1
Camille CAPRON
Mémoire de fin d'études
Master 2 Commercialisation du livre
LES PODCASTS DANS LE MONDE DU LIVRE
EN FRANCE
UFR Sciences de l'information et de la communication
Sorbonne Paris Nord
Directeur de mémoire : Monsieur Bertrand Legendre,
Directeur du LabSIC et du LabEx ICCA
2
Je voudrais remercier tout d'abord Monsieur Legendre,
Directeur du LabSIC et du LabEx ICCA, qui a suivi mon travail de recherche
pendant cette année universitaire.
Je remercie également toutes les podcastrices amateures
et professionnelles ainsi que les autrices qui ont bien voulu répondre
à mes questions pour ce travail : Anne-Gaëlle Huon, Emilie
Deseliène, Margaux Rol, Claire Jéhanno et Caroline Psyroukis.
Je tiens à témoigner toute ma reconnaissance
à Justine Souque qui, durant cette période toute
particulière du confinement, m'a accordé son temps lors des
entretiens et m'a transmis toute son expertise sur ce sujet ainsi que tout son
soutien.
Je remercie aussi les membres du groupe « Podcast &
Littérature » qui m'ont permis, via leurs réponses à
mon questionnaire, d'analyser les attentes et besoins des auditeurs et
auditrices de podcasts littéraires.
Et je souhaite également remercier l'université
Sorbonne Paris Nord pour son suivi pendant cette période difficile et
pour les aménagements qui ont pu être mis en place afin de nous
faciliter le travail, le rendu de mémoire ainsi que la soutenance.
3
SOMMAIRE
I) Introduction 4
II) Point théorique autour du podcast 9
a) Définition 9
b) Chiffres, gratuité et usages 13
III) Le contenu du podcast littéraire : présence
de l'auteur et du
livre, choix des thèmes et des habillages. 17
a) Podcasts littéraires et amateurs : quelles
caractéristiques ? 17
b) L'auteur.rice au coeur du podcast littéraire ?
33
IV) Les podcasts littéraires dans le monde du livre
37
a) Groupes et maisons à la conquête du podcast
et du podcasteur.rice ? 37
b) Une entrée dans l'édition : entre coulisses
et publications 43
V) Conclusion 48
VI) Bibliographie et sitographie 51
VII) Sommaire annexes 55
VIII) Note de synthèse 77
4
I) Introduction
Le confinement de cette année 2020 a engendré
une augmentation de l'écoute de podcasts. Le nombre de
téléchargements est passé de 70.6 millions en
janvier-février à 75.9 millions en mai-juin1. Selon
une étude menée le 28 avril 2020 par Audion2, pendant
le confinement, 48 % des français et françaises ont
déclaré écouter plus de podcasts qu'à leur
habitude. Et cette période a séduit 4 % d'auditeurs et auditrices
supplémentaires, une hausse conséquente puisqu'elle
dépasse celle que connaît, en temps normal, le podcast en une
seule année.
Depuis une dizaine d'années, le podcast a fait son
entrée en France mais ce n'est seulement que depuis cinq ans que
celui-ci s'est fait une réputation. À l'instar d'autres pays, le
podcast a premièrement été utilisé en France comme
un format de réécoute. Ainsi, il n'était pas rare de voir
des médias tel que France Culture, proposer leurs
émissions sous formes de podcasts, à la suite de leurs passages
radios. En 2015, professionnels.elles et particuliers.ères
français.es remarquent le
potentiel global du podcast. Celui-ci n'est plus seulement utilisé en
réécoute mais également pour créer du nouveau
contenu. Cette pratique n'était pas une nouveauté, puisqu'elle
existait déjà, notamment dans les pays anglosaxons. C'est
pourquoi, aujourd'hui, la plupart des médias proposent désormais
leurs contenus en réécoute et que de nombreuses marques
créent leurs podcasts, les utilisant pour leur communication et
promotion. Cependant, ce phénomène ne touche pas uniquement les
entreprises. Avec l'arrivée du podcast, de nouveaux savoir-faire sont
apparus, accompagnés d'une volonté de création. Ainsi, des
individus sont devenus podcasteurs ou podcastrices en créant leur propre
contenu par le biais de ce nouveau format.
Le podcast est un moyen de communication, soit une nouvelle
forme de transmission du savoir3. En combinant le numérique
(avancée technologique) à l'oral (pratique ancestrale), celui-ci
permet une nouvelle forme de partage. Dans l'Antiquité, la tradition
orale permettait une transmission de savoirs de génération en
génération. À cette époque, les
sociétés n'avaient pas d'écriture ou ne l'utilisaient que
très rarement. Ainsi, l'accès à la culture se faisait de
façon verbale.
1 BRULHATOUR Frédéric, « Une hausse
de 48 % de l'audience des podcasts natifs », Le Pod,
25/09/2020.
2 GENTILLEAU Fiona, « Les audiences de podcast
et d'audio digital en hausse pendant le confinement »,
emarketing.fr, 27/04/2020.
3 Communiquer vient du latin communicare
qui veut dire mettre en commun, faire part, transmettre (des informations,
des compétences).
5
Aujourd'hui, alors que nous sommes dans une ère
technologique où règnent l'écran et le virtuel, le podcast
devient un relai entre les avancées numériques et l'attachement
que toute société a toujours eu pour l'oral. On peut ainsi parler
de « digitalisation de la tradition orale 4 » ou encore « d'une
nouvelle tradition orale 5 ». La tradition orale étant
la plus ancienne forme de communication, le podcast s'en rapproche donc par ses
facilités d'accès et de compréhension. En effet, le lien
entre l'oralité et la culture, dont fait partie la littérature, a
toujours été important. Des grandes oeuvres classiques telles que
L'Iliade et L'Odyssée ont été
clamées et transmises par oral. Et, actuellement, oral et
littérature sont encore liés. Des lectures à voix hautes
s'exercent dans les écoles, les bibliothèques ou encore les
centres pénitenciers. Aujourd'hui, l'oralité est donc encore
essentielle à la littérature et des personnes prêtent leurs
voix pour l'accès à tous et à toutes.
Dans un article intitulé « Les éditeurs
à l'assaut du podcast » publié le 10 janvier 2020 dans
Livres Hebdo, la journaliste Cécilia Lacour fait une mise en
lumière sur la présence du podcast dans le monde du livre. Elle
met en avant le fait que « quinze programmes audio ont déjà
été créés par des maisons d'éditions. [Et]
depuis juin 2018, treize maisons d'édition ont créé quinze
podcasts, dont sept ont été lancés au cours du second
semestre 2019. » Parallèlement à cela, en parcourant les
plateformes d'écoute mais également les réseaux sociaux,
on remarque le développement de podcasts littéraires que l'on
pourrait qualifier d'amateurs en comparaison aux professionnels
créés par les maisons d'édition.
Ainsi, au vu de l'influence globale du podcast en
général mais également de la place que
ce nouveau format prend, petit à petit, dans le monde du
livre, il est intéressant d'émettre des
questionnements :
- Comment le format du podcast s'est-il fait une place dans le
monde des livres ?
- Pourquoi et comment le podcast littéraire attire-t-il
les lecteurs/ lectrices et auditeurs/
auditrices ?
- Pourquoi des podcasts littéraires sont-ils
créés ?
- Qui sont les créateurs de ces podcasts ?
- Qui les écoute ?
- Quelles places occupent l'auteur/ autrice et le livre dans ce
nouveau média ?
4 JABBE Elias, « Podcasts : digitising an oral tradition
», Wamda, 04/12/2018,
https://www.wamda.com/index.php/en/2018/12/podcasts-digitising-oral-tradition.
5 SKIDMORE Ryan, « Podcasting : the new oral tradition
», Carmine, 01/05/2018,
https://carmine.io/podcasting-new-oral-tradition/.
6
- Le podcast est-il devenu un simple outil de promotion ou son
usage a-t-il plus d'impacts ?
- Qu'apporte-t-il aux maisons d'édition ? Aux auteurs/
autrices ? Au marché du livre ?
- Ce nouveau contenu est-il une nouvelle forme de production
éditoriale ?
- Est-ce une nouvelle manière de rendre les livres et la
littérature accessibles à tous ?
- Cela pourrait-il être en lien avec une nouvelle forme de
démocratisation de l'audio dans la
pratique de la lecture ?
- Les contenus sont-ils ponctuels ou créés dans un
but à long terme ?
- Ce nouveau média est-il en voie de
généralisation dans le monde du livre ?
Les réponses et interrogations qui suivront nous
permettront de nous questionner autour d'une problématique
générale qui nous servira de fil conducteur pour organiser ce
travail : De quelle(s) manière(s) ces nouveaux médias
participent-ils à la prescription littéraire ?
Ainsi, dans un premier temps, une introduction historique du
podcast nous permettra d'aborder le format du podcast d'un point de vue
théorique. Puis, dans un second temps, nous analyserons les
caractéristiques du podcast littéraire en nous focalisant sur la
présence des auteurs et autrices, leur rôle dans ces podcasts
ainsi que les thèmes abordés et l'ornementation des podcasts
littéraires. Ceci, nous permettra, dans un dernier temps, de nous
attarder sur la présence des podcasts dans le monde du livre.
Pour répondre à l'ensemble de ces questions de
manière logique et synthétique, mon analyse portera sur le
domaine de la littérature générale, française et
étrangère, et sur des podcasts français
créés au cours des deux dernières années (soit
à partir de 2018). Je m'intéresserai à la fois aux
podcasts d'amateurs (soit de lecteurs) et aux podcasts de professionnels du
livre (soit créés par des maisons d'édition). Cela me
permettra d'avoir un panorama plus large mais également de comparer ces
différentes entreprises (fréquence du podcast, son sujet et son
but, sa construction, la place de l'auteur, le rôle du créateur du
podcast, le public auquel il s'adresse, les impacts sur la maison
d'édition et l'auteur...) et de voir si un lien (ou plusieurs)
existe(nt) entre ces deux types de podcasts, mais également entre
podcasts d'amateurs et maisons d'édition.
De ce fait, mon corpus sera composé de cinq podcasts
sélectionnés puisque centrés sur la littérature
générale mais surtout puisqu'ils donnent chacun, à leur
manière, une place aux auteurs et autrices dans leurs contenus.
7
Les podcasts choisis sont donc les suivants :
- Pile : créé en
janvier 2018 par Claire Jéhanno « pour trouver le bon livre pour le
bon moment », ce podcast délivre des conseils de lectures mais
également quelques « hors-série » qui donnent la parole
à des auteurs et autrices telle que Valérie Perrin.
- La page blanche :
créé en mars 2019 par Emilie Deseliène, chaque podcast est
« une conversation autour de l'écriture » durant laquelle un
auteur se confie à Emilie sur un roman, l'écriture,
l'édition...
- Primo : créé par les
éditions Robert Laffont en 2018, en co-production avec Nouvelles
Ecoutes, il s'agit-là d'une entrée dans les coulisses de
l'édition durant laquelle les auditeurs suivent la vie des livres de
trois primo romanciers, de l'appel à manuscrits à la publication
de ces derniers.
- Des livres et moi : le podcast du
groupe Editis créé en 2019 dans le but de donner la parole, deux
fois par mois, à un auteur d'une des cinquante maisons d'édition
du groupe tels que Françoise Bourdin, Franck Thilliez, Raphaëlle
Giordano...
- Podcasts de Flammarion : un
ensemble de podcasts créés spécialement pour la
rentrée littéraire de septembre 2019. L'éditeur a choisi
de donner accès à des contenus thématiques au cours
desquels les neuf auteurs interviennent.
Concernant ma méthodologie, mon travail est
principalement basé sur des articles de presse
spécialisée, tel que Livre Hebdo, et de presse
générale. Mes propos sont également inspirés par
des ouvrages universitaires en communication et marketing, ainsi que des
études sur les pratiques de l'écoute menées par des
organismes tels que Médiamétrie ou encore le SNE. Je me base
également sur des études qualitatives issues des entretiens. En
effet, j'ai effectué plusieurs entretiens6 avec les
créateurs ou les personnes en charge de ces podcasts
sélectionnés, qu'il s'agisse de personnes travaillant en maison
d'édition ou de lectrices. Mais j'ai également interviewé
des autrices ayant participé à des podcasts littéraires.
Ainsi, une lecture croisée des études et articles récents
avec ces entretiens m'a permis d'effectuer un rapport entre la demande (des
lecteurs et du marché du livre) et l'offre (proposée par les
lecteurs et professionnels). Concernant les attentes et retours des auditeurs
et auditrices, leurs ressentis me sont parvenus par le biais d'une étude
quantitative. Celle-ci a été effectuée via des
réseaux de podcasts (notamment le groupe Facebook
6 Voir grilles d'entretiens en Annexes.
8
« Podcast & Littérature ») sur un
échantillon de dix-sept personnes. Ces résultats peuvent
être pris en compte, compte tenu du marché de niche dont fait
encore partie le podcast littéraire, mais ne peuvent en aucun cas faire
figure de résultat général, compte tenu de ce faible
échantillon.
9
II) Point théorique autour du podcast
Pour parvenir à notre sujet principal d'analyse qu'est
le podcast littéraire, il est important d'en connaître l'origine.
Ainsi, il est nécessaire de s'intéresser au format podcast,
à sa découverte ainsi qu'à ses caractéristiques,
pour pouvoir aborder d'une manière concrète le podcast
littéraire.
a) Définition
Le mot podcast7 a
été créé et mentionné pour la
première fois en 2004 par le journaliste britannique Ben Hammersley,
dans un article du Guardian « Why online radio is booming
»8. Avant que la terminologie « podcast » ne
soit utilisée par le grand public, Ben Hammersley s'est interrogé
sur ce nouveau contenu d'expression qui n'avait alors aucun nom. Dans son
article, il propose trois terminologies différentes : «
audioblogging » soit le blog audio, « GuerillaMedia » une guerre
des médias due à cette profusion de différents formats,
puis « podcasting » qui est le fait de créer des podcasts et
qui a donné lieu à la terminologie choisie : podcast. Dans cet
article, il mettait déjà en avant la qualité ainsi que la
facilité de production du podcast accessible à toutes et à
tous.
The quality, he said, blew him away, until he did it
himself: a cheap microphone, free recording software, a little practice
[...] sounds just as good. It was, he says, easy.
La qualité, a-t-il dit, l'a impressionné,
jusqu'à ce qu'il le fasse lui-même : un microphone bon
marché, un logiciel d'enregistrement gratuit, un peu de pratique
[...] semble tout aussi bien. C'était, dit-il, facile.
7 Dû à son usage ainsi qu'à sa
fréquence d'utilisation, le mot podcast est entré dans les
dictionnaires français dès 2008, ainsi que son verbe
podcaster.
8 HAMMERSLEY Ben, « Why online radio is booming » ,
The Guardian, 12/02/2004,
https://www.theguardian.com/media/2004/feb/12/broadcasting.digitalmedia.
10
Le mot podcast est en réalité un mot-valise
regroupant le « pod » de l'IPod et le « cast » de broadcast
(« diffusion » en français). Ce point a toute son importance
puisqu'il tient en lui le fait de l'implication d'Apple dans l'histoire du
podcast et l'utilisation de cette terminologie. En effet, à
l'époque de la publication de l'article de Ben Hammersley, des podcasts
existaient déjà mais leurs contenus n'étaient pas
accessibles à tous et à toutes. C'est à la mi-mai 2005
qu'Apple, impliqué dès 2004 via son IPod, s'empare du terme en
proposant un accès simple à différents podcasts via
ITunes. Le public découvre alors le concept du podcast. Certains ne font
que l'écouter alors que d'autres se l'approprient et deviennent ce que
l'on appelle aujourd'hui des « podcasteurs » ou encore
créateurs de podcasts. Les premiers podcasts natifs9 font,
à cette période, leur apparition en France, due à une
diffusion mondiale sur ITunes. Cependant, cela était différent de
ce que l'on considère aujourd'hui comme « podcast natif »
puisque, au début des années 2000, le podcast était en
réalité le pendant du blog. Le contenu proposé existait
donc sur deux médias, en deux formats : écrit et oral. Cela peut
expliquer le fait que, selon le site PodMust, il y avait, en 2005,
3000 podcasts disponibles à l'écoute. Un nombre important pour
l'époque, et qui prouve également la montée du podcast.
À savoir, qu'aujourd'hui10, 900 000 podcasts le sont, soit
300 fois plus qu'il y a quinze ans.
Mais, comment pouvons-nous définir un contenu audio ?
En recherchant une définition du podcast sur des sites
spécialisés mais également en interrogeant des experts du
genre, on se rend compte que le podcast n'a pas une seule définition sur
laquelle il serait facile de s'accorder. Comme l'indique Justine Souque,
consultante en édition et en audiovisuel, le podcast peut être
compris, au sens large, « comme un rituel d'écoute » mais
également comme une « création sonore nouvelle, avec un
format relativement court et un rythme de production régulier
»11. Suivant cette dernière idée, le media
PodMust le définit comme « un contenu audio
numérique que l'on peut écouter n'importe où, n'importe
quand, grâce à la technologie du flux RSS ». En effet, le
podcast accompagne notre nouvelle société mobile en étant
téléchargeable et pouvant s'écouter à n'importe
quel moment et à n'importe quel endroit.
9 « contenus audios produits en vue d'une diffusion directe
[...] sans passage à la radio » (PodMust).
10 En mars 2020.
11 Entretien effectué par mail avec Justine Souque
le 28 mars 2020.
11
Pour poser une définition du mot podcast que l'on
gardera en mémoire tout le long de ce travail de recherche, on peut
choisir celle de François Quairel, responsable du magazine Le
Pod. Celle-ci est la suivante :
Un podcast est un contenu audio diffusé sur internet
et disponible en téléchargement pour une écoute
à un moment choisi par l'auditeur. Ça peut être une
émission de radio en réécoute (podcast de replay et de
rattrapage) ou un podcast natif, c'est-à-dire créé
spécialement.
Ce qu'il est important de garder en mémoire est qu'il y
a deux types de podcasts. Il faut distinguer le podcast de rattrapage
du podcast natif. Le podcast natif, est comme nous
venons de le voir, un contenu audio original, produit en vue d'une diffusion
directe, et qui n'est pas destiné à un passage en radio.
Parallèlement au podcast natif, toutes les radios font du podcast depuis
l'arrivée de cette pratique en France en proposant leurs
émissions, préalablement diffusées en direct, en
rediffusion ou réécoute. C'est ce que l'on appelle le podcast de
rattrapage. Soit, comme l'indique le nom, le fait de rattraper quelque chose,
dans ce cas un contenu, que l'on aurait manqué du fait de son horaire,
par exemple. Comme le précise Frédéric Antelme,
vice-président des contenus et productions de Deezer, il y a
trois ans, l'offre en podcasts était majoritairement une offre de
replays d'émissions dominée par les acteurs traditionnels. Ce
genre de podcast est toujours d'actualité et a son importance. Selon
lui, « la nouvelle scène du contenu audio est très dynamique
grâce à une vraie expérimentation autour de la narration et
des formats nouveaux. Ce qui a dynamisé la suprématie des radios.
»12
La relation podcast/radio est un fait intéressant
à analyser dans ce contexte. On pourrait se demander si l'arrivée
du podcast et son développement auraient pu et pourraient encore porter
préjudice à la radio. C'est un sujet auquel plusieurs
médias se sont intéressés au cours de ces dernières
années. En 2014, dans un article publié dans le media
Slate, « La radio doit-elle s'inquiéter du podcast?
»13, le journaliste Vincent Manilève évoquait
l'avenir de la radio au vu d'une hausse d'écoute du podcast en affirmant
que « le podcast pren[ait] de plus en plus de place dans notre vie, et
risqu[ait] de grignoter peu à peu le terrain de la radio. ». Il
rassurait en ce point en précisant que, dès l'arrivée du
podcast en France, les radios se sont emparées de ce contenu en
12 Entretien présent dans le premier numéro du
magazine Le Pod.
13 MANILEVE Vincent, « La radio doit-elle s'inquiéter
du podcast ? », Slate, 25/11/2014,
http://www.slate.fr/story/95057/radio-podcast.
