méditerranée (l'EPAEM) en charge de l'opération
Euroméditerranée.
Figure 10 : Périmètre
d'Euroméditerranée
Décrétés Opération
d'Intérêt National en 1995, 310 hectares sont ainsi sortis du
périmètre communal au niveau juridique ; le projet
Euroméditerranée est né à la conjoncture des
volontés locales et nationales. Cependant comme le reconnait Guy Faure,
vice-président de l'EPAEM en 2000 : «
Euroméditerranée était avant tout un grand projet
politique plus qu'un programme de développement urbain » 25
.
Avantageux pour tous les acteurs publics, la création
de l'EPAEM résulte, de ce que Alain Masson qualifiait « d'union
sacrée » : il permet une adhésion des collectivités
et une forte implication de l'État. A travers la réunion des
acteurs publics, Euroméditerranée peut être qualifié
de métropolitain dans la mesure où il réunit les
différents acteurs publics autour d'une volonté d'agir pour un
projet. Cependant le projet ne propose pas de contenu lors de son lancement en
1995. La mise en place des compétences de l'EPAEM et le partage de
celles-ci avec les collectivités a fortement ralenti l'opération
; pourtant ce sont elles les vraies garantes de l'opération. Nous
traiterons plus en détail de ce point en dernière partie. Cela
explique les débuts difficiles de l'opération
Euroméditerranée et qu'en 1997, peu d'actions aient
été entreprises par l'EPAEM.
Pour résumer et ne retenir que les
éléments les plus importants nous pouvons dire
qu'Euroméditerranée prend place dans un secteur urbain
stratégique, mais aussi dans une ville en crise. Fortement
marquée par la délocalisation du port à Fos et par la
décolonisation, Marseille est depuis les années 1970 dans une
situation critique tant au niveau social, urbain et économique.
Pensée pour répondre à l'urgence, l'opération doit
permettre de régénérer la ville sur elle-même, afin
que celle-ci sorte de la spirale descendante dans laquelle elle se trouve.
Nous allons désormais nous intéresser au projet
plus en détail et voir quelles sont ses répercussions sur le
territoire arrièro-portuaire, sur la ville de Marseille et sur
l'ensemble de l'aire métropolitaine.
25 J. Dubois, M. Olive, Euroméditerranée,
négociation à tous les étages, p.4.
48
B. Un nouveau morceau de ville pour la métropole
?
Au croisement des volontés de l'État et de la
ville, Euroméditerranée est pensée comme un projet
économique d'envergure métropolitaine. L'ouvrage du POPSU,
écrit par Brigitte Bertoncello et Jérôme Dubois
titré « Marseille Euroméditerranée,
accélérateur de Métropole » nous renseigne sur
l'échelle que souhaite toucher le projet.
Cependant il convient de se pencher sur les objectifs de
l'opération, afin de voir dans quelle mesure ce projet est ou non
métropolitain. Nous étudierons aussi les moyens mis en oeuvre et
les logiques dans lesquelles s'inscrit l'opération.
Nous verrons ensuite les différentes opérations
d'Euroméditerranée, et les objectifs et problèmes qu'elles
doivent résoudre. En dernier lieu nous verrons comment le projet urbain
traite l'espace public et comment Euroméditerranée
réaménage l'interface ville-port.
A. Teneur du projet et objectifs initiaux
Compte-tenu des difficultés de la ville dans les
années 1980 / 1990, le rapport Masson préconisait une
thérapie de choc sur Marseille. Pour l'EPAEM et son actuel directeur du
projet de territoire, la base du projet a été de «
répondre à l'urgence » ; dans le milieu des
années 1990 l'urgence à Marseille était
économique.
Résultant de la situation socio-économique
critique de la ville, la programmation initiale
d'Euroméditerranée va faire la part belle aux activités
tertiaires car sur les 1 200 000 m2 de SHON prévus la
moitié est destinée à l'immobilier d'entreprises.
Reprenant l'idée des années 1970, de diriger la métropole
depuis les tours, Euroméditerranée est sensé
répondre au déficit de la ville en terme de mètres
carrés de bureaux : le but est de rattraper le retard de la ville par
rapport à d'autres grandes villes comme Lyon ou Lille.
Dès le début de l'opération la
volonté est, à travers une offre de bureaux haut de gamme, de
réimplanter des fonctions tertiaires et des emplois dits
métropolitains à Marseille. Se basant sur le fait qu'un emploi
« de col blanc générerait 1,5 emplois de services »
26, Euroméditerranée va se fixer comme objectif la
réduction du taux de chômage à Marseille et principalement
dans le quartier de la Joliette et dans le centre-ville. Avec comme objectif la
création de 20 000 emplois sur quinze ans,
Euroméditerranée est une opération qui ne cache pas ses
ambitions économiques.
Le regroupement de ses emplois métropolitains et des
fonctions décisionnelles sur le périmètre
d'Euroméditerranée est par ailleurs souhaité pour mettre
en cohérence les zones d'activités de l'aire
métropolitaine. La concentration de l'offre de bureaux haut de gamme est
pensée pour créer au sein de Marseille un quartier d'affaires
générant une nouvelle centralité pour l'aire urbaine.
Euroméditerranée trouve alors dans le regroupement des fonctions
décisionnelles un objectif majeur pouvant entre autre permettre de
fédérer le territoire métropolitain, ou du moins le
diriger.
Si par ailleurs des 40 000 nouveaux logements et 200 000
m2 de commerces sont prévus dans le périmètre,
l'opération apparait davantage comme un moteur de développement
économique, ayant pour but de faire rattraper à Marseille son
retard dans ce domaine par
26 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.94.
49
50
rapport aux autres villes françaises. La volonté
d'inscrire et de relancer la ville dans la compétition internationale
que se livrent les villes méditerranéennes a aussi motivé
la création d'un nouveau quartier sur le secteur de la Joliette.
Au final « Euromed est une opération de
reconquête qui permet la requaliÞcation et l'implantation de
nouvelles fonctions à dominante urbaine, mais qui induit aussi une
délocalisation des classes les plus pauvres dans des secteurs plus
éloignés 27» ; la justification sociale de
l'opération est bien moins évidente à trouver. Bien que
respectant la loi et un nombre minimal de logements sociaux,
Euroméditerranée n'est pas ce que l'on pourrait qualifier une
opération de référence en matière de mixité
sociale. Bien qu'économique, l'opération n'est pas
destinée à tous car « dans les premières
années de l'opération sur les 20 000 emplois crée par
Euromed, seuls 1/3 des marseillais y ont accès »28
.
Le travail sur la contextualisation du projet, comme le confie
A.Sorrentino, n'a pas été évident au début de
l'opération. Critiqué sur ce point et sur l'absence de
mixité sociale et urbaine, Euroméditerranée est depuis ses
débuts tiraillé entre des objectifs économiques et un
minimum social à assurer. Il a fallu intégrer plus de
dispositions sociales tout en montrant que Marseille a aujourd'hui besoin d'un
quartier d'affaires.
« La mixité n'est aujourd'hui pas
assurée car l'EPAEM cherche surtout à faire rentrer l'argent. La
mixité des fonctions est aussi compliquée, par exemple la ville a
du batailler pour l'implantation d'un théâtre dans l'OIN. »
29
L'un des autres grands objectifs du projet concernait aussi le
réaménagement de l'espace public, et la mise en place d'une
interface pertinente entre la ville et le port. En effet la dissociation du
port et de la ville, et la crise industrielle qu'a connue l'espace
arrièro-portuaire ont entrainé la construction d'une «
barrière » entre la ville et le port .
Au fil des ans une véritable frontière s'est
construite à Marseille. Celle-ci se perçoit à travers
l'édification de vastes terre-pleins, d'hangars d'embarquement, de silos
et d'entrepôts, de friches industrielles mais aussi avec le viaduc
autoroutier et les lignes ferroviaires. S'étirant sur une longueur 400
mètres, tous ces éléments ont participé et
accentué l'éloignement entre la ville et la mer. Dès le
début de l'opération, Euroméditerranée s'est aussi
fixé comme objectif de réaménager les espaces publics,
donc Euroméditerranée s'est engagé dans
l'amélioration du cadre de vie des habitants. Ceci s'inscrit dans une
stratégie de reconquête du front de mer au Nord. Après
avoir aménagé les plages du Prado et la Corniche, Marseille a
besoin de développer et d'aménager son front de mer vers le Nord,
bien que ceci soit limité par les emprises portuaires.
27 entretien avec S.Bassile, le 28 novembre 2014.
28 entretien avec A.Sorrentino, le 27 novembre 2014.
29 entretien avec S.Basille, le 28 novembre 2014.
51
Figure 11 : Les différentes façades littorales
:
Source : Rapport MAGE
Enfin le dernier grand objectif
d'Euroméditerranée est de mettre la culture au coeur du projet.
Ceci répond et fait écho aux études du CIAT en faveur de
l'implantation d'équipements culturels dans les projets urbains. La
culture est alors perçue comme une garantie et / ou une condition
nécessaire au bon fonctionnement du projet urbain. En plein rayonnement
et présentant des caractéristiques similaires, Bilbao est
très vite prise en exemple sur ce point. La renaissance de cette ville
industrielle inspire, tout comme la programmation du projet urbain mis en
oeuvre. De plus la volonté de délocaliser le musée
national des Arts Traditionnel Populaire va coïncider avec
l'émergence du projet ; il sera donc décidé d'implanter un
musée national dans le périmètre
d'Euroméditerranée.
Ces grands objectifs que nous venons d'analyser sont de deux
ordres. Selon A.Sorrentino, Euroméditerranée est un projet qui
poursuit des objectifs d'ordre micro : ils concernent les relations ville-port,
l'urbanisme et l'aménagement de l'espace ; et d'autre part des objectifs
d'ordre macro qui s'intéressent à une grande échelle : le
territoire métropolitain et la méditerranéenne dans un
contexte de concurrence internationale des villes.
Si les attentes sont grandes, il faut aussi savoir que «
Euromed est l'opération de la dernière chance pour Marseille
» 30, car « en 1990 la situation de Marseille est
grave, ce qui lui arrive est triste, la ville a raté plusieurs virages,
elle se meurt. ». Les objectifs de l'opération sont certes non
complets au regard des problématiques sociales de la ville, mais ceux-ci
doivent permettre de redynamiser Marseille pour que la ville ne sombre pas dans
le chaos.
Ayant désormais analysé les grands objectifs
premiers d'Euroméditerranée, et ayant pu observer son envergure
métropolitaine, nous allons voir comment ces objectifs se mettent en
oeuvre à travers différentes opérations
30 entretien avec A.Sorrentino, le 27 novembre 2014.
52
B. Un projet urbain segmenté en
opérations
Comme nous l'avons dit précédemment le projet
Euroméditerranée, qui est une opération
d'intérêt national, concerne un périmètre qui est
sorti des emprises de la commune de Marseille.
Par ailleurs le projet est composé de plusieurs
opérations répondant à des objectifs divers. Ces
différentes opérations se perçoivent par la
création de ZAC et par la mise en place d'OPAH. Permettant à
l'EPAEM de réaliser ou de faire réaliser de nombreux
équipements et de maitriser la forme urbaine, tout en centralisant les
financements, la segmentation du projet en diverses opérations nous
montre aussi que celles-ci répondent à des vocations
différentes. Nous allons nous pencher sur cinq opérations phares
d'Euroméditerranée : la ZAC de la Joliette, la ZAC St-Charles, la
ZAC de la Cité de la Méditerranée, le pôle de la
Belle-de-Mai et la rue de la République ; et sur l'extension
d'Euroméditerranée. Nous percevrons mieux les détails et
objectifs principaux de chaque opérations.
Figure 12 : Carte des différentes ZAC et
opérations d'Euroméditerranée
Source : EPAEM
- La ZAC de la Joliette :
Située en façade maritime, la ZAC de la Joliette
possède de nombreux atouts : un positionnement stratégique entre
port maritime et centre ville, une accessibilité remarquable et une
bonne desserte par le réseau de transports en commun. De plus c'est ici
qu'est situé le bâtiments des Docks, l'élément
déclencheur de l'opération Euroméditerranée.
53
Figure 13 : Le bâtiment des Docks de Marseille
Source : Denis Chauvet
Avec une programmation largement composée d'immeubles
tertiaires, la ZAC Joliette couvre une superficie de 22 hectares, et sur les
300 000 m2 constructibles plus de la moitié, 180 000
m2 sont destinés aux bureaux, et plus particulièrement
aux bureaux de classe A. Sensé « accueillir le quartier
d'affaires du Sud de l'Europe au coeur de la Méditerranée »
31, le quartier de la Joliette, bien que diversifié
répond aux objectifs d'implantation d'un centre décisionnel et
directionnel à Marseille.
Devant rassembler une partie des immeubles de bureaux, la ZAC
a accueilli ces dernières années de nombreuses entreprises, 800
au total, dont de nombreux sièges régionaux ou des agences
nouvellement créées. Les nouveaux immeubles ont accentué
ce caractère de bureaux et entrainent les entreprises à venir
s'installer.
La ZAC Joliette est d'envergure métropolitaine car elle
permet à Marseille de diriger un large territoire allant de Toulon
à Nîmes et de rivaliser avec d'autres grandes villes, au niveau
national ou méditerranéen. Ceci est rendu possible grâce
à la centralisation des organes décisionnels et par
l'implantation de sièges sociaux de la ville et de la métropole
qui permet de créer un CBD.
- La ZAC St-Charles :
L'objectif principal de cette ZAC fut de réhabiliter
cette partie de la ville, terminus de la nouvelle ligne TGV Paris-Marseille,
tout en améliorant l'accessibilité du quartier.
Au coeur de la ville, dotée d'une nouvelle gare TGV et
en connexion directe avec les grands systèmes de circulation (autoroute,
TER, métro bus), le quartier s'est vite imposé comme étant
le centre névralgique des transports de la ville et de l'aire urbaine.
S'étirant sur 16 ha, la ZAC St-Charles, englobe la nouvelle gare TGV et
des grands équipements tels que l'Hôtel de Région et la
faculté des Sciences de l'Université de Provence, lui
conférant une certaine importance au niveau de la ville et de l'aire
urbaine.
31 Plaquette de publicité de l'EPAEM.
54
Bien que dotée d'une programmation de 120 000 m2
constructible de SHON, la vocation principale de la ZAC fut de faciliter la
fluidité et l'intermodalité du quartier et de facto de faciliter
les connexions au coeur de la métropole. Ceci se perçoit à
travers la réhabilitation des abords de la gare, qui devient un
pôle d'échange multimodal entre le ferroviaire, la gare
routière, les bus urbains, le métro et les voitures. Le percement
d'un tunnel sous la gare et la réalisation d'un parvis place Victor Hugo
relié à l'Université de Provence ont permis de pacifier un
peu le quartier et s'inscrivent pleinement dans la volonté de rendre
accessible et plus fluide la ZAC St-Charles.
Le recul de l'autoroute A7, au niveau de la porte d'Aix est
aussi un projet phare de cette ZAC. Se traduisant par la libération sur
cette zone de toute circulation routière, ce quartier a pu
renaître avec une résidence étudiante déjà
existante, bientôt suivie de logements, commerces, espaces verts et
équipements publics. Une réelle volonté de pacifier
l'espace public a été mise en oeuvre, ce qui se perçoit de
plus en plus.
La réhabilitation des espaces publics et
l'amélioration de l'accessibilité du quartier a donc
été la vocation principale de cette ZAC. Cependant le quartier de
la ZAC St-Charles est aussi métropolitain car les actions et les projets
ont eu des impacts sur l'aire urbaine en impactant directement le centre
névralgique des mobilités.
- La ZAC de la cité de la Méditerranée
:
Ayant pour ambition d'implanter sur le front de mer de grands
équipements culturels et commerciaux, la cité de la
Méditerranée représente une surface de 60 ha.
Réinventant l'interface et les liens entre la ville et
le port, la ZAC couvre deux secteurs distincts : l'un au Sud du secteur de la
Joliette rassemblant principalement des grands équipements culturels et
commerciaux ; l'autre au Nord plus mixte et permettant le développement
d'un véritable quartier urbain.
Regroupant plusieurs éléments du renouveau
Marseillais, la ZAC de la « Cimed », est pensée dans le but
d'accroitre le rayonnement de la ville et de doter le quartier
d'équipements métropolitains : musées, centre de
congrès, centre commerciaux de dernière génération,
tours de grande hauteur. Cependant la dimension paysagère a
été prise en compte tout comme le cadre de vie des futurs
habitants et usagers du lieu. Ainsi un travail d'ensemble a été
réalisé sur l'ensemble du front de mer.
55
Figure 14 : Plan de la ZAC de la Cité de la
Méditerranée
Source : EPAEM
Véritable vitrine sur le front de mer, ce quartier est
pour les nombreux croisiéristes la première image qu'il verront
de la ville et de la métropole. Ce quartier est donc un espace
stratégique au regard des relations entre la ville et le port, mais il
est aussi doté d'une dimension métropolitaine au vue des
fonctions qu'il regroupe. Nous traiterons plus en détail la Cité
de la Méditerranée dans les parties qui suivront.
- Le pôle de la Belle de Mai :
Cette quatrième opération ne constitue pas une
ZAC à proprement parler, mais résulte d'une volonté de
l'EPAEM de valorisation de l'existant et d'intégration d'un
élément phare de l'offre culturelle marseillaise. Centré
autour d'anciennes manufactures de tabac, appelé aussi « la friche
», ce pôle est principalement culturel.
Déjà transformée en lieu culturel des
arts du spectacle en 1992 32, la friche a été
confortée dans sa mission notamment avec l'implantation, par l'EPAEM,
d'autres activités culturelles dans le but de donner une
visibilité régionale et nationale à Marseille dans ce
domaine.
Composé de trois ensembles bien distincts (un
patrimonial, un média, un spectacle vivant), le pôle de la Belle
de Mai ne s'est au début que très peu intéressé au
quartier dans lequel celui-ci s'implantait, pourtant sujet à de grandes
difÞcultés sociales et économiques. Ce n'est que
tardivement que des ateliers socio-culturels à destination des habitants
ont été montés. La vocation de la friche était
d'être un lieu culturel emblématique des arts du spectacle, il a
donc fallu viser un territoire plus large que le simple quartier.
Là encore, la vocation de cet ensemble est d'ordre
métropolitain, car les objectifs sont de doter le quartier d'un
rayonnement sur une grande échelle, et non d'améliorer les
conditions de vies de habitants des quartiers voisins.
32 B. Grésillon, La reconversion d'un espace
productif au coeur d'une métropole : l'exemple de la Friche de la Belle
de Mai à Marseille.
- La rue de la République :
Montée en parallèle de la politique de
requaliÞcation du centre-ville, l'OPAH de la rue de la République
est une opération qui s'intéresse principalement à
l'amélioration des logements existants. Pilotée par la SEM de la
ville, l'OPAH de la rue de la République a donc pour objectif de
réhabiliter les logements et les immeubles, mais cet axe poursuit aussi
d'autres objectifs.
Lien direct entre la place de la Joliette et le Vieux-Port,
cette rue permet de relier le centre historique au nouveau quartier.
Traversée par le tramway cette rue est un lien majeur entre le nouveau
et l'ancien Marseille ; elle témoigne aussi d'un renouveau et d'une
volonté de lier le vieux et le nouveau port.