12
proposant des podcasts de rattrapage. Cependant, avec le
développement de la 4G, certaines d'entre elles misaient davantage sur
le streaming que sur le podcast. La différence entre ces deux modes de
diffusion étant la présence de publicité dans le contenu
en streaming, permettant ainsi le maintien d'une rémunération
pour les radios14. Aujourd'hui, on remarque tout de même que
toutes les radios (ou presque) proposent leurs émissions en replay sous
forme de podcast de rattrapage. Bien loin de « tuer » la radio, le
podcast s'est greffé à la radio par le biais du podcast de
rattrapage qui séduit les auditeurs malgré la forte proposition
en podcasts natifs. Une étude réalisée par
Médiamétrie15 en 2019 annonce que 6,6 % des
internautes écoutent des podcasts natifs contre 19,5 % qui
écoutent des radio en replay16. En somme, a contrario
de ce qu'aurait pu prédire l'arrivée du podcast, celle-ci
permet aux auditeurs et auditrices d'avoir accès à l'ensemble des
émissions en dehors de leur période de diffusion. Cela inclut
logiquement une hausse d'écoute puisque la radio aurait affaire à
deux types de publics et non plus un seul : l'auditoire à l'instant T et
l'auditoire de rattrapage. La dernière étude de
Médiamétrie17, englobant des chiffres de
2020, annonce une augmentation de 48 % d'écoutes de podcasts natifs,
comparé à l'année 2019. En effet, en 2020, 21,2% des
internautes écoutent des podcasts en replay contre 9,8 % qui en
écoutent des natifs. Soit, une très nette augmentation du
pourcentage d'écoute du podcast natif18. Bien que
l'écoute de podcast en radio différée reste en
première place, avec deux fois plus d'écoutes, on remarque une
montée du podcast natif qui séduit autant les auditeurs et
auditrices que les créateurs et créatrices de podcasts et les
boîtes de production.
Avec le podcast natif, outre la production et la diffusion par
radio, de nouveaux acteurs indépendants sont arrivés et avec eux
de nouveaux usages et formats. On peut, par exemple, nommer Nouvelles
Ecoutes ou encore Louie Media. Désormais, l'offre du
podcast s'enrichit de jour en jour. Des particuliers créent leurs
propres podcasts natifs. Le podcast est une nouvelle forme de parole, proche
des auditeurs et auditrices, et propose un choix multiple de sujets. De
nombreuses thématiques, telles que l'Histoire, la gastronomie, la
société, la culture ou encore la santé y sont
évoquées et deviennent sources de partages. En ce sens, la
littérature n'est pas une exception.
14 Affirmation que l'on peut maintenant contester au vue de la
professionnalisation du métier de podcasteur via des publicités -
généralement sous forme de sponsors - au sein même de
certains épisodes.
15 Médiamétrie, communiqué de
presse du 26 mars 2019,
https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2019-03/2019%2003%2026%20CP%20Global%20Audio
1.pdf.
17 Société spécialisée
dans la mesure d'audience et l'étude des usages des médias
audiovisuels et numériques en France
18 Médiamétrie,
communiqué de presse du 22/04/2020,
https://www.mediametrie.fr/fr/global-audio-1.
13
Justine Souque définit le podcast littéraire
comme « un podcast [dont] le point de départ [est] la vaste
thématique du monde des livres ». Tout podcast qui mettrait en
avant les livres, et plus généralement la littérature,
pourrait donc être qualifié de podcast littéraire. Et plus
précisément, tout podcast dont la ligne éditoriale (soit
tous les épisodes) se veut être en accord avec cette
thématique, serait littéraire. Elle fait également une
distinction au sein même du genre du podcast littéraire en
différenciant podcast de fiction et podcast de
non fiction. Elle distingue également dans les podcasts de
fiction « l'adaptation sonore d'un texte préalablement
publié d'un texte écrit spécialement pour une diffusion
sonore » mais ajoute que « dans ces deux cas, le rendu doit
répondre aux exigences du format podcast : être pensé pour
l'audio, et sous forme d'épisodes ». En somme, un podcast
littéraire peut aborder l'écriture d'un livre, les coulisses du
monde de l'édition ou encore le processus d'écriture d'une
autrice/ d'un auteur (dans ces cas, il s'agit de podcasts de non fiction) mais
également être la forme audio d'un livre papier ou encore une
création de contenu de fiction en audio sans publication au format
papier préalable (c'est dans ces cas que l'on parle de podcasts de
fiction). À noter qu'il existe également des podcasts
littéraires de rattrapage, issus de médias tels que France
Culture. On peut également noter le podcast de l'émission
La Grande librairie. Cependant, ceux-ci ne nous intéressent pas
dans le cadre de notre étude qui se focalise sur les podcasts
littéraires natifs.
Ce qui est intéressant avec le podcast, c'est qu'il
y a du contenu pour tout le monde, même le plus petit sujet qui soit.
(Frédéric Antelme)
b) Chiffres, gratuité et usages
Après avoir défini le podcast et ses
différentes formes, nous pouvons nous demander : pourquoi ce nouveau
format attire-t-il ? En plus de son offre de contenus, le podcast séduit
par trois points. Le premier est sa facilité d'accès
(disponible sur plusieurs plateformes), le deuxième est son
utilisation (compte tenu de notre société en
constant déplacement) et le dernier concerne son prix
(et notamment sa gratuité).
14
Sa facilité d'accès est en
partie due au nombre d'acteurs présents sur le marché du podcast.
On peut en distinguer six19 : le label (aussi appelé maison
de production), le label de site de presse, l'indépendant,
l'association, l'agrégateur, ou encore le « Netflix » du
podcast. Mais que sont-ils ? Un label est une société qui a une
grille de plusieurs podcasts. C'est le cas de Nouvelles Écoutes
ou encore Louie Media que nous avons mentionné
précédemment. C'est, en somme, des maisons de production de
podcasts. Alors qu'un label de site de presse est rattaché à un
titre de presse papier/web et produit du contenu en lien avec la
rédaction. C'est le cas, par exemple, de Slate et Les
Echos. Opposé à cela se trouve l'indépendant qui fait
un podcast en solitaire, sans être aidé par un label, et qui a une
offre limitée d'émissions (en général une ou deux).
On peut nommer Podcastio et Podshows. Celui-ci peut se faire
aider par financement participatif ou détient son propre budget loisir
pour produire son contenu. La plupart des indépendants sont des
associations dont le but est d'aider la création et la diffusion de
podcasts. Parallèlement à cela se trouvent l'agrégateur et
le « Netflix » du podcast. Un agrégateur est une application
qui permet d'écouter des podcasts, il agrège des flux RSS de
plusieurs podcasts et permet des fonctionnalités diverses : constitution
de playlists, partage sur les réseaux sociaux... Tandis qu'un «
Netflix » du podcast a un studio de production pour proposer du contenu
exclusif sur sa propre plateforme. Il propose donc à la fois du contenu
gratuit (avec des podcasts que l'on retrouve sur d'autres plateformes) et du
contenu payant (avec leur propre production, soit leurs podcasts originaux). Le
« Netflix » du podcast est le plus proactif en ce moment. On peut par
exemple, nommer Sybel ou encore Spotify. Ce dernier ayant la
place numéro une de plateforme d'écoute du podcast.
Ces acteurs proposent leurs podcasts à l'écoute
sur les plateformes qui acceptent et diffusent ce format. À noter que
certains acteurs disposent de leur propre plateforme. Ainsi, on trouve sur
Apple Podcast, Deezer, Google Podcast, Spotify,
Acast, ou encore sur Audible des podcasts à
l'écoute. Dans un article « Comment Spotify est devenu un
géant incontournable du podcast », Thomas Urbain, journaliste pour
La Tribune, parle d' « écosystème ouvert »
pour parler de l'offre du podcast. C'est-à-dire qu'il s'agit d'un
système basé sur l'accessibilité et la facilité
d'écoute. En somme, un podcast peut se trouver sur plusieurs plateformes
d'écoute. Cependant, Spotify, premier acteur mondial dans ce
domaine, tend selon le journaliste, à « verrouiller cet univers
» en acquérant divers podcast et en proposant des formules
d'abonnements payantes pour leur exclusivité.
Avec l'émergence du podcast, certaines plateformes sont
elles-mêmes devenues productrices de podcasts. Et, à la suite de
cela, de nouvelles applications exclusivement dédiées à
l'écoute de
19 Voir Annexe.
15
podcasts ont vu le jour. On peut nommer Pocket
Casts, Podcast & Radio Addict, Podcast Republic,
Overcast. Cependant, celles-ci ne représentent qu'une
minorité de plateformes utilisées pour l'écoute des
podcasts, les auditeurs.rices gardant celles qu'ils ont l'habitude d'utiliser
pour écouter leurs musiques, soit Spotify, Deezer
et Apple Podcast.
En plus de sa facilité d'accès, le podcast est
facile à consommer. Cette facilité d'usage est
propre à toute activité qui inclut de l'audio. Tout comme une
musique, le podcast peut s'écouter chez soi, dans les transports et dans
le même temps qu'une autre activité (sport, cuisine...). C'est
notamment le développement d'une société mobile,
ajouté à l'implantation de la 4G, qui a permis au podcast de se
développer.
Selon une étude de Médiamétrie,
96 % des internautes écoutent du contenu audio chaque mois, 19,5 %
écoutent des replays de radio et 6,6 % écoutent des podcasts
natifs. En moyenne, chaque mois, 8,5 % des internautes écoutent des
podcasts radios (podcasts de rattrapage), soit 4 millions d'individus. Ces
résultats vont plus loin dans l'analyse de l'audio en
s'intéressant aux podcasts et plus précisément à ce
qu'on appelle leur « découvrabilité » soit le fait de
savoir par quel(s) canal/canaux les auditeurs sont passés. Selon eux,
plus de la moitié (59 %) des auditeurs de podcasts natifs
interrogés pour l'étude de Médiamétrie
considèrent les réseaux sociaux comme étant le
premier vecteur de notoriété des podcasts20.
Pour finir, la gratuité est une des
raisons de la gloire du podcast puisque 99,9 % des podcasts sont gratuits.
Autant de contenus sont donc gratuits, accessibles à toutes et à
tous. Parallèlement à cela, seulement quelques podcasts originaux
et exclusifs sont payants (les 0,1% restants), par abonnements ou par achat
à l'acte sur les différentes plateformes. Ce qui est le cas pour
certains podcasts originaux de Spotify, par exemple. Mais cela reste
tout de même rare, compte tenu de l'offre proposée en podcasts et
des habitudes d'avoir un contenu gratuit à l'écoute.
La croissance du podcast est intéressante dans notre
société mobile où tout doit se faire rapidement, dans des
temps simultanés. Une étude d'Opinéa menée
pour Audible en janvier 2019 évoque le taux d'adoption du
podcast en déclarant que 37 % des français ont
écouté un podcast en 2018. Un pourcentage qui augmente
d'année en année, compte tenu des chiffres concernant les
20 Voir Annexe.
usages du podcast. Selon Acast21,
l'écoute du podcast aurait augmenté de 26 % entre le 12 mars et
le 16 mai 2020, soit pendant la période de confinement. Mais qu'est-ce
qui déclenche une attirance vers un podcast plutôt qu'un autre ?
Pourquoi l'auditeur continue-t-il à l'écouter ? Selon Philippe
Chapot, fondateur du média Le Pod, ce qui attire dans le
podcast peut être : la voix, le ton, la durée, l'habillage (soit
le choix de la musique, d'un jungle, du rythme...), l'interactivité.
Autant de caractéristiques que nous garderons en mémoire et qui
nous intéresserons pour étudier notre corpus.
16
21 Entreprise qui « propulse les créateurs
et créatrices de podcasts les plus influents».
17
III) Le contenu du podcast littéraire :
présence de l'auteur et du livre, choix des thèmes et des
habillages.
Après avoir étudié l'origine du podcast,
ses caractéristiques et avoir observé une hausse d'écoute
depuis son arrivée en France, nous pouvons désormais nous
intéresser au podcast littéraire, à ses
caractéristiques ainsi qu'à la place de l'auteur.rice dans ce
contenu.
a) Podcasts littéraires et amateurs : quelles
caractéristiques ?
Comme nous l'avons énoncé
précédemment, le podcast littéraire serait « un
podcast [dont] le point de départ [est] la vaste thématique du
monde des livres ». C'est à partir de cette définition que
nous allons analyser les caractéristiques du podcast littéraire,
en prenant comme exemple notre corpus. Ainsi, nous pouvons nous questionner sur
le terme de « thématique du monde des livres » et à ce
qu'elle renvoie, mais également étudier la présence de
cette thématique et sa mise en scène au sein des podcasts
littéraires.
La « thématique du monde des livres »
regroupe plusieurs sujets. Il peut s'agir de l'objet livre, de l'auteur,
d'écriture ou encore d'édition. En somme, un podcast
littéraire peut être un échange entre un podcasteur/ une
podcastrice et un auteur / une autrice, ou encore l'avis du podcasteur/ de la
podcastrice sur tel ou tel livre. Si l'on part de ce constat, on remarque qu'un
podcast littéraire englobe de nombreuses thématiques et donne
ainsi de nombreuses possibilités pour la création de contenu.
Notre corpus est composé de plusieurs types de podcasts : des interviews
(avec La Page Blanche), des conseils de lectures (avec Pile),
des « reportages » (avec Primo), ou encore des
présentations de livres (avec la rentrée littéraire de
Flammarion).
Certains formats fonctionnent-ils mieux que d'autres aux yeux
des auditeurs et auditrices ? Qu'en pensent-ils / elles et que recherchent-ils
/ elles ?
18
En 2018, une étude menée par Offremedia
mettait en avant un taux de conversion de 81 % pour le
podcast22. Le taux de conversion, tenant en compte de
l'efficacité du podcast, nous pouvons nous demander ce que peut prendre
en compte l'auditoire comme critère décisif pour passer d'une
simple curiosité à une écoute. Partant de ce constat et en
le reliant aux comportements et commentaires des auditeurs et auditrices sur
les réseaux sociaux et sites d'écoute, on remarque trois
critères importants23 à leurs yeux. Le premier est le
sujet du podcast littéraire. Il s'agit du premier critère de
conversion, soit le fait de passer de l'intérêt à
l'écoute du podcast. C'est alors généralement en voyant un
titre significatif, une photo parlante ou encore une présentation de
l'épisode qu'ils et elles vont être amenés.ées
à écouter le podcast. Le deuxième critère de
conversion est la personnalité du podcasteur ou de la podcastrice. Ce
critère fait partie de la dynamique du podcast puisque si la voix,
l'intonation ainsi que les partis pris plaisent, l'auditoire sera attiré
et fidélisé. Le troisième critère concerne
l'habillage global du podcast. On parle plus largement d'habillage pour
mentionner le rythme, les choix musicaux ou encore la structure du podcast.
Compte tenu de ces observations, ces trois choix sont donc importants et
doivent être réfléchis et explicables.
Sur Apple Podcast, les auditeurs et auditrices de
La Page Blanche évoquent ces trois caractéristiques par
le biais de commentaires. Ils et elles trouvent le format de l'entretien «
riche et authentique ». De plus, ils et elles soulignent « la forme
originale et pertinente » du podcast ainsi que « la voix
agréable » d'Emilie.
On remarque très vite que le caractère
authentique du podcast est ce qui le rend original et attrayant. Dans un
podcast, l'attention de l'auteur est autant portée sur le sujet (son
côté informatif) que sur sa dynamique. Cette dernière peut
passer par l'intonation des voix, le choix de narration, le rythme de
l'échange ou encore le style de musique proposée. Ainsi, pour
attirer en étant créatif et parvenir à cette forme
d'authenticité, le podcast doit jouer avec ses codes :
spontanéité, sincérité, créativité,
honnêteté... et se transformer en une conversation amicale. Il
doit inviter l'auditeur et l'auditrice, pour exclure l'idée d'une
communication à but commercial ou promotionnel. Anne-Gaëlle Huon,
autrice invitée dans Pile, aime la spontanéité du
podcast qui permet d'avoir « un rapport plus honnête, plus direct
avec l'auteur ». C'est en effet ce que recherche la plupart des
podcasteurs et podcastrices, comme le mentionne Emilie Deseliène,
podcastrice et créatrice de La Page Blanche, en essayant de
« [donner à l'auteur] une place centrale » et que son «
invité se sente le plus libre de s'exprimer, sans filtre et sans tabou.
». Ainsi, on remarque que le côté humain du
22 Voir Annexe.
23 Voir Annexe.
19
podcast est ce qui lui confère son unanimité. La
voix de la podcastrice ou encore sa façon de parler ont d'autant
d'importance que le sujet du podcast ou les thèmes abordés. Et
cela se remarque davantage lorsque le format proposé est celui de
l'interview, comme le prouve le ressenti de l'autrice ci-dessus.
L'authenticité se transmet également dans le
dépassement de la forme traditionnelle de l'interview radio. Le podcast
s'affranchit d'une forme classique en utilisant les codes que tous deux ont en
commun : la voix, le ton, la durée, l'habillage (soit le choix de la
musique, d'un jungle, du rythme...) et l'interactivité. Une bonne
utilisation de ceux-ci doit permettre au podcast d'attirer dès les
premières secondes d'écoute. C'est pourquoi et comme nous l'avons
énoncé précédemment, au même titre que le
sujet choisi et le contenu, la voix, le choix de musique et le rythme sont
importants. Ils doivent donc être réfléchis en amont par
rapport au sujet du podcast, à l'image que l'on souhaite donner et au
but de celui-ci. Ces choix différencient un podcast d'un autre en lui
attribuant une image qui lui est propre. Certains podcasts vont alors
être reconnaissables par leur « signature ». Pile le
podcast est celui qui permet de « trouver le bon livre pour le bon moment
» comme le dit la voix de Claire Jéhanno dans chaque introduction
d'épisode. Alors que d'autres vont attirer par le rythme qu'ils laissent
transparaître. On peut par exemple prendre le podcast Primo,
rythmé par la bande son mais aussi par l'ensemble des voix qui en font
partie à chaque échange. Un rythme qui accompagne son
thème qu'est l'aventure éditoriale rythmée de trois primo
romanciers.
Le choix de la syntaxe et de la présentation du corps
du podcast est, elle aussi, importante pour en comprendre la visée. Cela
est d'autant plus primordial lorsque les formats proposés sont
multiples. Claire Jéhanno nomme chacun de ses épisodes en
commençant leurs titres par « Un livre pour/avant/après...
» pour les épisodes thématiques et « Un moment avec...
» pour les hors-série. Cela lui permet, en tant que podcastrice, de
pouvoir créer du contenu original et ordonné, et à ses
auditeurs et auditrices de comprendre ce qu'ils et elles vont
écouter.
Le podcast attire donc de par son aspect authentique, mais en
quoi son contenu est-il original et en quoi se différencie-t-il de ce
qui existe déjà ? Comment un choix d'utilisation de codes peut-il
différencier le podcast de la radio et ainsi lui conférer une
authenticité ?
De premier abord, radio et podcast se rejoignent sur plusieurs
points. Il s'agit d'émissions, d'un contenu audio, d'un moment de
partage et/ou d'information. Cependant, comme nous l'avons expliqué
ci-dessus, l'utilisation des codes de la radio se fait d'une manière
toute différente chez le
20
podcast. Ainsi, le podcast explore ces sujets avec plus de
liberté. Qu'il s'agisse du ton, de la durée, ou encore les
musiques d'accompagnement, le podcast a l'atout d'être actuel et
d'attirer. Il répond à plusieurs demandes tels que mettre
à l'écoute un contenu court qui attire dès les
premières secondes, ou encore proposer des voix plus passionnées
que l'on ne relie pas à une voix de journaliste. En soit, le podcast n'a
pas pour seule volonté d'informer, comme le fait la radio, mais va
au-delà de cela, jusque dans le partage. En effet, la grande
différence qu'il existe entre la radio et le podcast est la
présence du storytelling. Cet ingrédient secret du podcast ne
s'applique pas qu'aux oeuvres de fiction puisqu'il assure la bonne construction
de la structure narrative de tout podcast. En effet, « une histoire permet
de faire passer des messages tout en divertissant [le] public
»24. Le podcast, en utilisant donc les mêmes codes que la
création d'une histoire en devient d'autant plus captivant. Ainsi, on
peut retrouver dans tout podcast la figure du héros (soit par exemple la
podcastrice à laquelle on s'identifie ou s'intéresse) ou encore
son objectif (soit le but de l'épisode dont il est question).
L'augmentation de la création et d'écoute de podcasts en 2014 est
liée à cette présence du storytelling et notamment
à plusieurs facteurs : un premier technologique se caractérisant
par le développement des smartphones et applications mobiles, et un
second humain concernant les usages du storytelling dans le podcast. Le
storytelling fait donc partie intégrante du podcast, englobant à
la fois le podcast de fiction et le podcast de non fiction. Ainsi, tout podcast
contient une part de storytelling dont il a besoin pour exister et perdurer.
Concernant le podcast littéraire de non fiction, on pourrait se demander
où se trouve l'aspect storytelling. Celui-ci est en fait présent
dans l'échange que crée le podcast. Qu'il s'agisse d'une
interview, d'une présentation ou encore d'un moment de vie, chaque
échange est organisé, animé et surtout authentique. Cela
crée une histoire. En interrogeant différentes autrices sur leur
écriture, Emilie Deseliène livre aux auditeurs et auditrices des
histoires, les leurs. Et, en présentant leurs romans et leurs univers,
les auteurs du groupe Editis et de Flammarion donnent
à écouter un avant-goût d'aventures littéraires.
Mais pour parvenir à créer ce storytelling, il est important
d'organiser le podcast. À l'image de la création d'un
scénario, il faut donc assembler divers éléments pour
donner vie au podcast. Mais existe-t-il une structure type pour la
création d'un podcast ? Celle-ci est-elle universelle et identique pour
tous les podcasts littéraires ?
La structure même du podcast organise le contenu et
permet d'attirer l'auditoire. Celle-ci est décidée par le
podcasteur/ la podcastrice et se retrouve ensuite à l'écoute.
Elle crée un rythme,
24 Ausha, « Le storytelling dans le
podcast : l'art de raconter des histoires en 3 questions ».
21
un développement et une logique tout au long de
l'épisode, mais également l'authenticité via les voix, la
tonalité, ou encore la musique.
À défaut d'une structure universelle
prédéfinie, on peut, après une écoute minutieuse du
corpus choisi, remarquer la présence d'un schéma récurrent
au sein des podcasts littéraires. Celui-ci est le suivant : 1) une
musique d'introduction ; 2) une présentation générale du
podcast et du sujet de l'épisode ; 3) l'épisode soit le
développement du sujet ; 4) un bref résumé suivi d'une
conclusion accompagnée d'un remerciement ; 5) une musique de conclusion.
On retrouve également ce schéma au sein de podcasts non
littéraires puisque cette organisation participe à
l'authenticité même du format podcast.
Deux caractéristiques précises ressortent et
participent aux fondements de ce schéma : les voix (du/de la
podcasteur/rice mais également de l'invité.e), et le rythme (qui
passe par la dynamique de l'échange et la musicalité choisie).
Tous deux ont pour fonction d'attirer l'auditeur.rice, de l'entraîner et
de l'accompagner dans son écoute. En effet, si la voix n'est pas
audible, compréhensible et vivante, l'auditeur.rice ne s'attachera pas
au contenu. Et si le rythme n'est pas présent, le podcast donnera une
impression de longueur. Dans ces deux cas, l'auditeur.rice ne continuera
certainement pas son écoute d'épisode, n'en écoutera pas
d'autres et ne s'attachera pas au podcast même si le thème de
celui-ci ou le sujet de l'épisode l'intéressent en amont. La
structure a donc toute son importance. Mais, même si cette structure est
identique à l'ensemble des podcasts étudiés pour ce
travail, la fréquence, la durée et l'organisation de chaque
étape diffèrent. Cela participe au processus de storytelling,
unique pour chaque podcast et nécessaire à la création de
leur propre identité.
La fréquence est un critère intéressant
à prendre en compte puisqu'il peut répondre à une question
: pourquoi avoir créé ce podcast ? En effet, nous avons d'un
côté des podcasts à temporalité longue.
C'est-à-dire des podcasts qui ne sont pas limités dans le temps,
qui n'ont pas de date de fin prédéfinie. C'est le cas pour la
majorité des podcasts. Et nous avons, d'un autre côté, des
podcasts à temporalité courte qui ne durent que quelques mois,
répondant à ou en suivant une actualité. Dans notre
corpus, deux podcasts sont à temporalité courte : le podcast de
Flammarion, créé spécifiquement pour la
rentrée littéraire 2019 avec des épisodes mis en ligne
durant la période de l'événement ; et le podcast
Primo, créé et alimenté pendant la période
qui accompagnait l'édition et la publication des trois romans dont il
est question dans ce podcast. Lorsque l'on parle de temporalité, on
entend bien évidemment dans ce contexte, le temps de publication soit de
mise en ligne du podcast. Puisque ce format, une fois mis en ligne, est
toujours accessible. Les podcasts à temporalité courte tel que
celui de Flammarion pour sa rentrée littéraire 2019 sont donc
encore
22
dsponibles à l'écoute aujourd'hui, en 2020.
Cependant, ceux-ci n'accueilleront pas de nouveaux épisodes et sont donc
d'une certaine façon clos.
La durée globale d'un épisode de podcast
littéraire diffère. Certains épisodes ont une durée
inférieure à quinze minutes alors que d'autres offrent une
écoute d'une trentaine de minutes voire plus.
Généralement, les créateurs et créatrices de
podcasts confèrent un temps approximativement identique à chacun
de leur podcast. Cela leur permet de créer une continuité dans
leur proposition de contenus. Chaque podcasteur.rice a son idée de la
durée idéale d'un épisode et sait également combien
de temps l'auditeur.rice arrive à rester attentif.ive à
l'écoute. Selon l'outil de podcasting Ausha, trois
critères permettent de choisir la durée d'un épisode de
podcast : l'audience du podcast, le contenu proposé par
l'épisode, et la fréquence du podcast. Avec un podcast à
temporalité longue qui partage des échanges avec des autrices,
Emilie Deseliène a choisi une durée moyenne de trente-cinq
minutes pour l'ensemble des épisodes de La Page Blanche. Une
durée qui lui permet d'exploiter les échanges avec les autrices
et de ne pas noyer son auditoire dans un flux d'informations.
Je veille toujours à calibrer mes épisodes
pour obtenir une durée de 30 à 40 minutes. Je ne suis pas
adepte des formats longs, et je crois qu'une moyenne de 30 minutes est
idéale pour ne pas perdre l'attention de l'auditeur, tout en ayant
malgré tout assez de temps pour dire véritablement quelque
chose. (Emilie Deseliène)
Mais il arrive également qu'il y ait des
différences de durée au sein d'un même podcast. Dans
Pile le podcast, on peut en effet être amené à
écouter des podcasts d'environ cinq minutes (pour les épisodes
réguliers) mais également des épisodes de plus longue
durée, d'environ trente minutes, qui vont être plus ponctuels
(c'est le cas des Hors-Série dans lesquels sont
invités.ées des auteurs.rices). Cela permet à la
podcastrice d'organiser son podcast et de facilité la reconnaissance des
podcasts « réguliers » et des « hors-série
».
Les hors-séries me permettent de partager de
formidables rencontres avec des auteurs, des passionnés de livres...
Ces moments sont tellement merveilleux que ce serait dommage de se limiter
à une durée de 5 minutes, qui est mon format original. Et puis,
c'est une des grandes forces du podcast : ne pas être formaté,
ne pas être obligé de rentrer dans une case... donc
j'en profite à fond ! (Claire Jéhanno)
23
En effet, la force du podcast, qui est de ne pas être
formaté selon un seul et même modèle, donne une grande
liberté aux podcasteurs et podcastrices. Ils et elles peuvent organiser
leurs podcasts de la manière dont ils et elles le souhaitent. Ces parti
pris débutent dès l'introduction d'un épisode et
diffèrent d'un podcast à un autre. Dans Pile, Claire
Jéhanno opte pour une introduction courte, de dix à quinze
secondes selon les épisodes. Une introduction qui se veut être
concise et qui ne rentre pas dans les détails de l'épisode,
ceux-ci étant évoqués à la suite de l'introduction
pour amener la discussion autour du livre.
Bonjour et bienvenue dans Pile, le podcast pour trouver le
bon livre pour le bon moment. Episode numéro X/ Hors-Série
numéro X, [titre de l'épisode].
D'autres podcastrices vont, au contraire, choisir d'avoir une
introduction davantage développée. Dans La Page Blanche,
Emilie explique au début de chacun de ses épisodes le but de
ceux-ci, pendant une quarantaine de secondes. Cela lui permet d'introduire
avant de commencer l'échange avec l'autrice de l'épisode.
Bonjour à tous et bienvenue dans La Page Blanche. Je
suis Emilie et dans ce podcast j'invite des auteurs pour discuter de leur
dernier roman, d'écriture et de processus créatif. Ensemble,
on parle de livres, d'édition, de la manière dont on construit
une histoire, des doutes, des joies, des galères qui jalonnent la vie
pas toujours facile de l'écrivain. Avec ces discussions,
j'espère partager avec vous des idées de lectures mais aussi
une bonne dose d'inspiration.
Parallèlement à cela, l'introduction des
épisodes du podcast Primo ressemble davantage à un
trailer, mêlant voix et musique. Cela leur permet d'introduire Primo
mais également de donner un avant-goût aux auditeurs et
auditrices quant au rythme proposé dans chacun des podcasts. Cette
différence s'explique également par le fait que Primo
est co-construit avec le studio de production Nouvelles Ecoutes,
soit par des professionnels.elles du genre et de la technicité du
podcast.
En somme, le début du podcast est une étape
importante dans la création d'un podcast. Il en est de même pour
les outils utilisés lors de chaque étape, tels que la voix ou
encore l'accompagnement musical. Bien que tout le monde peut être
podcasteur et podcastrice, il ne faut pas oublier que la voix entendue par les
auditeurs et auditrices doit être posée et pouvoir
entraîner. Certains podcasts littéraires, professionnels, vont
donc parfois faire appel à des professionnels tels que des journalistes
ou acteurs. Comme il est le cas pour Des livres et moi, podcast
introduit et présenté
24
par la voix rauque masculine de Vincent Malone, musicien et
auteur-compositeur. Celui-ci introduit chaque épisode en
énonçant simplement le nom de l'auteur ou de l'autrice dont il
est question. Dans l'ensemble, les voix sont accompagnées par la
musique. Par exemple, Primo nous donne à écouter une
introduction rythmée mêlant conversations, musique, et
échanges divers.
Ces différences sont en réalité les choix
des créateurs et créatrices. Elles participent en
l'originalité de leur podcast et en créent l'image. Ce qui leur
vaudra, ou non, du succès et des retours positifs de la part de leur
audience.
Qui sont les auditeurs et auditrices de podcasts
littéraires ? Pourquoi en écoutent-ils/elles ? Quelles sont leurs
attentes ? Qu'aiment-ils/ elles écouter ?25
Alors que le profil type du podcast général est
un auditeur de 34 ans, celui du podcast littéraire est constitué
à 90 % de femmes. Cela peut s'expliquer par le fait qu'en France 62 %
des lecteurs sont en réalité des lectrices.
26 Le podcast littéraire ayant pour sujet
principal la littérature, celui-ci attire donc davantage les lectrices.
Mais, qui sont ces auditrices et auditeurs ? Qu'y recherchent-ils / elles ?
Pour répondre à ces interrogations, nous avons
rassemblé l'avis de personnes membres du groupe « Podcasts et
Littérature » mais également de personnes de la
communauté Bookstagram27. Nous sommes donc parvenus à
un constat qu'il est intéressant de mettre en lumière mais qui
fait, cependant, office d'hypothèse compte tenu de la taille de notre
échantillon. Les auditeurs et auditrices de podcasts littéraires
ont entre 20 et 40 ans. Ils et elles reconnaissent la facilité
d'accès du podcast littéraire. Ils et elles affirment être
attirés.ées vers un podcast littéraire par le sujet,
l'habillage et la personnalité du podcasteur/ de la podcastrice. Ceux-ci
et celles-ci sont davantage tournés.ées vers les podcasts
amateurs, « authentiques », que ceux « traditionnels »
créés par des maison éditions et
groupes. Certains.es parlent
même d' « indépendance » en opposant la «
publicité » (du podcast professionnel) au « partage » (du
podcast amateur). Pour l'auditoire, le podcast professionnel n'est pas
dépourvu d'enjeux commerciaux et marketing. Et cela s'explique par le
fait que les auditeurs et autrices recherchent principalement à
l'écoute des réflexions, des
25 Pour répondre à cette question, je me base
sur une étude quantitative menée sur dix-sept personnes, issues
de réseaux littéraires et de réseaux de podcasts (tel que
le groupe Facebook Podcasts & Littérature), un échantillon
qui bien que moindre reflète également le caractère de
niche du podcast littéraire.
26 Etude « Les français et la lecture 2019 »
effectuée par le CNL.
27 Bookstagram désigne une communauté de
lecteurs et lectrices sur Instagram.
25
émotions, des interviews, des idées de lectures
hors best-sellers, de l'engagement et des informations sur l'auteur.rice et son
écriture. De plus, pour plus de 80 % d'entre eux/elles, la
présence de l'auteur.rice n'est pas indispensable, ce qui laisse encore
une fois de côté le podcast professionnel au sein duquel
l'auteur.rice est généralement présent.e. Concernant leurs
pratiques, ils et elles écoutent également des podcasts non
littéraires (+ 90 %) et sont intéressés.ées par les
livres audios (environ 70 %).
Face à ces points, on remarque tout de même des
ressemblances entre l'auditoire de podcasts et celui des podcasts
littéraires. La première concerne l'âge du profil type, ce
qui correspond à des étudiants et jeunes actifs. La seconde
concerne leurs attentes. En effet, ils et elles souhaitent écouter un
contenu doté d'informations, de réflexions et de sentiments.
Concernant le podcast littéraire, on remarque bien, lié à
ces attentes, le souhait du podcast professionnel à ne pas être
purement commercial ou marketing n'est pas perçu comme tel de la part
des auditeurs et auditrices. Ceci est un fait important puisque leurs voix
comptent et que ces ressentis s'observent ensuite dans les statistiques
d'écoutes des podcasts. Les auditeurs et auditrices sont donc davantage
attirés.ées par les podcasts amateurs, et ce malgré les
souhaits et innovations dont peuvent faire figure certains podcasts
professionnels, tel que Robert Laffont avec Primo. Mais
pourquoi ceux-ci attirent-ils plus ?
Pour y répondre, nous allons analyser la parole des
auditeurs et auditrices. Lorsque le podcast est présent sur les
plateformes d'écoute et/ou sur les réseaux sociaux, ceux-ci et
celles-ci peuvent facilement transmettre leurs avis suite à ce qu'ils et
elles ont écouté. C'est une autre des particularités du
format du podcast, qui lui permet de se renouveler, suivant ou non les
recommandations qui lui sont faites. Si l'on s'intéresse aux podcasts
présents dans notre corpus, on remarque que les commentaires
laissés sur les plateformes d'écoute, principalement sur
Apple Podcast, confirment nos précédentes observations
quant à l'attirance vers le podcast amateur, du fait de son
authenticité. Certaines auditrices applaudissent, par exemple, la «
voix très agréable » d'Emilie Deseliène ou encore le
contenu et le format de ses épisodes « instructifs et
agréables à écouter ».
Emilie propose un podcast original, bien mené
(qualité pro !) et amène ses invités à se
dévoiler tout en proposant une discussion vraiment enrichissante sur
leur oeuvre. (Commentaire laissé par une auditrice sur Apple
podcast pour La Page Blanche)
26
Concernant le podcast Primo, sa présence sur
Instagram lui a permis, en plus d'être visible, de nouer une relation
avec leurs auditeurs et auditrices. Un fait intéressant puisqu'il
n'existe pas pour l'ensemble des podcasts professionnels, contrairement aux
podcasts amateurs. Ce qui pourrait expliquer le fait que Primo soit
l'un des podcast littéraires professionnels les plus connus du
public.
« Très intéressant, bravo pour cette
initiative ! J'ai hâte d'écouter l'évolution de ce projet
et de découvrir les deux suivants » (Commentaire laissé
par une auditrice sous le post Instagram du premier épisode de
Primo)
« On apprend plein de choses utiles et
intéressantes. C'est top ! » (Commentaire laissé par
une auditrice sous le post Instagram du deuxième épisode de
Primo)
Cependant, cela ne l'empêche pas de rester lié
à l'image de sa maison d'édition et donc d'être
catégorisé comme un outil de promotion. En effet, pour certaines
auditrices, le « plan de communication [de Primo était]
déjà tout tracé » et que « la gagnante avait
gagné avant le concours »28. En somme, malgré les
efforts du podcast professionnel, celui-ci reste majoritairement, pour les
auditeurs et auditrices, un outil de marketing calculé.
C'est pourquoi, après avoir étudié la
« structure type » du podcast littéraire, analysé ce
que les auditeurs et auditrices y recherchent, nous avons remarqué une
« préférence » pour le podcast amateur. Ceci dû
à deux faits que sont la spontanéité et la
proximité ressentis par les auditeurs et auditrices. Deux besoins que
les créateurs et créatrices de contenus ont bien observé
et auxquels ils et elles tentent de répondre, dès le processus de
création.
Comme nous l'avons vu précédemment, pour attirer
une audience, des choix préalables concernant la structure et le contenu
du podcast doivent être pris. Le podcasteur / la podcastrice fait ces
choix de structure et du contenu en fonction de l'identité de son
podcast et des sujets qu'il /elle aborde mais surtout de la cible qu'il/elle
vise. Cependant, tous types de podcasts littéraires (amateurs et
professionnels) ne sont pas égaux face à ces choix puisque les
professionnels connaissent déjà un de leurs publics cibles, soit
leurs lecteurs et lectrices, et ont donc une base à analyser avant la
création de leur podcast. D'un côté se trouve donc les
podcasts amateurs qui n'ont, lors de leur création, aucune audience
préalable soit aucun public. Et d'un autre côté, les
podcasts de maisons d'édition qui elles ont déjà une base
de potentiels auditeurs. Ainsi, les amateurs et amatrices
28 Commentaires d'auditrices laisser sous des posts du
compte Instagram de Primo.
27
doivent réussir à faire connaître leurs
podcasts pour se faire une place et se démarquer. Les
professionnels.elles, quant à eux/elles, créent un nouveau
contenu qui a préalablement été réfléchi par
les équipes marketing et commerciales, à destination d'une base
d'audience formée par les lecteurs et lectrices adeptes de la maison
et/ou du groupe. C'est à ce niveau que la structure et les choix sont
importants et que le podcast amateur gagne souvent en
spontanéité, par sa forme, l'approche de l'échange et le
choix des thématiques davantage privées. Le respect de
l'identité de marques et des souhaits de leurs lecteurs et lectrices,
confèrent moins de liberté aux professionnels.elles. Alors que
les créateurs et créatrices de contenus n'ont aucune
barrière, qu'il s'agisse d'une image de marque à respecter ou des
fidèles lecteurs et lectrices pré-installés.ées.
Mais un autre facteur permet de gagner en
spontanéité, en authenticité, et de créer l'intime
: la présence sur les réseaux sociaux. Celle-ci aide les
podcastrices et podcasteurs à faire connaître leurs podcasts. Cela
leur permet de se rapprocher de leurs publics cibles, de les informer et
d'échanger avec eux. En effet, les réseaux sociaux participent
à la création de leur visibilité. Une visibilité
sur laquelle ils et elles doivent travailler au même titre que les
professionnels.elles. Les auditeurs et auditrices interrogés.ées
ainsi que l'étude du Pod mettent en lumière le fait que
les réseaux sociaux sont le premier facteur de
découvrabilité du podcast littéraire, suivi des
médias, puis du bouche à oreille. Mais, tous les podcasts
littéraires sont-ils réellement présents sur les
réseaux sociaux ? Sur lesquels ? Dans quel but ? Qu'y
partagent-ils/elles ? Comment y communiquent-ils/elles ?
Pour répondre à ces questions, nous allons
prendre comme référence un épisode Des coulisses du
podcast. Ce podcast a été créé en 2019 dans le
but d'aider les podcasteurs et podcastrices en leur donnant des conseils sur
l'univers du podcast. Dans un épisode « Communiquer et promouvoir
son podcast : réseaux sociaux et référencement »,
Anastasia et Mélanie expliquent que la stratégie de communication
à appliquer sur les réseaux sociaux suit trois points :
définir ses objectifs, définir ses cibles, et définir son
contenu. Les objectifs peuvent avoir trois visées : faire
connaître le podcast (soit, le rendre visible), le faire aimer (soit,
amener à l'écoute) et faire agir l'auditoire (soit, créer
du bouche à oreille pour augmenter la visibilité). Trois buts sur
lesquels podcasteurs et podcastrices travaillent. Anastasia et Mélanie
admettent que la plupart des podcasteurs et podcastrices privilégient
Instagram qui est aujourd'hui le réseau social le plus utilisé et
le plus impactant. Instagram compte aujourd'hui un milliard d'utilisateurs
actifs par mois et plus de vingt-cinq millions de comptes professionnels. Et,
selon une étude de Hubspot et Mention, une
28
photographie publiée sur ce réseau social
entraîne 23 % plus d'engagement que sur Facebook29. En plus de
cela, Instagram implique davantage l'utilisation de hashtags, ce qui est un
moyen supplémentaire d'acquérir de l'audience. Ce qu'elles
expliquent en montrant que l'utilisation des stories et hashtags permettent une
plus grande conversion et induit donc plus d'écoutes.