L'opération a par ailleurs été au centre
des contestations et les moyens utilisés pour « inciter » les
gens à réhabiliter leurs logements restent douteux. Avec un
passé chargé d'histoire, cette rue est aussi un symbole de la
contestation à Marseille, mais ne relève pas d'une échelle
plus grande. Elle est symbolique des liens entre Euroméditerranée
et le reste de la ville.
- Une extension pour mailler le projet au territoire :
S'étalant sur plus de 170 hectares en direction du
Nord, l'extension d'Euroméditerranée est décidé en
mars 2007 par le conseil d'administration de l'EPAEM.
Figure 15 : Euroméditerranée 2
Source : Agence Rio
56
57
Justifiée par la crainte de voir le
développement du quartier freiné par le manque d'offre en
immobilier de bureaux, l'extension doit poursuivre la construction de bureaux,
pour arriver au seuil critique de 1 million de mètres carrés de
bureaux. Tout en apportant aussi des logements, l'extension doit permettre
à Euroméditerranée de confirmer le rayonnement
économique de la cité phocéenne ; mais celle-ci
s'intéresse aussi plus aux habitants et aux liens du quartier avec les
territoires voisins.
Encourageant les liaisons, et suivant une volonté de
recoudre la ville, l'un des objectifs de l'extension est de relier le nouveau
quartier du front de mer et d'anciens quartiers parmi les plus pauvres et
tristement célèbres : les quartiers Nord. Cette volonté de
créer du lien se perçoit à travers la création d'un
parc urbain, mais aussi par la volonté de traiter les grandes
infrastructures de transport et les zones de friches industrielles.
Le lien avec les quartiers Nord est aussi pensé en
terme de mixité fonctionnelle. Avec une volonté de mixer les
fonctions, l'extension concentrera moins de mètres carrées de
bureaux, l'ambiance de quartier d'affaires sera donc moins importante. Une
volonté de créer un lien entre deux ensembles totalement
différents est louable, néanmoins il ne faudra pas que le
quartier repousse encore plus loin les classes sociales les plus pauvres.
Là encore les objectifs sont de deux ordres : locaux
avec une dimension de quartier ; et métropolitains avec la
volonté de faire évoluer et monter en gamme le territoire
concerné.
Euroméditerranée est, à travers les
différentes opérations que nous venons de présenter, un
projet qui répond à deux logiques et deux types d'objectifs. Des
objectifs d'aménagement de l'espace et d'amélioration du cadre de
vie, et des objectifs destinés à affirmer la construction d'une
ville moderne dirigeant une large aire urbaine, des objectifs destinés
donc à favoriser la construction métropolitaine.
C. Des espaces publics
réaménagés
Comme nous avons pu le voir, Euroméditerranée
est un projet urbain s'intéressant à plusieurs échelles :
d'ordre macro et d'envergure métropolitaine, le projet
s'intéresse aussi à une échelle plus micro en traitant de
l'aménagement urbain. Le projet a permis de rénover un quartier
en déshérence notamment par la réhabilitation du
bâti et par le réaménagement de l'espace public.
Dans une volonté d'amélioration du cadre de vie
des habitants, une large place du projet a été laissée
à l'aménagement urbain, aux espaces publics et aux espaces verts
car 30 hectares leurs sont dédié dans l'opération
33 . Plusieurs exemples d'aménagement peuvent être
cités pour montrer le travail effectué, néanmoins
l'exemple le plus parlant est sans doute le Boulevard du Littoral.
Aménagé à la place de l'ancienne
passerelle autoroutière, maintenant enfouie, le Boulevard de Littoral
est une vaste promenade de 2,7 km, reliant l'esplanade du J4 (nouvel espace
public majeur), au quai d'Arenc (espace tertiaire en devenir du projet).
Ponctué de places, placettes et d'espaces verts, ce boulevard a permis
de réinventer l'interface ville-port, notamment par les nombreuses
ouvertures et vues sur la mer, mais aussi par les nouveaux usages que celui-ci
implique. Cet aménagement a donc permis un
33 Site officiel de l'EPAEM.
58
changement des pratiques. Remplaçant une autoroute qui
marquait et coupait la ville de son port, le Boulevard du Littoral amène
désormais les citadins à venir se promener sur de vastes espaces
agréables et dégagés.
Figure 16 : Le Boulevard du Littoral
Source : Atelier Lion
Mettant en valeur le patrimoine historique du quartier, le
Boulevard du Littoral change l'identité du lieu : d'un ancien espace
portuaire coupé par une autoroute urbaine, celle-ci devient un lien
« naturel » entre la ville et le nouveau quartier. Liant les nouveaux
espaces culturels et commerciaux le Boulevard du Littoral change
complètement l'identité et l'image du quartier.
Ce changement d'identité peut être porté
à l'échelle de l'opération toute entière : d'un
espace arrière-portuaire en crise industrielle, marqué par des
friches et des entrepôts, le quartier est devenu un espace
économique de modernité, répondant au standard de la ville
nord-européenne : composé d'espaces publics aérés,
de pistes cyclables et d'espaces dédiés pour les transports en
communs (BHNS), d'immeubles design de grande hauteur, É., à
l'opposée de l'image que l'on peut avoir d'une ville
méditerranéenne, et que Braudel a souvent décrite.
Les changements induits par Euroméditerranée ont
des impacts sur l'extérieur lointain, mais aussi sur l'intérieur
et l'extérieur proche : si le quartier a pu encourager ou attirer
certains nouveaux habitants et touristes, les habitants du quartier, mais aussi
et surtout les voisins du quartier, ne se sont pas reconnus dans le nouveau
quartier. L'absence de concertation et de sensibilisation a contribué
à les éloigner de l'opération. « Ne se
reconnaissant pas dans le nouveaux quartier, les habitants des quartiers
voisins se disent que le projet ne leur est pas destiné » 34
.
34 entretien avec A.Kurta, le 26 novembre 2014.
59
Anna Kurta, résume bien la situation et la vision
qu'ont les spécialistes étrangers sur
Euroméditerranée : « Bien que personne, parmi les
professionnels ou universitaires étrangers, ne remettent en cause le
projet urbain et la nécessité de celui-ci pour Marseille,
beaucoup s'interrogent sur les moyens et les idées avec lesquels il est
porté ».
Pour d'autres, Euroméditerranée n'est pas en
contradiction avec le reste de la ville : l'élue et adjointe au maire en
charge de l'urbanisme, Laure Agnès Caradec, voit dans Marseille
« un beau fouille urbain » et trouve qu' «
Euroméditerranée ne tranche pas avec le reste et s'intègre
bien à la ville ». Si Euroméditerranée apporte
certes son style, dans une ville hétéroclite, nous pouvons
regretter que le style proposé ne soit que trop peu personnalisé.
Pouvant s'adapter et être transposés dans d'autres projets de
Waterfront, les espaces publics d'Euroméditerranée sont pour
l'instant pacifiés et aseptisés. Présentant tous les
aspects de la ville moderne, Euroméditerranée doit
s'intégrer au reste de la ville et se faire accepter par ses habitants,
l'enjeux est de taille et il sera l'un des marqueurs de réussite de
l'opération.
Nous avons pu voir tout au long de cette partie les
différentes dimensions du projet Euroméditerranée et les
différentes opérations de celui-ci. Pensé pour être
un accélérateur de métropole, avec la mise en place d'un
quartier d'affaires permettant à Marseille de se spécialiser et
de diriger un vaste territoire, le projet poursuit aussi des objectifs plus
locaux et concernant l'interface ville-port. Alliant amélioration du
cadre de vie et redynamisation économique,
Euroméditerranée est un projet qui a relancé la ville de
Marseille et a des impacts sur l'ensemble du territoire
métropolitain.
En réinventant l'interface ville-port, le projet induit
une nouvelle relation entre ces deux ensembles, et questionne le rôle du
port dans un ensemble urbain. Nous allons donc nous pencher sur cette nouvelle
relation que met en place le projet en étudiant plus en détail la
ZAC de la Cité de la Méditerranée.
C. Une vitrine métropolitaine en front de mer :
la ZAC de la Cité de la Méditerranée
Comme nous l'avons vu précédemment la ZAC de la
Cité de la Méditerranée, ou Cimed pour les professionnels,
est une opération phare d'Euroméditerranée. Nous allons
voir comment celle-ci réinvente et fait renaître le front de mer,
puis nous étudierons plus en détails le nouvel espace public et
culturel d'envergure métropolitaine : le J4.
Désignant à la fois un lieu, un programme et une
méthode, l'appellation cité de la méditerranée
renvoie à un lieu « qui n'est plus simplement une interface
urbano-portuaire dans un quartier mais un espace de projection de Marseille
dans une région mythifiée et pacifiée » 35.
A. Importance des activités de loisirs
Nous avons pu le voir précédemment les relations
ville-port et l'interface entre ces deux entités sont
réinventées par de nombreux aménagements, notamment par le
boulevard de la Méditerranée. Par ailleurs un important travail a
été fait pour préserver des vues et des dégagements
sur le port et la mer ; ceci permet donc de réinventer les liens entre
la mer et ce morceau de ville.
Figure 17 : Point de vue et percées sur le front de
mer
Source : EPAEM
35 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.119.
60
Cependant les relations entre la ville et le port sont aussi
modifiées dans ce secteur par d'autres éléments :
l'implantation de fonctions urbaines sur d'anciennes emprises portuaires, mais
aussi le changement d'usage de certains bâtiments dans le domaine
portuaire sont à la base des nouvelles relations ville-port. Ceci a
été rendu possible par la convention passée entre le port
et la ville en 1999. Cette convention, la charte ville-port, a permis et
encouragé de nombreux efforts consentis par le port, notamment le
retrait de ses emprises sur une bande de 45 mètres, ce qui a
entrainé l'implantation de nouvelles fonctions urbaines. L'exemple du
nouveau centre commercial des Terrasses du port est très parlant, tout
comme celui du Silo.
Toujours situé dans le domaine portuaire mais construit
sur pilotis, le centre commercial des Terrasses du port « offrent aux
marseillais une nouvelle ouverture sur la mer au coeur d'un quartier en plein
renouvellement » 36 . Le Silo est quand à lui un ancien lieu
de stockage des céréales reconverti en salle de spectacles auquel
s'ajoutent des bureaux. Cependant lors des appels à projets et des
concours de ces deux bâtiments, plusieurs conditions ont montré
les volontés du port. En effet il a été question de «
rentabilité économique », de « non-cessions des
emprises au sous-sol du bâtiment », tout en mettant en valeur les
qualités patrimoniales du bâtiments pour le Silo 37 .
Il convient donc de s'intéresser aux types de fonctions urbaines qui ont
étés implantées sur le front de mer. Si l'on met de
coté le môle du J-4 que nous traiterons dans la suite de la
partie, il est facile de se rendre compte que la majeure partie des
activités implantées en front de mer sont des activités
concernant principalement les loisirs. Que ce soit des bâtiments
culturels ou commerciaux le front de mer est très fortement
marqué par ses fonctions, ce qui contrebalance avec les années
1970/80 où les activités industrielles étaient
omniprésentes.
La volonté de faire revenir les marseillais dans cet
espace reconquis est très forte et montre un nouvel aspect de la
maritimité. Une maritimité réinventée non pas au
profit des activités portuaires, mais plutôt pour le loisir et la
détente, mais à un certain prix. En effet ces nouvelles
activités sensées être destinées à tous, sont
fréquentées principalement par des populations ayant un certain
capital culturel et économique. La maritimité mise en avant
n'étant pas celle du plus grand nombre, la question de
l'intérêt général se pose alors. A qui est
destiné cet espace, l'est-il pour l'ensemble des habitants ou seulement
pour certaines classes sociales ? L'abondance de centres commerciaux
n'éloigne-t-elle pas les populations n'ayant que peu de ressources ?
Par ailleurs l'objectif de vendre le quartier est très
important ; Euroméditerranée en se vendant comme une vitrine
métropolitaine représente-t-il la métropole dans son
ensemble ? Ces questions doivent être posées, tout comme celle de
la création d'un nouvel espace et de nouvelles pratiques. Pour l'instant
Euroméditerranée présente une image moderne et dynamique
de la métropole ; cependant il ne représente pas la
métropole dans son ensemble. L'action publique à Marseille est
aujourd'hui destinée à une certaine population, qui ne concerne
pas l'ensemble des marseillais ; ceci va à l'encontre de la notion
d'intérêt général car elle ne profite pas au plus
grand nombre.
Intéressons nous désormais à l'image et
au rayonnement qu'induit la Cité de la Méditerranée, pour
mieux voir comment la stratégie d'attractivité de la ville se met
en place sur le front de mer.
36 Site officiel de l'EPAEM
37 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.121.
61
38 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.122.
62
B. Une nouvelle skyline composée d'objets monde
pour rayonner
Un autre aspect important de la Cimed est l'image qu'elle
renvoie. En effet la nouvelle, ou future, skyline que propose la Cité de
la Méditerranée et plus largement Euroméditerranée
est un élément fort dans la stratégie de la ville et pour
le rayonnement de la métropole. En 2005, les modifications de la forme
urbaine de Marseille sont rentrées dans une nouvelle phase avec la
conception de la tour CMA-CGM.
Forte de symboles et conçues par Zaha Hadid, cette
nouvelle et première tour tertiaire de bureaux à Marseille a
montré la voie à suivre : désormais il faut
s'élever pour diriger la métropole depuis le port et faire appel
à un grands architectes.
La tour du troisième plus gros armateur mondial rentre
donc dans le modèle de la starchitecture, selon lequel il convient de
faire appel à un grand nom de l'architecture pour que le résultat
soit garanti. Certes visible et haute, mais moins que Notre Dame de la Garde,
la tour CMA-CGM est-elle du goût de tous les Marseillais ?
Correspond-t-elle vraiment aux attentes des employés, ou ne
satisfait-t-elle que les grands dirigeants du haut de leur dernier étage
?
Au vue des nouvelles tours prévues ou en construction,
ces questions semblent avoir trouvé une réponse. Néanmoins
la tour symbolise aussi le renouveau du port, la relance de son activité
et la possibilité de faire des affaires à Marseille. Elle a
permis de faire rayonner la ville et de débloquer d'autres projets
d'envergure. Il suffit de voir la skyline attendue pour se rendre compte que
d'ici quelques années l'image de Marseille aura totalement changé
: composé de plusieurs immeubles de grande hauteur, le front de mer sera
aussi doté de grands noms de l'architecture, comme Jean Nouvel, ou Soto
de Mura. « L'appel aux architectes de renom semble fonctionner comme
une caution du bon goût et d'une médiatisation assurée des
réalisations » 38 .
Figure 18 : Image de synthèse de la future skyline de
Marseille
Source : Marseille Euroméditerranée
accélérateur de métropole
63
La skyline marquera bien sur les esprits, et sera reconnue. Le
pari de rayonnement du quartier est donc il me semble atteins car actuellement
la spirale est placée sous le signe de la réussite. Cependant
est-ce si important d'avoir des Pritzkers, comme le relève Madame
Caradec ? Ne vaut-il pas mieux s'intéresser à la cohésion
d'ensemble et à l'unité de cette future skyline ? L'avenir le
dira, mais dans une époque où les tours sont de plus en plus
remises en questions tant pour leur résultat mitigé en terme de
densité et sur le plan écologique, est-il bien utile d'en
construire et d'en prévoir encore d'autres ?
La réalisation du MuCEM, qui s'inscrit aussi dans la
nouvelle skyline de Marseille est à l'inverse du modèle de
l'architecture iconique : bien qu'ayant fait appel à un architecte de
renom Rudi Ricioti, le bâtiment est une non-expression architecturale.
Néanmoins, il a été à lui seul un
événement, le concours d'architectes a permis de mettre Marseille
sur le devant de la scène internationale. Cependant et contrairement au
Guggenheim de Bilbao, le bâtiment ne présente aucune forme
exceptionnelle mais se contente de mettre en valeur l'exceptionnalité du
site. Très innovant au niveau technique, et présentant des
méthodes novatrices au niveau de la conception du bâtiment, le
MuCEM par sa forme permet de mettre en valeur l'architecture du fort St-Jean et
marque cependant les imaginaires marseillais. Doté d'une passerelle
reliant le fort, la ville et le musée, celui-ci pourrait aussi servir
d'exemple pour d'autres conceptions selon Madame Caradec.
Marseille est en train de se doter d'une skyline digne d'une
ville moderne du XXI° siècle ; bien que cette stratégie ait
été actée de longue date, la construction de celle-ci
s'est accélérée avec l'obtention du label Capitale
Européenne de la Culture. La Cité de la
Méditerranée est l'opération qui sera le socle de cette
skyline. Penchons nous désormais sur un autre élément de
la Cimed permettant à Marseille de rayonner : le J4.
C. Le J4 un objet culturel qui manquait à la
métropole.
L'élément phare de la Cité de la
Méditerranée, et de l'ensemble du renouveau marseillais est sans
doute le môle du J4. Déclassé du domaine portuaire en
faveur de l'EPAEM lors des accords de 1999 et découlant directement d'un
arbitrage de Matignon, le môle du J4 à permis à Marseille
de se doter d'un objet culturel qui lui faisait défaut.
Très vite identifié, selon Philippe Challende
chargé de mission à MPM, comme un espace pouvant accueillir un
équipement culturel majeur à proximité du vieux-port, le
J4 est alors destiné à être un symbole de Marseille et
d'Euroméditerranée. Bien que le port soit propriétaire du
terrain, le financement des aménagements a été
assuré par l'EPAEM, la maîtrise d'ouvrage par le port et le
directeur du jury du concours d'architecture fut le directeur de l'EPAEM.
Très vite les propositions de Yves Lion ont permis de résoudre
trois problèmes : le dialogue avec le port ; le fort St Jean (transfert
des pierre plates) et la restauration du caractère maritime du fort ; et
le lien entre J4 et Major. C'est donc lui et son équipe qui sont retenus
pour assurer la conception du J4.
La question se pose alors du devenir de cet espace public.
Dans le contexte de réussite qu'a connue Bilbao, l'implantation d'un
objet musée monde s'introduit : « Mais le site même du J4
est le geste architectural, le geste architectural doit donc respecter le site
» 39 . L'idée de base qui revient est que cet espace doit
être conçu comme public et pour tous les marseillais.
39 entretien avec P.Challende, le 21 novembre 2014.
L'EPAEM, dans ce contexte, va donc reprendre une ancienne
idée de l'État : délocaliser le musée national des
rapatriés/immigrés en changeant toutefois le contenu du projet
pour en faire le Musée des Civilisations de l'Europe et de la
Méditerranée. Le MuCEM est le premier musée national
d'envergure à ouvrir hors de Paris ; il est donc novateur de fait.
Bien que non pensée au début, la concentration
d'équipements culturels sur cet espace s'est faite progressivement sous
l'influence du MuCEM. Selon Alexandre Sorrentino le MuCEM a happé et
attiré les différents équipements. Ceci montre deux choses
: d'une part une volonté de tous les acteurs et collectivités
territoriales d'investir culturellement ce lieu, mais aussi de
reconquérir un espace hautement symbolique, anciennement portuaire et
désormais urbain. L'implantation de la Villa Méditerranée,
lieu culturel et d'échanges méditerranéens de la
région PACA, et du musée Regards de Provence montre bien la
volonté des différents acteurs publics d'être
présents sur cet espace.