Dans l'épisode Des coulisses du
podcast30, une des podcastrices énonce un fait important
qui est le suivant : il est aussi préférable de créer deux
comptes Instagram, un premier dédié au podcast et un second pour
le podcasteur/ la podcastrice. En effet, outre le fait de donner une
visibilité au podcast et permettre aux auditeurs et auditrices d'en
suivre les actualités, un compte personnel leur permet d'avoir
accès à ce qui constitue l'originalité du podcast :
l'intime. Cependant, cela peut tout de même être
considéré comme un parti pris. Comme l'admet la deuxième
podcastrice, il est important de se tenir à la ligne éditoriale
du podcast et de garder une seule et même logique. Si, par exemple, une
podcastrice ne se met pas en avant dans son podcast et ne se base pas sur ses
propres expériences, la présence de deux comptes Instagram
(accessibles à son auditoire) n'a pas lieu d'être. Cependant, il
est important de mentionner que le fait d'avoir un seul compte Instagram, sur
lequel la podcastrice ou le podcasteur est visible ou non, n'empêche en
aucun cas de créer l'intime. Cela peut avoir un avantage, celui
d'être pratique en concentrant l'ensemble sur un seul compte et ne pas
perdre l'auditoire avec plusieurs sources d'informations. En somme, il n'y a
pas une seule règle, et notre corpus reflète cette
idée.
C'est un sujet que nous avons évoqué avec deux
podcastrices littéraires amateures, Emilie et Claire. Emilie
Deseliène, podcastrice de La Page Blanche, admet
échanger très régulièrement avec ses auditeurs et
auditrices via ses deux comptes Instagram : un à son nom
@emilie.Deseliène et un créé spécifiquement pour
son podcast @lapageblanche_podcast. Bien que ces deux comptes soient
séparés, ils sont tout de même accessibles à tous et
à toutes, et ont comme point commun la littérature. Emilie
considère les réseaux sociaux comme un moyen d'effectuer une
« promotion constante et qualitative du podcast (compte
dédié, publications régulières, stories, extraits
audio...) » et y «sollicite beaucoup [ses] auditeurs pour qu'ils
parlent du podcast autour d'eux (le bouche à oreille fonctionne
très bien) ». De son côté, Claire Jéhanno de
Pile, affirme échanger avec son auditoire, ce qui
représente « un vrai bonheur » à ses yeux. Auparavant
présente sur
29 PATARD Alexandra, « Instagram :
étude sur les tendances de l'engagement », Blog du
Modérateur, 27/02/2020,
https://www.blogdumoderateur.com/instagram-tendances-engagement/.
30 Les Coulisses du podcast, épisode
«Communiquer et promouvoir son podcast : réseaux sociaux et
référencement» ,
https://podcast.ausha.co/coulissespodcast/communiquer-et-promouvoir-son-podcast-reseaux-sociaux-et-referencement.
29
Instagram sous le nom « Pile le podcast », elle a
pris la décision, en avril 2020, de changer le nom de son compte pour
@claire.Jéhanno. Un changement qui lui a donner plus de «
liberté » et à l'occasion duquel elle avait fait un post sur
Instagram31. Suivant ce choix, elle raconte davantage ses
découvertes littéraires personnelles et se met davantage en
scène dans ses posts et stories. Malgré leurs deux
présences distinctes, Claire et Emilie arrivent toutes les deux a
créé du lien avec leurs auditoires et se sentir proches d'eux. Un
sentiment qui se retrouve également dans le sens inverse, puisque
auditeurs et auditrices n'hésitent pas à réagir à
leurs posts et/ou à les mentionner sur leurs propres réseaux
sociaux.
Mais, en plus de cette possibilité d'échanges
avec les auditeurs et auditrices, les réseaux sociaux deviennent
également un cercle de « professionnelles ». C'est ce que met
en avant Claire Jéhanno. Elle explique qu'elle y crée du lien
avec d'autres podcastrices littéraires : « C'est un milieu
très bienveillant, avec beaucoup d'entraide. On s'envoie des
encouragements sur les réseaux sociaux, on se refile des conseils, et
surtout on fait des soirées ! ». Cependant, même si une
présence digitale est désormais primordiale, il ne faut pas
oublier les autres moyens de recommandations, plus classiques, qui ont encore
aujourd'hui toute leur importance. Les médias et le bouche à
oreille restent encore deux critères de découvrabilité du
podcast. Claire salue, en effet, l'importance de ceux-ci: « Je compte
beaucoup sur le bouche-à-oreille, je pense que c'est le plus efficace en
termes de recommandation, mais sinon, les réseaux sociaux... J'ai aussi
eu la chance d'avoir des articles dans de grands médias comme
Lire, ELLE,
lemonde.fr,
Telerama... ».
Mais qu'en est-il des autres podcasts du corpus ? Sont-ils
également présents sur ce réseau social et sous quelle
forme ?
L'ensemble des podcasts amateurs de notre corpus sont
présents sur Instagram, comme nous l'avons vu
précédemment. Les trois restants, professionnels, y sont aussi
mais de manières différentes. Le podcast Primo des
éditions Robert Laffont a son compte dédié,
public, sur Instagram, au même titre que les podcasts amateurs
mentionnés ci-dessus. La différence réside en la non
présence d'une podcastrice ou d'une personne physique
représentant le podcast. En effet, derrière tout podcast
littéraire se trouve non pas une personne mais une entité : une
maison d'édition et son groupe éditorial. Les podcasts du groupe
Editis et des éditions Flammarion sont
différents en ce sens. En effet, ceux-ci ne sont, de premier abord, pas
présents sur Instagram. On ne trouve pas de compte à leur nom et
le compte des éditions dont ils sont reliés ne les mentionne pas
dans leur biographie Instagram. Cependant, ils y sont tout de même
présents. Des Livres et
31 Un de ses posts les plus aimés et
commentés.
30
Moi y est par le biais du compte Instagram de Le
Poste Général qui participe à la création du
podcast. On retrouve alors sur le compte @lepostegénéral tous les
podcasts dont cet incubateur de podcasts natifs est acteur. De ce fait, Des
Livres et Moi se retrouve au milieu d'autres podcasts, non
littéraires. Les postes liés au podcast d'Editis se
présentent sous la même forme que les autres postes de ce compte :
un visuel (de l'auteur ou de l'autrice dont il est question dans
l'épisode) accompagné d'une présentation dans
l'épisode ainsi que du #Deslivresetmoi. Le Poste
Général n'omet pas de mentionner sous chaque poste le compte
@lisez_officiel et celui de la maison d'édition. Concernant le podcast
de Flammarion, celui-ci est, en réalité présent
sur le compte Instagram de la maison d'édition à deux niveaux.
Ils existent neuf posts qui ont été publiés du 7 septembre
2019 au 15 septembre 2019. Il s'agit à la fois de photos et de
vidéos (sous forme IGTV). Les épisodes sont également
présents dans la story à la Une « RL 2019 », au milieu
de photos de l'événement. Cependant, les liens ne fonctionnent
plus aujourd'hui.
À l'instar des influenceurs et influenceuses
littéraires, les podcasteurs et podcastrices se doivent donc
d'être
présents.es sur les
réseaux sociaux. En effet, Instagram regroupe à la fois une
communauté de lecteurs.rices et des non lecteurs.rices. Cela
expliquerait le fait que les podcasts amateurs y soient présents, mais
également certains professionnels. De plus, les réseaux sociaux
participant au travail de prescription littéraire, les podcasts
littéraires y ont également leur place. Cependant, être
présent sur les réseaux sociaux via un compte dédié
a davantage d'impact qu'une présence, sur un ou plusieurs posts, qui
sera ensuite oubliée dans la masse. Cette forme de présence est
plus authentique, mais correspond également à ce qui est
recherché par l'auditoire. Cette présence peut-elle être
analysée ? Fait-elle réellement agir l'auditoire ?
Pour y répondre, nous pouvons prendre trois podcasts du
corpus présents sur les réseaux sociaux : ceux d'Emilie et Claire
(La Page Blanche et Primo) mais également celui des
éditions Robert Laffont (Primo). Ceci, en tenant
compte du type de podcast (amateur ou professionnel, temporalité courte
ou longue) mais également de leurs lignes éditoriales respectives
(soit le but du podcast).
Une étude de la présence de ces trois
podcastrices sur le réseau social Instagram32 montre qu'un
nombre d'abonnements élevé n'a pas de conséquence sur la
réaction de l'auditoire sur les réseaux sociaux. En effet, si
l'on analyse le taux d'engagement33 de ces trois podcasts, on
constate que
32 J'ai choisi de me focaliser sur ce réseau
social puisque, comme nous l'avons précédemment vu, il s'agit du
réseaux le plus apprécié et utilisé aujourd'hui.
Voir Annexe.
33 En marketing, un taux d'engagement permet
généralement de mesurer l'engagement des consommateurs ou
abonnés à l'égard d'une publication ou publicité de
marque. Dans ce cas présent, on s'intéresse à l'engagement
des auditeurs.
31
celui-ci varie d'un podcast à un autre, sans rapport
direct avec le nombre d'abonnés. La Page Blanche, par exemple,
a le taux d'engagement le plus élevé des trois podcasts, environ
trois fois plus que celui de Primo et deux fois plus que celui de
Pile, mais a le nombre d'abonnés le plus bas des trois. La
prise de parole des auditeurs et auditrices via des commentaires, des mentions
j'aime, des partages participe au taux d'engagement du compte. Ainsi, on
pourrait avancer l'idée que la présence d'Emilie sur son compte
Instagram, et donc ses choix en matière de contenu, a plus d'impact sur
sa cible d'auditoire. Ses abonnés.ées réagissent davantage
aux contenus qu'elle propose puisqu'ils correspondent à ce qu'ils et
elles attendent. Parallèlement à cela, le compte Instagram de
Pile dispose du plus grand nombre d'abonnés.ées. Cela
pourrait s'expliquer par le fait que Pile soit devenu une
référence dans l'univers du podcast littéraire, Claire
Jéhanno étant en quelque sorte une précurseure dans ce
domaine. La podcastrice l'anime de façon très vive. Elle poste
trois contenus différents par semaine, cependant, la proportion de
réactions compte tenu du nombre d'abonnés, ne lui confère
qu'un faible taux d'engagement. Les auditeurs et auditrices sont
présents.es et la suivent mais
ne réagissent pas tous et toutes en retour. Ce qui est à
l'opposé de ce que vit le compte Instagram de Primo, qui a deux
fois moins d'abonnés.ées que Pile. Le podcast
étant terminé dans son temps de création, le compte
continue tout de même d'être animé, environ une fois par
semaine. Cependant, la répétitivité du contenu
proposé, désormais uniquement accès vers le partage de
lectures et d'avis livresques, ne lui permet pas d'obtenir un taux d'engagement
correct, compte tenu du faible nombre de réactions laissées. Les
abonnés.ées sont également
présents.es mais
réagissent de moins en moins aux publications proposées. Ainsi,
on remarque que, un nombre d'abonnés.ées élevé
n'est pas forcément gage d'interactivité. Mais cela a-t-il un
lien avec l'identité du compte et ce qui y est partagé ?
Ces trois comptes sont différents de par leurs
identités et contenus. Le compte de Primo est désormais
constitué de reposts, soit de contenus issus d'autres comptes Instagram.
Il n'est donc plus très actif, ce qui explique son faible taux
d'engagement. Celui de La Page Blanche regroupe, en
réalité, trois podcasts créés et animés par
Emilie, la podcastrice. Elle y est très active et partage l'ensemble des
actualités de ses podcasts. Parallèlement à cela, celui de
Pile se concentre sur un seul podcast, regroupe à la fois des
posts liés aux épisodes, à des avis littéraires et
à des moments de vies privées. Malgré cet apport du
privé, La Page Blanche a davantage d'impacts, comment peut-on
expliquer cela ?
et auditrices à l'égard du podcast, sur le
réseau social Instagram, en analysant le nombre
d'abonnés.ées mais également d'interactions (mentions
j'aime, commentaires, partages).
32
Avoir ce seul compte pour l'ensemble de ses podcasts lui
permet d'être très active sur ce réseau social, et de
publier très régulièrement tout en proposant du contenu
hétérogène. Mais si l'on compare le rythme de publications
global au rythme de publications consacré à La Page
Blanche, celui-ci passe de trois posts par semaine à un post par
mois. Cependant, ce regroupement de podcasts n'a pas d'incidence sur ce haut
taux d'engagement. Lorsque l'on étudie son compte, on remarque que
Emilie utilise chaque code de ce réseau : elle répond et aime
chaque commentaire laissé, elle crée des stories ainsi que des
sélections « à la Une », et s'abonne également
en retour aux comptes professionnels et personnels. En dehors de son compte
Instagram, celle-ci est aussi très présente sur les comptes
littéraires et de podcasts, puisqu'elle y laisse des commentaires et
n'hésite pas à y réagir. Sa présence
générale sur la sphère « bookstagram » mais
également l'activité « multi-podcast » d'Emilie, le
tout lié à un plus petit nombre d'abonnés.ées,
place son compte et sa présence sur ce réseau social comme un
modèle à suivre. Elle arrive à conférer l'ensemble
de ses abonnés.ées et d'en faire réagir la
quasi-totalité, ce qui fonctionne parfaitement. Cependant, il est
important de noter qu'un taux d'engagement moindre n'engendre pas un faible
taux d'écoute. Comme précisé précédemment,
Pile le podcast est un des podcasts littéraires les plus
écoutés. En effet, si l'on compare individuellement les nombres
d'abonnés, de commentaires et de mentions j'aime, sa présence est
également un modèle à suivre puisqu'il rassemble deux fois
plus de réactions (abonnés, commentaires et réactions) que
celui d'Emilie, par exemple. Parallèlement à cela, la podcastrice
utilise elle aussi tous les codes de ce réseau et n'hésite pas
à partager des moments plus privés. Une raison pour laquelle elle
a récemment décidé de changer le nom de son compte en le
remplaçant par le sien.
Cependant cette analyse doit être relativisée
puisque, une partie des personnes présentes sur les réseaux
sociaux pourrait être qualifiée de « dormeurs » ou
encore d' « observateurs ». C'est-à-dire qu'ils et elles y
sont
présents.es, et
s'intéressent à ce qui y est partagé mais ne
réagissent pas ou très rarement. Parallèlement à
cela, un autre phénomène peut accentuer un faible taux
d'engagement : le scrolling. Il correspond à l'action de faire
défiler son fil d'actualité, soit les contenus publiés
récemment, en ayant alors une vue d'ensemble. Ainsi, les personnes ne
prennent plus forcément le temps de lire un post et de réagir
face à celui-ci. En somme, malgré cette analyse et ces faits
sociétaux, il est important de noter qu'une présence en ligne
reste importante pour les podcasts littéraires puisqu'elle leur donne
une visibilité.
33
b) L'auteur.rice au coeur du podcast littéraire
?
Dans un podcast littéraire, l'auteur.rice peut
généralement y être cité.e, être lu.e, lire un
ou plusieurs extraits, participer à une conversation, ou encore
être le sujet d'un épisode. Pour certains podcasts la
présence physique a son importance. Certains sont construits autour de
cela. C'est le cas du podcast littéraire Des livres et moi
qui donne la parole, pour chaque épisode, à un des
auteurs du groupe Editis, mais également pour La
Page Blanche qui transmet des conversations entre la podcastrice
et un.e auteur.rice lors de chacun des épisodes. D'autres n'accueillent
cette figure physique que ponctuellement. C'est le cas de podcasts
littéraires qui en donnent la parole aux auteurs et autrices
qu'occasionnellement, comme le fait Claire Jéhanno dans son podcast
Pile sous forme d'Hors-série. Pour d'autres,
la présence va être autre que physique. L'auteur.rice a alors une
place dans le podcast via l'évocation de son oeuvre ou de sa vie. On
peut observer cela dans les podcasts de France Culture, par
exemple.
Est-il alors si important de donner une place à
l'auteur dans un podcast littéraire ? Si oui, sous quelle forme ? Quelle
place l'auteur/l'autrice y a-t-il /t-elle réellement ? Et pourquoi sa
présence y est-elle majoritairement récurrente ? Un podcast sans
auteur.rice serait-il encore « littéraire » ?
Pour répondre à ces questions, on
s'intéressera à la présence physique de l'auteur.rice,
ayant alors participé à l'enregistrement du podcast. Nous
laisserons donc de côté la présence de l'auteur via la
mention de son nom, l'évocation de son livre, ou encore la lecture de
celui-ci.
Si l'auteur.e est à l'aise dans l'exercice de lecture,
il peut intervenir en lisant des passages qu'il ou qu'elle juge
emblématiques (les plus personnels, difficiles
à écrire...). Quand l'auteur.e parle, il est nécessaire
qu'il ou elle donne encore plus de chair, de vie, à son livre, en
ponctuant les émissions d'anecdotes et de ressenti. (Justine Souque,
consultante en édition et en audiovisuel)
La présence de l'auteur.rice dans un podcast
littéraire n'est pas veine. Elle sert et participe à la dynamique
de l'échange. Comme Justine Souque le précise, « c'est avant
tout la personnalité de l'auteur qui compte [...] et ce que sa voix, sa
présence, apporte [au podcast] » mais également la «
complicité » existante ou possible entre le podcasteur / la
podcatrice et l'auteur/ autrice. C'est en ce sens que la définition du
podcast, comme « un contenu vivant et attractif » prend forme. C'est
pourquoi, il est parfois préférable pour un podcasteur/ une
podcastrice de parler au nom de
34
l'auteur.rice ou de n'aborder seulement que son oeuvre. En
effet, si un.e auteur.rice n'est pas à l'aise avec le principe du
podcast, l'échange n'aura pas l'effet voulu. Ce n'est donc pas parce
qu'un podcast est littéraire que la présence de l'auteur.rice est
indispensable.
En effet, comme nous l'avons vu précédemment, la
définition du podcast littéraire n'inclut pas une présence
obligée de l'auteur.rice dans ce processus. Justine Souque
développe davantage cela en précisant que « les oeuvres
doivent pouvoir vivre indépendamment de la présence de l'auteur
» et que le fait de parler de tel ou tel livre dans un podcast n'inclue
pas forcément d'y inviter l'auteur.rice en question. Chaque texte est
libre à être interprété, commenté et
analysé dans les podcasts. C'est ce que l'on voit dans la plupart des
épisodes de Pile dans lesquels plusieurs livres sont abordés sous
forme de conseil de lecture, ceci sans la participation ou l'intervention de
l'auteur.rice pour appuyer ou développer les propos
énoncés. On pourrait alors se dire que cette non présence
permet une certaine impartialité. Etant donné que l'auteur.rice
n'est pas là pour appuyer les propos ou défendre son point de
vue, cette non présence permet plus de liberté. A
contrario, on pourrait se demander si la présence d'un.e
auteur.rice dans un épisode de podcast est promotionnelle et
réfléchie en ce sens par les podcasteurs.rices, les auteurs.rices
et les professionnels.elles. Cette question d'impartialité se pose
davantage lorsque l'on s'intéresse aux podcasts professionnels,
créés par des maisons d'édition. On peut se demander si le
premier but de ceux-ci ou celles-ci n'est pas purement marketing. Il n'y a pas
d'éclectisme dans le choix des auteurs.rices qui y interviennent
puisqu'il sont tous et toutes publiés.ées chez le même
éditeur ou du moins dans le même groupe éditorial. Et, en
plus d'être, pour certains, présents sur les plateformes
d'écoute, ils sont également disponibles sur les sites des
maisons d'édition, poussés par l'image de celles-ci et plus
largement du groupe éditorial. Derrière ces podcasts
professionnels ne se cache pas un.e amateur.e de livre mais une image de marque
et les enjeux économiques qui s'en suivent.
Pour la plupart des podcastrices34
interrogées, la promotion n'est pas le but du podcast puisqu' « il
était important [...] de ne pas faire un podcast qui soit un pur produit
marketing de promotion. »35. Pour Justine Souque, « si
l'auteur.e vient dans un but uniquement promotionnel, c'est une
publicité à peine subtile qui n'ajoutera pas de contenu
qualitatif au podcast. [...] l'invitation d'un ou d'une auteur.e lors d'un
podcast ne doit pas être un prétexte, mais bien l'occasion
d'approfondir un sujet. ». C'est donc en cela que réside l'enjeu du
podcast, celui « de transformer [le] moment en
34 Podcastrices amateures et professionnelles.
35 Entretien avec Margaux Rol.
35
une rencontre authentique » pour ne pas tomber dans
l'enjeu marketing qui détournerait les auditeurs et auditrices de
l'écoute, comme l'exprime Justine Souque. Ainsi, il est important de
faire la différence entre le contenu du podcast (ce qu'il nous raconte)
et sa visée (marketing ou de partage).
La présence dans un podcast programmé par une
maison d'édition perd en spontanéité. Les auditeurs se
doutent qu'il s'agit d'une invitation promotionnelle, et tout l'enjeu sera de
transformer ce moment en une rencontre authentique. L'avantage d'un podcast
amateur est double, non seulement pour le ou la podcasteur.rice qui, selon la
notoriété de l'auteur.rice, va voir les chiffres de son audience
augmenter, et pour l'auteur.rice, qui se sentira davantage dans une
conversation moins formelle, et donc plus intimiste.
Ainsi, on peut se demander de quelle manière les
auteurs et autrices sont présents dans notre corpus ? De quels types
d'auteurs et autrices s'agit-il ? Si ils et elles sont
présents.es sur
différents podcasts ? Si ils et elles demandent à y être
présents.es ? Si leur
présence a forcément un lien avec une sortie récente de
livre ou de best-seller ?
La particularité des podcasts du corpus est qu'ils
accueillent tous des auteurs et autrices. Ils et elles sont, pour la plupart
sujet du podcast, celui-ci portant comme titre leurs noms ou sinon le titre de
leur dernier livre. Ils et elles y sont invités.ées pour parler
de leurs dernières parutions mais surtout évoquer leurs parcours,
leurs vies, leurs écritures. La différence entre les podcasts
professionnels et amateurs, à ce niveau, réside en la cause de
cette présence. Une podcastrice amateure va choisir de parler de tel ou
tel auteur, telle ou telle autrice, à la suite d'une lecture. Alors que
le podcast professionnel accueille l'auteur ou l'autrice à la suite
d'une publication récente d'un de ses livres. Dans Des Livres et
Moi, l'échange porte principalement sur le dernier ouvrage de
l'auteur.rice alors que dans La Page Blanche, il est centré sur
son écriture. Ainsi, le podcast et la présence de l'auteur.rice
en son sein fait partie du parcours du produit livre, de sa campagne
promotionnelle. On remarque également que, dans les podcasts
professionnels, l'échange va être plus formel. Ceci se voit via
les questions posées mais également via le ton de
l'échange. C'est ainsi que l'on peut entendre des rires, des
références à la vie privée ou autres dans des
podcasts tel que Pile.
On remarque que le format du podcast attire les auteurs et
autrices. Même si ils et elles ne vont pas demander aux podcastrices et
podcasteurs
amateurs.es d'être
présents.es dans un
épisode, être contactés.ées dans ce but est une
chose qui leur plait. C'est ce qu'a ressenti l'autrice Anne-Gaëlle Huon,
à plusieurs reprises lorsqu'elle a été contactée
pour participer à des podcasts tel que Pile.
36
En effet, même si elle est plus attachée au
format du livre audio qu'à celui du podcast, elle aime le
côté ouvert et familier du podcast qui lui permet de s'exprimer
plus librement que lors d'une simple interview. Et cette attirance pour le
podcast n'a pas de barrière face au genre littéraire dont fait
partie les auteurs et autrices ou encore face à leurs personnes. Les
podcasts de notre corpus accueillent aussi bien des
primo-romanciers.ères, que des auteurs.rices de best-sellers ou encore
des
écrivains.es internationaux.
Cette richesse reflète celle du podcast mais également le fait
qu'il n'y a pas un modèle d'auteur.rice invité.ée. En
effet, tout auteur.rice, s'il/elle le souhaite, peut participer à un
podcast.
Le podcast littéraire doit donc être authentique
pour attirer et répondre aux demandes de son auditoire. Cela passe par
des caractéristiques propres aux podcasts, qu'amateurs.rices et
professionnels.elles choisissent en accord avec leur sujet et leur cible. Mais
cela peut également passer par le choix de faire intervenir un auteur ou
une autrice dans son contenu. Toutefois, il n'existe aucune recette miracle et
aucun de ces parti-pris ne donne vie à un podcast littéraire
idéal. Ainsi, un podcast peut très bien être
littéraire sans accorder une place d'honneur à l'auteur.rice.
37
IV) Les podcasts littéraires dans le monde du
livre
Le domaine de l'édition ne cesse de se renouveler. Il y
a plus de dix ans, l'édition numérique a fait son entrée
accompagnée des ebooks et des liseuses. Désormais, l'audio est au
coeur des conversations et séduit plus d'un éditeur. Depuis trois
années environ, le livre audio a fait son apparition en France, amenant
avec lui un engouement pour l'audio en général. Une
arrivée tardive, comparée à d'autres pays, anglosaxons et
nordiques, et poussée par l'usage des smartphones et l'arrivée de
la 3G en France.
a) Groupes et maisons à la conquête du
podcast et du podcasteur.rice ?
Dans mon article, écrit pour le média en ligne
ActuaLitté, je m'intéressais déjà à
l'audio dans le monde de l'édition et plus particulièrement au
livre audio. J'y parlais d'un « boom » du livre audio en me
référant à plusieurs études effectuées par
le SNE. En effet, ce marché avait, en mars 2020,
augmenté de 50 % en une année. Et on pouvait y comptabiliser 32 %
de lecteurs cibles, en prenant en compte les lecteurs actuels de livres audios
et ceux qui commençaient à s'y intéresser. Pour cause, de
plus en plus de titres en papier étaient publiés sous format
audio, et de nombreux acteurs s'emparaient de l'audio : les
revendeurs/producteurs (comme Audible, Kobo,
Audiolib), les éditeurs (tels que Gallimard, Actes
Sud) ou encore les regroupements d'éditeurs (ce qu'est Lizzie
du groupe Editis). Ainsi, les maisons d'édition
étaient et sont toujours au coeur de l'innovation pour le marché
du livre. Ce qui explique leur actuelle attirance pour le podcast. Celle-ci est
liée, d'une part, à cet attrait à tout contenu audio, et
d'une autre part, au souci d'innover pour rendre le marché attractif et
attirer de nouveaux lecteurs et nouvelles lectrices.
La frontière entre le livre audio et le podcast peut
être poreuse. C'est ce que démontre Antoni Fournier, dans sa
thèse Le développement du livre audio, la révolution
de l'édition?. Il « note une différence entre ce format
original (qui se rapproche du podcast) et le format classique (un livre
préalablement publié au format papier repris en audio). Une
frontière poreuse qui est toutefois de plus en plus utilisée
aujourd'hui pour rendre le livre audio attractif. »36
36 CAPRON Camille, « Catalogues, autopublication
et objets connectés : quel avenir pour le livre audio en France ?
», ActuaLitté, 24/03/2020.
38
Ainsi, en s'intéressant au livre audio et en souhaitant
innover avec ce nouveau format, certains acteurs du livres ou extérieurs
créaient déjà des podcasts, avant même que ce format
y soit recherché. On trouve alors des formats hybrides, à la
frontière du livre audio, du podcast et de la série. Comme c'est
le cas du podcast original (de fiction) L'Employé,
créé par Spotify. De plus, on remarque que, pour attirer
de nouveaux publics, les acteurs du livre audio (on peut nommer Lizzie de chez
Editis ou encore Kobo) ont cherché au-delà des
frontières du livre en s'associant avec d'autres acteurs : Canal+
pour Lizzie en tentant d'attirer les auditeurs TV vers le livre
audio, Uber en donnant l'occasion aux livres audios d'être
écoutés par des personnes différentes. Un principe que les
maisons d'édition tentent de reproduire avec le podcast
littéraire, en commençant par s'associer avec des acteurs
liés au monde du podcast, tels que des studios de production. La
création d'un podcast demande de la technique ainsi que du temps, ce qui
nécessite de l'aide pour les maisons d'édition. C'est pourquoi,
la plupart des maisons d'édition s'associent avec des professionnels.
Les éditions Robert Laffont ont travaillé avec
Nouvelles Ecoutes pour la création du podcast Primo.
Les équipes de Nouvelles Ecoutes n'étaient pas sur place
tous les jours mais se sont occupées du conseil, du matériel
ainsi que du montage du podcast. De leur côté, le groupe
Editis s'est associé avec Le Poste Général
pour leur podcast Des Livres et Moi, Vincent Malone37
y prêtant même sa voix pour les interviews.
Compte tenu de ce panorama, il n'est donc pas étonnant
que le podcast attire le monde du livre. Les maisons et groupes y voient
à la fois une occasion de s'ancrer dans les usages mais également
de trouver du contenu innovant et attractif à produire. Quelles maisons
d'édition créent des podcasts ? Dans quel(s) but(s) ?
En janvier 2020, quinze podcasts littéraires avaient
été créés par treize maisons
d'édition38. Des nombres de podcasts et de maisons
d'édition qui ont, depuis, augmenté comme le prouve la
création du podcast des éditions du Masque en juin 2020,
en plein confinement. Le profil des éditeurs qui se lancent dans le
podcast est varié. Il peut s'agir de maisons d'édition
spécialisées dans la littérature générale
mais également dans la littérature jeunesse. Les éditions
Nathan ont, par exemple, leur podcast littéraire Parlons
livres avec Nathan qui donne à écouter chaque mercredi un ou
une libraire autour du livre de leur choix. Un podcast qui s'apparente
davantage à des épisodes conseils qu'à des chroniques
littéraires ou interviews d'auteurs. Ce qui correspond à
37 Musicien, auteur-compositeur et
interprète.
38 LACOUR Cécilia, « Les éditeurs à
l'assaut du podcast ? », Livres Hebdo, 10/01/2020.
39
leur cible : les parents et à leur besoin : des
conseils. Ainsi, leurs cibles vont être différentes, la
majorité du temps allant vers le public des livres qu'ils publient. Pour
certaines maisons d'édition, la création d'un podcast leur permet
de se développer davantage dans leur genre (policier, jeunesse, BD...).
Et elles cherchent alors à se démarquer via la forme et/ou le
contenu de leur podcast. Robert Laffont a créé un
podcast qui s'apparente à une mini-série d'immersion dans le
monde du livre, les éditions du Masque ont créé
« Conversation dans le noir »39, un podcast hebdomadaire
qui donne à écouter des conversations téléphoniques
entre une éditrice et une autrice de la maison d'édition. Il
s'agit d'un media en plus, qui leur confère une casquette de
spécialiste. Pour d'autres, cela leur procure (ainsi qu'à leurs
auteurs) davantage de visibilité.
Mais on peut se demander si créer un podcast n'est pas
devenu une mode, tout comme avoir un compte Instagram. Et cette question peut
autant se poser pour les podcasts professionnels qu'amateurs. Le podcast
étant un nouveau genre de contenu attractif, on pourrait le comparer
à Instagram et au succès que ce réseau social a depuis sa
création. Il s'agirait donc de « modes » auxquelles il est
important d'adhérer pour correspondre aux usages et à la
nouveauté. Ainsi, tout comme avec Instagram, le podcast attire les
amateurs.es et professionnel.elles du
livre, devenant un nouveau moyen de partage (comme l'est Bookstagram) mais
également d'information et de communication (rôle qu'ont les
compte Instagram des maisons d'édition). Le podcast attirant de plus en
plus, sur des sujets divers, l'industrie du livre profite de cet engouement et
s'en empare également. Cependant, comme nous l'avons
précisé précédemment, l'appétence de cette
industrie pour l'audio existait bien avant que le podcast ne soit reconnu. Et,
du point de vue des maisons d'édition, le podcast n'est pas un nouveau
moyen de communication et ne remplace aucun support précédant, il
permet de proposer, comme l'indique Aurélie Benoit-Gonin, directrice
Connaissance client chez Editis, dans un article de Livres
Hebdo40, des contenus supplémentaires.
Pour essayer de comprendre le souhait de ces
professionnel.elles, à savoir si les podcasts sont créés
dans un but commercial, comme le pensent la plupart des auditeurs et
auditrices, ou comme un « contenu supplémentaire », il est
nécessaire de comprendre l'usage du podcast littéraire dans le
monde professionnel du livre.
39 VINCY Thomas, « Le Masque lance des
»podcasts» noirs et féminins », Livres Hebdo,
16/04/2020.
40 LACOUR Cécile, « Les éditeurs
à l'assaut du podcast », Livres Hebdo, 10/01/2020,
https://m.livreshebdo.fr/article/les-editeurs-lassaut-du-podcast.
40
Les podcasts professionnels peuvent se présenter sous
deux formes distinctes. On a d'un côté des podcasts portés
par des groupes éditoriaux, et de l'autre des podcasts
créés par des maisons d'édition. Dans les deux cas, un
rapport direct au groupe éditorial existe mais celui-ci est plus ou
moins évident pour les auditeurs et auditrices,
extérieurs.es à ce
monde. En effet, la plupart des podcasts littéraires vont être
accessibles uniquement via le site web du groupe ou de la maison
d'édition. Certains groupes, tel que Editis, ont même une
page de leur site consacrée uniquement à l'audio et un onglet
pour les podcasts du groupe. On y retrouve ainsi Des Livres et moi,
mais également Parlons livres avec Nathan. Cependant, certaines
maisons d'édition ont tout de même choisi de rendre leurs podcasts
accessibles sur les plateformes d'écoute. C'est le cas pour Robert
Laffont, avec son podcast Primo.
Les podcasts portés par des groupes éditoriaux
réfèrent au groupe, dans son ensemble. Ils ne vont pas se
spécialiser en une thématique. Ils ne font aucune
différence entre un livre ou un auteur/une autrice de telle ou telle
maison d'édition. Ils parlent au nom du groupe et constitue une vitrine
de celui-ci. C'est le cas pour le podcast Des livres et moi
créé par le groupe Editis. Celui-ci donne à
écouter des interviews d'auteurs de best-sellers présents dans le
groupe. On peut alors écouter une interview de Michel Bussi
publiée chez Les Presses de la Cité, à la suite
d'une interview de Franck Thilliez publié chez 12 21, un autre
éditeur du groupe. Le cas d'Editis est très
intéressant puisque le groupe possède à son actif six
podcasts littéraires différents de par leurs formes et contenus.
Il s'agit de podcast tantôt à temporalité longue
tantôt à temporalité courte, qui sont pensés pour
être continuellement animés et écoutés, ou pour ne
paraître que sur une période courte. Le podcast Primo des
éditions Robert Laffont a été alimenté
pendant quatre mois (à partir de mars 2019), lors de l'année
2019. Il comprend douze épisodes mis à disposition
d'écoute plusieurs fois par semaine, donnant à suivre ces trois
aventures éditoriales. Celui-ci a d'emblée été
réfléchi pour ne durer que sur cette période
donnée. Parallèlement à cela, Des livres et moi,
autre podcast porté par le groupe, a été mis en ligne
à période identique que Primo, alimenté de
manière identique mais avec un rythme dépendant des sorties
éditoriales. Ainsi, il compte à ce jour vingt-cinq
épisodes et il est toujours animé, le dernier épisode
datant de mars 2020. Editis a alors des podcasts en son nom de groupe
mais également sous le nom d'une des maisons d'édition qui en
font partie. Et chacun de ceux-ci sont consultables sur le site
Lisez.com du groupe,
sur une page dédiée à leurs contenus audios. En effet,
depuis deux ans, le groupe fait son ascension dans le domaine de l'audio, de
par la création de podcasts mais également par la production de
livres audios. On remarque alors que le groupe considère ce format comme
une branche de l'audio, à même échelle que le livre audio,
dans lequel il s'investit de plus en plus.
41
Parallèlement à cela, des maisons comme
Flammarion n'utilisent le podcast littéraire qu'à
événement exceptionnel pour les aider dans leur communication. En
effet, avec le podcast sur la rentrée littéraire 2019,
l'éditeur a ainsi pu proposer du contenu à tous
professionnels.elles et passionnés.ées du livre sur une
période donnée. Ce podcast a temporalité courte est encore
consommable mais n'est plus actualisé.
Selon les auditeurs et auditrices de podcasts
littéraires, un podcasts créé par un groupe ou une maison
d'édition aurait davantage un but marketing et promotionnel. Une
remarque que rejettent la plupart des professionnels.elles. Mais qu'en est-il
réellement ? Y-a-t-il une réelle différence dans le
contenu et/ou dans la communication d'un podcast professionnel ? Tous les
podcasts littéraires professionnels sont-ils identiques ?
Comme nous l'avons vu précédemment, les podcasts
professionnels tentent de se différencier entre eux mais
également des podcasts amateurs. Pour ne peut être seulement
reliés au service marketing de la maison d'édition, ils se
doivent d'être innovants. Ainsi, temporalité, forme et contenu
vont être réfléchis. Alors que certains podcasts ont une
temporalité longue dans le temps, d'autres sont assignés à
une période donnée plus ou moins longue41. Cette
caractéristique se retrouve davantage chez les podcasts professionnels
où les événements nécessitant une communication
particulière sont présents. Le podcast Primo des
éditions Robert Laffont a duré pendant plusieurs mois,
le temps du travail et de la publication des trois romans. Et le podcast de la
rentrée littéraire 2019 de Flammarion n'a duré
qu'une journée, pour l'événement littéraire.
Concernant la forme, les maisons d'édition adaptent celle-ci à
leurs publications et spécialisations. Comme nous l'avons vu, les
éditions du Masque ont choisi la forme de la conversation
téléphonique alors que les éditions Robert Laffont
se sont rapprochés du reportage. Deux formes différentes qui
s'harmonisent avec le sujet choisi : converser avec des autrices ou suivre
trois primo romancières.
Alors que l'on a précédemment vu la
présence des podcasts amateurs sur les réseaux sociaux et
notamment Instagram pour se faire connaître et fidéliser leur
auditoire, il n'en est pas de même pour les podcasts professionnels. Dans
un article pour Livres Hebdo, Quentin Gauthier de chez Nathan
affirme que « la difficulté majeure est de les faire
connaître ». Propos appuyé par Leslie
41 Cependant, lorsque l'on parle de durée, on
évoque la mise à disposition de l'épisode ou des
épisodes. Ceux-ci sont encore disponibles aujourd'hui, un an
après, et pourront être écoutés à tous
moments par la suite.
42
Meyzer de chez Bayard : « Nous n'avons pas
encore trouvé le moyen idéal de communiquer sur Histoires de
jeunesse en dehors des réseaux traditionnels ».42 En
effet, les maisons d'édition ont déjà toutes leurs comptes
sur les réseaux sociaux. Serait-il alors intéressant pour elles
d'y inclure une communication ciblée sur leurs podcasts ? Ou ce nouveau
format nécessite-t-il un nouveau moyen de communication ?
Certains podcasts professionnels ont leurs propres comptes sur
les réseaux sociaux. On peut prendre l'exemple du podcast Primo
qui est présent sur Instagram sous le nom de Primo
Podcast. Un compte qui a permis durant la mise en ligne des
épisodes une promotion de l'écoute, et en aval un suivi des avis
des auditeurs et auditrices mais également des lecteurs et lectrices des
trois livres dont il est question dans le podcast. Désormais, le compte
partage les avis de lectures. Parallèlement à cela, certains
podcasts professionnels sont présents dans les comptes
réservés à la maison d'édition. On peut nommer le
podcast récent des éditions JC Lattés. La
community-manager de la maison n'hésite donc pas à créer
des posts spécifiques aux podcasts, posts qui sont ensuite partager via
les comptes personnels mais publics des employés.ées de la
maison. Un dernier cas de figure est la non présence des podcasts sur
les réseaux sociaux. Certaines maisons ou groupes ne font aucune
promotion de leurs podcasts, ceux-ci ayant tout de même une place
privilégiée sur le site web du groupe ou de la maison.
Cependant, et comme nous l'avons déjà
mentionné, les podcasts professionnels sont liés à leurs
maisons d'édition. Cela s'observe également sur les
réseaux sociaux. Le compte Instagram de Primo renvoie, dans sa
bio, au compte Instagram des éditions Robert Laffont, et
inversement. Un lien que podcast et maison d'édition mettent en
avant.
De nos jours, les maisons d'édition se doivent
d'être présentes sur les réseaux sociaux pour communiquer,
informer et créer des relations avec leurs lecteurs et lectrices. Depuis
près de dix ans, leurs services de communication et marketing se
renouvellent, s'ouvrant au digital et nouvelles pratiques. Plus que d'autres
secteurs, celui du livre a dû s'approprier les nouveaux outils en s'y
créant une présence et en utilisant cette dernière
à bon escient. Après l'entrée dans YouTube face à
la montée des Youtubeurs, et celle récente dans Instagram avec la
création d'une communauté de lecteurs et lectrices connue sous le
nom de Bookstagrameurs, l'édition fait face à un nouvel outil :
le podcast. À la frontière du réseau social et de l'outil
de communication, celui-
42 A noter qu'il s'agit là de deux podcasts ciblés
jeunesse.
43
ci est désormais le centre des préoccupations.