De plus pour la plupart des acteurs rencontrés la
concentration des équipements culturels majeurs ne semble pas poser de
problème, mais est plutôt perçue comme une chance pour la
ville. Ceci permettant au contraire d'attirer plus facilement des touristes,
tout en rayonnant sur l'ensemble de la ville. De plus la concentration des
équipements dans un périmètre restreint rend sa
sécurisation plus facile, ce qui à Marseille n'est pas une
question négligeable. Comme dans beaucoup de villes, touristiques ou
non, l'enjeu sécuritaire est désormais non pas une
priorité mais un élément important à
intégrer et à prendre en compte.
Néanmoins bien que la culture soit présente sous
sa forme la plus honorable, elle l'est aussi sous sa forme la plus marchande ;
et bien des questions commencent à se poser quant à la
viabilité de certains bâtiments culturels, notamment la Villa
Méditerranée. La concentration des équipements en est
peut-être à l'origine, à moins que cela soit dû au
concept et à la fonction du bâtiment.
Le J4 peut cependant se féliciter d'être un
espace public pour tous les marseillais. Bien que pris d'assaut par les
touristes, le J4 reste cependant fréquenté, selon Anna Kurta, par
les habitants du Panier généralement issus de classes modestes.
Toutefois la culture et le MuCEM ne sont pas le motif de leur présence,
car ceux-ci viennent profiter de l'accès à la mer qu'offre le
nouvel espace public et les enfants pour se baigner.
Figure 19 : La darse du J4 : le MuCEM et le Fort
St-Jean
Source :
architecture-urbanisme.fr
64
65
Réussite sans conteste, le J4 a permis de donner aux
marseillais un objet culturel d'envergure métropolitaine ; la tenue de
la Biennale du Cirque dans cet espace montre bien l'importance de ce site dans
la stratégie culturelle de la ville.
La vitrine urbaine de Marseille qui est déjà
bien avancée, a permis à la ville de se doter
d'équipements culturels de grande importance, mais aussi de rayonner sur
un vaste territoire. Rentrant directement dans une logique et une
stratégie d'attractivité, la Cité de la
Méditerranée cherche à vendre une image flatteuse de la
ville. En modifiant complètement le territoire sur lequel elle
s'implante, la Cité de la Méditerranée a favorisé
l'implantation de fonction urbaine dans un quartier qui n'en comprenait pas.
Néanmoins si l'on peut se réjouir des nouvelles
pratiques qu'a entrainées cette diversification fonctionnelle, il faut
s'attarder sur la faible diversité de celles-ci et l'omniprésence
du caractère marchand dans les activités de loisirs
proposées. Le public visé et la notion d'intérêt
général peuvent alors être remis en question.
Par ailleurs il faut relever que la Cité de la
Méditerranée est une formidable vitrine urbaine. Donnant sur le
port cette opération est aussi un magnifique outil pour promouvoir la
ville et marquer les touristes et croisiéristes ne connaissant pas
Marseille. La skyline rentre dans cette stratégie touristique que
prône la ville de Marseille ; néanmoins cette stratégie ne
doit pas remplacer une politique de développement pour tous.
Nous allons voir dans la dernière partie comment est
organisé l'EPAEM, comment s'établit la gouvernance et quels sont
les liens entre acteurs publics et privés.
D. L'EPAEM : un jeu d'acteurs complexe dans une
métropole complexe
Marseille est une ville qui suite aux délocalisations
d'une partie du port, a connu de nombreux problèmes notamment sociaux.
Aggravée en parallèle par un désengagement des politiques
sur certains territoires, la situation marseillaise est problématique au
début des années 1990. Néanmoins, l'État se
décide pour intervenir ; nous allons donc plus précisément
nous intéresser à la manière dont celui-ci intervient en
étudiant le mode de gouvernance de l'EPAEM, puis nous verrons quels sont
les autres acteurs publics et privés qui sont associés.
A. Mode de Gouvernance de l'EPAEM
Comme nous l'avons vu dans la première partie,
l'Établissement Public d'Aménagement
EuroMéditerranée fut créé le 13 octobre 1995, suite
aux rapports Masson et Weiss. Bien que le projet ne soit pas encore bien
défini, l'établissement public est tout de même mis en
place et s'appuie sur une logique partenariale, suivant un schéma
novateur.
Mobilisant très fortement sur les collectivités,
l'EPAEM associe l'État, la région PACA, le département des
Bouches-du-Rhône, MPM et la ville de Marseille. Si l'on
s'intéresse aux financements de l'établissement public, il est
prévu que l'État apporte 50 % de ceux-ci, que 25 % des
financements soient soutenus par la ville de Marseille, et que le
département et la région contribuent à hauteur de 10 %
chacun au financement de l'EPAEM. MPM complète le financement avec un
apport de 5 % du total. Bien qu'étant une opération
d'intérêt national, la répartition du capital
témoigne de la volonté d'État de ne pas assumer seul la
responsabilité financière et politique du projet.
Figure 20 : Schéma de répartition des
financements de L'EPAEM
10 %
25 %
10 %
5 %
50 %
État Ville Région Département MPM
66
En associant ainsi les différentes collectivités
au projet, l'État a souhaité engager une nouvelle forme de
coopération entre acteurs locaux, en créant par là de
nouvelles dynamiques. Ainsi dans un contexte post-décentralisation,
l'État n'a pas offert un projet urbain totalement finalisé
à la ville, mais il a permis d'instaurer un cadre institutionnel pouvant
servir de bases pour une discussion entre les grands acteurs de
l'aménagement.
« L'étude du jeu des acteurs tendrait ainsi
à confirmer l'hypothèse d'une tentative de l'État de
placer aujourd'hui Marseille dans une situation de non-retour qui obligerait,
par la suite, les acteurs locaux à porter le projet à son terme
» 40.
L'État instaure donc à travers
Euroméditerranée un projet et une méthode. Tout en donnant
les grandes lignes directrices, celui-ci se pose en coordinateur à
travers l'EPAEM. Ce rôle de coordinateur est par ailleurs inscrit
à l'article 3 du protocole de partenariat
d'Euroméditerranée :
« La mission de l'EPAEM est de veiller à la
cohérence du projet en liaison avec les différents maîtres
d'ouvrage publics et privés et de réaliser sous sa propre
maîtrise d'ouvrage les opérations d'aménagements
visées dans le présent protocole » 4 1 .
Ainsi l'exemple de Marseille illustre bien les changements de
l'action publique. Il met en avant le poids des dispositifs de coordination
d'une action procédurale dans laquelle la mise en cohérence prend
beaucoup d'énergie.
« La logique de partenariat dans les
opérations d'aménagement ne modifie pas seulement les relations
entre les acteurs, mais les acteurs eux-mêmes. Désormais chacun
est centré sur la relation avec les autres avant de l'être sur sa
propre tâche » 42.
Bien que plus long à mettre en oeuvre, le projet est
cependant mieux accepté par les différents acteurs publics, car
ceux-ci vont être impliqués dans le Conseil d'Administration de
l'EPAEM. Avec une répartition proportionnelle au financement des
sièges au conseil d'administration, les collectivités sont les
vraies garantes de l'opération. Comptabilisant au total 20 membres, le
CA de l'EPAEM compte 9 représentants de l'État, relevant de 6
ministères différents, 3 représentants de la ville de
Marseille, et deux sièges pour les collectivités restantes. Un
représentant du GPMM et une personnalité qualifiée
nommée par le Premier Ministre siègent également au
Conseil d'Administration de l'EPAEM.
Outil institutionnel dans lequel se prennent les
décisions, le CA se réunit deux à trois fois par an, et
est préparé par de nombreuses réunions des services
techniques des différentes collectivités. C'est dans ces
réunions entre services techniques que sont préparées les
délibérations et décisions du Conseil d'Administration. De
fait les réunions du CA sont souvent consensuelles et enregistrent des
décisions et des accords pris en amont.
« Ainsi, théoriquement maître du
processus décisionnel, l'EPAEM est en pratique tenu de composer avec ses
partenaires locaux, tout en étant jugé seul responsable des
transformations engagées sur le site. La situation est d'autant plus
complexe que l'EPAEM est contraint, dans son fonctionnement quotidien, de
s'appuyer sur des procédures - ZPPAU, OPAH, PRIÉ - dont il n'a
pas la
40 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.168.
41 Protocole de partenariat d'Euroméditerranée
pour la période 2006-2012, p.6.
42A. Bourdin, L'émergence d'une nouvelle
figure de l'aménagement.
67
maîtrise, soit parce qu'elles échappent
à ses compétences, soit parce qu'elles débordent de son
périmètre » 43.
Les collectivités territoriales sont donc les vraies
garantes de l'opération. De plus le consensus est obligatoire pour que
l'opération suive son cours. La figure d'une maîtrise d'ouvrage
forte est aussi remise en cause car l'EPAEM doit ainsi assurer la coordination
d'une maîtrise d'ouvrage diversifiée. Il se doit de composer et de
coopérer avec les autres acteurs publics. Bien qu'il s'agisse d'une OIN,
l'État ne s'est pas comporté en « maître des lieux
», mais a favorisé le discours et le consensus. Après plus
de 20 ans, ce système a fait ses preuves : il a permis à chaque
acteur de dépasser son champ de compétences en
décloisonnant celles-ci, et a permis de monter un projet urbain
ambitieux dans la cité phocéenne.
Par ailleurs, il faut remarquer que le mode de gouvernance de
l'EPAEM a su résister aux aléas politiques. Ayant vu plusieurs
gouvernements de bords opposés se succéder, et rassemblant des
collectivités territoriales ne partageant pas toujours les mêmes
idées politiques, l'EPAEM a su rassembler.
« Le consensus est solide parce que nous sommes
partis d'une stratégie générale, fruit de longue
discussions, et que nous avons recherché ensuite des solutions
adaptées aux solutions particulières des partenaires mais
toujours en nous référant à la stratégie
définie collégialement » 44.
De plus, le projet urbain contrairement à d'autres
villes françaises n'est pas personnalisé en la présence
d'un maire ; ceci le renforce sans aucun doute. Le pilotage partenarial
droite-gauche annihile toute tentative d'un élu de s'approprier le
projet, et comme le confie A.Sorrentino : « L'EPAEM doit rester une
structure indépendante de la ville, condition pour que la région
et le département reste partenaires ». Contrairement à
d'autres villes comme Lyon ou Bordeaux, le maire ne s'est pas identifié
au projet urbain, et ne l'a jamais repris à son compte.
Cependant, si jusqu'à maintenant le consensus s'est
bien passé, une élue de la ville de Marseille avoue qu'
« aujourd'hui les financements ont changé, il faudrait aussi
que la répartition au CA change » 45 . Bien que
l'opération suive son cours, les rapports de force sont permanents au
sein de l'EPAEM. L'État et la ville se confrontent sur le sujet de
l'attribution des sièges du CA, ce qui montre aussi une volonté
de la ville de s'impliquer plus dans le projet.
68
43 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.162.
44 Marseille Euromediterranée, la consultation pour
Euromed Center,
45 entretien avec L. Caradec, le 28 novembre 2014.
69
B. Liens avec les autres acteurs publics et
privés
Penchons-nous à présent sur les relations et les
rapports entre l'EPAEM et les autres acteurs, privés ou publics,
d'Euroméditerranée.
Un des acteurs influents est bien sur le GPMM. Ancien
maître des lieux, le port a vu, depuis les années 1995, l'espace
qui le jouxtait fortement se modifier. Établissement public
d'État, le GPMM est un acteur influent car il doit organiser et
gérer l'ensemble du port de Marseille.
Néanmoins avec le recul de ses activités dans
les bassins Est, combinée à la crise sociale et urbaine qu'a
connue l'espace arrière-portuaire, l'opération
Euroméditerranée s'imposait, mais celle-ci se juxtaposait avec le
périmètre du port. Dès le début des
réflexions de 1992/95, le port consacre une mission pour
s'intégrer au projet de rénovation urbaine. Bien que de nombreux
débats houleux aient tourné autour de la frontière entre
les périmètres et les emprises du port 46, une
convention va organiser le statu quo en 1999. Celle-ci va aboutir à
l'accord du retrait du port sur une bande de 45 mètres et au
déclassement du môle du J4. « La crainte de
l'époque était de perdre toutes les emprises foncières du
port et d'entraver l'activité du port » confie Régine
Vinson, actuelle responsable de la mission Ville-Port pour le GPMM.
Un travail en collaboration sur les études de
définition, notamment celle de la Cité de la
Méditerranée, a alors été réalisé.
Concrètement les rapports entre l'EPAEM ou la ville et le port sont
réinventés par le recul du port, le changement de destination des
môles qui s'inscrit dans une logique gagnant-gagnant : le port continue
ses activités alors que d'autres se développent au-dessus. Mais
aussi par des occupations urbaines dans des bâtiments et espaces qui
étaient à la base dévolus au port, le Silo et les
Terrasses du port illustrent ce changement.
Ceci témoigne d'une volonté de
coopération des différents acteurs et prouve la bonne
volonté du port, car souvent ceux-ci n'ont pas les mêmes
intérêts. Intérêt économique pour les acteurs
portuaires contre intérêt citoyen pour les collectivités,
Euroméditerranée semble montrer qu'il est possible de faire
coïncider les deux.
« Bien qu'il soit facile de taper sur le port, nous
voulons la même chose. (É) Une grande différence existe
entre les annonces médiatiques des politiques et les relations entre les
services techniques de la ville et ceux du port. Les politiques sont parfois
trop dans leur rôle et tapent facilement sur le port » 47.
Aujourd'hui les débats entre le port et la ville de
Marseille se portent sur le J1 et son avenir. Utilisé en 2013 comme lieu
d'exposition, la ville de Marseille et l'EPAEM souhaiteraient le
déclasser pour en faire un lieu symbolique
d'Euroméditerranée. Sa position centrale, sur le front de mer
entre le J4 et les tours d'Arenc le rend important. Mais le port ne semble pas
prêt à céder encore son foncier ; celui-ci revendique la
maîtrise du choix des projets réalisés sur le domaine
public maritime que ce soit par l'exercice de la maîtrise d'ouvrage ou
d'une délégation conventionnelle de maîtrise d'ouvrage avec
la constitution éventuelle de droits réels.
46 entretien avec R.Vinson, le 28 novembre 2014.
47 entretien avec R.Vinson, le 28 novembre 2014.
Alors que certains acteurs, comme la ville de Marseille,
souhaite aller encore plus loin dans le déclassement des emprises
portuaires, d'autres comme l'EPAEM estiment que les relations avec le port sont
bonnes et que les négociations foncières sont en bonne voie. Il
ne faut pas oublier qu'il est un acteur économique très important
de l'aire urbaine ; « il ne doit pas disparaitre, mais il doit
s'adapter pour qu'une meilleure relation urbaine, portuaire, économique
s'installe » 48.
Intéressons nous désormais aux relations
qu'entretient l'EPAEM avec le monde privé. Acteurs incontournables de
l'aménagement d'Euroméditerranée, les acteurs
privés, promoteurs ou grands groupes mondiaux, sont les bâtisseurs
du nouveau quartier.
Il a toutefois fallu les rassurer pour que ceux-ci
investissent dans Euroméditerranée. Le rôle de l'EPAEM a
été primordial sur ce point, car ce dernier a donné les
garanties de l'investissement public. En s'engageant fortement pour des
aménagements urbains, l'EPAEM a permis d'impulser les investissements
privés. Car ce sont eux qui réalisent les immeubles de bureaux,
les logements et les grands projets d'investissements comme les Terrasses du
port ou l'Euromed Center.
Entre 2004-1995, les pouvoirs publics ont investi 244 millions
d'euros ; ceci a été suivi d'environ 600 millions d'euros
d'investissements pour le privé principalement pour les immeubles de
bureaux de la Joliette. Les principaux investisseurs privés sont Axa
Reim, Difa, Oppenheim, Vassale, BNP Paribas, Starwood, ING, la Caisse
d'épargne et le Crédit Agricole 49 . Salué par
la presse spécialisé, ce montant d'investissement public ne prend
néanmoins pas en considération les projets entrepris par les
collectivités. Le prolongement du tramway 2, traversant
Euroméditerranée, le futur hôpital Paré-Desbief dans
le périmètre et d'autres investissements publics comme les
équipements de proximité ne sont pas comptabilisés dans
les 244 millions d'euros. Il convient donc de relativiser le ratio
avancé par l'EPAEM d'un euro public investi entrainant 3 euros
d'investissements privés. Cependant l'investissement privé est
très important sur ce périmètre réduit. La
classification en OIN a joué un rôle important pour rassurer les
investisseurs privés.
Par ailleurs il faut relever qu'aucune ZAC
d'Euroméditerranée ne s'équilibre financièrement en
raison des montants de travaux d'infrastructures publiques à construire.
L'intervention publique de l'EPAEM s'est donc attachée à
équilibrer les différentes opérations avec des subventions
publiques. Cela a été réalisé afin de pouvoir
vendre des droits à bâtir à un coût raisonnable ;
sans cela aucun privé n'aurait investi dans le projet.
L'investissement privé dans le projet montre un
intérêt, ou un regain d'intérêt, pour la cité
phocéenne et lui confère une place de métropole où
il faut investir. Là encore le changement d'image est important, et
celui-ci a été permis par l'EPAEM et par la fiabilité que
la structure présente.
48 entretien avec A.Sorrentino, le 27 novembre 2014.
49 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille
Euroméditerranée accélérateur de
Métropole, p.182.
70
71
Nous l'avons vu Euroméditerranée est un
énorme projet de redynamisation économique et urbain d'un
territoire arriéro-portuaire en forte crise. Impulsé par
l'État dans les années 1995, les premières
retombées sont aujourd'hui visibles et une vie commence à
s'installer dans ce nouveau quartier.
En réaménagement différents espaces,
autrefois sous l'emprise du port, le projet urbain a réinventé
les relations ville-port et les usages du territoire. Le récent prix
d'urbanisme, décerné par l'École d'Urbanisme de Londres
pour les aménagements réalisés sur le front de mer, montre
qu'aujourd'hui le projet est reconnu et approuvé par une majorité
d'acteurs de l'urbanisme.
S'appuyant sur un marketing urbain soigneusement
étudié, Euroméditerranée met en valeur le littoral
et s'inscrit dans une stratégie de reconquête du front de mer au
Nord. Cette stratégie s'appuie tout principalement sur
l'attractivité et le rayonnement du nouveau quartier. Composé
d'objet architecturaux remarquables, Euroméditerranée
réinvente la maritimité en vendant une image très
flatteuse de Marseille, mais qui correspond plus au modèle de la ville
nord-européenne qu'à la ville méditerranéenne. Le
projet s'inscrit par ailleurs pleinement dans les opérations de
waterfront que connait l'Europe méditerranéenne ces
dernières années.
Se vendant comme un accélérateur de
métropole, le projet urbain est aujourd'hui au coeur du système
métropolitain de l'aire urbaine de Marseille. Situé sur une seule
commune, Euroméditerranée est néanmoins un projet
d'envergure métropolitaine. En réunissant les différentes
collectivités autour de la table, en répondant à des
problèmes de transport au coeur de métropole et en installant un
quartier d'affaires permettant de diriger l'ensemble d'un territoire
métropolitain, le projet montre qu'il peut être qualifié de
métropolitain. La deuxième ville de France avait besoin d'un
projet de cette envergure pour changer et sortir de son statut de ville
portuaire. Pourtant de nombreuses questions, comme la place des habitants,
où la mixité sociale et fonctionnelle n'est pas encore
résolue.
Bien que non parfait, Euroméditerranée a
cependant une belle réussite à afficher : la réunion des
acteurs publics. En effet dans une ville qui était dans les
années 1980/90 en proie à une profonde crise sociale,
économique et urbaine et tétanisée par un immobilisme des
politiques locales, le projet les a réunis et a permis de montrer que
Marseille était une ville dynamique. Avec un territoire marqué
par la présence de l'État et par une OIN, l'EPAEM a réussi
à mettre autour de la table les différentes collectivités
pour que celles-ci se saisissent du projet, instaurant ainsi un nouveau
modèle à Marseille, un modèle basé sur le
partenariat et qui pourrait servir pour la gouvernance de la future institution
métropolitaine.
Néanmoins si le projet permet une modification
structurelle du territoire, il convient de ne pas le glorifier au vu des
nombreuses problématiques qu'il soulèvent et auxquelles il n'a
pas répondu. La comparaison avec les autres villes
étudiées nous montre cependant que ce genre de projet peut faire
émerger une métropole, comme ce fut le cas pour Bilbao, ou faire
plonger un territoire, comme pour Valence.
Les prochaines années nous diront si
Euroméditerranée est réellement de dimension
métropolitaine, et si celui-ci a encouragé la métropole.
La réussite d'Euroméditerranée se jugera aussi sur
l'élargissement du périmètre et de la prise en compte des
habitants. Si le quartier devient vivant et pratiqué par les habitants
du territoire métropolitain, celui-ci aura alors réussi son pari,
tout comme si le dynamisme issu du projet dépasse les limites du
périmètre.
72
73
3. MP 2013 : un événement culturel
rassemblant la métropole et rendant le territoire attractif
Après avoir vu dans quelle mesure le projet
Euroméditerranée est un projet d'envergure métropolitaine,
penchons nous sur un autre projet qu'a connu le territoire ces dernières
années : Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la
Culture.
Avant de nous intéresser au projet développement
par le territoire, revenons rapidement sur le titre de CEC. Créé
le 13 juin 1985 par le Conseil des Ministres de l'Union Européenne, sous
le nom de Ville Européenne de la Culture, ce titre est conçu pour
«contribuer au rapprochement des peuples européens »
et promouvoir la culture dans les pays et villes européens.
Renommé Capitale Européenne de la Culture en 1999, ce titre se
base sur les richesses patrimoniales et culturelles des villes. Jusqu'en 2004,
les Capitales Européennes de la Culture étaient
sélectionnées à l'unanimité par les états
membres. La Commission Européenne accordait chaque année une
subvention à la ville sélectionnée. Dorénavant, la
Capitale Européenne de la Culture est désignée chaque
année par le Conseil des Ministres de l'Union Européenne sur
recommandation de la Commission Européenne, laquelle tient compte de
l'avis du Parlement Européen et d'un jury composé de sept hautes
personnalités du secteur culturel.
Au départ simple festival pour des villes
possédant déjà un fort rayonnement culturel,
l'événement est progressivement devenu un levier de
développement économique, social et culturel pour des villes en
changement. Voyons donc comment Marseille a accueilli ce titre.
Toujours dans une perspective métropolitaine, nous
chercherons à savoir comment le projet MP 2013 a permis au territoire de
l'aire urbaine marseillaise de rentrer dans une dimension
métropolitaine.
Nous définirons dans un premier temps le projet ; nous
verrons ensuite comment cet événement public s'est inscrit dans
un cadre de vie rénové, comment le projet a permis de changer
l'image du territoire et quels sont les suites et les moyens de
pérennisation du projet.
A. Un projet culturel de territoire
Nous allons dans un premier temps nous pencher sur le projet
MP 2013 et les différents buts que celui-ci poursuit, puis nous verrons
dans quelle mesure le projet est un projet de territoire.
A. Grands objectifs et buts poursuivis par le
projet
Débuté en 2004, par le vote du Conseil Municipal
de Marseille en faveur de la candidature de la ville au titre de Capitale
Européenne de la Culture, le projet de MP 2013 répond à un
double volonté : « Faire de Marseille un pôle de
coopération artistique et culturel entre l'Europe et tous les pays de la
Méditerranée » et « Développer la vie
culturelle comme levier de la rénovation de la cité, de la
qualité de vie partagée et du mieux vivre ensemble »
50.
Les buts du projet peuvent donc se distinguer en deux
catégories complémentaires : ceux d'ordre culturel s'inscrivant
dans le processus de Barcelone (1995) et la Politique Européenne de
Voisinage ; et ceux s'inscrivant dans une stratégie
d'amélioration du cadre de vie et d'aménagement de la ville. Le
premier but cherche à « constituer à Marseille une
plateforme permanente et pérenne du dialogue interculturel
euro-méditerranéen » 51 . Le deuxième conjugue
quatre dimensions : « la qualité de l'espace public,
l'irrigation du territoire, la participation citoyenne, et
l'attractivité de la métropole. »52
Ces deux buts se déclinent, selon le rapport
d'évaluation de MP 2013, en divers objectifs qu'il convient de rappeler.
Dans un premier temps le projet devait soutenir la création et la
diffusion d'oeuvres ambitieuses en travaillant avec les artistes issus des pays
de la Méditerranée et de l'Europe ; ensuite MP 2013 devait
valoriser le potentiel culturel et artistique du territoire ; l'innovation en
matière d'intégration de la culture dans l'espace public et de
relations entre culture et société composait le troisième
objectif. Le quatrième objectif était d'impliquer les citoyens du
territoire de MP 2013 à travers une approche participative et par un
accès favorisé aux événements ; la création
d'un événement exemplaire en matière de gouvernance
collective, et l'augmentation de la fréquentation touristique du
territoire étaient aussi des objectifs du projet. Le dernier objectif
était de donner au territoire de la capitale une image internationale,
créative et innovante.
Tous ces objectifs se traduisent dans le concept des Ateliers
de l'EuroMéditerranée (AEM), qui est l'essence même du
projet. Les AEM aussi ont fortement marqué le dossier de candidature de
Marseille Provence 2013. Ils permettent aux différents objectifs de se
mettre en application à travers les différentes missions qu'ils
poursuivent : accueillir, transmettre, articuler transmission et
création, contribuer au renouveau de la cité, et conjuguer les
travaux artistiques et scientifiques. Entretenant des liens forts avec le
milieu économique, les Ateliers de l'EuroMéditerranée ont
aussi permis la réalisation de nombreuses oeuvres
présentées durant l'année 2013. Ils permettent donc de
remplir principalement les buts d'ordre culturel, bien que d'autres projets
complètent ce volet.
50 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
51 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.78.
52 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.78.
74
Au total se sont plus de 600 projets qui ont été
cofinancés par l'association MP 2013 et 400 labellisés sans
financement. Ce nombre de projets fait de Marseille l'une des plus grosse CEC
en terme de projets. Le nombre de candidatures (2 500) avait déjà
donné un aperçu de l'étendue de la CEC MP 2013. Le travail
de sélection des projets, qui s'est effectué jusqu'en 2010, a
constitué une part importante du travail de l'association. En accord
avec la stratégie développée par MP 2013 et avec les
objectifs que fixe l'Union Européenne, ce travail de sélection a
été suivi par une phase d'accompagnement des porteurs de projets.
Cette seconde phase a permis une adaptation des projets, et une implication de
l'association dans certains de ceux-ci mais elle a aussi été une
phase où il a fallu prioriser les projets. L'association a du
étudier les projets afin de voir lesquels étaient
intéressants et nécessaire à financer.
« La coopération a été de deux
ordres : financière bien sur pour les projets le nécessitant,
mais aussi de soutien technique à certains projets. Une équipe
technique d'une vingtaine de personnes était mobilisée et
répartie dans les différents projets devant être
accompagnés. » 53
Transhumance par exemple était un projet porté
par un petit théâtre ; très vite l'association a
perçu ce projet avec beaucoup de potentiel. L'association a donc mis
à disposition du personnel en charge du projet pour aider le
théâtre dans le développement et la réalisation de
son idée ; au final ce projet fut l'un des huit grands
événements de l'année ; de plus celui-ci s'est
déroulé sur l'ensemble du territoire métropolitain.
MP 2013 a bien sûr favorisé les projets culturels
au sein du territoire, mais l'année Capitale a aussi permis une
rénovation de la ville. Le projet s'est inscrit dès ses
débuts dans une stratégie de développement et
d'aménagement du territoire. Pensée comme un but à
atteindre dans l'élaboration de la candidature, « la
rénovation de la cité » 54 , a bien eu lieu sur le
territoire de MP 2013. Abordée et traitée par les AEM, ceux-ci
« seront
ouverts sur la ville. Ils aborderont les thèmes de
la requalification des espaces publics et de la place de l'art dans ces espaces
» 55 . La rénovation de la ville s'est aussi perçue
à travers l'avancement et la mise en chantier de certains projets.
S'étant opérée sous plusieurs formes
comme l'extension d'Euroméditerranée, la poursuite du GPV, la
poursuite des travaux du Plan de Déplacement Urbain, et à travers
d'autres chantiers d'équipements, d'infrastructures ou
d'aménagements, Marseille s'est métamorphosée en quelques
années. C'est dans le cadre de cette politique de rénovation
urbaine que prennent place les chantiers d'équipements culturels
nouveaux pour 2013. S'appuyant sur l'existant, le titre de CEC est vu comme un
moyen de faire évoluer la ville, de la doter d'équipements
culturels majeurs (MuCEM, Villa méditerranée, Silo, É),
mais aussi pour renforcer ses infrastructures de transports. Les
aménageurs publics, notamment l'EPAEM ont vu d'un très bon oeil
la candidature et l'obtention de la CEC, car celle-ci a permis de faire avancer
les choses. Pour certains projets l'EPAEM était le principal
maître d'oeuvre de MP 2013. La Cité de la
Méditerranée est par ailleurs un élément fort du
dossier de candidature. Ce nouvel espace fut un élément
prédominant lors de la phase de candidature ; il a donc fallu mettre
rapidement en oeuvre les différents projets.
53 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014
54 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
55 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
75
Nous verrons par la suite plus en détails les
différents chantiers entrainés dans le giron de l'année
capitale. Néanmoins plusieurs choses peuvent être
affirmées. La CEC a permis une amélioration durable du cadre de
vie des habitants de Marseille et de l'aire urbaine ; elle a entrainé
une valorisation du patrimoine naturel avec notamment l'ouverture du parc des
Calanques et des projets comme le GR 2013. Et enfin l'année Capitale a
fait évoluer l'offre de transports du territoire, qui était
pourtant un problème majeur dans l'aire urbaine.
B. Marseille-Provence, une candidature
nécessaire suivie par l'ensemble du territoire
L'autre élément fort de la candidature et, qui
selon différents acteurs rencontrés, va être très
vite mis en avant, est la candidature d'un territoire dépassant les
limites de la ville. Contrairement à ce que pourrait dire Boris
Grésillon 56, l'idée d'une candidature au territoire
élargi n'est pas née avec la CCI, mais avec la coopération
métropolitaine.
«La coopération métropolitaine
s'intéresse aux transports, à l'emploi, aux services publics qui
concernent la jeunesse, à l'attractivité économique.
L'idée du volet culturel émerge ensuite. L'idée d'une
candidature large est alors née et a fait son chemin.
Différemment de ce que pense B. Grésillon, la CCI n'est pas
l'instigateur de la candidature élargie, mais elle a porté la
candidature métropolitaine. » 57
S'inspirant de Lille 2004, la candidature de Marseille va
rassembler l'ensemble du territoire métropolitain et proposer un
réel projet culturel de territoire. La candidature du territoire est
alors portée à l'échelle métropolitaine pour que
les autres villes profitent de la Capitale Européenne de la Culture et
de ses retombées, mais aussi pour qu'elles y contribuent. Significatif
d'un réel effort, le projet de MP 2013 est une vraie réussite en
terme de coopération territoriale dans une aire métropolitaine
où celle-ci n'est pas évidente.
« Par ailleurs le dossier de candidature était
d'une très grande qualité et il a visé juste en
réunissant les territoires. Le parti pris est excellent car la ville qui
a « pris » le plus, Marseille, est celle qui a le moins à
mettre en avant, hormis la réunion des territoire et des
identités. » 58
56 B.Grésillon, Un enjeu « capitale » :
Marseille Provence 2013.
57 entretien avec P. Challende, le 21 novembre 2014.
58 entretien avec A. Sorrentino, le 27 novembre 2014.
76
Figure 21 : Territoire de Marseille-Provence 2013
Source : Dossier de sélection 2008
Cette coopération territoriale et le projet ont aussi
été fortement encouragés et portés par les discours
des acteurs locaux. Adoptant un ton et un langage appropriés, les
responsables politiques vont montrer lors de la candidature, une certaine
unité autour du projet et une nécessité concernant
l'accueil de cet événement. Il faut bien comprendre que le titre
de Capitale Européenne de la Culture n'est pas vu comme une
récompense pour le territoire, mais est là pour l'encourager.
Jean-Claude Gaudin, député-maire de Marseille, après avoir
vanté les mérites de sa ville, insiste sur l'apport positif que
pourrait avoir le titre de Capitale Européenne de la Culture.
« Cependant, de nombreux handicaps restent à
combler et la richesse constituée par les espaces, les hommes et femmes
du territoire est encore contrastée: la relative pauvreté du
territoire (économie, chômage...), le manque d'animation nocturne
des villes, les difficultés dans l'organisation des transports
collectifs, la propreté, la fragile attractivité internationale,
la faible reconnaissance et le manque de rayonnement au-delà de
certaines frontières... sont les défis à relever pour les
années à venir. Pour y parvenir, le titre de Capitale
Européenne de la Culture serait à la fois un irremplaçable
encouragement et la juste reconnaissance d'efforts déjà
accomplis. » 59
59 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
77
Même B.Latarjet, directeur de l'association MP 2013
jusqu'en 2010, souligne le fait que la candidature de Marseille a «
habilement défendu l'argument qu'il fallait nous sélectionner
parce que nous étions les plus mauvais (É) par rapport aux trois
autres villes finalistes, que nous avions le plus besoin du titre de capitale
culturelle » 60.
Contrairement à Essen, Capitale Européenne de la
Culture en 2010, le titre n'est donc pas venu pour récompenser le
territoire et la construction métropolitaine, mais pour l'encourager.
Ulrich Fuchs, directeur adjoint de MP 2013 à partir de 2010
résume et confirme ceci très simplement : « C'est le
projet culturel qui a lancé la métropole ». La CEC a
permis de faire discuter, échanger et travailler ensemble des villes et
des communautés urbaines qui n'avaient avant que très peu de
rapports. L'adhésion au projet ne s'est pas faite sans de nombreux
débats et discussions parfois houleuses entre responsables politiques.
Bien que certaines collectivités, comme Toulon, soient sorties du projet
MP 2013, le projet de territoire a été une réussite et il
constituait un vrai défi lors de la candidature en 2007.
La multi-territorialité de la programmation et son
ancrage sur les différents territoires de la capitale ont permis de
réaliser un réel projet culturel de territoire. Par ailleurs la
tenue de projet de MP 2013 se déroulant dans différents lieux a
favorisé la coopération territoriale et l'émergence d'un
projet commun là où ceci était impensable.
MP 2013 est donc à plusieurs égards un projet
réussi, tant au niveau culturel, qu'au niveau territorial. Au niveau
culturel le projet a proposé une programmation variée et s'est
inscrit dans le processus de Barcelone, à travers une mise en avant de
l'échange et de l'interculturalité ; au niveau territorial le
projet en réunissant les différentes collectivités
à permis de produire un réel projet commun ; il a ainsi
entrainé une coopération territoriale et a amorcé le
projet métropolitain.
Nous allons désormais voir comment le projet MP 2013
s'est inscrit dans l'espace public et quels ont été les grands
moments de l'année capitale.
60 B. Grésillon, Un enjeu « capitale
» : Marseille-Provence 2013,
78
B. Un événement public, qui s'inscrit
dans un cadre de vie amélioré
Nous l'avons vu le projet MP 2013 a permis de réunir
les différentes collectivités territoriales, dans une aire
métropolitaine souvent conflictuelle et a remporté une
réelle victoire au niveau de la coopération territoriale.
Mais intéressons nous au déroulement du projet
dans l'espace urbain, et sur la réussite qu'il a rencontrée
auprès de ses habitants. Regardons de plus près, dans un premier
temps, ce qu'a produit, encouragé, favorisé,
accéléré, le titre de Capitale Européenne de la
Culture pour les aménagements d'espaces publics sur le territoire, puis
comment ont été utilisés ces espaces publics pendant
l'année 2013.
A. Des événements publics s'inscrivant
dans des espaces rénovés
Bien qu'ils soient compliqués à
appréhender, et que cela ne soit pas le but de ce travail universitaire,
penchons nous sur les impacts urbains de la CEC.
Compliquée à percevoir, la victoire du titre de
CEC a permis au territoire concerné, et encore plus à la ville de
Marseille, de transformer son espace public. C'est pourquoi et dans le cadre de
cette partie, je me pencherai exclusivement sur Marseille et plus
particulièrement sur ses deux principaux espaces publics de
l'année 2013, à savoir le J4 et le Vieux-Port.
Figure 22 : Un nouvel espace public attractif
Source : Rapport MAGE
79
Bien qu'il ne soit pas possible de conclure que ces
réaménagements d'espaces publics aient été produits
par MP 2013, le J4, nous l'avons vu auparavant était identifié de
longue date par l'EPAEM pour devenir un pôle culturel majeur de la
métropole ; alors que le Vieux-Port était lui aussi un espace de
projet, pour MPM depuis 2000 61, nous pouvons affirmer que le projet
MP 2013 et le titre de Capitale Européenne de la Culture ont grandement
favorisé le réaménagement de ces espaces publics.
Dans un premier temps l'acquisition du titre de CEC a, il faut
bien le comprendre, fixé un calendrier et donné un coup
d'accélérateur aux divers projets en cours. La volonté de
redévelopper le front de mer au Nord avec Euroméditerranée
et ses divers projets, s'est vu propulsée par la culture. Le J4, par
exemple, connu des marseillais, existait déjà en 1997. Mais si
cette grande esplanade était surtout vouée à accueillir
les cirques et des événements, elle a changé de vocation
avec le titre de CEC. Il a été décidé, comme nous
l'avons évoqué précédemment, que cet espace reste
public mais soit aussi le réceptacle de deux grands édifices
culturels encouragés par la CEC : le MuCEM et la Villa
Méditerranée. Les discussions ont donc été
accélérées, et les décisions aussi. Comme le dit
très bien Alexandre Sorrentino : « Au final l'année
capitale a permis de faire gagner 5 / 10 ans à Marseille (É), de
plus il a fallu rénover les espaces publics. ». Le J4 devait
être fini en 2013, pour l'année capitale, cela était
impensable autrement. Car il faut savoir que le projet MP 2013, s'appuyait
grandement sur ces espaces publics rénovés pour utiliser leurs
potentiels en matière d'accueil de grandes manifestations.
En 2008, date d'acquisition du titre, Marseille ne dispose pas
d'espace public de grande ampleur en centre ville. Il faut donc créer ou
réaménager ces espaces et les faire vivre. C'est le cas pour le
Vieux-Port : les acteurs publics n'ont pas eu le choix que de réaliser
pour 2013 le projet d'amélioration et de requalification, afin que
celui-ci serve d'agora pour la ville. Et bien que certains retards soient
à déplorer, les réaménagements ont tous abouti et
ont permis la tenue de grandes manifestations se déroulant dans l'espace
public. MP 2013 a donc contribué aux évolutions de l'espace
public en tant que fournisseur d'un calendrier.