Les maisons d'édition et groupes lui cherchent une place, une
utilisation et tentent parfois d'innover. Un processus que l'on a vu
récemment, par exemple sur Instagram, avec le mise en place de
rendez-vous littéraires sous forme de partages de photos ou encore de
hashtags.
Lors d'un entretien avec le journal
ActuaLitté, Stéphanie Vecchione, consultante en
médias sociaux et promotion digitale, affirme que « les
éditeurs ont [...] compris l'impact de la recommandation » qui
s'exerce sur les réseaux sociaux. Pour elle, cette présence
à trois objectifs. Le premier est d'être là où est
présente et s'est construite une communauté de lecteurs et
lectrices. Le deuxième est de se créer une visibilité et
une e-réputation positive. Et, le troisième, concerne la
possibilité d'entretenir un réseau professionnel puisqu'y sont
présents également les libraires, les journalistes, les
bloggeurs... Elle ajoute également que l'importance est de ne pas
oublier de véhiculer l'identité et la valeur de la maison
d'édition, sans se perdre sur les codes des réseaux sociaux.
Avec l'arrivée du podcast dans l'édition, de
nouvelles compétences se développent et des associations se
créent. La plupart des podcasts dits professionnels sont nés de
partenariats avec des boîtes de production spécialisées
dans le podcast. Dans ce cas, soit celles-ci se chargent entièrement de
la conception du podcast professionnel, comme c'est le cas pour Des livres
et moi du groupe Editis, produit par Le Poste
Général. Soit, les boîtes de production aident
à la mise en pratique de compétences telle que la prise de son
pour l'enregistrement de Primo, laissant la boîte de production
s'occuper du montage en accord avec la maison d'édition pour
correspondre avec l'image de marque. Et, parfois, ces partenariats permettent
de créer des podcasts où le livre n'est qu'une source
d'inspiration, laissant place à une conversation non littéraire.
C'est ce que fait Editis avec son podcast Keep It Simple, une
série de podcasts produite par My Little Paris qui aborde les
thèmes de la méditation, l'éducation ou encore le sommeil.
Le livre devenant alors un accompagnateur dans la création des
épisodes.
b) Une entrée dans l'édition : entre
coulisses et publications
Plus qu'une simple interview entre deux individus sur un
roman, son intrigue et ses personnages, le podcast est devenu un réel
moment d'échange dans lequel l'auteur.rice peut être
invité.e à s'ouvrir. En effet, l'aspect amical voire familier de
l'échange créé lors de
44
l'enregistrement d'un podcast donne à écouter
des échanges plus sincères mais également dans l'ordre
privé. Y est donc souvent abordée la question du processus de
l'écriture, des coulisses du monde de l'édition, des secrets de
la vie d'écrivain.e... Et, à défaut d'un aspect purement
promotionnel, c'est généralement cet aspect-là qui
séduit les auteurs.rices et les font participer à ce nouveau
format.
Moi j'aime bien quand les choses sont sincères et
spontanées et c'est exactement le ton du podcast. [...] J'aime bien,
de façon générale, quand on donne l'opportunité
à l'auteur de parler des secrets d'écriture, des choses qu'on
ne peut pas lire dans le livre et qu'on a à coeur de savoir une fois
qu'on a lu le livre [...] Typiquement, pour Même les
méchants rêvent d'amour qui est le roman sur lequel elle
m'avait interviewée, ce qui est intéressant est qu'il
est inspiré d'une histoire vraie, et donc : comment on passe de la
réalité à la fiction ? comment on gère aussi la
pudeur ? comment on gère le secret de famille ? C'est des sujets
intéressants mais j'avoue je ne me souviens plus si c'est ce dont on
a parlé. ».43
Certaines maisons d'édition ayant compris l'importance
de ce critère, en ont fait leur coeur de cible. C'est le cas de
Primo qui, en collaboration avec la maison de production Nouvelles
Ecoutes, a créé le podcast Pile. Celui-ci a retranscrit
trois aventures littéraires de primo romanciers. Il a suivi leurs
parcours, surtout celui de leurs oeuvres, en allant de l'idée au
manuscrit, jusqu'à la parution finale, le tout en passant par les
coulisses des éditeurs. Pour Margaux Rol, cheffe de produits des
éditions Robert Laffont, « il était important [...]
de ne pas faire un podcast qui soit un pur produit marketing de promotion.
[...] Le marketing est là pour aider à raconter des histoires
afin d'attirer vers le livre. De fait, il était important pour nous de
raconter une histoire, et il est vite devenu évident que ce qui
passionnait souvent les gens hors de la profession était ce qu'il se
passait en coulisses et comment faisait-on pour publier un premier roman.
». Ainsi, en s'appropriant le format du podcast, les éditeurs
peuvent créer du contenu original, à la frontière de la
promotion marketing et d'échange de vie.
Et c'est ce que recherche la plupart des auditeurs et
auditrices en écoutant un podcast littéraire. Que celui-ci ne
soit pas qu'une simple interview, mais que l'échange aille plus loin.
Ils et elles
43 Entretien avec Anne-Gaëlle Huon.
45
souhaitent avoir accès à des « informations
plus techniques » et des « anecdotes » sur l'écriture et
la vie de l'auteur.rice interrogé.ée. Et c'est en ce sens qu'une
présence d'auteur.rice peut être privilégiée, pour
« parler de la genèse » de leur livre et de leurs pratiques
d'écriture.
Les maisons d'édition s'adaptent réellement
à ce nouveau format. Comme nous l'avons vu, celles-ci n'hésitent
plus à se mettre aux codes du podcast soit en créant leurs
propres podcasts, soit en sollicitant les podcasteurs et leur proposer des
partenariats. Certaines vont même plus loin, en utilisant ce format comme
nouvelle source éditoriale. En effet, depuis le début de
l'année 2020, certaines maisons d'édition annoncent dans leurs
catalogues la publication des livres issus de podcasts existants. C'est le cas
de Marabout et des Arènes. (Un article de Livres
Hebdo du 21 juillet 2020 annonce l'adaptation en livres de plusieurs
podcasts Louie Media. Ceci, quelques moins après la publication
d'un premier article annonçant l'adaptation par Marabout en
livre de podcasts Nouvelles Écoute)s. Deux maisons qui,
à défaut d'avoir créé leurs propres podcasts, ont
vu en ce marché de nouvelles sources de création. Marabout
a signé avec Nouvelles Écoutes un contrat
d'exclusivité pour l'adaptation en livres des podcasts phares du studio.
Ainsi, trois podcasts reconnus seront prochainement disponibles sur papier :
Émotions (par Les Arènes), La Poudre
et Mortel (par Marabout). Ce phénomène est
intéressant si on analyse le lien entre le podcast et le monde du livre
puisqu'il s'agit là de deux podcasts non littéraires qui le
deviennent en passant par le format papier. Deux livres qui seront
classés dans la catégorie vie pratique/essais. Ainsi, alors que
certaines maisons et certains groupes voient dans le podcast un simple outil de
prescription, d'autres lui trouvent une nouvelle forme. Le podcasts ne cesse
donc d'évoluer dans le monde du livre.
En s'associant avec des boîtes de production de podcasts
récentes et modernes qui cherchent à dynamiser le marché
du podcast, elles utilisent ce format d'une manière innovante. Un
principe original puisque le lien entre l'audio et le papier se trouve souvent
dans l'autre sens : du papier à l'audio, comme le prouve le format du
livre audio. Ce qui est intéressant à observer dans ce cas est
que le projet de livre est déjà créé et que la
maison d'édition a comme objectif de transformer un format audio,
parlé et authentique, en un format papier. Ainsi, travailler une forme
orale et originale tel que le podcast mérite d'aboutir à une
forme écrite originale.
C'est pourquoi, on peut se poser la question du choix des
podcasts pour ce genre de projets. En adaptant les podcasts de Nouvelles
Écoutes, Marabout aura dans son catalogue un best-seller
du podcast : La Poudre, le podcast féministe de Lauren Bastide.
De son côté, la maison Les Arènes
46
aura dans son catalogue le podcasts Emotions produit
par Louie Media. Des best-sellers du podcasts, promis best-sellers en
livres ?
Il s'agit là de deux projets similaires, cependant
entrepris dans deux groupes éditoriaux différents : Hachette
et Editis. De plus, il est intéressant de mettre en avant
que les deux maisons choisies sont de l'ordre de l'édition pratique/
essais documentaire. Ce qui correspond davantage à la forme du podcast
par rapport à une maison purement littéraire. Un critère
de ligne éditoriale qu'il est important de prendre en compte et de ne
pas négliger. En vient alors une question concernant la frontière
du livre audio et du podcast. Le podcast de non fiction ne serait-il pas une
forme de livre audio (forme spécifique compte tenu du format interview,
de plusieurs voix etc.) spécialisé dans le life style ?
Le podcast a donc un rôle différent selon
l'utilisation qu'en fait la maison d'édition ou le groupe. Comme nous
l'avons vu, certaines maisons d'édition créent des podcasts
littéraires. Elles s'organisent en interne en développant de
nouvelles connaissances et/ou avec un partenariat extérieur, en faisant
pour la plupart appel à des boîtes de production
spécialisées dans le podcast. D'autres maisons d'édition
ne deviennent pas créatrices de podcasts mais les relaient lorsque
ceux-ci mentionnent leurs livres. Pour elles, les podcastrices
littéraires sont bénéfiques puisqu'elles participent, de
manière indirecte, à la promotion de leurs livres. Certaines
relations se créent donc entre les podcastrices et les maisons
d'édition, notamment pour la mise en place de partenariats, à
l'image de celles existantes avec les journalistes et influenceurs/
influenceuses littéraires. Cela prouve alors bien le pouvoir de
prescription qu'à le podcast littéraire. D'autres maisons
d'édition trouvent dans le podcast une nouvelle forme de création
éditoriale. Ces maisons, généralement tournées vers
une ligne éditoriale sur l'actualité et la société,
adaptent des podcasts non littéraires (c'est à dire dont le sujet
n'est pas en lien avec le monde du livre et de la littérature) en
livres. Les podcasts deviennent alors une source de littérature, ce qui
amène une nouvelle façon de consommer le format podcast, via une
transformation, qu'est l'écoute.
En somme, on pourrait avancer l'idée que toute maison
d'édition peut être liée au podcast littéraire.
Certaines créent des podcasts littéraires de manière
professionnelle alors que d'autres, sans en avoir, ont la chance d'entendre
leurs auteurs.rices dans les podcasts littéraires amateurs. Pour
d'autres, cela va plus loin puisqu'elles voient à travers le podcast
littéraire une nouvelle stratégie d'influence. Ainsi, les
podcasteurs et podcatrices deviennent des influenceurs et
47
influenceuses, à l'image de ce que sont
également les blogueurs et blogueuses. Ceux-ci et celles-ci sont donc
approchés.ées par les maisons d'édition, en
reçoivent les services de presse et sont invités.ées aux
événements. En contrepartie, les maisons s'attendent à un
retour via le podcast et ses réseaux sociaux. Mais, envoyer un service
de presse, induit-il forcément un retour via la création de
contenu ? En vient également la question que l'on se pose avec les
blogueuses / les blogueurs et instagrameuses / instagrameurs, et que l'on
pourrait analyser dans le futur pour les podcastrices / podcasteurs : y-a-t-il
de l'impartialité dans leurs propos ?
48
V) Conclusion
Le podcast littéraire, qu'il soit amateur ou
professionnel, participe à la prescription littéraire de par son
écoute et sa présence sur les plateformes et réseaux.
Cette prescription va au-delà du format podcast en entraînant avec
elle les influenceurs et influenceuses littéraires dans son jeu. Pour
cela, chaque podcast à sa « recette miracle » qui lui permet
de toucher son public et de transmettre son message. Mais, le podcast
littéraire est bien plus qu'un nouveau moyen de communication ou support
de partage. C'est aussi un outil au service de l'auteur/ autrice, à son
travail, et au monde du livre en général (tant en marketing qu'en
reconnaissance humaine). Pour Margaux Rol44, il s'agit avant tout de
« faire découvrir de nouvelles voix et montrer à nos auteurs
que nous sommes capables de déplacer des montagnes pour eux ».
Alors que le podcast littéraire est pour certaines
maisons utilisé comme un nouveau contenu, pour certains groupes (tel que
Editis) l'univers du podcast fait désormais entièrement
partie de leur stratégie de marque et donc de leur identité. En
effet, le groupe a récemment , en septembre 2021, signé un accord
avec Majelan, « plateforme de distribution et de production de
contenus audios ». Ceci signifiant l'ancrage du groupe dans le podcast
mais donnant surtout l'exclusivité à cet acteur sur leurs
parutions futures. Ainsi, Majelan s'occupera de la mise en podcasts de
plusieurs livres du groupe dans les années à venir. Cet accord
est important puisqu'il part du postulat que 74 % des auditeurs de podcasts
natifs lisent des livres45. Celui-ci est principalement entre
Edi8 (ensemble de maisons d'édition du groupe Editis)
et Majelan dans le but de proposer de « nouvelles
expériences d'écoute ». Ainsi, selon le communiqué de
presse, Majelan aura un accès prioritaire aux auteurs du groupe
et Edi8 aura la priorité dans l'adaptation de leurs livres en
podcasts. Cet accord de la part de deux entreprises révèle la
complémentarité entre le livre et l'audio, et dynamise le devenir
du podcast littéraire.
Je crois dans la complémentarité de
l'expérience entre le livre et l'audio. (Mathieu Gallet,
Président de Majelan)
44 Cheffe de produit des édition Robert
Laffont.
45 Enquête réalisée par Havas
Paris et l'Institut CSA.
49
Je me félicité de ce partenariat qui
témoigne de la complémentarité entre la voix et
l'écrit. C'est également un partenariat entre deux
sociétés qui partagent les mêmes valeurs et les
mêmes ambitions : la quête de sens, répondre aux besoins
d'apprendre et de transmettre, contribuer à l'épanouissement
personnelle. (Vincent Barbare, Président d'Edi8)
Cependant, malgré cela, on remarque que les podcasts
littéraires ne sont pas assez visibles en France. Ils ne
représentent en effet qu'une partie minime de l'écoute du podcast
en général et restent restreints à des auditeurs et
auditrices
citadins.es et CSP+46. On
remarque également, sur les différents réseaux de podcasts
(réseaux sociaux et groupes qui s'y trouvent) qu'une majorité
habitent Paris, centre du monde de l'édition française. Ce
constat peut s'élargir au podcast en général. Etant
donné que le profil type d'un auditeur de podcasts est un homme actif,
urbain, âgé d'une trentaine d'années47. Que
faire pour élargir la cible du podcast littéraire,
réservé jusqu'ici majoritairement à un public
féminin ?
Comme le montre le Pod, une opportunité pour
le marché du podcast serait la création de podcasts
régionaux, dans le but d'acquérir de nouveaux
publics48. Concernant le podcast littéraire, la
réponse est plus complexe dans le sens où les maisons
d'édition se concentrent à Paris, ainsi que la plupart des
événements littéraires. C'est en cela qu'une
présence sur les réseaux sociaux ainsi que la publication de
podcast en livres, rend le forme du podcast davantage visible et accessible
à tous et à toutes. C'est pourquoi, le développement de
ces deux principes pourrait contribuer à l'avenir du podcast
littéraire et à le rendre plus visible en France.
De plus, même si nous avons pu remarquer que la plupart
des auteurs et autrices de bestsellers peuvent être
invités.ées à échanger lors d'épisodes de
podcasts littéraires, nous n'avons pas pu analyser dans ce travail
l'impact, ou non, des podcasts littéraires sur les ventes. N'ayant pas
pu aborder ce sujet lors de mes entretiens avec des professionnelles du livre,
j'ai tout de même eu l'occasion d'échanger de manière
informelle avec X49, selon qui, on ne peut pas réellement
voir l'impact de ce genre de contenus sur les ventes de livres puisqu'il n'y a
pas de circuit direct écoute/
46 CSP+ désigne, en marketing, les
catégories socio-professionnelles les plus favorisées en
France.
47 Voir annexe.
48 Voir annexe.
49 S'agissant d'une conversation informelle, et
n'ayant pas de contact avec la personne dont il est question, j'ai
préféré anonymiser son nom pour ce travail.
50
achat. Cependant, on pourrait tout de même rapprocher
cela de l'impact qu'à sur les ventes un post Instagram ou encore une
vidéo sur YouTube, ce genre de contenus transmettant davantage de
visibilité à l'objet livre.
En somme, le sujet du podcast littéraire, bien qu'ayant
déjà vécu plusieurs années dans le monde du livre,
n'en est qu'à ses débuts en France. Des innovations continuent
d'être réfléchies et pratiquées, autant par les
professionnels.elles que par les
amateurs.es. Et cela aurait le
mérite d'être approfondi, dans le futur, pour essayer d'en
extraire l'impact sur les ventes, la création de nouvelles façons
de lire, mais également de nouvelles manières
d'appréhender la littérature.
Un autre sujet mériterait toute notre attention, celui
du droit. En effet, suite à l'événement « Podcast
Festival Paris » qui a eu lieu du 15 au 18 octobre pour sa
troisième édition, un communiqué de presse de P/A
(le Syndicat de producteurs audio indépendants) et Geste
(Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne)
évoque le fait que le podcast pourrait un jour être
considéré comme une oeuvre audiovisuelle, ce qui permettrait aux
podcastrices et podcasteurs d'obtenir des aides à la création.
Ainsi, une dernière question pourrait se poser dans le cas où ce
sujet évoluerait : cela amènerait-il à une hausse de
podcasts mais également à une hausse de création
croisées entre le livre et le podcast ?
51
VI) Bibliographie et sitographie
- Ouvrage(s) :
JON Reed (2011), Le marketing en ligne : boostez votre
activité avec le web 2.0 : sites web, moteurs de recherche,
réseaux sociaux, blogs et podcasts, Paris, Pearson
- Articles :
Ausha, « Le storytelling dans le podcast : l'art de
raconter des histoires en 3 questions ».
BRULHATOUR Frédéric, « Une hausse de 48 % de
l'audience des podcasts natifs », Le Pod, 25/09/2020.