La tenue de ces grandes manifestations était l'une des
composantes principales du projet. Basée sur une prédominance des
actions publiques et gratuites, qui plus est de grande ampleur, la
volonté du projet MP 2013 a été de faire revenir les
habitants dans les nouveaux espaces publics, et que ceux-ci se les approprient
ou se les réapproprient. Il est donc prévu tout au long de
l'année 7 grands événements dans les espaces publics
marseillais (voir graphique complémentaire n°6 placé
annexe).
Destinés à tous, ceux-ci sont pensés pour
que les habitants réoccupent l'espace public. Difficile encore à
analyser, nous pouvons toutefois nous baser sur le rapport MAGE, produit par
MPM, la ville de Marseille, MP 2013 et l'AGAM, pour mieux comprendre comment se
sont déroulés les grands événements dans l'espace
public. Que ce soit la fête d'ouverture, l'arrivée de la
Transhumance à Marseille, le Vieux-Port entre flamme et flots, ou encore
la dernière grande manifestation Révélation « 8
», tous ces événements ont pu se dérouler ainsi car
la ville s'est dotée d'un vaste espace public en centre ville.
Élaborés en collaboration avec les
différents services concernés ces événements ont
permis une redécouverte du territoire par ses habitants, ce que nous
allons voir désormais.
61 AGAM, Étude de préfigurant pour le projet du
vieux-port.
80
81
B. La redécouverte du territoire et du centre
ville par ses habitants
Si l'on s'intéresse désormais aux effets de MP
2013 sur les habitants et sur le succès qu'a rencontré le projet
auprès de ceux-ci, deux choses sont à relever : d'une part
l'événement a été largement suivi par la
population, et dans un deuxième temps il a encouragé les
habitants de l'aire métropolitaine à revenir dans la ville
centre.
L'année 2013 a donc été suivie d'un fort
engouement. Les chiffres, bien qu'ils restent des chiffres établis selon
une méthode de comptage qui est à prendre en compte, montrent que
durant l'année 2013, 11 millions de visites ont eu lieu sur le
territoire de MP 2013.
MP 2013 est donc un succès de fréquentation
comparable aux autres CEC. Pour autant si l'on s'intéresse plus en
détail aux statistiques de fréquentation, plusieurs chiffres
attirent l'attention : « la fréquentation est très
ramassée sur une douzaine d'événements réunissant
50% des visites » 62 . Le MuCEM à lui seul représente
plus de 15 % des visites de l'année et est un événement
à part entière. Le week-end d'ouverture compte pour 5,4% des 11
millions de visites.
Si les grands événements ont été
des moments marquants de l'année capitale, il faut relever que le
Pavillon M, véritable centre d'information de MP 2013 pour les
touristes, a été largement visité car 11 % des visites de
l'année ont été faites dans cet équipement
éphémère.
Figure 23 : Fréquentation touristique de
l'année 2013
(nombre de visites gratuites et payantes : un même
visiteur peut faire plusieurs visites)
Type de visite
|
Nombres de visite
|
Part sur le nombre total de visites
|
Grands événements
|
1 815 000
|
16,5 %
|
Week-end d'ouverture
|
600 000
|
5,4 %
|
Entre flammes et flots
|
420 000
|
3,8 %
|
Révélation « 8 »
|
266 000
|
2,4 %
|
Autres
|
529 000
|
4,8 %
|
Expositions
|
6 050 000
|
54,9 %
|
MuCEM
|
1 824 000
|
17 %
|
Grand atelier du midi
|
462 000
|
4,2 %
|
J1
|
307000
|
2,8 %
|
Villa Méditerranée
|
256 000
|
2,3 %
|
Autres
|
3201000
|
29,1 %
|
Autres manifestations
|
1 940 000
|
17,6 %
|
Friche de la Belle de Mai
|
380 000
|
3,4 %
|
Festival d'été
|
285 000
|
2,6 %
|
GR 2013
|
120 000
|
1,1 %
|
Autres
|
1 155 000
|
10,5 %
|
Pavillon M
|
1 210 000
|
11,0 %
|
Total
|
11 015 000
|
100 %
|
L'année 2013 a donc été un succès
mais celle-ci s'appuie principalement sur des grands événements,
des expositions dans les nouveaux équipements culturels et des lieux
phares.
62 Euréval, MP 2013 : L'évaluation,
p.34.
Par ailleurs, le rapport d'évaluation de MP 2013 montre
que 74 % des habitants du territoire se sont rendus à au moins un
événement 63, les trois-quart de la population ont
donc suivi le projet et participé à MP 2013. A titre de
comparaison, l'année 2013 a Marseille a été
proportionnellement plus suivie par ses habitants que celle de 2008 à
Liverpool : 66% des Liverpudliens se sont rendus au moins à un
événement lors de la CEC de 2008. L'adhésion de la
population au projet s'explique sans doute par le fait que 40% des projets ont
eu lieu dans l'espace public et étaient donc gratuits et accessibles.
Par ailleurs 70 % des projets se sont tenus dans un établissement
recevant habituellement du public (il faut savoir que les projets pouvaient se
dérouler dans plusieurs espaces). Parmi ces projets, les grands
événements tiennent une place capitale comme nous l'avons vu.
Mais de nombreux autres projets ou lieux culturels de taille plus petite ont
permis cette forte fréquentation. Il a très vite
été décidé par MP 2013 de favoriser l'accès
à la culture en la développant gratuitement au coeur des espaces
publics.
L'investissement de l'espace public a d'ailleurs dés le
début de l'année 2013 été suivi par
l'adhésion de la population : l'inauguration sur le Vieux-Port en est
l'exemple (400 000 participants principalement des habitants du territoire). De
plus le fait que cet événement se déroule sans aucun
incident majeur a envoyé un signal fort de réussite pour
l'année capitale. L'inauguration est par ailleurs d'autant plus
symbolique car elle a débuté dans les quartiers Nord et a abouti
au Vieux-Port.
Après avoir vu voir le succès qu'a
été MP 2013, intéressons nous plus en détail
à ces chiffres ; il convient de voir quel type de population
l'année capitale a attiré et quels sont les publics qui y ont
participé. Pensé pour être public et destiné
à tous le projet, MP 2013 a-t-il touché un public large ? La
question peut être posée, et elle l'a été aux
acteurs culturels. Bien qu'il n'existe pas de statistiques sur ce sujet et sur
l'origine sociale des populations ayant participé aux projets, la
moitié des acteurs culturels interrogés pensent que le public
était plus diversifié durant l'année 2013. Ces acteurs
culturels ont aussi estimé (il s'agit donc bien de ressenti et non de
preuve factuelle) que le public était plus largement composé de
public pas habituellement présent dans les lieux culturels de la ville.
La chercheuse Sylvia Girel qui a coordonné des études de terrain
sur les publics et les événements livre sa vision :
« Si l'on prend l'ensemble des lieux et des
événements de l'année 2013, on retrouve toutes les
catégories de public analysées par les sociologues : les publics
des habitués, (É) des publics spécifiques, scolaires,
touristes, comité d'entreprises, etc É qui viennent chacun avec
des motifs et attentes différentes; des publics inattendus, qui ont
découvert et se sont reconvertis à certaines formes de
créations ; on pourra citer des bénévoles de MP 2013, des
familles découvrant la diversité du cirque actuel. Il y a aussi
eu des publics résistants ou réfractaires ; des
indifférents, etc É » 64.
Que dire ou penser alors du manque d'études (fiables ou
réalisées) sur la participation des habitants des quartiers
relégués, si ce n'est qu'une fois encore ces citoyens ne sont pas
la préoccupation première des dirigeants. L'absence de rapports
sur les retombées d'une année capitale sur ces quartiers et ses
habitants nous montre que ceux-ci ne sont pas une priorité,
contrairement aux effets d'images escomptés par MP 2013. Le rapport
63 Euréval, MP 2013 : L'évaluation,
p.34.
64 Marsactu, Une forme d'appropriation de MP2013, 30
décembre 2013.
82
83
d'évaluation commandé par l'association à
Euréval et qui a été fortement influencé par la
CCIMP, s'intéresse principalement à deux grandes questions : le
changement dans la pratique des acteurs culturels induit par MP 2013 ; et
l'influence de la CEC sur l'attractivité et l'image du territoire. Les
questions importantes sont donc la culture et l'image que la CEC a induites.
La participation du public est certes abordée, mais
elle ne constitue pas le sujet central du rapport. Ce thème est bien
moins important, pour ceux qui ont commandé ce rapport, que le
rayonnement procuré à la ville. Afin de nuancer mon propos nous
pouvons retenir l'analyse d'Ulrich Fuchs qui au titre de son expérience
au sein de l'association nous livre ceci :
« L'association a beaucoup investi humainement et
dans des projets dans les quartiers Nord. Une programmation
développée avec et pour les habitants a été mise en
place, et même s'il a été plus difficile de communiquer
dessus, car moins rayonnante, la CEC s'est aussi déroulée dans
les quartier Nord. Les habitants y ont participé en tant qu'acteurs et
comme visiteurs » 65 .
L'adhésion des habitants se serait par ailleurs
manifestée et accentuée tout au long de l'année ; et une
population de plus en plus mixte aurait été présente. Si
MP 2013 n'a pas réussi à toucher toute la population du
territoire elle ne s'est pas contentée d'être élitiste mais
a réuni une part importante des habitants. L'invitation d'artistes
locaux est, selon U.Fuchs, ce qui a permis de montrer aux habitants que cette
année capitale était la leur.
Attendons donc que les premières études sur la
participation des habitants des quartiers relégués paraissent
afin de pouvoir approfondir ce sujet. Toutefois il est regrettable que les
premières études s'intéressent presque exclusivement aux
impacts et retombées économiques de l'année 2013. Dans un
modèle de plus en plus concurrentiel, la rentabilité d'un
événement culturel intéresse plus que ses
externalités positives sur la société.
Cependant l'un des effets produits par 2013 concerne
l'identité métropolitaine et le sentiment de fierté et
d'appartenance qu'ont ses habitants. Cette notion d'appartenance
métropolitaine est très importante dans la construction d'un
système métropolitain. Des divers entretiens
réalisés, plusieurs propos ont convergé dans le même
sens pour affirmer que l'année 2013 a permis aux habitants de l'aire
métropolitaine de redécouvrir Marseille, et de faire revenir les
métropolitains dans la ville centre.
« Même les riches locaux, qui étaient
partis de Marseille après la décolonisation et la fin de la
guerre d'Algérie, ont redécouvert la ville. 2013 a permis de
faire redécouvrir la ville aux métropolitains. L'année
capitale de la culture est donc un énorme succès sur ce point
là. Elle a permis de les rendre fiers à nouveau de leur ville
mère » 66.
Là encore peu d'études traitent le sujet, mais
le sentiment de fierté est quelque chose de complexe à analyser.
Le rapport d'évaluation estimait cependant que 2/3 des habitants du
territoire avait une meilleure image de celui-ci.
65 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
66 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
« Très majoritairement les Marseillais
expriment une certaine fierté de disposer désormais d'un centre
ville attractif et séduisant. Un sentiment également
partagé par les habitants de l'agglomération qui ont
assisté aux événements et qui ont recréé un
lien - distendu jusqu'alors - avec la cité phocéenne »
67.
En effet (sur une base de 505 participants), 76% des
répondants à un questionnaire disaient que MP 2013 les a rendus
fiers d'habiter Marseille Provence. Plus de 70 % ont découvert des
richesses culturelles patrimoniales ou naturelles du territoire qui
n'étaient pas connues jusqu'alors ; et 46 % ont découvert des
quartiers ou des communes qu'ils ne connaissaient pas ou peu.
Le sondage conduit en automne 2014 par BVA pour Bouches du
Rhône Tourisme montre que près de 60 % des habitants du
département (presque tout le territoire de MP 2013 et de la future
métropole) indiquaient avoir modifié positivement l'image qu'ils
avaient de Marseille, et 82% estimaient que la ville a changé de
registre. Plus important encore les habitants recommandent leur ville et
deviennent des ambassadeurs de celle-ci car plus de 70% des interrogés
recommandaient de visiter Marseille et la Provence durant l'année
2013.
L'année 2013 aura donc permis de faire découvrir
le territoire métropolitain à ses habitants, et de les rendre
fiers de celui-ci. Parmi les projets ayant participé à ce
changement, celui du GR 2013 est exemplaire. En effet ce sentier
métropolitain de 365 km a permis de révéler le territoire
de Marseille-Provence sous un nouveau jour. Fruit d'une collaboration entre de
nombreuses collectivités et acteurs publics, ce projet culturel,
artistique, et touristique invite les marcheurs à découvrir la
singularité et la diversité du territoire.
Figure 24 : Tracé du GR 2013
Source : Site MP 2013
67 Euréval, MP 2013 : L'évaluation,
p.84.
84
85
MP 2013 s'est inscrit pleinement dans les attentes de l'Union
européenne ; le projet a par ailleurs permis une
accélération des chantiers en prenant pour objectif principal la
rénovation de la cité. En s'inscrivant dans l'espace public
à travers de grands événements le projet a aussi permis
une découverte ou redécouverte du territoire par ses habitants.
Mettant en lumière et en valeur les différents
aménagements réalisés les dernières années,
MP 2013 a aussi changé la perception des habitants.
Modifiant positivement l'image du territoire pour les
habitants, MP 2013 a aussi réussi à réconcilier les
habitants de l'aire urbaine avec la ville centre. Souligné par de
nombreux acteurs ce changement de perception à l'égard de
Marseille est un premier pas dans l'élaboration d'une identité
métropolitaine.
Mais analysons désormais les changements d'images qu'a
induits l'année capitale pour le territoire et focalisons nous sur les
touristes et les effets d'attractivité qu'a entrainés MP 2013.
C. Une image changée et une attractivité
retrouvée
Nous allons désormais observer les impacts induits par
MP 2013 sur l'image de Marseille et sur son attractivité.
Dans un premier temps nous verrons comment s'est
opéré et traduit ce changement d'image pour les touristes ; puis
nous verrons quelles stratégies sont mises en place pour s'adapter
à cette nouvelle image.
Il convient tout d'abord de s'accorder sur le concept
d'attractivité, qui peut être défini ainsi : «
l'attractivité d'un territoire est sa capacité à attirer
à un moment donné des ressources spécifiques provenants de
l'extérieur » 68 . Ceci peut se traduire par l'implantation de
facteurs de production, d'habitants ou de touristes.
A. Changement de l'image de Marseille pour les
touristes
Le projet MP 2013 et l'année CEC ont eu plusieurs
impacts pour Marseille, l'impact sur le tourisme est sûrement l'un des
plus importants.
Bien que le territoire de MP 2013 soit déjà un
territoire à forte activité touristique, contrairement à
d'autres CEC comme Lille ou Liverpool, l'année 2013 a été
particulièrement bénéfique pour celui-ci et lui a
apporté une hausse de la fréquentation touristique : au total ce
sont près de 2 millions de touristes supplémentaires qui ont
été accueillis sur le territoire.
Cette hausse du nombre de touristes, Anna Kurta,
salariée et fondatrice de Cap Cult, entreprise spécialisée
dans le champ de la médiation culturelle et s'occupant de faire les
liens entre les CEC et les touristes étrangers, l'explique par deux
raisons :
« Marseille est une ville qui fascine par son
côté populaire et méditerranéen. La diversité
culturelle, bien que peu mise en avant par le projet, est un
élément culturel fort qui attire les touristes
(étrangers). Ce coté rebelle est l'un des atouts qui fait le
charme de Marseille ; il doit être préservé et être
mis en avantd» 69 .
Loin des problèmes sociaux que connait la ville,
Marseille serait désormais une ville à la mode où il
ferait bon venir en vacances pour trouver, ou retrouver, une
authenticité perdue. Les touristes Nord-Européens, ou simplement
venant du Nord de la France et plus particulièrement de Paris,
viendraient chercher dans la cité phocéenne ce côté
rebelle qu'ils ne trouvent plus dans leurs villes de plus en plus
aseptisées 70 .
Néanmoins la CEC a impliqué un changement dans la
démarche de séjour des touristes.
69 entretien avec A. Kurta, le 26 novembre 2014.
70 J. Viard, Marseille le réveil violent d'une ville
impossible.
86
« Maintenant Marseille est reconnue pour son
patrimoine culturel et plus uniquement grâce à son patrimoine
naturel. Un vrai changement s'est opéré dans les séjours
touristiques, et ça c'est grâce à l'année Capitale
» 71 .
Les touristes ne viendraient désormais plus uniquement
pour le patrimoine naturel, mais aussi et surtout pour le patrimoine culturel
et architectural de la ville. La CEC a permis à Marseille de mettre en
avant son patrimoine urbain et de le valoriser. Un changement d'image s'est
produit en 2013. Si l'on s'intéresse aux motivations qui ont
guidé le séjour dans la cité phocéenne, en 2013 81
% 72 des sondés répondaient que la dimension culturelle et
architecturale était la motivation première, devançant le
patrimoine naturel, alors qu'en 2012 les motivations liées au cadre
naturel (79 %) étaient plus importantes que celles ayant attrait aux
caractéristiques culturelles et architecturales (69 %).
L'augmentation de la fréquentation touristique peut
donc être rattachée aux transformations qu'a connues Marseille,
à l'événement qui s'est déroulé en 2013,
mais aussi aux médias. Le rôle des médias et le travail de
marketing territorial a en effet eu son importance, pour l'image de la ville et
la perception qu'en ont les touristes.
Très critique sur les médias français,
qui sont « trop souvent parisiens » et vendent une image peu
flatteuse de Marseille, Maxime Tissot, directeur de l'Office du Tourisme de
Marseille, vante les médias étrangers qui font « un vrai
travail journalistique avec des articles de fond ». S'il est en effet
vrai que la presse française a trouvé ses dernières
années dans la ville de Marseille sa « tête de turc »,
il suffit de lire les dossiers récurrents des hebdomadaires sur les
problèmes que rencontre la ville pour se rendre compte du
Marseille-bashing. Les médias étrangers sont eux moins
virulents à l'égard de Marseille et vantent les mérites de
la ville. Le NewYork Times plaçait Marseille en deuxième position
dans les villes à visiter d'urgence en 2013 73 . Les
médias locaux et internationaux ont été très
positifs à l'égard de Marseille et de MP 2013, contrairement aux
médias français qui ont été plus réticents
à vanter les mérites de Marseille durant l'année 2013.
Toutefois l'attention donnée par l'association à ses relations
presse a porté ses fruits : de nombreux médias nationaux ont
changé d'avis sur Marseille et ont eu un traitement différent de
la ville à partir du printemps. L'ouverture du MuCEM et
l'événement « Entre flamme et flots » ont
marqué un tournant dans le traitement de ceux-ci.
Le traitement médiatique est, même si cela n'est
pas démontrable, influent sur les potentiels touristes et leur venue.
Les médias sont l'un des principaux relais d'information pour un
territoire ; Marseille a bien sur profité du traitement favorable des
médias, mais l'association MP 2013 l'a aussi influencé. En
multipliant le nombre d'accueil des journalistes, MP 2013 a profité de
plus de 10 500 retombées médias.