CAPRON Camille, « Catalogues, autopublication et objets
connectés : quel avenir pour le livre audio en France ? »,
ActuLitté, 24/03/2020
CONTRERAS Isabel (29/11/2019), « Livres audio : A
l'offensive », Livres Hebdo,
https://www.livreshebdo.fr/article/livres-audio-loffensive?xtmc=podcast&xtcr=2#489160
CONTRERAS Isabel (14/06/2019), « Un livre audio
podcasté », Livres Hebdo,
https://www.livreshebdo.fr/article/un-livre-audio-podcaste?xtmc=podcast&xtcr=23
GARY Nicolas (09/07/2019), « La rentrée
littéraire Flammarion en podcasts : lecture et entretiens »,
ActuaLitté,
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/la-rentree-litteraire-flammarion-en-podcasts-lecture-et-entretiens/95735
GARY Nicolas (07/11/2019 ), « Les liens entre livre et
podcast se resserrent dans le monde numérique »,
ActuaLitté,
https://www.actualitte.com/article/lecture-numerique/les-liens-entre-livre-et-podcast-se-resserrent-dans-le-monde-numerique/97734
52
GENTILLEAU Fiona (27/04/2020°, » Les audiences de
podcast et d'audio digital en hausse pendant le confinement»,
emarketing.fr
GUCHEREAU Alexiane (05/04/2019), « Editis lance des
podcast littéraires », Livres Hebdo,
https://www.livreshebdo.fr/article/editis-lance-des-podcast-litteraires?xtmc=podcast&xtcr=32
JABBE Elias (04/12/2018), « Podcasts : digitising an oral
tradition », Wamda,
https://www.wamda.com/index.php/en/2018/12/podcasts-digitising-oral-tradition
HAMMERSLEY Ben (12/02/2004), « Why online radio is booming
» , The Guardian,
https://www.theguardian.com/media/2004/feb/12/broadcasting.digitalmedia
LACOUR Cécilia (10/01/2020), « Les éditeurs
à l'assaut du podcast ? », Livres Hebdo
Lettres Numériques (24/09/2019), « Image, audio,
texte : les trois piliers de la communication web »,
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https://www.actualitte.com/article/monde-edition/image-audio-texte-les-trois-piliers-de-la-communication-web/96992
MANILEVE Vincent (25/11/2014), « La radio doit-elle
s'inquiéter du podcast ? », Slate,
http://www.slate.fr/story/95057/radio-podcast
Médiamétrie, communiqué de presse
du 26 mars 2019,
https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2019-03/2019%2003%2026%20CP%20Global%20Audio_1.pdf
Médiamétrie, communiqué de presse
du 22 avril 2020,
https://www.mediametrie.fr/fr/global-audio-1
PATARD Alexandra (27/02/2020), « Instagram : étude
sur les tendances de l'engagement », Blog du Modérateur,
https://www.blogdumoderateur.com/instagram-tendances-engagement/
53
Partenaire (08/10/2018), « Robert Laffont et Nouvelles
Écoutes lancent le podcast « Primo » »,
ActuaLitté,
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/robert-laffont-et-nouvelles-ecoutes-lancent-le-podcast-primo/91251
SKIDMORE Ryan (01/05/2018), « Podcasting : the new oral
tradition », Carmine,
https://carmine.io/podcasting-new-oral-tradition/
URBAIN Thomas (25/05/2020), « Comment Spotify est devenu un
géant incontournable du podcast », La Tribune,
https://www.latribune.fr/technos-medias/comment-spotify-est-devenu-un-geant-incontournable-du-podcast-848532.html
VINCY Thomas (16/04/2020), « Le Masque lance des
»podcasts» noirs et féminins », Livres Hebdo
- Documents :
Synthèse de la rencontre « Comment lirons-nous demain
? » lors des Assises du livre numérique 2019
Etude de 2019 du SNE sur les français et le livre audio
Etude « Les français et la lecture 2019 »
effectuée par le CNL
- Podcasts (écoute, analyse de leurs contenus et
réseaux sociaux/sites) : Pile
La page blanche Primo
Des livres et moi Flammarion
54
Les Coulisses du podcast, épisode «Communiquer et
promouvoir son podcast : réseaux sociaux et
référencement» ,
https://podcast.ausha.co/coulissespodcast/communiquer-et-promouvoir-son- podcast-reseaux-sociaux-et-referencement
- Autres sites : pour avoir accès à des
données et définitions générales
Le Pod PodMust
55
VII) Sommaire annexes
A) Grilles d'entretiens 56
1. Grille d'entretien avec les podcastrices amateures 56
2. Grille d'entretien avec les podcastrices des maisons
d'édition 57
3. Grille d'entretien avec Justine Souque 58
B) Entretiens 60
1. Entretien avec Anne-Gaëlle Huon 60
2. Entretien avec Justine Souque 63
3. Entretien avec Claire Jéhanno 68
C) Graphiques, données et pourcentages 71
D) Captures écrans de l'étude quantitative 74
E) Analyse des comptes Instagram de La Page Blanche, Pile et
Primo : 74
56
A) Grilles d'entretiens
1. Grille d'entretien avec les podcastrices
amateures
QUESTIONS
|
REPONSES
|
- Pouvez-vous me parler de [Nom du
podcast] ? (question ouverte pour
permettre à la personne de dire
plusieurs choses sur son podcast : but,
processus de création, idée globale...)
|
|
- Pourquoi ce nom ?
|
|
- Pourquoi le format du podcast plutôt
qu'un autre ?
|
|
- Vous proposez votre podcast sur
[Nom(s) de plateforme(s)], pourquoi ce(s) choix ?
|
|
- Vous travaillez avec [Nom d'un
label], quels sont les avantages d'une telle cohésion
?
|
|
- La durée moyenne de vos épisodes est
de [Durée] ? Cela est-il important pour vous ?
|
|
- Ecoutez-vous des podcasts ? des
podcasts littéraires ? Si oui, les(s)quel(s) ?
|
|
- Quelle relation entretenez-vous avec
les autres podcasts littéraires ? Les autres
podcasteurs.rices ?
|
|
- Comment choisissez-vous vos
sujets ? En fonction de livres lus ?
Des sorties littéraires ? D'une demande ?
|
|
- Avez-vous des partenariats avec des
maisons d'édition ? Avec des médias ?
|
|
- Quel place donnez-vous à l'auteur
dans vos contenus ?
|
|
- Quelles sont vos audiences ? Les
analysez-vous ?
|
|
- Connaissez-vous le profil type de vos
auditeurs.rices ?
|
|
57
- Echangez-vous avec eux ?
|
|
- Comment avez-vous fait/faîtes-vous
connaître votre podcast ?
|
|
- Que pensez-vous du podcast comme
nouveau moyen de communication pour le livre ?
|
|
- En quoi cela diffère de l'offre radio
déjà présente ?
|
|
2. Grille d'entretien avec les podcastrices des maisons
d'édition
QUESTIONS
|
REPONSES
|
- Pouvez-vous me parler de [Nom du
podcast] ? (question ouverte pour
permettre à la personne de dire
plusieurs choses sur le podcast : but,
processus de création, idée globale...)
|
|
- Pourquoi ce nom ?
|
|
- Qui s'en charge dans le groupe/ la
maison ? (en quoi cela a-t 'il changé
l'organisation, les postes, les compétences...)
|
|
- Pourquoi le format du podcast plutôt
qu'un autre ?
|
|
- Est-ce que cela diffère de l'offre radio
que l'on peut avoir en relations presse ?
|
|
- La durée moyenne d'un de vos
épisodes est de [Durée] ? Cela est-il important
pour vous ?
|
|
- Vous proposez votre podcast sur
[Nom(s) de plateforme(s)], pourquoi ce(s) choix ?
|
|
- Vous travaillez avec [Nom d'un
label], quels sont les avantages d'une telle cohésion
?
|
|
58
- Quels retours avez-vous déjà eu (des
lecteurs, non lecteurs, professionnels...) ?
|
|
- Quelles sont vos audiences ?
|
|
- Connaissez-vous le profil type de vos
auditeurs ? Sont-ils des lecteurs du groupe Editis ?
|
|
- Les auteurs du groupe sont-ils
demandeurs d'y prendre part ? Sur quel(s) critère(s) leur
proposez-vous d'y intervenir ?
|
|
- Quelle place y donnez-vous à l'auteur
? au livre ?
|
|
- Voyez-vous le podcast comme un
nouvel outils de communication et de marketing des maisons
d'édition ?
|
|
- Cela remplace-t-il (a-t-il plus
d'impact que) une intervention dans la presse radio ?
|
|
- Avez-vous déjà eu des retours de
libraires ? S'intéressent-ils et utilisent-ils votre
podcast ?
|
|
- Quel lien faites-vous avec le podcast
et le livre audio ?
|
|
- Pensez-vous qu'une présence audio et
donc que l'audio en général pourrait
aider à attirer vers le papier ?
|
|
- Est-ce une façon de proposer du
contenu audio gratuit aux lecteurs et donc les sensibiliser au
livre audio ?
|
|
3. Grille d'entretien avec Justine Souque
QUESTIONS
|
REPONSES
|
- Comment définissez-vous le terme
podcast ?
|
|
- Le terme podcast littéraire ?
|
|
- Selon vous, le podcast littéraire est-il
différent du podcast tel qu'on le conçoit (par sa
forme, son contenu,
|
|
59
son utilisation, son créateur/sa
créatrice, les auditeurs/auditrices...) ?
|
|
- Pour vous, quel est le rôle d'un
podcast littéraire ?
|
|
- Est-ce un nouveau moyen de
communication et/ou une nouvelle
création de contenu littéraire ?
|
|
- Y-a-t 'il un « concurrent » au podcast
littéraire ?
|
|
- Quel avenir voyez-vous pour ce
nouveau média ?
|
|
- Quel est l'utilité du podcast littéraire
dans le monde du livre, pour les maisons d'édition ?
|
|
- Comment un podcast littéraire peut-il
se faire connaître ?
|
|
- Quelle peut être la place de l'auteur
dans un podcast littéraire ?
|
|
- Dans quel but pourrait-il être
présent ?
|
|
- Tous types d'auteurs peuvent-ils y
être présents ?
|
|
- Un podcast littéraire a-t-il plus de
« valeur » si l'auteur y est présent ?
|
|
- Quelle incidence cette présence peut-
elle avoir sur l'auteur ? le podcast ? l'économie du
livre ?
|
|
- Une présence dans un podcast
amateur ou un podcast professionnel est-elle différente
?
|
|
- Le livre papier en tant qu'objet a-t-il
sa place dans un podcast ?
|
|
- Est-ce que le podcast est devenu une
nouvelle manière de rendre les livres et la
littérature accessibles à tous et à toutes ? ·
|
|
- Cela pourrait-il être en lien avec une
nouvelle forme de démocratisation
|
|
60
de l'audio dans la pratique de la
lecture ?
|
|
- Pensez-vous que ce nouveau média
est en voie de généralisation dans le monde du
livre ?
|
|
B) Entretiens
1. Entretien avec Anne-Gaëlle Huon
- Pourquoi avez-vous participé à Pile
le podcast ?
Parce que j'ai rencontré Claire Jéhanno via mon
éditeur d'Albin Michel. Elle avait envie de chroniquer Même
les méchants rêvent d'amour, et j'ai trouvé que sa
voix, le format, même le support, tout était intéressant et
puis assez créatif. Ça rendait bien l'univers réaliste
mais pas trop qu'on aime bien avoir dans les romans, davantage que la
vidéo.
- Connaissiez-vous le podcast ?
C'est au moment où j'ai rencontré Claire, donc
pas beaucoup de temps avant [l'enregistrement].
- Avant l'enregistrement : Écoutiez-vous des
podcasts ? Lesquels ?
J'écoute très peu de podcasts. Je n'ai pas
beaucoup de temps et je travaille de la maison donc je n'ai pas vraiment de
temps de transport qui justifie ça. Et, par ailleurs, j'aime beaucoup
écouter de la musique, j'en écoute beaucoup, beaucoup.
Donc, j'ai toujours l'impression que je n'ai jamais le temps.
Ce qui est une fausse idée je pense puisqu'on a toujours 20 mn quand on
se maquille etc... Mais j'y pense pas et j'aime bien être dans mes
pensées aussi.
J'en écoute un peu l'été en voiture et
dans les transports quand on va en vacances. J'aime beaucoup les TedX, en
anglais ; les interviews d'économistes ou d'historiens, les gens qui
sont des spécialistes et qui arrivent à vulgariser leurs savoirs,
ça me plaît beaucoup.
61
- A la suite de l'enregistrement : En
écoutez-vous davantage ? Ce média vous intéresse-t-il plus
?
Non, je n'en écoute pas davantage. J'aime bien Pile
car c'est vraiment très court, c'est ludique. C'est facile à
grignoter, c'est un peu du snacking.
Après, non, ce n'est pas un media qui me touche
particulièrement, lié aussi je pense à la façon
dont je vis.
- Aviez-vous déjà participé
à un autre podcast (littéraire ou non) avant ?
Oui, notamment un qui me plait beaucoup qui s'appelle «
Un livre dans le tiroir » qui est par Kobo où j'ai
été interviewée aussi, qui est très qualitatif.
- Avez-vous réitéré l'aventure
depuis ?
Evidemment, pour moi c'est un média comme un autre,
ça permet de se faire connaître auprès de gens
différents, ça permet aussi d'être assez spontanée
ce que l'écrit permet moins : il n'y a pas le ton, l'humour etc...
Donc moi j'aime beaucoup ce medium-là, je faisais de la
radio quand j'étais étudiante et j'ai toujours bien aimé
tout ce qui était sonore. J'aime bien, encore une fois, que l'esprit
puisse s'évader, qu'il ne soit pas contraint par l'image. Je trouve que
ça stimule l'imaginaire davantage, la voix que l'image.
- Comment s'est passé l'enregistrement
?
Très très bien, Claire est venue chez moi dans
mon salon, un soir quand les enfants étaient couchés. Elle avait
préparé des questions, évidemment elle avait lu le livre.
Donc ses questions étaient très intéressantes, et puis
c'était, je trouvais, très spontané. Moi j'aime bien quand
les choses sont sincères et spontanées et c'est exactement le ton
du podcast. De la même façon qu'Un livre dans le tiroir,
c'était une conversation davantage qu'une interview un peu
formatée. Moi, j'aime pas trop les interviews formatées. J'aime
pas les écouter, j'aime pas les lire. Voilà, j'ai à coeur
que tout soit assez honnête et sur le vif.
- Avez-vous préparé un "texte" ?
Avez-vous réfléchi à des réponses
?
Non, pas du tout. Réfléchi à des
réponses non plus. Parler de son livre est un exercice qui n'est pas
compliqué, on connait quand même le contenu. Ce n'est pas une
interrogation écrite non plus. Après, le jeu est de savoir donner
envie mais Claire était là aussi pour m'y aider. Résumer
son livre est toujours très difficile car on passe beaucoup de temps
à écrire les quatrièmes de couverture, à les
retravailler avec l'éditeur et je trouve que c'est souvent la meilleure
version. A l'oral, c'est comme quand quelqu'un nous dit qu'il a vu un super
film et qu'il va nous le raconter, ça donne rarement envie, je trouve.
Donc, à moins de savoir résumer en une phrase, ce qui est
très dur, voilà ça c'est moins évident. Mais pour
le reste j'ai trouvé que c'était un exercice qui n'était
pas très difficile.
62
- Quels sujets avez-vous aimé aborder
?
C'était assez court, j'ai bien aimé les
questions qu'elle m'a posées.
J'aime bien, de façon générale, quand on
donne l'opportunité à l'auteur de parler des secrets
d'écriture, des choses qu'on ne peut pas lire dans le livre et qu'on a
à coeur de savoir une fois qu'on a lu le livre.
Typiquement, pour Même les méchants
rêvent d'amour qui est le roman sur lequel elle m'avait
interviewée, ce qui est intéressant est qu'il est inspiré
d'une histoire vraie, et donc : comment on passe de la réalité
à la fiction ? comment on gère aussi la pudeur ? comment on
gère le secret de famille ? C'est des sujets intéressants mais
j'avoue je ne me souviens plus si c'est ce dont on a parlé.
Pour Un livre dans le tiroir de Kobo, je me
suis beaucoup livrée pendant cette interview, les questions
étaient intéressantes aussi : comment arriver à
l'écriture ? quel livre on a dans le tiroir ? Des questions un petit peu
farfelues, j'aime bien.
- Qu'aimez-vous dans le format du podcast
littéraire ?
J'aime quand ça me permet d'écouter l'auteur
sans posture, sans masque. Il y a des auteurs, j'aimerais bien qu'ils
m'expliquent comment ils écrivent.
Dans les entretiens libres comme ça, on entend beaucoup
de l'auteur et de sa personnalité, on entend ses doutes ou a contrario
sa grosse tête, on entend sa rigueur, là où il puise son
inspiration, ça me plait beaucoup.
- Cette intervention vous a-t-elle été
bénéfique ? J'imagine, il n'y a rien qui vous fait
du tort.
- Avez-vous écouté le podcast par la
suite ?
Oui, évidemment, je l'ai écouté le jour
de sa sortie. Et puis je l'ai partagé aussi sur les réseaux
sociaux.
- Selon vous, qu'apporte l'intervention d'un auteur /
d'une autrice dans un podcast ?
On passe dans les coulisses, on a un rapport plus
honnête, plus direct avec l'auteur et puis avec le processus de
création.
- Aviez-vous, par le passé,
participé à une émission radio ou contenu se rapprochant ?
Si oui, cela a-t-il été différent avec le podcast
?
Je n'ai jamais fait d'émission radio sur mes livres.
Récemment j'ai été interviewée pour une radio qui
voudrait parler de la situation de l'édition et des auteurs pendant le
confinement. C'était plus factuel, des questions comme : comment se
portent les ventes ? quelles
63
inquiétudes ? Il y a moins de place à
l'imaginaire, on n'est pas là pour donner envie aux gens de rentrer dans
un univers ou dans une histoire donc oui c'était différent.
- En tant qu'autrice, pensez-vous que le podcast
laisse plus de place à l'auteur/autrice qu'un autre média
?
Oui, plus que l'interview par exemple dans un journal
où tout est lu, relu ; probablement même que certains auteurs
répondent à des questions sans être briefés à
l'avance ou quand ils répondent ; le pire c'est de répondre par
mail car là on peut faire relire par l'éditeur ou faire
corriger.
Peut-être qu'un podcast c'est plus spontané
peut-être si les réponses sont longues.
- Voyez-vous le podcast comme un possible nouveau
média de création littéraire ?
Si c'est diffuser des oeuvres par le podcast, on se rapporte
plutôt à l'audiobook.
Après, le podcast en soi, non je ne vois pas
forcément une forme de création littéraire mais
peut-être que je n'ai pas encore trouvé la solution.
- Selon vous, le podcast est-il amené
à prendre de l'ampleur dans le monde du livre ? Si oui, pourquoi / dans
quel(s) but(s) ?
Alors, moi je trouve qu'il y en a déjà beaucoup
beaucoup. On m'envoie souvent des liens de podcasts, j'avoue je n'écoute
pas tout. Il y a plein de trucs que j'adorerais écouter (émission
de France Inter sur les livres, Pénélope Bagieu... ). Comme je
disais, je préfère lire des livres ou écouter de la
musique donc le succès du podcast ne passera pas forcément par
moi.
Je crois plus en l'audiobook qu'au succès du podcast.
Après je pense qu'il y en a de très très bons mais quitte
à parler de littérature, autant lire un bon livre, contrairement
peut-être aux trucs de développement personnel, je m'ennuie
prodigieusement. En revanche, il y a quelques personnes que j'aime bien
écouter en podcast, des américaines surtout. Mais c'est personnel
ce que je dis.
2. Entretien avec Justine Souque
- Qu'est-ce qu'un podcast ?
Au sens large, le podcast peut être compris comme un
rituel d'écoute. Quand on lit par exemple "disponible en podcast", cela
signifie que nous avons accès à un contenu audio n'importe quand.
Il est souvent d'usage de distinguer les podcasts comme rituel d'écoute
des podcasts dits natifs, c'est-à dire des créations sonores
nouvelles, avec un format relativement court et un rythme de production
régulier (quotidien, hebdomadaire, mensuel...). Mais cette distinction
apporte une certaine confusion. Les podcasts sont par essence natifs, sinon il
faut mieux parler de replay, de réécoute, ou de rediffusion.
64
- Qu'est-ce qu'un podcast littéraire
?
Un podcast littéraire a pour point de départ la
vaste thématique du monde des livres. Ce type de podcast peut aborder
les coulisses d'une publication, depuis la recherche d'inspiration lors de
l'écriture, jusqu'à la promotion de l'ouvrage, en passant par
l'édition du texte. Le podcast littéraire peut aussi valoriser un
mouvement littéraire, une maison d'édition, un genre, un auteur,
ou un livre en particulier... Certains podcasts sont de vrais relais de
promotion, en conseillant des lectures. Ajoutons que les podcasts
littéraires englobent la fiction et la nonfiction : ce qui compte, c'est
la littérarité du texte, autrement dit sa valeur
littéraire.
En ce qui concerne les podcasts littéraires de fiction,
il convient de distinguer l'adaptation sonore d'un texte préalablement
publié d'un texte écrit spécialement pour une diffusion
sonore. Dans ces deux cas, le rendu doit répondre aux exigences du
format podcast : être pensé pour l'audio, et sous forme
d'épisodes.
- Un podcast littéraire est-il
différent du podcast tel qu'on le conçoit (par sa forme, son
contenu, son utilisation, son créateur/sa créatrice, les
auditeurs/auditrices...) ?
Un podcast littéraire est seulement l'une des offres
dans la planète podcasts. Sur cette planète, il y en a pour tous
les goûts, disponibles quand chacun le souhaite. Un podcast sportif,
médical, économique ou littéraire de qualité
nécessite un format audio rythmes par épisodes réguliers
et relativement brefs, autour desquels se réunissent des
passionné.e.s (aussi bien
le.la créateur.trice du podcast que
les auditeurs.trices).
- Selon vous, à quel moment le podcast
littéraire est-il arrivé en France ?
Le véritable engouement de ce format audio est
très récent, il y a environ deux ans. Cela ne veut pas dire que
le podcast littéraire n'existait pas avant, mais il a pris une toute
autre ampleur, en témoigne l'arrivée des géants du monde
de l'audiovisuel, des médias et de l'édition pour
développer cette offre en France.
- Quels acteurs se le sont approprié en
premier ?
Avant ces géants, il y a eu des podcasts
littéraires plus confidentiels, réalisés par des
amateurs.trices, et non des professionnels. Ces acteurs.trices sont toujours
là et méritent d'être entendu.e.s
- Quels en sont les usages actuels ?
Un podcast littéraire s'écoute quand on en a le
temps et l'envie, seul ou à plusieurs. Cela dépend de chacun,
c'est ce qui fait la grande liberté du podcast. Les podcasts qui font un
effort particulier sur l'habillage sonore et l'accompagnement musical peuvent
être écoutés au casque, pour une plus grande immersion et
capacité d'attention.
- Pour vous, quel est le rôle d'un podcast
littéraire ?