71 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
72AGAM, Marseille Provence 2013 un effet de levier
pour le tourisme, p.1.
73 The New York Times, The 46 places to go in 2013, 11
Janvier 2013.
87
Figure 25 : Les retombées médiatiques de MP
2013
Source : Rapport d'évaluation MP 2013
Lancée en avril, « Marseille, right now
», la campagne de promotion du territoire, qui a réuni la CCI
Marseille Provence, la Ville de Marseille le Consortium Fly Provence
(regroupant l'Office de Tourisme et des Congrès de Marseille, Marseille
Provence 2013, l'Aéroport Marseille Provence, Bouches-du-Rhône
Tourisme) a aussi joué un rôle. Cette campagne de promotion a
vendue le territoire aux internautes étrangers. Cela a
été, selon M. Tissot le réel départ de
l'année 2013, et a permis une mise en avant de Marseille par les
médias nationaux. Ces éléments peuvent expliquer la hausse
de la fréquentation à partir d'avril.
L'augmentation de la fréquentation touristique par
rapport à l'année 2012 s'est perçue dès le
début de l'année Capitale, s'est accrue à partir de mai,
s'est poursuivie jusqu'en octobre et jusqu'à la fin de l'année.
Ceci peut se percevoir à travers l'évolution des taux
d'occupation mensuels dans l'hôtellerie de chaine. Bien que ne
représentant pas tous les touristes, ce type d'information donne une
tendance générale sur la fréquentation touristique tout au
long de l'année et sur la hausse sensible du taux d'occupation entre
mars et octobre.
Figure 26 : Taux d'occupation mensuel dans
l'hôtellerie en 2012 et 2013 (en %)
Source : Observatoire local du tourisme,
Chiffre-clés 2013
88
Parmi les 1,9 millions de visiteurs supplémentaires qui
ont été accueillis en 2013, il faut noter que la moitié
étaient des excursionnistes (des habitants de départements
limitrophes ne dormant pas sur le territoire), mais que beaucoup venaient aussi
d'autres pays. La fréquentation touristique s'est illustrée par
une part importante de touristes étrangers : 30% des touristes de
l'année 2013 étaient étrangers.
La hausse est d'ailleurs notable pour ce type de touristes,
car ils étaient pour l'année 2013, 23% de plus qu'en 2012. Il
faut aussi relever, bien qu'ils ne représentent que 7% des touristes,
que cette augmentation est d'autant plus forte chez les touristes extra
européens : une augmentation de 35% est à relever pour les
touristes américains et de plus de 60% pour les touristes asiatiques.
Les touristes français restent les plus nombreux et leur nombre est en
augmentation par rapport à 2012, mais dans une moindre mesure car
l'évolution entre 2012 et 2013 n'est que de 4%.
Après avoir analysé les enquêtes et
études commandées par MP 2013 et BdR Tourisme, plusieurs faits
peuvent êtres ressortis. Un grand nombre de touristes venaient pour la
première fois sur le territoire, car 35% des touristes ne connaissaient
pas le territoire. Par ailleurs la quasi-totalité des touristes
étaient satisfaits de leur séjour ; l'analyse que l'Office de
Tourisme et des Congrès de Marseille a réalisée (via la
Ville) montre que plus de 95 % des visiteurs sont satisfaits de leur
séjour à Marseille et 96 % sont prêts à revenir et
à la recommander à leurs amis. Le fait que cette étude ait
été réalisée par la ville, invite à prendre
ces chiffres avec précaution ; néanmoins le résultat est
plus que satisfaisant pour la ville de Marseille
Enfin il faut aussi noter que les touristes étaient
certes plus nombreux, mais que ceux-ci restaient moins longtemps qu'auparavant.
Avec une durée moyenne de 5,6 jours entre mai et octobre, et de 4,6
jours pour le reste de l'année, 2013 semble confirmer la tendance sur
laquelle Marseille a su surfer, celle des « city trip ».
Apparu avec l'essor des moyens de transport, le tourisme urbain est
caractérisé par de courts séjours et se singularise par
des pratiques de consommations de produits urbains. Visites culturelles et
balades urbaines sont caractéristiques de ce type de tourisme.
Cette augmentation de touristes a entrainé des
retombées économiques pour le territoire de MP 2013. L'estimation
des rétombées liées aux touristes et excursionnistes
supplémentaires est d'environ 428 millions d'euros 74.
Figure 27 : Calcul de l'impact économique indirect de
MP 2013
Source : Bouches-du-Rhône Tourisme ; CCIMP
74 Euréval, MP 2013 : L'évaluation,
p.81.
89
90
L'afßuence s'est dans un premier temps ressentie sur le
nombre de nuitées dans les hôtels du territoires. L'année
2013 a permis aux hôtels du territoire d'enregistrer une hausse de 9% du
nombre de nuitées, ce qui est exceptionnel surtout quand le reste de la
région accuse une baisse de 3%.
L'année 2013 aura donc été
déterminante pour l'image de Marseille. Le territoire a grâce au
titre de Capitale Européenne de la Culture été beaucoup
plus visité et plus en vue que les années
précédentes. Néanmoins si MP 2013 a été
l'élément déclencheur, la hausse de la
fréquentation touristique résulte d'une stratégie
touristique mise en place depuis plusieurs années sur ce territoire.
B. Une stratégie et une offre touristique
adaptées et revues en profondeur
Si l'augmentation du nombre de touristes est bien liée
à la CEC, l'accueil d'un tel nombre de touristes a été
possible grâce à une stratégie mise en place par les
pouvoirs publics depuis quelques années. Nous allons donc nous
intéresser à celle-ci et aux éléments sur lesquels
le territoire compte miser pour pérenniser les effets positifs de MP
2013.
Dans un premier temps il faut bien voir que Marseille s'est
dotée depuis plusieurs années d'infrastructures de transports
permettant une augmentation de l'afßuence touristique. L'arrivée
du TGV à St-Charles en 2002 a montré la voie. La desserte
ferroviaire de la ville phocéenne a en effet eu de nombreux effets sur
les connexions établies avec le reste de la France et de l'Europe. La
future connexion avec Londres semble poursuivre ce chemin et permettra à
Marseille d'être encore plus reliée au reste de l'Europe.
Cependant le réel changement et les avancées en
terme de desserte se sont opérés avec « l'ouverture d'un
terminal low-cost à Marignagne. Cela a permis de connecter Marseille au
reste de l'Europe » 75 . Lors de son ouverture en 2007, 1,5 millions
de passagers supplémentaires étaient recensés dans ce hub,
qui au fil des années est devenu de plus en plus important sans que pour
autant le trafic des compagnies régulières diminue. L'ouverture
de ce terminal low-cost est pour le directeur de l'Office du Tourisme, l'un des
éléments qui a permis de faire évoluer l'offre de la
ville. Facile d'accès, Marseille est devenue une ville touristique
favorable aux courts séjours.
Figure 28 : Passagers accueillis à l'aéroport
de Marseille Provence de 1998 à 2013
Source : Observatoire local du tourisme,
Chiffre-clés 2013
75 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
91
Le troisième moyen de transport influent dans cette
ville portuaire est bien sûr le transport maritime. Depuis quelques
années le port de Marseille accueille de plus en plus de bateaux de
croisière, et celui-ci semble être bien positionné dans la
concurrence que se livrent les ports européens. Avec 1,4 millions de
croisiéristes en 2013, les activités de croisières ont pu
se développer ces dernières années notamment grâce
aux efforts réalisés par le port de Marseille. La capacité
d'accueil permettant à 9 bateaux de mouiller dans le port, les
profondeurs de ses eaux et le déplacement d'une partie des
activités industrielles vers Fos ont permis un développement des
activités de croisières. Ainsi, aujourd'hui 40 % des têtes
de lignes se feraient à Marseille pour les croisières sur la
Méditerranée. Maxime Tissot le confie, ceci est très
important pour le nombre de touristes accueillis, mais aussi pour les
dépenses de ces derniers dans la ville. Le départ de 311
croisières du port confirme cette tendance et l'ouverture de 17
nouvelles lignes en 2013 au départ de Marseille est le signe d'un regain
d'intérêt des compagnies pour ce lieu. Là encore une
stratégie a été mise en place pour permettre aux touristes
et aux croisiéristes de se rendre en nombre à Marseille.
Les infrastructures de transport et l'amélioration des
connexions avec le reste de la France et de l'Europe ont permis à la
ville d'augmenter sa fréquentation touristique. Cependant ce n'est pas
le seul facteur ; les investissements réalisés dans l'offre
hôtelière ont aussi rendu possible la hausse du nombre de
touristes. Moins liée à la CEC, l'évolution de l'offre
hôtelière semble plus motivée par la volonté de
rattraper le retard de la ville dans ce domaine. Cette évolution de
l'offre hôtelière a concerné tous les types d'offres,
allant du bas de gamme à l'hôtellerie de luxe, et a porté
le nombre de chambres à plus de 3 000 pour la ville de Marseille. En
2013 l'hôtellerie marseillaise avait achevé sa mutation avec la
quasi totalité de ses équipements réhabilitée. De
plus la ville s'est dotée à travers l'ouverture de l'hôtel
Intercontinental dans l'Hôtel-Dieu, d'une offre haut de gamme qui lui
manquait. Désormais Marseille est capable d'accueillir tout type de
touristes et en nombre important. Si cette offre nouvelle touche que peu les
habitants du territoire, elle est très influente pour les
entreprises.
Marseille est devenue une ville importante dans le tourisme
d'affaires. Profitant de l'effet comète de 2013, Marseille est devenue
en 2013 la deuxième ville d'accueil de congrès de France, devant
Lyon et derrière Paris. Bien que ceci soit fortement
corrélé à la CEC, « de nombreuses
sociétés ont choisi d'organiser leur séminaire annuel ou
événement à Marseille, profitant de l'opportunité
de la CEC » 76 ; ce changement résulte aussi d'une
stratégie enclenchée de longue date. « Certains
chantiers comme le palais du Pharo, ou le parc Chabot, ont permis de changer
l'image de la ville et de reprendre des parts de marché »
77. La rénovation ou la création
d'équipements destinés à accueillir ce type
d'activités, notamment dans le périmètre
d'Euroméditerranée, a permis à Marseille de se
démarquer des autres villes.
Il ressort donc après cette année 2013, un fort
dynamisme au niveau touristique. Ceci a été rendu possible
grâce à des efforts entrepris de longue date, mais a aussi
été influencé par la CEC.
L'année 2013 a par ailleurs eu des répercussions
sur la mise en réseau des professionnels du tourisme. Selon M.Tissot, la
mise en relation des offices du tourisme et la création d'une direction
de l'attractivité par la ville de Marseille, sont l'un des apports de
76 Euréval, MP 2013: L'évaluation,
p.65.
77 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
92
l'année 2013. Souhaitant mieux réfléchir
à sa programmation événementielle, la ville de Marseille
s'est associée à l'OfÞce du Tourisme pour mettre en place
une réelle stratégie touristique, stratégie qui se base
principalement sur l'accueil de grands événements. La mise en
relation des acteurs du tourisme a d'ailleurs permis à Marseille de
changer d'image :
« La ville n'est désormais plus un point de
passage, mais un média permettant de communiquer et de vendre la
Provence déjà reconnue pour ses qualités touristique
» 78.
Désormais au centre de l'échiquier, Marseille se
doit de rassembler et de diffuser sur l'ensemble du territoire
métropolitain. Une des clés de la métropole est aussi dans
les mains des touristes et dans les demandes de ceux-ci. Les mobilités
touristiques en 2013 montrent que ces derniers ont bougé sur le
territoire de la Capitale Européenne de la Culture ; une adaptation des
moyens de transport au sein du territoire est donc à prévoir pour
satisfaire leurs attentes.
Figure 29 : Les mobilités touristiques en 2013
Source : Rapport d'évaluation de MP 2013
Au vu des résultats de l'année 2013, la ville
semble avoir opté pour une stratégie favorisant l'accueil de
grands événements : en 2016 l'Euro de Football, en 2017 la
Capitale du sport. La ville souhaite poursuivre sur ce phénomène
d'année capitale dans une volonté d'attirer toujours plus de
touristes. Cependant bien qu'une telle stratégie soit pertinente pour
accueillir des touristes, l'est-elle pour les habitants et la poursuite des
efforts réalisés dans la culture ?
78 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
93
Le travail des acteurs culturels ne va-t-il pas s'effacer si
les moyens investis sont réduits ? C'est en tout cas la crainte de
nombreux acteurs culturels qui voient la stratégie mise en place par
Marseille d'un mauvais oeil.
« La volonté de miser sur d'autres grands
événements n'est pas optimale : elle résulte d'une
façon obsolète de comprendre la culture qui n'est pas un
événement marqué dans le temps, mais un projet à
poursuivre. Le risque de MP 2017 Capitale du sport est que les efforts faits en
faveur de la culture ne soient pas poursuivis, et que les décideurs
politiques laissent la culture de côté en estimant qu'il ont
déjà répondu à la question » 79.
Comment ne pas donner raison à ces discours, quand
l'adjointe au maire de Marseille pense la stratégie de la ville de cette
manière :
« La culture : on a eu le projecteur sur 2013, on
continue à surfer là dessus en 2014, mais cela va forcement
s'étioler ; il faut de nouveaux éléments
déclencheurs. » 80
Il faut donc s'intéresser aux réelles
motivations de la ville et du territoire à la sortie d'une année
capitale de la culture : sont-elles de porter la dimension patrimoniale et
culturelle comme fer de lance de l'attractivité du territoire ; ou
l'accueil de grands événements attirant un nombre important de
visiteurs sur le territoire est-il plus important ? La ville semble avoir fait
son choix, l'avenir dira si celui-ci est judicieux. La création d'une
Biennale des Arts du cirque montre cependant une forme de pérennisation
d'un élément fort de l'année Capitale. Il faudra tout de
même attendre de voir ci celle-ci reprend bien l'esprit de MP 2013 et si
elle touche l'ensemble du territoire.
Modifiant l'image du territoire, MP 2013 a été
suivi d'une augmentation de l'afßuence touristique. S'inscrivant
pleinement dans une stratégie touristique basée sur
l'événementiel, MP 2013 a permis de révéler le
potentiel et le capital culturel de la ville et de la métropole.
Ce genre de stratégie est pourtant risqué,
l'exemple de Valence semble le montrer. Ne dénigrant pas ce type de
politique, il ne faut pas pour autant que Marseille oublie ses habitants en
mettant en place des actions courtes uniquement basées sur l'accueil de
touristes et d'événements.
Dynamisant l'attractivité de la ville et favorisant son
rayonnement, voyons comment MP 2013 a été un
événement catalyseur qui a été suivi par le monde
économique et qui a rassemblé les acteurs publics.
79 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
80 entretien avec L. Caradec, le 28 novembre 2014.
94
D. Un événement catalyseur...
Nous allons maintenant nous intéresser à ce qu'a
entrainé MP 2013 au niveau des relations institutionnelles, et nous
verrons comment le projet a été un événement
catalyseur, a été suivi par le monde économique et les
pouvoirs publics et comment celui-ci a favorisé la construction
métropolitaine.
Avant tout il convient de préciser que le budget de MP
2013 était de 102,1 millions d'euros pour la durée du projet
(2008-2013), auquel il convient d'ajouter les 4,75 millions d'euros
correspondant à la phase de candidature.
A. É Suivi par le monde économique
Tout d'abord, nous l'avons évoqué, mais il est
bon de le rappeler, le projet MP 2013 a été largement suivi et
porté par le monde économique.
Dès 2003 des chefs d'entreprises, à travers le
groupe des « Mécènes du Sud », avaient mis la culture
au coeur de leur préoccupations et souhaitaient investir dans celle-ci.
Soucieux de l'environnement dans lequel évoluaient les entreprises et
leurs employés, Mécènes Sud a très tôt
soutenu la création artistique liée au territoire
Marseille-Provence. En parallèle la CCIMP menait depuis plusieurs
années des études stratégiques sur le rayonnement et
l'attractivité du territoire. La culture avait été
identifiée comme un levier à renforcer pour attirer touristes et
investisseurs. La perspective d'une Capitale Européenne de la Culture en
France en 2013 est donc apparue comme une opportunité pour les acteurs
économiques. De plus ce projet pouvait s'inscrire dans les
réflexions des acteurs publics, et répondait à des
intérêts partagés par le monde institutionnel et le monde
économique.
Bien que la CCIMP ne soit pas l'instigateur du projet MP 2013,
elle s'est beaucoup impliquée dans la candidature de Marseille et a
produit de nombreuses études pour mieux définir le projet.
L'étude « Que pourrait faire le monde économique dans
une perspective d'une Capitale Européenne de la Culture », a
par exemple abouti et débouché sur la proposition « 1 000
entreprises, 1 000 talents », qui s'est transformée et est devenue
in fine « les ateliers de l'Euroméditerranée ».
Par ailleurs en confiant à Jacques Pfister,
président de la CCIMP, le pilotage du projet de CEC, le maire de
Marseille va envoyer un signal fort. Dans un premier temps il permet de
réunir le monde économique, mais aussi de réunir les
responsables politiques des différents territoires :
« J.Pifster est sollicité par le maire de
Marseille car il rassemble, et peut rallier un territoire métropolitain.
De plus J.Piefster n'est pas un politique, il n'est donc pas clivant et peut
réunir le monde économique » 81 .
Les acteurs économiques vont alors fortement
s'impliquer dans la candidature puis pendant la phase de conception du projet.
Certains accompagneront même l'équipe de MP 2013 lors de
déplacements dans des villes ayant été capitale, afin de
capitaliser sur les expériences antérieures.
81 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
En 2008, à l'annonce de la désignation de
Marseille-Provence comme CEC, le monde économique va renforcer sa
mobilisation, notamment au niveau financier. Après 3 années de
prospection, MP 2013 a pu compter sur l'engagement de 207 entreprises.
Impliquées à tous les niveaux du dispositif de partenariat mis en
place, ces entreprises ont apporté une contribution de plus de 16,5
millions d'euros.
Ces apports représentent 16% du budget de la CEC et
sont supérieures aux 14,7 millions espérés. Par ailleurs
ce montant intégre des contributions financières, des apports en
nature, mais aussi en compétences. Une part non négligeable des
contributions en nature, 2 millions d'euros, ne correspondait pas à des
postes de dépenses prévus par l'association mais ont
participé à la mise en oeuvre et à la promotion de la
Capitale 82 .
Parmi les entreprises qui se sont mobilisées, il faut
noter que les grandes entreprises locales se sont particulièrement
investies car 8 des 12 premières entreprises du département, en
termes de chiffre d'affaires, étaient partenaires de MP 2013. Il faut
aussi noter que 14 entreprises ont apporté plus des 3/4 des recettes de
mécénat et parrainages à elles seules.
Figure 30 : Ventilation des recettes de
mécénats par niveau de partenariat
Source : Bilan Mécénat de MP 2013
Pour autant le système mis en place par l'association a
aussi permis aux PME de s'investir dans le projet. Avec un « ticket
d'entrée » de 1 000 euros pour rentrer dans le club, MP 2013 a
permis de mobiliser largement les entreprises et plus que lors des
précédentes CEC. En effet Lille 2004 s'était appuyé
sur, seulement, 82 entreprises partenaires qui lui avaient apporté 13
millions d'euros.
Néanmoins le soutien des entreprises à la CEC ne
s'est pas arrêté là car 30% des entreprises ont
communiqué autour de la CEC, qu'elles soient impliquées ou non
dans la préparation et la mise en oeuvre de la CEC. Les PME ont par
ailleurs été plus de 25% à développer de nouveaux
produits ou services en 2013. Cependant tous les secteurs ne se sont pas
mobilisés de la même manière autour du projet ; c'est le
cas des commerces. Bien que supportant la CEC au court de l'année 2013,
94 % d'entre eux n'avaient pas proposé d'actions spécifiques le
week end d'ouverture.
82 MP 2013, Bilan du mécénat de
Marseille-Provence.
95
96
Enfin il faut noter que le monde économique a aussi eu
une participation aux projets culturels. Grandes comme petites entreprises ont
participé de façon renforcée à l'activité
culturelle du territoire. Ceci a pu s'effectuer de deux manières :
à travers l'engagement direct auprès des acteurs culturels et par
la communication sur les projets culturels. Les Ateliers de
l'Euroméditerranée ont montré que les entreprises se
mobilisaient en faveur de la culture, car plus de 60 résidences de
créations artistiques se sont déroulées dans des lieux non
dédiés à l'art. D'autres part de nombreuses entreprises
ont affiché leur soutien au projet à travers l'habillage de leurs
agences, la création de dispositifs favorables à la culture comme
par exemple la distribution de places aux employés.
Tous ces investissements n'ont bien sur pas été
faits sans but. La CCIMP avait identifié depuis longtemps les
bénéfices et les externalités positives d'un tel
événement. Pour autant, le fait que le projet ait
été suivi par le monde économique a permis d'envoyer un
signal fort. Ceci a montré que l'ensemble du territoire était
capable de se réunir autour d'un projet commun. La majorité des
acteurs rencontrés est d'ailleurs satisfaite de cette union autour d'un
projet commun, et trouvait la mobilisation des acteurs économiques
exemplaire.
« On a besoin d'attractivité, il faut mailler
toutes les forces vives de la ville, il faut donner une image
générale de dynamique de la ville. » 83
La CEC a permis de montrer qu'aujourd'hui le territoire est
l'un des plus dynamiques de France. De nombreuses entreprises s'installent sur
celui-ci et Marseille devient une alternative à Paris ou Lyon. A grand
renfort de campagnes et de spots publicitaires, la CCIMP vante les
mérites de la ville et du territoire, pour montrer le dynamisme issu de
l'année Capitale. Cherchant à « rester capitale »,
le territoire souhaite aujourd'hui et demain attirer plus d'entreprises ;
ainsi ce dernier mise sur les entreprises pour encourager son
développement. Devenant ainsi une métropole attractive sur le
plan national mais aussi international, le monde économique a su tirer
profit de 2013 en communiquant sur les externalités du territoire.
B. ...Déclencheur d'investissements publics
Si la CEC a mobilisé les acteurs économiques,
elle a aussi été largement suivie par les acteurs publics.
Participant au budget de l'association, les acteurs publics ont par ailleurs
beaucoup investi dans des projets d'investissements qui ont compté dans
le succès de l'année Capitale.
Les acteurs publics ont en effet beaucoup investi dans le
budget de l'association et dans les projets culturels qu'elle portait, car les
subventions publiques à Marseille Provence 2013, hors Europe,
étaient de 74,89 millions d'euros.
83 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
Figure 31 : Les subventions publiques à Marseille
Provence 2013
Source : Rapport d'évaluation MP 2013
Témoignant d'une réelle coopération
financière, l'analyse du schéma ci-dessus, montre aussi qu'il y a
eu une réelle solidarité entre les différents acteurs
publics. Celle-ci peut s'expliquer par la centralisation du financement
à l'association MP 2013. Consacré par la Charte des membres
fondateurs et fondateurs associés annexée au dossier de
candidature, le principe de centralisation recouvre trois grandes dispositions
précisées dans la Charte.
« En premier lieu, le projet de budget,
définissant la répartition de l'effort financier entre les
membres, a été élaboré par l'association et
validé par son Conseil d'Administration. En deuxième lieu, les
subventions allouées par les collectivités ont abondé un
budget global géré par l'association, excluant ainsi le
fléchage d'un financement sur une ou plusieurs manifestations
spécifiques. En troisième lieu, la programmation de la CEC MP
2013, la répartition des manifestations sur le territoire et leur
transcription budgétaire relevaient de la compétence de
l'association et étaient soumises pour validation au Conseil
d'Administration après avis du comité de pilotage »
84.
Cela a permis à l'association d'établir une
réelle dynamique de solidarité entre ses membres, mais a aussi
encouragé la tenue de projets dit « transversaux », que l'on
pourrait qualifier de projets trans-territoriaux. Ne pouvant être
affectés à un territoire en particulier, ces projets incarnent
tout particulièrement la dimension territoriale de la CEC MP 2013 en
fédérant plusieurs entités du territoire autour d'une
proposition culturelle. Loin d'être anecdotique, ces projets
représentaient 27,1% du montant total des projets (évalué
à 52,7 millions d'euros), et étaient représentatifs de la
logique de solidarité qui s'est mise en place pour le projet CEC MP
2013.
Constituant l'un des plus gros budgets des CEC, MP 2013 est
révélateur de l'effort consenti par ses différents
membres. D'autant plus que les subventions allouées correspondaient
à de nouveaux projets. Le rapport de l'INET montre ceci :
84 INET, Marseille-Provence 2013 : leçons d'une
expérience, p.23.
97
« Cette somme représente un effort d'autant
plus important pour les membres que celle-ci ne devait permettre,
conformément à la Charte des fondateurs et des fondateurs
associés, de financer que des mesures nouvelles, « sans
réduction des budgets structurels préexistants et sans
valorisation de l'ordre de marché des équipements culturels ni
des apports en industrie des différents partenaires (communication,
police, nettoiement, services techniques, ...). Ces dernières
dépenses, inhérentes à la tenue des manifestations
organisées dans le cadre de la CEC MP 2013, ont pourtant
représenté des sommes importantes pour les différentes
collectivités ainsi que pour l'État, même si elles restent
difficiles à évaluer précisément » 85.
Ainsi, l'apport des collectivités est remarquable et ne
constitue pas un financement fléché. Cependant il faut noter que
l'apport financier de la ville centre, Marseille, est relativement
limité au regard des expériences passées. Habituellement
le financement de la ville principale représente 1/3 voire la
moitié de l'apport en subventions, comme c'était le cas pour
Lille et Liverpool. Pour la CEC de 2013, l'apport en subventions de Marseille,
qui était de 15 millions représentait seulement 20,6% des
subventions publiques totales, hors subventions Europe.
Pour autant le retour sur investissement des
collectivités est positif. La mise en parallèle du montant de la
subvention allouée par chaque collectivité avec le montant des
projets soutenus sur leur territoire, sans prise en compte des frais
liés au personnel de MP 2013 et sans re-ventilation des projets
transversaux, aboutit à un taux de retour médian pour les huit
premières collectivités financeurs égal à 96 % et
à un taux moyen de 101 %. Ces résultats témoignent de
l'attention portée par chaque collectivité à ce que leurs
contributions apportées à l'association MP 2013 se traduisent par
un soutien aux projets de leur territoire en proportion.
Figure 32 : Taux de retour par collectivités
membres
Source : Rapport INET
85 INET, Marseille-Provence 2013 : leçons d'une
expérience, p.25.
98
99
Au-delà du financement de l'association et des projets
soutenus, les collectivités territoriales et l'État ont choisi
d'investir de façon importante dans de nombreux projets connexes et
notamment des projets d'équipements structurants. Ces investissements
ont participé à « l'effet 2013 » surtout sur le long
terme. Bien que des équipements soient issus d'une réflexion de
longue date souvent antérieure à l'obtention du label,
l'événement de 2013 a permis de cristalliser et
d'accélérer des prises de décisions d'investissements.
Ainsi des projets d'investissements programmés pour 2014 ou 2015 ont
été anticipés et certains projets d'investissements ont pu
être relancés. Au total 665 millions d'euros ont été
investis dans plus de 40 chantiers culturels emblématiques. Le
détail des chantiers culturels emblématiques (graphique
complémentaire n°7 placé en annexe) nous montre que c'est
l'épisode 2 qui a le plus concentré d'investissements.
L'après 2013 montre que par ailleurs le territoire va
bénéficier de près de 200 millions d'euros
d'investissements sur la période 2014-2020.
C. É Créateurs de synergies et
pérennisation
Le dernier effet de la CEC que nous analyserons est la
création de synergies que l'événement a produites pour
l'ensemble du territoire. La CEC et MP 2013 ont en effet eu un impact
très influent sur la mise en réseau des différents acteurs
du territoire.
Cette mise en réseau a touché, dans un premier
temps, les acteurs culturels. Le rapport d'évaluation de MP 2013 et le
rapport de l'INET montrent que la CEC MP 2013 a été l'occasion
pour différents acteurs culturels de nouer des coopérations entre
eux. Bien que de nombreux acteurs culturels pratiquaient déjà des
partenariats, 73 % 86 des acteurs culturels indiquaient avoir construit de
nouveaux partenariats lors de l'année 2013, ceux-ci pouvant être
d'ordre financier (39%) et/ou pour la conception et la réalisation de
projets (51%). Parmi ces nouveaux partenariats, les coopérateurs sont
divers et variés : les opérateurs culturels occupent bien
sûr une place importante, mais on compte aussi des associations, des
collectivités et des acteurs sociaux.
De multiples exemples peuvent être cités.
Cependant attardons nous sur les coopérations qu'on pu développer
les acteurs culturels entre eux. La constitution d'un « club Joliette 4
(J4) », par exemple, réunissant les institutions muséales du
périmètre de l'Opération d'Intérêt National
Euroméditerranée (le MuCEM, la Villa Méditerranée,
le Centre International du Verre et des Arts Plastiques, le Fond
Régional d'Art Contemporain et la Fondation Regard de Provence
-initiative privée) représente une avancée notable. Ce
club s'appuie sur une charte de signalétique commune et de tarification
coordonnée, met en place des opérations de « co-valorisation
» du site et réfléchit à un système de billet
combiné. La CEC a encouragé ces nouveaux acteurs culturels
à coopérer. D'autres acteurs culturels ont noué des
partenariats nouveaux : le théâtre de la Criée a ainsi
développé les Folles journées de la Criée avec le
Festival de la Roque d'Anthéron (territoire de la CPA) ; le Festival
International d'Art Lyrique d'Aix-en-Provence a co-produit une création
avec MP2013 et le théâtre des Salins à Martigues,
renforçant ainsi sa dynamique locale. La coopération entre
acteurs culturels ne s'est donc pas limitée aux frontières
territoriales mais elles les a dépassées, ce qui est sans doute
l'un des grands succès de l'année capitale.
86 Euréval : MP 2013 : L'évaluation,
p.92.
100
Les synergies crées par la CEC ont aussi
concerné les collectivités de deux manières : en interne,
et pour les relations entre elles.
La CEC MP2013 a favorisé un dialogue interservices,
essentiellement à l'intérieur des frontières communales et
intercommunales. En effet la CEC MP 2013 a permis à certaines
collectivités de mieux coordonner leurs services, c'est le cas pour
Marseille. En créant la mission 2013, la ville de Marseille a
souhaité faire le lien entre le projet culturel et ses différents
services. Cherchant à coordonner les différents services, la
mission 2013 a été créée en 2007 et a tout au long
du projet accompagné l'association et les différents services de
la ville pour que ceux-ci collaborent et prennent conscience de l'enjeu de
2013. Jouant un rôle de coordinateur, la mission 2013 a, selon Sthephane
Bassile directeur de la Mission 2013, facilité la relation entre les
services de la ville et les autres collectivités. Bien qu'aucun blocage
n'ait eu lieu en raison de l'entente politique autour du projet, « la
répartition des compétences entre échelons territoriaux
n'est pas optimale pour l'accueil d'un grand événement, la
mission avait alors tout son intérêt » 87.
Les effets de la CEC se sont aussi ressentis dans les
relations entre les collectivités ; celles-ci ont en effet
créé des relations formelles ou informelles reconÞgurant
ainsi la cartographie des coopérations sur le territoire. En permettant
la création d'outils de gouvernance métropolitaine appelés
les comité territoriaux de programmation, MP 2013 a fait discuter les
différents territoires et a enclenché un débat
métropolitain. Cette tâche n'a pas été facile car il
a fallu inventer cette coopération territoriale, mais elle constitue la
réelle avancée politique du projet :
« L'objectif politique du projet MP 2013 était
la réussite d'un dialogue et d'un projet commun entre les
différents territoires, et cet objectif a été atteint.
Nous l'avons vu, bien que certains aient été réticents ou
aient bloqué à certains moments le projet, les acteurs politiques
se sont réunis autour de MP 2013. Je ne crois qu'un projet commun entre
Aix et Marseille aurait été possible sans la CEC »
88.
Le meilleur exemple de cette coopération territoriale
est sans aucun doute la mise en place d'un « Pass transport »
à l'échelle du territoire. La signature d'une convention par les
6 EPCI du territoire montre bien que celles-ci ont coopéré pour
une plus grande efÞcience des transports. La Communauté Urbaine
Marseille Provence Métropole a joué un rôle important dans
le pilotage de la thématique transports, en réunissant l'ensemble
des acteurs concernés : MP 2013, la ville de Marseille, le Conseil
Général, le Conseil Régional, l'Agence d'urbanisme de
l'agglomération de Marseille (AGAM), le Syndicat Mixte de Transport des
Bouches-du-Rhône (SMT), la Régie des transports de Marseille (RTM)
et l'Etablissement Public Euroméditerranée (EPAEM), ainsi que des
collectivités qui pouvaient être invitées
ponctuellement.
Cependant aujourd'hui la question se pose vis-à-vis des
restes de la coopération et des synergies créées. Bien que
les personnels de l'association, mis à disposition par les
différentes collectivités soient retournés dans leurs
services et que ceux-ci coopèrent de fait, la question se pose de la
coopération ofÞcielle entre les collectivités, et notamment
entre les 6 EPCI.
87 entretien avec S. Bassille, le 28 novembre 2014.
88 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
Aujourd'hui fortement entravés par la loi MAPTAM et ses
détracteurs, les liens entre collectivités sont au points mort ;
pourtant selon Ulrich Fuchs ceci est ce que pouvait apporter de mieux la CEC
:
« La pérennisation de
l'événement dépend des acteurs locaux qui doivent se
saisir de la formidable occasion qu'a été l'année
Capitale. Bien que l'association ait encore des responsabilités, les
acteurs des territoires qu'ils émanent de la sphère publique ou
de la société civile, doivent prendre les leurs pour
coopérer » 89.
Il est donc essentiel de ne pas laisser retomber les efforts
consentis et de monter d'autres projets réunissant le territoire car
celui-ci, uni est capable de porter de belles réussites. Allant dans ce
sens, la récente obtention du label French Tech, semble montrer que les
liens créés entre les territoires se sont
pérennisés et que la coopération territoriale est possible
autour d'un projet commun.
Néanmoins lorsque l'on s'intéresse à
d'autres thématiques, comme les transports ou la préservation de
la bio-diversité et des sols, il faut se rendre à
l'évidence : les communautés urbaines ne travaillent pas
ensemble, chacune reste dans son territoire et aucune, mis à part MPM ne
souhaite porter des projets de territoire d'envergure métropolitaine.
101
89 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
Nous avons pu le voir tout au long de cette partie, MP 2013 a
été un projet culturel de territoire. Réunissant
différentes intercommunalités autour d'une volonté
commune, développer et montrer la culture du territoire, la CEC a aussi
permis de « rénover la cité ». En fournissant
un calendrier, le titre de CEC a encouragé les acteurs publics a
accélérer les chantiers et projets en cours pour que tout soit
prêt pour l'année 2013. Catalysant les investissements publics, la
CEC a fortement modifié l'image de sa ville centre : Marseille. Ce
changement de perception s'est produit chez les touristes mais aussi, et cela
est certainement plus important, chez les habitants du territoire.
En appliquant une stratégie touristique
recherchée, l'événement a été une
énorme réussite pour le territoire qui n'avait « rien
gagné depuis un demi-siècle » 90 . Néanmoins
aujourd'hui la question se pose de la pérennisation de cet
événement. Au niveau de la stratégie touristique, la ville
de Marseille semble avoir opté pour un politique d'accueil de grands
événements. Si au niveau culturel les suites de MP 2013 peuvent
se ressentir avec l'instauration d'une Biennale des Arts de la rue, de nombreux
acteurs culturels sont méfiants vis à vis de cette
stratégie et ont peur d'être délaissés.
C'est au niveau de la coopération territoriale que les
doutes persistent. Ayant travaillé « main dans la main » pour
la préparation du projet, les rapports entre les différents EPCI
sont aujourd'hui au point mort. La nouvelle loi a en effet eu pour effet de
rompre tout contact entre les différents territoires. Alors que
l'année capitale et la réussite d'un projet commun ont
montré les bienfaits de la coopération territoriale, les acteurs
sont fortement opposés à la création de la
métropole. MP 2013 a donc encouragé la future métropole,
mais celle-ci reste entre les mains des élus locaux et de la mise en
application de la loi. Aujourd'hui bien que des services techniques
coopèrent et perçoivent l'intérêt de la construction
métropolitaine les élus campent sur leurs positions et ne veulent
en aucun cas s'intéresser aux solutions que la métropole pourrait
apporter. Afin de clore ce mémoire nous allons, en nous basant sur les
travaux de la mission interministérielle, nous pencher sur les solutions
et les projets que pourrait entrainer la métropole d'Aix-Marseille.
90 J. Viard, Marseille, le réveil violent d'une ville
impossible.
102
103
Conclusion et pistes pour le projet
métropolitain
Nous avons pu le voir, Euroméditerranée et MP
2013 sont deux projets de dimension métropolitaine. Que cela soit par la
dimension et les problématiques traitées pour
Euroméditerranée, ou à travers la coopération
territoriale et la mise en place d'un projet commun pour MP 2013, ces deux
projets ont transformé le territoire. Ils ont permis à ce dernier
de rayonner et d'améliorer l'attractivité de Marseille et de son
aire métropolitaine. Néanmoins si ces deux projets ont
encouragé la construction métropolitaine, aujourd'hui les
discussions et les débats autour de la future métropole
Aix-Marseille-Provence sont centré sur sa forme institutionnelle.
En effet, nous l'avions déjà
évoqué en introduction, les anti-métropolitains sont
farouchement opposées à la construction d'une métropole
telle que le propose la loi MAPTAM. En cause, la gouvernance institutionnelle
du futur Conseil métropolitain et l'absence de personnalité
juridique des territoires. La loi prévoit actuellement que la
composition du Conseil métropolitain soit distribuée au prorata
de la population. « Ce qui est inadmissible » selon
Gérard Brainmoulé, vice-président de la Communauté
du Pays d'Aix et maire-adjoint chargé des finances. Proposant de prendre
en considération la taille des territoires, en justifiant que la
métropole aura pour principale compétence l'aménagement du
territoire, l'élu du Pays d'Aix ne souhaite pas voir un conseil
métropolitain composé par une majorité d'élus
marseillais. L'autre point de discorde est l'identité des territoires ;
ne prévoyant pas ceci, les opposants craignent la mise en place d'un
monstre administratif trop lointain des citoyens, et ne comprennent pas que
cela ait été accordé à la future métropole
du Grand Paris.