Un podcast littéraire est complémentaire de la
passion pour la lecture. Il accompagne et valorise le livre sous toutes ses
formes, qu'il soit papier ou audio.
65
- Est-ce un nouveau moyen de communication et/ou
une nouvelle création de contenu littéraire ?
Les deux, cela dépend de la ligne éditoriale du
podcast, s'il se positionne comme un relais de promotion, ou bien comme le
canal de diffusion d'une oeuvre nouvelle.
- Qui sont les créateurs ?
Les passionnés de littérature et les professionnels
de l'édition.
- Y-a-t 'il un « concurrent » au podcast
littéraire ?
Non.
- Quel avenir voyez-vous pour ce nouveau medium
?
Une ampleur croissante et des exigences de plus en plus
élevées quant à la qualité de la narration et du
son.
- Connaissez-vous le profil type d'un auditeur /une
auditrice de podcast littéraire ? Des lecteurs, et surtout
des lectrices.
Quel est l'utilité du podcast littéraire dans le
monde du livre, pour les maisons d'édition ? La promotion d'un ouvrage
et de son auteur.
- Comment les podcasts littéraires se
font-ils connaître ? Y-a-t `il une « méthode miracle »
pour la reconnaissance ?
Le bouche à oreille fonctionne particulièrement
au sein d'une communauté déjà soudée autour d'une
même inclination, celle du livre.
- Selon vous, quelle est la place de l'auteur/
autrice dans les podcasts littéraires ?
Je crois qu'a minima, l'auteur.e doit savoir que son livre
sera évoqué dans un podcast, grâce à son
attaché de presse par exemple, car cette présence fait partie de
la promotion du livre. L'auteur.e n'est toutefois pas indispensable, car
à partir du moment où le livre est publié, il est entre
les mains de son lectorat.
- Dans quel(s) but(s) pourrait-il/elle être
présent(e) ?
Si l'auteur.e vient dans un but uniquement promotionnel, c'est
une publicité à peine subtile qui n'ajoutera pas de contenu
qualitatif au podcast. Il est intéressant de l'inviter pour
connaître ses propres goûts littéraires, ses
procédés d'écriture... En bref, l'invitation d'un ou d'une
auteur.e lors d'un podcast ne doit pas être un prétexte, mais bien
l'occasion d'approfondir un sujet.
66
- Quel peut-être leur apport dans un podcast ?
(intervention, lecture...)
Si l'auteur.e est à l'aise dans l'exercice de lecture,
il peut intervenir en lisant des passages qu'il ou qu'elle juge
emblématiques (les plus personnels, difficiles à
écrire...). Quand l'auteur.e parle, il est nécessaire qu'il ou
elle donne encore plus de chair, de vie, à son livre, en ponctuant les
émissions d'anecdotes et de ressenti.
- Tous types d'auteurs/autrices ont-ils leur place
dans un podcast ? (cf genre littéraire ?)
C'est avant tout la personnalité de l'auteur qui
compte, et non le genre qu'il représente. Il faut que sa voix, sa
présence, apporte une valeur ajoutée au podcast. Si ce n'est pas
le cas, il est préférable que l'animateur.trice du podcast parle
en son nom.
- La voix, la personnalité de l'auteur/autrice
ont-ils leur mot à dire ?
Sauf si le podcast littéraire a clairement
été créé pour donner la voix aux auteur.e.s, ils et
elles ne doivent pas nécessairement s'imposer lors des émissions.
Les oeuvres doivent pouvoir vivre indépendamment de la présence
de l'auteur. Par contre, si l'auteur.e a prêté sa voix à la
version livre audio de son ouvrage, l'entendre est une aubaine, non seulement
pour faire connaître la publication sous ses différents formats,
mais aussi pour offrir un moment de lecture privilégié aux
auditeurs.
- Un podcast littéraire a-t-il plus de
"valeur" lorsqu'un auteur / une autrice est présent(e) (pour parler de
ses romans, d'un genre littéraire, d'une analyse ) ?
Non, sauf si le thème du podcast littéraire est
défini comme une rencontre avec différent.e.s auteure.s.
- Est-il préférable qu'il/elle y
soit présent(e) tout le long de l'épisode ? pour une intervention
? qu'il/elle soit un réel acteur du podcast ?
Là encore, tout dépend de la ligne directrice du
podcast. Mais si le podcast n'est pas uniquement dédié à
une rencontre avec un.e auteur.e, il est tout à fait possible
d'insérer un contenu pertinent pré-enregistré dans un
épisode. La priorité est la pertinence et la vigueur du propos
introduit.
- Quel incidence a la présence de
l'auteur/autrice sur un podcast ? pour l'auteur/ l'autrice ?
La présence de l'auteur.e sur un podcast, c'est un
nouvelle voix à écouter, en plus de celle de l'animateur.trice,
pour les auditeurs. Il faudra donc une certaine complicité entre
l'animateur.trice du podcast et l'invité.e, afin que le
déroulement soit fluide, car avec le podcast, il n'y a pas de
repères visuels qui accompagnent les échanges.
- Sa présence dans un podcast professionnel
(ex : créé par une maison d'édition) ou amateur (ex:
créé par une lectrice) est-elle différente
?
La présence dans un podcast programmé par une
maison d'édition perd en spontanéité. Les auditeurs se
doutent qu'il s'agit d'une invitation promotionnelle, et tout l'enjeu sera
de
67
transformer ce moment en une rencontre authentique. L'avantage
d'un podcast amateur est double, non seulement pour le ou la podcasteur.teuse
qui, selon la notoriété de l'auteur.e, va voir les chiffres de
son audience augmenter, et pour l'auteur.e, qui se sentira davantage dans une
conversation moins formelle, et donc plus intimiste.
- Pensez-vous que cela participe à la
promotion de leur image d'auteur/autrice ? à la promotion de leurs
livres ?
Oui, c'est même une motivation.
- Une participation à un podcast peut-elle
avoir un "bénéfice économique" (cf ventes de livres) pour
l'auteur ?
Oui, mais le contraire est vrai aussi : une mauvaise critique
d'un livre lors d'un podcast peut desservir l'ouvrage.
- Existe-t-il des podcasts créés par
des auteurs/autrices ?
A ma connaissance, c'est le cas pour des auteur.e.s qui ont
aussi des activités journalistiques en parallèle, comme Lauren
Malka.
- Les auteurs littéraires ne sont-ils
cantonnés qu'aux podcasts littéraires ?
Les auteur.e.s peuvent aussi être invité.e.s
pourquoi pas à d'autres types de podcasts, selon le thème de leur
livre, par exemple des podcasts historiques, sociologiques ou
sociétaux.
- Dernière question, plus large : si je
prends par exemple le podcast Primo mais également quelques podcasts de
fictions, pouvons-nous supposer que le podcast peut être vu comme une
sorte de plateforme liée au processus de création de l'auteur
?
Je crois que, plus largement, le podcast en tant que format
sonore divisé en épisodes peut inviter les auteur.e.s à
penser autrement la dimension orale (polyphonie, dialogue...) et la
construction du texte (enchaînements des péripéties, rythme
des phrases...), durant le processus d'écriture.
- Le livre papier en tant qu'objet a-t-il toujours
une place dans un podcast ? (étant donné qu'il n'y a pas le
visuel comme à la TV ou sur Insta)
L'audio est là pour faire jouer l'imagination des
auditeurs. Sans écran, ils peuvent imaginer l'objet livre, projeter
à quoi il pourrait ressembler. C'est au podcasteur ou à la
podcasteuse de décrire la couverture, le format, peut-être
même les illustrations à l'intérieur, et autres
détails qui attisent la créativité et la curiosité
de l'auditorat. Il s'invente alors son propre objet livre, et des sensations
toutes personnelles accompagneraient ses projections, en attendant que
l'auditeur tienne le livre entre ses mains.
- Si non, comment palier à ce manque ? (lien
avec d'autres réseaux ?)
Les réseaux sociaux ne pallient pas un manque, ce sont
des relais de diffusion complémentaires.
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- Est-ce que le podcast est devenu une nouvelle
manière de rendre les livres et la littérature accessibles
à tous et à toutes ? ·
Oui, c'est un format qui démocratise, en règle
générale, les productions culturelles. En ce qui concerne le
livre, le défi est de convaincre des non lecteurs, de ne pas se
satisfaire d'une communauté qui lit déjà beaucoup. Le
croisement des disciplines et centres d'intérêt (livre/jeu
vidéo ; livre/cinéma...) serait une initiative astucieuse pour
partir à la conquête de nouveaux lecteurs.
- Cela pourrait-il être en lien avec une
nouvelle forme de démocratisation de l'audio dans la pratique de la
lecture ?
Le podcast valorise indirectement le livre audio et la lecture
à haute voix (lors de festivals ou de rencontres en librairie), car il
nous familiarise avec l'écoute de contenu littéraire. Il n'est
plus seulement question de lecture silencieuse et solitaire : l'audio ouvre de
nouvelles perspectives dans la pratique de lecture.
- Pensez-vous que ce nouveau média est en
voie de généralisation dans le monde du livre ?
Le podcast est en train de prendre une place de choix, et ce
à différents moments de la vie du livre : coulisses de la
création littéraire, sortie en librairie, ou adaptation du livre
papier en autre média (livre audio, film, série...). Les
éditeurs de livre papier et audio ont tout intérêt à
considérer le podcast comme un acteur à part entière du
monde éditorial.
3. Entretien avec Claire Jéhanno Pouvez-vous me
parler de Pile ?
PILE, c'est le podcast pour trouver le bon livre pour le bon
moment. Il s'adresse à ceux qui aiment lire mais ne savent pas toujours
quoi... et à tous ceux qui n'aiment pas (mais je me charge de les
convaincre !)
Pourquoi ce nom ?
PILE, comme une pile de livres ou comme pile le bon livre pour
le bon moment ! C'est le premier nom qui m'est venu à l'esprit (il faut
dire qu'il y a des piles de livres partout chez moi)!
Pourquoi le format du podcast plutôt qu'un
autre ?
Je conseillais souvent des livres à des amis ou
à de la famille, et là, c'est tout pareil ! Beaucoup
d'émotions et de délicatesse passent par la voix. C'est vraiment
un format génial pour créer de la proximité.
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Vous proposez votre podcast sur différentes
plateformes (podtail, soundcloud, deezer...), pourquoi ce choix
?
Plus PILE est écouté, plus il y a de chances que
des livres que j'adore soient lus et appréciés. C'était
donc évident pour moi que l'on puisse retrouver mon podcast un peu
partout.
Vous ne travaillez pas avec un label, est-ce un choix
? Le souhaiteriez-vous ?
PILE, c'est vraiment un espace de liberté et de
récréation pour moi. J'aime le fait de le produire en
indépendante.
La durée moyenne de vos épisodes est de 3mn (pour
les « épisodes ») à 45mn (pour les «
Hors-Série »).
Cela est-il important pour vous ?
Les hors-séries me permettent de partager de
formidables rencontres avec des auteurs, des passionnés de livres... Ces
moments sont tellement merveilleux que ce serait dommage de se limiter à
une durée de 5 minutes, qui est mon format original. Et puis, c'est une
des grandes forces du podcast : ne pas être formaté, ne pas
être obligé de rentrer dans une case... donc j'en profite à
fond !
Pourquoi proposez-vous ces deux types de contenus
?
Il y a une grande diversité dans PILE : des romans, des
classiques, des BDs, du tout nouveau qui vient de sortir, ou des coups de coeur
qui durent toujours... C'est chouette que cette liberté se retrouve
aussi dans une diversité de formats, des contenus différents... !
Les auditeurs.ices me disent souvent qu'ils aiment l'alternance entre les deux
formats, qu'ils ne les écoutent pas pour les mêmes raisons et dans
les mêmes moments.
Ecoutez-vous des podcasts ? des podcasts
littéraires ? Si oui, les(s)quel(s) ?
Oui, j'adore en écouter ! J'aime beaucoup notamment ce
que fait Arte Radio, c'est une source d'inspiration depuis des années !
Mais je m'intéresse aussi à la production des podcasteurs
indépendants. En revanche, j'écoute assez peu de podcast
littéraire.
Quelle relation entretenez-vous avec les autres
podcasts littéraires ? Les autres podcasteurs.rices ?
C'est un milieu très bienveillant, avec beaucoup
d'entraide. On s'envoie des encouragements sur les réseaux sociaux, on
se refile des conseils, et surtout on fait des soirées !
Comment choisissez-vous vos sujets ? En fonction
de livres lus ? Des sorties littéraires ? D'une demande
?
Parfois, je lis un livre génial et je cherche un
thème qui me permettrait d'en parler. Parfois, c'est le contraire, et
dans ce cas, je peux mettre des mois avant de trouver le livre qui correspond
à ce thème. J'aime bien aussi suivre les demandes des
auditeurs/auditrices, et chercher le livre qui collera à leurs envies de
thématique.
Avez-vous des partenariats avec des maisons
d'édition ? Avec des médias ?
70
Certaines maisons d'édition me proposent de m'envoyer
des livres, mais je n'accepte que très rarement. Il faut que cela colle
à mes thématiques de lecture, à mes envies du moment...
Quel place donnez-vous à l'auteur dans vos
contenus ?
J'adore en interviewer dans mes hors-séries ! Sur les
épisodes normaux, je suis toujours hyper contente quand un auteur
découvre que son livre est sur PILE et qu'il m'envoie un petit mot. Le
jour où Sophie Fontanel m'a complimentée sur ma voix,
j'étais en joie !
Quelles sont vos audiences ? Les analysez-vous
?
Je regarde peu les statistiques et ne communique pas tellement
sur mes audiences, mais disons que PILE fait partie des podcasts
littéraires (natifs) les plus écoutés...
Connaissez-vous le profil type de vos
auditeurs.rices ?
Pas vraiment, non
Echangez-vous avec eux ?
Oui, sur les réseaux sociaux, et c'est un vrai bonheur
!
Comment avez-vous fait/faîtes-vous
connaître votre podcast ?
Je compte beaucoup sur le bouche-à-oreille, je pense
que c'est le plus efficace en termes de recommendation, mais sinon, les
réseaux sociaux... J'ai aussi eu la chance d'avoir des articles dans de
grands medias comme Lire, ELLE,
lemonde.fr, Telerama...
Que pensez-vous du podcast comme nouveau moyen de
communication pour le livre ?
Je trouve que c'est un formidable moyen de faire entendre les
voix du monde du livre, les auteurs bien sûr, mais aussi les
passionnés, les libraires, les éditeurs... Mais il faut que cela
reste une approche authentique et sensible pour que les auditeurs.rices s'y
retrouvent.
En quoi cela diffère de l'offre radio
déjà présente ?
L'offre radio est déjà très
intéressante, mais la liberté qu'offre le podcast permet
d'explorer des terrains inconnus...
71
C) Graphiques, données et pourcentages
72
73
D) 74
Captures écrans de l'étude
quantitative
E) Analyse des comptes Instagram de La Page Blanche,
Pile et Primo :
IDENTITE
|
La Page Blanche : @lapageblanche_podcast 96 publications
777 abonnements
|
NOMBRE ABONNES
|
1073 abonnés
|
FREQUENCE DE PUBLICATION
|
Environ 3 fois par semaine
|
TYPES DE PUBLICATION
|
Sortie d'épisode (des trois podcasts d'Emilie) Partage
de citations extraits d'épisodes du podcast La Page Blanche, mais aussi
des
deux autres podcasts qui n'ont pas de comptes
dédiés
|
REACTIONS AUDIENCE
|
Nombre moyen de mentions j'aime = 66 Nombre moyen de commentaire
= 2
|
RATIO / TAUX ENGAGEMENT
|
(693/1073) X 100 = environ 64 %
|
ANALYSE
|
Remarque : la fréquence du nombre de posts pour La Page
Blanche est d'environ un par mois
Remarque 2 : moins d'abonnés que Pile mais ceux-ci
réagissent plus.
|
Dans ses stories à la une, il y a une section «
interviews » pour retrouver des extraits avec des visuels auteurs.
Emilie répond à chaque commentaire et les
aime également.
75
IDENTITE
|
Primo : @primopodcast 190 publications 42 abonnements
|
NOMBRE ABONNES
|
1394 abonnés
|
FREQUENCE DE PUBLICATION
|
Une fois par semaine
|
TYPES DE PUBLICATION
|
En ce moment : chroniques des 3 livres (partages de posts de
lecteurs et lectrices) ;
partage d'épisodes, de rencontres
et d'interviews.
|
REACTIONS AUDIENCE
|
Moyenne d'environ 24 mentions j'aime Moyenne d'environ 0,8
commentaires
|
RATIO / TAUX ENGAGEMENT
|
(251/1394) X 100 = 18 %
|
ANALYSE
|
Compte qui fait office de « vitrine » pour le
podcast et maintenant pour les trois livres des primo-romanciers.
Toujours des stories à la Une avec des extraits du
podcasts, des informations sur les auteurs, les livres et les
événements.
Remarque : un compte très lié au groupe Editis.
On retrouve en ce moment dans la bio du compte, le #LisezChezVous mis en place
par le groupe Editis depuis le début du confinement. De plus, dans la
bio se trouve
toujours la mention des comptes de @nouvellesecoutes
@robertlaffont (les deux créateurs du podcasts) ainsi que ceux des trois
autrices @alexandra.ughetto @albane.l et @h.e.l.e.n.e.v.
Conclusion : compte lié à plusieurs
entités, non indépendant.
|
76
IDENTITE
|
Pile : claire.Jéhanno (anciennement
@pile le podcast)
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NOMBRE ABONNES
|
2814
|
FREQUENCE DE PUBLICATION
|
3 fois par semaine
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TYPES DE PUBLICATION
|
Partage d'idées de lecture
Partage de sortie d'épisodes
Photos d'elle en lisant
Photos de lieux liés aux livres ou non
|
REACTIONS AUDIENCE
|
Nombre moyen de mentions j'aime = 104 Nombre moyen de
commentaires = 4
|
RATIO / TAUX ENGAGEMENT
|
(1093/2814) X 100 = 38 %
|
ANALYSE
|
Avant : le compte était au nom de Pile. Il a
changé pour pouvoir partager des choses plus personnelles et aussi se
montrer en tant que Claire Jéhanno ; et pas seulement partager des
choses liées à Pile.
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VIII) Note de synthèse
Le lien entre l'oralité et la littérature a
toujours existé. Dans l'Antiquité, ces deux entités
étaient liées et permettaient un transfert de savoirs.
Aujourd'hui, alors que les nouvelles technologies nous permettent d'avoir
accès à la moindre information, le podcast recrée ce lien
en proposant à l'individu une écoute et une attention, à
la fois personnalisées et accessibles à tous et à
toutes.
Le podcast fait désormais partie de nos vies. À
la même échelle que la musique, il peut s'écouter partout
et à tous moments. Il rentre au coeur des réflexions des marques
et plateformes d'écoute, devenant l'outil indispensable. Son
côté polyvalent attire et séduit. On peut écouter un
podcast sur le féminisme, puis en écouter un deuxième sur
un fait d'actualité. Aucun sujet n'est mis de côté. La
littérature est donc elle aussi au coeur des préoccupations du
podcast : podcast de fiction et de non fiction. Les maisons d'édition et
acteurs du livre ont donc dû appréhender ce nouvel outil, et cela
de manières différentes. Des groupes, déjà
sensibilisés à des nouvelles pratiques, ont fait de l'audio leur
coeur d'innovation et se sont mis à créer plusieurs podcasts avec
l'aide de studios de production spécialisés dans le podcast.
D'autres maisons ont choisi d'utiliser ce nouvel outil de manière plus
originale, sur un laps de temps ou encore via un format unique.
Le podcast littéraire a trouvé son public mais
également ses créateurs et créatrices. Des amateurs et
amatrices ont créé leurs podcasts littéraires, de la
même façon que, des lecteurs et lectrices avant eux et elles,
avaient créé leurs blogs littéraires. Ainsi, ils et elles
se sont mis à parler de livres, mais également à
accueillir des auteurs et autrices.
Bien plus qu'un simple moyen de prescription
littéraire, le podcast est devenu un nouvel endroit d'échanges et
de création littéraire. La liberté donnée à
ce format et la transformation possible de celui-ci attire de plus en plus. Le
contenu de certains podcasts donne publication à des livres papiers,
pendant que certaines histoires ne sont créées qu'au format
podcast donnant lieu à des podcasts de fiction et remplaçant
ainsi un format papier.
En somme, le podcast n'a pas encore fini de se
développer et d'innover. De nouveaux changements, de pratiques et de
créations, vont très certainement arriver au fur et à
mesure des années à venir. Le podcast, et donc le podcast
littéraire, est une pratique à surveiller et à laquelle il
est alors important de continuer à s'intéresser.
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