Le dernier point problématique que nous
évoquerons ici concerne les ressources et les finances de la future
métropole. Fortement opposés à la mise en place d'une
fiscalité unique sur le territoire métropolitain, les
anti-métropolitains ne souhaitent pas voir leur bonne gestion de la
ville disparaitre au profit d'une fiscalité unique.
Dénonçant « un véritable hold-up », et
ne souhaitant « pas payer pour les marseillais »,
M.Brainmoulé craint une baisse des investissements de son
intercommunalité. Pour contrer ce point de vue la mission
métropolitaine, en charge de la mise en place du projet
métropolitain, avance l'argument qu'aujourd'hui celle-ci est une
nécessité.
« Marseille qui est une ville pauvre, compte de
nombreux équipements majeurs de pointe qui profitent à toute
l'aire urbaine. Ce patrimoine commun est partagé, il est normal que les
coûts le soient aussi » 91 .
Aujourd'hui une grande opposition existe donc vis à vis
de la métropole, mais celle-ci n'est pas portée contre le projet,
mais plutôt contre le cadre juridique et les dispositions que
prévoit la loi. Intéressons nous donc au projet porté par
la mission interministérielle et aux thèmes structurants du
projet métropolitain.
Présentés lors de la troisième
conférence métropolitaine en décembre 2014, au palais du
Pharo à Marseille, les travaux de cette équipe se sont
focalisés sur quatre thèmes structurants du projet
métropolitain. Principal problème de l'aire urbaine, la mission
métropole a bien évidemment réfléchi à la
question des transports, mais elle a aussi travaillé sur la mise en
adéquation des pôles économiques et territoriaux, sur la
cohésion sociale du territoire et sur le rapport entre ville et nature.
Nous allons donc nous intéresser
91 entretien avec V. Fouchier, le 14 janvier 2014.
plus en détails à ces thèmes et aux
travaux de la mission métropole pour voir comment la future
métropole pourrait répondre à ces enjeux.
Identifiés comme l'une des principales entraves au
développement de la métropole Aix-Marseille, les freins à
la mobilité sont aujourd'hui de plus en plus importants sur le
territoire de l'aire urbaine. Si la contrainte géographique liée
au relief particulier du territoire explique une part de la mobilité
métropolitaine, les caractéristiques de l'urbanisation des
dernières décennies sont venues fortement l'influencer au profit
des déplacements en voiture. En effet le développement
territorial ne s'est pas assez articulé autour du réseau de
transports existant : sur les quinze dernières années seuls 50 %
des constructions de surfaces de bureaux se sont faites dans des communes
reliées au réseau de transports, contre 70 % dans la
métropole lyonnaise 92 . Par ailleurs « Le «
futur engagé », tel que le préparent les documents de
planification des intercommunalités de la métropole, laisse
présager une aggravation de l'écart entre dynamiques
territoriales et offre de mobilité » 93.
Face à ce constat alarmant, la mission métropole
a fait différentes propositions pour améliorer la mobilité
au sein de la future métropole. En s'appuyant sur le réseau
existant et à travers une optimisation de services, les travaux de la
mission métropole proposent de combiner vitesse et desserte fine du
territoire afin de cibler les pôles de développement à
soutenir par l'offre de transport. En reliant les polarités
métropolitaines, notamment par la création de liaisons
métropolitaines transversales, deux schémas se dessinent.
Élaborée en collaboration avec des partenaires
de poids dans le domaine des transports, la mission métropolitaine dans
la poursuite du chantier « mobilité et accessibilité »
a ainsi proposé un livre blanc des transports, composé de deux
scénarios. Piloté par Vincent Fouchier et répondant tous
les deux à une ambition multimodale au niveau métropolitain, ces
scénarios doivent désormais recevoir l'adhésion des
intercommunalités pour que l'un de ceux-ci soit optimal, et mis en
oeuvre.
Figure 33 : Scénarios proposés par le Livre
Blanc des transports
Scénario Inter-pôles Scénario Ring
Source : Livre Blanc des Transports
92 Mission interministérielle, La métropole en
projets : intentions d'étape, p.40.
93 Mission interministérielle, La métropole en
projets : intentions d'étape, p.41.
104
En parallèle de ces travaux sur les mobilités,
la mission métropole a aussi réfléchi à
l'articulation et à la complémentarité des pôles
économiques et des territoires composant l'aire métropolitaine.
Euroméditerranée joue par ailleurs un rôle primordial dans
l'articulation des pôles économiques. Plus vaste métropole
de France, le défi et la difficulté du projet
métropolitain ne viennent pas de l'extérieur, mais bien de
l'intérieur. « De par sa taille et sa diversité, le sens
même du projet métropolitain d'Aix-Marseille-Provence, c'est de
concourir à la métropole des liens » 94 .
Basés sur la notion d'archipel, afin d'induire une
nouvelle lecture du système métropolitain, les travaux de la
mission interministérielle proposent trois interpellations
stratégiques pour contribuer au débat métropolitain. La
première interpellation concerne le pôle Vitrolles - Marignane, et
la promotion de la fonction d'articulation interne et externe de ce territoire
central qui actuellement ne tire pas parti de sa position de carrefour. La
seconde interpellation s'intéresse aux territoires de l'Étang de
Berre. Pôle majeur et essentiel à la puissance économique
et au rayonnement de l'ensemble métropolitain, ce territoire doit se
doter d'une ambition urbaine pour q'un rééquilibrage entre
territoire de production et de consommation se produise et s'opère au
sein du système métropolitain. La troisième interpellation
que fait la mission métropole est d'étendre les avantages
métropolitains au-delà des coeurs urbains qui en
bénéficient actuellement.
Dans ce cadre là et afin de promouvoir le rayonnement
et l'attractivité du territoire métropolitain, les travaux de
l'équipe de Vincent Fouchier proposent de s'appuyer sur un triptyque
économie, culture et ville. Proposant dans un premier temps une
valorisation du port, dans le cadre de la création d'un hub portuaire
international, la mission métropole a aussi engagé d'autres
pistes de réflexions pour promouvoir le territoire. S'appuyant fortement
sur le projet MP 2013, la revendication d'une ambition culturelle et urbaine
est perçue comme un marqueur international pouvant distinguer la
métropole. En encourageant les démarches « d'innovation
d'usage », la mission interministérielle pense pouvoir renforcer
les liens entre citoyens, entreprises, chercheurs et doter la métropole
d'une réelle plue-value.
En lien avec la complémentarité des pôles
économiques et territoriaux, la mission métropole s'est
penchée sur la cohésion territoriale d'un point de vue social.
Diversifié, multiculturel et pluriel, ce qui constitue la richesse de la
métropole a aussi été pointé par l'OCDE comme l'une
de ses principales faiblesse.
« Les défis les plus importants pour l'aire
métropolitaine Aix-Marseille-Provence ne viennent pas tant de
l'extérieur, dans la concurrence avec les autres métropoles
européennes et mondiales, que de l'intérieur comme frein à
une croissance inclusive et soutenable du territoire » 95 .
Les questions de cohésion sociale et territoriale
concernent l'ensemble de l'aire métropolitaine ; en outre la
solidarité territoriale à inventer sera un enjeu capital dans la
réussite du projet métropolitain. Cherchant à trouver un
développement plus inclusif tant à l'échelle locale, mais
aussi métropolitaine les réponses données par la mission
métropole suggère de penser la cohésion territoriale selon
deux registres distincts mais
94 Mission Interministérielle, La métropoles
des archipels, p.1
95 OCDE, Vers une croissance plus inclusive de la
métropole Aix-Marseille,
105
106
interdépendants : les hommes et les territoires.
Proposant ainsi d'ouvrir les capacités d'actions de tous les habitants
par un accès facilité aux ressources métropolitaines, la
mission métropole souhaitent que les futurs décideurs, en lien
avec les habitants élaborent une stratégie volontariste,
partagée et durable. En complément, l'équipe en charge du
projet métropolitain travaille sur une adaptabilité des
politiques de cohésion en fonction des territoires et des situations.
Une contextualisation des politiques sociales est donc appelée et
encouragée par les équipes travaillant sur le projet
métropolitain.
Le dernier thème sur lequel s'est penchée la
mission métropole, est le rapport entre ville et nature. Plus vaste
métropole prévue par la loi, Aix-Marseille-Provence est
composée d'une diversité de paysages riches et possède des
ressources naturelles qui lui confèrent une biodiversité
remarquable et un fort potentiel en production d'énergie renouvelable.
Néanmoins, non épargné par l'étalement urbain,
l'espace métropolitain perd 900 hectares par an de foncier agricole et
est confronté à de nombreux conflits d'usage des sols.
Décidée à agir, la mission
métropole s'est attelée à ce thème et souhaite
promouvoir un nouveau mode de production de la ville afin de concilier
développement et protection.
En proposant de mieux prendre en considération le
rapport ville-nature dans les phases de planification stratégique et
dans le projet urbain de la métropole, la mission métropole
espère changer les visions sur l'espace naturel. La mise en place et en
projet d'un système paysager métropolitain va dans ce sens, et
tend à réinventer le développement territorial d'une
manière contextuelle. Enfin les équipes ayant travaillé
sur cette thématique proposent de ne pas voir ceci comme une contrainte,
mais comme une force à valoriser, en faisant de l'économie des
ressources un moteur du développement métropolitain.
Force de propositions donc, la mission métropole
travaille sur les thèmes qui pourraient forger le projet
métropolitain. Néanmoins comme nous l'avons évoqué
précédemment, la réussite du projet métropolitain
dépendra de sa mise en application par les maires des communes composant
la métropole Aix-Marseille. Si la mise en place de projets et de
politiques peut encourager la création de la métropole, il est
aussi essentiel de l'expliquer et de faciliter la compréhension des
citoyens pour que ceux-ci perçoivent les avantages de ce type
d'organisation territoriale.
107
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- Mairie de Marseille :
http://www.mairie-marseille.fr
- Mouvement Métropole :
http://www.mouvement-metropole.fr
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http://www.mucem.org
- Port Autonome de Marseille :
http://www.marseille-port.fr
- Ria 2000 :
http://www.bilbaoria2000.org/ria2000/index.aspx
- Si tout les ports du monde :
http://www.sitouslesportsdumonde.com/fr/sites-portuaires/
fiche.php?id site=47
110
Liste des personnes rencontrées
Jean Picon :
Responsable du pôle Ressources et données
Urbaines au sein de l'AGAM. Jean Picon est démographe et a
récemment travaillé sur le rapport MAGE.
Philippe Challende :
Chargé de mission au sein de MPM, Philippe Challende
est en charge des dossiers concernant Euroméditerranée et ceux
ayant eu attrait à MP 2013. Il a lui aussi co-écrit le rapport
MAGE.
Alexandre Sorrentino :
Directeur du pôle projet de territoire au sein de l'EPAEM,
Alexandre Sorrentino est en charge de la mise en lumière des
avancées du projet. Il travaille aussi sur la présentation du
projet à des partenaires étrangers.
Laure-Agnès Caradec :
Adjointe à l'urbanisme au Maire de Marseille,
Laure-Agnès Caradec est une élue de la ville de Marseille. Elle
est aussi en charge du projet métropolitain, du patrimoine municipal et
du foncier.
Stéphane Basille :
Dans les services techniques de la ville de Marseille,
Stéphane Basille a piloté la mission 2013 de 2008 à fin
2013. Cette mission devait faire le lien entre le projet culturel de MP 2013 et
les dispositifs et services de la ville en matière de transport,
logement, économie, É
Régine Vinson :
Responsable de la mission Ville-Port, Régine Vinson
travaille pour le GPMM et est en charge de la mise en place de la charte
ville-port. Elle veille au dialogue entre le GPMM et les services de la ville
ou autres acteurs publics type l'EPAEM.
Anna Kurta :
Fondatrice de Cap Cult, Anna Kurta, via son entreprise,
s'occupe de faire le relais entre les différentes CEC et les touristes.
Proposant des ateliers à des professionnels et des groupes
universitaires, ou des jeunes, ainsi que des balades urbaines, Cap Cult cherche
à expliquer et à faire comprendre les villes ayant reçu le
titre de CEC dans leurs globalité.
Gérard Brainmoulé :
Adjoint aux finances de la ville d'Aix-en-Provence,
Gérard Brainmoulé est aussi Vice-président du Conseil
communautaire de la Communauté d'Agglomération du Pays d'Aix.
Vincent Fouchier :
Directeur du projet métropolitain au sein de la mission
interministérielle pour le projet métropolitain
Aix-Marseille-Provence. Vincent Fouchier travaille à «
scénariser » le contenu du projet stratégique de la future
institution métropolitaine. Il a notamment piloté le livre blanc
des transports.
Maxime Tissot :
Directeur de l'Office du Tourisme et des Congrès de
Marseille.
Ulrich Fuchs :
Responsable de la candidature de Brême au titre de
Capitale Européenne de la Culture en 2003, il est nommé en 2005
directeur adjoint et directeur du programme de Linz Capitale Européenne
de la Culture 2009. Lorsque M.Latarjet s'intéresse à
l'expérience de Linz il recrute Monsieur Fuchs pour qu'il fasse partie
de l'association MP 2013 ; celui-ci l'intègre en mai 2010 en tant que
Directeur Général Adjoint.
111
Liste des abréviations
ACM : Appel à Coopération
Métropolitaine
AEM : Atelier de l'EuroMéditerranée
AGAM : Agence d'urbanisme de l'Agglomération
Marseillaise
ATR : Administration Territoriale de la République
BdR : Bouches-du-Rhône
CA : Conseil d'Administration
CBD : Central Business District
CCI(MP) : Chambre de Commerce et de l'Industrie (de Marseille
Provence)
CEC : Capitale Européenne de la Culture
CIAT : Comité Interministérielle pour
l'Aménagement du Territoire
CMA-CGM : Compagnie Maritime d'Affrètement - Compagnie
Générale Maritime
DAU : Document Administratif Unique
DATAR : Délégation interministérielle
à l'Aménagement du Territoire et à
l'Attractivité
Régionale
EPAEM : Établissement Public d'Aménagement
EuroMéditerranée
EPCI : Etablissement Public de Coopération
Intercommunal
GPMM : Grand Port Maritime de Marseille
GPV : Grand Projet de Ville
INET : Institut National des Etudes Territoriales
IRSIT : Institut de Recherche Scientifique en Industrie et
Transport
MAGE : Marseille-Provence 2013 Analyse des Grands
Evénements en espaces publics
MAPTAM : Modernisation de l'Action Publique Territoriale et
d'Affirmation des Métropoles
MP 2013 : Marseille Provence 2013
MPM : Marseille Provence Métropole
MuCEM : Musée des Civilisations de l'Europe et de la
Méditerranée
OIN : Opération d'Intérêt National
OREAM : Organisation Régionale d'Etudes et
d'Aménagement d'aire Métropolitaine
OPAH : Opération Programmée
d'Amélioration de l'Habitat
PACA : Provence Alpes Côte d'Azur
PAM : Port Autonome de Marseille
PDU : Plan de Déplacement Urbain
PME : Petites et Moyennes Entreprises
POPSU : Plate-forme d'Observation des Projets et
Stratégies Urbaines
RTM : Régie desTransports de Marseille
SEM : Société d'Économie Mixte
SHON : Surface Hors Oeuvre Nette
SMT : Syndicat Mixte de Transport
ZAC : Zone d'Aménagement Concerté
ZIP : Zone Industrielle Portuaire
ZPPAUP : Zone de Protection du Patrimoine Architectural,
Urbain et Paysager
112
Listes des figures, tableaux et cartes
Figure 1 : Le périmètre de la métropole
Aix-Marseille-Provence et les 6 EPCI concernés 9
Figure 2 : Plan du centre ville de Barcelone 17
Figure 3 : Évolution démographique dans les
villes méditerranéennes 18
Figure 4 : Les espaces d'aménagement portuaire et le
projet de tunnel autoroutier de Gênes 22
Figure 5 : L'aménagement du site d'Abandoibarra 25
Figure 6 : Le Musée Guggenheim à Bilbao de Frank
Gehry 29
Figure 7 : Évolution de la façade maritime
marseillaise 42
Figure 8 : Aménagement du littoral Nord de Marseille au
XX° siècle 43
Figure 9 : Croissance de la population de l'aire urbaine
d'Aix-Marseille entre 1968 et 2010 45
Figure 10 : Périmètre
d'Euroméditerranée 47
Figure 11 : Les différentes façades littorales
51
Figure 12 : Carte des différentes ZAC et
opérations d'Euroméditerranée 52
Figure 13 : Le bâtiment des Docks de Marseille 53
Figure 14 : Plan de la ZAC de la Cité de la
Méditerranée 55
Figure 15 : Euroméditerranée 2 56
Figure 16 : Le Boulevard du Littoral 58
Figure 17 : Point de vue et percées sur le front de mer
60
Figure 18 : Image de synthèse de la future skyline de
Marseille 62
Figure 19 : La darse du J4 : le MuCEM et le Fort St-Jean 64
Figure 20 : Schéma de répartition des
financements de L'EPAEM 66
Figure 21 : Territoire de Marseille-Provence 2013 77
Figure 22 : Un nouvel espace public attractif 79
Figure 23 : Fréquentation touristique de l'année
2013 81
Figure 24 : Tracé du GR 2013 84
Figure 25 : Les retombées médiatiques de MP 2013
88
Figure 26 : Taux d'occupation mensuel dans l'hôtellerie
en 2012 et 2013 (en %) 88
Figure 27 : Calcul de l'impact économique indirect de
MP 2013 89
Figure 28 : Passagers accueillis à l'aéroport de
Marseille Provence de 1998 à 2013 90
Figure 29 : Les mobilités touristiques en 2013 92
Figure 30 : Ventilation des recettes de mécénats
par niveau de partenariat 95
Figure 31 : Les subventions publiques à Marseille
Provence 2013 97
Figure 32 : Taux de retours par collectivités membres
98
Figure 33 : Scénarios proposés par le Livre
Blanc des transports 104
ANNEXES :
113
Listes des annexes
I. L'évolution de l'interface ville-port
II. Diffusion globale de la revitalisation du waterfront
III. Les événements urbains de Gènes au
sein de la commune et au centre
IV. Les bassins du port de Marseille
V. Composition socio-démographie des quartiers de
Marseille en 1990
VI. Les événements de la CEC au cours de
l'année 2013 à Marseille
VII. Détails des grands chantiers culturels
emblématique mis en place pour l'année 2013
I. L'évolution de l'interface ville-port
Source : Gravari-Barbas, 1996
II. Diffusion globale de la revitalisation du
waterfront
Source : Hoyle, 2000
114
115
III. Les événements urbains de Gènes au
sein de la commune et au centre
Source : Maria Gravari-Barbas et Sébastien Jacquot,
2007
116
IV. Les bassins du port de Marseille
A. Bassins Est et Ouest :
B. Bassins Est
Source : GPMM
V. Composition socio-démographie des quartiers de
Marseille en 1990
117
Source : Donzel, 1998
118
VI. Les événements de la CEC au cours de
l'année 2013 à Marseille
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ÉVÉNEMENTS MP 2013 COUVERTS PAR LE
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· Le Vieux-Port orltr' Flarilrn9S 8
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· La Grande Parade Mari1irne
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Source : MP 2013
VII. Détails des grands chantiers culturels
emblématique mis en place pour l'année 2013
119
Source : MP 2013
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